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4. TECHNOLOGIES DE L’INFORMATION ET DE LA COMMUNICATION (TIC) ET RÉDUCTION DU CHÔMAGE DES DIPLÔMÉS SUPÉRIEURS AU BURKINA FASO Jean Sanon ; Hervé Kafimbou Résumé Le problème de chômage est gravement ressenti dans les pays en développement du fait qu’il concerne surtout ceux-là mêmes qui de par leur capacité productive pourraient contribuer à doper la croissance du produit national : les jeunes. Pire, de plus en plus les jeunes, à la fin de leurs études supérieures, peinent à trouver un premier emploi. Aujourd’hui, après les résultats plutôt mitigés des différentes actions engagées par le gouvernement telles que la promotion du secteur privé et les mesures d’incitation à l’auto-emploi des jeunes au Burkina Faso, les TIC semblent offrir de nouveaux moyens pour s’attaquer au problème de chômage. Un engouement est né autour de leur capacité à réduire le chômage. Cependant, la question de savoir comment cela se fera est loin de trouver une réponse satisfaisante. L’objet de cette étude est de rechercher des pistes de réponse à cette interrogation. Des résultats de l’étude, il ressort que malgré leur faible taux d’appropriation, les TIC, en fonction du niveau d’utilisation, contribuent à l’accroissement de la productivité des entreprises et à créer des emplois qualifiés. L’estimation de la fonction logit en prenant en compte deux catégories de variables (caractéristiques individuelles et caractéristiques de l’accès et utilisation des TIC) a permis de savoir que pour les diplômés, les TIC constituent un instrument de facilitation de leur insertion sur le marché de l’emploi. Au vu de ces résultats, les TIC représentent un bon levier pour doper la croissance, créer des emplois et faciliter l’insertion des jeunes qualifiés dans le marché de l’emploi. Les pouvoirs publics doivent donc veiller à la diffusion des TIC dans toute l’économie nationale. Mots clés : TIC, chômage, diplômés supérieurs Abstract The problem of unemployment is serious in the developing countries due to the fact that it relates especially to those (young people) who, by their capacity to produce could contribute to dope the growth of the national income. More and more young people, at the end of their studies, pain to find the first employment. Today, after the rather mitigated results of the various actions engaged by the government such as the promotion of the private sector and the incentives to the car-employment of the young people in Burkina Faso, the ICTs seem to offer new means to attack the problem of unemployment. A passion was born around their capacity to reduce unemployment. However, the question of knowing how that

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4. TECHNOLOGIES DE L’INFORMATION ET DE LA COMMUNICATION (TIC) ET RÉDUCTION DU CHÔMAGE DES DIPLÔMÉS SUPÉRIEURS AU BURKINA FASO

Jean Sanon ; Hervé Kafimbou

Résumé Le problème de chômage est gravement ressenti dans les pays en

développement du fait qu’il concerne surtout ceux-là mêmes qui de par leur capacité productive pourraient contribuer à doper la croissance du produit national : les jeunes. Pire, de plus en plus les jeunes, à la fin de leurs études supérieures, peinent à trouver un premier emploi.

Aujourd’hui, après les résultats plutôt mitigés des différentes actions engagées par le gouvernement telles que la promotion du secteur privé et les mesures d’incitation à l’auto-emploi des jeunes au Burkina Faso, les TIC semblent offrir de nouveaux moyens pour s’attaquer au problème de chômage. Un engouement est né autour de leur capacité à réduire le chômage. Cependant, la question de savoir comment cela se fera est loin de trouver une réponse satisfaisante. L’objet de cette étude est de rechercher des pistes de réponse à cette interrogation.

Des résultats de l’étude, il ressort que malgré leur faible taux d’appropriation, les TIC, en fonction du niveau d’utilisation, contribuent à l’accroissement de la productivité des entreprises et à créer des emplois qualifiés.

L’estimation de la fonction logit en prenant en compte deux catégories de variables (caractéristiques individuelles et caractéristiques de l’accès et utilisation des TIC) a permis de savoir que pour les diplômés, les TIC constituent un instrument de facilitation de leur insertion sur le marché de l’emploi.

Au vu de ces résultats, les TIC représentent un bon levier pour doper la croissance, créer des emplois et faciliter l’insertion des jeunes qualifiés dans le marché de l’emploi. Les pouvoirs publics doivent donc veiller à la diffusion des TIC dans toute l’économie nationale.

Mots clés : TIC, chômage, diplômés supérieurs

AbstractThe problem of unemployment is serious in the developing countries due to

the fact that it relates especially to those (young people) who, by their capacity to produce could contribute to dope the growth of the national income. More and more young people, at the end of their studies, pain to find the first employment.

Today, after the rather mitigated results of the various actions engaged by the government such as the promotion of the private sector and the incentives to the car-employment of the young people in Burkina Faso, the ICTs seem to offer new means to attack the problem of unemployment. A passion was born around their capacity to reduce unemployment. However, the question of knowing how that

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will be done is far from finding a satisfactory answer. The object of this study is to seek tracks of response to this interrogation.

Resulting from the study, it arises that in spite of their weak rate of appropriation, the ICTs, according to the level of use, contribute to the increase in the productivity of the companies and to create qualified jobs.

The estimate of the function “logit” by taking into account two categories of variables (individual characteristic and characteristic of the access and use of the ICTs) made it possible to know that for the graduates, the ICTs constitute an instrument of facilitation of their insertion on the labour market.

Within sight of these results, the ICTs represent a good lever to dope the growth, to create jobs and to facilitate the insertion of young qualified people in the labour market. The authorities must thus take care of the diffusion of the ICTs in the whole national economy.

Key words : ICTs, unemployment, graduates

Problématique

Après les indépendances, les Etats ont surtout cherché à combler leur déficit en facteur capital dans la perspective de rattrapage économique. Cela a non seulement contribué à leur endettement mais aussi à mettre au second plan le facteur travail pourtant essentiel pour l’amélioration des revenus des population et la lutte contre le chômage. A ce propos, Thorbecke et Stoutjesdijk (1971) écrivaient qu’ « Au cours des dix années à venir, l’un des plus graves problèmes qui risque de se poser aux pays en voie de développement est celui du chômage et du sous-emploi. Il y a encore peu de temps que, les gouvernements de ces pays cherchaient surtout à augmenter le revenu moyen par habitant (…) il leur importait assez peu d’augmenter les possibilités d’emploi et d’arriver à une meilleure redistribution du revenu.

Aujourd’hui cette prédiction se confond bien à la réalité socioéconomique des pays en développement tel que le Burkina Faso. En effet, bien que le PIB/tête augmente, l’indice de pauvreté et le taux de chômage ne font que s’accroître. A titre illustratif, pendant que le taux de croissance du PIB au Burkina Faso s’établissait à 5,4 pourcent, l’indice de pauvreté et le taux de chômage, eux, étaient estimés respectivement à 43 pourcent et à 18,32 pourcent (INSD, 2006) Mais en plus du chômage, il faut noter que le sous-emploi constitue également un des principaux freins à l’amélioration de la situation sur le marché du travail, affectant 67 pourcent des actifs. Ainsi, près de 2,7 millions sur plus de 4 millions (IRD 2005) de personnes sont en situation de sous-emploi : au chômage, en activité mais gagnant moins que le salaire horaire minimum (sous-emploi invisible) ou travaillant moins de 35 heures contre leur gré (sous-emploi visible). Ouagadougou détient la plus forte proportion, avec près de trois quarts des personnes actives se trouvant dans cette situation.

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Pour expliquer ce chômage des jeunes, leur manque d’expérience et de qualification a été considéré comme facteur essentiel déterminant.

Cependant, au fil des années le constat quant au chômage des jeunes demeure (et va en s’aggravant) bien que le système éducatif fournisse de plus en plus de diplômés (Wetta, H. Kafimbou & A. Yerbanga, 2005). En effet, le chômage touche davantage les jeunes et concerne de plus en plus la couche la plus instruite (IRD 2005) comme le témoigne bien le tableau suivant :

Tableau 1 : Evolution de la demande d’emploi adressée à l’ONPEAnnée 1998 2000 2002

Demandeurs d’emplois non instruits ou ayant au plus le BEPC ou le BEP en pourcentage

0,85 0,82 0,76

Demandeurs d’emploi ayant au moins le BAC en pourcentage

0,15 0,18 0,24

Source : Auteurs à partir du Rapport d’activités 1998-2002 de l’ ONPE

Ce tableau ne dépeint qu’une infime partie de la réalité, tous les demandeurs d’emploi ne s’inscrivent pas à l’ANPE. Beaucoup ignorent d’ailleurs l’existence d’une telle institution de placement.

Suivant ce tableau, au fil du temps alors que le chômage1 des moins diplômés diminue, celui des individus disposant au moins du BAC augmente. Ce qui est paradoxal et en contradiction avec la théorie du capital humain développée en 1964 par Becker2.

Ainsi, même si globalement, la scolarisation en reste un facteur positif, les diplômes universitaires n’apparaissent pas comme une garantie absolue contre le chômage. En outre, les chômeurs et surtout les plus jeunes, qui se montrent assez souples quant à la nature de l’emploi qu’ils recherchent, aspirent en revanche à des rémunérations nettement supérieures à celles perçues par les individus en exercice, ayant le même niveau de qualification. Il existe donc un profond décalage, source de sévères désillusions, entre les projets professionnels et les opportunités réelles d’emplois.

1- Il s’agit ici des demandes d’emploi non satisfaites.2- Le capital humain se définit comme l’ensemble des capacités productives qu’un indi-

vidu acquiert par accumulation de connaissances générales ou spécifiques, de savoir-faire, etc. La notion de capital exprime l’idée que c’est un stock immatériel imputé à une personne pouvant être accumulé, s’user. Il est un choix individuel, un investissement personnel.

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Or, de nombreuses recherches ont mis en évidence une relation négative entre l’exclusion d’une partie de la population du marché du travail (peu importe la raison) et la richesse collective, d’une part et d’autre part, entre l’exclusion et l’accumulation individuelle à long terme (Wetta, H. Kafimbou & A. Yerbanga, 2005) De ce fait, réduire la pauvreté qui est passée de 43,3 pourcent en 1994 à 45,3 pourcent en 1998 puis à 46,4 pourcent en 2003 ne nécessite-il pas d’offrir d’abord des emplois aux couches sociales inoccupées? Et cela dans l’objectif d’accroître dans un premier temps la quantité de richesse disponible pour procéder dans un second temps à une meilleure redistribution de cette richesse dans le sens de la réduction de la pauvreté.

Cette manière de concevoir la lutte contre la pauvreté et pour le développement se fonde sur le fait que l’emploi est le moteur de la création de richesses et, donc, créer de la richesse par des emplois aptes à réduire la pauvreté reste primordial pour les pays en développement où vivent la majorité des pauvres de la planète.

Par conséquent, le défi qui se pose aux pays en développement en général et au Burkina Faso en particulier est d’intégrer la masse de la population au chômage dans le processus de production de richesse. En d’autres termes, c’est la question de la pleine utilisation des facteurs de production, ici le travail, qui est posée.

Face à ce problème, les décideurs publics ont tenté d’apporter des solutions. Malheureusement, les politiques initiées jusque-là dans ce sens n’ont pas permis de juguler le phénomène comme en témoigne l’adage populaire qui dit que « Chercher de l’emploi en soi est un emploi au Burkina Faso, à la différence qu’il n’est pas rémunéré.»

Aujourd’hui, l’évolution vertigineuse des technologies de l’information et de la communication (TIC) comme l’Internet, annonce ou fait miroiter une révolution économique et sociale très profonde dans les pays en développement. En effet, au cours des deux dernières décennies, la plupart des pays développés ont connu des changements significatifs attribuées aux TIC qui regroupent l’ensemble des ressources nécessaires pour manipuler l’information et particulièrement des ordinateurs et programmes nécessaires pour la stocker, la convertir, la gérer, la transmettre et la retrouver3. Ces changements multidimensionnels sont observés dans presque tous les domaines de la vie.

C’est pourquoi, ils laissent percevoir de nouvelles perspectives, de nouveaux moyens pour, de façon générale, accélérer le développement socio-économique de l’Afrique et en particulier celui du Burkina Faso et spécifiquement de contribuer à résorber le chômage des diplômés. A cet effet, (Crédé et Mansell, 1998) affirmaient déjà que les TIC revêtiront une importance cruciale pour le développement durable dans les pays

3- http://fr.wikipedia.org/wiki/NTIC du 02/08/07

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en développement. Aussi, les questionnements suivants nous semblent bien indiqués et méritent qu’on leur trouve des pistes de réponse :

Comment s’effectueront ces changements socioéconomiques par les TIC et pour le développement de l’Afrique ? Plus spécifiquement, comment les TIC peuvent-elles aider à juguler le chômage des jeunes disposants d’une qualification supérieure au Burkina Faso ?

Les TIC, dans les pays développés, ont joué un rôle fondamental dans l’évolution de la façon de travailler, d’échanger, d’apprendre. L’Afrique doit prendre conscience des atouts qu’ils représentent et tenter de rattraper son retard sur le reste du monde. Cette exigence guide et fonde les objectifs de cette étude en plus du fait qu’il n’existe que très peu d’études s’attachant à comprendre non seulement les relations entre TIC et emplois déjà existants mais également le développement de «nouveaux métiers» (new and evolving). La plupart des recherches disponibles au Burkina Faso concernent les relations classiques, notamment le rôle de l’informatique dans la gestion de l’entreprise ou ont porté soit sur la contribution des TIC à la qualité de l’enseignement (Florent 2006; Lacroix 2005; Somé 2004) soit sur leur utilisation dans la médecine.

Objectifs de l’étudeAfin de contribuer à aider les décideurs africains, notamment ceux du

Burkina Faso, à mieux comprendre les dynamiques autour des TIC, l’objet principal de cette étude est de mettre en valeur les canaux à travers lesquels les TIC peuvent contribuer à la création d’emploi et à l’insertion des jeunes diplômés sur le marché du travail. Il s’agit plus spécifiquement de :

- Estimer la contribution des TIC à l’accroissement de la productivité et à la création d’emploi dans les entreprises ;

- Évaluer l’accès des jeunes diplômés aux TIC;- Recenser les domaines d’intérêt des jeunes dans l’utilisation des TIC ;

Cette étude se veut d’abord une contribution à la littérature en matière d’impact possible des TIC sur la promotion de l’emploi au Burkina Faso. Cependant, les résultats auxquels elle parviendra pourront aider (ou servir de tremplin) à la formulation de politiques publiques visant à amplifier le rôle facilitateur des TIC dans la promotion et la création d’emploi et partant contribuer aussi à réduire la pauvreté.

Pour ce faire, elle est construite autour de deux principales présuppositions.

Hypothèse de rechercheLes deux hypothèses suivantes ont constitué le fil conducteur de cette

recherche :

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La première stipule que le potentiel de réduction du chômage à travers la diffusion des TIC dans l’économie réside dans leur capacité d’accumulation et de production d’informations. Il est admis aujourd’hui que la recherche d’emploi est d’abord une recherche d’information.

La seconde suppose que l’utilisation des TIC par les entreprises améliore leur productivité et leur produit global et induit un besoin de recrutement pour pouvoir maintenir la production et répondre à la demande. Cette hypothèse formule également de manière implicite que les TIC offrent de nouveaux débouchés et de nouveaux partenaires commerciaux augmentant ainsi la demande adressée aux entreprises locales.

MéthodologiePour atteindre les objectifs visés, la présente étude s’est fondée sur une

approche méthodologique comportant deux grandes étapes qui sont :

La recherche et l’analyse documentairesCette première étape a consisté à faire l’état des lieux sur le sujet et

de mieux s’informer sur les théories et les recherches existantes afin de mieux conforter les hypothèses et d’orienter le travail vers la recherche des courroies de transmission entre développement des TIC et création d’emploi et insertion des diplômés dans le marché de l’emploi.

La collecte et l’analyse des données Cette étape a permis de vérifier empiriquement les hypothèses de

recherche et la théorie qui les sous-tend. Pour ce faire, les données secondaires sur l’emploi et les TIC provenant de l’INSD et des structures officielles chargées de la promotion des TIC ont été exploitées dans un premier temps. Elles ont été complétées par une enquête quantitative et qualitative de terrain menée dans la ville de Ouagadougou. Ainsi, un questionnaire, élaboré conformément aux objectifs de l’étude et à la revue de la littérature, a été administré à 600 diplômés ou étudiants, pour évaluer leur niveau d’appropriation et appréhender le bénéfice qu’ils retirent de l’usage des TIC.

Un guide d’entretien a été élaboré et administré aux employeurs pour estimer le niveau d’intégration des TIC dans la gestion quotidienne de leur entreprise dans l’optique de mieux percevoir les liens entre l’utilisation des TIC et la promotion/création d’emploi. A cet effet, 100 établissements ou entreprises formelles, c’est-à-dire disposant d’un numéro IFU4 et établissant régulièrement une comptabilité, ont composé l’échantillon sur lequel a porté l’étude.

La participation au marché du travail dépend de plusieurs facteurs, notamment le milieu de résidence, le niveau de vie, mais surtout l’âge

4- Identifiant fiscal unique

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et le niveau d’éducation/formation. La prise en compte de ces éléments commande une analyse de sensibilité. Une telle analyse est davantage spécifiée par les modèles économétriques. Le modèle binaire d’offre de travail met en évidence la probabilité de participation au marché du travail selon les facteurs ci-dessus évoqués, tandis que le modèle polytomique suggère que le choix des segments du marché du travail est fondé sur un processus non aléatoire. C’est pourquoi, le modèle binaire a été utilisé dans cette étude pour nous permettre de déterminer les facteurs pouvant améliorer la probabilité de participation de la population jeune au marché du travail sous l’influence des TIC. Recours a été fait également à la statistique descriptive pour non seulement saisir la fréquence d’apparition de certains phénomènes mais aussi leur poids.

L’étude a été réalisée à Ouagadougou, capitale politique du Burkina Faso. Ce choix se justifie par le nombre élevé de cybercafés qu’on y trouve. Ouagadougou, en effet, est la localité où le rapport population ayant accès aux TIC sur la population totale est le plus élevé. C’est la ville qui compte également le nombre d’établissements d’enseignement supérieur le plus élevé. Enfin selon l’institut international d’études sociales, 25 pourcent des chômeurs vivent en ville.

Cette recherche ayant aussi pour objectif de contribuer à un meilleur éclairage de la prise de décision dans le domaine de la réduction du chômage en misant sur les TIC, elle est organisée comme suit : une première section essaie, théoriquement, de recenser les canaux par lesquels les TIC peuvent contribuer à promouvoir l’emploi au Burkina Faso. La deuxième section, quant à elle, est consacrée à la présentation des résultats de la recherche. Elle offre l’opportunité de faire des propositions de politiques et stratégies de promotion d’emploi pour les diplômés du supérieur.

Les TIC et la promotion de l’emploi : aspects théoriquesLes médias nous parlent des TIC5 de plus en plus de diverses façons:

c’est la télévision numérique, c’est le câble et le téléphone par fibre optique, ce sont les satellites, l’ordinateur, etc. La plus spectaculaire illustration de cette révolution est sans doute le réseau Internet. Les TIC ont considérablement changé la manière de vivre de ceux qui y ont accès qu’on se demande si ces technologies, qui sont notamment promues au

5- Les TIC sont généralement regroupés dans les secteurs suivants :- L’équipement informatique, serveurs, matériel informatique- La microélectronique et les composants- Les télécommunications et les réseaux informatiques- Le multimédia- Les services informatiques et les logiciels- Le commerce électronique et les médias électroniques

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nom d’une plus grande liberté et d’une plus grande autonomie, tolèrent la liberté de ne pas s’en servir (Authier, 2001) Référer dans la bibliographie

La diffusion des TIC aujourd’hui est telle qu’il n’y ait plus un secteur d’activité qui ne recourt pour telle ou telle fonction, tel ou tel besoin à des technologies de l’information et de la communication. Cependant, la recherche scientifique s’est peu penchée sur la relation TIC et emploi. Dans ce contexte, la revue de littérature essaie de faire un panorama de l’état de la recherche sur les liens possibles entre TIC et emploi et les principaux apports seront considérés comme un référentiel de départ. Ce travail s’appuie notamment sur un corpus théorique tel que la théorie du capital humain, la théorie de l’information, la théorie de la croissance endogène, etc.

Pour la théorie du capital humain, avec Becker (1964) notamment, la formation est un déterminant fort dans la productivité du travail et par ricochet dans la recherche de l’emploi. Or, le progrès technique (dont les TIC) se traduit par une modification de l’activité économique (essor de certains secteurs et déclin d’autres) et de l’emploi (changement de l’organisation du travail, nouvelles qualifications), c’est pourquoi les économistes font valoir le lien étroit existant entre les TIC et le marché du travail. Le progrès technique se traduit par des innovations dans les techniques de production mais aussi au niveau des biens de consommation d’où une demande qui conduit à une plus grande production et donc à des emplois.

D’autre part, le progrès technique se traduit par un accroissement de la productivité. Cet accroissement peut déboucher sur une baisse des prix, un accroissement de la demande et ainsi de la production et de l’emploi. Il peut augmenter les marges de profits des entreprises d’où plus d’investissements, plus de production et de l’emploi. Il peut également permettre une augmentation des salaires qui stimulera la consommation, la production et l’emploi. Il a été observé également un effet probable sur la réduction du temps de travail avec une hausse de l’emploi en compensation. L’hypothèse sous-jacente à cette analyse est que le progrès technique observé dans le domaine de l’information et de la communication réduit considérablement les coûts de conventions, d’où la répercussion sur le prix de revient des biens et services. Cependant, même si certains économistes admettent l’effet positif du progrès technique sur l’emploi, ils affirment qu’il n’est visible qu’à long terme. A court terme, il est possible d’observer un effet d’éviction sur la création de l’emploi.

La théorie de l’information se situe quant à elle au cœur de la microéconomie moderne et considère que l’emploi des TIC réduit considérablement le coût de l’information. En référence à la théorie du job search ou chômage prospectif, l’individu procède à un calcul coût-avantage lors de sa recherche d’emploi. L’information étant imparfaite, il

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peut être avantageux pour lui de prolonger sa période de chômage afin d’acquérir le maximum d’information sur les postes disponibles. Il arbitre entre, d’une part, le coût (perte de revenus pendant qu’il est au chômage, coûts de l’information, etc.) et, d’autre part, le revenu futur d’un emploi meilleur. C’est là que la théorie de l’information souligne toute l’importance des TIC qui interviennent en réduisant le temps de prospection du marché et les coûts de recherche de l’information ainsi que ceux liés à l’attente d’embauche. Aussi, l’information perd de plus en plus de « bruit » et n’est plus transmise de manière diffuse. Grâce à Internet, une certaine quantité d’information est disponible en même temps pour les agents économiques (à condition bien sûr qu’ils y soient connectés).

En résumé, du point de vue théorique, les TIC constituent un levier important de dynamisation du marché du travail en ce sens, qu’ils contribuent directement à la création d’emploi, à l’émergence de nouvelles professions et indirectement à de nouvelles embauches dans les entreprises qui, suite à l’accroissement de la production induite par l’utilisation des TIC, doivent embaucher pour maintenir le rythme de production. Les TIC théoriquement assurent la disponibilité de l’information sur le marché du travail, ils réduisent donc le coût de la recherche d’information aussi bien pour les demandeurs de travail que pour les demandeurs d’emploi. Il reste maintenant à vérifier empiriquement ce qu’il en est au Burkina Faso.

Présentation des résultats de l’étude

Au-delà de la société d’information créée par les TIC, se trouve le produit de l’information par lequel on espère créer à moyen terme un grand nombre de professions et d’emplois. La pratique de la communication électronique, la capacité de créer et de rechercher de l’information, fondent l’autonomie du citoyen de demain et conditionnent son insertion sociale et professionnelle (Lehman, 1998).

L’objet de cette section est d’apprécier l’apport ou le potentiel des TIC à créer de l’emploi et à faciliter l’insertion des jeunes diplômés dans le marché de l’emploi au Burkina Faso.

Les entreprises étant le moteur de la création d’emploi et de richesses, il est indiqué d’évaluer tout d’abord l’impact de la diffusion et du développement des TIC sur leur potentiel à créer l’emploi. Ensuite il sera question de l’insertion des diplômés sur le marché de l’emploi au moyen des TIC ; cela passe nécessairement par la mesure de l’accès de cette couche sociale aux TIC.

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Les TIC, la productivité des entreprises et la création d’emploi

L’appréciation de l’impact des TIC sur la productivité des entreprises et la création d’emploi exigent de faire un état des lieux des TIC au Burkina Faso. Ainsi, de façon générale, la situation des TIC peut se résumer au Burkina Faso à travers le tableau suivant :Tableau 2 : Etat des lieux des TIC au Burkina Faso

Intitulé Intensité ou pourcentage Année

2001 2003 2006

Télédensité globale 2,25 tel/100 hbts

Lignes publiques pour 100 hbts 0,55

Nbre de pers raccordées au réseau téléphonique 132 600

Nbre de lignes de téléphonie fixe 57 600 66 339 97 400

Nbre d’abonnés au réseau de téléphonie mobile

75 000 239 590 soit 2 cel/100 hbts 572 500

Nbre d’ordinateurs 17 000 30 000

Nbre de serveurs Internet

704 soit 0,58/10 000 hbts

Utilisateurs Internet 21 000

Nbre de télécentres4 101 dont

5 820 lignes téléphoniques

Nbre de fournisseurs d’accès Internet 06 10

Sources : Ouedraogo S. (2004), Africa computing (2002), INSD (2007)6.

La lecture du Tableau 2 renseigne que l’intégration des TIC au Burkina Faso est encore embryonnaire. En plus, elle se caractérise par de fortes disparités spatiales entre la zone urbaine et celle rurale. En fait, les statistiques habituellement mises en avant d’une ligne pour 100 habitants, par exemple, tiennent compte de tous les espaces confondus. Or, la

6- Ouedraogo S., (2004). Etat des lieux des politiques de développement du sous-secteur des Tic au Burkina Faso. Africa computing (2002), Le Burkina Faso en statistiques

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télédensité urbaine est beaucoup plus importante que celle des zones rurales. Au Burkina Faso, l’accès des zones rurales au téléphone est très limité et en 1999, il n’y avait qu’une ligne pour 2 000 habitants.

La technologie ADSL, qui permet d’avoir un haut débit, est disponible depuis 2005, mais le coût d’accès reste relativement élevé comparé au niveau de vie de la population. Par conséquent, son accès est limité à la catégorie de la population la plus aisée.

Cette faible diffusion des TIC au Burkina Faso s’explique, entre autres, par un environnement technologique peu favorable, ajouté à la faiblesse des ressources financières. En effet, seulement soixante quatre localités (communes) sont électrifiées actuellement par la SONABEL même s’il faut noter que cinq autres communes à savoir Diapangou, Goughin, Baskouré, Dapélogo et Loumbila sont en cours d’électrification et qu’en outre, dans le cadre de l’électrification rurale, quinze à vingt localités seront électrifiées chaque année sur financement du Fonds de Développement de l’Electrification.

En matière de télécommunication, toutes les communes urbaines sont couvertes par le réseau de téléphonie fixe de l’ONATEL, et seulement 121 sur les 302 communes rurales sont desservies par le réseau automatique de télécommunication rurale. Par contre, le territoire national est couvert à plus de 75 pourcent par la téléphonie mobile gérée par trois opérateurs que sont Telmob, Telecel et Celtel.

Contrairement à cette faible diffusion des TIC au Burkina Faso, la forte croissance entre 2000 et 2003 du nombre d’utilisateurs Internet, d’abonnés au téléphone portable et du nombre d’ordinateurs témoigne de l’intérêt des burkinabé pour les TIC. Il est donc bien justifié de saisir l’impact de la diffusion des TIC sur les activités des principaux utilisateurs et l’économie burkinabé de façon générale.

Nombre d’études (notamment l’OCDE 2004) sur la croissance ont conclu que les TIC constituaient un facteur déterminant de la productivité et de la croissance. Cela est vérifié dans les pays où la diffusion des TIC a atteint un certain niveau. Par contre, dans les pays sous-développés où l’appropriation des TIC par les entreprises est encore embryonnaire, leur impact sur la croissance et particulièrement sur la création d’emploi reste à vérifier.

C’est l’objet de cette sous-section qui présuppose que les TIC peuvent accroître la productivité des entreprises induisant ainsi la création d’emploi pour les demandeurs d’emploi qualifiés.

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Les TIC et la productivité des entreprises

L’hypothèse que les TIC peuvent contribuer à promouvoir l’emploi pour les diplômés est sous-tendue par le fait que les métiers ou emplois qu’elles créent directement ou indirectement. Les nouvelles exigences quant à la manière de travailler sont sources de disqualification et d’exclusion du marché du travail des employés non qualifiés. En effet, ces technologies n’ont pas encore inventé une méthode de production permettant d’intégrer les personnes faiblement qualifiées. L’emploi créé par les TIC va donc bénéficier prioritairement aux offreurs de travail disposant d’un niveau de qualification élevé.

Au terme des entretiens menés auprès des chefs d’entreprises, il ressort que l’utilisation des TIC a permis à 45 pourcent des entreprises enquêtées d’améliorer leur rentabilité. Et tout en reconnaissant la difficulté de quantifier cet apport des TIC, les responsables d’entreprise estiment que l’augmentation du chiffre d’affaire induit par l’intégration des TIC varie entre 15 pourcent et 20 pourcent par an. Cette affirmation bien que difficile à confirmer par un indicateur fiable témoigne tout de même que selon les chefs d’entreprise, l’investissement de façon générale en TIC a permis d’augmenter leur productivité. La suite des entretiens a donc consisté à savoir comment se manifeste cet apport des TIC dans l’amélioration de la productivité de l’entreprise.

La productivité est une mesure de l’efficacité du système productif. Elle est appréhendée à travers le ratio où le numérateur représente la production ou la richesse créée et le dénominateur représente les facteurs de production. La productivité des facteurs peut s’accroître sous l’effet d’une augmentation de la quantité de production à quantité de facteurs donnés ou sous l’effet d’une diminution du besoin de facteurs à niveau de production donnée. Cette étude s’est limitée à ces deux aspects pour apprécier l’impact de la diffusion des TIC sur la productivité des entreprises.

Les TIC permettent d’augmenter la production à quantité constante de facteurs de productionA l’analyse des informations recueillies par l’entretien, il ressort que

l’apport des TIC à l’amélioration de la productivité de l’entreprise sans modification du plan de production s’est matérialisé par une meilleure organisation du travail, un meilleur suivi et contrôle des activités et une baisse sensible des coûts de certaines consommations intermédiaires.

Les performances d’une entreprise dépendent grandement de sa capacité à gérer l’information concernant non seulement son marché mais avant tout son fonctionnement interne. Les TIC, en facilitant la gestion de l’information, permettent d’externaliser et de mettre en concurrence certaines tâches, ce qui conduit corrélativement à des gains d’efficacité.

Aussi, 40 pourcent des entreprises soutiennent que l’utilisation des logiciels de gestion et de programmation a permis de mieux organiser leur

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travail, de mieux planifier les tâches et les activités dans l’entreprise. Ces logiciels ont permis également et plus spécifiquement une gestion plus juste et transparente de la comptabilité et des ressources humaines dans 80 pourcent des entreprises qui utilisent des logiciels à cet effet.

Les TIC ont permis en outre à toutes les entreprises enquêtées de réduire leurs coûts de communication pour le même niveau de communication comme le témoigne KAMBOU de « TRANSICO », société de transit, qui dit : Avant la création de notre flotte, je dépensais plus de cinq cent mille (500 000 FCFA) de frais de téléphone par mois parce que j’ai des agents non seulement dispersés à Ouagadougou mais également à Bitou et à Sinkansé et on ne pouvait se joindre que par téléphone. Aujourd’hui, je dépense en communication téléphonique à peine 150 000 F CFA.

L’augmentation de la production à plan constant de production est encore plus saisissable dans le domaine de l’audiovisuelle où selon Ouédraogo, cinéaste burkinabé, « le numérique a permis de doubler la production cinématographique au Burkina Faso parce qu’il a entraîné une réduction très nette des coûts de production ces dernières années.»

Enfin, la fluidité de l’information au sein de l’entreprise à travers l’interphone a contribué à augmenter le temps de travail réel des employés selon 90 pourcent des entreprises qui disposent de cet instrument. L’augmentation du temps de travail conduit nécessairement à l’amélioration de la productivité.

Les TIC entraînent une diminution du besoin de facteurs à niveau de production donné

A ce niveau, les logiciels sont d’un apport indéniable de façon générale selon les chefs d’entreprise. Certaines tâches qui se faisaient indépendamment peuvent désormais se réaliser de façon intégrée. C’est par exemple l’intégration de la gestion des ressources humaines et de la paie à travers le logiciel Cegid paie GRH utilisé par 40 pourcent des entreprises de l’échantillon.

En plus, l’évolution des outils numériques permet de réduire le coût de stockage ou de conservation des documents. Pour TANOU, « le remplacement, aujourd’hui de la disquette par le CD-ROM ou la clé USB permet une conservation mille fois plus facile et une mobilité des données extraordinaire et avec moins de risque …cela a permis aussi une diminution des charges dans notre entreprise. »

Aussi, de plus en plus, il n’est point besoin de se déplacer physiquement pour prospecter le marché en vue de trouver des débouchés. Tout cela participe à la réduction des coûts et charges de production des entreprises à travers l’économie de temps, la réduction des déplacements pour

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recherche d’information. Le commerce électronique utilisé seulement par 10 pourcent des entreprises contribue aussi à la diminution du besoin de facteurs de production. A ce niveau, il convient de mentionner ce témoignage qui montre comment sans avoir accès au TIC, on peut quand même bénéficier de leurs avantages « …personnellement, je n’ai jamais touché à une machine mais un jour ma fille, étudiante en économie, est venue me dire qu’elle a communiqué avec une femme sur l’Internet, qui voulait de la farine de mil qu’elle avait goûtée une fois au SIAO. Finalement je lui en fourni en grande quantité chaque mois depuis 2005. Mes recettes par an ont plus que triplé»7

La diffusion des TIC telle que illustrée par les deux exemples ci-dessous a contribué à améliorer la productivité des entreprises. Mais au delà de la productivité, les TIC ont un impact sur les activités des entreprises.

Cela se manifeste d’abord par l’ouverture sur le monde qu’offrent les TIC notamment le réseau Internet qui permet la rencontre d’un grand nombre d’offreurs et d’acheteurs. Le commerce électronique autorise l’obtention à coût réduit des informations sur les produits et leur prix contribuant ainsi à intensifier la concurrence. Tout cela se ressent en fin de compte sur l’activité réelle des entreprises qui utilisent cet instrument comme c’est le cas de Karbougou, des entreprises de production et d’exportation de beurre de karité (EPEB) : « depuis 2003, nos ventes ont augmenté de plus de 50 pourcent suite à la demande que nous recevons de l’extérieur et généralement par le contact pris à travers notre site WEB. »

Le lien entre l’intégration des TIC et l’augmentation de leur productivité étant révélé, il convient de savoir maintenant quel à été l’impact de ce processus sur la création d’emploi ?

Les TIC et la création d’emploiLa relation investissement en TIC et création d’emploi qualifié a été

révélée par l’étude, même si elle demeure encore faible. Ce qui a fait dire à Traoré que « l’impact de l’intégration des TIC sur l’emploi est non seulement un effet diffus, à moins qu’il ne s’agisse d’emploi hautement qualifié en TIC8, mais aussi dépend du secteur et même de l’intensité de l’utilisation des TIC ». L’avis de Traoré est représentatif de la tendance dégagée dans cette étude. En effet, dans les cas où l’investissement en TIC a entraîné une création d’emploi, cela s’est opéré après constatation de l’amélioration des résultats de l’entreprise et ensuite pour soutenir le rythme de croissance, les entreprises ont été obligées d’embaucher davantage. Selon les statistiques recueillies, l’emploi créé grâce aux TIC représente seulement 10 pourcent de l’effectif des entreprises de

7- Mme Sangaré : fabrique de la farine de bouillie à base de petit mil8- En rappel, l’objet n’est pas de mettre en évidence la relation TIC et emploi hautement

qualifié en TIC, ce qui serait évident, mais de montrer que l’investissement en TIC permet de créer des emplois destinés prioritairement à des actifs disposant au moins du BAC.

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l’échantillon étudié ces trois dernières années, soit 1 010 emplois en effectif absolu. Aussi, 70 pourcent de ces emplois créés ont été attribué à des demandeurs d’emploi disposant au minimum du DEUG II.

Les services constituent le secteur où l’apport des TIC en terme de création d’emploi a été le plus sensible. Le domaine du cinéma a bénéficié fortement de création d’emploi grâce au numérique. Cependant, ces emplois qui ont concerné dans la plupart des cas des comédiens dont le niveau d’instruction est relativement faible, n’ont pas été comptabilisés dans cette étude même s’il faut noter que de plus en plus, les cinéastes essayent de faire jouer des comédiens disposant d’un niveau d’instruction et de culture acceptable afin de maîtriser leur rôle.

En conclusion, la diffusion des TIC a eu un faible impact sur la création d’emploi. Cela s’explique en grande partie par leur faible niveau d’intégration dans la vie courante des entreprises. Mais les perspectives semblent bonnes du fait que la plupart des entreprises admettent que les TIC ont ou pourraient avoir un impact significatif sur leur productivité. Du reste, pour 85 pourcent des entreprises, l’investissement en TIC est indispensable pour le développement de leurs activités. Les chefs d’entreprise souhaitent en outre que l’Etat prenne des mesures pour une large diffusion des TIC afin de moderniser tous les secteurs de production et partant accélérer la croissance économique tout en créant des emplois.

De plus, la politique de recrutement des entreprises indique que la modernisation des entreprises va s’accompagner d’une demande de travail de plus en plus orienté vers des ressources humaines qualifiées disposant notamment au moins du BAC. En effet, pour Kouraogo, « …de plus en plus, les emplois d’agents de liaison, de gardien qui ne nécessitent aucun niveau d’instruction et de connaissance en informatique diminuent fortement dans les entreprises …» Et pour confirmer cette affirmation, sur un total de 450 offres d’emploi publiées dans les quotidiens « L’observateur Paalga » et « Le pays », 430 soit 0,95 pourcent exigeait un niveau minimum de BAC et des connaissances en informatique particulièrement les logiciels Word et Excel.

Comme on le constate, même si l’impact de la diffusion des TIC sur la création d’emploi reste faible, ne pas prendre en compte ces technologies signifie aujourd’hui limiter ses chances d’accéder au marché du travail. La familiarisation des étudiants demandeurs ou futurs demandeurs d’emploi avec les TIC est donc importante pour leur insertion dans le marché du travail.

II.3- Accès des étudiants aux TICLa diffusion des TIC a tendance à déplacer la demande de travail au

détriment de la main d’œuvre peu qualifiée. De ce fait, leur développement peut participer à la réduction du chômage des diplômés. Dans tous les cas, leur méconnaissance ou leur non maîtrise constitue de plus en plus un critère d’exclusion du marché du travail. Les offreurs de travail ont donc tout à gagner en se familiarisant avec les TIC.

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1.-Niveau d’accès ou d’utilisation des TIC par les étudiants

Les étudiants semblent avoir compris que les TIC sont indispensables à bien des égards pour ne pas être considérés comme « nouveaux analphabètes ». Ainsi, en fonction de leurs moyens, 90 pourcent des étudiants enquêtés disposent au moins d’un outil numérique. L’outil le plus utilisé est tout naturellement le téléphone portable possédé par 80 pourcent des étudiants. Seulement 30 pourcent ont accès à l’ordinateur régulièrement par l’intermédiaire d’un tiers (parents, amis, etc.) ou sont propriétaire de l’ordinateur. La clé USB ou le CD-ROM sont utilisés la plupart du temps par les étudiants des second et troisième cycles. Signalons que 53 pourcent des étudiants enquêtés disposent d’un mail et ont donc accès à l’Internet à 5 pourcent à domicile, 20 pourcent à travers un tiers (au bureau d’un parent ou d’un ami) et à 75 pourcent dans un Cyber Café.

L’intérêt des étudiants pour les TIC peut être appréhendé à travers les dépenses qu’ils réalisent en TIC chaque année et suivant les résultats de l’enquête, ils dépensent en moyenne et par an 80 000 FCFA essentiellement pour la communication téléphonique, la navigation et l’achat de téléphone portable. Ce qui représente 48,48 pourcent du Fonds National pour l’éducation et la recherche (FONER) accordé aux étudiants sans bourse du second cycle et plus de 61,53 pourcent de l’aide attribuée aux étudiants non boursiers du premier cycle. Au delà de l’aspect financier, il convient de noter que les étudiants qui ont accès à Internet y consacrent chaque semaine en moyenne quatre heures.

Tableau 3 : statistiques croisées entre sexe de l’étudiant et possession adresse électronique

Possession d’adresse électronique Total

non ouiSexe de l’étudiant F 101 81 182

M 129 177 306Total 230 258 488

Source : Auteurs/données d’enquête

Environ 53 pourcent des enquêtés déclarent posséder un courriel, avec 44 pourcent des filles contre 58 pourcent pour les garçons. Ces statistiques ne présentent pas un manque d’intérêt pour les filles mais plutôt une curiosité dans l’utilisation plus poussée de ce moyen de communication chez les garçons.

2.-Pourquoi cet intérêt des étudiants pour les TIC ?Les TIC constituent des outils d’échange et de communication

interactive, d’information et de recherche et même de formation. Les

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centres d’intérêt des étudiants dans l’utilisation des TIC sont résumés dans le tableau 4 à travers les dépenses relatives qui y sont consacrées :

Tableau 4: Intérêt des étudiants dans le surf Internet, version WordIntérêt Proportion d’étudiants (%)

Echange et communication 46,31

Divertissement 18,23Recherche, études,connaissances 68,23

Recherche emploi 28,27Informations générales 73,56

Source : Auteurs/Données d’enquête

La faible proportion des étudiants qui surfent aux fins de divertissement montre bien que l’usage des TIC est très utilitaire à leur niveau. Les recherches liées aux activités académiques, la culture individuelle et à l’emploi sont les mobiles forts qui poussent les étudiants à investir dans les TIC.

3.-Cet usage des TIC a-t-il comblé les attentes des étudiants ?Dans le cadre de l’amélioration des connaissances, de leur manière

d’apprendre et de disposer de plus de documentation pour améliorer les cours reçus, 90 pourcent des étudiants, notamment ceux qui utilisent l’Internet sont satisfaits. Par contre, ils reconnaissent à 70 pourcent que les TIC facilitent le contact, diminue le coût de la recherche mais l’impact réel des TIC sur l’insertion dans le marché du travail n’est pas marqué jusque là. Et enfin, à l’unanimité, les étudiants sondés estiment que méconnaître totalement l’usage de l’informatique aujourd’hui est un facteur d’exclusion du marché du travail.

Afin de saisir la perception des étudiants sur l’apport des TIC en terme de création d’emploi et de réduction de chômage, nous avons utilisé un modèle logit qui a pris en compte deux catégories de variables explicatives suivantes :

• les variables liées aux caractéristiques individuelles de l’étudiant (âge, sexe, niveau d’éducation, relations sociales, déjà postulé à un emploi) ;

• les variables liées à l’accès et à l’utilisation des TIC (accès au net, possession d’équipement

• numérique, somme dépensée pour les TIC, type d’institution d’enseignement fréquentée).

La forme fonctionnelle du modèle logit utilisée pour la régression est la suivante :

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avec :Debemp, la variable donnant la perception des étudiants sur la capacité

des TIC à leur créer un emploi. Deptic, qui donne une estimation des dépenses moyennes par mois

en TIC des étudiantsNetaces, la variable de mesure d’accessibilité à Internet (1 si l’étudiant

y a accès et 0 sinon)Netemp, la variable de recherche d’emploi à travers Internet (prend

en compte la recherche de modèle de CV, de lettre de motivation et de guide pour un entretien d’embauche). Elle est une variable binaire qui prend 1 si oui et 0 si non

Equipnum, la variable binaire qui prend 1 si l’enquêté utilise des équipements numériques et 0 s’il n’est en contact avec aucun équipement numérique.

Ecole, c’est le type d’établissement supérieur fréquenté (université publique =1 ou institut supérieur privé =0)

Ocuprem, qui prend la valeur 1 si l’étudiant a une occupation rémunérée et 0 sinon (sans occupation en dehors des études ou occupé sans être rémunéré pour la dite occupation)

Les résultats de l’estimation économétriques sont consignés dans le tableau 5 ci-contre.

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Tableau 5 : Résultats de la régression économétriqueVariables Coef z-stat

Caractéristiques individuelles

Sexe 0,2651496* (0,1297544) 1,76

Age 0,054303*** (0,0109964) 2,72

Age 2 0,008839 ***(0,010032) 3,14

Niveau d’éducation 0,1517086 ** (0,0547218) 2,42

Relations sociales/Promesse emploi -0,2586132ns (0,0705644) -1,20

Occupation rémunérée -0,130759 ns (0,009562) -0,89

Accès et utilisation des TIC

Accès net 1,532145 ***(0,0636775) 3,01

Equipements numériques 0,1878039 * (0,3764002) 1,83

Dépenses TIC 0,0132012*(0,0918668) 1,97

Type d’école -1,387474 ***(0,2354241) -3,25

Mail 0,118878 ns (0,146084) 0,79

net emploi 0,9413221***(0,1713404) 2,99

Constante -0,58389*(0,392843) -1,65

Nombre d’observations 427LR Chi2 (12) 67,49Pseudo R2 0,1368-Log 213,30075

Note: *** (**) (*) significatif à 1%, 5% et 10%, ns=non significatifSource : Compilation des auteurs/Données d’enquêtes régressées sur Stata 8.2

Tableau 6 : Table de predictionClassifié D ~D Total

+ 308 99 407- 6 14 20

Total 314 113 427

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Les résultats de l’analyse économétrique soutiennent que toutes les caractéristiques individuelles en dehors des relations sociales ont une influence positive et significative sur la perception selon laquelle les TIC constituent un débouché d’emploi pour les jeunes. La non significativité de la variable représentant les relations sociales s’expliquerait notamment par le fait que les TIC peuvent constituer une alternative pour ceux qui ont un faible capital relationnel et ne comptent que sur leurs propres capacités. Les relations sociales de l’étudiant jouent comme un intermédiaire efficace qui fait que sa qualification et ses compétences ne sont plus exigés par le marché parce que déjà révélées par l’intermédiaire qui produit un effet de mise en contact avec l’employeur. C’est ce à quoi ont abouti les sociologues Degenne et al (1991) et Marry (1992). Il est maintenant admis que dans un environnement marqué par des défaillances marchandes constatées sur le marché du travail, le contact d’amis et de relations reste le seul moyen qui augmente la probabilité de trouver un emploi, surtout pour des primo-demandeurs.

Les étudiants, plus que les étudiantes, pensent que les TIC peuvent les aider dans leur quête d’emploi. L’explication d’une telle observation est à rechercher dans les relations sociales. L’analyse statistique a révélé que les étudiantes avaient beaucoup plus de relations que les étudiants.

La variable niveau d’éducation est liée positivement à la variable explicative. Toute chose qui suggère que le rôle positif des TIC comme facilitateur de l’insertion des étudiants sur le marché du travail va croissant avec le niveau d’études atteint par les enquêtés. Cela est probablement dû à la facilité qu’ont les étudiants du deuxième et du troisième cycle d’accéder à l’ordinateur pour les travaux de laboratoire et les travaux pratiques. Ce résultat confirme la position de Keil (1984) et Adnett (1987) dans leur analyse du marché du travail. Tout semble indiquer que le diplôme maintient son rôle de support dominant d’intermédiation, en l’absence d’autres indicateurs fiables et pertinents des compétences de son titulaire, contrairement à ce que pourrait laisser penser la modification de la structure de l’offre d’emploi passée du presque monopole Etat-employeur au privé-employeur.

Conformément aux prédictions de la théorie de la recherche d’un emploi, les étudiants enquêtés, qui qu’ils soient, développent un comportement actif. Ils agissent en fonction de leurs caractéristiques et de leur capital relationnel au lieu d’attendre l’emploi comme une aubaine du ciel. Toutefois, le sexe apparaît comme un critère discriminant dans la perception de lien entre TIC et opportunités d’emploi dans la mesure où les individus de sexe masculin semblent accorder un rôle plus important aux TIC dans leur quête d’emploi. Le capital relationnel faible des étudiants

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par rapport à leurs collègues féminins semble contraindre les premiers à ne compter que sur la qualification et les compétences personnelles. Le fait d’avoir une occupation rémunérée rend les enquêtés indifférents à l’apport des TIC dans l’insertion des diplômés sur le marché du travail, c’est ce qui explique la non significativité de la variable correspondante.

L’accès à l’Internet et aux équipements numériques augmentent l’occurrence de réponse positive concernant la relation entre l’accès et l’utilisation des TIC et la possibilité d’avoir un emploi. Ceci confirme d’ailleurs le fait que les dépenses diverses dans les TIC soient positivement liées à la variable explicative. On peut penser facilement que c’est parce que les étudiants ont la conviction que les TIC peuvent être le canal par lequel ils pourront vendre leur travail sur le marché, qu’ils prennent le risque de faire des dépenses qui y sont liées. L’Internet induit une grande circulation de l’information et aide à lever les rigidités informationnelles auxquelles on attribue généralement une grande part du chômage.

Conclusion

Les entretiens avec les chefs d’entreprises a mis en évidence le fait que les TIC disposent bien d’un potentiel à améliorer la productivité des entreprises, et partant la croissance et à dégager des emplois orientés de plus en plus vers des demandeurs d’emploi disposant au moins d’un diplôme supérieur. Cependant, leur large diffusion afin de profiter au maximum de leurs avantages est encore faible. Les responsables d’entreprises semblent disposés à augmenter leurs investissements en TIC et pour cela, ils souhaitent que l’Etat apporte son appui afin de contribuer à moderniser l’économie, à assurer la croissance et la création d’emploi.

Les étudiants de leur côté perçoivent l’utilité des TIC et sont même convaincus de leur caractère désormais incontournable et à même de faciliter leur insertion sur le marché de l’emploi.

Les autorités politiques burkinabé reconnaissent et apprécient à sa juste valeur l’utilité des TIC comme en témoigne la création du Ministère des Postes et des TIC. Cependant, jusque-là la diffusion des TIC de façon générale dans l’économie est faible. C’est pourquoi il semble que l’Etat pourrait prendre des mesures pour faire des TIC un vecteur de transformation pour stimuler la croissance économique. Cela passe nécessairement par l’accès du plus grand nombre à ces technologies. Pour ce faire, la fiscalité de porte relative à l’importation de ces technologies pourrait être revue à la baisse.

Ensuite et enfin, il sera indiqué d’encourager l’alphabétisation numérique et l’adoption des TIC dès l’école primaire afin que leur utilisation rentre dans les mœurs pour que la société puisse y tirer tout le profit possible.

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