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Carnet de voyage Roumanie 2016 Eddy Kosmala Ophélie Ribod Nathalie Simon Du 3 au 15 juillet 2016 Stage d’écologie de montagne réalisé dans le cadre du cursus en Biologie des Organismes et Ecologie, à finalité spécialisée en Biologie de la Conservation, Biodiversité et Gestion

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Carnet de voyage

Roumanie 2016

Eddy Kosmala Ophélie Ribod

Nathalie Simon

Du 3 au 15 juillet 2016

Stage d’écologie de montagne réalisé dans le

cadre du cursus en Biologie des Organismes

et Ecologie, à finalité spécialisée en Biologie

de la Conservation, Biodiversité et Gestion

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Introduction générale La Transylvanie et la plaine des Carpates, situées au centre de la Roumanie, figurent parmi les régions

d’Europe les plus intéressantes à visiter dans le cadre d’une formation en Biologie de la Conservation

(fig. 1). En effet, la plaine des Carpates est délimitée à l’Est et au Sud par une chaîne de montagnes,

les Carpates, et ses zones agricoles présentent une richesse spécifique très importante, non

seulement en plantes vasculaires, mais également en insectes. Cela est dû au mode d’agriculture

pratiqué dans ces régions (pour rappel, l’agriculture débute, en Roumanie, il y a 8000 ans, soit

environ 3000 ans plus tôt qu’en Belgique), qui consiste principalement en une gestion extensive des

terres, avec des régimes de fauche tardifs et de petites exploitations agricoles.

Figure 1 : Carte de la Roumanie, présentant la Transylvanie et les Carpates au centre du pays. Source :

http://mfs3.cdnsw.com/fs/Root/1rztc-web_romania_topographic_map.jpg

De plus, la Roumanie comprend également une surface de 100 000 km² de forêts primaires, abritant

certains grands mammifères, tels l’ours, le lynx ou le loup, non observables actuellement en

Belgique.

Au vu des richesses botaniques, animales, culturelles et patrimoniales existant encore aujourd’hui en

Transylvanie, ce stage de 12 jours (du 3 au 15 juillet 2016) s’intègre donc parfaitement à une

formation en Biologie de la Conservation, Biodiversité et Gestion. Le stage s’est déroulé dans 3

régions différentes de la Roumanie : les trois premiers jours de terrain ont eu lieu près de Saschiz, en

plaine, les 3 suivants près de Miercurea-Ciuc, en moyenne montagne, et les 3 derniers près de

Magura, en haute montagne. Ce rapport relate les caractéristiques des sites visités, les informations

qui y ont été données, la liste des espèces rencontrées et discute des différentes thématiques

abordées lors des visites.

Brève histoire de la Roumanie La complexité historique de la Roumanie a notamment permis la présence de nombreuses cultures

différentes, aux activités et coutumes bien distinctes. En effet, bien que les premières populations du

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pays aient été indo-européennes, ce sont les Empires et peuples voisins qui ont joué un rôle crucial

dans la formation de la Roumanie actuelle.

Au cours de l’histoire, la Roumanie a d’abord été conquise par l’Empire Romain, puis, entre le 12ème

et le 13ème siècle, par les Magyars (« Hongrois » ; ethnie originaire d’Asie). Ceci marque le début des

tensions entre Roumains et Hongrois. Le Saint Empire Germanique (les Saxons, minorité originaire

d’Allemagne, du Grand-Duché de Luxembourg, de France et de Belgique) et les Sicules (ethnie

parlant hongrois et liée aux Magyars) défendent d’ailleurs les Hongrois, et s’installent donc en

Roumanie par la même occasion, au détriment des Roumains. Des fortifications médiévales voient

ainsi le jour autour de certaines églises des villages saxons et sicules, telles que celles de Prejmer ou

de Viscri, pour défendre la frontière orientale de l’Empire Hongrois. L’alliance entre les trois

minorités (hongroise, saxonne et sicule) est par ailleurs renforcée et officialisée en 1437, par l’Unio

Trium Nationum, afin d’asseoir leur dominance sur le pays.

Malgré les tentatives infructueuses de révolution du peuple roumain, la première réussite

d’opposition a tout de même lieu au 19ème siècle, avec l’union de la Valachie et de la Moldavie,

formant la « Petite Roumanie ». La Transylvanie sera ensuite rattachée à cette union en 1918, suite à

la victoire lors de la Première Guerre Mondiale. S’en suit une période chaste, de démocratie

parlementaire, où l’économie du pays explose et permet au peuple roumain d’acquérir les mêmes

droits que ceux des minorités dirigeantes.

A la suite de la Seconde Guerre Mondiale, la Roumanie devient une monarchie, puis une république

communiste, mais qui en réalité s’apparentait à une dictature, dirigée en grande partie par N.

Ceausescu (1965-1989). Les terres agricoles ou forestières sont ainsi nationalisées et l’autogestion

est proscrite.

Aujourd’hui, malgré la chute du régime communiste et la transition vers une démocratie au sein de

l’Union Européenne (2007), la corruption reste très forte et l’instabilité économique actuelle fait de

ce pays l’Etat le plus pauvre de l’UE.

L’histoire de la Roumanie montre ainsi une cascade d’évènements menant à l’installation de

différents peuples, créant à la fois des inégalités entre ceux-ci et des « micro-territoires », où la

population majoritaire peut être saxonne, sicule, hongroise ou roumaine.

Géologie et formation des Carpates La formation des Carpates fait partie de l’orogenèse alpine et a eu lieu du Crétacé au Miocène. Ces

montagnes ont été formées par la collision de l’Europe avec d’autres fragments de plaques

tectoniques1. Un premier processus impliqué dans la formation des Carpates est donc le plongement

de la croûte océanique sous la croûte continentale, résultant en une compression et en un prisme

d’accrétion accumulant des sédiments marins au niveau de la zone de subduction entre les plaques.

Un autre scénario impliqué dans leur formation est celui des terranes, qui sont des morceaux de

croûte terrestre d’origines différentes, détachés des plaques tectoniques, qui deviennent contigus

ailleurs par la suite. D’une façon générale, c’est l’asthénosphère qui met les plaques tectoniques en

mouvement, résultant en un « chiffonnement » de la croûte en surface, formant les Carpates.

L’asthénosphère a ainsi poussé des morceaux de croûte terrestre situés à l’Est des Alpes vers la

Roumanie, formant l’arc des Carpates.

1. http://www.geo.arizona.edu/geo5xx/geo527.bck/Carpathians/index.html

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Depuis le Miocène, aucune expansion des plaques tectoniques n’est observée dans les Carpates.

Aujourd’hui, 3 types de roches sont présents dans ces montagnes : volcaniques, sédimentaires et

métamorphiques.

04 juillet 2016 La journée du 4 juillet est consacrée à la visite de la forêt de Breite, suivie d’un relevé botanique aux

environs de Saschiz et de la recherche du Stipa sp. à Mihai Viterazu.

Forêt de Breite (N46°12’49’’ ; E24°45’49’’ ; alt. 495m) La forêt de Breite, située à deux kilomètres à l’Ouest de Sighișoara, correspond à un « pré-bois » (fig.

2). Celui-ci est issu d’une succession d’événements alternant défrichements et pratiques

agropastorales, qui ont permis de maintenir le milieu ouvert. Suite à l’ouverture de la forêt initiale et

à l’abandon du pâturage qui a suivi, de grands chênes ont pu pousser librement sur ces terrains (fig.

3). Ces arbres peuvent être facilement distingués des chênes grandissant en forêt par la disposition

de leurs branches, qui s’étalent horizontalement dès la base, donnant à l’arbre une forme générale

plus ronde que ceux poussant en pleine forêt. Actuellement, le pré-bois de Breite est à nouveau

pâturé extensivement par différents animaux (moutons, cochons, etc.), comme en témoigne

l’absence de jeunes pousses d’arbres (broutées par le bétail). Le site est donc maintenu ouvert et

accueille également des ours, qui viennent s’y nourrir. Par ailleurs, il est constitué de nombreux

microreliefs, engendrant de petites variations climatiques associées à une faune et une flore

spécifiques. Il constitue ainsi une des zones de pré-bois les plus préservées de Roumanie.

Plusieurs espèces de plantes ont pu être observées sur ce premier site, notamment :

Stellaria graminea

Clinopodium sp.

Myosoton sp.

Centaurium erythraea

Lythrum salicaria

Cichorium intybus

Lysimachia nummularia

Figure 2 : pré-bois de la forêt de Breite. Photo : Nathalie Simon

Figure 3 : chêne ayant poussé librement, de forme générale assez arrondie. Photo: Nathalie Simon

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Plusieurs oiseaux intéressants étaient également

présents : bondrée apivore (espèce Natura2000), pie-

grièche écorcheur (espèce Natura2000, fig.4), grand

corbeau, pic vert, hirondelles rustiques et hirondelles

de fenêtre. Concernant les papillons, plusieurs demi-

deuils, tristans et azurés ont pu être observés.

Vanatori Est - Livada Poieninor (N46°14.137’ ; E24°56.230’ ; alt. 400m) Le paysage à proximité de Saschiz est constitué majoritairement de prairies de fauche et de

pâturages, au sein desquels des structures particulières en forme de « monticule » peuvent être

distinguées (fig. 5). Ces buttes, appelées movile, sont issues de glissements de terrain sur quelques

mètres carrés. Elles présentent une stratification de la végétation, telle que celle qui peut être

observée lorsque l’altitude augmente (gradient de sécheresse croissant).

Figure 5 : paysage typique des abords de Saschiz, avec ses prairies fleuries de haute valeur biologique. Ici, photo prise au sommet d'un monticule ou "movile". Photo: Nathalie Simon

L’association végétale présente sur le monticule de Vanatori Est (à Livada Poieninor) est de type

Festuco-Brometalia (pelouses sèches semi-naturelles et faciès d'embroussaillement sur calcaire). Ce

type de milieu comprend les pelouses steppiques ou subcontinentales, ainsi que les pelouses des

régions plus océaniques et subméditerranéennes. Ces dernières comprennent notamment les

pelouses secondaires, semi-naturelles, du Mesobromion, caractérisées par leur richesse en

Figure 4 : pie-grièche écorcheur observée dans le pré-bois de la forêt de Breite. Photo: Nathalie Simon

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orchidées2. Certaines espèces de plantes à fleurs spécifiques sont retrouvées dans ce type d’habitat

et ont été vues à Vanatori Est. Il s’agit de Centaurea scabiosa, Eryngium campestre et Polygala

comosa. Les autres espèces de plantes également recensées à Vanatori Est sont :

Achillea millefolium Adonis vernalis Agrimonia eupatoria Allium scorodoprasum Anthericum ramosum Aster amellus Briza media Bupleurum falcatum Campanula sibirica Carex humilis Chamaecytisus albus Dorycnium

pentaphyllum ssp. herbaceum

Echinops sphaerocephalus

Echium vulgare Erigeron annuus Filipendula vulgaris Galium verum Gentiana cruciata Hypericum elegans Hypericum

perforatum Inula ensifolia Knautia arvensis Lavatera thuringiaca Linum flavum Lotus corniculatus

Medicago sp. Plantago media Prunella grandiflora Prunella laciniata Rhinanthus rumelicus Salvia verticillata Scabiosa ochroleuca Securigera varia Stachys officinalis Stachys recta Teucrium botrys Tragopogon orientalis Trifolium arvense Veronica spicata

En plus de ces espèces de plantes, plusieurs flambés (Iphiclides podalirius) ont également été vus, qui

sont caractéristiques de ce type d’habitat2. Sur ce monticule particulier, aucune trace de fauchage ou

de pâturage n’a pu être observée.

Les relevés floristiques effectués sont riches en espèces. En effet, 42 espèces différentes ont pu être

inventoriées sur une surface de quelques centaines de mètres carrés. Cette richesse spécifique est

largement supérieure à celle qui peut être trouvée dans les prairies de Belgique.

Recherche de Stipa sp. à Mihai Viterazu

Après le relevé botanique effectué sur le monticule de Vanatori Est, nous partons à la recherche

d’une graminée particulière : Stipa sp. Nous la cherchons à Mihai Viterazu, sans la trouver. En

revanche, 4 autres espèces ont pu être observées :

Hippophaë rhamnoides (ou argousier), arbuste venant de l’Himalaya ;

Festuca valesiaca ;

Salvia verbenacea (détermination incertaine) ;

Sambucus ebulus, une espèce de sureau herbacé.

05 juillet 2016 Le 5 juillet commence par un nouveau relevé botanique dans la région de Saschiz, suivi de la visite

d’une bergerie, de l’observation d’une fauche traditionnelle et, en soirée, d’une observation d’ours

en compagnie de notre guide locale, Diana, et de son mari.

Vanatori Ouest - Deatul Dealul Furcilor (N46°13'58" ; E24°54'37") Le site visité en matinée le 5 juillet est semblable aux prairies prospectées le 4 juillet aux alentours de

Saschiz (fig. 6). La flore y est assez comparable. Toutefois, 7 nouvelles espèces ont pu être observées

à Vanatori Ouest :

2. https://inpn.mnhn.fr/docs/cahab/habitats-declines/6210_a.pdf

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Aster amellus

Carex humilis

Gentiana cruciata

Hypericum elegans

Hypericum

perforatum

Prunella grandiflora

Stachys recta

Figure 6 : site visité à Vanatori Ouest. Photo : Nathalie Simon

19 espèces vues à Vanatori Est n’étaient toutefois pas présentes à Vanatori Ouest. Il s’agit de :

Anagadis arvensis Astragalus

glycyphyllos Campanula patula Cichorium intybus Dianthus

carthusianorum Eryngium planum

Festuca valesiaca Lathyrus tuberosus Linum hirsutum Loncomelos

brevistylus Picris hieracoides Melampyrum

cristatum

Robinia pseudoacacia Salvia pratensis Salvia verbenacea (?) Scabiosa columbaria Senecio jacobaea Thalictrum lucidum Thalictrum minus

À Vanatori Ouest, 54 espèces de plantes à fleurs ont ainsi été déterminées.

Plusieurs espèces d’oiseaux ont également pu être observées. De nombreuses pies-grièches

écorcheurs étaient notamment visibles sur le site, favorisées par un paysage parsemé de buissons

épineux tels que l’aubépine. Par ailleurs, la présence de grands saules le long d’un cordon humide a

permis de contacter plusieurs loriots d’Europe. En plus de ces deux espèces, la tourterelle des bois, le

grand corbeau, l’épervier d’Europe, le butor étoilé, l’alouette lulu, le pipit des arbres, les hirondelles

rustiques et de fenêtre, la buse variable, le guêpier d’Europe, le bruant proyer, l’alouette des champs

et le bruant jaune ont également pu être entendus ou observés. Quelques mammifères ont

également parcouru la zone, tels le renard roux ou le chevreuil, ainsi que de nombreux papillons,

dont les demi-deuils et les fadets communs.

Dans les ornières, plusieurs sonneurs à ventre jaune ont également pu être observés. Les têtards de

cette espèce étant gros et peu mobiles, ils utilisent des milieux aquatiques temporaires pour se

développer. Cela leur permet d’éviter les prédateurs, tels le dytique, qui s’installent habituellement

dans les zones humides plus évoluées, présentant déjà une certaine végétation. Ces ornières peuvent

être créées par des traces d’engins forestiers ou par le piétinement des animaux.

Certains microreliefs étaient à nouveau présents sur le site. Ainsi, un microrelief plus humide a

permis l’installation d’une zone dominée par Filipendula vulgaris.

Certaines zones bien délimitées (par exemple N46°14.138’ ; E24°55.004’ ; alt. 480m) présentent des

traces d’amendement, signalées par la présence de 3 espèces : Trifolium repens, Holcus lanatus et

une espèce de fétuque rouge. Celles-ci témoignent d’un enrichissement du sol destiné à rendre la

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végétation plus appétante pour le bétail. Au-delà de ces zones, on retrouve la végétation riche

décrite ci-dessus. Près de la zone amendée identifiée, cinq nouvelles espèces ont également été

vues : Agrostis sp., Ferulago sylvatica, Melica ciliata, Potentilla recta et Vincetoxicum hirundinaria.

Une autre dégradation du milieu qui peut être observée est l’invasion progressive du robinier faux-

acacia (Robinia pseudoacacia).

Visite d’une bergerie familiale La bergerie visitée est une bergerie familiale tenue par un couple et leurs deux enfants, aidés de 2 à 3

employés. Leur cheptel est constitué de 600 moutons, auxquels s’ajoutent quelques dizaines de

moutons appartenant à d’autres villageois, qui paient ces fermiers pour s’en occuper à leur place. La

famille possède également quelques cochons, ainsi que des chèvres.

Organisation de la ferme :

En automne, les moutons se

reproduisent. Peu de lait est donc

produit par la ferme à cette période. Les

moutons restent toujours à l’extérieur, à

l’exception des agneaux, que les

propriétaires ramènent chez eux en

hiver. De même, les moutons

appartenant aux villageois retournent

chez ces derniers pendant la saison

hivernale. Au printemps, les agneaux

sont suffisamment grands pour être

vendus pour leur viande. Certains sont

toutefois gardés afin de maintenir stable

le nombre d’individus au sein du

troupeau. En été, les moutons sont traits

et les prés sont fauchés afin de constituer le stock de foin pour l’hiver. Ce foin est gardé sous bâche

afin d’en faire du tourteau. Les chèvres sont traites deux fois par jour (matin et soir), car elles

produisent moins de lait que les moutons, qui sont, eux, traits 3 fois par jour. Deux cents millilitres de

lait peuvent être produits par un mouton en une journée. Lors de la traite, c’est la mère de famille

qui « dirige les opérations » : elle guide les moutons et les chèvres vers le local de traite, dans lequel

les hommes traient les bêtes (fig. 7). Ce local de traite consiste en un abri en bois, au sein duquel 4

personnes peuvent s’asseoir et extraire le lait des animaux. Cet abri est orienté dans le sens inverse

de la pente, afin d’empêcher que les moutons ne s’en échappent avant d’avoir été traits.

Certains moutons ne sont pas traits : ils ont donc une masse plus importante que les autres, et seront

vendus. La race élevée dans cette ferme n’est pas destinée en priorité à la fabrication de laine. Les

principaux revenus de la ferme sont donc issus de la production de produits laitiers (fromages, fig. 8)

et de la vente de viande. Les fromages fabriqués sont vendus dans les villages alentours. Une partie

du lait est aussi vendue à une industrie laitière à Braşov, qui produit du lait en bouteilles. Un litre de

lait est vendu 2.6 lei, soit environ 0.60€. Une partie du lait est également exportée. En 3 mois, 20

tonnes de lait ont été vendues par la ferme. Même si la production de laine n’est pas l’activité

Figure 7 : traite manuelle des moutons dans une bergerie familiale de Transylvanie. Photo: Nathalie Simon

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principale de la ferme, les moutons sont tout de même tondus une fois par an et leur laine vendue

comme isolant.

Des aides financières sont versées par le gouvernement roumain pour supporter ce type

d’agriculture. Le montant de ces aides est fonction de la qualité de la parcelle et de l’usage qui en est

fait.

Les fermiers peuvent soit acheter leurs terrains soit les louer auprès de la municipalité. De plus, l’état

peut également fournir un certain nombre de parcelles.

Par rapport au passé, les troupeaux de moutons se sont agrandis, alors que le nombre d’agriculteurs

a, lui, diminué.

Figure 8 : 3 types de fromages produits par la bergerie familiale visitée. À gauche se trouve le fromage le plus frais. Avec

le lait qui s’en écoule lors du séchage, la famille produit un deuxième fromage, en haut de l’assiette de droite. Si le fromage de gauche est maturé encore quelques jours supplémentaires, on obtient un troisième fromage, à pâte plus

dure et sèche (en bas dans l’assiette de droite). Photo : Nathalie Simon

Observation d’une fauche traditionnelle La fauche s’effectue encore de manière traditionnelle en Roumanie. Certains agriculteurs fauchent à

la main (à l’aide d’une faux), alors que d’autres utilisent des engins motorisés. Toutefois, ceux-ci

restent assez rudimentaires. En fonction de la taille et de la pente des parcelles agricoles, l’une ou

l’autre méthode est utilisée. En effet, il n’est pas possible d’utiliser des machines sur des terrains trop

pentus et une fauche manuelle demanderait trop de travail sur des parcelles étendues.

D’une façon générale, la fauche s’effectue comme suit : une fois l’herbe coupée, elle est étendue sur

la prairie afin de sécher pendant 1 à 3 jours (en fonction de la météo). Pendant ce temps, l’herbe est

retournée afin de sécher correctement de tous les côtés. Ensuite, elle est andainée avant d’être

entassée en meule.

Alex, l’agriculteur rencontré, fauche ses

prairies deux fois par an : une fois en juillet

et une fois en septembre-octobre. Il établit

de petites meules sur ses prés, qu’il ramène

chez lui pour les stocker (fig. 9). Dans les

prés, ces meules ne sont pas couvertes, car

l’herbe sèche permet à l’eau de s’écouler

facilement sur les bords de la botte de foin.

Toutefois, certains fermiers couvrent quand

même le dessus de leurs meules.

Le père d’Alex l’aide encore à faucher. Sa

ferme comporte uniquement quelques

animaux destinés à subvenir aux besoins de

sa famille. Ceci est fréquent en Roumanie et

permet d’éviter aux familles de devoir Figure 9 : Alex en train d'entasser son foin sec en une petite

meule. Photo: Nathalie Simon

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acheter de la viande. Du fait de la petite taille de son exploitation agricole, Alex n’a pas besoin

d’acheter un plus gros engin agricole que celui qu’il utilise pour faucher ses champs. À côté de la

ferme, il possède un emploi dans une autre industrie. Son agriculture est donc uniquement une

agriculture de subsistance. Il est toutefois propriétaire des quelques terres qu’il exploite. Avant

l’hiver, il répand du fumier à base d’excréments sur ses parcelles pour les enrichir. Toutefois,

l’humidité hivernale (pluie et neige) lessive une partie de cet engrais, diminuant l’efficacité de

l’amendement.

Observation d’ours à Saschiz La soirée du 5 juillet est consacrée à l’observation d’ours venant se nourrir aux abords d’un champ de

froment. Nous nous camouflons sous un arbre fruitier au centre de la culture, à environ 100 mètres

de sa bordure. Là, au coucher du soleil, une femelle ourse ainsi que ses deux oursons sortent du

massif forestier pour venir se nourrir à la lisière du champ. Ces ours sont visibles pendant plusieurs

minutes, avant qu’ils ne regagnent le massif. Un sanglier a également été vu.

06 juillet 2016 La journée du 6 juillet commence par un relevé botanique aux alentours de Viscri, dans une prairie

steppique. Le reste de la journée est consacré à la visite de l’église fortifiée de Viscri et au trajet

jusqu’à notre deuxième lieu de logement, près de Miercurea-Ciuc.

Viscri - pelouse à Stipa sp. (N46°04,574’ ; E025°04.284’ ; alt. 617m au

sommet, exposition S/SO) Le site présente une zonation des conditions écologiques et de la végétation due à la pente et au

gradient hydrique (fig. 10). En bas de pente, le milieu est plus humide du fait d’un sol à tendance

argileuse retenant l’eau. Là où la pente augmente, on retrouve un milieu de type Festuco-Brometalia

(pelouse sur calcaire), auquel succède une pelouse steppique, là où la pente est la plus abrupte. Ce

milieu steppique correspond au stade climacique de la région. Aucune trace de fauchage ou de

pâturage n’est observable.

Figure 10 : site visité le 6 juillet, présentant une zonation des conditions écologiques et de la végétation due à la pente et au gradient hydrique. Photo : Nathalie Simon

Zone à Stipa sp. (forte pente)

Festuco-Brometalia

(pente intermédiaire)

Milieu plus humide en

bas de pente

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Sur la pelouse steppique, exposée

Sud/Sud-Ouest, une graminée particulière

pousse : Stipa sp. (fig. 11). Celle-ci est

aisément reconnaissable à ses longues

arêtes plumeuses portées par les akènes,

qui permettent la dispersion des graines

par le vent. Ces arêtes donnent un aspect

argenté à la plante lorsqu’elle est exposée

au soleil. De plus, les graines sont

également munies, à leur base, d’un

crochet leur permettant de s’accrocher à

la toison des animaux (dispersion par

zoochorie).

Plusieurs espèces de plantes sont

associées à ces pelouses à Stipa sp.,

notamment Allium ochroleucum (un ail des milieux subalpins), Asyneuma canescens, Dictamnus albus

(dont les graines sentent l’orange du fait des glandes particulières présentes sur les carpelles de cette

plante), Echinops ritro subsp. ruthenicus et Melica ciliata (graminée poussant sur les rochers, dont les

cils reflètent un peu le soleil comme Stipa sp.).

D’autres plantes, plutôt associées aux pelouses calcaires, ont également été observées sur le site :

Adonis vernalis Agrimonia eupatoria Allium scorodoprasum Anthericum ramosum Briza media Campanula sibirica Carex humilis

(caractéristique des milieux chauds, secs et calcaires)

Centaurea scabiosa Chamaecytisus albus Cichorium intybus Dianthus

carthusianorum Dorycnium

pentaphyllum ssp. herbaceum

Echium vulgare Eryngium campestre Galium verum Hippocrepis emerus ? Inula ensifolia Knautia arvensis Lathyrus tuberosus Lavatera thuringiaca Linum flavum Linum hirsutum Loncomelos

brevistylus Lotus corniculatus Medicago sp. Orobancha alba Picris hieracoides Plantago media Potentilla recta

Prunella laciniata Pyrus piraster Rhinanthus rumelicus Salvia verbenacea ? Salvia verticillata Scabiosa ochroleuca Securigera varia Senecio jacobaea Stachys officinalis Symphytum sp. Teucrium botrys Thalictrum minus Tragopogon orientalis Veronica spicata Vincetoxicum

hirundinaria

Quelques oiseaux ont également été entendus ou aperçus sur le site : loriot d’Europe, buse variable,

pie-grièche écorcheur, guêpier d’Europe, huppe fasciée, faucon crécerelle, faucon kobez et cigogne

blanche.

Figure 11 : Stipa sp. Photo: Eddy Kosmala

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07 juillet 2016 La journée du 7 juillet commence par une présentation générale, à l’auberge, de l’association

Pogány-havas. Nous partons ensuite, avec le directeur de cette association, visiter deux agriculteurs

dans la région. La journée se termine par la visite d’une coopérative de lait et par l’arrêt dans une

zone humide le long de la route principale, au sein de laquelle plusieurs épipactis des marais

(Epipactis palustris) ont pu être identifiés, ainsi que quelques sonneurs à ventre jaune. Le triton

endémique des Carpates, Lissotriton (Triturus) montandoni, que nous voulions observer à cet

endroit, n’a malheureusement pas été vu.

Présentation de l’association Pogány-havas L’association régionale de Pogány-havas travaille avec plusieurs personnes d’horizons différents. Elle

encourage les jeunes à monter leur entreprise à partir de leurs ressources personnelles, travaille avec

des fermiers et des conservateurs de la nature, et gère le réseau Natura2000 (90 000 hectares sont

gérés par l’association à ce jour). Elle a été fondée en 1999 par 11 ONG, 33 villages (réunis en 6

municipalités), 9 entreprises locales et le Harghita County Council.

Actuellement, les prairies de haute montagne sont en danger à cause des changements d’agriculture

et de la perte de sa gestion traditionnelle. Pourtant, les prairies semi-naturelles de Transylvanie

présentent une haute richesse spécifique et la gestion extensive des terres permet au système de se

maintenir. Les prairies de fauche montagnardes de Roumanie constituent une des régions les plus

diversifiées au monde : en-dessous de 100 m², elles sont le milieu le plus riche en plantes vasculaires

au monde. La région de Pogány-havas présente également ses propres caractéristiques :

Les habitants locaux ont une très bonne connaissance de l’écologie des milieux présents dans

la région. En effet, ils utilisent une grande variété de mots pour décrire les différents habitats

présents.

Le nombre d’espèces de plantes dans un quadrat de 16 m² est le 3ème plus important en

Europe, avec 81 espèces, et le deuxième plus important en Transylvanie.

Concernant les espèces de papillons, on en trouve autant dans une prairie de Pogány-havas

que dans tout le Royaume-Uni.

À Pogány-havas, 617 espèces de plantes ont été identifiées à ce jour, dont 63% dans les prairies.

Trente-huit espèces protégées internationalement ou nationalement sont présentes et 12 sont

endémiques. En moyenne, dans un mètre carré de pré de fauche, 40 espèces de plantes peuvent être

trouvées (max. 50 espèces). En comparaison, dans 1 m² de prairie abandonnée, le nombre d’espèces

diminue à 31 espèces. Dans un pâturage, en moyenne 30 espèces sont trouvées au m².

Les deux menaces principales pour la survie de ces prés de fauche de haute valeur biologique sont,

d’une part, l’abandon des terrains et, d’autre part, le changement d’utilisation des terres (dont le

surpâturage, qui diminue la biodiversité et augmente l’érosion). Dans la zone de Pogány-havas, en

2011, uniquement 14% des prés de fauche de la région avaient été fauchés, ce qui témoigne d’un

fort taux d’abandon des terrains. Les raisons de cet abandon de la fauche sont diverses, et

comprennent notamment la diminution du nombre de vaches et leur concentration chez de moins en

moins de propriétaires qui pratiquent une agriculture plus intensive. De plus, la distance parfois

importante entre les prés de fauche et les étables rendent la fauche des prés difficile (transport,

mécanisation, etc.). Or, l’abandon d’une prairie pendant 5 à 10 ans résulte en la perte de 30% de sa

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biodiversité ! Le changement d’utilisation des terres concerne surtout la conversion des prés de

fauche en pâtures. Le pâturage remplace en effet la nécessité de faire du foin et présente un

moindre coût que le fauchage. De plus, les mesures agri-environnementales encourageant le

pâturage sont presque du même montant que celles encourageant la fauche. Or, la richesse en

plantes est 25% moindre dans une pâture, par rapport à un pré de fauche.

Le région de Harghita, dans laquelle Pogány-havas se trouve, est divisée en deux zones : Ghimes (ou

Gyimes, en Hongrois), au Nord, et Ciuc (ou Csik, en Hongrois), au Sud. À Ciuc, un système de

coopérative a été mis en place, imposé par le communisme. Ce système alloue à chaque famille une

certaine période de temps pendant laquelle le pâturage a lieu (et donc la production de lait). À

Ghimes, ce système de coopérative n’existe pas : chaque famille dispose de sa parcelle (propriété

privée). Le relief montagneux de cette zone n’a pas permis de mettre en place une mécanisation

agricole, ce qui explique en partie sa différenciation avec le système de Ciuc. Les deux zones

produisent un fromage très frais, qui ne se garde pas plus de 3 semaines. L’association Pogány-havas

aide donc également les producteurs à développer une méthode leur permettant de faire un

fromage qui puisse durer plus longtemps, afin d’être vendu dans différents magasins.

Visite d’un agriculteur produisant le meilleur pain de la région Après la présentation de l’association Pogány-havas, nous sommes invités à visiter une ferme

traditionnelle appartenant à un agriculteur de 42 ans, y vivant avec sa femme et ses deux enfants. À

cette famille s’ajoutent 17 employés répartis en deux équipes, qui permettent à cette ferme de

produire un des meilleurs pains de la région. En 2007, une association avait invité plusieurs

producteurs locaux à vendre leurs produits sur un marché de Noël à Bucarest, invitation à laquelle

l’agriculteur visité avait répondu favorablement. Sur ce marché, il a ainsi pu vendre son pain, ses

jambons et saucisses, ainsi que du poisson (truite). Suite au succès important de ses ventes, il a voulu

commencer à vendre ses produits sur les marchés et magasins locaux. Étant donné que le pain est un

des produits les plus faciles à commercialiser (moins de permissions à obtenir), il s’est ainsi lancé

dans sa production. Aujourd’hui, il possède 5 fours à pain traditionnels, ainsi qu’une vingtaine de

vaches pour la fabrication de fromages à pâte dure, dans laquelle il s’est lancée il y a 3 ans. Il produit

également un peu de vin.

Le foin utilisé pour nourrir son bétail provient de la région, mais la farine de blé utilisée pour faire le

pain provient de Hongrie. Dans le plus grand four, il est possible de cuire jusqu’à 70 pains, de deux

kilos chacun. Deux sortes de pain sont cuits - blanc ou gris - et ceux-ci sont ensuite vendus dans un

rayon de 20 km autour de la ferme. Un pain coûte 14 lei, soit environ 3€. L’entièreté du processus de

fabrication dure environ 6 heures. La cuisson est d’une heure et demi.

Le pain produit contient notamment de la pomme de terre. Celle-ci a été ajoutée par tradition. En

effet, dans le temps, le blé était plus rare qu’actuellement. Ainsi, les paysans de l’époque ont

commencé à ajouter de la pomme de terre à la place, car celle-ci apportait non seulement du goût au

pain, mais également de la levure. Dans le cas d’une fabrication plus industrielle, c’est de la fécule de

pomme de terre qui est ajoutée à la pâte. La pomme de terre et son amidon permettent de garder le

pain humide, ce qui permet de le conserver sans problème jusqu’à une semaine.

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Visite d’un agriculteur traditionnel Le deuxième agriculteur visité le 7 juillet gère une ferme familiale possédant 12 vaches à lait (parmi

un bétail comportant 20 têtes), 3 cochons et 2 chevaux (pas de moutons). Cette ferme est associée à

une petite vingtaine d’hectares de terrain, comprenant 12 hectares de prés de fauche, 6 hectares de

pâtures et un hectare de cultures. Certaines parcelles appartiennent pleinement à l’agriculteur, alors

que d’autres sont détenues par la municipalité. Dans le temps, ce fermier possédait également

quelques terres arables supplémentaires pour cultiver des pommes de terre. Sur ses terrains, il

perçoit certains subsides européens pour soutenir son activité. Il s’agit ici d’une ferme familiale

pratiquant l’agriculture de subsistance, mais elle peut parfois employer une personne pour venir les

aider une journée ou une semaine. Toutefois, cette pratique n’est pas toujours utilisée car ce sont

généralement les fermiers qui ont des soucis avec leur propre ferme qui cherchent du travail chez les

autres. Avant, ce fermier vendait du fromage, mais la production n’étant pas suffisante, il n’en

fabrique plus que pour la consommation personnelle de la famille.

Dans la région de Ghimes, les prés de fauche se répartissent comme suit : certains se trouvent près

des habitations, alors que d’autres en sont un peu plus éloignés (sur ces derniers, aucun fumier n’est

répandu). D’une façon générale, les prés de fauche sont toujours situés près des habitations pour

faciliter le transport du foin. Viennent ensuite les pâturages, qui sont, eux, plus éloignés des maisons.

Ici, des clôtures délimitent les parcelles les unes des autres pour empêcher le bétail d’aller dans les

prairies voisines. Après les pâturages, c’est la forêt qui domine le paysage. Des différences peuvent

être observées dans la quantité et dans la texture du lait provenant des prés de fauche amendés ou

non. À partir des prés amendés, plus de lait peut être produit, mais celui-ci a une texture moins

dense que le lait provenant des prés de fauche non amendés.

Cet agriculteur vend du lait et de la viande. Le lait est vendu à une coopérative locale fondée il y a

deux ans pour relancer une ancienne industrie laitière qui vendait son lait à une multinationale de

Miercurea-Ciuc. En ce qui concerne le bétail, ce sont les animaux de moins de 100 kilos qui sont

vendus. Les autres sont amenés à l’abattoir, et le fermier reçoit un prix en fonction du poids des

animaux tués. Le problème est que l’abattoir se situe à 150 kilomètres du village…

Concernant l’interaction avec les grands prédateurs, les attaques de loup et d’ours sont rares. Les

ours viennent manger les fruits des arbres fruitiers en automne mais n’ont pas encore commencé à

manger de la viande provenant de la ferme (ce qui est bien, car une fois qu’ils commencent, ils

reviennent en général).

Si une espèce protégée est présente dans les prés de fauche ou les pâturages, aucune restriction ne

lui est appliquée ; l’agriculture traditionnelle et la fauche sont encouragées, de manière à maintenir

le statut de haute valeur biologique des prairies.

Coopérative de lait Après la visite des deux agriculteurs traditionnels, nous enchaînons avec la visite d’une coopérative

laitière fabriquant du fromage. Celle-ci a été ouverte il y a un an, à l’initiative de plusieurs fermiers

provenant essentiellement de 3 villages, qui voulaient tirer un meilleur profit de leurs productions.

Elle emploie aujourd’hui 6 personnes. Actuellement, il y a trois points de collection du lait. Celui-ci

est d’abord stocké dans un tank de 3000 litres et pesé. Après, il est pasteurisé, puis refroidit.

Viennent ensuite les phases de coagulation et de séparation entre la crème et les protéines, qui

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permettent de faire du fromage. Celui-ci est moulé en meules cubiques, qui sont pressées pendant

20 minutes sur deux faces. Enfin, le fromage est mis à sécher pendant deux jours, puis mature encore

pendant 60 jours. Avec un tank de 3000 litres de lait, environ 300 kilos de fromage peuvent être

fabriqués.

Actuellement, la coopérative fonctionne encore très localement, dans un rayon de 60 km. Mais le

gérant aimerait, à l’avenir, étendre ce périmètre de récolte du lait. Il voudrait également pouvoir

produire d’autres produits laitiers que le seul fromage, tels de la crème ou du lait en bouteille. En

effet, la coopérative ne produit aujourd’hui que du fromage. Toutefois, elle vend aussi certains

produits frais (crème, yaourts) provenant d’une autre compagnie, à laquelle elle est associée et à

laquelle elle fournit ses fromages afin que ceux-ci y soient vendus. Leurs branches de production sont

toutefois totalement distinctes.

En un an, la quantité de lait récoltée a doublé : elle est passée d’environ 1700 litres l’an dernier à

3000 litres aujourd’hui. Ce système de coopérative est avantageux pour les agriculteurs, puisque la

coopérative leur restitue 1.1 lei par litre de lait, contre en moyenne 0.8 lei/L ailleurs dans la région.

08 juillet 2016 La journée du 8 juillet est consacrée à un important inventaire botanique des différents niveaux de

végétation présents dans la moyenne montagne près de Miercurea-Ciuc, au niveau des prairies

submontagnardes de la passe de Ghimes. En fin de journée, nous nous arrêtons également dans une

zone humide bordant l’église de Saint-John.

Relevés botaniques en moyenne montagne Nous commençons d’abord par une randonnée pédestre depuis la passe de Ghimes (environ 1150

mètres d’altitude) jusqu’à la croix de Pogány-havas, à 1333 mètres d’altitude (N46°28'22'' ;

E25°54'03''). De là, nous effectuons ensuite 3 relevés de végétation, à 3 altitudes différentes

(décroissantes), dans les prairies submontagnardes du site.

Figure 12 : première prairie échantillonnée le 8 juillet, à 1333 mètres d'altitude. Photo: Nathalie Simon

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Le premier relevé a eu lieu au niveau de la croix de Pogány-havas, à 1333 mètres d’altitude

(N46°28'22'' ; E25°54'03'' ; fig.12). Les espèces relevées sont les suivantes (88 espèces) :

Achillea collinea Achillea millefolium Aconitum moldavicum Alchemilla sp. Allium ericetorum var.

purpurea Anthericum ramosum Anthyllis vulneraria Arenaria serpyllifolia Asperula cynanchica Astragalus sp. Astrantia major Betonica officinalis Brachypodium

pinnatum Briza media Bupleurum falcatum* Campanula glomerata Campanula

persicifolia Carduus elaster Carex lasiocarpa Centaurea scabiosa Chaerophyllum

hirsutum Cirsium erisithales Clematis recta Clinopodium acinos Deschampsia

cespitosa Dianthus

carthusianorum Digitalis grandiflora Epilobium

angustifolium Epipactis atrorubens

Euphrasia sp. Fagus sylvatica Festuco ovina Filipendula vulgaris Fragaria vesca Galium album Galium verum Genista tinctoria Geranium

sanguineum Helianthemum

nummularium Hieracium pilosella

sensus lato Hypericum

maculatum Hypericum

perforatum Hypericum richeri

subsp. grisebachii Juniperus communis Knautia arvensis Laserpitium latifolium Leucanthemum

vulgare Lilium martagon Lotus corniculatus Luzula luzuloides Melampyrum

bihariense Melampyrum

sylvaticum Nardus stricta Neotinea ustulata Pedicularis exaltata Phleum phleoides ?

Plantago media Polygala major Polygonatum

odoratum Polygonatum

verticillatum Prunella grandiflora Rhinanthus major Rhinanthus rumelicus Rumex acetosa Salvia pratensis Sanguisorba officinalis Scabiosa columbaria Scabiosa ochroleuca Serratula tinctoria Silene nutans Silene viscosa Silene vulgaris Solidago virgaurea Stachys officinalis Stellaria graminea Tanacetum

corymbosum Thymus pulegioides Trifolium alpestre Trifolium montanum Trifolium ochroleucum

(pannonicus) Trollius europaeus Valeriana officinalis Veratrum album Verbascum lychnitis Verbascum nigrum Veronica officinalis Veronica spicata Vicia cracca

* Notons, en particulier, qu’on ne retrouve que deux populations de Buplerum falcatum en Europe,

ayant franchi les glaciations soit à l’Est soit à l’Ouest des Alpes. Ainsi, dans les Alpes centrales, les

deux populations peuvent coexister.

Au niveau du deuxième relevé (N46°28.440’ ; E25°54.473’ ; fig. 13), effectué à 1279 mètres

d’altitude, 21 nouvelles espèces ont pu être observées, par rapport au premier relevé :

Adenophora liliifolia Botrychium lunaria Campanula patula Campanula serrata Centaurea stenolepis Colchicum autumnale Ferulago sylvatica

Genista sagitallis Gentiana utriculosa Gentianella lutescens Gladiolus imbricatus Gymnadenia

conopsea

Hieracium aurantiacum

Hypocheris uniflora Linum catharticum Medicago sp. Phyteuma orbiculare Potentilla erecta

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Scorzonera rosea Thesium lilophyllon Traunsteneria globosa

Figure 13 : deuxième prairie échantillonnée le 8 juillet, à 1279 mètres d’altitude. Gladiolus imbricatus (à droite) a notamment pu y être observé. Photos : Nathalie Simon

La composition floristique du troisième relevé, effectué à 1240 mètres d’altitude (N46°28.285’ ;

E25°54.664’ ; fig. 14), est la suivante :

Achillea collinea Aconitum moldavicum Ajuga genevensis Alchemilla sp. Anthyllis vulneraria Antoxantum

odoratum Asperula cynanchica Betonica officinalis Brachypodium

pinnatum Campanula glomerata Campanula patula Campanula

rapunculoides Campanula serrata Centaurea stenolepis Chaerophyllum

hirsutum Colchicum autumnale Crepis capillaris Cruciata glabra Digitalis grandiflora

Epilobium angustifolium

Euphrasia sp. Ferulago sylvatica Filipendula vulgaris Galium verum Gentianella lutescens Gymnadenia

conopsea Helianthemum

nummularium Hieracium pilosella

sensus lato Hypericum

perforatum Knautia arvensis Laserpitium latifolium Leontodon sp. Leucanthemum

vulgare Lotus corniculatus Origanum vulgare Phyteuma

tetramerum

Polygala vulgaris Potentilla erecta Ranunculus acris Rhinanthus

alectorolophus Rhinanthus major Rumex acetosa Salvia verbenacea ? Scabiosa columbaria Stellaria graminea Thymus pulegioides Trifolium alpestre Trifolium montanum Trifolium ochroleucum

(pannonicus) Trifolium pratense Veratrum album Veronica serpyllifolia

subsp. humifusa Vicia cracca Vicia sylvatica Viola tricolor

Cinquante-cinq espèces ont ainsi été identifiées au niveau du dernier relevé. Parmi elles, certaines espèces étaient déjà présentes au sommet (à 1333 mètres d’altitude) : il s’agit des espèces en noir (31 espèces). Les espèces en rouge sont les 24 espèces qui n’ont pas été vues lors du premier relevé. Quinze espèces, relevées au troisième arrêt, sont également présentes au deuxième arrêt :

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Campanula patula Campanula

rapunculoides Campanula serrata Centaurea stenolepis Colchicum autumnale

Crepis capillaris Crutiata glabra Ferulago sylvatica Gentianella lutescens Gymnadenia

conopsea

Leontodon sp. Origanum vulgare Phyteuma

tetramerum Polygala vulgaris Potentilla erecta

Figure 14 : troisième prairie échantillonnée le 8 juillet, à 1240 mètres d’altitude. Photo: Nathalie Simon

Le changement d’altitude entre les trois

relevés effectués se reflète donc dans la

composition en espèces des sites

échantillonnés. Ainsi, certaines espèces

retrouvées au point culminant de la

balade (premier relevé) ne se retrouvent

pas à plus basse altitude, et vice-versa.

Certaines espèces n’ont été vues qu’à un

seul des trois relevés. C’est par exemple

le cas de Gladiolus imbricatus (fig. 13) ou

Botrychium lunaria (fig. 15).

Certaines micro-variations dans les

conditions écologiques peuvent mener à

une composition en espèces particulière.

Ainsi, deux espèces de Polygonatum, P.

odoratum et P. verticillatum, poussent au niveau du premier relevé (le plus en altitude), alors que le

sol est à dominance calcaire (dolomie). Ceci est dû au fait que les conditions climatiques plus rudes

en altitude (notamment les précipitations) rendent le sol plus acide en surface, permettant

l’installation d’une flore typique, composée de plantes pouvant être à la fois calcicoles et acidophiles.

Ainsi, P. odoratum est liée aux sols calcaires, alors que P. verticillatum est liée aux sols acides. De

petites variations dans le relief peuvent être la cause des micro-variations climatiques observées

Figure 15 : Eddy et Nathalie en admiration devant le Botryche lunaire (Botrychium lunaria), espèce de fougère classée comme très rare dans la

flore de Belgique. Photo : Anne-Laure Geboes

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(variation de la pente notamment). Cette diversité de niches écologiques explique en partie la grande

diversité floristique observée. Un autre facteur influençant la composition en espèces d’un relevé est

l’usage du sol (un amendement peut mener à un cortège floristique différent, de même qu’une

action de fauchage ou de pâturage). Par exemple, la présence, dans les relevés, de Serratula tinctoria

indique que les prairies ont été très peu amendées. Parmi les espèces les plus caractéristiques, dans

nos relevés, on retrouve Aconitum moldavicum, Silene viscosa et Digitalis grandiflora, qui est une

espèce subatlantique absente de l’autre côté du Rhin. Plusieurs espèces de trèfles, non observées en

plaine, sont présentes en moyenne montagne (y compris dans le troisième relevé) : on retrouve ainsi

Trifolium ochroleucum, Trifolium montanum, et Trifolium alpestre.

Du sommet de la balade, une vue sur la vallée permet de constater que l’occupation du territoire y

est majoritairement de type agricole, avec des terres cultivées en assolement triennal. Celui-ci est

caractérisé, dans le paysage, par de fines bandes de terre de couleurs différentes, reflétant des

productions variées. Ce type d’agriculture est typique en Europe orientale, mais a disparu d’Europe

occidentale avec le remembrement des terres. Malgré tout, dans ces cultures en assolement

triennal, la biodiversité reste importante.

Zone humide La petite zone humide parcourue en fin de journée est un

molinion. Dans ce milieu, la molinie (Molinia caerulea) trouve

son optimum écologique, alors qu’elle est envahissante dans

d’autres milieux où elle n’a pas sa place, tels les tourbières,

qu’elle recolonise rapidement. Le molinion est caractérisé par

un niveau d’eau fluctuant et une haute biodiversité. Une

plante typique de ce genre de milieu est la succise des prés

(Succisa pratensis), qui peut être trouvée sur le site visité.

Dans cette zone humide, l’œillet superbe (Dianthus superbus ;

fig. 16) a également pu être observé. Cette plante est classée

Natura2000 et possède 5 pétales très découpés. Elle pousse

généralement dans les endroits frais.

09 juillet 2016 La journée du 9 juillet est consacrée à la présentation du projet Life Wolf, suivie d’une promenade à

la rencontre d’une famille d’agriculteurs dont les troupeaux ont déjà subi des attaques de loups.

Présentation du projet Life Wolf La Roumanie comprend l’une des plus grosses populations de loups (Canis lupus) en Europe, avec

environ 2500 individus répertoriés à ce jour (selon les comptages des chasseurs). Dans ce cadre, le

projet Life Wolf a pour but principal de trouver les meilleures mesures de conservation de cette

espèce dans les Carpates et de maintenir une population viable en renforçant la gestion des

populations et en mettant l’accent sur la coexistence entre le loup et l’Homme. Ce projet Life a

débuté en 2014 et se terminera au printemps 2018.

Figure 16 : œillet superbe (Dianthus superbus). Photo: Eddy Kosmala

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Un des premiers objectifs du Life Wolf est d’évaluer la population existante dans les Carpates. À

terme, il s’agira d’établir un plan d’action national pour le loup.

Concernant l’estimation du nombre de loups dans les Carpates, le but est d’améliorer et de

standardiser la méthode utilisée actuellement pour évaluer la taille des populations. En effet, celle-ci

se fait principalement par des chasseurs qui comptent approximativement le nombre de loups dans

leur secteur de chasse, sur base des traces laissées par les animaux, sans qu’il y ait de coordination

entre les différentes zones de chasse par la suite.

Quatre méthodes sont ainsi appliquées par le Life pour échantillonner les populations de loups :

Le traçage dans la neige (snow tracing)

Le piège photographique (qui est placé dans les zones où il y a beaucoup de marquage de

territoire, comme à proximité des routes, qui sont régulièrement utilisées par le loup)

L’écoute des cris

Les analyses génétiques (c’est la première fois que cette technique est utilisée en Roumanie

pour compter les loups).

Il y a deux ans, l’équipe du projet Life a mené une analyse sur le régime alimentaire des loups,

étendue à une zone de 500 km². Il en ressort que les loups des Carpates consomment habituellement

des ongulés et, surtout, des chiens. En revanche, il semblerait qu’ils ne chassent pas autant de

moutons que ce qui pourrait être attendu a priori. Ainsi, en ce qui concerne l’interaction avec

l’Homme et avec les bergers en particulier, l’équipe du Life Wolf nous informe que les agriculteurs

réagissent généralement calmement vis-à-vis de la présence du carnivore près de leurs fermes. En

effet, cela fait plusieurs décennies que le loup est présent dans les Carpates ; les bergers sont donc

habitués à sa présence aux abords des exploitations agricoles. Ce sont plutôt les ours qui posent

problème pour le cheptel. D’une manière générale, les fermiers ne rapportent pas quand les loups

attaquent leur troupeau car ces attaques sont rares et les démarches administratives, elles, sont

longues. Le fait que les loups consomment plus de chiens que d’ongulés sauvages peut notamment

s’expliquer par le fait que ces derniers ne sont pas très abondants dans les Carpates, à cause de la

forte présence d’autres grands mammifères (ours, lynx, loups).

Concernant les analyses génétiques menées pour étudier les populations de loups, une collaboration

avec un laboratoire de Francfort a été mise en place. Des excréments, du sang, des poils et de l’urine

sont analysés, ainsi que des tissus provenant des carcasses tuées par les chasseurs. Les résultats

obtenus sont intéressants car ils fournissent des informations générales sur les loups : distribution,

sexe, âge, relations de parenté, etc. De nombreuses informations sur les meutes et les frontières

entre plusieurs territoires peuvent donc être tirées de ces analyses. En revanche, il n’est pas encore

certain que le loup s’hybride avec le chien. En général, il a plutôt tendance à l’attaquer, plutôt que de

s’accoupler avec, comme en témoigne l’analyse de son régime alimentaire.

Une meute comprend en théorie 9-10 individus, mais en général, uniquement environ 5 loups la

composent. Les louveteaux ont un taux de mortalité élevé en hiver, pour différentes raisons :

maladie, parasites, collision avec des voitures, conditions météorologiques trop rudes, etc. Certains

jeunes quittent aussi la meute pour établir la leur. D’une manière générale, lorsque le nombre

d’individus veut être évalué dans une région, il faut donc faire attention à ces paramètres, qui

peuvent faire varier la taille de la population au sein d’une même année.

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À ce stade, le projet Life Wolf essaie d’impliquer au maximum les chasseurs dans l’action de

conservation du loup et espère impliquer également des experts dans le futur, afin d’assurer le

monitoring des populations. Actuellement, le suivi des populations est assez compliqué à mettre en

place car l’accès aux zones à étudier est difficile (routes en mauvais état). Le plan d’action pour le

loup est encore en discussion, mais la population est viable. La bonne santé des populations de loups

en Roumanie s’explique notamment par le fait que leur habitat est très peu fragmenté dans ce pays,

ce qui est très important quand on sait qu’un territoire de loup couvre 200 km².

Aujourd’hui, le Life Wolf élève également des chiens des Carpates, qui sont ensuite donnés aux

bergers pour mieux protéger leurs troupeaux contre les éventuelles attaques de loups.

La présentation du Life Wolf est suivie de la visite d’un agriculteur possédant des chèvres, 60 vaches

et 100 moutons. Il a déjà eu affaire à plusieurs interactions entre son bétail et les loups de la région,

ce qui l’a amené à poser des clôtures électriques autour de ses troupeaux et à s’équiper de 13 chiens

pour les protéger.

Ainsi, les moutons sont maintenus dans un enclos électrifié mobile, alors que les chiens sont libres.

En été, la famille de l’agriculteur vient habiter en montagnes, près de son troupeau. Lorsque tombe

la nuit, un chien reste à proximité de l’enclos des moutons, de manière à prévenir l’agriculteur en cas

d’attaque de loup. Les moutons sont traits deux fois par jour, et leur lait est ensuite commercialisé au

village (pas de fabrication de fromage). Les chèvres restent tout l’été à proximité du campement de

l’agriculteur, alors que les moutons sont emmenés en estive dans les alpages, plus en altitude. Le

problème que posent les loups est qu’ils connaissent les endroits où paissent les moutons, et

transmettent cette information aux autres jeunes membres de la meute. Ils connaissent

effectivement le réseau de zones ouvertes en forêt, qu’ils apprécient pour chasser car leur

végétation attire en général certaines proies comme les ongulés.

11 juillet 2016

Randonnée dans le Parc National de Piatra Craiului Après une journée de déplacement pour rejoindre notre troisième lieu de logement, la journée du 11

juillet est consacrée à une randonnée en haute montagne, dans le Parc National de Piatra Craiului.

Celui-ci fait partie des 28 parcs (naturels et nationaux) de Roumanie, qui couvrent environ 7% du

pays. Cette balade devait permettre un échantillonnage botanique des différents étages de

végétation qui peuvent être distingués en altitude : collinéen (300-600 m), submontagnard (600-

1200 m), montagnard (1200-1700 m), subalpin (1700-2000 m) et alpin (2000 m et plus). Dans notre

cas, l’étage subalpin était l’objectif à atteindre. Ces étages sont caractérisés par une végétation qui

leur est propre. Ainsi, au début de la randonnée, une forêt feuillue de type hêtraie domine (vers 1000

mètres d’altitude). Ensuite, une zone de transition comportant des hêtres et des épicéas lui succède,

pour faire place à une plantation de conifères aux alentours de 1400 mètres d’altitude. Dans cette

zone à conifères, Cephalanthera rubra a pu être observée (espèce disparue de Belgique), ainsi

qu’Epipactis microphylla.

Lors de la montée vers la crête, des éboulis rocheux sont présents, au sein desquels poussent

différentes espèces, notamment :

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Aconitum lasiostomum

Anthemis tinctoria Asperula cynanchica Asplenium viride Cerastium

transsilvanicum Clinopodium alpinum Daphne mezereum

Dianthus spiculifolius Geranium phaeum Geranium

robertianum Geranium

sanguineum Gymnocarpium

dryopteris Luzula luzuloides

Persicaria vivipara Poa nemoralis Polygonatum

verticillatum Polystichum lonchitis Sesleria caerulea Valeriana tripestris Veronica sp.

Entre 1400 mètres et 2000 mètres d’altitude, deux œillets peuvent

être observés : Dianthus spiculifolius, endémique des Carpates, aux

pétales bancs très découpés (fig. 17) et Dianthus callizonus,

endémique du massif de Piatra Craiului, aux pétales roses tachetés de

rose plus foncé.

Au point culminant de la randonnée, vers 2000 mètres, les pins mugos ou pins couchés (Pinus mugo)

dominent (fig. 18). Ceux-ci poussent toujours d’une manière étalée, en broussailles, sans monter en

hauteur. Ils sont ainsi parfaitement adaptés à supporter la reptation de la neige, sont résistants à la

sécheresse et ont peu d’exigences trophiques (Fayard, 1999). Ils colonisent généralement les stations

sèches et caillouteuses,

où les autres espèces

ligneuses ne peuvent

pousser. Ils peuvent

grandir sur tous les types

de roches, mais sont plus

répandus sur les massifs

calcaires (Fayard, 1999).

Le pin mugo est adapté à

l’ensevelissement par la

neige, qui le protège du

froid hivernal et lui

assure un apport en eau

à la fin du printemps. Il

permet également aux

pentes d’être protégées

contre l’érosion (Fayard, 1999). Outre les pins mugos, Dryas octopetala (dryade à 8 pétales) colonise

une grande partie des roches. Cette fleur blanche possède des feuilles coriaces qui se fossilisent très

bien. L’histoire du Quaternaire est ainsi largement basée sur cette plante, qui a donné son nom à

plusieurs époques géologiques (Dryas ancien, moyen et récent). Elle vit toujours dans les zones

froides d’altitude. Il s’agit en fait d’une espèce dite arctico-alpine. Ces espèces « occupaient, pendant

les glaciations, les plaines de l’Europe centrale transformées en toundra. Lors du réchauffement

Figure 17 : Dianthus spiculifolius. Photo: Nathalie Simon

Figure 18 : vers 2000 mètres d'altitude, ce sont les pins mugos (Pinus mugo) qui dominent le paysage (facilement observables à droite de l'image). Photo : Nathalie Simon

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postglaciaire, elles ont émigré vers des zones encore froides, soit la chaine alpine au sud, soit les

régions nordiques » (Fayard, 1999). C’est ainsi que certaines espèces arctico-alpines, comme Dryas

octopetala, subsistent actuellement dans les étages subalpins ou alpins (Fayard, 1999). C’est une des

premières espèces à coloniser les sols libérés par le réchauffement qui a suivi la dernière glaciation

(Fayard, 1999).

D’autres espèces peuvent être observées à 2000 mètres d’altitude (N45°33'12" ; E25°14'43") :

Ajuga reptans Alchemilla sp. Androsace sp. Anthyllis vulneraria Aster alpinus Biscutella laevigata Epilobium sp. Geum rivale Gymnadenia

conopsea

Helianthemum nummularium

Hypericum richeri subsp. grisebachii

Minuartia verna Myosotis sp. Ornithogalum sp. Pedicularis verticillata Phyteuma confusum Polygala vulgaris

Saxifraga stellaris Thymus sp. Trifolium medium Tripleurospermum

inodorum Veronica chamaedrys Veronica serpyllifolia

subsp. humifusa

Sur le chemin du retour, dans les Gorges de Zărneşti, plusieurs edelweiss (Leontopodium alpinum)

ont pu être observées. Alors qu’elles poussent d’ordinaire sur les pelouses d’altitude, on les retrouve

ici à flanc de falaise humide. C’est ce qu’on appelle communément le phénomène abyssal : l’humidité

et la fraicheur qui règnent le long de ces falaises encaissées et abruptes permettent à l’edelweiss d’y

trouver des conditions écologiques favorables à sa croissance, même si ce n’est a priori pas le milieu

dans lequel elle grandit habituellement.

12 juillet 2016 Le 12 juillet, nous avons eu l’occasion de visiter une partie la forêt primaire de Şinca Nouă,

accompagnés de deux membres du WWF Roumanie.

Forêt primaire de Şinca Nouă (N45°39’50’’ ; E25°10’12’’ ; alt. 1162m au

niveau de l’Abies alba de 62m) La forêt de Şinca Nouă, âgée d’environ 400 ans, est une forêt primaire de haute valeur biologique,

dont l’entrée est libre d’accès à l’heure actuelle (ce statut pourrait changer si la forêt est classée au

patrimoine mondial de l’UNESCO ; la procédure a été introduite il y a deux ans). Elle est notamment

gérée par le WWF Roumanie, dont un des buts principaux est d’identifier toutes les forêts primaires

du pays. À ce jour, on en recense 100 000 km² en Roumanie (la plus grande fait à elle seule 5000

hectares). La Roumanie est également le pays qui possède la plus grande surface de forêts certifiées

au monde, avec 2 400 000 hectares, ainsi que les forêts vierges les plus grandes d’Europe (à

l’exception de la Russie). Chaque forêt primaire doit au moins couvrir 30 hectares pout être

considérée comme telle. La forêt de Şinca Nouă est entourée d’une zone tampon et contient

notamment le plus haut Abies alba au monde (62.5 mètres de haut pour 1.3 mètres de diamètre). Le

plus vieil arbre de la forêt a 400 ans (mais ce n’est pas l’Abies alba de 62 mètres de haut) ! Dans ce

bois, feuillus et résineux se mélangent naturellement, à l’inverse de la Belgique. Il y a 1000 ans,

toutes les forêts de Roumanie ressemblaient à celle de Şinca Nouă.

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Les avantages d’une forêt vierge sont multiples :

elle s’adapte mieux aux changements climatiques que les forêts monospécifiques ;

elle constitue un « manuel naturel de sylviculture », qui donne de nombreux indices sur la

meilleure façon de gérer les forêts ;

des arbres de tous les âges sont présents, ainsi que du bois mort, ce qui est bénéfique à de

nombreuses espèces animales et végétales et augmente donc la biodiversité de la forêt. En

particulier, le bois mort est responsable de 30% de la biodiversité d’une forêt. L’écosystème

est donc incomplet si du bois mort n’y est pas présent.

Le fait que le bois mort ait tendance à disparaitre des forêts roumaines est dû notamment aux

villageois, qui viennent se servir du bois mort comme bois de chauffage pour leurs habitations. De

plus, lorsqu’une coupe a lieu dans une forêt, ce sont toujours les arbres morts qui sont coupés en

premier lieu, ce qui est défavorable à la biodiversité qui y est liée. Dans la forêt de Şinca Nouă, on

trouve toutefois 300 m³ de bois mort par hectare. On trouve également 1100 m³ de bois sur pied par

hectare de forêt. Un seul arbre peut représenter 7 m³ de bois. Lorsqu’un arbre s’effondre, il est laissé

en place, et le trou créé dans le sol, ainsi que la souche morte, forment de nouveaux habitats

intéressants pour toute une série d’espèces, notamment les insectes.

Le type de gestion qui est pratiqué dans la forêt de Şinca Nouă est un management de non-

intervention, pour lequel la forêt a obtenu une certification (pas de certification du bois, uniquement

du type de gestion). Ceci est différent d’une forêt avec une faible intervention, dans laquelle

maximum 5 arbres par hectare sont gérés. Dans une forêt primaire, aucune intervention humaine n’a

lieu et la chasse n’est pas autorisée. Normalement, la Roumanie est divisée en 12 territoires de

chasse, et le ministère décide du quota de gibier qui peut être chassé dans chacun d’eux. Le chasseur

n’est pas propriétaire de la forêt dans laquelle il chasse et le propriétaire de la forêt ne possède que

le fonds et le bois, pas le gibier qu’elle contient. La gestion par non intervention est à l’opposé de la

gestion durable des prairies de fauche vues précédemment, qui doivent tout de même être fauchées

une fois par an pour maintenir leur haute valeur biologique et leur grande richesse floristique.

Une particularité de la forêt de Şinca Nouă est le diamètre de ses arbres, qui est très variable pour un

même âge de l’espèce concernée. Ainsi, selon l’endroit où pousse l’arbre, le diamètre de son tronc

peut être plus ou moins important pour un âge donné. Si l’arbre pousse à l’ombre d’autres pieds, il

grandira beaucoup moins vite qu’un arbre recevant un ensoleillement plus prononcé.

Pour identifier une forêt naturelle, les informations relatives à la forêt et l’histoire de sa sylviculture

sont analysées. La protection des forêts primaires est assez difficile à mettre en place, car l’Etat ne

fournit aucune compensation aux exploitants impactés par les restrictions imposées par les plans de

gestion. Toutefois, une loi, poussée en grande partie par le WWF, protège tout de même depuis un

an les forêts vierges, pour autant que leurs limites soient clairement identifiées (ce qui n’est pas

toujours aisé). Le combat actuel du WWF est donc d’obtenir certaines compensations pour la mise en

réserve des forêts vierges. Même si elles sont exploitées, le point de vue du WWF est que les forêts

de haute valeur conservatoire doivent être protégées par une loi.

Pendant l’époque communiste, les forêts étaient mieux protégées qu’elles ne le sont actuellement,

car elles étaient toutes propriété de l’Etat. Ensuite, les forêts ont été restituées à leurs propriétaires

respectifs, et notamment aux familles nobles, qui les ont vendues à des compagnies d’exploitation

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forestière roumaines qui en ont tiré le meilleur profit. Toutes les forêts ont donc été exploitées en

même temps, ce qui a posé quelques soucis au WWF au début de son activité.

Le WWF Roumanie lutte également contre la coupe illégale de bois dans les forêts. Ce problème ne

se pose toutefois pas vraiment dans la forêt de Şinca Nouă, car le transport du bois y est difficile

(relief fortement vallonné). D’une manière générale, la récolte illégale de bois est en diminution en

Roumanie depuis quelques années.

L’objectif du WWF Roumanie est de ne pas répéter les mêmes erreurs qui ont été commises dans

l’Ouest de l’Europe et dans d’autres parties du Monde, où beaucoup de forêts ont d’abord été

détruites avant d’être finalement protégées. En Roumanie, le WWF veut directement protéger la

forêt, sans passer préalablement par sa destruction plus ou moins poussée. C’est ainsi que le pays a

aujourd’hui le monopole en ce qui concerne les forêts primaires. À l’avenir, les habitants devront

davantage miser sur la valeur d’existence de ces forêts, sur leur valeur non économique, sans passer

par le tourisme de masse pour en tirer des profits.

Certaines plantes intéressantes ont pu être observées dans la forêt de Şinca Nouă, comme Poa chixii,

(grande graminée).

13 juillet 2016 Cette dernière journée de terrain est consacrée à la visite d’un centre d’écologie de montagne et

d’éco-tourisme basé à Moieciu de Sus, suivie d’un arrêt le long de la route principale menant à ce

village, afin d’y observer les précipitations calcaires produites par un cron. En soirée, nous avons à

nouveau eu l’occasion d’observer des ours dans la forêt de Şinca Nouă.

Eco-tourisme à Moieciu de Sus Ce dernier jour en haute montagne est consacré à la visite d’un centre d’écologie de montagne et

d’éco-tourisme basé à Moieciu de Sus. Celui-ci, géré par un couple d’origines roumaine et allemande,

a mis en place 9 parcours de randonnée écotouristiques, qui vagabondent autour des villages de

Fundata, Şirnea et Moieciu de Sus, au pied des montagnes de Bucegi, Leaota et Piatra Craiului.

Chaque année, le centre d’écologie de montagne organise également un éco-marathon.

Le but principal de cette fondation est de faire découvrir le mode de vie traditionnel roumain aux

personnes en visite dans la région, ainsi que la grande biodiversité des lieux et le mode de gestion

mis en place dans les prairies montagnardes. L’objectif est également de prouver aux habitants

locaux que la manière dont ils vivent est bénéfique à la biodiversité, car ils ne s’en rendent pas

toujours compte. Pour eux, ce mode de vie est simplement une méthode de survie. Ces deux défis du

centre d’éco-tourisme sont d’autant plus importants que la dernière décennie a vu s’établir de

nombreux changements dans le paysage de la région, avec notamment l’installation d’hôtels et

d’aménagements touristiques. Le long des 9 tracés que le centre a mis en place, de nombreux

panneaux didactiques ont été installés, informant les randonneurs de certaines curiosités naturelles

présentes dans les environs (présence de fossiles dans les rochers par exemple : coraux, ammonites,

etc.). Le but est de faire connaitre le patrimoine de la région aux promeneurs, mais également aux

habitants locaux, afin de les rendre fiers de leur environnement. Ainsi, la « vraie » histoire locale est

mise en avant, relative à la culture, la géologie, la biologie, etc. « Pas celle de Dracula ! », nous

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précise notre guide. Le centre d’éco-tourisme œuvre aussi à la formation des habitants et des jeunes,

pour leur permettre de fabriquer des tapis traditionnels ou des bâtiments d’architecture typique.

Historiquement, dans cette région, les habitants pratiquaient une agriculture de subsistance et

échangeaient leur bois contre certaines céréales apportées par les gens de la ville. Les communistes

n’ont pas détruit les maisons typiques et, à cette époque, les forêts étaient gérées communément et

durablement par environ 20 familles. Après la période communiste, elles ont été gérées

individuellement. Pendant la période communiste, beaucoup d’habitants ont également travaillé

dans les industries installées dans la vallée. Ensuite, une transition du travail en industrie vers le

« tourisme » s’est opérée. Ce tourisme consistait, pour les habitants locaux, à inviter les gens en

visite dans la région chez eux, pour leur montrer les environs. Le but était d’attirer beaucoup de

touristes d’un coup, pendant une période limitée (le temps d’un weekend par exemple). Ce système

n’était toutefois pas viable, c’est pourquoi un autre type de tourisme est né. Aujourd’hui, celui-ci a

pour objectif de valoriser les produits locaux roumains, notamment sur les marchés. Il s’agit par

exemple de montrer clairement que les fromages sont produits localement, à partir de lait de haute

qualité issu de prairies de haute valeur biologique, ou d’exposer les meubles construits par les

artisans locaux.

Le financement des activités du centre d’éco-tourisme se fait principalement via des donations,

provenant de différents pays : Norvège, Islande, Lichtenstein, Suisse. De nombreux appels aux dons

sont lancés, et les activités mises en valeur par le centre feront peut-être partie d’un futur projet

LIFE.

Après une présentation générale du centre, nous partons pour une courte randonnée dans les

prairies montagnardes entourant Moieciu de Sus. Dans ces alpages, de nombreuses étables en bois

sont présentes, de tailles différentes. Les grandes servent à loger le bétail et à stocker le foin à

l’étage, alors que les petites sont utilisées par les familles d’agriculteurs, qui y dorment certaines

nuits, lorsque leurs parcelles sont trop éloignées du village où ils habitent généralement (fig. 19).

Nous rencontrons un agriculteur en train de faucher manuellement ses parcelles. Pour qu’une fauche

soit correctement effectuée, il faut qu’il reste environ 3 cm de hauteur d’herbe dans le champ

fauché. Au-delà, la coupe est mal réalisée. Les prairies exposées au Sud, qui reçoivent plus de soleil,

sont coupées avant celles exposées au Nord. Pour savoir quand l’herbe est bonne à être fauchée,

certains fermiers se réfèrent aux rhinanthes (Rhinanthus sp.) : une fois qu’ils sont en fruits, les

graines font en effet du bruit, ce qui est un signal que l’herbe est assez mature pour être taillée. La

méthode de fauchage utilisée marque par ailleurs le paysage. En effet, lorsque celle-ci est réalisée

manuellement à la faux, les prairies sont fauchées parallèlement au sens de la pente (vertical). À

l’inverse, avec l’utilisation d’outils mécaniques (« tondeuses »), les agriculteurs fauchent

perpendiculairement au sens de la pente (horizontal), ce qui laisse des traces visibles sur les flancs

des montagnes. Une fois qu’il n’y a plus de place pour stocker le foin dans les étables des alpages, les

faucheurs entassent le surplus sous forme de meules d’environ 3 mètres de haut (fig. 20). Celles-ci

peuvent rester à l’extérieur pendant deux années. Au-delà, l’herbe n’est plus appétante pour le

bétail. C’est d’abord le foin stocké dans les étables d’alpage qui est utilisé pour nourrir le bétail.

Ensuite, le foin de la meule est également transféré dans les étables d’alpage pour être donné aux

bêtes. Le bétail est mis en pâture en alpage pendant l’été. C’est également à ce moment-là que les

fromages sont maturés, pour être vendus en automne. L’altitude à laquelle les animaux pâturent est

variable.

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Mis à part le fait que la fauche est nécessaire pour nourrir le bétail, il est également important de

faucher les prairies au moins une fois par an pour ne pas que la neige s’y accroche en hiver et forme

de la glace. Si c’est le cas, cela provoque en effet un lent glissement de la glace vers le bas de la

pente, ce qui érode progressivement les parcelles agricoles (phénomène appelé solifluxion).

Deux nouvelles espèces de plantes à fleurs ont pu être identifiées lors de la balade : Viola lutea,

d’une part, et Parnassia palustris, d’autre part. Cette dernière est classée Natura2000 et témoigne de

la présence de suintements humides dans les prairies.

Cron Le long de la route principale menant au village de

Moieciu de Sus, il est possible d’observer des

précipitations calcareuses particulières. Il s’agit de

plusieurs crons, qui sont le résultat de l’interaction

entre une mousse et un apport d’eau calcareuse

(fig. 21). La mousse en question, Cratoneuron

filiciphyllum, précipite le calcaire de l’eau grâce à

une petite variation de pH produite pendant la

photosynthèse (diminution du pH suite à la

production de CO2), ce qui résulte, après quelques

centaines d’années, en une roche appelée tuf.

C’est un dispositif très actif, qui peut être

spectaculaire : il existe en effet des maisons

construites à partir de tufs. Plusieurs barrages

entièrement faits de crons et à l’origine de la mise

en place d’un réseau de lacs peuvent également

être observés dans le Parc National de Plitvice, en

Croatie.

Les milieux créés par ces crons sont donc humides et peuvent être intéressants pour plusieurs

organismes, comme certaines plantes ou certains insectes (une espèce de libellule rare en Belgique,

Figure 19 : paysage montagnard près de Moieciu de Sus, montrant les deux tailles différentes d'étables établies dans les prés de fauche (une pour le bétail et le

foin, l’autre pour la famille des agriculteurs). Photo : Nathalie Simon

Figure 20 : meule de foin érigée avec le surplus d'herbe fanée ne rentrant plus dans l'étable.

Photo: Nathalie Simon

Figure 21 : crons et tufs formés près de Moieciu de Sus. Photo : Nathalie Simon

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Cordulegaster bidentata, est souvent présente dans les zones de crons dans notre pays3. Dans ces

zones de crons, certaines parties peuvent être asséchées (si un arbre bloque l’apport d’eau en amont

par exemple), ce qui mène alors à une flore différente.

Affût d’ours Pour terminer la journée du 13 juillet, une seconde observation d’ours était programmée, dans la

forêt de Şinca Nouă. Une aire de nourrissage a effectivement été installée dans la forêt, où du maïs

et des biscuits sont fournis quotidiennement aux ours, qui sont ainsi facilement attirés dans la

clairière prévue à cet effet. L’observation se fait à partir d’une cabane en bois à 3 mètres du sol.

L’affût a eu lieu de 18h à 21h.

L’équipe du Life Wolf nous avait précédemment précisé que la haute densité des ours dans les

Carpates s’expliquait notamment par les aires de nourrissage installées, qui ont augmenté

artificiellement les populations d’ursidés pour des raisons économiques (chasse).

Pendant cette observation, plusieurs

femelles (dont une de 22 ans) ont pu

être observées, ainsi qu’un jeune

mâle (fig. 22). De plus, un renard

vient régulièrement prendre

quelques biscuits pour les enterrer à

l’écart dans la forêt. Un loup a

également été aperçu en bordure de

la clairière. Plusieurs geais profitent

aussi des friandises déposées à

l’intention des ours.

Normalement, aucune viande n’est

déposée dans l’aire de nourrissage.

Toutefois, cela arrive

occasionnellement pour le loup. Mais,

pour ce mammifère, il est plus

efficace de déposer la viande par

temps humide (pluie ou neige), car

c’est à ce moment-là que le loup se montre le plus aisément. Cependant, contrairement aux ours, qui

consomment la nourriture directement sur l’aire de nourrissage, les loups auront plutôt tendance à

prendre la viande et à s’en aller avec, pour la consommer ailleurs.

Sur les 13 000 hectares de la parcelle de chasse sur laquelle l’aire de nourrissage est implantée,

environ 3 mâles dominants sont présents, et une vingtaine de femelles. Notre guide nous informe

que la maturité sexuelle des ours mâles est atteinte plus tard que celle des femelles. Les oursons se

séparent de leur mère après environ 2 ans. Les jeunes mâles quittent le groupe après quelques

années, sinon ils sont tués par les mâles dominants.

La femelle la plus âgée qui a été observée a eu deux portées cette année : une de 3 oursons, tous

tués par le mâle dominant, et une de 4 oursons, ce qui est exceptionnel pour cette espèce. En effet,

3. Luc Simon, commentaire personnel ; http://biodiversite.wallonie.be/fr/cordulegaster-bidentata.html?IDD=50333956&IDC=760

Figure 22 : ours observés dans l'aire de nourrissage à Şinca Nouă. Ici, un jeune mâle, au centre, ainsi que deux femelles sont présents. Photo:

Nathalie Simon

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les jeunes femelles ont généralement un ourson, les femelles d’âge moyen 1 à 2, et les femelles plus

âgées généralement 3. La gestation dure 8 à 9 mois.

Un comportement intéressant qui a été observé est que les premiers ours à être venus se nourrir

faisaient attention à la femelle âgée, car celle-ci est d’une nature agressive.

Encore une fois, notre guide nous confirme que ce sont plutôt les ours, et pas les loups, qui posent

problème vis-à-vis des agriculteurs.

Réflexions sur différentes thématiques abordées au stage

L’agriculture traditionnelle roumaine et son avenir Les différents sites visités lors du voyage témoignent tous d’une agriculture encore très traditionnelle

et locale. En Roumanie, la taille moyenne des fermes est de 3.37 hectares, ce qui est en-dessous de la

taille moyenne des exploitations agricoles en Europe (Knowles, 2010). La plupart des familles vivent

encore comme nous vivions en Europe de l’Ouest il y a 50 ans. Ainsi, elles possèdent presque toutes

quelques animaux et quelques terres pour subvenir à leurs besoins en viande, en produits laitiers et

en légumes. À côté de cela, un autre métier peut être exercé. Finalement, l’agriculture est une

agriculture de semi-subsistance, menée dans le but premier de nourrir la famille des agriculteurs.

Dans ce pays, 81.3% des fermes gardent en effet plus de la moitié de leur production afin de nourrir

directement la famille (Huband & McCracken, 2010). Certains produits peuvent aussi être vendus sur

les marchés locaux afin d’en tirer quelques profits, mais le tout reste très localisé. Ceci contraste

grandement avec l’agriculture menée à l’heure actuelle en Europe de l’Ouest. À Saschiz, lorsque

notre guide Diana a appris que certains d’entre nous vivions à la campagne, c’est tout à fait

naturellement qu’elle nous a demandé quels animaux nous avions chez nous. Or, en Belgique, il est

rare que les familles possèdent encore des « animaux de basse-cour », même si elles sont installées à

la campagne : l’agriculture de semi-subsistance, telle qu’elle est pratiquée en Roumanie, a presque

totalement disparu de notre pays.

La production laitière roumaine est une des plus basses d’Europe, à cause de troupeaux réduits et de

rendements faibles (Knowles, 2010). Ceci a pu être constaté pendant la visite de la bergerie

traditionnelle, le 5 juillet, où uniquement 200 ml de lait pouvaient être extraits d’un mouton par jour.

De plus, un lait issu d’une telle traite, en Belgique, serait incommercialisable. Les règles sanitaires

imposées par l’Agence fédérale pour la sécurité de la chaîne alimentaire sont en effet totalement

décalées par rapport au mode d’élevage pratiqué traditionnellement en Roumanie. Ici, les bergers

fument pendant la traite, et celle-ci se fait dans une masure en bois au milieu d’un pré. Les moutons

sont tout de même suivis régulièrement par le vétérinaire du village, pour éviter toute maladie au

sein du troupeau. Même si ce type d’élevage peut paraître rudimentaire à nos yeux, les bergers

visités affirment vouloir rester traditionnels et locaux, car ils doivent souvent changer leurs moutons

d’emplacement, ce qui est plus facile si leur ferme ne prend pas trop d’ampleur. Afin de maintenir ce

type d’élevage dans le futur, la question de la fraicheur des produits doit toutefois être traitée. En

effet, certains agriculteurs ne fabriquent que du fromage très frais, qui ne se garde pas plus de

quelques jours. Pour qu’ils puissent vendre leurs produits sur les marchés locaux, ils devront donc

apprendre à produire du fromage se gardant plus longtemps, ou trouver un moyen de vendre

directement leur production.

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Même si certains agriculteurs semblent plus « développés » que d’autres, possédant de petites

machines agricoles pour faucher leurs champs, la fauche reste malgré tout très manuelle, avec la

mise en meules du foin coupé. Certaines parcelles sont installées sur des pentes tellement fortes

qu’il ne serait de toute façon pas possible d’y tondre avec des engins motorisés imposants. Les

fermiers ne fauchent d’ailleurs qu’une à deux fois par an, et plus tard qu’en Belgique. Ceci permet

aux prairies de fauche des Carpates d’être le milieu le plus riche en plantes vasculaires d’Europe (à

une échelle inférieure à 100 m²). Cette fauche tardive ne pose aucun problème aux agriculteurs

roumains, qui arrivent à avoir assez de foin pour nourrir leur bétail jusqu’à ce que les plantes aient

fleuri dans les champs et qu’un nouveau réapprovisionnement en foin s’impose. Le fait de faucher

tardivement est une habitude pour eux. Comme ils ne disposent que de petits troupeaux, le besoin

en nourriture est moindre que dans de grandes exploitations telles que celles qui peuvent être

trouvées en Belgique. Deux fauches tardives leur suffisent donc pour nourrir leur bétail. Étant donné

que la majorité de l’agriculture est destinée à nourrir la famille proche, ils n’ont pas non plus besoin

d’investir dans des fertilisants chimiques ou des machines agricoles, évitant ainsi de s’endetter

inutilement.

Contrairement à d’autres pays où le retour du loup est vu d’un mauvais œil par les bergers, les

Roumains ne semblent généralement pas se soucier du carnivore. Les agriculteurs rencontrés n’ont

eu que peu d’attaques de loup sur leur cheptel et s’en protègent, le cas échéant, par des clôtures

électrifiées et de bons chiens pour monter la garde. Le problème en Roumanie est qu’il n’y a que peu

d’ongulés pour satisfaire l’appétit des loups. Augmenter les effectifs des populations d’ongulés

pourrait donc être une solution pour éviter toute attaque contre les moutons des bergers, même si le

système de surveillance par les chiens fonctionne généralement bien.

Quel avenir pour l’agriculture roumaine ?

Un tel système d’agriculture de semi-subsistance, locale et à petite échelle est-il viable sur le long

terme ? D’une façon générale, cela dépendra du développement économique du pays dans les

années à venir. Lorsqu’on quitte les zones montagneuses pour revenir à proximité des grandes villes

roumaines, on constate directement que les parcelles agricoles sont nettement plus étendues, et que

les cultures ressemblent davantage à des monocultures telles que celles qui peuvent être observées

en Hesbaye belge notamment. Près des zones plus développées, l’agriculture est donc déjà plus

intensive. Toutefois, cela ne veut pas dire pour autant que ce système est meilleur et plus viable que

celui pratiqué dans les Carpates. En Europe de l’Ouest, où l’agriculture est majoritairement intensive,

de plus en plus de petites fermes, biologiques, locales et durables, voient le jour, bien que les grosses

exploitations dominent encore le paysage. En effet, la population est de plus en plus à la recherche

de produits frais, sans pesticides, et produits dans leur région. Avec un travail de sensibilisation

encore plus poussé, cette « mode » pourrait se développer encore davantage. Ainsi, le mode

d’agriculture traditionnel pratiqué en Transylvanie peut avoir un avenir, à condition que le modèle

d’agriculture dominant, actuellement en place en Belgique et dans d’autres pays européens plus

riches et développés, ne soient pas vus comme la meilleure façon de cultiver la terre. Des centres

d’écologie de montagnes, tels que celui visité à Moieciu de Sus, sont une bonne façon de rendre les

habitants fiers de leur patrimoine et de leur mode de gestion extensif des terres. Si ces personnes

sont correctement conscientisées et sensibilisées, l’agriculture traditionnelle qu’elles pratiquent aura

un avenir. Pour autant que les circuits courts soient correctement mis en place et que les produits

locaux vendus soient mis en valeur, les agriculteurs recevront un prix correct pour le production.

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Peut-être que davantage de personnes, et notamment les enfants des actuels fermiers, voudront

plus facilement se lancer dans l’agriculture si elles constatent que cette entreprise fonctionne

efficacement pour leurs parents. Car pour l’instant, les enfants des agriculteurs ne sont pas

spécialement motivés de reprendre la ferme familiale, comme c’était le cas pour les enfants du

deuxième agriculteur visité le 7 juillet dans la région de Pogány-havas. Alex, qui fauchait ses prés à

Saschiz le 5 juillet, a également des doutes sur le fait que son jeune fils reprenne un jour sa petite

ferme. Sa femme et son frère ont déjà émigré en Allemagne pour travailler, plutôt que de rester dans

leur pays natal…

La question de la production locale se pose d’ailleurs chez certains agriculteurs. Le 7 juillet, lorsque

nous avons visité la production de pain, la farine était importée directement de Hongrie… Peut-on,

dès lors, assumer que la production de pain est tout à fait locale ? Techniquement, elle ne l’est qu’en

partie. La cuisson se fait traditionnellement, mais pas la production du blé nécessaire à la pâte. La

production de fromage, elle, était locale, puisque le bétail de l’agriculteur était nourri avec le foin de

la région.

Un autre facteur important qui permettra de maintenir l’agriculture traditionnelle telle qu’elle est

pratiquée actuellement est le soutien financier qu’apporte le gouvernement roumain pour

l’agriculture. Actuellement, il supporte la gestion traditionnelle des terres via l’octroi de certaines

aides financières, dont le montant varie en fonction de l’étendue, de l’usage et de la qualité des

parcelles. Il soutient notamment l’agriculture traditionnelle par la mise en œuvre d’une mesure agri-

environnementale relative aux prairies de haute valeur naturelle (High Nature Value Grassland). Les

agriculteurs qui décident de bénéficier de cette prime sont liés par un contrat de 5 ans et peuvent

ainsi toucher 124€ par hectare en échange d’une gestion durable de leurs terres, notamment sans

ajouts d’intrants chimiques sur leurs parcelles (Huband & McCracken, 2010). Des subsides peuvent

aussi être octroyés pour l’élevage d’animaux (à partir d’un certain nombre de bêtes) et la vente de

leur viande. Toutefois, la plupart des fermes sont trop petites pour bénéficier de certaines aides du

gouvernement, ce qui est défavorable à la biodiversité (Knowles, 2010). Pour lutter contre ce genre

d’inégalités, un GAL (Groupe d’Action Locale), à Saschiz, conseille les fermiers pour les aider à

profiter des offres du gouvernement. Ce dernier apporte son aide pour le fonctionnement des

fermes et l’acquisition du matériel. L’argent public est donc bien là ; le tout est de veiller, d’une part,

à ce que les générations futures veuillent encore pratiquer une agriculture à petite échelle et, d’autre

part, à ce que le gouvernement ne favorise pas davantage une agriculture intensive à grande échelle

au détriment des petits producteurs. En Roumanie, comme dans d’autres pays, les petites

exploitations agricoles respectueuses de l’environnement sont en effet moins supportées que les

grosses exploitations, plus polluantes, qui reçoivent des subsides importants de la Politique Agricole

Commune (Knowles, 2010).

D’un point de vue de la conservation de la nature, pour maintenir les pelouses aussi riches qu’elles le

sont actuellement, l’agriculture traditionnelle et la fauche tardive doivent être maintenues. En effet,

ce sont les exploitations agricoles les moins grandes qui permettent d’entretenir le mieux la

biodiversité, car les petites parcelles agricoles sont fauchées à des dates différentes, maintenant une

hétérogénéité importante dans les hauteurs d’herbe et les compositions floristiques (Huband &

McCracken, 2010; Knowles, 2010). De plus, ces parcelles sont légèrement amendées avec des

quantités différentes de fumier selon les agriculteurs et selon leur emplacement (plus de fumier

déposé sur les prairies de fauche proches des habitations et moins sur celles plus éloignées),

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augmentant encore la diversité des habitats offerts à la faune et la flore (Huband & McCracken,

2010; Knowles, 2010). Pour maintenir une agriculture traditionnelle, un travail de sensibilisation des

agriculteurs doit être effectué, afin de leur faire prendre conscience de l’immense richesse

biologique qu’ils permettent d’entretenir. En effet, en Belgique, les prairies montagnardes des

Carpates seraient directement considérées comme des zones Natura2000, alors qu’en Transylvanie,

elles font partie du quotidien des agriculteurs. Il faut donc encourager les Roumains à continuer à

produire traditionnellement leur pain, leur fromage et leur viande, car ce n’est que de cette manière

que leur style de vie et la haute biodiversité qui en découle pourront être maintenus à l’avenir. De

même, certains milieux particuliers, comme le pré-bois de la forêt de Breite, doivent continuer à être

pâturés extensivement pour empêcher la forêt de reprendre le dessus. Si aucune intervention

humaine n’a lieu dans cet endroit, le broutage par les espèces sauvages et le feu seront les deux

facteurs naturels qui pourront encore maintenir le milieu ouvert dans le futur.

Les différentes prairies au sein desquelles les relevés botaniques ont été effectués sont créés de la

main de l’Homme, grâce à ce mode d’agriculture traditionnel. Sans les systèmes de fauche tardifs mis

en place, la biodiversité des lieux ne seraient certainement pas la même. Ceci souligne encore une

fois la nécessité de maintenir le système en place. Sans la fauche ou le pâturage extensif, le milieu

finirait sans doutes, à terme, par se refermer. À moins que la pression naturelle de broutage par les

animaux sauvages n’arrive à contrer la repousse des espèces ligneuses, le milieu retournera à une

forêt, sauf dans les zones alpines supérieures à la limite naturelle des forêts, où le milieu restera

ouvert. Le feu pourrait aussi participer au maintien naturel des milieux ouverts. Le cortège floristique

y serait sans doute différent de celui présent actuellement grâce aux fauches annuelles des prés. Les

prairies steppiques visitées pourraient également se maintenir telles quelles naturellement, car elles

se trouvaient sur de fortes pentes, sur lesquelles l’exposition au soleil était forte et où les espèces

ligneuses ont du mal à s’établir.

La grande richesse biologique des pelouses Selon l'Organisation des Nations Unies pour l'alimentation et l'agriculture (FAO), les prairies

constituent l'un des écosystèmes terrestres les plus répandus et représentent plus de 40% de la

surface émergée du globe. Elles produisent de nombreux services écosystémiques (stockage de

carbone, drainage, érosion du sol, habitat pour la protection de l'environnement, etc.) et

représentent une source importante d'alimentation pour le bétail et pour la conservation in situ des

ressources (Silva et al., 2008). Les prairies semi-naturelles figurent également parmi les écosystèmes

les plus diversifiés au monde, aussi bien au niveau de la flore que de la faune (insectes, oiseaux).

Pourtant, si ces paysages prairiaux possèdent une grande valeur de conservation, ils sont

malheureusement de plus en plus menacés par l'intensification de l'agriculture et l'abandon des

terres. A partir des années 1950, dans la majorité des régions d’Europe, les pratiques agro-pastorales

ont considérablement été modifiées et l’action de l’homme est devenue intensive (drainage intensif,

fertilisation importante des sols, recours aux pesticides), détruisant peu à peu la biodiversité de ces

milieux. A ce jour, seules quelques régions d'Europe de l'Est, comme la Transylvanie, abritent encore

de vastes surfaces de prairies de fauche et de pâturages parmi les plus riches en espèces en Europe.

Alors qu’en Belgique, il est exceptionnel d’atteindre 50 espèces végétales/100 m² en prairie (Janssens

& Peeters, 1999), les différents relevés effectués lors de nos randonnées (Vanatori Est et Ouest ainsi

que les prairies submontagnardes de la passe de Ghimes) ont montré des richesses spécifiques allant

de 42 à plus de 90 espèces de plantes pour une même superficie. A cette diversité gamma élevée

dans l'ensemble du paysage s’ajoute une grande variation dans la composition des espèces végétales

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sur quelques mètres, expliquant en partie la grande valeur écologique des prairies de cette région.

Un autre élément caractéristique des prairies transylvanniennes est l’existence d’une vingtaine

d’espèces de trèfles ou de vesces, mais aussi de nombreuses espèces d’orchidées, figurant sur la liste

rouge de Roumanie. Tous ces paramètres font de ces prairies des habitats d’intérêt communautaire

et les communautés végétales qui les composent figurent ainsi dans l’Annexe I de la Directive

« Habitats » (Akeroyd, 2013).

Ces prairies de Transylvanie présentent également de nombreuses espèces remarquables, dont

certaines sont aujourd’hui régionalement, nationalement ou internationalement rares (voire

disparues). Outre les plantes, des sonneurs à ventre jaune ont aussi très souvent été observés au

cours de notre voyage. Certains oiseaux ayant disparu dans une grande partie de l'Europe, tels que

l’aigle pomarin, le râle des genêts, et plusieurs espèces de pies-grièches, restent très répandus dans

ces écosystèmes. À l’inverse, le râle des genêts et la pie-grièche écorcheur, par exemple, sont deux

espèces qui ont été ou sont actuellement ciblées par un projet LIFE en Belgique, afin d’y augmenter

les effectifs de leurs populations.

Enfin, une grande variété d'insectes, notamment des papillons, des criquets, des mantes, des abeilles

et autres hyménoptères se sont installées dans ces prairies fleuries.

Ces paysages ouverts et exceptionnellement riches ont été crées et sont maintenus par des siècles

d'agriculture traditionnelle, comme cité précédemment. Malgré l’arrivée progressive de la

mécanisation et de l’intensification (tracteurs, surpatûrage, etc.), l'agriculture traditionnelle et non

mécanisée semble subsister dans les régions visitées : tonte par faux, peu ou pas d'engrais ou de

traitements chimiques, utilisation de chevaux pour tirer le foin, faible taux de charge, etc. C’est une

gestion extensive qui permet alors de conserver la mosaïque des habitats agricoles riches en

biodiversité, entrecoupés de broussailles et de hêtres, de charmes et boisés de chênes avec une flore

et une faune très diversifiées. Les fauches réalisées en juillet (correspondant à des fauches tardives)

permettent, elles, aux plantes d’atteindre leur stade de floraison. et donc la reproduction et le

renouvellement par ensemencement naturel d’un grand nombre d’espèces. Ces prairies relativement

préservées de la Transylvanie du Sud donnent ainsi un aperçu d'une Europe plus proche du 18ème

siècle que l'Europe contemporaine. Elles constituent le seul paysage de plaine en Europe qui abrite

des populations viables de loups et d'ours (Page, Popa, Gherghiceanu, & Balint, 2010).

Sur les coteaux, et à une échelle plus faible sur les monticules ou « moviles », les pelouses steppiques

de haute valeur naturelle (HVN) sont aussi un réservoir de fleurs sauvages. Ce mélange de plantes

européennes, steppiques et méditerranéennes, avec des espèces forestières, survit également à la

suite de l'agriculture traditionnelle.

En 2004, un programme novateur initié par la Fondation ADEPT (Fondation pour le développement

agricole et la protection de l'environnement en Transylvanie) a été établi pour promouvoir et faciliter

la conservation de la biodiversité et du développement rural. Il était question de renforcer et

maintenir les liens entre biodiversité des prairies, agriculture et production alimentaire de qualité.

Cette fondation et ses partenaires ont été actifs au niveau local, national et international dans la

mise en œuvre de mesures européennes et roumaines pour aider les petits agriculteurs à obtenir de

meilleurs revenus et protéger la biodiversité. D'autres ONG et initiatives locales sont également

actives, en particulier dans le domaine de l'écotourisme (Akeroyd, 2013).

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Les prairies semi-naturelles à haute valeur biologique, comme c’est le cas ici, sont d'une importance

internationale pour la conservation, et représentent un écosystème de plus en plus rare et qui a été

perdu dans beaucoup d'autres parties d'Europe. Ce serait alors une grande perte écologique et

culturelle pour la région si l'agriculture intensive moderne devenait une pratique dominante : une

agriculture mixte non intensive, et pas nécessairement organique, semble ainsi offrir la meilleure

solution durable.

Les forêts primaires Les forêts du territoire « Carpates-Danube » se sont formées durant l’Holocène, avec pour

principales essences les pins, les bouleaux et les saules. Le réchauffement postglaciaire au préboréal

(8000-7000 ans avant J.-C.) a cependant permis l’extension de l’épicéa, qui a alors remplacé les

essences précédentes en pessières. Petit à petit, ces dernières ont gagné les étages plus

montagnards, du fait d’un climat chaud et humide, et se sont mélangées aux chênaies de plus bas

étages. Par la suite, la succession de périodes froides (sub-boréales) et de périodes plus fraiches et

humides (subatlantiques) a entrainé la formation d’étages distincts de charmaies, qui ont ensuite été

remplacés par l’extension des hêtraies. Ce processus de formation forestière s’est terminé par

l’expansion du sapin, de bandes de hêtres et de résineux mélangés, et par le recul de la steppe et de

la sylvo-steppe. Cet ensemble forestier recouvrait ainsi, jadis, environ 80% du territoire de la

Roumanie, composés par plus de la moitié par des chênaies et de la sylvo-steppe de chênes (Giurgiu

et al., 2001).

Au cours de l’histoire, des déboisements massifs du couvert forestier ont eu lieu, principalement lors

de la domination turque, ou sous l’administration de l’Empire autrichien. En 1984, le Congrès des

Sylviculteurs roumains (formés en France) refuse d’étendre la méthode germano-autrichienne et

applique une méthode de coupe jardinée (futaie irrégulière permettant la présence de toutes les

classes de tailles et d’âges), qui explique aujourd’hui la forte présence de forêts primaires/vierges.

Bien qu’à la fin du 19ème siècle, les forêts représentaient seulement 40% du territoire, la période de

l’entre-deux-guerres a été bien plus radicale, diminuant ce chiffre à 28%. De plus, cette période a

profondément modifié leur structure et leur composition ; modifications qui s’accélèrent durant la

période du communisme. En effet, les forêts vierges sont alors coupées à blanc et remplacées par

des résineux, des robiniers ou des peupliers (Giurgiu et al., 2001). Malgré la chute du socialisme, les

forêts ne sont toutefois pas « sauvées » et sont même encore fortement transformées. La période

post-communisme entraine ainsi la privatisation des territoires et des forêts, qui sont alors gérées

par des nobles et des villageois. Plus de 45% des forêts sont alors privatisées, avec pour objectif

d’atteindre les 2/3 du couvert forestier, pour un nombre de 800 000 propriétaires. Cette période, qui

présente des difficultés économiques considérables, des institutions affaiblies par le changement

socio-économique rapide, un taux de corruption élevé, ainsi qu’une précarité du statut juridique de

protection, induit donc un changement d’utilisation des terres. Les propriétaires voient alors en leur

territoire forestier un atout économique majeur, et capitalisent leurs forêts. Elles sont ainsi coupées

illégalement et le braconnage se développe à grande vitesse. Depuis les lois de rétrocession

forestière de 1991, le personnel forestier manque cruellement (1 garde forestier pour environ 12 000

ha, au lieu de 1000 ha en général), de même que les financements et la recherche scientifique. Les

conséquences de ce changement d’utilisation du territoire s’expriment par une perte et une

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fragmentation des habitats, qui provoquent une perte de biodiversité et une diminution de

l’efficacité des services écosystémiques (protection contre les inondations, contre les glissements de

terrain, etc.) (Knorn et al., 2012; Vijulie, Tîrlă, Manea, Matei, & Cuculici, 2013).

Ainsi, aujourd’hui, 26.7% de la Roumanie est recouverte de forêts, dont 400 000 ha d’entre elles sont

dites vierges ou quasi-vierges, situées dans le Sud-Ouest des Carpates méridionales et tout au long

de cette chaine de montagnes, dans des zones difficilement accessibles. Ces forêts sont définies

comme primaires dans le cas où leur formation résulte de facteurs naturels, sans influences directes

ou indirectes de l’Homme, et sont appelées secondaires dans le cas où l’impact humain est

insignifiant. Ces forêts vierges se distinguent des autres selon plusieurs points (Giurgiu et al., 2001) :

une constance de composition du peuplement par un équilibre dynamique dans le temps et

l’espace ;

un maintien de l’équilibre écologique à long terme ;

une diversité des âges ;

une stagnation longue de la croissance sous le couvert des arbres ;

une variabilité de la structure ;

une forte présence de bois mort ;

une biomasse en équilibre ;

une résistance aux impacts naturels ;

une podologie propre à l’alternance des peuplements.

En ce qui concerne les peuplements, ceux-ci peuvent êtres soit purs, dans le cas de stations aux

conditions extrêmes ou d’essences très compétitives, soit bien mélangés, dans le cas d’essences à

besoins complémentaires ou au niveau des limites de répartition (Giurgiu et al., 2001).

De par ses caractéristiques, la forêt vierge est un cœur de biodiversité exceptionnel, que cela soit

floristique ou faunistique. Ces forêts non endommagées par la sylviculture démontrent alors des taux

d’endémisme élevés, ainsi que des records de dimension pour certains arbres (60 mètres de hauteur

pour un épicéa, 55 mètres pour un sapin, etc.) (Giurgiu et al., 2001).

Afin de conserver ces forêts et leur biodiversité, plusieurs mesures pourraient être mises en place,

telles que (Giurgiu et al., 2001; Knorn et al., 2012) :

continuer l’inventaire et la cartographie de ces forêts, comme l’effectue actuellement le

WWF Roumanie ;

les inclure dans un contexte et un réseau européen pour améliorer leur statut ;

agrandir le réseau de parcs nationaux et de réserves naturelles afin de les y englober.

Toutefois, certains de ces parcs ou réserves n’ont pas de réel statut juridique. Il est donc

nécessaire de protéger ces forêts via des plans d’aménagement forestier, des arrêtés

ministériels ou des administrations locales, qui interdiraient coupes, chasse, pâturage, etc. ;

augmenter la taille des zones tampons pour protéger ces zones forestières ;

communiquer localement et internationalement et susciter l’intérêt scientifique sur ces

forêts vierges.

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Toutefois, au vu des difficultés économiques que rencontre la Roumanie, ces mesures pourront

difficilement être mises en place sans l’aide de l’Union Européenne, que cela soit sur les plans

administratif et juridique, ou sur l’aspect financier.

Ce que nous avons apprécié lors de ce stage, et moins… D’une manière générale, ce stage en Roumanie était à la hauteur de nos attentes et s’intégrait

parfaitement au cursus de Biologie de la Conservation. Il nous a permis de découvrir un pays que l’on

n’a pas spécialement l’opportunité de visiter souvent, et d’apprécier sa haute valeur biologique, mais

aussi culturelle. Il était très intéressant de voir à quel point un pays européen peut encore être à ce

point traditionnel, surtout en ce qui concerne l’agriculture ! Les lieux de logement étaient très bien

choisis et globalement assez proches des lieux à visiter, ce qui était fort agréable pour tout le monde.

Nous avons apprécié la majorité des activités. Toutefois, l’observation d’ours dans une aire de

nourrissage telle que celle visitée avait un peu des airs de « zoo », dans le sens où les ours étaient

très habitués à être nourris et sont arrivés à peine 5 minutes après que nous nous soyons installés

dans le cabanon d’affût. L’observation avec Diana et son mari, à Saschiz, cadrait beaucoup mieux

avec l’aspect « nature et protection de l’environnement » de notre formation BCBG (même si les

ours étaient, là aussi, un peu nourris, il a fallu s’armer de beaucoup plus de patience et de courage

pour mériter de les voir). De plus, la journée consacrée au Wolf Life nous a moins plu que les autres.

Il était intéressant de découvrir un projet LIFE pareil, mais le reste de la journée n’a pas apporté

énormément de nouveautés (mise à part l’observation d’un aigle pomarin…). Enfin, en ce qui

concerne la randonnée à Piatra Craiului, bien qu’elle ait été fantastique d’un point de vue paysager,

elle devrait être revue dans les années à venir. En effet, le chemin était assez dangereux pour

certains élèves sujets aux vertiges par exemple. De plus, arrivés sur la crête, la richesse floristique

n’était pas aussi exceptionnelle qu’elle l’aurait peut-être été ailleurs. Mais pour les amateurs de

montagne, c’était un vrai plaisir !

Un autre point très positif du stage est qu’il n’est pas axé uniquement sur un sujet ou un groupe

d’espèces particulier. En plus de la botanique, nous avons pu faire beaucoup d’ornithologie, observer

des ours, visiter des fermes, visiter une église fortifiée (bien aussi d’avoir un peu de visites culturelles

de temps en temps dans un pays avec une histoire si riche). Et puis pour ceux qui auraient envie

d’apprendre à changer un pneu de camionnette, il est toujours utile de s’inscrire à ce stage…

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