Rôle des mastocytes dans le développement des astrocytomes ...

317
UNIVERSITÉ DE STRASBOURG École doctorale Sciences de la Vie et de la Santé UMR CNRS 7213 Laboratoire de Biophotonique et Pharmacologie Faculté de Pharmacie THÈSE Pour obtenir le grade de DOCTEUR DE L’UNIVERSITÉ DE STRASBOURG Discipline : Aspects Cellulaires et Moléculaires de la Biologie par Abdelaziz BOUKHARI Rôle des mastocytes dans le développement des astrocytomes humains : Implication du récepteur CD47 Soutenue publiquement le 25 juin 2012 Membres du jury Directeur de thèse : Jean-Pierre Gies, Professeur, Strasbourg Rapporteur externe : Jean-Luc Bueb, Professeur, Luxembourg Rapporteur externe : Claude Bertrand, Vice-Président Recherche et développement des Laboratoires IPSEN, Boulogne-Billancourt Présidente du jury : Dominique Wachsmann, Professeur, Strasbourg

Transcript of Rôle des mastocytes dans le développement des astrocytomes ...

  • UNIVERSIT DE STRASBOURG

    cole doctorale Sciences de la Vie et de la Sant

    UMR CNRS 7213

    Laboratoire de Biophotonique et Pharmacologie

    Facult de Pharmacie

    THSE

    Pour obtenir le grade de

    DOCTEUR DE LUNIVERSIT DE STRASBOURG

    Discipline : Aspects Cellulaires et Molculaires de la Biologie

    par

    Abdelaziz BOUKHARI

    Rle des mastocytes dans le dveloppement des astrocytomes

    humains : Implication du rcepteur CD47

    Soutenue publiquement le 25 juin 2012

    Membres du jury

    Directeur de thse : Jean-Pierre Gies, Professeur, Strasbourg

    Rapporteur externe : Jean-Luc Bueb, Professeur, Luxembourg

    Rapporteur externe : Claude Bertrand, Vice-Prsident Recherche et dveloppement des

    Laboratoires IPSEN, Boulogne-Billancourt

    Prsidente du jury : Dominique Wachsmann, Professeur, Strasbourg

  • UNIVERSIT DE STRASBOURG

    cole doctorale Sciences de la Vie et de la Sant

    UMR CNRS 7213

    Laboratoire de Biophotonique et Pharmacologie

    Facult de Pharmacie

    THSE

    Pour obtenir le grade de

    DOCTEUR DE LUNIVERSIT DE STRASBOURG

    Discipline : Aspects Cellulaires et Molculaires de la Biologie

    par

    Abdelaziz BOUKHARI

    Rle des mastocytes dans le dveloppement des astrocytomes

    humains : Implication du rcepteur CD47

    Soutenue publiquement le 25 juin 2012

    Membres du jury

    Directeur de thse : Jean-Pierre Gies, Professeur, Strasbourg

    Rapporteur externe : Jean-Luc Bueb, Professeur, Luxembourg

    Rapporteur externe : Claude Bertrand, Vice-Prsident Recherche et dveloppement des

    Laboratoires IPSEN, Boulogne-Billancourt

    Prsidente du jury : Dominique Wachsmann, Professeur, Strasbourg

  • Rle des mastocytes dans le dveloppement des astrocytomes humains : Implication du rcepteur CD47

    Rsum

    Des tudes suggrent que les cellules inflammatoires joueraient un rle initiateur du cancer

    et contribueraient activement son dveloppement. Mes travaux se focalisent sur ltude

    des gliomes humains et les mastocytes. Les gliomes sont les tumeurs les plus frquentes du

    SNC. Les mastocytes constituent des cellules dintrt dans ltude du microenvironnement

    inflammatoire des tumeurs. Grce une technique de coculture mastocytes/astrocytomes

    nous avons montr que les mastocytes induisent la prolifration des astrocytomes humains

    et nont pas deffet sur les astrocytes. Cet effet prolifratif ncessite un contact direct entre

    les deux types cellulaires (ce qui suggre limplication de molcules dadhrence) et est

    dpendant de la scrtion de lIL6. Aussi avons-nous cibl le couple CD47/SIRP et le couple

    CD40/CD40L qui sont impliqus dans le contrle de la balance prolifration/apoptose ou/et

    la scrtion de mdiateurs de linflammation. Lactivation du rcepteur CD47 dans les

    astrocytomes humains favorise leur prolifration. La voie de signalisation intracellulaire

    implique le dimre des protines G, une activation conscutive de la voie PI3K/Akt, une

    surexpression de la protine UHRF1 accompagne dune diminution de lexpression du GST

    p16INK4A. Il semblerait galement que lactivation du rcepteur CD47 induise une

    translocation de NF-B et lexpression de gnes de cytokines en particulier lIL-6 qui

    contribuerait la prolifration des astrocytomes. Cette voie de signalisation nest pas active

    dans les astrocytes. En coculture laugmentation de la prolifration des astrocytomes est

    accompagne dune diminution de lexpression de CD47 et son ligand SIRP. Ces effets sont

    accompagns par une phosphorylation dAkt et ERK. Nous avons galement montr que

    lactivation du rcepteur CD40 favorise la prolifration des astrocytomes via la voie de lIL6.

  • Role of mast cells in the development of human astrocytomas: Imvolvement of CD47 receptor

    Abstract

    Studies suggest that inflammatory cells play an initiating role of cancer and would contribute

    actively to its development. My work focused on the study of human glioma and mast cells.

    Gliomas are the most frequent tumors of the central nervous system (CNS). Mast cells are

    cells of interest in the study of Tumor inflammatory Microenvironment. Using the technique

    of coculture: mast cells/astrocytomas we have shown that mast cells induce the proliferation

    of human astrocytomas and have no effect on astrocytes. The proliferative effect requires a

    direct contact between the two cell types (which suggests the involvement of adhesion

    molecules) and is dependent on the secretion of the IL6. We also targeted the CD47/SIRP

    and CD40/CD40L interactions who are involved in the control of the proliferation/apoptosis

    balance or / and the secretion of mediators of inflammation. Activation of the CD47 receptor

    in human astrocytomas enhances their proliferation. Intracellular signaling pathway involves

    the dimer of G-protein and consecutive activation of the PI3K/Akt Pathway. Activation of

    CD47 induces overexpression of the UHRF1 protein, this increase of UHRF1 accompanied by

    a decrease in the expression of the tumor suppressor gene (p16INK4A). It would also appear

    that CD47 receptor activation induces a translocation of NF - B and the expression of genes

    of cytokines particularly IL-6 which would contribute to the proliferation of astrocytomas.

    This signalling pathway is not enabled in astrocytes. In coculture, the proliferation of

    astrocytomas is accompanied by a decrease in CD47 expression and its ligand SIRP. These

    effects are accompanied by a phosphorylation of Akt and ERK. We have also shown that

    activation of CD40 receptor promotes the proliferation of astrocytomas via the IL-6

    dependent pathway.

  • Publications

    E. Sick, A. Boukhari, T. Deramaudt, P. Rond, B. Bucher, P. Andr, JP. Gies, K. Takeda. Activation of CD47 receptor causes proliferation of human astrocytoma but not normal astrocytes via an Akt-dependent pathway. Glia 2011, 59:308-19.

    K. Kolli-Bouhafs, A. Boukhari, A. Abusnina, E. Velot, T. Deramaudt, JP. Gies, C. Lugnier, P. Rond. Thymoquinone reduced the migration and invasion of human U87 glioblastoma cells through FAK, ERK, MMP-2 and MMP-9 down-regulation. Invest. New Drugs 2011, 10637-011-9777-3.

    M. Alhosin, A. Ibrahim, A. Boukhari, T. Sharif, JP. Gies, C. Auger, V.B. Schini-Kerth. Anti-neoplastic agent thymoquinone induces degradation of and tubulin proteins in human cancer cells without affecting their level in normal human fibroblasts. Invest. New Drugs 2011, 10637-011-9734-1.

    A. Boukhari, M. Alhosin, C. Truchot, K. Sagini, E. Sick, V. Shini-Kerth, K. Takeda, P. Andr, JP. Gies. Activation of CD47 receptor-induced UHRF1 overexpression is associated with silencing of tumor suppressor gene p16INK4A in glioblastoma cells: Role of PI3-kinase/Akt. (Soumise)

    E. Sick, A. Boukhari, P. Andr, G. Coupin, K. Takeda, JP. Gies. Mast cells induce proliferation of human astrocytoma cells but not normal astrocytes via an IL-6- dependent pathway. (Soumise)

    A. Boukhari et al. Mast cells enhance the proliferation of human astrocytomas cell lines U87 and CCF-STTG1 through the down-regulation of SIRP and increase the level of ERK1/2 and Akt phosphorylation. (En preparation)

    A. Boukhari et al. Activation of CD40 receptors causes proliferation of human astrocytoma but not normal astrocyte via an IL-6-dependent pathway. (En preparation)

    K. Kolli-Bouhafs, A. Abusnina, A. Boukhari, F. Noulet, C. Auger, T. Deramaudt, C. Lugnier, JP. Gies, V. Schini-Kerth, P. Rond. FAK negatively regulates invadopodia by inhibiting TKs-5 dependent reactive oxygen species production in B16F10 melanoma cell line. (En preparation)

    P. Andr, E. Sick, G. Carr, A. Boukhari, G. Coupin, K. Takeda, JP. Gies. A role for CD47 in the phagocytosis of Listeria monocytogenes 1 by macrophages. (En preparation)

    http://www.ncbi.nlm.nih.gov/pubmed/21881916http://www.ncbi.nlm.nih.gov/pubmed/21881916http://www.ncbi.nlm.nih.gov/pubmed/21881916

  • Table des matires

    Remerciement

    Abrviations

    Listes des figures et tableaux

    Avant-propos

    Introduction 1

    Les tumeurs intrcraniennes : les gliomes 1

    Les cellules gliales 2

    Les gliomes 3

    Classification des astrocytomes 5

    Astrocytomes pilocytiques (Grade I) 5

    Astrocytomes diffus de bas grades (Grade II) 5

    Astrocytomes anaplasiques (Grade III) 6

    Glioblastomes 7

    Microenvironnement tumoral 11

    Le stroma 12

    La raction inflammatoire et cancer 14

    Cellules intervenant dans limmunit anti-tumorale 18

    Cellules intervenant dans la suppression de limmunit anti-tumorale 20

    Les mastocytes 25

    Origine 28

    Classification 29

    Mdiateurs mastocytaires 31

    Mastocytes et tumeurs 33

    Rle nfaste des mastocytes infiltrs dans les tumeurs 36

    Rle bnfique des mastocytes infiltrs dans les tumeurs 37

    Mastocytes et systme nerveux 38

    Le complexe rcepteur CD47 -SIRP 40

    Le Rcepteur CD47/IAP 40

    SIRP : Signal regulatory protein- 43

    Matriel et Mthodes 46

    Culture cellulaire des lignes 46

    Culture des astrocytomes humains 46

  • Temps de gnration des lignes 46

    Culture des astrocytes normaux humains 48

    Isolement des mastocytes pritonaux de rat 48

    Isolement des macrophages pritonaux de rat 49

    Cocultures mastocytes-astrocytomes et mastocytes-astrocytes 49

    Cocultures macrophages-astrocytomes 51

    tude de la prolifration cellulaire 51

    Mesure de lincorporation de thymidine tritie 51

    Mesure de lincorporation de bromo-dsoxyuridine (BrdU) 52

    valuation de la viabilit avec le test colorimtrique MTS 53

    valuation de la viabilit par coloration au bleu trypan 54

    Caractrisation de lapoptose 56

    Quantification de messagers intracellulaires 58

    Mesure du calcium intracellulaire 58

    Dosage de lAMPc 59

    tude des mdiateurs scrts 60

    Caractrisation des cytokines scrtes par les astrocytomes 60

    Caractrisation des cytokines scrtes par les mastocytes 60

    Caractrisation des mtalloprotases scrtes par les astrocytomes 61

    Dosage ELISA de lIL-6 scrtes par les astrocytomes 61

    tude de lexpression des ARN messagers 61

    Extraction des ARN messagers 61

    Synthse de lADN complmentaire par transcription inverse 62

    Amplification de lADNc par PCR (Polymerase Chain Reaction) 62

    Amplification de lADNc par PCR en temps rel 63

    tude de lexpression des protines 66

    Marquage immunocytochimique 66

    Western Blot 66

    Immunoprcipitation 68

    Rsultats 70

    Influence des mastocytes sur la prolifration des astrocytomes 70

    Objectifs de ltude 70

    Discussion et perspectives 70

    Publication n1

  • Rle du rcepteur CD47 dans les astrocytomes 100

    Objectifs de ltude 100

    Discussion et perspectives 100

    Publication n2

    Rcepteur CD47 et PI3-kinase/Akt, UHRF-1 et P16INK4A dans les astrocytomes 114

    Objectifs de ltude 114

    Discussion et perspectives 115

    Publication n3

    Rle du complexe SIRP-CD47 dans les interactions mastocytes- astrocytomes 152

    Objectifs de ltude 152

    Discussion et perspectives 152

    Publication n4

    Rle du rcepteur CD40 et de son ligand CD40L dans les astrocytomes 184

    Objectifs de ltude 184

    Discussion et perspectives 184

    Publication n5

    Autres Rsultats 210

    Effet de la thymoquinone sur la migration et linvasion des astrocytomes 211

    Rsum 211

    Publication n6

    Effet de la thymoquinone sur la tubuline dans les cellules cancreuses et les fibroblastes humains 224

    Rsum 224

    Publication n7

    Discussion gnrale des rsultats et perspectives 233

    Bibliographie 242

  • Remerciement

    Ce travail de thse a t le labeur de trois annes et naurait probablement jamais

    t men terme sans le soutien dun grand nombre de personnes que je tiens vivement et

    trs sincrement remercier.

    Jadresse mes remerciements Monsieur Jean-Luc Bueb, Professeur luniversit du

    Luxembourg qui a accept de participer au jury de thse.

    Je tiens remercier Monsieur Claude Bertrand, Vice-Prsident recherche et

    dveloppement des Laboratoires IPSEN, Boulogne-Billancourt , davoir accept dtre parmi

    les rapporteurs de ce travail.

    Je remercie vivement Madame Dominique Wachsmann, professeur la facult de

    pharmacie Strasbourg, pour sa participation bienveillante notre jury de thse.

    Je tiens galement remercier Monsieur Kenneth Takeda, Directeur de recherche

    la facult de pharmacie Strasbourg, d'avoir accept de participer au jury de cette thse.

    Je voudrais exprimer ma profonde gratitude Monsieur Jean-Pierre Gies, professeur

    la facult de pharmacie Strasbourg, pour mavoir accueillir au sein de son quipe au

    laboratoire biophotonique et pharmacologie CNRS UMR-7213, pour avoir dirig ce travail,

    pour les nombreuses discussions que nous avons eu, malgr un emploi du temps charg,

    pour sa sensibilit, son gard, le respect et la sympathie dont je fus tmoin, pour mavoir

    montr limportance de la partie exprimentale dans notre domaine et la bonne humeur

    dont il a toujours fait preuve est un lment de motivation non ngligeable.

    Je remercie Monsieur Philippe Andr et Madame Gilliane Coupin pour leur

    disponibilit de discussion pendant mes prsentations orales et leurs remarques pertinentes

    pour avancer dans notre projet.

    Je ne peux videmment que remercier les membres de l'UMR 7213 avec qui j'ai

    partag ces trois annes, et particulirement : Mahmoud, Noureddine, Rachid, Abdurazek,

    Salah, Abdulkhaleg, Fathi, Faraj, Tanveer, Rada, Kaouther, Isra, Gaelle, Hana, Anne-Marie,

    Jrme, Farida, Meliki pour la bonne humeur dont ils font toujours preuve. Je remercie

    vivement Marlyse et Ingrid pour leur disponibilit administrative et leur gentillesse.

    Je tiens remercier mon trs cher oncle Abdelkader et mes trs chers frres qui

    mont normment aid et qui je tmoigne mon affection et ma profonde reconnaissance.

  • Je ddie ce travail

    A mes trs chers parents

    Aucune ddicace ne saurait tre assez loquente pour exprimer ce que vous mritez pour tous les sacrifices que vous navez cess de me donner depuis ma naissance, durant mon enfance et

    mme lge adulte.

    Rien au monde ne vaut les efforts fournis jour et nuit pour mon ducation et mon bien tre.

    Ce travail est le fruit de vos sacrifices que vous avez consentis pour mon ducation et ma formation.

    A mes trs chers beaux-parents

    Aucune ddicace ne saurait exprimer lamour, lestime, le dvouement et le respect que

    jai toujours eu pour vous.

    Vos prires et vos bndictions mont t dun grand secours pour mener bien cette tude.

    A ma trs chre femme

    Quand je tai connu, jai trouv la femme de ma vie, mon me soeur et la lumire de mon chemin.

    Ma vie tes cots est remplie de belles surprises.

    Tes sacrifices, ton soutien moral et ta gentillesse sans gal, ton profond attachement m'ont permis de russir mes tudes.

    Sans ton aide, tes conseils et tes encouragements ce travail n'aurait vu le jour.

  • Abrviations :

    AC : Adenylate Cyclase

    ADN : Acide DesoxyriboNuclotide

    ADNc : Acide DesoxyriboNuclotide complmentaire

    AMPc : adnosine-3:5-monophosphate cycliqu

    ARNm : Acide Ribonuclique messager

    ATP : Adenosine Tri-Phosphate

    ATCC: American Type of Culture Collection

    BBB: Blood Brain Barrier

    Bcl-2: B-cell CLL/lymphoma 2

    BHE: Barrire Hmato Encphalique

    BSA: Bovine Serum Albumin

    CMH: complexe majeur dhistocompatibilit

    CNS: Central Nervous System

    CPA : Cellule Prsentatrice dAntignes

    DMEM: Dulbeccos Modified Eagles Medium

    DMSO: Dimthyl sulfhoxyde

    DTT: Dithiotritol

    EDTA: EthyleneDiamine-Tetraacetic Acid

    EGF: Epidermal Growth Factor

    ELISA: Enzyme Linked Immuno-Sorbent Assay

    EMEM: Eagles Minimum Essential Medium

    ERK: Extracellular signal-regulated kinases

    FcRI : rcepteur de haute affinit pour les IgE

    FcRII : rcepteur de faible affinit pour les IgE (CD23)

    FGF: Fibroblast Growth Factor

    GAPDH: Glyceraldehyde 3-phosphate dehydrogenase

    GBM: Glioblastome multiforme

    GGM: Motif Glycine-Glycine-Mthionine

  • GFAP: glial fibrillary acidic protein

    GM-CSF: Granulocyte Macrophage-Colony Stimulating Factor

    Gi : Sous unit inhibitrice de protine G

    Gs : Sous unit stimulatrice de protine G

    HRP: Horse-Radish Peroxydase

    IAP : Integrin Associated Protein (ou CD47)

    IFN : Interfron

    Ig : Immunoglobuline

    IL : Interleukin

    IP : Iodure de Propidium

    IP : Immunprcipitation

    Kb: Kilo-base

    KDa: kilo Dalton

    MAPK: Mitogen Activated Protein Kinase

    MCP: monocyte chemoattractant protein

    MMP: matrix metalloproteinas

    mTOR: Mammalian target of ranpamycin

    NEAA: Non essential amino acid

    NF-b: Facteur nuclaire b

    NGF: Nerve Growth Factor

    NHA: Normal human astrocyte

    PBS : Phosphate Buffer Saline

    PFA : Paraformaldhyde

    PH : potentiel dHydrogne

    PGE 2 : Prostaglandine 2

    PI3K : PhosphatIdylinositol-3-Kinase

    PKC : Protine kinase C

    PLC : Phospholipase C

    PLIC-1: protein linking IAP to cytoplasmic 1

    PVDF : polyvinylidne difluorid

    P14ARF: Tumor suppressor protein of 14 kDa (ARF) alternate reading fram

    P16INK4A: Cyclin-dependent kinase inhibitor 2A (melanoma, p16, inhibits CDK4)

  • Ras : Rat sacroma viral oncogene homolog

    RCPG : Rcepteur Coupl au Protine G

    RE : Rticulum Endoplasmique

    RIA: Radio Immuno Assay

    RNase: Ribonuclase

    ROS: reactive oxygen specie

    Rpm: rotations par minut

    RPMC: Rat peritoneal mast cell

    RPMI: Roswell Park Memorial Institute medium

    RT-PCR: Reverse Transcription- Polymerase Chain Reaction

    SDS: Sodium Dodcyl Sulfate

    SDS-PAGE : Electrophorse sur Gel de PolyAcrylamide en prsence de SD

    SEM : erreur standard sur la moyenne

    SE7C2: Anticorps dirig contre la protine SIRP

    SHP2 : Src-homology tyrosine phosphatase

    SIRP : Signal Regulatory Protein

    SNC : Systme Nerveux Central

    Src : Rous sarcoma protein kinase

    SVF : Srum de Veau Ftal

    TAE: Tris actate EDTA

    TBST: Tris Buffered-Saline Tween

    TGF: Tumor Growth Factor

    TIMP: Tissue Inhibitor of Metalloproteinases

    TNF: Tumor Necrosis Factor

    TSP : Thrombospondine

    UHRF1: Ubiquitin-like containing PHD and RING finger domain 1

    VEGF: Vascular Endothelial Growth Factor

    UV : Ultraviolet

    VVM : Motif Valine-Valine-Mthionine

    2D3, B6H12: Anticorps anti-CD47

  • Listes des figures et des tableaux :

    Figure 1 : Astrocytes dhippocampe de souris observs en microscopie fluorescence

    3

    Tableau 1: Classification des gliomes selon lOMS 2007 5 Tableau 2: Taux dincidence des tumeurs intracrniennes primitives en

    fonction des types histologiques

    6

    Figure 2 : Aberrations gntiques impliques dans la gnse des glioblastomes

    8

    Tableau 3: Exemples dinhibiteurs utiliss dans les traitements de glioblastomes

    10

    Figure 3: Les six caractristiques fondamentales dune cellule cancreuse 11 Figure 4: La Tumeur ; un organe complexe, un organe part entire et

    bnon un amas dstructur de cellules

    13

    Tableau 4 : Exemples de cancers lis linflammation 16 Figure 5: Effets des cellules de limmunit inne et acquise lors de

    linflammation associe la cancrogense

    17

    Figure 6: Schma simplifi refltant le rle des cytokines libres par les

    lymphocytes T dans la rgulation de limmunit pro- et anti-

    tumorale

    19

    Figure 7: Concept de limmuno-surveillance et immunoediting des Tumeurs

    21

    Figure 8: Lquilibre entre les cytokines et les chemokines rgule le

    dveloppement tumoral

    24

    Figure 9: Vue en microscopie lectronique transmission de la

    morphologie des mastocytes ltat normal (gauche) et ltat

    de dgranulation (droite)

    25

    Figure10 : Principales fonctions physiologiques des mastocytes humains

    dans des conditions normales

    26

    Tableau 5 : Fonctions effectrices et immuno-modulatoires des mastocytes 27 Figure 11 : Dveloppement et distribution tissulaire des mastocytes 29 Tableau 6: Caractristiques des deux phnotypes majeurs de mastocytes 30 Tableau 7: Les principales classes de mdiateurs librs par les mastocytes 32 Figure 12 : Infiltration des mastocytes dans les masses tumorales 34 Tableau 8: Principaux mdiateurs mastocytaires qui dsorganisent la

    barrire hmatoencphalique

    39

    Figure 13: Structure du rcepteur CD47 et ses ligands endognes 41 Figure 14: Reprsentation schmatique de la structure des membres de la

    famille SIRP 43

    Figure 15: Interaction du rcepteur CD47 avec SIRP et voies de couplage 44

  • Figure 16 : Observation au microscope optique des cultures cellulaire de la

    ligne U87 dans un milieu EMEM supplment avec 10%

    srum de veau ftal 37C sous atmosphre 5% CO 2

    47

    Figure 17 : Suivie de la croissance cellulaire de la ligne U87 dans un milieu

    EMEM supplment avec 10% srum de veau foetal 37C sous

    atmosphre 5% CO2

    47

    Tableau 9: Les diffrents temps de gnration des lignes dastrocytomes et d astrocytes humains

    48

    Figure 18 : Modles de coculture permettant ltude de la prolifration et

    la migration des astrocytomes

    50

    Figure 19 : Etapes du test dincorporation de thymidine tritie 52 Figure 20 : Etapes du test dincorporation de BrdU 53 Figure 21 : Principe du test colorimtrique MTS 54 Figure 22: Principe du test de viabilit cellulaire par coloration au bleu de

    trypan 55

    Figure 23 : Principe de fonctionnement de la sonde F2N12S 57 Figure 24 : Principe du dosage du calcium intracellulaire par la sonde Fura-

    2/AM 58

    Figure 25: Reprsentation schmatique de diffrentes tapes de lamplification par PCR

    63

    Tableau 10 : Squences des amorces sens et anti-sens utilises dans nos expriences

    63

    Figure 26 : Principe de la dtection des produits de PCR par mission de

    fluorescence par un agent intercalent

    64

    Figure 27 : Courbe reprsentative des diffrentes phases dune PCR en temps rel

    65

    Tableau 11 : Exemple de rsultats exprimentaux 66 Figure 28: Principe des expriences dimmuno-prcipitations 69 Figure 29 : Graines noires de cumin (extrait du site santeplus ) 210 Figure 30 : Leffet des mastocytes sur les astrocytomes humains 234 Figure 31 : Reprsentation de diffrentes interactions molculaires entre

    les mastocytes et les astrocytomes et leurs voies de signalisation

    qui contribuent au dveloppement des astrocytomes

    239

  • Avant-propos

    Ce projet de thse sinscrit dans le cadre dune meilleure comprhension du rle des

    cellules inflammatoires et tout particulirement des mastocytes dans le comportement des

    cellules cancreuses.

    Le pronostic de la maladie cancreuse est trs directement li au caractre invasif de la

    tumeur primitive. Le caractre invasif est dtermin, en partie, par le gnotype des cellules

    tumorales, mais aussi par leurs interactions avec les cellules de lhte qui modulent les

    capacits de dveloppement de la tumeur.

    Notre hypothse de travail est base sur le fait que la composante immunologique du

    microenvironnement tumoral (cellules inflammatoires et leurs mdiateurs : cytokines,

    chimiokines) joue un rle dterminant dans lvolution des cancers. Notre premire

    approche consiste analyser la rponse locale inflammatoire des astrocytomes, en relation

    avec leur progression (prolifration, migration). Linfluence dun contact

    mastocytes/astrocytomes est particulirement observe.

    Les travaux de cette thse conjuguent des approches cellulaires (cultures cellulaires,

    cocultures, imagerie), de biologie molculaire (RT-PCR, PCR, Western-blot,),

    pharmacologiques (dosages de messagers intracellulaires,) et biochimiques

    (immunoprcipitation, dosage de cytokines,). Les tudes sont ralises sur des lignes

    cellulaires humaines (astrocytes et astrocytomes) et sur un modle de co-culture

    htrologue astrocytes ou astrocytomes humains et mastocytes pritonaux de rats .

    Lambition long terme de ce projet est de dboucher sur lidentification de nouvelles cibles

    potentielles daction anti-tumorale ainsi que leur utilisation dans la mise au point de

    nouveaux schmas thrapeutiques.

  • Introduction

  • 1 Introduction

    Les tumeurs intrcraniennes : les gliomes

    Les tumeurs intracrniennes peuvent survenir tout ge. Leur incidence augmente

    progressivement avec lge avec un pic autour de 25/100000 pour lhomme et 16/100000

    pour la femme 70 ans. Le risque cumul de dvelopper une tumeur crbrale maligne

    entre 0 et 74 ans a rgulirement augment en passant de 0,33% pour les hommes et

    0,20% pour les femmes ns en 1910 0,62% pour les hommes et 0,44% pour les femmes

    ns en 1950 (Dutertre et al., 2010). Il semblerait que cette augmentation se ralentisse

    depuis ces cinq dernires annes. Lamlioration des pratiques mdicales explique

    certainement en partie cette lvation du risque (meilleur diagnostic) mais des facteurs

    environnementaux lis au mode de vie dans notre socit ne sont pas exclure.

    Les tumeurs crbrales peuvent tre primitives , c'est--dire quelles se dveloppent

    partir des cellules du cerveau (astrocytes, oligodendrocytes ou pendymocytes) ou

    secondaires (appeles mtastases) ayant pour origine une tumeur situe ailleurs dans

    lorganisme (poumon, sein, rein). Les mtastases sont de loin les tumeurs crbrales les

    plus frquentes.

    Les tumeurs crbrales primitives les plus frquentes sont les gliomes qui reprsentent

    plus de la moiti des tumeurs primitives, quel que soit lge. Les gliomes dominent en

    frquence avec une prminence des gliomes de haut grade, suivis des mningiomes, des

    tumeurs de la rgion sellaire, des tumeurs des nerfs crniens et des lymphomes crbraux

    primitifs. Il existe de nombreux autres types histologiques beaucoup plus rarement

    rencontrs tels que les pendymomes, les tumeurs neurogliales (gangliogliomes) et les

    tumeurs germinales (Dutertre et al., 2010).

    Chez les enfants les gliomes sont en deuxime position derrire les leucmies (cancer du

    sang). Chez ladulte les tumeurs crbrales sont plus rares, on estime quil y a environ 4000

    nouveaux cas de gliome diagnostiqus chaque anne en France et vingt mille aux Etats-

    Unis. A titre de comparaison, on diagnostique 40000 nouveaux cancers du sein chaque

    anne (donnes publies par le site Association pour la Recherche sur les Tumeurs

    Crbrales, octobre 2011 ).

    Aujourd'hui, l'incidence des tumeurs crbrales primitives est estime autour de

    17/100000 dans les pays dvelopps, avec des facteurs de risque limits que sont l'ge, le

    sexe, l'origine ethnique, les syndromes hrditaires et l'exposition aux drivs nitrs, aux

    mdicaments (AINS, antipileptiques), aux mtaux dont le plomb, aux pesticides, aux

  • 2 Introduction

    champs lectromagntiques de basses frquences et aux fortes doses de radiations

    ionisantes. Il semblerait que le taux dincidence saccroisse dans les pays industrialiss (Baldi

    et al., 2010). Cependant, comme signal ci-dessus, il faut tenir compte de meilleures

    techniques diagnostiques et dun meilleur accs aux soins. La mise en vidence d'autres

    facteurs demeure actuellement ardue (tlphones portables par exemple) compte tenu de

    la faible frquence de ces tumeurs et des difficults de colliger des donnes exhaustives. Il

    est maintenant admis que la progression des gliomes est imputable des altrations

    gniques comme linactivation de gnes suppresseurs de tumeur (p53, p16) ou lactivation

    doncognes (EGFR).

    Le terme gliome englobe tous les types de tumeurs crbrales qui ont pour origine une

    cellule gliale.

    Les cellules gliales

    Ces cellules sont les cellules de soutien qui reprsentent 90% des cellules du

    systme nerveux central (SNC) et occupent 50% du volume du cerveau. Cinq fois plus

    nombreuses que les neurones les cellules gliales assurent aux neurones un rle de soutien

    structural, mtabolique et de communication (Ndubaku and de Bellard, 2008). La glie ou

    colle est compose de microglie et macroglie. La microglie drive du feuillet

    msodermique et reprsente 5-20% des cellules gliales. Elle est constitue par les

    macrophages rsidants et assure limmunit du SNC. Elle scrte des molcules comme les

    cytokines qui interviennent dans les phnomnes inflammatoires et contrlent la balance

    survie/apoptose cellulaire. Lors datteintes crbrales, les cellules de la microglie

    augmentent considrablement lendroit de la lsion (Fix et al., 2007).

    La macroglie est constitue de diffrents types cellulaires : les oligodendrocytes, les

    pendymocytes et les astrocytes. La fonction principale des oligodendrocytes est dassurer

    la mylinisation des axones (Bradl and Lassmann, 2010). Les pendymocytes (ou cellules

    pendymaires) sparent les tissus crbraux centraux du liquide cphalo-rachidien des

    ventricules.

    Les astrocytes possdent de nombreux prolongements ramifis qui leur donnent un aspect

    toil (do le prfixe astro ) (Figure 1). Sur un plan morphologique on distingue les

    astrocytes fibrillaires (ou fibreux), localiss prfrentiellement au niveau de la substance

  • 3 Introduction

    blanche, qui prsentent de longs prolongements radiaires et des filaments intermdiaires

    riches en GFAP (Protine Glio-Fibrillaire Acide) et les astrocytes protoplasmiques, localiss

    prfrentiellement au niveau de la substance grise, qui prsentent des prolongements

    courts, contenant peu de GFAP.

    Sur le plan fonctionnel, on distingue les astrocytes de type 1 et 2. Les astrocytes de type 1

    interviennent dans ltablissement de la barrire hmato-encphalique et les astrocytes de

    type 2 jouent un rle dans la transmission synaptique (Abbott et al., 2006, Nadkarni et al.,

    2008, Sofroniew and Vinters, 2010).

    Figure 1 : Astrocytes dhippocampe de souris observs en microscopie fluorescence. (Extrait de Parpura V et al., 2012).

    Le marquage est effectu par des anticorps dirigs contre la GFAP. Les fluorochromes utiliss sont Alex 568 (vert) et Jaune de Lucifer (Rouge).

    Les Gliomes

    Le terme gliome englobe tous les types de tumeurs crbrales ayant pour origine une

    cellule gliale. Ce sont les tumeurs du systme nerveux central les plus frquentes. Ils

    reprsentent 70% de toutes les tumeurs crbrales primaires.

    En France, deux systmes de classification sont principalement utiliss pour tablir le

    diagnostic et le grading de malignit des gliomes, la classification de lOMS (Organisation

    Mondiale de la Sant) et celle de lHpital Sainte-Anne. Ces classifications reposent sur une

    approche diagnostique trs diffrente. LOMS nutilise que des critres histologiques et

    demeure base sur le type cellulaire prdominant (oligodendroglial versus astrocytaire). La

    classification de lHpital Sainte-Anne repose sur lanalyse de la structure histologique

    tumorale: tissu tumoral solide versus cellules tumorales isoles, et intgre les donnes

    cliniques et de limagerie (voir Figarella-Branger et al., 2008 pour revue). La classification

    histologique de rfrence pour le diagnostic et le grading histo-pronostique des gliomes est

    celle de lOMS rvise en 2007. Cette classification des gliomes est base sur le type

    http://www.ncbi.nlm.nih.gov/pubmed?term=%22Parpura%20V%22%5BAuthor%5D

  • 4 Introduction

    cellulaire prdominant (astrocytaire, oligodendrocytaire ou mixte : oligoastrocytome). Un

    grade de malignit (de I IV, de bnin au plus malin) est attribu chaque tumeur en

    fonction des critres suivants : densit cellulaire, atypies nuclaires, mitoses, prolifration

    microvasculaire et ncrose. Les gliomes de grade I correspondent essentiellement

    lastrocytome pilocytique, circonscrit, bnin. Ce sont les seuls gliomes bnins qui peuvent

    tre guris par la seule chirurgie. Ce type histologique est trs rare chez ladulte. Les gliomes

    de grade II sont des gliomes diffus de bas grade, lentement volutifs mais dont lvolution

    (sur plusieurs annes) vers un gliome de grade III ou IV est inluctable (Gilbert and Lang,

    2007). Les gliomes malins, grade III ou IV, sont caractriss par un degr danaplasie et de

    prolifration plus important. Le grade IV correspond aux gliomes les plus graves et

    malheureusement les plus frquents.

    La classification de lHpital Sainte-Anne peut tre utilise en complment. La confrontation

    de lhistologie avec limagerie peut utilement contribuer ltablissement du diagnostic et

    est recommande. De mme, limmunohistochimie vise diagnostique ou pronostique

    (p53, GFAP Glial Fibrilary Acid Protein ) peut tre ralise en option (Rfrentiel Rgional

    du Rseau Onco-Poitou-Charente de Prise en Charge des Gliomes Intra-Craniens de ladulte,

    2010).

    La recherche en biologie molculaire des dltions des chromosomes 1p et 19q est

    actuellement une option pour complter la classification. Ces bras de chromosomes peuvent

    tre codlts dans la tumeur de grade II, III et dans les glioblastomes (grade IV) par ltat de

    mthylation du promoteur du gne MGMT (O6-mthylguanine-mthyltransfrase, enzyme

    de rparation de lADN) et la mutation du gne de lisocitrate dshydrognase (IDH1 et 2)

    (Sanson et al, 2009).

    Nous avons vu que selon lOMS (WHO, World Health Organization) les gliomes sont diviss

    en trois classes : les astrocytomes qui reprsentent 60-70% des gliomes, les

    oligodendrogliomes qui regroupent 5-30% des gliomes et les oligoastrocytomes mixtes

    (ou gliomes mixtes) (Bauchet et al., 2007 ; Figarella-Branger et al., 2008). Les

    oligodendrogliomes et oligoastrocytomes mixtes sont classs en deux grades, le grade II

    (bas grade) et le grade III (grade anaplasique) tandis que les astrocytomes sont classs en

    quatre grades que nous allons prciser ci-dessous (voir Tableau 1).

  • 5 Introduction

    Tableau 1: Classification des gliomes selon lOMS 2007 (Figarella-Branger et al., 2008)

    Tumeurs astrocytaires Astrocytome cellules gantes sous-pendymaire Astrocytome pilocytique

    Astrocytome pilocytique, variant pilomyxoide Astrocytome diffus

    Fibrillaire Protoplasmique Gmistocytique

    Astrocytome anaplasique Xanthoastrocytome pleiomorphe Glioblastome

    Glioblastome cellules gantes Gliosarcome

    Gliomatose

    Tumeurs oligodendrogliales Oligodendrogliome Oligodendrogliome anaplasique

    Tumeurs oligoastrocytaires Oligoastrocytome Oligoastrocytome anaplasique

    Grade I Grade I Grade II Grade II Grade III Grade II Grade IV Grade IV Grade IV Grade III Grade II Grade III Grade II Grade III

    Classification des principaux astrocytomes

    Astrocytomes pilocytiques : (Grade I)

    Ce sont des tumeurs bnignes de grade I qui sont gnralement circonscrites et croissance

    faible. Ils reprsentent moins de 5% des astrocytomes et sont frquents chez lenfant. Ils se

    dveloppent au niveau du cervelet ou du tronc crbral et parfois dans les hmisphres

    crbraux. Il peut survenir chez ladulte, mais moins frquemment (Li et al., 2008).

    Lastrocytome pilocytique est habituellement trait avec succs par mthode

    radiochirurgicale (voir Tableau 2).

    Astrocytomes diffus de bas grade (grade II OMS) :

    Les astrocytomes diffus reprsentent 10 15% des tumeurs gliales astrocytaires, rencontrs

    majoritairement chez le jeune adulte (30-40 ans). Ils se caractrisent par une croissance

    lente mais degrs levs de diffrenciation cellulaire. Ils diffusent vers les structures

    nerveuses avoisinantes, leur aspect microscopique comporte de nombreuses variantes qui

    peuvent rendre leur diagnostic difficile (Cavaliere et al., 2005 ; Figarella-Branger et al., 2011).

    La tumeur se rvle plus souvent par une crise dpilepsie. Ils sont associs une survie de 5

  • 6 Introduction

    10 ans environ. Dans 70% des cas la phase symptomatique saccompagne dune

    progression vers lastrocytome anaplasique (grade II). Les traitements sont la chirurgie, la

    radiothrapie et la chimiothrapie ; la radiothrapie est recommande en dbut de phase

    symptomatique. Grce au dveloppement de limagerie et des techniques de stimulation par

    les lectrodes la qualit et lefficacit des excisions chirurgicale se sont sensiblement

    amliores.

    Tableau 2: Taux dincidence des tumeurs intracrniennes primitives en fonction des types histologiques. (Daprs Gilbert and Lang Neurol. Clin. 2007 modifi).

    Type de tumeur % Traitement initial standard Mdiane de survie

    Gliome grade I 2,3 Chirurgie Gurison Gliome grade II 3,7 Chirurgie 5-10 ans Si inoprable et non volutif : surveillance Si inoprable et volutif : RT En cours dvaluation : chimio par TMZ Gliome grade III 4,4 Chirurgie + RT 4 ans En cours dvaluation : 1p/19q- : 8 ans Radiochimio concomitante (TMZ) 1p/19q+ : 2 ans Glioblastome 20,3 Chirurgie, radiochimio concomitante (TMZ) 12-16 mois En cours dvaluation : Chirurgie, radiochimio concomitante (TMZ), bvacizumab.

    RT : Radiothrapie ; TMZ : tmozolomide

    Astrocytomes anaplasiques (grade III OMS) :

    Avec les astrocytomes de grade IV (glioblastomes) ils sont appels astrocytomes malins ou

    de haut grade. Les des astrocytomes sont des tumeurs de haut grade. L'ge moyen des

    patients est d'environ 40-50 ans et la survie est de 2 3 ans (le pronostic d'un patient avec

    un astrocytome anaplasique est meilleur quun patient avec un glioblastome) (Omar and

    Mason, 2012). Ces tumeurs ont tendance tre plus agressives par rapport l'astrocytome

    pilocytique et fibrillaire. Ce sont des astrocytomes infiltrants caractriss par de nombreuses

    mitoses et un haut pouvoir de diffrenciation. La vitesse de dveloppement et le caractre

    invasif des astrocytomes anaplasiques rendent le traitement de ces tumeurs trs difficile. Le

    pronostic est difficile prciser avec une mdiane de survie classiquement de trois ans mais

    avec des extrmes variant de deux dix ans. Le diagnostic dun astrocytome anaplasique est

  • 7 Introduction

    bas sur lapparence histologique, ce qui rend le diagnostic difficile. Cependant, les progrs

    rcents dans la comprhension de la biologie molculaire des gliomes permettent

    didentifier les principales drgulations gntiques et molculaires qui conduisent au

    dveloppement de ces tumeurs. Le pronostic semble conditionn par le profil molculaire de

    la tumeur, ainsi il serait largement amlior en cas de dltion des bras chromosomiques 1p

    et 19q ou de mutation des gnes isocitrate-dhydrognase 1 (IDH1) ou isocitrate-

    dhydrognase 2 (IDH2) (Van den Bent et al., 2006 ; Yan et al., 2009). Quand il existe une

    amplification du gne de lEGFR Epidermal Growth Factor Receptor leur volution se

    rapproche de celle des glioblastomes (grade IV).

    Chez la plupart des patients une rsection chirurgicale large est recommande ; le

    traitement complmentaire restant la radiothrapie (Hartmann et al., 2010).

    Les astrocytomes anaplasiques peuvent tre considrs comme une tape dans la

    progression tumorale entre le grade II et le glioblastome nomm, dans ce cas, glioblastome

    secondaire. En effet, le glioblastome peut tre issu de la progression maligne dun

    astrocytome de bas grade ou il peut apparatre de novo et dans ce cas il est nomm

    glioblastome primaire (Figure 2). Les glioblastomes primaires et secondaires se diffrencient

    donc de par leur origine et de par leur caractristiques molculaires (Furnari et al., 2007 ;

    Louis, 2007)

    Les Glioblastomes ou glioblastomes multiformes (GBM):

    Ce sont des tumeurs de grade IV. Ils sont composs de cellules peu diffrencies. Ils sont

    caractriss par un polymorphisme cellulaire, des atypies nuclaires, une ncrose tumorale

    et une activit mitotique importante (prolifration endothliocapillaire). Ils reprsentent 50-

    60% des gliomes et intressent prfrentiellement les patients gs de 50-60 ans. On

    constate ces deux dernires dcennies une augmentation croissante de lincidence dans la

    population ge de plus de 70 ans. Les glioblastomes primaires reprsentent la majorit des

    glioblastomes avec environ 90% des cas. Ceux-ci surviennent avec une incidence plus

    importante chez les hommes (environ 1,5-1,8) par rapport au glioblastome secondaire ou

    lincidence est relativement quivalente entre les deux sexes. Les glioblastomes secondaires

    sont associs un meilleur pronostic que celui des glioblastomes primaires. Le pronostic des

    GBM reste extrmement sombre, la mdiane de survie est de 9 mois.

  • 8 Introduction

    En 30 ans de rels progrs ont t accomplis tant dans laccompagnement des malades et de

    leur famille avec le plan Cancer que dans la prise en charge thrapeutique. En effet, si la

    mdiane de survie est infrieure un an, lesprance de vie pour les patients traits

    considrablement progress avec une survie deux ans de 27%, quatre ans de 12%, et

    cinq ans de 10% (Stupp et al, 2009).

    Figure 2 : Aberrations gntiques impliques dans la gnse des glioblastomes (Furnari et al., 2007).

    Les glioblastomes secondaires (bleu) sont issus de la progression maligne dun astrocytome de bas grade tandis que le glioblastome primaire (vert) apparat de novo. Cette tumeur peut se dvelopper partir d'astrocytomes de grades infrieurs: un astrocytome diffus de grade II se transforme en astrocytome anaplasique (grade III) et finalement en glioblastome (grade IV) Elle reprsente 60% des gliomes avec un pic d'incidence qui se situe sur la tranche d'ge 65-74 ans, avec un caractre trs invasif. Les tudes gntiques, ralises ces dernires annes, ont permis de dcrire les principales anomalies rcurrentes caractristiques des gliomes : activation de certaines voies de transduction du signal avec amplification doncognes, comme par exemple REGF, drgulation du cycle cellulaire avec dltion de gnes suppresseurs de tumeurs, tels que p16, p53. Cependant ces anomalies ne sont pas spcifiques dun type histologique donn et leur valeur pronostique est souvent controverse, Pour complments voir les rfrences : Kirsch and Loeffler, 2005 ; Figarella-Branger et al., 2008 ; Adamson et al., 2011.

    Les glioblastomes se caractrisent souvent par des crises dpilepsie, un dficit neurologique

    et une hypertension intracrnienne. La chirurgie permet, lorsquelle est envisageable,

  • 9 Introduction

    damliorer ltat neurologique gnral des patients. Lamlioration symptomatique

    immdiate obtenue se traduit par une rduction de la pression intracrnienne et par une

    diminution des crises dpilepsies. Malgr les efforts, le traitement du glioblastome

    multiforme reste trs difficile. Le traitement standard actuel des glioblastomes repose sur

    lexrse chirurgicale suivie dune radiothrapie combine avec la chimiothrapie. Du fait de

    leur caractre infiltrant, une exrse microscopique complte est impossible. En 2005 Stupp

    et coll. ont dvelopp un schma thrapeutique associant la radiothrapie et le

    tmozolomide, un agent alkylant de deuxime gnration. Ces essais ont objectiv de faon

    indiscutable le bnfice dune chimiothrapie en premire ligne de traitement des GBM.

    Lefficacit cependant limite de cette prise en charge a justifi le dveloppement de

    nouvelles approches thrapeutiques bases sur les caractristiques biologiques et

    molculaires de ces tumeurs. Plusieurs altrations des rgulations cellulaires constituent des

    cibles privilgies (Figure 2), comme la surexpression du rcepteur lEGF, la scrtion de

    PDGF, lactivation des voies de transduction PI3K/Akt, mTOR et Ras/Raf ou la scrtion de

    protases qui dgradent la matrice extracellulaire. Plusieurs agents ciblant ces voies sont

    actuellement en cours dessais cliniques, avec des rsultats pour le moment dcevants (pour

    exemple voir Tableau 3). En revanche, le pronostic des tumeurs crbrales pourrait bien tre

    transform dans les annes qui viennent par lmergence des agents antiangiogniques,

    dont les premiers rsultats cliniques sont prometteurs. Lenzastaurin, le cdiranib et le

    bvacizumab, dirigs principalement sur la voie du VEGF ont t valus. Parmi eux seul le

    bvacizumab a t associ une activit antitumorale substantielle (Chinot et al., 2010).

  • 10 Introduction

    Tableau 3: Exemples dinhibiteurs utiliss dans les traitements de glioblastomes (13

    e congrs de la socit des sciences neuro-oncologiques, Novembre 20-23, 2008; Las Vegas, NV).

    Akt Perifosine Angiopoietine Amgen 386 Aurora Kinase Chromatine Kinase EGFR Gefitinib (ZD1839) Erlotinib (OSI-774) Lapatinib (GW-572016) AEE788 ZD6474 BIBW 2992 Farnesyltransferase Tipifarnib (R115777) Lonafarnib (SCH66336) HGF Amgen 102 HIF-1 Histone Deacetylase Depsipeptide Suberoylanilide hydroxamic acid HSP90 Inhibitors IPI-504 XL888 SNX-5422 CUDC-305 IGFR Integrines Cilengitide (EMD121974) M200 mTOR Temsirolimus (CCI-779) Everolimus (RAD-001) Rapamycin (sirolimus) AP23573

    PKC Enzastaurin (LY317615) PLK Protasome Bortezomib Raf Kinase Sorafenib (Bay 43-9006) Src Dasatinib TGF-/TGF-2 Receptor SB-431542 AP-12009 VEGF/VEGFR Bevacizumab Sorafenib (Bay 43-9006) Semaxanib (SU5416) VEGF-Trap CT-322 PTK787 SU011248 AEE788 AZD2171 ZD6474 AMG 706 GW786034 CEP-7055 PDGF Imatinib mesylate PTK787 SU101 SUO11248 GW786034 MLN518 PI3K BEZ225 PKC Tamoxifen

  • 11 Introduction

    Microenvironnement tumoral

    La premire tape de la formation des tumeurs est la transformation cellulaire impliquant

    laltration des points de contrles du cycle cellulaire, lactivation doncognes et/ou la

    neutralisation danti-oncognes. Les cellules tumorales peuvent prolifrer de manire

    anarchique, chapper aux phnomnes dapoptose et acqurir des proprits invasives

    (Figure 3). Pendant longtemps on pensait que lvolution dune tumeur tait

    essentiellement rgit par les cellules tumorales elles-mmes. Actuellement cette hypothse

    minimaliste a t compltement abandonne au profit dune hypothse impliquant une

    interaction des cellules tumorales avec leur microenvironnement cellulaire (Hanahan and

    Weinberg, 2011).

    Figure 3: Les six caractristiques fondamentales dune cellule cancreuse (Hanahan and Weinberg, 2011). La malignit dune cellule tumorale reflte six capacits acquises : 1- une multiplication sans lintervention de signaux inducteurs de prolifration. Une cellule normale ne peut prolifrer en labsence de signaux mitognes. En effet, ces signaux de croissance sont ncessaires pour permettre aux cellules normales de passer de ltat de quiescence (phase G0) une prolifration cellulaire active (phases G1et S du cycle cellulaire). Les cellules cancreuses sont capables de scrter leurs propres facteurs de croissance qui agissent de faon autocrine, rduisant ainsi leur dpendance vis--vis des signaux exognes. 2- une insensibilit aux signaux antiprolifratifs. Dans les cellules normales, des signaux antiprolifratifs sont scrts afin de dclencher la quiescence des cellules (G0), les cellules tumorales quant- elles chappent ces signaux antiprolifratifs. 3- une rsistance lapoptose. La capacit de prolifration des cellules cancreuse est galement due leur rsistance lapoptose. Cette proprit rsulte de linactivation ou de la disparition de gnes cls inducteurs de lapoptose. 4- un potentiel illimit de rplication. Les cellules tumorales perdent la facult darrter leur division et ne peuvent donc plus entrer en snescence ce qui immortalise les cellules. 5- Langiogense joue un rle crucial dans la progression tumorale (dveloppement un rseau vasculaire apportant les nutriments et loxygne ncessaire leur survie. Ceci se fait par lactivation des voies comme le VEGF (vascular endothelial growth factor) et le FGF (fibroblast growth factor). 6- un pouvoir dinvasion et de dissmination dans les tissus. Les cellules tumorales sont capables de passer lintrieur dun vaisseau sanguin afin dtre transporte dans un autre organe ou elles vont gnrer une seconde tumeur ou mtastase.

  • 12 Introduction

    Dans cette mutation de la recherche il a t opr un changement de cible puisque

    lenvironnement tumoral est devenu aussi important que la tumeur elle-mme. Cette

    volution conceptuelle et thrapeutique rcente en oncologie peut tre illustre par

    lutilisation des antiangiogniques. En effet, des rsultats encourageants ont t observs

    dans le traitement du glioblastome multiforme de ladulte par un essai dune association

    bvacizumab (anticorps monoclonal de type IgG1 qui se lie au VEGF : Vascular Endothelial

    Growth Factor) et lirinotecan (driv hmisynthtique de la camptothcine et inhibiteur

    spcifique de l'ADN topo-isomrase I) (Vredenburgh et al., 2007). Cependant lutilisation de

    cette association chez des enfants en rechute de gliome de haut grade est

    malheureusement trs dcevante et laisse imaginer que dautre voies angiogniques que

    celles du VEGF, quil reste tudier et/ou confirmer, pourraient tre impliques chez

    lenfant dans ce type de tumeur (Gururangan et al., 2010). Ces rsultats confirment

    galement la nature diffrente des gliomes de haut grade chez ladulte et lenfant qui avait

    dj t propose par De Carli et al. en 2009.

    La progression tumorale est un processus multi-gnique et multi-tape qui dpend trs

    largement dinfluences diverses exerces par le stroma et le microenvironnement tumoral.

    Une tumeur dpourvue de stroma ne peut se dvelopper au-del dun faible volume et se

    ncrose.

    Le stroma

    Les cellules tumorales sont souvent entoures dune partie msenchymateuse appele

    stroma. Le stroma sert de tissu nourricier et de soutien aux cellules tumorales (Coussens

    and Werb, 2002). Il est compos de fibroblastes (ou myofibroblastes), de matrice

    extracellulaire (MEC), de cellules inflammatoires et immunocomptentes (lymphocytes,

    macrophages, mastocytes, cellules NK,) et de novaisseaux (Ruffel et al., 2010). Le stroma

    tumoral est le plus souvent associ une augmentation de la population fibroblastique et

    une densit de vaisseaux capillaires accrue. Les fibroblastes associs la tumeur,

    gnralement dsigns sous le nom de CAF : carcinoma-associated fibroblasts , sont

    responsables de la fibrose pathologique implique dans le dveloppement tumoral

    (Hanahan and Weinberg, 2011). Les interactions tumeur-stroma sont assures via des

  • 13 Introduction

    composants (solubles ou non) de la MEC et/ou par des facteurs de croissance produits par

    les cellules fibroblastiques.

    Figure 4: La Tumeur ; un organe complexe, un organe part entire et non un amas dstructur de cellules (adapt de Joyce JA et Pollard JW, 2009)

    Le microenvironnement tumoral est constitu de cellules tumorales, de cellules fibroblastiques et immunitaires (BMDC, Bone marrow-derived cells ; Mastocytes ; TEM, TIE2-expressing monocytes ; Macrophages ; MDSC, Myelod-derived suppressor cells ; Lymphocytes ; Neutrophiles ; MSC, Mesenchymal stem cells ; Fibrobalstes ; cellules pithliales ; cellules endothliales ), de vaisseaux sanguins et lymphatiques, de matrice extracellulaire,

    Par ailleurs, la transformation cellulaire saccompagne de modifications prcoces de

    lenvironnement tumoral impliquant les cellules du tissu conjonctif (fibroblastes,

    myofibroblastes, cellules inflammatoires), les cellules endothliales et les composants de

    la matrice extra-cellulaire (MEC) (Figure 4). Les cellules tumorales les plus invasives

    acquirent des caractres phnotypiques msenchymateux ralisant une transition

    pithlio-msenchymateuse. Elles modifient ainsi leurs molcules dadhrence, leur

    cytosquelette et sont capables de produire des enzymes protolytiques comme les

    mtalloprotinases matricielles (MMPs) ou des cytokines qui assurent lactivation stromale.

    Les cytokines pouvant tre libres peuvent tre des cytokines pro-inflammatoires (comme

    lIL-6, le TNF- ou certaines chimiokines) ou anti-inflammatoires (comme le TGF-, lIL-10 ou

    lIL-20). Les chimiokines sont des cytokines de bas poids molculaire (8 12kDa) comme

    ENA78 (ou CXCL5), GRO- (ou CXCL 1), MCP-1 (ou CCL2) et IL-8 (ou CXCL 8), qui assurent le

    recrutement des polynuclaires neutrophiles, monocytes, ou lymphocytes (chimiotactisme)

    sur le site inflammatoire. Dans le stroma et la tumeur, la no-angiognse et la no-

    lymphangiognse forment des vaisseaux sanguins et lymphatiques indispensables la

  • 14 Introduction

    prolifration tumorale (Holopainen et al., 2011). Ces modifications micro-

    environnementales de la tumeur (scrtion de cytokines, activation cellulaire)

    conditionnent la croissance des cellules tumorales, dterminent leur potentiel mtastatique

    et, ventuellement, la localisation tissulaire des mtastases (Billotet and Jouanneau , 2008).

    De plus, dsormais il y a des vidences qui prouvent qu'au sein dune masse tumorale se

    trouve un petit nombre de cellules, dites cellules souches tumorales (CST), qui prsentent

    des proprits d'auto-renouvellement et de multi-potence (Seung Kew Yoon, 2012). Ces CST

    rsident proximit des cellules endothliales dans une "niche vasculaire tumorale" et

    constituent un rservoir pour l'initiation et/ou le maintien des tumeurs. Mme si des CST

    mutes permettent un dveloppement et une progression tumorale elles collaborent

    troitement avec les cellules du microenvironnement tumoral (Hanahan et Coussens, 2012).

    La raction inflammatoire et cancer

    La raction inflammatoire est naturelle et trs utile lorganisme. Elle accompagne la

    raction immunitaire, la rend plus spcifique et contribue llimination de lagent

    pathogne et la rparation des tissus lss en favorisant le renouvellement cellulaire.

    Cette raction est strictement contrle par de nombreuses protines de linflammation.

    Lorsque la rponse est inadapte ou mal contrle, elle cre linverse des lsions qui

    peuvent endommager le matriel gntique et favoriser la survenue danomalies

    potentiellement cancrignes.

    Rudolf Virchow (1821-1902), mdecin allemand, fut le premier observer un lien entre

    linflammation et le cancer en 1863. Il remarqua laccumulation dun grand nombre de

    leucocytes au sein des tissus noplasiques. Il mit lhypothse selon laquelle certaines

    classes de substances irritantes provoqueraient des lsions tissulaires et une inflammation

    locale, et ces conditions seraient favorables la prolifration cellulaire (Balkwill et

    Mantovani, 2001). Il suggra alors que les sites dinflammation chronique seraient

    lorigine des tumeurs.

    Les cellules tumorales scrtent de nombreuses cytokines et chmokines susceptibles

    dattirer les leucocytes. En effet, toutes les masses tumorales sont infiltres de cellules de

    limmunit inne (granulocytes, les cellules dendritiques, les macrophages, les osinophiles

    et les mastocytes) et de limmunit acquise (lymphocytes). Ces cellules infiltres ont, elles

    aussi, la capacit de produire une batterie de mdiateurs comme des cytokines, des espces

  • 15 Introduction

    ractives de loxygne, des srines et cystine protases, ou des MMP. Ces mdiateurs

    peuvent la fois inhiber ou stimuler la croissance tumorale, mais galement inhiber ou

    favoriser la migration des cellules cancreuses (Coussens et Werb, 2002).

    Paul Ehrlich suggra, il y a plus de 100 ans, lexistence dun concept dimmuno-surveillance

    dans lequel les cellules immunitaires reconnaissent les cellules tumorales et provoquent une

    destruction de la tumeur. Ce concept a t largement valid ces dernires annes grce

    des modles murins gntiquement modifis. Pour exemple, Shankaran et al. ont dmontr

    en 2001 quune tumeur induite par un carcinogne chimique, le mthylcholantrne,

    prolifre beaucoup plus rapidement et est bien plus agressive dans un modle de souris

    immuno-dficiente par rapport un modle de souris immuno-comptente (Fridman et al,

    2011).

    Par contre, dautres tudes suggrent que les ractions inflammatoires favorisent la

    croissance tumorale. Des personnes ayant des prdispositions gntiques favorisant les

    phnomnes inflammatoires auraient un risque plus important de dvelopper un cancer.

    Dautres tudes dmontrent avec certitude le lien entre inflammation chronique et cancer

    (Tableau 4). Cest par exemple le cas du cancer de lestomac qui se dveloppe suite une

    infection bactrienne par Helicobacter Pylori ou du cancer col de lutrus qui se dveloppe

    suite une infection par un papillomavirus. Dans les deux cas, les agents pathognes

    persistent des annes dans lorganisme et induisent une raction inflammatoire durable.

    Cest galement le cas de maladies auto-immunes associes par exemple la maladie de

    coeliaque ou le lymphome des MALT (mucusa-associated lymphod tissue). Une observation

    identique peut tre faite lors dagressions chimiques par la fume de cigarette par exemple

    et le cancer du poumon (Coussens and Werb, 2002, Mantovani et al., 2008, Sauts-Fridman

    et al., 2011). Le lien entre inflammation et le cancer est galement renforc par des

    observations qui suggrent quun traitement chronique par des AINS (anti-inflammatoires

    non strodiens), comme laspirine par exemple, ou par des COXIBS (inhibiteurs slectifs de

    la COX2 : cyclooxygnase-2) diminue chez les patients concerns le risque de dvelopper une

    tumeur. Ce risque est diminu de 50% dans le cas des cancers colorectaux, de 40% dans les

    cancers de lestomac et du pancras et de 20% dans les cancers du sein (Garcia-Rodriguez et

    al., 2001 ; Coussens and Werb, 2002 ; Koki et al., 2002 ; Meier et al., 2002 ; Gonzalez-Prez

    et al., 2003). De rcents travaux confortent ces observations : Rothwell et coll. montrent que

    la prise quotidienne d'aspirine sur le court terme, 3 5 ans, diminue l'incidence des cancers

  • 16 Introduction

    et la mortalit par cancers d'environ 15 %. (Rothwell et al., 2012a) , que la prise quotidienne

    d'aspirine, mme dose faible, rduit le risque de cancers avec mtastases distance du

    cancer primitif, en particulier dans les cancers colorectaux (Rothwell et al., 2012b) et que la

    prise rgulire d'aspirine long terme, sur une vingtaine d'annes, rduit le risque de

    cancers, particulirement le cancer colorectal, et rduit le risque de mtastases distance

    (sans rduire l'extension locale des cancers) (Algra and Rothwell, 2012).

    Le tableau ci-dessous liste certains cancers o le processus inflammatoire est un co-facteur

    de la carcinognse.

    Tableau 4 : Exemples de cancers lis linflammation (daprs Coussens et Werb, 2002).

    Noplasmes associs linflammation chronique :

    Condition pathologique Bronchite Cystite Gingivite, lichen plan Maladie de Crohn, colite

    chronique ulcrative Pancratite chronique ou

    hrditaire Reflux gastro-oesophagien Sialadnite Thyrodite dHashimoto Inflammation cutane

    Noplasme associ Cancer du poumon Cancer de la vessie Cancer des cellules squameuses Cancer colorectal Cancer du pancras Cancer de lsophage Cancer des glandes salivaires lymphomes du MALT (Mucosa- associated lymphoid tissue) Mlanome

    Agent thiologique Silice, asbeste, tabagisme Cathters urinaires Alcoolisme, mutation du chromosome 7 (trypsinogne) Acide gastrique Ultraviolets

    Cancers associs aux agents infectieux :

    Cholangite Caillots biliaires chroniques Ulcre gastrique, gastrite Mononuclose SIDA Ostomylite Inflammation pelvienne, Inflammation du col de lutrus Kystose chronique

    Cholangiosarcome, cancer du colon Cancer des voies biliaires Cancer de lestomac Lymphome B non-Hodgkinien, Lymphome de Burkitt, Lymphome non-Hodgkinien, Carcinomes des cellules squameuses, sarcome de Kaposi Cancer de la peau Cancer des ovaires, du col Cancer des voies biliaires, du foie, du rectum

    Opisthorchis viverrini, acide billiaires Bactries, caillots biliaires Helicobacter pylori Virus dEpstein_Bar Virus de limmunodficience humaines, virus de lherps Infection bactrienne Gonnorrhes, chlamydies, Papillomavirus Schistosomiase

    Les cellules inflammatoires jouent un rle indniable sur le dveloppement des tumeurs.

    Certaines cellules participent aux mcanismes de limmunit anti-tumorale et dautres vont

    abolir cette immunit et favoriser le dveloppement tumoral (Figure 5).

  • 17 Introduction

    Les leucocytes infiltrs dans les tumeurs reprsentent prs de 50% de la masse tumorale.

    Selon le type de leucocytes majoritairement infiltr, le pronostic vital serait diffrent, mais

    celui-ci dpendrait galement du type de cancer et de sa localisation. Les leucocytes

    prsents dans le stroma tumoral sont aussi bien des cellules de limmunit adaptative que

    des cellules de limmunit inne. En effet, on observe des lymphocytes T, des cellules

    dendritiques et plus rarement des lymphocytes B. Les effecteurs de limmunit inne

    infiltrs sont des macrophages, des mastocytes, des leucocytes polymorphonuclaires et

    plus rarement des cellules Natural Killer. La tumeur met en uvre de nombreux

    mcanismes de dfenses visant chapper la rponse immunitaire ; les cellules tumorales

    se rvlent tre de vritables agents subversifs des cellules de linflammation.

    Figure 5: Effets des cellules de limmunit inne et acquise lors de linflammation associe la cancrogense (de Visser et al., 2006). Les antignes prsents dans les tissus pr-noplasiques sont transports dans les organes lymphodes secondaires par lintermdiaire des cellules dendritiques qui y activent les cellules de limmunit acquise (lymphocytes T et B). Paralllement, les cellules de limmunit inne sont actives de manire chronique et favorisent le dveloppement tumoral par la modulation de lexpression des gnes dans les cellules pr-noplasiques ; cette action a pour effet terme dinduire une drgulation du cycle cellulaire et de favoriser la survie. Les cellules de linflammation favorisent galement le remodelage des tissus et langiogense par la scrtion de mdiateurs pro-angiogniques et de protases extracellulaires. Les tissus dans lesquels ces voies de signalisation sont actives de manire chronique seraient favorables au dveloppement dun cancer

  • 18 Introduction

    Cellules intervenant dans limmunit anti-tumorale

    Le systme immunitaire reconnat les cellules tumorales comme des entits trangres

    lorganisme et dclenche une rponse complexe impliquant diverses cellules (lymphocytes,

    cellules dendritiques,) et protines spcialises (cytokines, anticorps). Ces diffrents

    facteurs vont parvenir lyser la cellule cancreuse grce un systme de dfense non

    spcifique, limmunit inne, et un systme de dfense spcifique, limmunit acquise.

    Parmi les cellules intervenant dans cette immunit anti-tumorale nous pouvons citer :

    - Les cellules Natural Killer (NK) sont non spcifiques de lantigne et sont

    responsables de la destruction directe des cellules tumorales. Leur activit cytotoxique

    dpend des rcepteurs de surface de la tumeur. Elles peuvent scrter de la perforine et de

    la granzyme (Platonova et al ; 2011).

    - Les cellules NKT jouent un rle rgulateur de linflammation en orientant vers une

    rponse type Th1 ou Th2 par production rapide de INF-, TNF-, IL-4 and IL-13. Leur

    mcanisme daction est proche de celui des lymphocytes T CD8+ (Ruffell et al., 2010).

    - Les lymphocytes T isols partir de masses tumorales sont caractriss par une

    rponse amoindrie aux stimuli mitognes et antigniques. Ils ninduisent que peu de

    rponses cytotoxiques et produisent peu de cytokines de type Th1 lorsquils sont stimuls

    par lantigne. Ces caractristiques sont dautant plus marques que les patients sont un

    stade avanc de la pathologie (Kiessling et al., 1996 ; Reichert et al., 1998 ; Uzzo et al., 1999).

    De nombreux lymphocytes sont spcifiques des antignes des tumeurs comme lindiquent

    les analyses clonales (Miescher et al., 1987) (Figure 6). Les lymphocytes T sont des

    cellules lymphodes de limmunit inne qui scrtent de lIFN et dtruisent diverses

    cellules cancreuses (mlanone, lymphome) (Gomes et al., 2010). Les lymphocytes T CD8+

    cytotoxiques (LCT) sont notamment activs par les cellules dendritiques et sont impliqus,

    tout comme les NK, dans la destruction des cellules tumorales par notamment une

    scrtion de perforines et de granzymes (Flinsenberg et al., 2011). Les lymphocytes T

    auxiliaires (CD4+-T), appels aussi T helper (Th), jouent un rle important dans le contrle

    du dveloppement tumoral (Hung et al., 1998). Ils sont caractriss sur la base des

    cytokines quils scrtent. Les Th1 , impliqus dans limmunit cellulaire, scrtent

    principalement de lIL-2, du TNF et de lIFN et sont impliqus dans la cytotoxicit

    cellulaire dpendante du complment ainsi que dans lactivation de la fonction cytotoxique

    des cellules NK, LCT et des macrophages (Szabo et al ; 2000). Les Th2 produisent

  • 19 Introduction

    majoritairement de lIL4, IL5, IL10 et IL13 et activent les osinophiles et les mastocytes

    (Zheng and Flavell, 1997) ainsi que les lymphocytes B qui vont alors scrter des Ig

    impliques dans la rponse humorale. Une autre population cellulaire pro-inflammatoire a

    t dcrites ces dernires annes, Th17, qui produit de lIL17, IL21 et IL22 mais dont

    limplication dans une activit anti-tumorale reste discute (Ouyang et al., 2008).

    - Les lymphocytes B sont localiss beaucoup plus rarement dans les tumeurs

    except dans les structures lymphodes. Leur activation provoque un relargage danticorps

    anti-antigne tumoral qui vont bloquer la progression tumoral en empchant lactivation

    des rcepteurs de facteurs de croissances (Dieu-Nosjean et al., 2008).

    Figure 6: Schma simplifi refltant le rle des cytokines libres par les lymphocytes T dans la rgulation de limmunit pro- et anti-tumorale (Ruffell et al., 2010). Les cellules NK, les lymphocytes T- et les lymphocytes cytotoxiques CD8

    + favorisent l'immunit

    anti-tumorale induisant la mort cellulaire des cellules noplasiques. Les fonctions effectrices cytotoxiques de ces cellules sont mdies par lIFN libr par les cellules TH1 et les cellules NKT de type I, ainsi que par l'auto-production de l'IFN qui conduit la polarisation des cellules TH1. La libration de l'IL-4 et IL-13 par les cellules TH2 et les cellules NKT de type II peut orienter la polarisation des macrophages vers un phnotype M2. Ces macrophages polariss favorisent la promotion des mtastases via la libration de l'EGF, tandis que la production de TGF supprime directement ou indirectement la rponse immunitaire par le biais de la promotion du dveloppement des cellules TReg. IL-17 favorise la production de l'IL-6 par les cellules tumorales. Ces deux cytokines favorisent la croissance des cellules tumorales, tandis que lIL-21 amplifie la fonction effectrice des lymphocytes T cytotoxiques.

  • 20 Introduction

    Cellules intervenant dans la suppression de limmunit anti-tumorale

    Dans certaines conditions la tumeur chappe laction combine des cellules

    immunitaires et continue de prolifrer. A ma connaissance deux mcanismes

    dchappement sont dcrits. Le premier est limmunoediting, mcanisme dans lequel la

    tumeur nest plus reconnue par le systme immunitaire comme tant du non-soi (Vesely

    et al., 2011 ; Schreiber et al., 2011) (Figure 7). Le second mcanisme est un dtournement

    par la tumeur des rponses immunitaires : cest limmuno-suppression. Dans les deux

    mcanismes la tumeur va entrer dans un tat dquilibre avec le systme immunitaire. Elle

    pourra rester sous le contrle du systme immunitaire ou bien y chapper pour prolifrer

    (Coussens and Werb, 2002, Ruffel et al., 2010). Lorsque les rponses immunitaires sont

    dtournes au profit de la tumeur (immuno-suppresion), certaines cellules peuvent faciliter

    langiognse et la prolifration des cellules tumorales. Parmi les cellules action pro-

    tumorale non trouvons les macrophages, des lymphocytes T et B, des neutrophiles, des

    mastocytes.

    - Les lymphocytes rgulateurs Treq reprsentent une proportion de 5 15% des

    lymphocytes associs aux tumeurs (TIL : Tumor-infiltrating lymphocytes). Ils inhibent la

    prolifration des autres lymphocytes T spcifiques du microenvironnement tumoral par des

    mcanismes dpendant du contact cellulaire ou par des mcanismes dpendant de lIL-10 et

    du TGF- (Strauss et al., 2007a). Dans des conditions physiologiques, les Treg sont essentiels

    dans la prvention des pathologies auto-immunes (Shevach, 2000). Dans un contexte

    tumoral, ils sont immunosuppresseurs et prsentent une grande variabilit de phnotype

    (CD4+, CD25hi, Foxp3+). Certaines tudes rcentes suggrent que les stratgies

    thrapeutiques (irradiation, chimiothrapie, chirurgie) auraient mme tendance induirent

    leur prolifration (Strauss et al., 2007b).

    - Les cellules mylodes suppressives (MDSC : Myeloid-derived suppressor cells)

    forment une population cellulaire htrogne compose de cellules mylodes prognitrices

    et de cellules mylodes immatures. Une accumulation de cette population immature est

    observe dans le cas de cancer. Les MDSC ont t caractrises la premire fois chez des

    souris portant des tumeurs puis chez de patients atteints de cancer. Chez ces dernires, le

    nombre de MDSC circulant peut tre augment de dix fois par rapport un individu sain.

  • 21 Introduction

    Figure 7: Concept de limmuno-surveillance et immunoediting des Tumeurs (Schreiber et al., 2011). Limmunoediting se droule en trois phases : llimination, lquilibre et lchappement. Llimination correspond une phase active o le systme immunitaire reconnat et dtruit les cellules tumorales. Une phase dquilibre dynamique entre laction du systme immunitaire et le dveloppement tumoral.sinstalle. Les lymphocytes T, lIL-12 et IFN- sont ncessaire pour maintenir les cellules ltat de dormance. La pression de slection exerce par le systme immunitaire est forte et les cellules tumorales grce leur grande instabilit gntique peuvent acqurir des micro- (mutations gntiques et pigntiques) ou macro-rarrangements (translocation, dltion, inversion, duplication) et dautres variantes des cellules tumorales peuvent apparaitre : 1- par diminution de la prsentation de lantigne aux lymphocytes T (CMH), 2- par laugmentation de linhibition de lapoptose ( Bcl-XL ; FLIP) ou 3- par lexpression de molcules de surface inhibitrices qui tuent directement les lymphocytes T cytotoxiques (PD-L1 ; FasL). De plus, les tumeurs scrtent des facteurs inhibant les fonctions inhibitrices des cellules immunitaires (TGF-, IL-10, VEGF, LXR-L, IDO, gangliosides ou MICA soluble) ou recrutent des cellules rgulatrices pour attnuer limmunosuppresion (IL-4, IL-13, GM-CSF, IL-1, VEGF ou PGE2), leur permettant de se soustraire cette slection : cest la phase dchappement o la croissance des cellules tumorales nest plus bloque par limmunit. (Schreiber et al., 2011 et Vesely et al., 2011).

    Chez le rat portant une tumeur, les MDSC peuvent reprsenter 20 40% des splnocytes

    alors que ce nombre nest que de 2 4% dans une rate saine (Mirza et al., 2006). Elles

    prolifreraient galement dans les pathologies auto-immunes (Gabrilovich et Nagaraj, 2009).

    Lorsquelles sont actives, elles prsentent des proprits immunosuppressives et une

    morphologie proche des granulocytes et des monocytes (Gabrilovich et Nagaraj, 2009).

  • 22 Introduction

    Les MDSC inhibent la fois des rponses des cellules de limmunit inne et les rponses des

    cellules de limmunit acquise. Elles expriment de grande quantit darginase 1 et de iNOS

    impliques dans la production de NO. Le NO inhibe notamment les fonctions des

    lymphocytes T ; lexpression des molcules du CMH II (Rivoltini et al., 2002 ; Harari et Liao,

    2004). Certaines tudes suggrent que les MDSC inhiberaient la cytotoxicit des cellules NK

    par rapport aux cellules tumorales et inhiberaient galement leur production dIFN

    (Ostrand-Rosenberg et Sinha, 2009). De trs nombreuses questions concernant les MDSC

    restent lucider. Les mcanismes immunosuppresseurs des MDSC semblent en effet

    diffrents, selon quelles soient localises dans les organes lymphodes secondaires ou au

    sein mme de la tumeur, o elles peuvent se diffrencier en TAM (Kusmartsev et

    Gabrilovich, 2005).

    - Les macrophages associs aux tumeurs sont dsigns sous le terme de TAM

    (tumor-associated macrophages). Ils drivent des monocytes circulant qui sont

    slectivement attirs dans le microenvironnement tumoral par la production locale de

    chmokines (CCL2, CCL5, CCL7, CCL8, CXCL12) et cytokines (VEGF, PDGF, M-CSF) (Balkwill,

    2004). Les TAM sembleraient saccumuler dans les rgions ncrotiques des tumeurs

    caractrises par une hypoxie (Sica et al., 2008). Sous linfluence du M-CSF les monocytes

    recruts se diffrentient en macrophages rsidants dans le microenvironnement. La

    polarisation de type M1 (classique) oriente la rponse immunitaire vers des proprits de

    type Th1. Les M1 sont des macrophages pro-inflammatoires qui participent llimination

    de la tumeur par phagocytose aprs opsonisation des cellules tumorale et prsentation des

    antignes tumoraux aux lymphocytes T CD4+. Les TAM seraient des macrophages de type

    M2 et leur diffrenciation serait sous le contrle principal de lIL-4, du TGF-, de lIL-6 et de

    lIL-10 (Mantovani et al., 2009). Les TAM ont la capacit de stimuler directement la

    croissance tumorale et la migration (Goswami et al., 2005). Les macrophages de type M2

    produisent des quantits abondandes de cytokines immunosupressives comme lIL-10 et

    des quantits faibles dIL-12, et sont caractriss par une faible capacit prsenter

    lantigne. Les M2 inhibent de plus les rponses de type Th1. Ils participent trs activement

    la no-angiogense par la production de facteurs pro-angiogniques et par le remodelage

    de la matrice extracellulaire (Figure 8). On leur attribue galement un rle

    immunosupresseur qui serait li en partie au recrutement de lymphocytes T dpourvus

    dactivit cytotoxique. Certaines tudes ont malgr tout montr que les TAM pouvaient

  • 23 Introduction

    prsenter des proprits anti-tumorales. Les mcanismes ne sont pas totalement lucids,

    mais il semblerait que dans ces situations, ce sont les macrophages de type M1 qui sont les

    impliqus. Ces cellules ont une capacit promouvoir la mort des cellules tumorales

    (Mantovani et al., 2009).

    - Les cellules dendritiques joueraient un rle primordial dans linitiation, la

    programmation et la rgulation des rponses immunitaires anti-tumorales (Steinman et

    Banchereau, 2007).

    Cependant, dans la plupart des tissus cancreux ainsi que dans les organes lymphodes

    secondaires de patients atteints de cancer, les cellules dendritiques prsentent des

    phnotypes immatures. En effet, les nombreux TAM et surtout les MDSC infiltres dans les

    tumeurs seraient lorigine de la suppression de la vigilance des cellules dendritiques. Par la

    cration dun environnement immunosuppresseur via la scrtion de cytokines, les TAM et

    les MDSC inhibent linstruction des lymphocytes T CD4 et CD8 par les cellules dendritiques et

    favorisent la prolifration des Treg (Melief, 2008).

    - Un autre mcanisme inhibant le contrle du systme immunitaire est la scrtion

    par la tumeur elle-mme de divers facteurs. Les cellules tumorales scrtent du M-CSF qui

    terme stimule la production de lEGF (epithelial growth factor) par les macrophages

    Goswami et al. (2005). LEGF est un puissant facteur de croissance pour la tumeur vis--vis

    de la tumeur. Du TGF1 et de lIL-10 peuvent galement tre scrts par les cellules

    tumorales (Fridlender et al., 2009). Le TGF1 conditionne le stade de diffrenciation des

    macrophages M1, inflammatoire, en M2, immunosuppresseur ; inhibe le recrutement des

    neutrophiles, des lymphocytes et des cellules NK. Dautres molcules clefs qui entretiennent

    une action pro-tumorale sont par exemples le VEGF et le FGF qui sont angiogniques.

    Lvolution actuelle en cancrologie se dirige progressivement vers un diagnostic

    personnalis et une thrapie intgratrive. Des stratgies combinatoires cibleront non

    seulement les cellules cancreuses mais galement les cellules du microenvironnement

    tumoral. Cette approche multi-cible est trs novatrice et laisse entrevoir une volution

    favorable du pronostic de divers cancer humain (de Palma et Hanahan, 2012 ; Hanahan et

    Coussens, 2012).

  • 24 Introduction

    Figure 8: Lquilibre entre les cytokines et les chemokines rgule le dveloppement tumoral (Coussens et Werb,2002).

    Les tumeurs qui produisent peu ou pas de cytokines inflammatoires ou une surabondance de cytokines anti-inflammatoires induisent des rponses inflammatoires et vasculaires limites, et par voie de consquence la croissance tumorale sera limite. En revanche, la production abondante de cytokines pro-inflammatoires peut conduire une inflammation qui potentialise l'angiogense et la croissance noplasique. Par ailleurs, un dsquilibre entre les cytokines pro- et anti-inflammatoires peut induire une infiltration de monocytes et/ou neutrophiles qui vont provoquer un effet cytotoxique qui sera dfavorable la progression tumorale. LIL-10 est gnralement scrt par la tumeur et par les macrophages associs la tumeur.

  • 25 Introduction

    Les Mastocytes

    La description initiale fut faite par Von Recklinhausen en 1963 mais cest Paul Ehrlich, en

    1879, qui analysa en dtail ces cellules mtachromatiques. Ehrlich pensait que les granules

    cytoplasmiques de ces cellules correspondaient des produits de phagocytose et baptisa

    ces cellules cellules bien nourries ou mastzellen , devenu mast cell en Anglais et

    mastocytes en Franais (Figure 9). Le terme choisit masto drive du grec qui signifie

    poitrine, et de lallemand mastung , qui signifie mastication (Vyas et Krishnaswamy,

    2006). Ce sont des cellules ovalaires de 20-30 m de diamtre avec un noyau central, leur

    cytoplasme est rempli de nombreux granules basophiles et mtachromatiques (histamine,

    hparine).

    Figure 9: Vue en microscopie lectronique transmission de la morphologie des mastocytes

    ltat normal (gauche) et ltat de dgranulation (droite) (Keith et al., 2001).

    Le mastocyte est connu comme tant la cellule la plus intimement lie la notion dallergie

    car il est susceptible de rsumer lui seul tous les aspects physiopathologiques importants

    de lhypersensibilit immdiate (fixation dIgE, activation par lantigne, et dgranulation

    cytoplasmique, libration dhistamine, production rapide de mdiateurs de linflammation

    ayant des effets dltres sur les organes cibles comme la peau, les vaisseaux ou les voies

    ariennes) pouvant aller jusquau choc anaphylactique. En ralit le rle des mastocytes est

    beaucoup plus large comme cela a t dmontr ces dix dernires annes (Figure 10). Le

    mastocyte nest pas seulement une cellule stockant et produisant des mdiateurs

    massivement librs lors de la raction IgE-anti-IgE. Le mastocyte est une cellule immuno-

    comptente de part : 1- sa capacit synthtiser et librer diverses cytokines qui rgulent la

    rponse immunitaire ; 2- sa capacit sassocier avec les lymphocytes T et B, mais aussi les

    osinophiles et les fibroblastes ; 3- sa capacit de prsentation de lantigne. Le mastocyte

    pourrait galement jouer un rle non ngligeable dans le remodelage de la matrice

    extracellulaire tant donn la prsence au sein de ses granules de protases neutres

  • 26 Introduction

    (tryptase, chymase,voir tableau 6). Les mastocytes sont donc des acteurs de limmunit

    inne (Mekori et Metcalfe, 2000 ; Galli et al., 2005 ; Dawicki et Marshall, 2007) et adaptative

    (Galli et al., 2005 ; Gilfillan et Tkaczyk, 2006 ; Grimbaldeston et al., 2006 ; Boyce, 2007; Sayed

    et al., 2008). Les mastocytes ou ses produits de scrtion sont impliqus dans : 1- la

    dgradation de peptides endognes potentiellement toxiques et de constituants de venins

    (Metz et al., 2006 ; Schneider et al., 2007; Piliponsky et al., 2008 ) ; 2- la lyse dagents

    pathognes (Mekori et Metcalfe, 2000 ; Malaviya et Abraham, 2001 ; Dawicki et Marshall,

    2007) 3- la rgulation du nombre, de la viabilit, du phnotype et de la fonction de cellules

    non immunitaires comme les fibroblastes et les cellules endothliales (Tableau 5).

    Figure10 : Principales fonctions physiologiques des mastocytes humains dans des conditions normales.

    Les mastocytes modulent la scrtion et la permabilit pithliale ; le pristaltisme et la bronchoconstriction des muscles lisses ; les fonctions endothliales (coulement du sang, coagulation et permabilit vasculaire ; les fonctions immunitaires (recrutement et activation des neutrophiles, osinophiles et lymphocytes) ; les fonctions neuronales (interactions neuro-immunitaire, douleur) et des fonctions tissulaires (cicatrisation et fibrose). Les stimuli physiologiques sont mal dfinis et peuvent inclure des facteurs tissulaires, des facteurs de croissance, des agents infectieux, des neuropeptides, des antignes ou des changements physicochimiques comme un changement de pH ou d'osmolarit. (Daprs Bischoff., 2007)

    Paralllement ces proprits effectrices, les mastocytes sont galement des acteurs

    important dans la rgulation positive ou inhibitrice de la fonction immunitaire (Galli

    et al., 2008). Ces fonctions immuno-modulatrices peuvent sillustrer par linfluence des

    mastocytes sur le recrutement, la survie, le dveloppement et le phnotype de cellules

    immunitaires comme les granulocytes, les monocytes/macrophages, les cellules

  • 27 Introduction

    dendritiques, les cellules T, B, NK et NKT (