Rôle de la leptine périnatale dans la programmation métabolique et la susceptibilité à...

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Cahiers de nutrition et de diététique (2009) 44, 85—90 PHYSIOLOGIE Rôle de la leptine périnatale dans la programmation métabolique et la susceptibilité à l’obésité Role of perinatal leptin in metabolic programming and susceptibility to the development of obesity Jean Djiane a,, Linda Attig a , Latifa Abdennebi-Najar b a UMR 1197 Inra, université Paris-Sud, Nopa, équipe de neuroendocrinologie de la prise alimentaire (NMPA), Inra domaine de Vilvert, bâtiment des biotechnologies (440), 78352 Jouy-en-Josas cedex, France b UPSP EGEAL, institut polytechnique LaSalle, rue Pierre-Waguet, 60026 Beauvais cedex, France Rec ¸u le 5 janvier 2009 ; accepté le 15 janvier 2009 Disponible sur Internet le 17 avril 2009 MOTS CLÉS Leptine ; Obésité ; Prise alimentaire ; Hypothalamus ; Tissu adipeux Résumé Cette communication résume les informations récentes obtenues sur le rôle de la leptine, une hormone produite essentiellement par le tissu adipeux, dans la mise en place de la régulation centrale du comportement alimentaire qui se réalise au cours du dévelop- pement fœtal et la période périnatale. Il a été montré en particulier que la leptine exerce une action neurotrophique responsable de l’établissement des réseaux neuronaux hypothala- miques qui détermineront d’une manière pérenne le comportement alimentaire de l’individu. Le blocage de l’action de la leptine, par l’administration d’antagonistes spécifiques, chez des ratons nouveau-nés provoque une dérégulation à long terme de la prise alimentaire et des dépenses énergétiques qui conduit ultérieurement à une susceptibilité accrue au développe- ment de l’obésité. Le retard de croissance intra-utérin (RCIU), qui conduit à un petit poids de naissance, est une situation qui prédispose au développement du syndrome métabolique et de l’obésité à l’âge adulte. En utilisant le porcelet comme modèle animal, il a été montré que les nouveau-nés RCIU présentent une immaturité de développement hypothalamique en termes de localisation de l’expression des récepteurs de la leptine. L’administration de leptine pendant les dix premiers jours de vie permet de stimuler la croissance et de parfaire la maturation de certains organes impliqués dans la régulation métabolique. © 2009 Société franc ¸aise de nutrition. Publié par Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés. KEYWORDS Leptin; Obesity; Summary This paper summarizes new available information about the role of leptin, an hor- mone essentially produced by adipose tissue, on the establishment of food intake regulation during fetal development and perinatal life. Particularly, it has been shown that leptin exerts a neurotrophic action leading to the establishment of the hypothalamic neuronal network Texte issu d’une conférence donnée aux Journées francophones de nutrition à Brest en novembre 2008. Auteur correspondant. Adresse e-mail : [email protected] (J. Djiane). 0007-9960/$ — see front matter © 2009 Société franc ¸aise de nutrition. Publié par Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés. doi:10.1016/j.cnd.2009.01.004

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Cahiers de nutrition et de diététique (2009) 44, 85—90

PHYSIOLOGIE

Rôle de la leptine périnatale dans la programmationmétabolique et la susceptibilité à l’obésité�

Role of perinatal leptin in metabolic programming and susceptibility to thedevelopment of obesity

Jean Djianea,∗, Linda Attiga, Latifa Abdennebi-Najarb

a UMR 1197 Inra, université Paris-Sud, Nopa, équipe de neuroendocrinologie de la prisealimentaire (NMPA), Inra domaine de Vilvert, bâtiment des biotechnologies (440), 78352Jouy-en-Josas cedex, Franceb UPSP EGEAL, institut polytechnique LaSalle, rue Pierre-Waguet, 60026 Beauvais cedex,France

Recu le 5 janvier 2009 ; accepté le 15 janvier 2009Disponible sur Internet le 17 avril 2009

MOTS CLÉSLeptine ;Obésité ;Prise alimentaire ;Hypothalamus ;Tissu adipeux

Résumé Cette communication résume les informations récentes obtenues sur le rôle de laleptine, une hormone produite essentiellement par le tissu adipeux, dans la mise en placede la régulation centrale du comportement alimentaire qui se réalise au cours du dévelop-pement fœtal et la période périnatale. Il a été montré en particulier que la leptine exerceune action neurotrophique responsable de l’établissement des réseaux neuronaux hypothala-miques qui détermineront d’une manière pérenne le comportement alimentaire de l’individu.Le blocage de l’action de la leptine, par l’administration d’antagonistes spécifiques, chez desratons nouveau-nés provoque une dérégulation à long terme de la prise alimentaire et desdépenses énergétiques qui conduit ultérieurement à une susceptibilité accrue au développe-ment de l’obésité. Le retard de croissance intra-utérin (RCIU), qui conduit à un petit poids denaissance, est une situation qui prédispose au développement du syndrome métabolique et del’obésité à l’âge adulte. En utilisant le porcelet comme modèle animal, il a été montré que lesnouveau-nés RCIU présentent une immaturité de développement hypothalamique en termes delocalisation de l’expression des récepteurs de la leptine. L’administration de leptine pendantles dix premiers jours de vie permet de stimuler la croissance et de parfaire la maturation decertains organes impliqués dans la régulation métabolique.© 2009 Société francaise de nutrition. Publié par Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.

KEYWORDSLeptin;Obesity;

Summary This paper summarizes new available information about the role of leptin, an hor-mone essentially produced by adipose tissue, on the establishment of food intake regulationduring fetal development and perinatal life. Particularly, it has been shown that leptin exertsa neurotrophic action leading to the establishment of the hypothalamic neuronal network

� Texte issu d’une conférence donnée aux Journées francophones de nutrition à Brest en novembre 2008.∗ Auteur correspondant.

Adresse e-mail : [email protected] (J. Djiane).

0007-9960/$ — see front matter © 2009 Société francaise de nutrition. Publié par Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.doi:10.1016/j.cnd.2009.01.004

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ntroduction

urant ces dernières décennies, l’incidence de l’obésitédramatiquement augmenté et représente désormais un

éritable enjeu de santé publique à l’échelle planétaire.econnue maintenant comme une pathologie à part entière,’obésité s’accompagne de tout un cortège de maladiesssociées comme le diabète de type 2, l’hypertension,es maladies cardiovasculaires, menacant de facon critiqueotre espérance de vie. Depuis son explosion dans les paysndustrialisés, comptant en premier lieu les États-Unis oùlus de 50 % de la population est maintenant considérée enurpoids, l’épidémie s’étend désormais au monde en déve-oppement et touche dorénavant des pays comme la Chine,’Inde et le Brésil.

Les changements rapides de nos conditions de vie ete nos modes d’alimentation qui se sont réalisés sur unntervalle de temps restreint, en l’espace d’une ou deuxénérations, ont révélé la relative inadaptation de notrehysiologie à ces nouvelles conditions d’abondance éner-étique. Tout au long de son histoire, l’homme a eu àutter contre les périodes de restriction alimentaire, dras-iques et répétées et s’est finalement adapté pour optimiseru mieux sa survie dans un environnement nutritionnelle-ent appauvri. Ce que l’on découvre aujourd’hui, c’estue ces processus adaptatifs ne sont pas seulement leruit de notre évolution génétique. Sur une période de

emps beaucoup plus courte, à l’échelle même de l’individu,’organisme est en effet capable de modifier son pro-ramme de développement en fonction de la perceptionu’il se fait de la disponibilité des substrats présents danse milieu extérieur. Ces phénomènes adaptatifs dénom-és sous le terme de « programmation métabolique » seéroulent particulièrement au cours des périodes de déve-oppement in utero et permettent d’adapter au mieux lahysiologie et le métabolisme de l’individu en fonctionu recensement qu’il peut faire des contraintes nutri-ionnelles de l’environnement. L’adéquation des conditionsutritionnelles pendant la vie fœtale avec celles retrou-ées durant la vie postnatale est un facteur déterminant.n effet, une perception in utero d’une situation deénurie, comme retrouvée notamment dans des situa-ions de retard de croissance intra-utérin (RCIU), peute révéler favorable pour l’individu si ces conditions deénurie persistent mais délétère dans le cas d’un change-ent brutal vers des conditions d’abondance nutritionnelle.

’intégration des conditions nutritionnelles par l’organismee réalise, notamment grâce au système endocrinien quiraduit les informations environnementales par des varia-ions des niveaux d’hormones. Parmi ces hormones, destudes récentes donnent une importance particulière à laeptine, produite essentiellement par le tissu adipeux, qui

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J. Djiane et al.

viour. Leptin blockage, by using specific antagonist in new-eregulation of food intake and energy expenditure leading toy. Intrauterine growth retardation (IUGR) associated with lowose to metabolic syndrome and obesity in later life. By usingeen shown that IUGR newborn animals presented an immaturems of localization of leptin receptor expression. Leptin admi-ays) stimulated the growth and accelerated the maturation oflic regulation.ition. Published by Elsevier Masson SAS. All rights reserved.

ourrait jouer un rôle clé dans ces phénomènes de program-ation.

a leptine : production et fonctionsiologiques

a leptine, produit du gène Ob, a été clonée pour la pre-ière fois en 1994 sous sa forme mutée à partir de tissu

dipeux de souris obèses Ob/Ob [1]. La leptine est une pro-éine de 16,7 kDa qui appartient à la grande famille desytokines de type I comme l’hormone de croissance, la pro-actine et la plupart des interleukines [2]. La leptine estroduite essentiellement par le tissu adipeux et ses niveauxlasmatiques reflètent directement l’état des réserves adi-euses de l’organisme. À côté des adipocytes, un certainombre de types cellulaires sont également capables de pro-uire de la leptine. Ainsi, au niveau périphérique, la leptinest sécrétée de manière constitutive par l’épithélium gas-rique [3,4] et dans certaines conditions par l’épithéliumntestinal [5]. Le gène Ob est également exprimé au niveaues gonades [6,7], de la peau [8,9], du muscle squelet-ique [10] et également certaines structures cérébrales [11].e plus, au cours de l’état physiologique particulier queeprésente la gestation, le placenta, organe clé du déve-oppement, constitue une source de leptine non négligeable

our le fœtus [12]. La glande mammaire produit égalementa leptine, au cours des phases précoces de lactation, quieut ainsi être transmise par le lait, de la mère au nouveau-é [13,14].

La leptine est impliquée dans le contrôle de mul-iples processus biologiques et différentes isoformes de sonécepteur (longue et courtes) ont été identifiées dans deombreux tissus. Les effets les plus connus de la leptineont ceux qu’elle exerce au niveau de l’hypothalamus sure contrôle de la prise alimentaire par l’intermédiaire dea forme longue de son récepteur. Le mode d’action de laeptine au niveau périphérique est encore peu documenté,ais ses effets avérés au niveau de tissus aussi variés que le

issu adipeux, osseux, le foie, les gonades ou les organesymphoïdes ne doivent pas être sous-estimés, comme lerouve la grande complexité du phénotype de la sourisb/Ob, génétiquement déficiente en leptine, pour laquelle

’ensemble des processus physiologiques de thermorégula-ion, de reproduction, d’immunité se trouvent fortementltérés [15,16].

Le mode d’action de la leptine dans ces processus,st complexe et combine à la fois des effets directst indirects ; centraux et périphériques et se réalise ennteraction ou non avec d’autres hormones. Au niveaues cellules cibles, la leptine peut, via ses récepteurs,oduler la prolifération, la différenciation et l’activité

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Rôle de la leptine périnatale

des cellules. Elle peut également contrôler la fonctiontissulaire via des relais centraux hypothalamiques auniveau desquels, elle agit en activant ou en inhibantcertaines voies nerveuses ou en modulant la productiond’autres hormones. Au sein de certains tissus où il existeune production locale de leptine, celle-ci peut égale-ment se comporter comme un facteur de croissance etmoduler in situ la fonctionnalité et la croissance cellu-laire.

La leptine et le contrôle de la prisealimentaire

Après avoir franchi la barrière hématoencéphalique, la lep-tine interagit avec un réseau neuronal complexe intégrantles signaux nutritionnels, hormonaux et nerveux [17] et pro-voque un effet satiétogène puissant. Le schéma d’actionclassiquement reconnu de la leptine propose que celle-ci agit de facon primaire sur deux populations distinctesde neurones localisés dans le noyau arqué pour modulerl’expression de neuropeptides, mais également contrôlerl’activité électrique et l’environnement synaptique de cesneurones [18,19]. La leptine « inhibe » ainsi l’activité desneurones orexigènes de type NPY/AgRP projetant abondam-ment sur l’hypothalamus latéral (LHA) responsable de lasensation de faim et « stimule » au contraire l’activité desneurones POMC/CART projetant sur l’hypothalamus ventro-médian (VMH) impliqués dans l’induction de la satiété. Cesneurones du noyau arqué envoient, par ailleurs, de nom-breuses projections aux centres supérieurs impliqués dansl’intégration des signaux comme l’hypothalamus dorsomé-dian (DMH) et le noyau paraventriculaire (PVH) qui modulentau final le comportement alimentaire. Les différents noyauximpliqués sont interconnectés par un réseau de projectionsneuronales complexe.

La leptine : un facteur neurotrophique

Chez les rongeurs, les réseaux de neurones impliqués dans larégulation du comportement alimentaire s’établissent pro-gressivement durant la période postnatale précoce et sontstructurellement et fonctionnellement immatures jusqu’audébut de la troisième semaine de vie. Les projections neu-ronales issues du noyau arqué et reliant le DMH, le PVH etle LHA se développent progressivement entre le sixième etle 16e jour de vie postnatale. Au moment du sevrage, lamaturation hypothalamique est complète et la régulationde la prise alimentaire efficace [20,21]. La mise en placede ce réseau hypothalamique se réalise de manière conco-mitante à une élévation rapide et transitoire des niveauxde leptine plasmatique. Ce pic est d’amplitude et de duréevariable selon les espèces et correspond chez le rongeur àune multiplication des niveaux de leptine circulante entrecinq à dix fois entre sept et 12 jours de vie postnatale[22,23].

La déficience en leptine chez la souris Ob/Obs’accompagne de profondes altérations dans le déve-loppement des projections neuronales en partance del’ARC vers les autres centres hypothalamiques [24]. Lasupplémentation des nouveau-nés Ob/Ob par la leptine dej4 à j12 permet de corriger le développement hypothala-mique et de restaurer le profil des projections neuronales.D’un point de vue mécanistique, la leptine se comportecomme un facteur neurotrophique capable de promouvoir

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l’allongement axonal. Cette action développementalede la leptine s’avère restreinte à la période périnatale[24].

Effets du blocage des effets de la leptineau cours de la période périnatale, sur lamise en place de la régulationmétabolique à long terme

La maturation des voies neuronales hypothalamiques sen-sibles à la leptine s’achevant au cours de la périodepostnatale et étant dépendante des niveaux de l’hormone,l’apparition de contraintes environnementales au cours decette période altérant les niveaux de leptine est suscep-tible d’entraver le développement hypothalamique et deprovoquer des répercussions à long terme sur la fonction-nalité du système de contrôle de la prise alimentaire et larégulation métabolique. Nous avons donc voulu tester cettehypothèse et savoir dans quelle mesure, chez un animal nor-mal, n’ayant subi aucune contrainte durant sa vie fœtale,ne présentant aucun défaut génétique ou trouble physio-logique ou endocrinien préalable, l’annihilation du pic deleptine postnatale pouvait provoquer à elle seule, une pro-grammation métabolique défavorable (Fig. 1).

La limitation de l’action de la leptine a été réaliséeen utilisant un antagoniste compétitif spécifique de la lep-tine obtenu après triple mutation d’aminoacides impliquésdans l’activité biologique de l’hormone (L39A/D40A/F41A)et développé récemment au laboratoire [25,26]. Nous avonstraité des ratons nouveau-nés avec cet antagoniste de la lep-tine durant les deux premières semaines de vie (j2 à j13) etétudié les conséquences phénotypiques à long terme de cetraitement [27]. À l’âge de quatre mois, les animaux ayantsubi le traitement néonatal par les antagonistes de la lep-tine présentent une résistance à la leptine et ne sont pluscapables d’y répondre en termes de réduction de la prise ali-mentaire et de perte de poids. Les animaux présentent éga-lement des troubles du métabolisme glucidique et lipidique

mis en évidence par les dysrégulations existant entre lesvaleurs de glycémie et d’insulinémie et une augmentationde triglycérides. Si le développement de l’obésité n’apparaîtpas spontanément dans nos conditions d’expérimentations,les animaux maintenus en régime standard présentent déjàune composition corporelle altérée s’exprimant par un pour-centage de masse grasse plus important. La résistance à laleptine ainsi que les autres troubles discrets du métabo-lisme énergétique procurent aux animaux une susceptibilitéà développer l’obésité et un excès d’adiposité quand ceux-cisont soumis à un régime riche en énergie [27]. L’ensemble deces résultats démontrent que chez le rongeur, l’altération del’action de la leptine postnatale chez un nouveau-né normal,suffit à elle seule à induire une programmation métaboliquedéfavorable. Il est désormais nécessaire de décrypter lesmécanismes moléculaires à l’origine du phénotype observé.L’hypothèse la plus probable est que l’altération des niveauxde leptine aura conduit à une perturbation de l’organisationhypothalamique du réseau neuronal de contrôle de la prisealimentaire. Néanmoins, des études récentes menées aulaboratoire indiquent également que la perturbation del’action de la leptine postnatale ne se limite probablementpas uniquement à des altérations au niveau central, maispourrait entraver également le développement d’organespériphériques importants pour le contrôle du métabolisme(Fig. 2).
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Au cours de la période périnatale, la leptineparticipe au développement des circuits neuronauxhypothalamiques et au développement de nombreuxtissus périphériques dont le tissu adipeux.

Sa carence relative chez les nouveau-nés avecretard de croissance est vraisemblablement un deséléments importants de la programmation métaboliqueprédisposant à une obésité ultérieure et au diabète.

ôle de la leptine dans la physiopathologieu retard de croissance intra-utérin

iverses études chez l’homme et l’animal ont établi quees individus nés avec un RCIU présentent une plus grandeusceptibilité à développer l’obésité et le syndrome méta-olique à l’âge adulte. Chez les RCIU, les niveaux de leptineont plus faibles au cours de la gestation et à la naissance28] suggérant que la déficience en leptine pourrait parti-iper à l’établissement de la programmation métaboliqueéfavorable du RCIU. Supportant cette hypothèse, Vickerst al. ont récemment démontré chez le rongeur que leraitement par la leptine des nouveau-nés RCIU permettaite les protéger d’une programmation métabolique défavo-able et de corriger leur prise alimentaire, leur poids eteur adiposité à l’âge adulte [29]. Néanmoins, la questione savoir dans quelle mesure les observations faites chez leongeur RCIU peuvent être étendues à l’homme reste posée.n effet, la chronologie de développement d’un certainombre d’organes diffère selon les espèces et particuliè-ement entre les rongeurs et les mammifères supérieurs

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igure 1. Utilisation d’antagonistes pour bloquer les effets de la lepties effets du pic de leptine postnatal ont été inhibés par l’injection d’anété appréciée quatre mois plus tard par l’analyse de la réponse à l’inje diminution de la prise alimentaire et la perte de poids. À partir du cinégime hypercalorique afin d’apprécier la susceptibilité à développer l’oge ont montré une altération de leur régulation métabolique résultant pu de maturation de certains organes périphériques.

J. Djiane et al.

omme l’homme, le porc ou la brebis. Si le développementu système hypothalamique sensible à la leptine ainsi que duissu adipeux se déroule durant la période postnatale chez leongeur, il est en grande partie achevé dès la fin de gestationhez les mammifères supérieurs [30]. Selon leur occurrenceemporelle, les contraintes environnementales (bénéfiquesu délétères) n’auront donc probablement pas les mêmesffets sur la mise en place de ces systèmes, selon les espèces

tudiées. Récemment, plusieurs études ont mis en avant leorc RCIU comme un modèle représentatif de la physiopa-hologie humaine, et montré qu’il reproduit l’ensemble duhénotype observé chez l’humain, les animaux manifestantl’âge adulte, intolérance au glucose, hypertension et excès’adiposité [31—34].

Dans un récent travail, nous nous sommes donc intéressésce modèle pour analyser, d’une part, les conséquences duCIU sur le système hypothalamique sensible à la leptine et,’autre part, les effets de la supplémentation par la leptinees porcelets RCIU sur l’établissement de leur phénotype35]. Nous avons montré au cours de cette étude que le RCIUhez le porc s’accompagne, dès les stades précoces de la vieostnatale, de défauts au niveau central de la distributiones cellules hypothalamiques sensibles à la leptine (expri-ant la forme longue du récepteur de la leptine ObRb) et

u niveau périphérique, d’une altération de l’organisationtructurale du tissu adipeux. Ces perturbations sont asso-iées à un gain de poids accéléré en postsevrage et auéveloppement d’un excès d’adiposité dès l’âge de quatrecinq mois.Au niveau hypothalamique, contrairement aux ani-

aux nés avec un poids normal qui présentent un profil’expression d’ObRb similaire au profil adulte avec uneoncentration de l’expression au niveau de l’ARC, le RCIUrésente une répartition différente d’expression d’ObRb

ne chez le rat nouveau-né.tagonistes (rlepm ; 7,5 �g/g) du j2 au j13. La sensibilité à la leptineection de leptine (1 mg/kg par jour) pendant sept jours en termesquième et jusqu’au huitième mois les animaux ont été soumis à unbésité. Les animaux traités par les antagonistes durant leur jeunerobablement de défauts dans l’organisation des réseaux neuronaux

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Rôle de la leptine périnatale 89

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Figure 2. Représentation schématique de la situation observée cA. Les porcelets RCIU présentent des changements dans la localisatiohypothalamiques. La structure histologique du tissu adipeux est ausB. Le traitement néonatal par la leptine (0,5 mg/kg) du j2 au j10 ppoids de différents organes impliqués dans la régulation métaboliqune augmentation de taille et une diminution du nombre de cellule

avec, d’une part, une distribution du récepteur quasiéquivalente entre le PVN et l’ARC et, d’autre part, unemoindre expression au niveau de l’ARC par rapport auxanimaux témoins suggérant une moindre sensibilité à la lep-tine. Il a déjà été montré chez la brebis, que les stagesprécoces de développement du système hypothalamique

s’accompagnent de variations relatives d’expression d’ObRbentre les différents noyaux avec une expression d’ObRbplus faible au niveau de l’ARC, mais redistribuée dansd’autres centres hypothalamiques [36]. Chez les porceletsRCIU, la répartition différentielle du récepteur pourraitdonc signer un état d’immaturité du système hypothala-mique sensible à la leptine. Il reste à déterminer si cetteorganisation peut être restaurée avec l’âge ou si elle estétablie de manière permanente. Il est toutefois fort pro-bable que la moindre sensibilité à la leptine au cours decette période critique de développement néonatal, ait desrépercussions sur la régulation métabolique à long termeet l’établissement du comportement alimentaire chez cesanimaux.

Au niveau périphérique, les altérations structurelles dutissu adipeux des nouveau-nés RCIU concourent vraisembla-blement au développement de l’excès d’adiposité observéchez ces animaux à un âge plus avancé. Bien que les dépôtsde tissu adipeux soient de taille comparable entre les RCIUet les animaux nés avec un poids normal, leur morphologieest différente chez les RCIU. Elle se caractérise par de nom-breux adipocytes de petite taille et apparaît caractéristiqued’un état peu différencié de ce tissu. Cette observationimplique que pour une même masse adipeuse, les RCIU pos-sèdent, au final, un réservoir de cellules adipeuses plusimportant que les animaux témoins. Dans des conditions de

e porcelet RCIU.l’expression des récepteurs de la leptine dans les différents noyauxdifiée avec un nombre plus élevé d’adipocytes de plus petite taille.ue une augmentation rapide de la croissance globale ainsi que dua différenciation adipocytaire est aussi stimulée se traduisant par

balance énergétique excédentaire, la capacité de stockagede lipides sera donc potentiellement plus grande chez cesanimaux.

Le changement de distribution d’ObRb au niveau hypo-thalamique et l’altération structurale du tissu adipeuxdes porcelets RCIU pourraient concourir conjointement au

développement d’un excès d’adiposité à l’âge adulte, enentraînant, d’une part, une perturbation du contrôle de laprise alimentaire et, d’autre part, une augmentation de lacapacité de stockage des lipides (Fig. 2A). Comme illustrésur la Fig. 2B, le traitement néonatal des porcelets RCIUpar la leptine permet de corriger la croissance linéaire etpondérale des animaux, de normaliser en termes de poidsle développement d’organes particulièrement sensibles auphénomène de programmation, comme le pancréas et le reinet de favoriser la différenciation cellulaire du tissu adipeux.Ces modifications précoces pourraient avoir des effets béné-fiques à long terme sur la correction de la programmationmétabolique.

Conclusions

La leptine s’avère donc être un acteur hormonal majeurdurant la période périnatale dans la prévention d’une pro-grammation métabolique défavorable. Si la leptine est unfacteur critique pour la mise en place du contrôle cen-tral de la prise alimentaire, les études que nous avonsmenées chez le RCIU montrent que son action s’étenden réalité bien au-delà du système nerveux central etque l’altération des niveaux de l’hormone au cours de lapériode périnatale, entrave le développement d’organes

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ériphériques impliqués dans des fonctions physiologiquesajeures. Les mécanismes d’actions de l’hormone durant

ette période restent encore à être élucidés. Il est vraisem-lable néanmoins que les effets développementaux de laeptine s’intègrent dans le cadre de l’action synergique d’unomplexe hormonal régissant la maturation terminale desrganes et intervenant dans la transition fœtus—nouveau-é. Si ces séquences hormonales de début de vie restentdéterminer, leur susceptibilité aux conditions environne-entales laisse présager de l’importance de garantir des

onditions nutritionnelles optimales de fin de gestation ete début de vie pour assurer la mise en place harmonieusees systèmes de régulation physiologiques de l’individu.

onflits d’intérêts

ucun.

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