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18 RUE LAFAYETTE 75009 PARIS - 01 48 00 54 54 AVRIL 13 Mensuel OJD : 4590 Surface approx. (cm²) : 1898 N° de page : 58-61 Page 1/4 GAULLE2 8125295300504/GFS/AAH/3 Eléments de recherche : DE GAULLE FLEURANCE & ASSOCIES : cabinet d'avocats d'affaires, toutes citations RISQUES & RÉGLEMENTATION MONOPOLE BANCAIRE LE RISQUE DE CREDIT, CRITÈRE DE LA NOTION D'OPÉRATION DE CRÉDIT EN DROIT FRANÇAIS Guillaume Ansaloni Docteur en droit, Associe de Gaulle Fleurance & Associés Comment qualifier une opération de crédit? La définition usuelle, fondée sur la mise à disposition de fonds, reste largement sujette à discussion, compte tenu des multiples habits juridiques que l'opération de crédit peut revêtir (prêt, escompte, engagement par signature, crédit-bail...). Une autre solution, plus stable, consisterait à fonder cette définition sur la notion de risque de crédit. I orsque l'on cherche a déterminer I quelles operations entrent ou non I dans le champ d'application du ^—monopole bancaire!^] tel qu'il est institue par le droit français, on est rapidement en proie à un certain [i] Le terme est quelque peu réducteur maîs il est aujourd'hui communément utilise pour designer les restrictions apportées à la réalisation d'opérations de banque dans le dessein de sauvegarder l'intérêt public et non d'octroyer un privilege (sur la question Thierry Bonneau, « Monopole bancaire et monopole des prestataires de service d'investissement », Mélanges AEDBF France, 1997, KB Editions, p 37) malaise La regle paraît de prime abord relativement simple II est en effet interdit a des entités autres que celles qui ont le statut d'etabhsse ment de credit de realiser des ope- rations de credit a titre onéreux et de maniere habituelle [2] Pourtant, la definition de chacun des elements constitutifs de cette regle est sujette a discussion et a une interprétation de la part des tribunaux allant au- delà de la lettre du texte Les operations de credit sont protci formes Derrière la figure classique du prêt qui a servi de modele pour la défini lion juridique de l'operation de credit^], le législateur a expresse ment désigne comme tels les engage- ments par signature elles operations de location avecoption d'ichatdontle credit bail Maîs le credit existe sous bien d'autres formes Citons pèle mêle, a titre d'exemple, l'escompte, les conventions de portage, la vente a credit, le contrat de réméré, voire la location financiere^] Apartirde quel instant une opera lion juridique [z] Art L 511-5 du Code monetaire et financier (CMF) ll existe des exceptions a cette interdiction de principe [3] Selon l'article I 313 i CMF, « constitue une operation de credit tout acte pur lequel une personne agissant a titre onéreux met ou promet de mettre des fonds à Id disposition d'une autre personne » [4] En ce sens Alain Chou, « La location financiere les liaisons dangereuses », D 2012, chron 2254 peut-elle être considérée comme réa- lisant un credit' Plusieurs criteres ont ete proposes celui de l'avance de fonds, celui de la mise a dispo- sition de fonds, ou d'autres encore, sans qu'aucun pourtant n'emporte pleinement la conviction II est d'ail- leurs curieux d'observer que les ces- sions de créances, au sein desquelles on peutengloberl'escompte-ope- ration de credit par excellence^] -, entrent si difficilement dans les criteres proposes. La presente etude vise a montrer que le risque de credit est le meilleur cri- tere de l'opération de credit A cet égard, le risque de credit peut être simplement défini c'est le risque pour le financeur de ne pas etre rem- bourse a l'échéance par le débiteur (emprunteur, débiteur cede, etc ), autrement dit le risque de défail- lance de la contrepartie du fournis- seur de credit[6] Dans une operation de financement, il existe de nom- breux risques auxquels le financeur peut être confronte. Par le contrat, celui-ci va faire en sorte d'allouer ces [5] Qu on se rappelle le César Birotteau de Balzac rendant visite a son banquier'En ce sens Cass crim 6 mai 1964, D 196;, 468, note Christian Gavalda [6] Rappr Albert Salgueiro, Les Modes d évaluation de la dignite du credit d un emprunteur, these dactyl Clermont 1,2004 n" 4 p 3

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18 RUE LAFAYETTE75009 PARIS - 01 48 00 54 54

AVRIL 13Mensuel

OJD : 4590

Surface approx. (cm²) : 1898N° de page : 58-61

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Eléments de recherche : DE GAULLE FLEURANCE & ASSOCIES : cabinet d'avocats d'affaires, toutes citations

R I S Q U E S & R É G L E M E N T A T I O N

MONOPOLE BANCAIRE

LE RISQUE DE CREDIT,CRITÈRE DE LA NOTIOND'OPÉRATION DE CRÉDITEN DROIT FRANÇAIS

GuillaumeAnsaloni

Docteur en droit,

Associe

de GaulleFleurance &Associés

Comment qualifier une

opération de crédit? La

définition usuelle, fondée

sur la mise à disposition

de fonds, reste largement

sujette à discussion, compte

tenu des multiples habits

juridiques que l'opération

de crédit peut revêtir (prêt,

escompte, engagement par

signature, crédit-bail...).

Une autre solution, plus

stable, consisterait à fonder

cette définition sur la notion

de risque de crédit.

I orsque l'on cherche a déterminerI quelles operations entrent ou nonI dans le champ d'application du^—monopole bancaire!^] tel qu'ilest institue par le droit français, onest rapidement en proie à un certain

[i] Le terme est quelque peu réducteur maîs il est

aujourd'hui communément utilise pour designer les

restrictions apportées à la réalisation d'opérations

de banque dans le dessein de sauvegarder l'intérêt

public et non d'octroyer un privilege (sur la question

Thierry Bonneau, « Monopole bancaire et monopole

des prestataires de service d'investissement »,

Mélanges AEDBF France, 1997, KB Editions, p 37)

malaise La regle paraît de primeabord relativement simple II est eneffet interdit a des entités autres quecelles qui ont le statut d'etabhssement de credit de realiser des ope-rations de credit a titre onéreux et demaniere habituelle [2] Pourtant, ladefinition de chacun des elementsconstitutifs de cette regle est sujettea discussion et a une interprétationde la part des tribunaux allant au-delà de la lettre du texteLes operations de credit sont protciformes Derrière la figure classiquedu prêt qui a servi de modele pourla défini lion juridique de l'operationde credit^], le législateur a expressement désigne comme tels les engage-ments par signature elles operationsde location avecoption d'ichatdontlecredit bail Maîs le credit existe sousbien d'autres formes Citons pèlemêle, a titre d'exemple, l'escompte,les conventions de portage, la ventea credit, le contrat de réméré, voirela location financiere^] Apartirdequel instant une opera lion juridique

[z] Art L 511-5 du Code monetaire et financier (CMF)

ll existe des exceptions a cette interdiction de principe

[3] Selon l'article I 313 i CMF, « constitue une

operation de credit tout acte pur lequel une personne

agissant a titre onéreux met ou promet de mettre des

fonds à Id disposition d'une autre personne »

[4] En ce sens Alain Chou, « La location financiere

les liaisons dangereuses », D 2012, chron 2254

peut-elle être considérée comme réa-lisant un credit' Plusieurs criteresont ete proposes celui de l'avancede fonds, celui de la mise a dispo-sition de fonds, ou d'autres encore,sans qu'aucun pourtant n'emportepleinement la conviction II est d'ail-leurs curieux d'observer que les ces-sions de créances, au sein desquelleson peutengloberl'escompte-ope-ration de credit par excellence^]-, entrent si difficilement dans lescriteres proposes.La presente etude vise a montrer quele risque de credit est le meilleur cri-tere de l'opération de credit A cetégard, le risque de credit peut êtresimplement défini c'est le risquepour le financeur de ne pas etre rem-bourse a l'échéance par le débiteur(emprunteur, débiteur cede, etc ),autrement dit le risque de défail-lance de la contrepartie du fournis-seur de credit[6] Dans une operationde financement, il existe de nom-breux risques auxquels le financeurpeut être confronte. Par le contrat,celui-ci va faire en sorte d'allouer ces

[5] Qu on se rappelle le César Birotteau de Balzac

rendant visite a son banquier'En ce sens Cass crim

6 mai 1964, D 196;, 468, note Christian Gavalda

[6] Rappr Albert Salgueiro, Les Modes d évaluation

de la dignite du credit d un emprunteur, these dactyl

Clermont 1,2004 n" 4 p 3

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risques à d'autres intervenants pourn'en conserver qu'un, qui lui échoitnaturellement, et de le limiter autantque faire se peut le risque de creditLe fait que les techniques de gestiondu risque, telles que la ti irisation oules dérives, ne soient apparues querécemment - dans l'histoire de labanque- pourrait expliquer que lanotion de risque de credit soit treslargement absente de l'analyse juri-dique de l'opération de credit

INSUFFISANCE DES CRITÈRESCLASSIQUESLes criteres usuellement retenus pourcaractériser l'opération de credits'articulent autour de la notion demise a disposition de fonds Ce cri-tere, en apparence simple et précis,révèle pourtant une part d'artmce quinous conduit a le considérer commeinapproprie En revanche, celui durisque de credit permet d'embrasserl'ensemble des operations que l'm-tuition conduit a considérer commeréalisant un creditL'article L 313-1 du Code monetaireet financier commence par définirl'opération de credit comme cellepar laquelle une personne prometa une autre de lui « mettre a disposihon » des fonds a titre onéreux LemêmearticleL 313-1 ajoute que sontégalement des operations de creditles engagements par signature, lecrédit-bail et autres operations delocation avec option d'achat Ons'est alors ingénie, avec talent, amontrer comment en réalité toutesces operations réalisaient elles aussiune mise a disposition de fonds [7].

[7] Thierry Bonnean, Droit bancaire Montchrestien

ge éd 2011, n° 50 s, p 445 Le critere de la «mise

à disposition dè fond » serait plus approprie que

celuide«f avance Ae fonds» cari! peut y avoir des

operations de credit qui ne donnent lieu a aucun

remboursement (ex l'escompte) V cependant,

Christian Gavalda et Jean Stoufflet Droit bancaire

Litec,8*ed 2010 par Jean Stoufflet n"^s p zas

qui retiennent la notion d avance comme critere On

observeraque la notion d avance pose une difficulté

insoluble dans le cas d'une cession de créance sans

recours contre le cédant (v notre note sous cass

civ 1 ', jo mai 2006, JCP Ed E, 2006,2698)

De la, il s'en est déduit que lamise a disposition defonds carac-tériserait l'opération de creditPourtant, a bien lire I articleL 313-1 précité, on constate quela mise a disposition des fonds estun critere parmi d'autres qui nesuffitpas a embrasser l'ensembledes operadons de credit Ainsi,ons'accordea considérer tant enjurisprudence qu'en doctrine quela cession de créance non échueréalise une operation de creditOn I explique généralement enfaisant valoir qu'il en est ainsiparce que Ie cessionnaire de la

créance meta disposition du cédantles fonds correspondant au mon-tant de la créance (diminué de sarémunération) par anticipation euégard a l'échéance de la créancecédée Pourtant, on a pu opposerque lorsque la cession porte sur descréances douteuses ou litigieuses, ilne s'agirait plus d'une operation decredit[8] La distinction devient alorssubtile, car il y a mise a dispositionde fonds dans les deux cas

PERTINENCE DU CRITÈREPROPOSÉComme on l'a dit, on enseigne géné-ralement que la cession d'une créanceéchue ne réaliserait pas un creditpuisqu'il n y aurait pas d'anticipa-tion sur le paiement de la créance Demême, lorsque la créance pourtantnon encore échue est douteuse oulitigieuse, ou lorsque la cession decréance s'insère dans une operationde defaisance, il ne s'agirait pas d'un

credit[g] Alorsque la fourniture de cre-dit ressortit a l'activité de banquier,les autres activites (contentieuses,spéculatives) y seraient étrangèreset rien ne justifierait alors qu ellessoient appréhendées par le mono-pole On admettra pourtant que ladistinction est tenue, le critere de l'm-tention spéculative est pour le moinshasardeux L usurier ne specule-t-ilpas sur la solvabilité de son débiteur7

La vente est que les créances ne sontpas des biens comme les autres Lavaleur d'une créance est attachée ala solvabilité du débiteur et a celauniquement Que le cessionnaireacquière une créance échue ou nonéchue douteuse o u non, et quel quesoit le mobile de la cession (defaisance ou autre), il prend dans tousles cas un risque de credit en réali-sant l'opération Et ce risque a un

£ {Les critèresusuellement retenuspour caractériserl'opération de crédits'articulent autourde la notion de miseà disposition defonds. Ce critère,en apparence simpleet précis, révèlepourtant une partd'artifice 99

[8] MichelVasseur.obs auD 1983,IR405 ctD

1984 IR 261

[9] En ce sens, Christian Gavalda et Jean Stoufflet,

Droit bancaire, précité n° 37, p 26

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Surface approx. (cm²) : 1898N° de page : 58-61

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i4 ll ne suffit pas deconstater que l'opération a

pour objet la prise d'un risquede crédit ; encore faut-il que

cette prise de risque soitrémunérée et qu'elle soit

effectuée à titre habituel.»

prix La distinction entre la cessionde créance a titre de credit et celleréalisée a titre de « simple » cessiond'actif ne serait alors plus qu'unequestion de degré et non de natureII nous semble plutôt que la ligne departage entre les cessions de créancesconstitutives d'opérations de creditet les autres réside dans le point desavoir si le cessionnaire prend, ounon, un risque de credit, c'est-à-direun risque que le débiteur soit dansl'impossibilité de payer a l'échéance,autrement dit, un risque de défail-lance du débiteur Cette prise derisque est au cœur de l'activité dubanquier[io] Dans cette perspective,on doit considérer que l'opération decession n'est pas un credit lorsque,a la date de l'opération, le risque estréalise, c'est-à-dire lorsque le débi-teur est d'ores et déjà défaillant ouque la survenance de cet evenementest inéluctable Dans ce cas, le ces-sionnaire prend un risque de non-recouvrement et non pas de creditC'est en cela que les cessions decréances contentieuses peuvent être

[10] Encore que le developpement actuel du modeleoriginale to distribué conduit a se demander si c'estbien le metier du banquier de demain Curieusement,le metier traditionnel du banquier consistant adétenir et gerer le risque de credit pourrait bien etreassume par les shadow bunkers et dans une certainemesure également par les banques publiques V surcette evolution, Frederic Oudea, « La structure desbanques européennes faut-il remettre en cause lemodèle de la banque universelle '», Reu Eco Fmn° 106,juin 2012, spec p 199, Dominique Lcgais,« Vers un retour du service public du credit * », RDBFsept oct 2012,Reperes

considérées comme hors monopoleAinsi, toute operation consistant en laprise d'un risque de credit doit selonnous être qualifiée d'opération decredit Elle entre dans le champ dumonopole lorsqu'elle est effectuéea titre onéreux (i e en contrepartied'une rémunération) et a titre habi-tuel II en résulte alors et fort logi-quement que l'affacturage constitueune operation de credit[n] De mêmeen est-il des operations de sous-par-ticipation en nsquefii], des dérivesde credit[i3] , de cession de créancesa un fonds commun de titnsation,ou encore des operations de loca-tion financiere [14] La liste n'estpas exhaustive et ne peut l 'être Onle voit le critere que nous propo-sons permet a la fois d'être préciset conforme a la réalité des chosesEn poursuivant dans cette voie, il estmême permis d'avancer que la prised'un risque de credit est la presta-tion caractéristique du fournisseurde credit

On pourrait objecter que le critere esttrop large Doit-on considérer qu'unoperateur qui consent un délai depaiement a son cocontractant réaliseune operation de credit' Ainsi, dansune cession de contrôle, la mise enplace d'un crédit-vendeur impliquenécessairement la prise d'un risquede credit de la part du vendeur desactions de la cibleLa réponse doit être nuancéeD'abord, il convient de déterminer

[11] Lorsqu'il en résulte une operation decession escompte[12] Ce sont en réalité des engagements par signature[13] Contra Antoine Cabernet, Les Dérives,Economica, 2010 pref Herve Synvet, n° 206, p 98,reconnaissant cependant que le problème ne sepose pas en droit positif puisqu il a ete anticipe parle législateur au titre des operations dérogeant aumonopole a I art 511 6 GMF[14] Nous souscrivons intégralement a l'analyseproposée par le Pr Alain Chou dans son récentarticle (précité) Nous sommes heureux deconstater que nous aboutissons a une conclusionidentique la location financiere est selon nous uneparfaite operation de credit

si l'opération entre dans le champdu monopole bancaire II ne suffitpas de constater que l'opération apour objet la prise d'un risque de cré-dit , encore faut-il que cette prise derisque soit rémunérée et qu'elle soiteffectuée a titre habituel[i5] Ensuite,toute operation de credit au sens del'article L 511-5 du Code monetaireet financier n'est pas nécessaire-ment une operation ressortissantau domaine reserve des etablisse-ments de credit La loi prevoit desexceptions tenant soit a la qualitedes personnes qui consentent le cre-dit (art 511-6 du Code monetaire etfinancier), soit a la nature des ope-rations en cause (art 511-7 du mêmecode [16] ) Sans entrer davantage dansle détail, il est permis d'avancer queles exceptions en question sont suf-fisamment comprehensives pournepas remettre en cause la pertinencedu critere proposeEn réalité, plutôt que de cherchera savoir si le critere n'est pas troplarge, c'est la question du domainereserve des etablissements de cre-dit qui devrait etre posée, dans lestermes suivants selon nous est-ee la fourniture de credit qu'il fautreglementer, ou bien la fourniturede credit alimentée par la receptiondes fonds en depôt5 En effet, c'estla fonction de depositaire (qui estl'apanage des banques) qui néces-site d'être étroitement encadrée etrégulée il importe de proteger lesepargnants et de contrôler la creationmonetaire [17], cette activite génèreun risque de liquidité et de maturité,et elle justifie que les banques ontacces a la monnaie de banque cen-trale (qui joue le rôle de prêteur endernier ressort) ainsi qu'a la garan-

ti Ainsi, il nous semble qu'un délai de paiementaccorde sans contrepartie ne peut entrer dans lechamp du monopole bancaire[16] Les delais de paiement sont la premiere seried'exceptions mentionnée[17] Dans le même sens Thierry Bonneau, Droitbancaire, précité n°ii7, p 88

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tie des dépôts. Mais pour un four-nisseur de crédit qui n'a pas cettefonction de dépositaire, l'expositiondes tiers est au fond la même quepour toute entreprise non bancaire :ses apporteurs de fonds propresprennent un risque d'actionnaire, etses fournisseurs de crédit un risquede prêteur. C'est sans doute ce quiexplique pourquoi la directive du14 juin 2006 précitée réserve la qua-lification d'établissement de créditaux entreprises qui non seulementfournissent du crédit, mais encoreont cette fonction de dépositaire quiest leur domaine réservé.

UN CRITERE INAPPROPRIÉ ?On pourrait reprocher au critèreproposé de révéler son impropriétélorsque l'opération de crédit revêtun caractère international. On saitque l'appréhension du contour dumonopole bancaire est particuliè-rement délicate au regard des prin-cipes du droit pénal international.Notre droit pénal et les tribunauxrépressifs français sont compétentspour toute infraction commise sur leterritoire français (compétence ter-ritoriale). En vertu de l'article 113-2du Code pénal, « l'infraction est réputéecommise sur le territoire de la Republiquedès lors qu'un de sesfaits constitutifs a eulieu sur ce territoire ». Toute la difficultéconsiste alors à localiser l'opérationde crédit. La doctrine et la pratique sesont très largement ralliées à la pro-position consistant à retenir le lieude la prestation caractéristique, c'est-à-dire le lieu où les fonds sont mis àdisposition, comme critère unique.À ce jour, cette proposition n'acependant pas été accueillie par lestribunaux français. Plusieurs rai-sons permettent de le comprendre.D'abord, l'article 113-2 permet delocaliser une infraction en Francedès lors qu'« un seul » de ses actesconstitutifs est localisé en France.L'infraction peut donc être réaliséeen France alors que les éléments

matériels sont localisés dans plu-sieurs États. Ensuite, on constatequ'en matière de cyberdélinquance,la jurisprudence s'attache à déter-miner le « marché » protége pourdéterminer si l'acte litigieux y porteatteinte. Cette théorie de la « focali-sation[i8] » pourrait être utilementtransposée à la question du monopolebancaire. Comme on l'a justementfaitobserver, le marché français desopérations de crédit est une sorte de« club » dontl'accès est réserve à ceuxqui satisfont aux contraintes poséespar le législateur et qui ont reçu unagrément de la part de l'autorité detutelle. Afin que le jeu de la concur-rence ne soit pas fausse, il convientd'en interdire l'accès à ceux qui n'enremplissent pas les conditions-et quin'en subissent pas les contraintes.La méthode du faisceau d'indicesdoit permettre de déterminer s'ily a ou non intrusion sur Ie marchéconsidéré. Retenir cette approche neserait d'ailleurs pas incohérent auregard de l'interprétation jurispru-dentielle de la notion d'habitude. Onsaitqu'une opération de crédit-parhypothèse effectuée à titre onéreux -n'entre dans le champ du monopoleque si elle est réalisée « à titre habi-tuel ». Lorsque l'on doit préciserce que recouvre cette notion, il està première vue délicat de prendreposition à l'examen du droit posi-tif. Il semble pourtant que la juris-prudence a préféré la rattacher à lanotion de « profession habituelle »,qui était le critère distinctif an teneurà la loi bancaire du 24 janvier 1984,plutôt qu'à la notion d'infractiond'habitude. On comprend ainsi quela chambre criminelle de la Cour decassation s'attache à rechercher si lefournisseur de crédit s'est comportéà l'égard des tiers comme un acteur

{ i Oil sait quel'appréhensiondu contour dumonopole bancaireest particulièrementdélicate au regard desprincipes du droit pénalinternational. JJ

professionnel, ce qui en réalité paraîtconforme à l'esprit des textes [19]. Dèslors, la répétition de l'infraction n'estqu'un indice de ce comportement;mais elle ne suffit pas à dresser laligne de partage[2o] .C'est finalementle critère unique de la mise à dispo-sition de fonds (qui au demeurantfavoriserait le law shopping) qui neparaît pas approprié. L'abandon dece critère pour la caractérisation del'opération de crédit sera donc sansincidence au regard des contraintesdu droit pénal international.En somme, rien ne s'oppose à ce quele risque de crédit puisse être traitécomme le critère de l'opération decrédit. Dès lors qu'un opérateurprend un risque de crédit et qu'ilse fait rémunérer pour ce service, ilconsent un crédit au sens de l'articleL. 313 -i du Code monétaire et finan-cier. Et pour peu qu'il le fasse à titrehabituel, l'opération entre alors dansle champ du monopole bancaire. •

[18] Rappr. également, David Chilstein, Droit pénal

international et lois ie police, Dal lez, 2003, préface

Pierre Mayer, n° 560 i., p. 314 s., qui considère que

certaines infractions « économiques » n'ont de sens

qu'au regard d'un marché.

[19] L'art L. 511-1 GMF utilise d'ailleurs le terme

de « profession habituelle », ce qui laisse à penser

que les deux notions sont interchangeables. Rappr.

Christian Gavalda et Jean Stoufflet, Droit bancaire,

précité, n° 54, p. 37 : « est illicite et sanctionné

comme immixtion dans la sphère d'activité réservée

aux établissements de crédit l'accomplissement, autre

qu'occasionnel, d'opérations de banque par une personne

non titulaire d'un agrément ».

[20] Ce qui expliquerait qu'une banque étrangère

intervenant sur le marché français soit considérée

comme réalisant des opérations de crédit à titre

habituel alors qu'elle n'a pourtant réalisé qu'une

seule opération sur le territoire français (Cass. com.

7 janv. 2004, n° 01-02481, RDBF mars-avr. 2004,

p. 88, obs. Francis Crédot et Yves Gérard).