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Table des matières 1. Résumé 2. Contexte du projet 3. La réintroduction du Balbuzard en Suisse 4. Critères pour une réintroduction 4.1 Le territoire cible fait partie de l’aire de répartition naturelle historique de l’espèce.

4.2 Les causes de l’extinction de l’espèce et de la menace qui pèse sur celle-ci dans le territoire cible sont connues et éliminées.

4.3 Une recolonisation naturelle du territoire n’est pas plausible à court et moyen terme. 4.4 Les conditions naturelles, l’utilisation et l’entretien du territoire sont avantageux

pour l’espèce. 4.5 La mesure ne nuit pas à d’autres objectifs de protection prioritaires dans le territoire

cible. 4.6 Il est attesté que la population d’origine ne subit pas de dommages. 4.7 L’état de santé de la population d’origine est irréprochable. 4.8 La population d’origine et la population cible (et historique aussi) sont

génétiquement identiques ou très proches. 4.9 La mesure fait partie d’un plan officiel de conservation de l’espèce. 4.10 Au vu des priorités fixées et du contexte paysager actuel, la mesure est

encourageante et non disproportionnée. 5. Considérations socio-économiques 6. Autres considérations 6.1 Responsabilité de la Suisse pour la conservation du Balbuzard 6.2 Niveau de menace sur l’espèce en Europe 6.3 Ce projet pourrait-il réussir par d’autres méthodes ? 6.4 Ce projet pourrait-il créer un précédent ? 6.5 Préoccupations philosophiques et scientifiques 7. Exigences du projet et de sa mise en œuvre 7.1 Autorisation des autorités compétentes 7.2 Considérations financières 7.3 Coordinateur de projet, « gardiens de Balbuzards » et consultants 7.4 Construction des volières de réintroduction temporaires 7.5 Construction de nids artificiels et de perchoirs 7.6 Approvisionnement en poisson 7.7 Prélèvement et translocalisation de jeunes 7.8 Monitoring après le lâcher 7.9 Communication et promotion 8. Conclusions 9. Remerciements 10. Références bibliographiques Annexe 1. Résumé - Projet de réintroduction du Balbuzard en Suisse : origines, développement, état d’avancement et prochaines étapes Annexe 2. Carte et texte de Fatio & Studer (1889) Annexe 3. Carte de distribution du Balbuzard en Europe (BirdLife, mise à jour) Annexe 4. Préavis favorables des cantons concernés (VD, FR, JU) Annexe 5. Lettres de soutien Annexe 6. Budget provisoire

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Mars, 2013 1. Résumé Le Balbuzard pêcheur, Pandion haliaetus, a été noté pour la dernière fois comme nicheur en Suisse en 1911, avec ultime présence d’un couple cantonné en 1915 (Stemmler, 1932). Depuis lors, des balbuzards traversent encore chaque année la Suisse en migration, mais ils n’honorent malheureusement plus de leur présence estivale les lacs et cours d’eau de notre pays. Les raisons du déclin du Balbuzard dans une grande partie de l’Europe ont été la chasse, le prélèvement d’œufs par des collectionneurs, l’abattage des arbres de nidification ainsi que, durant quelques décennies, l’utilisation du DDT. Toutefois, les causes qui avaient autrefois provoqué la disparition de l’espèce n’existent généralement plus aujourd’hui. Le moment est donc idéal pour aider l’espèce à reconquérir son ancienne aire de distribution. Coïncidence de l’histoire, à l’époque même où le Balbuzard disparaissait de l’avifaune nicheuse de Suisse, la Société pour l’étude et la protection des oiseaux Nos Oiseaux était fondée, en 1913. Pour marquer ce 100e anniversaire, le projet de rétablir le Balbuzard en tant qu’espèce nicheuse, un siècle après sa disparition du pays, a été lancé par Nos Oiseaux. L’homme a été à l’origine de l’extinction de cet oiseau emblématique chez nous et c’est donc à lui qu’incombe la responsabilité d’y remédier. Le retour du Balbuzard comme nicheur en Suisse démontrera que les humains sont capables de corriger les effets d’activités passées néfastes pour la nature. Elle permettra aux nouvelles générations d’apprécier à nouveau la présence d’un oiseau extraordinaire. Le projet de Nos Oiseaux prévoit d’utiliser des techniques expérimentées avec succès dans d’autres pays depuis plusieurs décennies, associant la “translocalisation” de jeunes et la construction de nids artificiels et de perchoirs sur des arbres ou des poteaux pour restaurer une population nicheuse de balbuzards dans notre pays. Une large information du public est prévue sur le projet, avec notamment la publication d’articles dans la presse et dans les revues scientifiques. En cas de financement suffisant, un film sera également réalisé. Tout cela contribuera à la sensibilisation du public sur l’importance de protéger notre faune sauvage et stimulera du même coup les activités de protection d’autres espèces. Ce projet peut démarrer rapidement. Il est fondé sur les caractéristiques biologiques très particulières du Balbuzard et sur une large expérience accumulée par d’autres projets du même type déjà réalisés ailleurs. Comme le célèbre ornithologue américain Roger T. Peterson l’a écrit un jour : « de tous les rapaces, le Balbuzard est celui qui peut vivre le plus volontiers à proximité de l’Homme moderne, pour autant que cette chance lui soit donnée » (Poole, 1989).

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2. Contexte du projet Le Balbuzard Pandion haliaetus nichait autrefois dans toute l’Europe, partout où il y avait des milieux aquatiques et du poisson. Ses populations ont été sérieusement réduites dès le Moyen Age, alors que tous les rapaces étaient considérés comme nuisibles. Le Balbuzard, avec son nid proéminent, est particulièrement facile à tuer. Durant les quelques siècles passés, l’espèce a également été tuée pour la taxidermie et ses œufs ont été très convoités par les collectionneurs. Alors que de petites populations ont quand-même réussi à se maintenir, l’arrivée des pesticides organochlorés dans les années 1950-1970 a encore aggravé leur sort. Après des siècles de persécutions et la perte d’innombrables arbres de nidification, la sous-espèce européenne du Balbuzard a fini par disparaître de nombreux pays où elle se reproduisait et a été sévèrement réduite dans d’autres (Bijleveld, 1974; Géroudet, 2000). Dans les années 1980, la situation du Balbuzard a toutefois lentement commencé à s’améliorer grâce à une protection accrue par le biais de nouvelles législations, la diminution des pesticides et la construction massive de nids artificiels dans des régions où l’espèce existait encore. L’état des populations de Balbuzards a dès lors commencé à s’améliorer en Allemagne orientale, en Fennoscandie, en Ecosse ainsi qu’en France. L’espèce a cependant une très faible capacité de dispersion et ne recolonise pas facilement des régions dont elle a été précédemment exterminée. En 1996, un projet de réintroduction a démarré dans le centre de l’Angleterre, aboutissant à la première nidification d’un couple en 2001 (Dennis & Dixon, 2001). Un second projet a été initié dans le sud-ouest de l’Espagne en 2003 et la première reproduction d’oiseaux réintroduits s’y est produite en 2009 (Muriel et al., 2010). Un troisième a démarré en 2006 dans le centre de l’Italie, où un premier couple nicheur s’est installé en 2011 (Monti, 2012). Un quatrième a par ailleurs commencé au Portugal en 2011 (Palma, 2001 ; Universidade da Porto, 2012). Ces projets ont été entrepris sur le modèle de nombreux projets de translocalisation conduits avec succès aux Etats-Unis, où cette technique avait été utilisée dans diverses régions dont l’espèce avait disparu principalement à cause du DDT. C’est parce que le Balbuzard ne recolonise pas facilement de nouvelles zones que la translocalisation de jeunes est nécessaire si l’on veut restaurer une population de cette espèce. (Poole, 1989). Les Balbuzards sont extrêmement philopatriques, c’est-à-dire qu’ils retournent en principe toujours nicher dans la région où ils sont nés. Les mâles en particulier sont très fidèles au secteur où ils ont pris leur premier envol, alors que les femelles peuvent occasionnellement venir s’installer à une certaine distance pour autant qu’elles y soient attirées et retenues par un mâle cantonné et extrêmement persuasif. Autant dire qu’il est hautement improbable qu’à la fois un mâle et une femelle s’arrêtent et se fixent à des centaines de kilomètres du lieu où ils ont pris leur premier envol et en dehors de l’aire actuelle de distribution de l’espèce. Beaucoup plus faible encore serait l’éventualité que plusieurs oiseaux s’y installent et y développent un nouveau noyau isolé de population autonome et viable. Alors que des individus arrivant vers la fin de leur vie reproductrice ont occasionnellement été vus nichant dans d’autres secteurs le long de leur voie migratoire, étant donné que le Balbuzard est une espèce semi-coloniale, ceux-ci ne s’arrêtent en principe que dans des zones où ils voient d’autres Balbuzards nicheurs et de préférence où des nids artificiels ont été construits (Dennis, comm. pers.). La seule façon réaliste de rétablir le Balbuzard comme nicheur est donc d’appliquer la méthode déjà utilisée avec succès dans de nombreux endroits des Etats-Unis et d’Europe. Jusqu’à ce jour, tous les projets de réintroduction par translocalisation de jeunes ont réussi, les jeunes oiseaux relâchés générant

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un noyau de population dont les individus reviendront nicher à l’endroit où ils ont pris leur premier envol – et attirant même parfois des migrateurs de passage vers ce qu’ils croient être une colonie prospère. Pour une grande espèce de rapace, le Balbuzard est plutôt fécond puisque l’espèce pond d’habitude 2-3 (parfois 1 ou 4) œufs, qu’elle élève en moyenne 1,7 jeune à l’envol pour chaque nid dont la reproduction réussit et que cela peut se répéter pendant de nombreuses années. Malheureusement l’espèce subit un taux de mortalité très élevé pendant la migration, quelques oiseaux seulement (3 ou 4 sur 10) survivant jusqu’à l’âge adulte. La relative fécondité de l’espèce semble compenser la forte mortalité engendrée par la migration. Après s’être imprégnés du site de leur premier envol, les oiseaux translocalisés passent environ six semaines en Europe. Ils migrent ensuite principalement vers l’Afrique occidentale où ils passeront la première année de leur vie. Ils n’ont pas besoin d’apprendre à pêcher avec leurs parents ni de migrer avec eux : ces deux facultés sont innées. La plupart des Balbuzards passent leur seconde année en Afrique. Certains individus âgés de deux ans peuvent remonter vers le nord, en quelque sorte pour un « voyage d’essai » mais sans se reproduire et sans nécessairement atteindre leur région de naissance. L’espèce peut se reproduire au plus tôt à l’âge de trois ans, bien que dans les divers projets de réintroduction l’âge moyen de première nidification ait été de cinq ans. Plus les Balbuzards auront d’espaces disponibles pour nicher dans leur région de naissance, plus ils commenceront tôt à se reproduire. Les populations établies dans lesquelles les meilleurs emplacements de nids ont déjà été occupés font que les oiseaux nouvellement adultes retardent leur âge de première nidification plutôt qu’ils ne décident d’aller chercher de l’espace libre ailleurs. 3. La réintroduction du Balbuzard en Suisse Comme le Balbuzard est éteint dans notre pays depuis un siècle en tant que nicheur, il a eu le temps de disparaître comme tel de la mémoire vivante collective, ce qui explique peut-être le peu d’intérêt qu’il y a eu jusqu’à présent de le ramener en Suisse. Toutefois depuis 1992 au moins quatre nids artificiels ont été construits en quatre endroits différents de suisse romande où des Balbuzards passent régulièrement en migration, mais aucun de ces nids n’a eu le moindre succès. Des décennies de recherche et de pratique aux Etats-Unis, au Royaume-Uni, en Espagne et en Italie ont démontré que la translocalisation de jeunes oiseaux, de concert avec la construction de nids artificiels, permet de reconstituer des populations disparues de Balbuzards. Ce sont ces expériences réussies qui ont été à l’origine de l’idée que le Balbuzard pourrait être rétabli en Suisse comme espèce nicheuse. En février 2012 Nos Oiseaux a invité un spécialiste international du Balbuzard, Roy Dennis, à réaliser une évaluation préliminaire de faisabilité sur le rétablissement de l’espèce en tant que nicheuse en Suisse romande (Dennis, 2012). Après l’examen de nombreux sites potentiels pour la réintroduction et la nidification du Balbuzard, il a conclu que non seulement un tel projet était réalisable mais qu’il aurait de plus une forte probabilité de réussite. La disponibilité en poissons est largement suffisante. La principale contrainte semble être un manque de vieux arbres favorables à la construction de nids ou servant de perchoirs, liée à un système d’exploitation forestière démontrant une grande efficacité à supprimer les arbres morts et les branches sèches. Il est néanmoins possible d’y remédier au moyen de la construction de nids artificiels et de perchoirs. Une autre étude avait précédemment été réalisée sur la viabilité potentielle de l’espèce en Suisse (Krummenacher et al., 2009) et avait identifié pour l’ensemble du pays des régions qui pourraient être favorables à sa réinstallation,

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Divers endroits ont été recommandés par Roy Dennis. Ils présentent les meilleures conditions pour un lâcher de jeunes Balbuzards ou pour la construction de nids artificiels et de perchoirs, dans les cantons de Vaud, de Fribourg et du Jura. La population d’origine qui conviendrait le mieux pour un projet de réintroduction est celle, en pleine croissance, du nord-est de l’Allemagne, ou potentiellement celle de la Suède. En novembre 2012, des rencontres préliminaires concernant la possibilité d’apporter en Suisse des jeunes oiseaux provenant d’Allemagne ont eu lieu avec les autorités régionales compétentes de ce pays. A la même époque, plusieurs réunions avec différentes parties prenantes ou partenaires potentiels ont eu lieu pour discuter de notre proposition de projet. En janvier 2013, Nos Oiseaux a invité Roy Dennis, accompagné du spécialiste franco-suédois Rolf Wahl, à revenir en Suisse pour des conseils pratiques sur l’emplacement et la construction des volières de lâcher ainsi que des nids artificiels et des perchoirs. Trois sites ont alors été identifiés pour la réintroduction de Balbuzards : la réserve naturelle des Grangettes dans le canton de Vaud, la région du Chablais de Sugiez dans le canton de Fribourg, et les marais de Damphreux dans le canton du Jura. Un résumé des activités réalisées à ce jour dans le cadre du développement du projet est fourni dans l’Annexe 1. Ce long travail préparatoire a permis d’amener le projet au stade où les autorisations officielles peuvent être demandées pour l’importation et le lâcher de jeunes Balbuzards en Suisse, ainsi qu’à celui où la recherche de fonds supplémentaires doit être entreprise pour sa mise en œuvre. 4. Critères pour une réintroduction Pour l’obtention des autorisations d’importation et de lâcher des oiseaux, une série de critères stricts ont été développés afin de garantir que les activités se fassent au bénéfice – et non au détriment – de la protection de la nature et de l’espèce concernée. Par conséquent nous avons structuré cette étude de faisabilité et analyse de risques sur la base des Lignes directrices de l’UICN sur les réintroductions et autres translocalisations aux fins de protection (IUCN, 2012) et du Plan de Conservation des espèces en Suisse (OFEV, 2012), qui ont défini et adopté dix critères devant être remplis pour tout projet de réintroduction. En outre, en réponse à notre étude préliminaire de faisabilité préparée en automne 2012, nous avons reçu verbalement des commentaires de la Station ornithologique suisse de Sempach ainsi que par écrit de l’ASPO et d’autres parties prenantes, commentaires que nous avons pris en considération dans la rédaction du présent document. Les dix critères et l’examen de leur compatibilité avec ce projet sont traités ci-après. 4.1. Le territoire cible fait partie de l’aire de répartition naturelle historique de l’espèce. Oui, le critère est rempli. Un certain nombre d’observations sur la nidification du Balbuzards en Suisse ont été documentées (Maumary et al., 2007). Les données les plus anciennes que nous ayons retrouvées proviennent de Buffon qui notait que l’espèce habitait « le milieu de la France et de l’Allemagne, la Suisse et les autres pays éloignés de la mer où ils sont très communs » (Buffon, 1799). Un peu plus tard, l’espèce était décrite comme « pas rare en Suisse dans le voisinage de l’eau; elle a été tuée plusieurs fois près de Berne » (Meisner & Schinz, 1815). Fatio & Studer (1889) la considéraient comme nicheuse « assez rare » en relevant qu’elle se rencontrait « dans la plaine suisse, ainsi que dans les vallées qu’arrosent les principales rivières ; particulièrement fréquent dans le Tessin » (voir Annexe 2). Le Balbuzard a également niché en 1870 dans la forêt de Ripaille (lac Léman) d’après une ponte conservée

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au Musée cantonal de zoologie de Lausanne (Géroudet, 1987), mais cette ponte aujourd’hui est considérée comme perdue. En 2012 nous n’avons pu retrouver dans ce musée qu’une ponte à trois œufs non étiquetée, collectée par R. de Lessert et considérée comme provenant sans doute de la région du Léman où ces œufs ont probablement été collectés vers 1900-1910 (O. Glaizot, comm. pers.). Au début du 20ème siècle l’espèce était de toute évidence en train de disparaître de Suisse, avec la dernière observation d’un nid avec des œufs faite en 1911 à Ellikon am Rhein dans le canton de Zurich ou un couple cantonné à ensuite continué de revenir jusqu’en 1915 (Stemmler, 1932). 4.2. Les causes de l’extinction de l’espèce et de la menace qui pèse sur celle-ci dans le territoire cible sont connues et éliminées. Oui. En Europe, le Balbuzard a disparu en plusieurs vagues. La première et la plus importante s’est produite au Moyen Age, alors que l’espèce était considérée comme nuisible et facilement tuée car ses nids étaient très visibles. Jusqu’il y a quelques décennies, des primes étaient payées dans divers pays européens pour tuer les rapaces encore considérés comme nuisibles. Alors que l’espèce était déjà devenue rare, elle a encore été confrontée à la pression supplémentaire du tir pour la taxidermie et au prélèvement de ses œufs devenus très prisés par les collectionneurs (Stemmler, 1932). Les collectionneurs d’œufs ont été des fléaux pour le Balbuzard lorsqu’il se reproduisait encore au 19ème siècle et même jusque dans une période avancée du 20ème. Des gardiens à plein temps étaient nécessaires pour surveiller les nids de Balbuzards en Ecosse par exemple dans les années 1980 et malgré cette protection des collectionneurs d’œufs ont quand-même réussi à piller des nids (Dennis, 2008). L’espèce a également souffert de l’effet des pesticides organochlorés des années 1950 aux années 1970 (Meyburg et al., 1996). Elle a en outre été touchée par une industrie forestière provoquant la perte de grands arbres favorables à la construction de nids (Mizera & Szymkievicz, 1995; Schmidt, 1999). Aujourd’hui l’espèce bénéficie du plus haut niveau de protection légale tant aux niveaux national qu’européen (EU, 2010), les pressions dues au DDT et autres organochlorés ont été supprimées et la collection des œufs est heureusement passée de mode. Alors que même avec une législation stricte il est impossible de garantir totalement la sécurité d’une espèce, l’énorme pression subie autrefois de la part des chasseurs et des collectionneurs, à l’origine du déclin et finalement de la disparition du Balbuzard, a aujourd’hui été éliminée. Si des arbres existent encore sur lesquels le Balbuzard pourrait construire ses nids, il n’en demeure pas moins que dans de nombreuses régions où l’espèce se maintient actuellement elle a fortement été « aidée » par la construction et l’entretien de nids artificiels. En Finlande par exemple, plus de la moitié des couples nicheurs du pays utilisent aujourd’hui des nids artificiels (Saurola, 2005). Il a par ailleurs été démontré que lorsque les persécutions et l’impact des pesticides sont éliminés, le Balbuzard peut prospérer à relativement grande proximité des humains (Poole, 1989). 4.3. Une recolonisation naturelle du territoire n’est pas plausible à court et moyen terme. Oui. Une bonne compréhension de la biologie de reproduction du Balbuzard est essentielle pour déterminer s’il est possible ou pas de rétablir l’espèce dans son ancienne aire de distribution à court ou à moyen terme. Il faut toutefois souligner qu’une recolonisation ne sera jamais entièrement « naturelle », dans le sens où la construction de nids artificiels est nécessaire à cause du manque de grands arbres adéquats. Se fondant sur un grand nombre d’études faites tant en Europe qu’aux Etats-Unis, l’opinion de la vaste majorité des

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spécialistes (Dennis, 2012 et autres, voir annexe 5), est que même si des nids artificiels sont construits en dehors d’une région où le Balbuzard existe déjà, il est très improbable que l’espèce les utilisent sans qu’il y ait eu translocalisation préalable de jeunes. En conséquence nous sommes convaincus qu’une recolonisation naturelle du Balbuzard en Suisse n’est pas plausible dans le court ou le moyen terme. Il existe des centaines de données démontrant que les Balbuzards retournent toujours nicher sur - ou très près de - leur site de nidification originel, et il est extrêmement rare que des individus nichent dans des régions autres que celle ou ils sont eux-mêmes nés (Schmidt et al., 2006; Nadal et al., 2012). Cependant, comme tout ce qui a trait à la biologie, il existe des exceptions à la règle – et celles-ci ont été citées de façon exagérée en tant qu’exemples de la possibilité que le Balbuzard revienne un jour de lui-même nicher en Suisse (ASPO, 2012). Malheureusement, plusieurs des exemples mentionnés par l’ASPO étaient eux-mêmes basés sur des informations erronées. Il existe aussi des cas où des oiseaux en migration (presque toujours des femelles) soient attirées par un mâle dans une colonie préexistante, et décident alors d’abréger leur voyage de retour vers leur site natal, et de nicher plutôt quelque part le long de leur voie de migration. Cependant, pour qu’un tel événement puisse très hypothétiquement se produire, il est impératif qu’il y ait à cet endroit une colonie nicheuse préexistante de Balbuzards, ce qui, de toute évidence, n’est pas le cas en Suisse. L’ASPO (2012) relève que la population allemande de Balbuzards a graduellement augmenté, d’au moins 150 couples à la fin des années 1980 à quelques 600 couples en 2012 (Gedeon et al., 2006, Schmidt, comm. pers.). L’argument qu’elle invoque est qu’au vu d’une telle augmentation l’espèce va coloniser de nouvelles régions. Alors que cela pourrait sembler logique à première vue, l’éventualité d’un tel phénomène n’a pas été documentée. Relevons que les raisons à l’origine de l’augmentation de la population allemande de Balbuzard tiennent à une gestion intensive de cette population durant plusieurs décennies. La population s’est principalement accrue dans les régions du Brandebourg et du Mecklembourg situées au nord-est du pays, bien qu’il y ait des signes récents que cette croissance de population est en train de stagner ou même de décliner dans ces régions (Schmidt, 2010). Schmidt souligne la nécessité de continuer à soutenir les couples nicheurs afin d’assurer leur lente progression vers d’autres zones. Dans le même temps et malgré toute cette réussite, le réservoir d’oiseaux reproducteurs n’a étendu sa présence que vers l’ouest et non pas, contrairement à ce qui était attendu, vers le nord-ouest, le nord ou l’est, pour des raisons qui restent encore à étudier (Schmidt, 2010). Il a également été démontré que lorsque des colonies établies de Balbuzards deviennent saturées, il existe une tendance chez ces oiseaux à retarder leur âge de reproduction jusqu’à ce qu’un nid adéquat devienne disponible dans leur colonie d’origine, plutôt qu’à se disperser vers des territoires en périphérie (Poole, 1989). Par conséquent, l’augmentation de la population allemande s’est principalement traduite par une densification, avec une très lente expansion et pratiquement aucune colonisation à longue distance. Il n’y a eu que de rares cas d’oiseaux ayant fondé un nouveau noyau de nidification à plus de 100 km d’autres Balbuzards nicheurs, et ils ont tous été facilités par la construction de nombreux nids artificiels et par une protection permanente à partir du moment où un couple a commencé à se reproduire. De telles exceptions à la règle sont tellement rares que les chances qu’il s’en produise une en Suisse sont extrêmement faibles. Le coût en termes de temps, d’efforts et d’argent qui seraient nécessaire pour tenter très hypothétiquement d’attirer et de retenir un couple puis pour le protéger, compte tenu aussi de tous les risques inhérents qu’un des oiseaux du couple pourrait disparaître, dépasserait de loin le coût du projet de

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réintroduction proposé par translocalisation de jeunes. De plus il serait très difficile de maintenir la motivation suffisante pour construire et entretenir des nids artificiels pendant de nombreuses années, voire même des décennies, ceci avec très peu d’espoir qu’un couple de Balbuzards s’arrête un jour en migration pour occuper un tel nid. Se contenter de construire des nids artificiels serait un projet pratiquement condamné à l’échec. C’est pourquoi le projet de Nos Oiseaux comprend à la fois la translocalisation de jeunes et un élément de construction de nids artificiels aux fins d’aider au développement d’un noyau de population. Les spécialistes du Balbuzard sont d’avis que non seulement les oiseaux translocalisés et leur progéniture reviendront ensuite nicher en Suisse, mais que ces oiseaux pourraient également en attirer d’autres de passage et les inciter à rejoindre la nouvelle population. Un cas d’oiseaux se reproduisant dans un site nouveau (à environ 100 km de distance de la population nicheuse de Balbuzards la plus proche au nord) est celui de la petite population du nord-est de la Bavière. Des nids artificiels avaient été construits à cet endroit où des oiseaux avaient manifesté un certain intérêt, puis un couple a commencé à y nicher en 1992 avec deux couples qui l’ont rejoint après quelques années (Müller et al., 2008). En 2009 (17 ans plus tard), il y avait là 5 couples dont 4 ont produit un total de 11 jeunes (Schmidt, 2010). Cette petite population a fait l’objet d’une protection et d’un monitoring intenses, et elle a été (et est toujours) extrêmement vulnérable à tout risque d’extinction. Même si un couple peut être incité à nicher quelque part, les chances que ce couple revienne après une hasardeuse migration sont faibles, ce qui représente une raison de plus pour laquelle les cas de colonisation de nouvelles régions par des Balbuzards sont très rares. Le site du nord-est de la Bavière se trouve à 300 km de la frontière suisse et à plus de 500 km de la région où nous proposons de réintroduire des Balbuzards en Suisse occidentale. Il est hautement improbable que des oiseaux de cette petite population bavaroise puissent s’établir en Suisse. Un autre couple a été découvert en 2008 construisant un nid en Hesse (à environ 200 km de la population nicheuse de Balbuzards la plus proche) puis un nid artificiel a été construit à leur intention en 2009. Depuis lors, ces oiseaux sont revenus chaque été et ont même eu des comportements nuptiaux, mais à ce jour ils ne se sont pas encore reproduits (Schmidt, 2010 et comm. pers.). Si l’espoir demeure que ce couple puisse un jour former le début d’un nouveau noyau de population en Hesse, un réel risque existe aussi qu’un de ces oiseaux, un jour, ne revienne pas de migration, auquel cas tous les efforts engagés pour la construction du nid et pour le monitoring de ce couple ne résulteraient finalement pas en une véritable installation de l’espèce en Hesse. L’ASPO (2012) a également cité l’exemple de l’augmentation du Balbuzard dans le centre de la France, où sa population a passé d’un couple découvert en 1984 (l’espèce n’avait peut-être jamais entièrement disparu de cette région, Nadal et al., 2012; Wahl, comm. pers.) à environ 32 réussites de nidification en 2012 (Wahl & Barbraud, 2005; Wahl et al., 2012). Cette augmentation a été le fruit d’un programme de conservation comprenant la construction de nids artificiel et des mesures intensives de gestion. La dispersion calculée au sein de cette population a été d’environ 10 km/an (Wahl, 2012), ce qui signifie qu’il est improbable que la population française de Balbuzards puisse s’étendre à court ou à moyen terme à travers toute la distance qui la sépare de la Suisse, et qui plus est, il n’y a pas de continuum d’habitat favorable à l’espèce dans ce vaste intervalle. A long terme, les conditions en Suisse pourraient avoir tellement changé qu’il pourrait simplement ne plus y rester d’habitat adéquate susceptible d’inciter une quelconque tentative de recolonisation.

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Il existe par ailleurs un seul couple, isolé, de Balbuzards nicheurs dans le département français de la Moselle, à environ 170 km de la frontière suisse. Ce couple, composé de deux oiseaux d’origine allemande, y a niché pour la première fois en 2009 (Hirtz 2009; 2012) sur un nid artificiel. Les premiers nids artificiels à cet endroit avaient été construits 30 ans plus tôt (Nadal et al., 2012) mais avaient été détruits par des tempêtes. Le nid artificiel occupé par le couple avait été construit en 1999, dix ans avant sa première reproduction réussie en 2009. Le même couple a de nouveau niché, pour la troisième fois en 2011, produisant trois poussins (Nadal et al., 2012; Hirtz, 2012). Cependant l’argument que cette « population » isolée ne comprenant jusqu’à présent qu’un seul couple augmente la probabilité que l’espèce recolonise la Suisse à court ou à moyen terme est extrêmement mince. Wahl (comm. pers.) relève que le site mosélien est situé sur une voie de migration majeure vers l’Allemagne et la Scandinavie, empruntée par plus d’un millier de Balbuzards chaque printemps (en comparaison, une moyenne de 130 à 180 observations de Balbuzards par année ont été faites entre 2000 et 2012 sur l’ensemble de la Suisse (Schmid, comm. pers.)). Le travail nécessaire pour obtenir un couple nicheur de Balbuzards dans un tel endroit situé sur une importante voie de migration a exigé 30 ans d’efforts de construction de nids artificiels et malgré ça il n’existe encore aucune garantie qu’une véritable colonie puisse s’y établir un jour. Quand à l’éventualité d’oiseaux venant s’installer en Suisse à partir de ce site isolé à court et moyen terme, elle est hautement improbable. En Angleterre l’expérience de Rutland Water, situé le long d’une route principale de migration, a été celle d’avoir souvent des Balbuzards séjournant sur le site en été mais qui finissaient toujours par retourner à leur lieu de naissance pour nicher en Ecosse, ceci malgré la mise à leur disposition de nombreux nids artificiels pendant près de 20 ans (Dennis & Dixon, 2001; Mackrill, in litt.). En Andalousie, l’expérience à montré qu’en dépit du rôle important de la péninsule ibérique comme voie de passage stratégique pour les Balbuzards en migration, et malgré le fait qu’il y existait des conditions apparemment favorables pour la reproduction de l’espèce (Muriel et al., 2010), le Balbuzard a été incapable, du fait de son comportement philopatrique, de recoloniser cette région (Muriel et al., 2010). L’effet de la réintroduction de jeunes oiseaux là-bas illustre de quelle façon leur présence a eu une fonction d’aimant pour les Balbuzards en migration, car deux ans seulement après le début du projet de translocalisation les oiseaux réintroduits ont attiré un couple sauvage de passage qui a niché mais produit un seul œuf qui n’a pas éclos. Deux jeunes oiseaux supplémentaires nés en Allemagne avaient alors été translocalisés vers l’Espagne et “adoptés” avec succès par le couple (Muriel et al., 2006). En 2012, neuf ans après le début des translocalisations en Andalousie, six couples nicheurs y ont produit un total de dix poussins (Muriel et al., 2010; del Mar Arco et al., 2011, Migres, 2012). En Italie, l’expérience a été quelque peu similaire puisque, quatre ans après le début du projet de réintroduction, deux mâles ont réussi à attirer des femelles de passage mais sans toutefois qu’il n’y ait nidification. En 2011 cependant, le premier couple composé d’un mâle translocalisé apparié à une femelle d’origine sauvage a niché et produit deux poussins. En 2012, un autre mâle provenant du premier groupe de jeunes translocalisés en 2006 a lui aussi réussi à attirer une femelle d’origine sauvage et à nicher à 15 km au nord du Parc de la Maremma (Monti, 2012). La population d’origine, de Corse, ne se trouve qu’à 80 km de distance de ce parc mais sans translocalisation de jeunes pour amorcer un noyau de population

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sur la partie continentale de l’Italie, il est une fois encore très improbable que des Balbuzards nicheraient aujourd’hui en Italie. Soit dit en passant, une rumeur a circulé selon laquelle une “tentative de nidification” du Balbuzard aurait eu lieu au Tessin, ce qui n’est en fait absolument pas le cas. La réalité est que deux oiseaux ont séjourné au Tessin durant l’été 1997 mais n’y ont jamais été revus ensuite. Des discussions avaient eu lieu à l’époque concernant la construction d’un nid artificiel dans la réserve, mais cela ne s’était finalement pas concrétisé (Lardelli, comm. pers.). En 2011, un oiseau bagué a été observé au même endroit du 30 mai au 1er juillet puis à nouveau du 3 au 17 septembre. Il s’agissait d’une femelle née en Corse et qui avait été translocalisée dans le cadre du projet italien de réintroduction à Maremma. Ce comportement d’oiseaux immatures explorant de nouvelles régions est entièrement normal, et cet oiseau n’y a pas non plus été revu l’année suivante. Le 12 mai 2012, un autre oiseau a encore été vu aux Bolle di Magadino transportant une branche, mais malgré des efforts répétés de recherche dans tout le secteur aucun signe de construction d’un nid n’a été observé (Lardelli, comm. pers.). Comme autrefois, le Balbuzard était considéré « commun » au Tessin (Fatio & Studer, 1889), il n’est pas impossible que, si de nombreux nids artificiels étaient construits aux Bolle di Magadino, cela pourrait hypothétiquement attirer des oiseaux translocalisés provenant du projet de réintroduction italien, quoique que là aussi cela soit très improbable. Si toutefois cela venait à se produire, la Suisse se trouverait alors bénéficiaire des translocalisations de jeunes entreprises par les Italiens. Tous ces exemples européens démontrent à quel point il est hautement improbable que des Balbuzards recolonisent la Suisse naturellement sans qu’il s’y trouve d’abord un noyau d’oiseaux translocalisés qui puisse servir à amorcer le processus. La technique de « hacking » avait été initialement utilisée et décrite aux Etats-Unis et avait eu pour résultats des succès similaires (Poole, 1989; Rymon, 1989; Cade, 2000; Martell et al., 2002), avant d’être ensuite reprise et affinée en Grande Bretagne (Dennis & Dixon, 2001). En résumé, l’opinion bien avisée des experts du Balbuzard est que la probabilité d’un « retour naturel » de l’espèce en Suisse est impossible sans la construction de nombreux nids artificiels. Si la notion de « retour naturel » n’était définie que par la construction massive de nids artificiels, cela resterait hautement improbable que des oiseaux en utilisent sans y avoir préalablement vu d’autres oiseaux en train de les utiliser. Krummenacher et al. (2009) avaient identifié l’habitat potentiel du Balbuzard dans l’ensemble de la Suisse et recommandé la construction de nids artificiels. Cependant, quelques nids seulement ont été construits, sachant que les nids artificiels doivent être entretenus chaque année pendant une longue période de temps et que la motivation pour faire ce travail pendant de nombreuses années voire même des décennies dans des régions où aucune indication n’existe que des oiseaux pourraient les utiliser est sans doute assez faible. La translocalisation de jeunes oiseaux pour créer un noyau de population comprenant des males ayant localement pris leur envol et qui pourraient y attirer d’autres oiseaux est une caractéristique fondamentale à prendre en compte si l’on veut espérer rétablir un jour une population nicheuse de cette espèce. 4.4. Les conditions naturelles, l’utilisation et l’entretien du territoire sont avantageux pour l’espèce. Oui. Si les conditions naturelles en Suisse ont certes changé durant le siècle écoulé, l’opinion de l’expert (Dennis, 2012) est qu’il existe dans notre pays des régions où le Balbuzard pourrait encore tout à fait nicher et prospérer. En Amérique du Nord, le Balbuzard – qui

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appartient là-bas à une sous-espèce différente – se reproduit sans problèmes à proximité d’activités humaines. En Allemagne, des nids de Balbuzards peuvent se trouver le long de routes et fréquemment à faible distance de villages ou de maisons. En ce qui concerne la Suisse contemporaine, de nombreux spécialistes du Balbuzard sont d’avis que l’espèce pourrait tout à fait y prospérer, étant entendu qu’une certaine protection aurait besoin d’être assurée afin d’empêcher le dérangement des couples nicheurs. La seule façon de le vérifier sera d’y réintroduire des oiseaux et de faire un monitoring de leur retour, ce qui fournira d’importantes données supplémentaires sur la capacité du Balbuzard à s’adapter à des conditions qui ont clairement changé. L’ASPO (2012) s’est inquiétée que des oiseaux réintroduits pourraient se montrer moins craintifs vis-à-vis des humains, ce qui pourrait, selon elle, constituer un désavantage pour ces oiseaux durant leur migration et dans leurs quartiers d’hivernage. Nous ne pouvons que souligner que la même problématique a existé pour tous les oiseaux réintroduits en Amérique du Nord, que ceux-ci ont du faire face à des pressions similaires durant leurs migrations vers l’Amérique du Sud et que cela ne les a certainement pas empêché de prospérer. Les jeunes translocalisés dans le cadre de projets européens de réintroduction sont également revenus de migration vers les régions où ils avaient pris leur premier envol. 4.5. La mesure ne nuit pas à d’autres objectifs de protection prioritaires dans le territoire cible. Oui. L’objectif de ce projet est de rétablir le Balbuzard comme espèce nicheuse dans des régions favorables, et en fin de compte ce sont les oiseaux eux-mêmes qui décideront des lieux où ils nicheront. S’il est probable qu’ils utiliseront des aires protégées pour s’alimenter et pour se reproduire, cela ne sera peut-être pas toujours le cas. Notons que les nids de Balbuzards peuvent être situés jusqu’à 20 km des plans d’eau qu’ils utilisent pour se nourrir, aspect qu’avaient d’ailleurs déjà relevé Fatio and Studer (1889). Ce qui est sûr c’est que la réintroduction de cette espèce, qui faisait jusqu’il y a un siècle partie intégrante de l’avifaune nicheuse suisse, n’aura pas d’impact sur d’autres objectifs prioritaires de protection. Elle n’aura notamment pas d’impact sur des populations de poissons ni ne sera en compétition avec d’autres espèces. L’ASPO (2012) s’est inquiétée que de garder des oiseaux dans des volières temporaires pendant environ 4 semaines, puis de les nourrir ensuite deux fois par jour durant 6 semaines supplémentaires par les soins d’un « gardien de Balbuzards », chaque été pendant plusieurs années, pourrait provoquer un dérangement intolérable pour d’autres espèces sensibles. Nous trouvons que la manifestation d’une telle inquiétude est un peu extrême, et que la présence d’un « gardien de Balbuzards » à plein temps va augmenter plutôt que diminuer, la protection de la zone environnante. Il est évident que la position des volières, des plateformes de nourrissage et des postes d’observation aura besoin d’être fixée avec grande attention pour garantir que ce projet ne dérange nullement d’autres espèces sensibles. Ces aspects ont été soigneusement pris en considération dans le processus de sélections des sites de réintroduction proposés. La méthode consistant à construire des volières de lâchers temporaires et amovibles pour le « hacking » des jeunes oiseaux n’engendrera aucun dommage à des sites protégés ni ne causera de dérangements à d’autres espèces protégées. S’il est reconnu que la présence des Balbuzards attirera sans doute des amoureux de la nature et autres photographes, la présence sur place et à plein temps d’une « gardien de Balbuzards » empêchera tout dérangement des jeunes oiseaux ainsi qu’à d’autres espèces. Cette personne contribuera également à la sensibilisation du public en lui fournissant toute information utile.

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Une autre préoccupation de l’ASPO (2012) est que la Suisse dispose d’une liste de 50 espèces d’oiseaux prioritaires pour la conservation, établie par la Station ornithologique suisse de Sempach en collaboration avec l’ASPO/BirdLife Suisse et l’Office fédéral de l’Environnement (Bollmann et al. 2002; Keller et al., 2010a) Or ni le Balbuzard pêcheur ni six autres espèces classées comme « régionalement éteintes » (Keller et al., 2010b) n’en font partie. Il convient de souligner que la société Nos Oiseaux n’a jamais été consultée ni associée au développement de cette liste de 50 espèces prioritaires, et que si cela avait été le cas il est très probable que certaines espèces régionalement éteintes comme le Balbuzard auraient alors été proposées pour cette liste. Même si le Balbuzard n’y figure pas, il est à relever que cette liste peut évoluer et qu’elle a déjà changé en moins d’une dizaine d’années, et que de nombreux projets de conservations sont par ailleurs en cours sur des espèces qui n’y figurent pas, ce qu’il faut considérer comme tout à fait normal. Nous voudrions également souligner que Nos Oiseaux est très engagée dans la protection de plusieurs des espèces de cette liste « top 50 », parfois même depuis plusieurs décennies avant même que la liste en question soit établie. S’il est important de mobiliser les énergies sur les activités de plus haute priorité, il est en même temps impossible d’obliger des gens à entreprendre des projets qu’ils ne souhaitent pas réaliser ou financer, ni de les empêcher d’entreprendre des projets pour lesquels ils ont un véritable intérêt, une forte motivation et une grande probabilité de succès. Le projet de réintroduction du Balbuzard viendra s’ajouter en plus de tout le travail de conservation déjà en cours par des membres de Nos Oiseaux, et en aucun cas il ne remplacera ou n’annulera d’activités déjà en cours sur des espèces de la liste « top 50 » ou sur d’autres. Une autre préoccupation de l’ASPO (2012) est que la mise en œuvre du projet de réintroduction du Balbuzard pourrait signifier que moins d’argent et de ressources seraient disponibles pour d’autres projets, en particulier ceux concernant des espèces de la liste « Top 50 ». Nous réfutons totalement cette crainte. Les donateurs financent des projets qui les intéressent et qui sont fondés sur des principes solides. Nous sommes absolument convaincus que notre projet a un bon potentiel d’attrait et qu’il devrait être relativement aisé de réunir des fonds pour le soutenir, et nous sommes tout autant convaincus qu’en aucun cas il ne va détourner des fonds destinés à d’autres projets méritants. Au contraire, un des buts de ce projet est d’augmenter la sensibilité et l’intérêt des donateurs potentiels, et des succès dans le domaine de la conservation ne peuvent qu’être favorables à d’autres projets.

Finalement l’ASPO (2012) a aussi exprimé son inquiétude que le projet de réintroduction du Balbuzard pourrait vouloir diminuer le nombre de Goélands leucophées, vu que Dennis (2012) a recommandé de ne pas translocaliser des jeunes Balbuzards près d’une colonie nicheuse de ces goélands. Or Dennis (comm. pers.) nous a assuré que les Balbuzards n’ont pas de problèmes avec les Goélands leucophées, si ce n’est qu’il a relevé que durant leurs premiers jours d’envol les jeunes oiseaux réintroduits, qui n’ont alors pas de parents pour les protéger, pourraient être importunés et facilement harcelés au vol par des goélands. C’est pourquoi il a été nécessaire d’identifier des sites de réintroduction qui ne soient pas situés à proximité d’une colonie de Goélands leucophées. Par conséquent, quelques importants secteurs de la Grande Cariçaie qui auraient pu sembler parfaits n’ont pas été retenus comme sites de lâcher, ce qui n’empêche pas qu’ils représente un habitat idéal pour les Balbuzards qui reviendront nicher à l’âge adulte. 4.6. Il est attesté que la population d’origine ne subit pas de dommages. Oui. Idéalement, le projet vise à utiliser en tant que population d’origine des oiseaux provenant d’Allemagne orientale. Dans les six dernières années, cette région a déjà fourni au

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projet espagnol de réintroduction en Andalousie environ 20 jeunes par an, prélevés sur une production annuelle totale d’environ 1000 poussins. La population allemande de Balbuzards a poursuivi sa croissance durant toute cette période. En Ecosse, environ 10 jeunes étaient prélevés chaque année sur une quarantaine de nids pour être envoyés au projet anglais de réintroduction à Rutland Waters, ce qui n’a pas généré le moindre problème. De tels projets ont fait l’objet d’études et de monitoring durant des décennies de réintroduction de Balbuzards en Amérique du Nord et en Europe, démontrant que les populations d’origine n’ont jamais subi de quelconques dommages. S’il existait le moindre doute à ce sujet, l’Allemagne et les autres pays fournisseurs n’auraient jamais permis que des jeunes oiseaux soient translocalisés. L’espèce peut produire 1-4 poussins par nichée et le succès moyen de reproduction est de 1,7 jeune à l’envol par famille (Poole, 1989). Aux Etats-Unis, une productivité de 0,8 jeune par couple nicheur et par année suffisait à maintenir une population stable et une productivité supérieure à ce chiffre générait une augmentation de population, ce qui a été démontré par une énorme augmentation du nombre de Balbuzards suite à la décimation de l’espèce causée par l’usage du DDT dans les années 1950-1970. Les populations européennes de l’espèce ont également récupéré, avec une productivité moyenne de 1,9-2,0 jeunes en Finlande (Saurola, 1995; 2005), 1,7 en Allemagne (Schmidt, 2001) et 1,3-1,9 en Suède (Odsjö & Sondell, 2001). Les jeunes translocalisés dans le cadre des projets européens de réintroduction ont jusqu’à présent été fournis par la Finlande, l’Allemagne, l’Ecosse, la Suède et la Corse, et dans tous les cas la population d’origine est demeurée stable ou a augmenté. La population écossaise, par exemple, s’est accrue depuis la première réussite d’un couple nicheur en 1954 jusqu’à 201 couples en 2008 (Dennis, 2008). La population allemande a plus que triplé durant les 20 dernières années, atteignant au moins 550 couples nicheurs (Schmidt, 2010) et même près de 600 couples aujourd’hui (Schmidt, comm. pers.). Les populations beaucoup plus grandes de Suède et de Finlande sont demeurées stables ou ont augmenté (Odsjö & Sondell, 2001; Saurola, 2005). Même la Corse, avec une population nicheuse relativement petite d’environ 30 couples (Monti, 2012), a fourni des jeunes au projet de réintroduction en Italie, bien qu’aucun jeune n’ait pu être transféré en 2012 à cause d’une mauvaise saison de reproduction cette année-là (Dominici, 2012). Les translocalisations ont fait l’objet d’un très sérieux monitoring et les autorisations n’auraient pas été délivrées s’il y avait eu le moindre signe que le prélèvement de jeunes soit dommageable pour les populations d’origine. De plus, des règles strictes stipulent qu’il n’est possible de prélever des jeunes que dans des familles de trois ou quatre poussins, en ne laissant jamais moins de deux jeunes dans un nid. Le prélèvement d’un ou deux jeunes dans les grandes nichées peut même favoriser la réussite de l’élevage des deux poussins restants. Il a d’ailleurs été démontré qu’à mesure qu’une population de balbuzards augmente, l’âge de la première nidification augmente aussi car la production de jeunes devient plus forte que le taux de remplacement requis pour compenser le taux normal de mortalité adulte (environ 10% par an). Le prélèvement de quelques jeunes n’a donc aucun effet sur la population d’origine. Lorsqu’une population atteint son niveau maximum d’occupation et que la disponibilité en nids est faible, il a été constaté que certains individus retardent leur nidification au-delà de l’âge moyen de première reproduction (qui est de 3-4 ans) parfois jusqu’à l’âge de 5-6 ans (Poole, 1989), plutôt que d’explorer de nouveaux territoires en dehors de leur région de naissance.

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L’ASPO (2012) était aussi préoccupée par le fait que le prélèvement de jeunes pourrait réduire les chances d’une expansion naturelle de la population d’origine. Cependant, biologiquement, le prélèvement d’un nombre si faible de jeunes oiseaux qui n’auraient de toute façon statistiquement pas survécu n’aurait pas la moindre influence sur la capacité d’expansion naturelle de l’espèce. Finalement, l’ASPO (2012) avait des préoccupations éthiques concernant le prélèvement d’oiseaux sauvages dans le cadre de ce qu’elle considère comme un projet non prioritaire. Tout dépend d’abord qui juge si le projet est prioritaire ou pas (voir ci-avant). Plus important encore, nous sommes éthiquement coupables de n’avoir pas réintroduit plus tôt une population de Balbuzards en Suisse, étant donné que nous avons la responsabilité morale de restaurer ce que nos ancêtres avaient exterminés il n’y a pas si longtemps que ça. 4.7. L’état de santé de la population d’origine est irréprochable. Oui. La population allemande de Balbuzards est saine (tout comme les autres populations d’origine utilisées pour ce genre de projet en Europe), et seuls des jeunes en bonne santé sont translocalisés. Nous avons participé au prélèvement de jeunes en Allemagne, destinés au projet de réintroduction espagnol en juin 2012, et la personne responsable de la sélection des jeunes, Daniel Schmidt, a des dizaines d’années d’expérience en matière de Balbuzard et prend le plus grand soin de ne pas prélever le moindre jeune qui pourrait montrer des signes de faiblesse. Des prélèvements bactériens sur tous les jeunes ont été faits pour analyse en laboratoire avant leur « exportation ». Les spécialistes et les gestionnaires de Balbuzards du nord-est de l’Allemagne sont extrêmement professionnels et ne permettraient pas qu’un jeune oiseau malade soit transféré vers un projet de réintroduction. La même chose peut être dite pour n’importe laquelle des autres sources potentielles de populations considérées. 4.8. La population d’origine et la population cible (et historique aussi) sont génétiquement identiques ou très proches. Oui. Les balbuzards européens appartiennent tous à la même sous-espèce nominale, et aucune différence génétique n’a été mise à jour parmi leurs différentes sous-populations (Wink et al., 2003). En conséquence, qu’ils proviennent d’Allemagne, de Suède, de Finlande, de Corse ou d’Ecosse, tous les oiseaux appartiennent au même pool génétique. 4.9. La mesure fait partie d’un plan officiel de conservation de l’espèce.

Alors qu’il n’y a pas de plan officiel de conservation pour le Balbuzard en Europe, l’espèce fait partie de l’Annexe 1 de la Convention de Berne et il existe un réseau international européen bien établi se consacrant au rétablissement du Balbuzard dans son ancienne aire de nidification. Depuis 20 ans, ce réseau a impliqué neuf pays qui sont soit des fournisseurs de jeunes, soit qui en réintroduisent dans leur ancienne aire de distribution. En France, le bulletin d’information « Balbu-Info » a produit des comptes-rendus sur des projets concernant le Balbuzard en Europe depuis 1999 et la France à produit son second plan national d’action sur la récupération du Balbuzard depuis 1999 (Nadal & Tariel, 2008), comme l’a également fait l’Allemagne (Müller et al. 2005). Le soutien international de ce réseau au projet suisse de réintroduction a été fort (voir Annexe 5). Alors qu’il est admis que dans un monde idéal, toutes les actions de conservation devraient faire partie d’un plan officiel de conservation, des opportunités se présentent dans le monde

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réel dont il faut profiter avant que ne soit produit un plan formel qui prend des années pour être rédigé et publié. Cela est par exemple bien apparent lorsqu’on considère que pour les 50 espèces sélectionnées pour des actions prioritaires de conservation par l’ASPO/SOS/OFEV, la Suisse n’a pour le moment produit que cinq plans d’action nationaux (Cigogne blanche, Grand Tétras, Chevalier guignette, Pic mar et Huppe fasciée) durant les dix dernières années. Le manque de plans d’action nationaux n’est pourtant pas – et ne doit pas être – une excuse pour attendre avant d’entreprendre des actions de conservation pour les 45 autres espèces. Nous comprenons par expérience combien de temps et d’effort cela prend pour produire et publier un plan d’action pour une espèce, et nous remarquons que de nombreuses activités de conservation sont entreprises sur des espèces et des habitats non dotés d’une plan d’action, y compris en Suisse. Une énorme masse de travail a par exemple été fournie dans les trois dernières décennies sur des espèces comme la Chevêche d’Athéna ou la Sterne pierregarin, toutes deux figurant sur la liste « Top 50 » mais non dotées d’un plan d’action national. La Perdrix grise, dont environ 2’400 individus ont été réintroduits dans la campagne genevoise depuis 2004, n’a pas non plus de plan d’action national. Utiliser l’excuse qu’aucun plan national de conservation n’existe pas pour une espèce n’est évidemment pas une raison valide pour ne pas entreprendre de mesures de conservation. Avec tellement à faire et des ressources disponibles limitées, un plan d’action national pour le Balbuzard prendrait des années pour le produire et l’opportunité d’accomplir une véritable action de conservation serait entretemps perdue. Si nous voulons vraiment mettre un frein à la rapide diminution de la biodiversité et des ressources naturelles – une obligation nationale requise par plusieurs conventions internationales dont la Suisse est signataire –, les actions de conservations doivent être guidées par les meilleurs conseils scientifiques mettant en balance les risques potentiels et les bénéfices qui sont tous définis dans notre projet. Nous relevons aussi que ce dernier a le potentiel de catalyser le développement d’un plan d’action national pour le Balbuzard. Nos Oiseaux est plus que disposée à partager l’expérience et la connaissance en matière de construction de nids artificiels pour Balbuzards ainsi que dans le domaine de la translocalisation de jeunes avec ses organisations sœurs, tant avec la partie suisse italienne qu’avec la partie suisse alémanique du pays. Alors que la translocalisation de jeunes Balbuzards sera d’abord effectuée en Suisse romande, le projet sera également bénéfique pour tous ceux qui seraient motivés pour construire des nids artificiels dans les régions voisines. Des contacts seront naturellement établis avec eux pour partager l’expérience de Nos Oiseaux sur la meilleure façon de construire de tels nids et des perchoirs. La société Nos Oiseaux est entièrement ouverte et désireuse à l’idée de créer un groupe de travail « Balbuzard Suisse » afin de garantir que ce projet ne déploiera ses effets non pas sur une seule partie du pays mais qu’il aboutira à une stratégie nationale sur cette espèce dans l’ensemble de la Suisse. L’ASPO (2012) se dit préoccupée par le fait que ce projet soit entrepris en Suisse romande où trois cantons (Vaud, Fribourg et Jura) lui ont déjà donné leur préavis favorable et elle s’inquiète que d’autres cantons puissent ne pas souhaiter avoir le Balbuzard de retour chez eux. Alors que le Balbuzard est une espèce indigène et est tout à fait en droit de vivre à l’intérieur de son aire originelle de présence, le seul milieu dont on aurait pu s’attendre à ce qu’il s’oppose à son retour est celui des pêcheurs, qui aurait pu s’inquiéter d’une certaine compétition de la part de cette espèce. La question socio-économique est traitée plus en détail dans le chapitre 5, mais toujours est-il que les pêcheurs n’ont pas de problème avec ce projet. Par conséquent la possibilité que d’autres cantons puissent ne pas souhaiter la présence du Balbuzard et à notre avis sans fondements.

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L’ASPO (2012) s’inquiète en outre du fait que de nombreux projets de réintroduction ou projets portant sur le lâcher d’espèces non indigènes aient été proposés de façon individuelle par des privés, des zoos, des groupes régionaux ou des associations de pêche et de chasse. Nous sommes tout à fait d’accord avec l’ASPO sur le fait que les introductions d’espèces non indigènes devraient être strictement interdites et que tout projet de réintroduction d’une espèce indigène devrait être rigoureusement contrôlé au niveau national. C’est d’ailleurs la raison pour laquelle le Plan de conservation des espèces en Suisse a développé des critères et des lignes directrices sur les réintroductions. Notre projet concernant le Balbuzard a été préparé avec le plus haut degré de consultation de tous les experts reconnus de la question à l’échelle mondiale et tous s’accordent sur le fait qu’il remplit tous les critères pour une réintroduction. Bien conscients qu’il n’existe en Suisse aucun spécialiste de la biologie, de la dynamique de population et des techniques de réintroduction du Balbuzard, nous nous sommes assurés des conseils scientifiques et techniques, de l’aide et du soutien des plus grands spécialistes reconnus de ces domaines, et rien n’indique que notre projet puisse être contre-productif ou même dommageable pour la conservation de la nature. Tout indique que ce projet sera une réussite et qu’il illustrera très clairement aux yeux du public la nécessité d’une protection accrue de la nature et tout le bénéfice que cela peut lui apporter Notre sommes convaincus que même s’il n’existe pas encore de plan d’action officiel pour le Balbuzard (comme c’est d’ailleurs aussi le cas pour 45 des 50 espèces prioritaires identifiées par l’ASPO/SOS/OFEV), les raisons pour lesquels ce critère avait été défini sont effectivement remplies. Nous sommes convaincus que notre projet aura un effet catalyseur pour le développement d’un plan d’action national destiné à rétablir le Balbuzard en Suisse comme espèce nicheuse. 4.10 Au vu des priorités fixées et du contexte paysager actuel, la mesure est encourageante et non disproportionnée. Oui. Ce projet est encourageant et il n’est pas disproportionné. Comme relevé précédemment, il est extrêmement improbable que le Balbuzard vienne se réinstaller par lui-même en Suisse, où il représentait jusqu’il y a un siècle une composante de grande valeur de la biodiversité. Ayant aujourd’hui disparu de la mémoire collective vivante du pays en tant qu’oiseau nicheur, cette espèce pourrait ne pas être considérée comme prioritaire en comparaison avec de nombreuses autres dont nous constatons actuellement le déclin. Il faut souligner que ce projet ne représente pas une alternative à d’autres activités de conservation mais bel et bien une activité supplémentaire. L’investissement nécessaire pour sa réalisation est mineur en comparaison de ce qui est nécessaire pour protéger et restaurer l’ensemble de la biodiversité en Suisse. Qui plus est, ce projet a une durée de vie limitée ainsi qu’une stratégie de repli (« exit strategy ») naturelle : soit les Balbuzards réintroduits reviendront nicher en Suisse une fois qu’ils auront atteint l’âge adulte, soit ils ne le feront pas. Nous sommes convaincus que ce projet a une très forte chance de succès à un coût relativement modeste et très rentable estimé à environ CHF 200.000.—par année pendant cinq ans. Cela représente, par exemple, moins de 10% du coût de l’excellent projet de création d’un centre de visiteurs que la Station ornithologique suisse prévoit d’ouvrir à Sempach en 2015. Selon nous le projet de réintroduction du Balbuzard n’est pas du tout disproportionné en regard des bénéfices qu’il engendrera des points de vue de la conservation de la biodiversité et de la sensibilisation du public. D’autre part, ce sont les efforts indispensables pour essayer d’encourager des Balbuzards de passage à revenir nicher en Suisse, seulement en construisant et entretenant beaucoup de nids artificiels pendant de nombreuses années voire des décennies, qui seraient disproportionnés.

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L’ASPO (2012) s’inquiète en outre que notre projet puisse donner une image faussée de la protection des espèces aux yeux du public, en lui faisant croire qu’il suffit de réintroduire une espèce disparue plutôt que d’entreprendre d’autres mesures de conservation. Il ne faut pas oublier qu’en Suisse, la biodiversité a déjà bénéficié de la réussite de projets de réintroduction tel celui de la Cigogne blanche, du Gypaète barbu ou du castor. Nous n’avons jamais entendu quelqu’un affirmer que la conservation n’est qu’une simple question de réintroduction d’espèces à partir d’endroits où elles ont été mieux conservées. Un des piliers de ce projet concerne la communication et un message-clé qui sera transmis au public sera, bien au contraire, que la meilleure façon de protéger la nature consiste à ne pas attendre qu’une espèce devienne rare ou régionalement éteinte avant d’agir. Les efforts déployés ces dernières décennies pour rétablir le Balbuzard comme nicheur dans son ancienne aire de distribution ont été extraordinaires, et c’est aussi un message qui mérite d’être communiqué. 5. Considérations socio-économiques Tout projet de réintroduction doit prendre en compte les pratiques socio-économiques qui se sont développées depuis la disparition de l’espèce concernée et qui pourraient ne plus toujours être compatibles avec sa réintroduction. Cela peut être le cas, par exemple, avec des grands prédateurs comme le Lynx, le Loup et l’Ours qui sont parfois en compétition pour certains espaces avec les humains ou qui peuvent tuer du bétail. Quant au cas du Balbuzard, qui ne se nourrit que de poisson et qui ne séjournera chez nous que pendant sa période de nidification (entre mi-avril et mi-septembre), les considérations socio-économiques sont nettement moindres. Une réaction souvent entendue vis-à-vis de notre projet a été de penser que les pêcheurs n’accepteraient pas le retour du Balbuzard, surtout vu les récentes tensions concernant l’augmentation des Grands Cormorans nicheurs et, dans une moindre mesure, celle d’autres espèces d’oiseaux piscivores. Nos Oiseaux a contacté ou rencontré les principales organisations de pêcheurs amateurs et professionnels concernées. Toutes acceptent notre projet de réintroduction du Balbuzard, comme cela nous a été confirmé par la Fédération suisse de pêche (FSP), les Fédérations des pêcheurs professionnels du Léman et du lac de Neuchâtel et les Fédérations romande et suisse des pêcheurs professionnels. Lors de nos discussions, ces organisations ont souligné que la réintroduction du Balbuzard ne leur posait aucun problème et qu’elles étaient tout à fait disposées à partager les ressources en poisson avec une espèce d’oiseau indigène qui ne deviendra jamais abondante (Genton, 2012 et Annexe 5). Elles sont conscientes qu’une différence fondamentale entre le Balbuzard et le Grand Cormoran est que le Balbuzard niche et pêche de façon isolée. Même si le Balbuzard peut former des groupes lâches de nidification, ces derniers sont minuscules lorsqu’on les compare aux colonies de cormorans. Les balbuzards ne pêchent que dans les 20 cm superficiels d’un plan d’eau et, contrairement aux cormorans ou aux harles, ils ne peuvent pas plonger plus profondément. Par conséquent, ils ne prennent pour l’essentiel que des espèces sans valeur commerciale et ils n’ont de toute façon pas besoin d’une grande quantité de poissons. Un Balbuzard adulte mange environ un poisson (300-800 gr.) par jour. En période de nourrissage des jeunes, une famille de trois poussins en pleine croissance peut avoir besoin tout au plus de six poissons par jour (Dennis, 2012) et ceci principalement durant une période de quatre semaines. L’impact du prélèvement total en poissons par cette espèce demeure sommes toutes plutôt modeste.

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Alors qu’une source potentielle de conflit pourrait concerner les régions où existent des étangs piscicoles (Mizera & Szymkievicz, 1995), de tels étangs n’existent pas dans les régions identifiées pour la réintroduction des Balbuzards en Suisse romande. Toutefois, vu que la population européenne de ce rapace est actuellement en augmentation, il n’est pas exclu qu’à l’avenir des conflits puissent apparaître ailleurs où se trouvent des étangs piscicoles. Ceci s’est déjà produit en France et au Royaume Uni où il a été démontré que la protection des bassins par des filets spéciaux peut empêcher efficacement la capture de poisson d’élevage par le Balbuzard (Braun & Marchive, 2010). En outre certains étangs piscicoles peuvent tirer profit de la présence du Balbuzard sur le plan touristique, en prélevant même parfois une redevance auprès du public spécialement venu pour observer ou photographier l’espèce en train de pêcher (Dennis, 2008). Si le risque d’interférences entre Balbuzards et étangs piscicoles existe certes, il s’agit toutefois d’un risque faible, acceptable et tout à fait gérable le cas échéant. Enfin, la Station ornithologique Suisse (qui doit gérer des tensions entre oiseaux et pêcheurs) s’est inquiétée de l’éventualité que même si les pêcheurs acceptent la réintroduction du Balbuzard, ils pourraient utiliser ce projet comme « monnaie d’échange » pour négocier des concessions supplémentaires de la Confédération sur la régulation d’espèces considérées comme problématiques (surtout le Grand Cormoran, et dans une moindre mesure le Harle bièvre et le Héron cendré). Bien que nous compatissions avec nos collègues de Sempach chargés de protéger ces oiseaux dont certains ont fortement augmenté depuis une décennie, l’impression que la réintroduction du Balbuzard pourrait causer un problème pour la protection d’autres espèces d’oiseaux aquatiques n’est pas, à notre avis, un risque majeur. 6. Autres considérations 6.1 Responsabilité de la Suisse pour la conservation du Balbuzard L’ASPO (2012) a aussi considéré qu’il était important de comprendre si la Suisse avait une responsabilité particulière pour la conservation de cette espèce. La réponse à cette question est, selon nous, affirmative. Le Balbuzard a été presque entièrement exterminé dans son aire de répartition en Europe occidentale, centrale et méridionale, et le rétablissement d’une population nicheuse en Suisse servira de « tremplin » pour aider à la restauration d’autres populations autour de notre pays. Aujourd’hui, la Suisse bénéficie indirectement des activités de protection du Balbuzard en cours dans les pays voisin (Allemagne, Italie et France) et il serait tout à fait normal que la Suisse apporte sa propre contribution au programme international en cours qui vise à rétablir l’espèce dans son ancienne aire de distribution. Non seulement notre pays est très bien dotée en lacs et en grands cours d'eau mais en tant que « château d'eau de l'Europe » il se trouve au carrefour des bassins supérieurs de plusieurs grands réseaux hydrographiques (Rhône, Rhin, Danube, Pô), ce qui lui donne une responsabilité centrale et stratégique dans les efforts visant à restaurer la population européenne de Balbuzards. Le rôle de la Suisse dans la réintroduction proposée du Balbuzard a parfois été comparé à celui qu’elle a eu dans celle du Gypaète barbu dans l’arc alpin. Heureusement la réintroduction du Balbuzard sera beaucoup moins coûteuse car elle aura lieu au moyen de jeunes prélevés dans la nature et non pas avec des oiseaux nés en captivité. Historiquement, le Balbuzard a probablement été plus répandu en Suisse que le Gypaète. Si peu de monde semble regretter la disparition du Balbuzard en tant qu’oiseau nicheur – sans doute du fait que le souvenir de ce fait a aujourd’hui disparu de la mémoire collective vivante – il est certain

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que nous avons une responsabilité morale de rétablir cette espèce dans son ancienne aire de distribution, sachant que les causes qui avaient conduit à sa disparition ne sont aujourd’hui plus d’actualité. Le cas de la Cigogne blanche, un autre migrateur au long cours réintroduit avec succès en Suisse il y a plus d'un demi-siècle, ne doit pas être oublié. Espèce emblématique, la Cigogne blanche est devenue une véritable ambassadrice publique pour les besoins de la protection des zones de nidification, des routes de migration et des quartiers d’hiver - pour elle-même tout comme pour beaucoup d’autres de nos oiseaux. Toutefois si la réintroduction de la Cigogne blanche était proposée aujourd’hui (plutôt qu’il y a 60 ans), une étude de faisabilité et évaluation des risques du même genre que celle préparée pour le Balbuzard serait requise, suscitant probablement une discussion du même genre. 6.2 Niveau de menace sur l’espèce en Europe D’après la classification de l’UICN, le Balbuzard est « Eteint au niveau régional (RE) » en Suisse (Keller et al., 2010b). En Allemagne, l’espèce a été classée comme « en danger » (gefährdet) (Südbeck et al., 2007). En France (UICN, 2011) elle est classé « Vulnérable (VU EN (D) (-1)) » au niveau régional (IUCN, 2003). Au Royaume-Uni, le Balbuzard est classé dans la “Liste Ambre” (Eaton et al., 2009). Bien qu’en Espagne, en Italie et au Portugal trois projets de réintroduction soient actuellement en cours, le Balbuzard y est toujours considéré comme « Eteint au niveau régional (RE) », ceci tant que les individus réintroduits n’auront pas eux-mêmes engendrés des descendants viables (IUCN, 2001). Historiquement le Balbuzard a été répertorié en Belgique, en Italie, en Autriche, en ex-Tchécoslovaquie, en Grèce, en Roumanie et en ex-Yougoslavie (Bijleveld, 1974; Cramp, 1980), autant de pays dont il a aujourd’hui disparu comme oiseau nicheur (cf Annexe 3). La présence de seulement un ou quelques couples est connue au Danemark (DOS, 2011) malgré un vaste habitat potentiel, de tout au plus quelques couples en Bulgarie (Schmidt, comm. pers.) et une seule tentative infructueuse de nidification aux Pays-Bas (Bijlsma & Roder, 2002). Le seul pays d’Europe pour lequel aucune donnée de nidification n’a été trouvée semble être la Hongrie (Cramp, 1980) même s’il est fort probable que le Balbuzard y ait quand-même niché étant donné la présence d’habitats favorables. Bien que le Balbuzard ne soit pas menacé à l’échelle globale, il a été classé au niveau européen comme « Rare » avec une « catégorie 3 » SPEC (Species of European Conservation Concern), ce qui signifie qu’il s’agit d’une “espèce dont les populations ne sont globalement pas concentrées en Europe mais qui a un statut de conservation défavorable en Europe” (Hagemeijer & Blair, 1997). Entretemps, la tendance stable ou à la hausse des populations de Fennoscandie et du nord-est de l'Allemagne et dans une moindre mesure de celles de France et du Royaume-Uni (entièrement grâce à des mesures intensives de protection) a conduit BirdLife à conclure que le Balbuzard est une “Espèce au statut de conservation défavorable en Europe mais au statut de conservation favorable dans l’EU25” (BirdLife, 2004). Le Balbuzard est par ailleurs classé dans l’Annexe 1 de la Directive Oiseaux (EU 2010) qui octroie le niveau de protection le plus fort pour cette espèce au niveau européen. Il figure également dans l’Annexe II de la Convention sur les Espèces Migratrices (CMS, Convention de Bonn), ce qui signifie que l’espèce « a un état de conservation défavorable ou peut bénéficier d’une manière significative d’une coopération internationale ». Le Balbuzard figure en outre parmi les espèces dont traite le Mémorandum d'entente sur la conservation des oiseaux de proie migrateurs d'Afrique et d'Eurasie, un accord régional de la CMS que la Suisse est sur le point

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de signer. Notre pays doit donc participer aux efforts de conservation des espèces concernées par cet accord. La société Nos Oiseaux s'engage à contribuer aux mesures de protection du Balbuzard aussi en dehors de la Suisse, notamment dans les régions africaines où l’espèce migre. Malgré l’encourageante reprise récente du Balbuzard dans certaines parties du nord de l’Europe, sa disparition dans la plupart de l’Europe occidentale, centrale et méridionale doit être considérée comme catastrophique. Nous avons une responsabilité morale et éthique d’aider autant que possible l’espèce à se rétablir en tant qu’oiseau nicheur. 6.3 Ce projet pourrait-il réussir par d’autres méthodes ? L’ASPO (2012) est d’avis que la construction de nids artificiels pour rétablir le Balbuzard comme oiseau nicheur devrait être tentée d’abord, et que la possibilité de le réintroduire pourrait être envisagée plus tard si aucun oiseau ne les utilise. Or au moins 4 nids artificiels ont déjà été construits en Suisse Romande depuis 20 ans mais sans jamais aboutir au moindre résultat. Plus récemment, d’autres ont été aménagés le long de la frontière entre la Suisse et l’Allemagne (dont 4 sur territoire suisse) mais à notre connaissance aucun Balbuzard n’y a montré de l’intérêt. Quoiqu’il en soit, le spécialiste Daniel Schmidt, considère qu’il n’y a aucune contradiction entre la construction de nids artificiels et la réalisation d’un programme de réintroduction (Schmidt, in litt.). Comme déjà mentionné, Nos Oiseaux considère que le temps et l’énergie nécessaires pour la construction et l’entretien régulier de nids artificiels (vu la faible probabilité qu’un couple en utilise) serait un gaspillage, si une translocalisation de jeunes oiseaux n’intervient pas en parallèle. Nous sommes absolument convaincus que le projet de réintroduction a une très forte probabilité de succès s’il est entrepris comme nous le proposons. Qui plus est, il aura un effet catalyseur afin que d’autres construisent des nids artificiels pour encourager les Balbuzards à s’y installer, lorsqu’un noyau de population nicheuse sera de nouveau établi dans notre pays. Nous pensons également que si, contre toute attente, le retour spontané d’une couple nicheur viendrait à se produire en Suisse, la probabilité qu’il conduise à la formation d’un noyau de population viable serait extrêmement faible. Dans une telle hypothèse, la meilleure option serait alors de procéder immédiatement à des lâchers de jeunes supplémentaires pour tenter de renforcer les chances d’un début de colonisation (Dennis, comm. pers.). La raison est que la migration du Balbuzard est pleine de dangers, seul un oiseau sur trois, en moyenne, parvenant à survivre entre sa naissance et l’âge de sa première reproduction. Les deux partenaires d’un couple devant nécessairement survivre à leur migration pour pouvoir se reproduire, le risque de perdre un oiseau, voire même les deux, est très élevé. 6.4 Ce projet pourrait-il créer un précédent ? L’ASPO (2012) s’inquiète que si la réintroduction du Balbuzard avait lieu, elle pourrait créer un précédent qui justifierait d’autres projets de réintroduction—potentiellement préjudiciables à la protection de la nature—qui pourraient, eux aussi, être entrepris. Elle cite notamment l’exemple des lâchers de Perdrix grises par des sociétés de chasse ou des lâchers de Chevêches par des privés ou des groupes régionaux. Nous sommes tout à fait d’accord que des projets de réintroduction, mal planifiés et non contrôlés, peuvent être préjudiciables pour la protection de la nature. C’est pourquoi il est important que tout projet de réintroduction respecte les lignes directrices établies par l’UICN (2012) et l’OFEV (2012). Nous nous sommes efforcés de respecter ces lignes directrices et nous sommes convaincus que notre

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projet représente un exemple sur lequel d’autres projets pourraient se baser. Nous espérons également que l’ASPO, ou au moins certaines de ses organisations affiliées, deviendront des partenaires engagés dans la réintroduction du Balbuzard en Suisse. 6.5 Préoccupations philosophiques et scientifiques Certaines personnes ont des préoccupations philosophiques concernant les réintroductions, ayant le sentiment que de telles interventions sont contre nature et que la nature devrait pouvoir suivre elle-même son propre chemin. Il ne faut cependant pas oublier que le Balbuzard a été exterminé par l’action des humains (chasseurs et collectionneurs d’œufs), ce qui était également peu naturel. Un argument fort en faveur de ce projet est que la disparition de l’espèce a été causée par les humains et nous avons donc une responsabilité éthique de tout faire pour réparer ces dégâts. Comme nous disposons d’une méthode éprouvée avec succès pour restaurer une population nicheuse de cet oiseau, il serait inconscient de ne pas profiter de l’occasion de rétablir le Balbuzard comme oiseau nicheur en Suisse. Les préoccupations de caractère philosophique sur la nécessité de « laisser la nature suivre son propre chemin » ne pourront probablement jamais être entièrement prises en compte. Nous relevons néanmoins que la majorité des personnes et des organisations consultées par Nos Oiseaux ne partagent pas ce genre de préoccupations philosophiques. Il est scientifiquement impossible d’affirmer que les Balbuzards ne seront jamais capables de recoloniser la Suisse par eux-mêmes (même si ce scénario est hautement improbable, comme déjà souligné). Une certaine curiosité scientifique existe toutefois de vouloir vérifier si cela pouvait peut-être quand-même se produire. Nous constatons que la reprise des populations de Balbuzards en cours en Europe est rendue possible grâce à des mesures très actives de protection (surveillance, construction de nids artificiels et translocalisation). Maintenant que ces mesures sont en cours, certaines personnes ont trouvé qu'il serait intéressant de voir si des oiseaux pouvaient recoloniser spontanément d’autres régions. Bien que personne ne puisse catégoriquement affirmer que les Balbuzards ne se réinstalleront jamais en Suisse par eux-mêmes, nous sommes convaincus qu'une population viable de cette espèce ne se rétablira pas dans notre pays à court ou à moyen terme, à moins qu’une réintroduction par translocalisation de jeunes, avec construction simultanée de nids artificiels, ne soit entreprise. Nous considérons que les bénéfices pour la conservation doivent être pris en compte en regard des questions d’intérêt purement académique. Nous reconnaissons que la réintroduction du Balbuzard pourrait décevoir certains scientifiques. Cependant, nous estimons que notre projet donnera lieu à toute une gamme d’autres sujets d’étude. 7. Exigences du projet et de sa mise en œuvre Sur la base d’autres projets similaires déjà réalisés ailleurs en Europe et aux Etats-Unis, il est prévu qu’il faudra cinq ans de translocalisation de jeunes Balbuzards pour qu’un nombre suffisant d’oiseaux prennent leur envol en Suisse, afin d’assurer qu’environ un tiers d’entre eux reviennent, lorsqu’ils auront atteint l’âge adulte, pour nicher. Une autre période de cinq ans de protection active sera ensuite nécessaire pour garantir le succès des premiers couples nicheurs en toute sécurité. Dès le moment où un noyau de population nicheuse viable de Balbuzards aura pris l’habitude de revenir chaque année se reproduire en Suisse et que nous nous serons réhabitués à voir l’espèce dans notre avifaune naturelle, l’investissement nécessaire pour protéger ses sites de nidification et assurer le suivi de cette population sera peu conséquent.

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Dennis (2012) pense que notre projet devrait être réalisable avec succès si 80 jeunes au moins sont translocalisés sur trois à cinq ans. Le raisonnement justifiant ce chiffre est qu'il existe une grande population allemande au nord-est et qu’une fois que des oiseaux auront été relâchés en Suisse, il est probable que la présence de ces Balbuzards réintroduits agira comme un aimant pour attirer des individus migrateurs originaires d’autres populations. Le principal effort, une fois que des oiseaux auront été libérés, consistera à construire des nids artificiels à des endroits favorables et à s'assurer qu'ils soient bien entretenus, afin d'attirer des oiseaux ayant vu ce qu'ils considèrent comme un site de nidification qui a du succès. Les étapes suivantes pour assurer la mise en œuvre de ce projet sont brièvement décrites ci-après. 7.1 Obtention des autorisations nécessaires Pour permettre le transport et « l’importation » de jeunes Balbuzards (une espèce protégée par la CITES) idéalement à partir de l’Allemagne ou, le cas échéant, d’un autre pays comme la Suède, l’obtention d’autorisations est nécessaire tant de la part du pays « fournisseur » que du pays « receveur ». Des autorisations doivent être obtenues de la part des cantons concernés et de la Confédération pour permettre la mise en œuvre de ce projet, ainsi que la construction de volières temporaires et amovibles, de perchoirs et de nids artificiels sur chaque site de réintroduction. Maintenant qu’un document de projet a été développé, après une large consultation des parties prenantes, la société Nos Oiseaux est prête à solliciter les autorisations nécessaires. Les trois cantons où des sites de réintroduction ont été identifiés (Vaud, Fribourg, Jura) ont déjà donné leur préavis favorable au projet (cf. Annexe 4). A ce stade la priorité la plus grande et la plus urgente est d’obtenir l’autorisation officielle de la Confédération, ce qui nous permettra alors d’entreprendre concrètement la recherche des fonds indispensables pour mener à bien ce projet, afin qu’il devienne réalité. 7.2 Considérations financières Les fonds nécessaires pour la réalisation du projet ne seront pas recherchés dans le secteur public, mais plutôt auprès de sources privées, telles des personnes intéressées par le retour du Balbuzard dans notre pays, des fondations ou des entreprises. Le groupe de pilotage du projet de Nos Oiseaux a déjà connaissance de plusieurs donateurs potentiels intéressés à soutenir ce projet. Il les approchera pour les solliciter de manière formelle aussitôt que l’autorisation de la Confédération aura été obtenue. En aucun cas le projet sera initié sur un site de réintroduction pour lequel la garantie d’un financement suffisant ne serait pas assurée pour toute la durée du projet. La première estimation des coûts pour l’ensemble de ce projet, soit pour les trois sites, est d’environ CHF 200.000.— par an sur une période de cinq ans. Au-delà de cette phase initiale, la protection et le suivi des sites où auront lieu les nidifications attendues de l’espèce seront organisés en fonction des besoins. Plusieurs variantes de budgets ont été préparées, allant d'une variante minimale permettant d’accomplir le travail de base à une variante plus importante comprenant la réalisation d’un film sur le retour du Balbuzard en Suisse ainsi qu’un équipement de suivi satellitaire permettant d’accentuer les composantes de monitoring scientifique et de communication. 7.3 Coordinateur de projet, « gardiens » (surveillants) de Balbuzards et consultants Un coordinateur général du projet sera nécessaire. Il sera notamment responsable des sites de réintroduction et des « gardiens » de Balbuzards. Cette personne sera également responsable d’organiser l’obtention des permis et des autorisations ainsi que la construction des volières de lâcher, les transports, le financement, la gestion du personnel et des consultants, la

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production des rapports, la communication, etc. Une fois que le projet aura réussi, une personne pourrait être nécessaire pour aider au monitoring des nids et à leur entretien selon les besoins. Cependant, une grande partie de ce travail pourrait être effectué par le personnel des sites protégés ou par des volontaires. Il faudrait qu’au minimum une personne à plein temps (un « gardien » de Balbuzards) soit responsable de chacun des sites de réintroduction pendant trois mois par an, entre le moment où les jeunes Balbuzards y seront translocalisés et celui où ils partiront en migration - soit entre mi-juin et mi-septembre. Chaque « gardien » sera appuyé par le coordinateur du projet et par une équipe de volontaires. En plus de devoir obtenir du poisson frais et nourrir les poussins plusieurs fois par jour, chaque « équipe Balbuzard » devra garantir la protection permanente des oiseaux contre tout dérangement d’origine humaine tels que ceux qui pourraient être causés par des ornithologues, des photographes animaliers ou toute autres incursion humaine potentielle sur le site de lâcher. Ils auront aussi un important rôle de sensibilisation du public, notamment auprès de toute personne qui pourrait s’approcher du secteur de lâcher. Comme trois sites de réintroduction sont envisagés, trois « gardiens de Balbuzards » seront nécessaires. L’aide de spécialistes sera requise pour le prélèvement, dans le pays d’origine, des jeunes destinés à être translocalisés. Elle le sera également pour former le personnel local concernant l'élevage et le lâcher des jeunes, leur marquage, leur suivi par radio-télémétrie ainsi que la surveillance et le nourrissage des oiseaux entre leur premier envol et leur départ en migration vers l'Afrique. Les oiseaux seront bagués en couleur pour permettre leur identification individuelle. Si le financement à disposition le permet, il est possible que quelques oiseaux - probablement plus tard dans le projet - seront équipés de balises pour un suivi satellitaire, auquel cas l’aide de spécialistes serait également nécessaire pour la fixation des harnais sur ces oiseaux. Même si savoir-faire nécessaire est localement disponible pour la plupart de ces tâches, Roy Dennis nous a confirmé qu'il serait prêt à nous aider pour toutes ces activités. D’autres experts seraient également disponible si nécessaire. La collaboration d’un vétérinaire agréé serait aussi requise pour toute éventualité. 7.4 Construction des volières temporaires de lâcher Des cages simples sont nécessaires. Leur modèle est standard (2 x 2 x 1,5 m.). Elles seront placées sur une plate-forme à environ 3 m. de hauteur et feront face à un espace ouvert avec vue sur une zone humide. Chaque cage hébergera trois jeunes. Les cages peuvent être construites côte à côte, séparées par une cloison en bois de manière à ce les jeunes de chaque « nichée » ne puissent pas voir ceux des autres. Les emplacements de ces volières ont été identifiés pour chacun des trois sites de réintroduction sélectionnés. Temporaires et amovibles, ces volières devraient idéalement être construites à des endroits où elles pourront être utilisées pendant toute la durée du projet et ensuite enlevées lorsqu’elles ne seront plus nécessaires. Dans certaines régions, il peut être demandé que les volières soient seulement érigées au printemps puis retirées en septembre, ce qui serait faisable même si cela nécessiterait du temps et des frais supplémentaires. 7.5 Construction de nids artificiels et de perchoirs Dennis (2012) relève que la construction de nids artificiels prend moins d’une demi-journée en utilisant trois personnes dont un grimpeur d’arbres professionnel. Le coût d’une telle opération comprend les frais du matériel, le défraiement des constructeurs du nid et du

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grimpeur, notamment pour leurs déplacements, ainsi que le temps nécessaire pour trouver les bons arbres ou les bons endroits pour des poteaux. Le coût d’un nid varie en fonction de la complexité et de l’emplacement de chaque lieu, raison pour laquelle un coût moyen par nid a été estimé. Lors de la visite de Dennis et Wahl en janvier 2013, une démonstration de la façon de construire un nid artificiel a été faite par Roy Dennis et documentée en images. Ce nid particulier sera utilisé dans le cadre d'une exposition prévue au Muséum d'histoire naturelle de Genève en 2013 (et jusqu’en 2014) à l’occasion du 100ème anniversaire de Nos Oiseaux. 7.6 Approvisionnement en poisson Pendant toute la période durant laquelle les jeunes Balbuzards seront dans les cages et après l’ouverture de celles-ci, la fourniture de poisson frais doit être quotidienne, bien qu’il soit possible d’en conserver un certain nombre dans un congélateur pour d’éventuels besoins urgents. N’importe quelle espèce de poisson peut être utilisée, de préférence d’un poids individuel de 600 à 1000 grammes, en particulier après que les cages auront été ouvertes et quand les jeunes Balbuzards auront besoin de transporter leur poisson vers un perchoir individuel pour se nourrir. Le poisson pourra soit être pêché directement soit être acheté à des pêcheurs. Idéalement, un partenariat avec les pêcheurs locaux intéressés par le projet pourrait être développé. La responsabilité d'obtenir suffisamment de poisson frais pour nourrir les jeunes oiseaux de juin à septembre devra être assurée par le coordinateur du projet et par chaque « gardien ». 7.7 Prélèvement et translocalisation de jeunes Un accord avec le ou les pays fournisseur(s) de jeunes Balbuzards doit être formalisé. Les coûts de la translocalisation dépendront du pays où les jeunes seront prélevés. Idéal serait que tous les jeunes puissent provenir d’Allemagne orientale. Dans ce cas, les principaux coûts seraient ceux du voyage aller-retour par la route depuis la Suisse, le remboursement de l’équipe locale en Allemagne pour les frais liés à la collecte des jeunes et tous frais complémentaires relatifs à leur garde momentanée en volière dans l’attente de leur transfert vers la Suisse. Il se pourrait que quelqu’un doive rester avec les jeunes oiseaux pour en prendre soin avant leur translocalisation, même si certains oiseaux d’entre eux se montrent plus autonomes en matière de prise de nourriture. Dans ce cas, ils n’auraient en effet pas besoin d’être nourris à la main. Au cas où une partie ou la totalité des jeunes proviendrait de Suède, il faudrait alors compter des frais supplémentaires pour leur transport par avion. 7.8 Monitoring après le lâcher Pour assurer une étroite surveillance des jeunes Balbuzards dans les premiers temps après leur envol des cages, de très petits émetteurs radio classiques (12 gr.) devraient être fixés sur les plumes de leur queue avant leur lâcher. De cette manière les oiseaux pourront être suivis individuellement et si l’un d’eux vient à manquer, il pourra aussitôt être recherché, localisé et récupéré. Durant leurs premiers jours de vol, en effet, des oiseaux libérés peuvent à l’occasion rester malencontreusement coincés dans des buissons ou dans de la haute végétation. Des consultants expérimentés dans la fixation d’émetteurs-radio seront nécessaires et les « gardiens » de balbuzard, aidés par des équipes de bénévoles, seront alors responsables du suivi non-stop des oiseaux jusqu’à leur départ en migration. Selon le financement disponible, un suivi satellitaire pourra aussi être envisagé pour le monitoring post-réintroduction. Cependant vu le taux élevé de mortalité des oiseaux pendant leur première migration, il est envisageable que les études par suivi satellitaire aient lieu plus tard au cours du projet si cela

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est possible. Le suivi satellitaire de quelques oiseaux serait une aide précieuse pour les buts scientifiques et les objectifs de communication du projet. 7.9 Communication et rayonnement du projet La communication et la sensibilisation du public sont d’importantes composantes de ce projet. Elles permettront de susciter un grand enthousiasme envers le retour d’une espèce emblématique. Des messages montrant l’importance de conserver des zones humides en bon état ou relatifs au besoin de préserver des grands arbres morts pour le Balbuzard et d’autres espèces seront diffusés sur Internet, au moyen d’un blog et sur Facebook. Des liens seront aussi établis avec d’autres projets de protection du Balbuzard ailleurs en Europe. Le projet de Nos Oiseaux va sans doute générer une augmentation du nombre des personnes intéressées par la protection de la nature, au service de laquelle le Balbuzard jouera le rôle d’un parfait ambassadeur. En Angleterre, par exemple, la réintroduction réussie du Balbuzard a rencontré un immense succès, avec des milliers de personnes qui suivent les exploits de reproduction des Balbuzard sur http://www.ospreys.org.uk. 8. Conclusions Le Balbuzard pêcheur, rapace prédateur, se situe au sommet de la chaîne alimentaire aquatique. Il est un excellent indicateur de l’état de santé de notre environnement comme cela avait été observé quand les polluants chimiques avaient provoqué de sérieux problèmes à la santé humaine et alors que les Balbuzards avaient régressé ou disparu de nombreuses régions. Si l’espèce revient nicher en Suisse, son retour constituerait un signe positif fort, à une époque où les mauvaises nouvelles sur l’environnement ne sont que trop fréquentes. Il encouragera sans doute aussi le public à s’engager davantage en faveur de la protection de la nature. Si - comme la plupart de l’avifaune suisse d’ailleurs - le Balbuzard n’est pas menacé à l’échelle globale, il n’en demeure pas moins qu’il a été presque entièrement éliminé de son aire originelle de distribution dans pratiquement toute l’Europe occidentale, centrale et méridionale. Son rétablissement comme nicheur - y compris en Suisse - serait donc nécessaire, justifié et certainement voué au succès car la méthode que nous préconisons a déjà fait ses preuves ailleurs. Le public a tendance à s’enthousiasmer pour ce type de projet et personne ne peut rester indifférent en voyant un Balbuzard piquer sur un poisson et l’emporter de son vol majestueux. Il existe des pays où l’on doit s’inscrire sur une liste d’attente pour avoir un nid artificiel construit dans une propriété. Il paraît même qu’en Suède la présence d’un nid de Balbuzard augmenterait significativement la valeur d’un terrain (Poole, 1989). Le tourisme a également bénéficié de sa présence. Par exemple, le célèbre centre de visiteurs de la réserve RSPB de Loch Garten, en Ecosse, a reçu environ deux millions de visiteurs depuis 1959 et l’écotourisme centré sur le Balbuzard rapporte chaque année des millions de livres sterling à l’économie locale. D’autres centres de visiteurs consacrés au Balbuzard ont encore été créés au Royaume Uni et tous sont très populaires auprès des visiteurs comme des habitants (Dennis, 2008). Il y a fort à parier que quand le Balbuzard reviendra nicher en Suisse cela suscitera un intérêt public majeur et que, tout comme ailleurs, l’événement suscitera un intérêt accru et des financements supplémentaires pour la protection de la nature. Nous avons pris note des commentaires formulés et envoyés par l’ASPO (2012) à Nos Oiseaux, et nous sommes reconnaissants à l’ASPO, ainsi qu’à la Station ornithologique suisse, de nous avoir ainsi obligés à réfléchir de manière plus critique à notre projet et à toutes ses

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implications potentielles. Nous sommes fermement convaincus que tous les critères sont remplis pour que notre projet de réintroduction du Balbuzard soit voué à la réussite. Pour la population en général, et pour les ornithologues en particulier, la présence des Balbuzards dans le ciel de notre pays en période de nidification sera très appréciée. Ce grand rapace, typique de nos écosystèmes de lacs, cours d’eaux et étangs, mérite de retrouver sa place au sein de la biodiversité suisse. Nous nous réjouissons d’avance de pouvoir apporter ainsi une pierre de plus à l’édifice de la protection de la nature, pour le plus grand bénéfice des oiseaux, de leur habitat et des humains. Ce projet ne pourra être considéré comme pleinement réussi que lorsqu’une série d’étapes importantes auront été franchies, soit : Lorsqu’un premier couple de Balbuzards aura niché en Suisse, après plus d’un siècle

d’absence (anticipé en l’espace de 5-7 ans à partir du début du projet). Quand la première reproduction d’un couple entièrement sauvage (c.à.d. dont les deux

conjoints ne seront pas directement issus de translocalisations) aura eu lieu en Suisse (anticipé en l’espace de 10-15 ans à partir du début du projet).

Quand un noyau de population d’au moins 10 couples se sera réinstallé en Suisse (anticipé en l’espace d’au moins 15-20 ans à partir du début du projet).

Quand le public aura fini par oublier que le Balbuzard avait disparu de Suisse pendant plus d’un siècle en tant que nicheur et quand il s’attendra, alors tout naturellement, à le voir chaque année pêcher sur les plans d’eau de notre pays. (envisageable en l’espace de 30 ans ou plus à partir du début du projet).

9. Remerciements Les principaux auteurs de ce document de projet (Wendy Strahm et Denis Landenbergue) remercient le Groupe de pilotage “Balbuzard” de Nos Oiseaux (présidé par Michel Juillard, avec participation également de Michel Beaud, d’Olivier Biber, de Pascal Rapin et des deux auteurs) pour leur engagement et pour leur soutien. Un appui financier de la Fondation Rita Roux a permis à la phase de développement du projet d’atteindre son stade actuel d’avancement. Nous remercions en outre divers membres de Nos Oiseaux, son Comité et d’autres personnes pour leur soutien dans la préparation de l’étude de faisabilité et du document de projet ainsi que les rencontres avec les parties prenantes intéressées, notamment Adrian Aebischer, Michel Antoniazza, François Burnier, Olivier Epars, Bernard Genton, Pierre Goeldlin, Kath Hurst, Roberto Lardelli, Freddy Mariaux, Jean Mundler, Blaise Nicolet et Bertrand Posse. Le soutien de Roy Dennis, de Daniel Schmidt et de Rolf Wahl ainsi que leur partage des fruits de leurs décennies d’expérience du Balbuzard ont été fondamentaux pour la préparation de ce document. De nombreux autres biologistes spécialistes de rapaces ont également pris le temps de nous conseiller ou de nous transmettre des commentaires, dont Rob Bierregaard, Eva Casado, Miguel Ferrer, Tim McKrill, Bernd & Christiane Meyburg, Renaud Nadal, Ian Newton, Alan Poole et Rick Watson. Nous sommes également reconnaissants aux représentants de la Station ornithologique suisse qui ont rencontré des membres du Groupe de pilotage et des experts internationaux invités. Nous remercions enfin l’ASPO/BirdLife Suisse pour la transmission de leurs commentaires très détaillés sur l’étude préliminaire de faisabilité que nous avions circulée pour consultation auprès de divers partenaires potentiels ou parties prenantes.

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