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Introduction Si l’on en croit le co-prix Nobel, Jean Jouzel, éminent cli- matologue et contributeur français des derniers rap- ports du GIEC (Groupe d’experts intergouvernemen- tal sur l’évolution du climat), le futur climatique dépendra en grande partie des émissions de gaz à effet de serre (GES) anthropiques. Par ailleurs, le modèle de l’économiste Gaël Giraud, profes- seur au collège de France, démontre que la croissance du PIB est très clairement corrélée à la croissance de la consomma- tion d’énergie. C’est pourquoi il en conclut que, sans transi- tion énergétique, la France ne pourra pas retrouver de pros- périté durable. Car aujourd’hui, l’essentiel de l’énergie consommée en France est importée ! Il existe donc une relation entre la transition énergétique, la diminution des GES et la stimulation de l’économie du terri- toire, l’écosystème. En moyenne, sur un territoire de 250 000 habitants, les dépenses énergétiques annuelles pour le chauffage, l’eau chaude sanitaire, l’électricité des ménages, du tertiaire et des PME, s’élèvent à 250 millions d’euros. Ce flux financier se dirige vers les grands groupes industriels qu’on connaît, mais aussi vers le Qatar, la Russie, etc. Comment garder, au moins en partie, cet argent sur nos ter- ritoires ? En partant du principe que les investissements dans les systèmes d’économie, de stockage, de distribution voire de production d’énergies locales ne sont pas des dépenses additionnelles. Ce sont des investissements dans l’économie Marie-Laure PAPAIX (DR P02) Économiste CEREMA (Centre d’É- tudes et d’Expertise sur les risques, l’environne- ment, la mobilité et l’aménagement François GHESTEM (MS P09) Responsable Développement Communauté d’Agglomération de Saint-Quentin-en- Yvelines Didier CARRÉ (N82) Vice-Président du Club Mines-Informatique du territoire sur le long terme : vu de notre fenêtre, celle de la fabrique de la ville, de l’aménagement du territoire, de l’urbanisme, la ville intelligente ou «smart city» est donc bien le nouveau paradigme de l’attractivité territoriale ! Et en effet, comme le montre ce dossier, prenant le train de l’innovation en marche, les territoires com- mencent à véritablement prendre la mesure de cette «3 e révolution industrielle, une révolution d’une ampleur sans précédent qui impacte toutes les indus- tries» comme l’annonce Jeremy Rifkin. Comment pourraient-ils rester à l’écart de cette grande défer- lante de l’innovation qui touche tous les pans de leur écono- mie, participant de l’accélération du processus de concentra- tion métropolitaine qui touche toute la planète ? Aussi, ce n’est pas un hasard si les principaux pôles de com- pétitivité franciliens Advancity, Cap Digital et Systematic, ont décidé d’unir leurs efforts dans le domaine de la ville numé- rique. Comme l’indique l’article ci-après qu’ils ont co-signé, l’écoute attentive des opérationnels engagés dans la réalisa- tion d’expérimentations urbaines, de projets pilotes/démonstrateurs, de territoires d’innovation/living- labs urbains, nous révèle que, en complément de technolo- gies pertinentes, il y a un besoin vital de réponse à des ques- tions récurrentes. Sept verrous-clé actuels sont identifiés touchant : à la gou- vernance partenariale, aux modes d’organisation dédiée à l’innovation, à l’implication des habitants/usagers, aux modèles économiques soutenables, aux financements des démarches d’innovation, aux leviers contractuels et juri- diques, aux outils d’évaluation et aux conditions de générali- sation. La ville intelligente, c’est l’horizon des territoires s’ils veulent rester attractifs. Un horizon qui se construit dès aujourd’hui, même si nous manquons encore d’outils pour une démarche globale. Cela pourrait changer avec le nouvel arsenal juri- dique au service des projets innovants : partenariats d’inno- vation et SEMOP, détaillés dans ce dossier. Un test grandeur nature qui devrait permettre aux territoires de faire la démonstration de tout le savoir-faire de leur écosystème et aux entreprises, comme le montrent les réalisations exem- plaires présentées par le groupe Bouygues, d’affirmer leur savoir-faire. Bernard SOULEZ (N69) Bouygues SA Dossier VILLES CONNECTÉES 4 Mines Revue des Ingénieurs #478 Mars/Avril 2015

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Introduction

Sil’on en croit le co-prix Nobel, Jean Jouzel, éminent cli-matologue et contributeur français des derniers rap-ports du GIEC (Groupe d’experts intergouvernemen-

tal sur l’évolution du climat), le futur climatique dépendra engrande partie des émissions de gaz à effet de serre (GES)anthropiques.

Par ailleurs, le modèle de l’économiste Gaël Giraud, profes-seur au collège de France, démontre que la croissance du PIBest très clairement corrélée à la croissance de la consomma-tion d’énergie. C’est pourquoi il en conclut que, sans transi-tion énergétique, la France ne pourra pas retrouver de pros-périté durable. Car aujourd’hui, l’essentiel de l’énergieconsommée en France est importée !

Il existe donc une relation entre la transition énergétique, ladiminution des GES et la stimulation de l’économie du terri-toire, l’écosystème. En moyenne, sur un territoire de 250 000habitants, les dépenses énergétiques annuelles pour lechauffage, l’eau chaude sanitaire, l’électricité des ménages,du tertiaire et des PME, s’élèvent à 250 millions d’euros. Ceflux financier se dirige vers les grands groupes industrielsqu’on connaît, mais aussi vers le Qatar, la Russie, etc.

Comment garder, au moins en partie, cet argent sur nos ter-ritoires ? En partant du principe que les investissements dansles systèmes d’économie, de stockage, de distribution voirede production d’énergies locales ne sont pas des dépensesadditionnelles. Ce sont des investissements dans l’économie

Marie-Laure PAPAIX(DR P02)

ÉconomisteCEREMA (Centre d’É-tudes et d’Expertise surles risques, l’environne-ment, la mobilité etl’aménagement

François GHESTEM(MS P09)

ResponsableDéveloppementCommunautéd’Agglomération deSaint-Quentin-en-Yvelines

Didier CARRÉ(N82)

Vice-Président duClub Mines-Informatique

du territoire sur le long terme  : vu de notre fenêtre,celle de la fabrique de la ville, de l’aménagement duterritoire, de l’urbanisme, la ville intelligente ou«smart city» est donc bien le nouveau paradigme del’attractivité territoriale !

Et en effet, comme le montre ce dossier, prenant letrain de l’innovation en marche, les territoires com-mencent à véritablement prendre la mesure de cette«3e révolution industrielle, une révolution d’uneampleur sans précédent qui impacte toutes les indus-tries» comme l’annonce Jeremy Rifkin. Commentpourraient-ils rester à l’écart de cette grande défer-

lante de l’innovation qui touche tous les pans de leur écono-mie, participant de l’accélération du processus de concentra-tion métropolitaine qui touche toute la planète ?Aussi, ce n’est pas un hasard si les principaux pôles de com-pétitivité franciliens Advancity, Cap Digital et Systematic, ontdécidé d’unir leurs efforts dans le domaine de la ville numé-rique. Comme l’indique l’article ci-après qu’ils ont co-signé,l’écoute attentive des opérationnels engagés dans la réalisa-tion d’expérimentations urbaines, de projetspilotes/démonstrateurs, de territoires d’innovation/living-labs urbains, nous révèle que, en complément de technolo-gies pertinentes, il y a un besoin vital de réponse à des ques-tions récurrentes.

Sept verrous-clé actuels sont identifiés touchant : à la gou-vernance partenariale, aux modes d’organisation dédiée àl’innovation, à l’implication des habitants/usagers, auxmodèles économiques soutenables, aux financements desdémarches d’innovation, aux leviers contractuels et juri-diques, aux outils d’évaluation et aux conditions de générali-sation.

La ville intelligente, c’est l’horizon des territoires s’ils veulentrester attractifs. Un horizon qui se construit dès aujourd’hui,même si nous manquons encore d’outils pour une démarcheglobale. Cela pourrait changer avec le nouvel arsenal juri-dique au service des projets innovants : partenariats d’inno-vation et SEMOP, détaillés dans ce dossier. Un test grandeurnature qui devrait permettre aux territoires de faire ladémonstration de tout le savoir-faire de leur écosystème etaux entreprises, comme le montrent les réalisations exem-plaires présentées par le groupe Bouygues, d’affirmer leursavoir-faire. ■

Bernard SOULEZ(N69)

Bouygues SA

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4 Mines Revue des Ingénieurs #478 Mars/Avril 2015

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Climat, énergie, économie, urbain :les enjeux croisés de la ville connectée

Aujourd’hui pour mettre en œuvre leurs projets, les ter-ritoires doivent innover et se questionner sur la façond’organiser la ville intelligente, en mettant en avant

l’économie collaborative qui reste une question centrale eten raisonnant désormais réversibilité, mixité ou encoremutualisation. La ville intelligente constitue bien une véri-table révolution, révolution d’une portée sans doute compa-rable à la naissance des grandes agglomérations industriellesau XIXe siècle. Et tandis que l’impact de cette révolution surla forme urbaine demeure encore difficile à appréhender, soninfluence sur les structures temporelles de l’expérienceurbaine se laisse déjà observer : nous vivons dans des villesrythmées par des événements toujours plus nombreux suivisen temps réel notamment via «l’Internet des objets», lapopulation toujours plus invasive d’objets connectés et decapteurs promis à équiper nos villes. Nous pouvons récolter,exploiter et croiser en temps réel les données sur la circula-tion, le stationnement, l’éclairage public, la propreté, la qua-lité de l’air, le bruit et la liste n’a évidemment pas d’autre limi-te que celle de l’acceptabilité sociétale.

La ville intelligente se caractérise par une emprise toujoursplus forte des infrastructures «soft» que sont les nouvellestechnologies d’information et de communication (NTIC)numériques. La ville intelligente tente ainsi d’optimiser, à l’ai-de de moyens numériques, les services existants (transports,voirie, réseaux divers, y compris de distribution d’énergie),tout en permettant leurs développements dans le respect del’environnement. Une ville truffée de capteurs permet desavoir ce qui se passe et de faire remonter l’information entemps réel. Toute l’affaire repose sur des données (datas),parfois en quantité énormes (big data, mesurées en trillionsd’octets), des échanges, des flux entre les services et l’usager.Comme le disent B.Marzloff et M.Sudarskis dans «Smart City,des questions sans réponses» : «La donnée est à la fois un préa-lable aux services, leur matière première inépuisable et d’autre

part une nouvelle manière de lire la ville et d’en faire l’expérience».

C’est à travers l’utilisation de ces données que s’imagine laville intelligente, et c’est par les nouveaux usages qui endécouleront qu’émergeront des réponses innovantes etdonc de nouveaux modèles d’affaires pour nos entreprises.

François GHESTEM (MS P09)

Responsable DéveloppementCommunauté d’Agglomération deSaint-Quentin-en-Yvelines

La ville intelligente, nouveau paradigme urbain

Cette ville hyperconnectée, associant génie numérique etinformation des citadins, autorégulation et économie d’éner-gie, est devenue la panacée urbaine de l’ère numérique, parexemple au travers des réseaux intelligents d’énergie quipromettent d’optimiser et les consommations et les infra-structures, les systèmes d’autopartage de véhicules élec-triques, la gestion dynamique des places de stationnements,mais aussi la vidéosurveillance intelligente (VSI), la collectedes conteneurs de déchets, l’optimisation du fonctionne-ment des lampadaires, etc. À côté des smart grids et autresréseaux hautement réactifs qui doivent permettre d’optimi-ser le métabolisme urbain, la ville intelligente est censéeoffrir de nouvelles opportunités aux usagers équipés de ter-minaux mobiles, permettre à des collectifs inédits d’émerger,sur le modèle d’entreprises massivement collaboratives (parexemple Wikipedia…). Dans la smart city, les mécanismesd’apprentissage, de compréhension et de raisonnementdeviennent intrinsèques au fait urbain. On s’approche despropos prophétiques de Mark Weiser  : «Les technologies lesplus profondes sont celles qui disparaissent. Elles s’intègrent à la

trame de l’existence quotidienne jusqu’à ne plus s’en distinguer».

(The computer for the 21st century, scientific american, sep-tembre 1991, op.cit.p.94).

Et dans ma Ville ?

Dans ce contexte, l’objectif d’un territoire comme Saint-Quentin-en-Yvelines, où l’innovation a toujours été lemoteur, a fortiori aujourd’hui, en tant que partie prenante duCluster Paris-Saclay, c’est de mettre en chantier de manièresélective et exigeante ces nouveaux attributs de la ville, ens’appuyant sur une réalité incontournable : les nouvellestechnologies de l’information et de la communication (lesNTIC) participent désormais de l’aménagement urbain parcequ’elles se retrouvent dans toutes les dimensions du quoti-dien.

Car l’intelligence d’une ville, c’est d’abord celle de ses habi-tants, de ses entreprises, qui ne réagissent pas toujours, nousle savons bien à Saint-Quentin-en-Yvelines, ancienne villenouvelle, comme le prévoient les planificateurs : les acteursdu territoire trouvent leurs propres solutions en s’appro-priant les technologies proposées à travers leurs usages.L’intelligence viendra du pluralisme des choix, des aménage-ments et des types d’urbanisme. Autrement dit, elle viendrade la capacité des acteurs de l’écosystème à collaborer, enparticulier à travers des projets innovants, démonstrateursou partenariats de tout type, permettant d’exploiter le formi-dable potentiel d’innovation français (cf le collectif «French

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Tech» ou le Plan «Nouvelle France Industrielle»), en se mobi-lisant – entreprises et recherche – au service des projets duterritoire.

Des réponses à apporter pour convaincre et faire

Mais ce nouveau type d’infrastructure urbaine n’est pas sansposer des questions : qui sera propriétaire de ces données ?Quelle solution d’hébergement et quelle architecture plusou moins ouverte retenir  ? Quand ouvrir sa plate-formenumérique, pour permettre le développement de nouveauxservices, ou au contraire, comment protéger les données lesplus sensibles et empêcher les hackers de mettre en péril lagestion urbaine ? On voit bien qu’il y a nécessité de trouverdes modèles vertueux, liant par exemple la fourniture dedonnées d’usages à des prestations de services ou des éco-nomies palpables et réelles en échange. Une chose est sure,il est temps pour les territoires de prendre en main leur des-tin numérique.

En effet, l’enjeu majeur pour que ces nouveaux servicessoient acceptés, utilisés est que les usagers se les appro-prient, c’est la question du sens de la mise en place de cettenouvelle couche de complexité urbaine. Car les usagers denos villes attendent beaucoup des pouvoirs publics locaux,bientôt les seuls à conserver encore leur confiance. C’estpourquoi les territoires ont toute légitimité pour mettre enplace des plans d’action à leur échelle, afin de relever lesprincipaux défis de la ville intelligente : l’énergie, l’efficiencede la dépense publique, la performance économique etsociale, les services, les enjeux du vieillissement de la popu-lation, les modes de gouvernance, et la mobilité connectée,etc. Sans oublier que ce qui fait le génie de la ville, ce sont sesprocessus sociaux informels, ce «bazar urbain» qui fait se ren-contrer les gens, ces «frictions des fonctions urbaines» chèresaux urbanistes et qu’il s’agira de préserver, voire de faciliter àtravers par exemple les «tiers lieux» et autres accélérateursd’innovation urbaine.

Cependant, comme tous les récits vertueux, celui de la villeintelligente laisse de côté un ensemble de réalités déran-geantes, à commencer par les tensions qui se font jour entrel’usage intensif des NTIC et les impératifs de la sécurité des

infrastructures et du respect de la vie privée.Pour la sociologue Saskia Sassen, «Quand onparle de villes intelligentes, le problème est que

bien souvent on évoque des systèmes techniques

qui désurbanisent la ville […] ces systèmes intelli-

gents sont fermés pour être maîtrisés alors qu’on

les incorpore dans le système ouvert, incomplet,

non terminé qu’est la ville».

Transition numérique, transition énergétique,écologique, sociétale, morale, etc. Tout celapeut effrayer, rebuter mais il paraît plusconstructif, face à l’inéluctable du progrèstechnologique, d’aller de l’avant et de s’immer-ger chacun dans son domaine dans la transfor-mation de la ville, en réfléchissant aux gardesfous nécessaires pour garder l’humain au cœurdes préoccupations, car comme ledisait Eleanor Roosevelt : «L’avenir appartient àceux qui croient à la beauté de leurs rêves». ■

Vue aérienne du campus urbain et du centre commercialSaint-Quentin-en-Yvelines

La transition vers la ville intelligente nécessite de continuer àdévelopper des innovations dans de nombreux domainescomme la construction, l’énergie, les mobilités, les réseauxnumériques, mais aussi les modèles économiques, les com-portements et les modes de vie, afin de lutter contre les gas-pillages et la pollution, avec pour objectif d’améliorer la qua-lité de vie des habitants.

Car la véritable innovation réside aujourd’hui plus dans lamanière de faire la ville à l’ère du numérique que dans leregistre des technologies numériques elles-mêmes, quiconnaissent le développement fulgurant que l’on sait.L’innovation contractuelle et partenariale dans la fabricationde la ville, notamment avec l’avènement de l’urbanisme deprojet, libère progressivement les énergies créatrices au ser-vice d’une urbanité renouvelée, plus en phase avec la méta-morphose numérique de la société, contribuant à densifierce que Paul Virilio appelle «le temps de la Ville».

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Ville & Numérique :le partenariat des pôles de compétitivitéAdvancity, Cap Digital et Systematic

Les trois pôles de compétitivité franciliens, Advancity1,Cap Digital2 et Systematic Paris-Région3, unissentdepuis plusieurs années leurs visions et leurs compé-

tences autour de la ville et de sa transformation par le numé-rique. Un premier partenariat, TIC & ville durable, a été enga-gé dans le cadre de leurs plans stratégiques 2009-2012.Organisé autour de quatre priorités - e-services au citadin,outils de conception et simulation, du bâtiment à la ville, sys-tèmes de gestion technique et supervision, du bâtiment à laville et à l’environnement, systèmes de transports et demobilité - il a conduit à la labellisation commune et au finan-cement de plus d’une dizaine de projets de recherche colla-borative sur ces priorités. Confirmé et renforcé en début 2015sous l’intitulé “Ville & Numérique”, ce partenariat renouvelé adeux objectifs principaux : mobiliser les écosystèmes destrois pôles sur les enjeux de leur territoire, l’Île-de-France;promouvoir les capacités et savoir-faire de leurs entreprises àl’Europe et à l’international.

Qu’est-ce qu’un pôle de

compétitivité ?

Avant de présenter le partenariat établientre Advancity, Cap Digital etSystematic Paris-Région, rappelons cequ’est un pôle de compétitivité4.

Les pôles de compétitivité ont été créésen 2004 pour mobiliser les facteurs clefsde la compétitivité, au premier rang des-quels figure la capacité d’innovation, etpour développer la croissance et l’emploisur les marchés porteurs.

Un pôle de compétitivité rassemble surun territoire bien identifié et sur une thé-matique ciblée, des entreprises, petites

Florence CASTEL

DirectriceGénérale,Pôle ADVANCITY

Françoise COLAÏTIS

Déléguée Adjointe,Pôle CAP DIGITAL

Dominique POTIER

Conseiller Scientifique,Pôle SYSTEMATICPARIS-REGION

et grandes, des laboratoires de recherche et des établisse-ments de formation. Les pouvoirs publics nationaux etlocaux sont étroitement associés à cette dynamique.

Un pôle de compétitivité a vocation à soutenir l’innovation. Ilfavorise le développement de projets collaboratifs derecherche et développement (R&D) particulièrement inno-vants. Il accompagne également le développement et lacroissance de ses entreprises membres grâce notamment àla mise sur le marché de nouveaux produits, services ou pro-cédés issus des résultats des projets de recherche. En per-mettant aux entreprises impliquées de prendre une positionde premier plan sur leurs marchés en France et à l’internatio-nal, les pôles de compétitivité sont des moteurs  de croissanceet d’emplois.

Un pôle de compétitivité repose  sur un ancrage territorialfort, ici l’Île-de-France, tout en s’appuyant sur les structuresexistantes (tissu industriel, campus, infrastructures collec-tives, etc.). Le recours à une politique foncière et de dévelop-pement urbain propre à assurer un développement cohérentdu tissu industriel, des capacités de recherche publique etdes établissements d’enseignement supérieur sont des fac-teurs positifs de développement du pôle de compétitivité etdu potentiel de ses membres.

Positionnement trois pôles

AdvancityAdvancity est le pôle de compétitivité dédié à la ville durable.Sa mission est de répondre aux grands enjeux de la ville de

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demain en matière d’aménagement, transports et mobilité,habitat et construction, ressources et environnement.Advancity s’appuie sur un écosystème unique pour dévelop-per une offre innovante : un potentiel scientifique, des lea-ders mondiaux dans les produits et services urbains, desentreprises et start-up innovantes.

Les quatre axes stratégiques d’Advancity permettent de cou-vrir tous les champs et thématiques nécessaires pour conce-voir, construire et faire fonctionner la ville. Aboutissement dufonctionnement de tous les autres, l’axe EcoVille traite desquestions d’intelligence territoriale, de compréhension dessystèmes urbains, de planification et de gestion à l’échelle

urbaine et plus généralement de gouvernance urbaine. Ilvise à favoriser l’innovation dans l’élaboration de nouveauxoutils et de nouvelles méthodes pour la conception, la réha-bilitation, l’aménagement et la construction de la ville, l’ex-périmentation de services urbains et de modèles écono-miques innovants.

Cap DigitalCap Digital est le pôle de compétitivité et de transformationnumérique. Il regroupe 800 adhérents : 670 PME, 50 grandesentreprises, 70 écoles, laboratoires de recherche et universi-tés qui sont associés au travers de plusieurs centaines de pro-jets collaboratifs en cours. Une communauté d’investisseursest également très présente pour soutenir les actions dedéveloppement des entreprises.

Les activités de Cap Digital et de ses membres sont dévelop-pées en priorité sur huit marchés principaux dont celui de“smart living” avec plus de 80 membres actifs sur ce marché.Sous l’ombrelle commune de la problématique de la « smartlife », les thématiques abordées couvrent un large spectre : lamodélisation urbaine, les plateformes de systèmes d’infor-mations géographiques et de cartographie, les services degéolocalisation, de gestion de flux, la réalité augmentée, lesplateformes d’immobilier, la gestion de la mobilité, lesréseaux sociaux d’expression citoyenne, le traitement de

données ciblé sur l’optimisation des infrastructures, les éco-nomies d’énergie.

Systematic Paris-RégionSystematic Paris-Région fédère en Île-de-France près de 800acteurs industriels, PME, scientifiques et investisseurs au croi-sement de la filière logiciel et numérique et de huit filièresindustrielles et de services : transports, énergie, sécurité,santé, télécommunications, usine du futur, ville numérique etsystèmes d’information pour les entreprises et les adminis-trations. Depuis sa création, plus de 450 projets d’innovationcollaborative ont été engagés par ses membres pour déve-lopper des nouveaux produits et services à base de numé-

rique dans cesdomaines.Le pilotage et l’ani-mation de la thé-matique Ville &Numérique sontassurés par ungroupe thématiquedédié. Il rassembleprès de 50membres du pôlequi ont retenu troispriorités d’innova-tion : • conception etsimulation numé-riques… du bâti-ment à la ville ; • gestion et super-vision de la ville ; • services aux

citoyens et aux usagers de la ville.

Forces et opportunités du partenariat

«Ville & Numérique»

Un écosystème couvrant l’ensemble de la thématiqueEnsemble, la force de frappe des trois pôles représente plusde 1 500 entreprises dont 200 leaders mondiaux dans lesdomaines de l’environnement, du BTP, de l’ingénierie, desservices aux collectivités, des transports, de l’énergie, destélécommunications, de la création numérique ou encoredes outils et infrastructures numériques.

Ce potentiel entrepreneurial, couplé à celui du monde aca-démique qui regroupe 200 laboratoires, offre des potentielsconsidérables en matière d’innovations.

Parallèlement, l’implication des collectivités territoriales ausein des trois pôles permet de couvrir l’ensemble de la régiond’Île-de-France et d’offrir ainsi des perspectives de mise enplace de projets-pilotes sur les territoires.

Un territoire et des projets exceptionnelsLe projet du Grand Paris et celui du campus Paris-Saclay5

offrent de multiples opportunités d’expérimentation et pour-ront constituer un des atouts de la vitrine des savoir-faire

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français à l’international. Le festival Futur en Seine6, organiséannuellement par Cap Digital, apporte une opportunité d’ex-positions, de rencontres, de débats et de partages avec legrand public sur la vision Ville & Numérique du futur. Les par-tenariats signés entre Advancityet plusieurs établissementspublics d’aménagement (AFTRP, EPA Sénart, EPA Plaine deFrance, APE Marne) permettront la valorisation, sur les terri-toires des innovations mises au point par le partenariat.

Le savoir-faire en innovation ouverteDepuis leur création, les trois pôles ont labellisé et obtenu lessoutiens financiers publics (État et Collectivités territoriales)pour plus de 1  200 projets représentant un investissementcumulé d’innovations de 4,23 millards d’€.Cette dynamique d’innovation ouverte sera mise en œuvreconjointement par les trois pôles pour le thème «Ville &Numérique» sous la forme de réunions communes dédiées àl’émergence de nouveaux projets et de groupes de réflexionouverts sur les sujets les plus critiques.

La capacité de projection européenne et internationaleCap Digital et Systematic Paris-Région sont membres d’ICTLabs7, le KIC (Knowledge & Innovation Communities) consa-

cré au développe-ment de l’innovationen TIC pour la crois-sance économique etla qualité de la vie,dont la vie urbaine etla mobilité. Il estorganisé en treizenœuds qui consti-tuent un réseauunique de coopéra-tion européenne.Advancity estmembre du KICClimate8 et participeactivement au réseauEurbanLab9, désor-mais intégré au seindu World CitiesNetwork. Le pôle estégalement le signa-taire et le pilote d’unaccord avec laBanque Mondiale quiporte sur l’échangede connaissances, larecherche collabora-tive et l’expertise surles systèmes métro-politains durables. Ilvise notamment àfavoriser la formationdes acteurs de la villeen matière de planifi-cation stratégique etfinancement du

développement urbain durable, transports, énergie et inno-vation dans une quinzaine de pays émergents faisant partiedu Global Lab on Metropolitan Strategic Planning(MetroLab) de la Banque Mondiale.

Conclusion

Le partenariat «Ville & Numérique» a pour mission d’être auservice de l’ensemble des acteurs de la ville (collectivités,industriels, opérateurs, chercheurs, etc.) confrontés à la trans-formation numérique. Il agit en mettant à leur disposition sescapacités d’animation, de réflexion et d’innovation parta-gées. Couvrant par la diversité de ses compétences et activi-tés l’ensemble des enjeux de la ville et du numérique, ilconstitue une des initiatives les plus importantes en Europesur ce domaine. ■

1 Voir www.advancity.eu 2 Voir rwww.capdigital.com 3 Voir www. systematic-paris-region.org4 Voir competitivite.gouv.fr/5Dossier Grand Paris, La Revue des Ingénieurs des Mines, n° 471, janvier-février 2014.

6 Voir www.futur-en-seine.fr 7 Voir www.eitictlabs.eu 8 Voir www.climate-kic.org 9 Voir eurbanlab.eu

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UrbanEra®, une fabrique urbainesur mesure au service des collectivités

Un enjeu clé de développement et d’attractivité

Les villes françaises sont confrontées à de nombreux défis : • Des défis démographiques (en 2050, 75% de la population

mondiale vivra en ville).• Des défis environnementaux (raréfaction des ressources

locales, réchauffement climatique, etc.).• Des défis économiques et sociaux (vieillissement de la

population, précarité énergétique, etc.).

Avoir une approche en termes de smart city, qu’il s’agisse denouveaux quartiers ou de rénovation urbaine, relève d’unedouble logique : • Concevoir la ville autrement, avec une approche plus inté-

grée et plus participative. • Intensifier le recours aux technologies dans la gestion quo-

tidienne et stratégique de la ville.

Les tendances de la ville durable font apparaître des besoinsauxquels les logiques « smart » peuvent mieux répondre, enmatière énergétique, financière, sociale, démographique, enmatière de déplacement et de forme urbaine.

Un sujet majeur :

l’optimisation de la dépense publique

Les logiques «smart» permettent, en premier lieu, d’écono-miser de l’investissement en capital et/ou d’améliorer leretour sur investissement des infrastructures et services déjàexistants.

Le «smart» peut permettre de mieux gérer les pics de deman-de. Et l’on sait que ce sont ces pics qui tendent à dicter ledimensionnement des infrastructures, alors même que le picn’est qu’un moment dans la journée / dans l’année. Sur lemodèle des «smart grids», la numérisation et l’intercon-nexion permettent de synchroniser ou désynchroniser, selonles cas, les comportements des usagers afin de lisser la char-ge, et donc d’éviter les pics.

Le «smart» doit également permettre de mieux valoriser lescapacités en excès et ainsi économiser en faisant collaborer.Le recensement, la mise en commun et l’utilisation de cescapacités en excès permettraient de développer des parte-nariats gagnant-gagnant-gagnant entre les villes (ayant desbesoins mais des moyens limités), les habitants (ayant à lafois des besoins, des demandes et des excédents) et lesentreprises (disposant généralement de ces capacités nonvalorisées). Par exemple, des solutions de parkings mutuali-sés, utilisés alternativement par les entreprises et les rési-dents des copropriétés résidentielles, permettent d’optimiserl’utilisation des places de parking privatif et de réduire le sta-tionnement en surface.

Des démonstrateurs de tel quartier durable existent déjà : ilsadressent de manière holistique l’ensemble des thématiques(énergie, mobilité, services de proximité, traitement des eauxet des déchets, etc.) pour aller chercher la performancedurable et des modèles économiques innovants et rentables,sur le quartier en lui-même et sur les territoires voisins.

Ces solutions d’excellence doivent faciliter la mise en œuvrede projets d’aménagement urbain intégrés, allant du « mas-ter plan » initial, prévoyant une gestion optimisée des flux(flux de personnes, de marchandises, de déchets, des fluides,etc.), jusqu’aux méthodes de construction en rupture allianttechnologies et design (immeubles à énergie positive, effica-cité énergétique) en passant par l’ingénierie de pointe (smart

grids, traitement local des eaux et déchets, recyclage, etc.) etpar le pilotage optimal de l’ensemble dans la durée, avec desengagements de performance.

UrbanEra®, une fabrique urbaine sur mesure

au service des collectivités

À travers sa démarche UrbanEra®, Bouygues Immobilieraccompagne les collectivités locales dans leurs projetsurbains durables. UrbanEra® répond aux enjeux actuels de laville durable tout en favorisant le développement écono-mique des territoires et en améliorant la qualité de vie deshabitants.

Du diagnostic initial au pilotage opérationnel du quartier,UrbanEra® a pour ambition d’optimiser l’ensemble des para-mètres du quartier durable à travers une approche innovan-te dans chaque domaine, tout en privilégiant la dimensionhumaine et en favorisant une forte implication des usagers.

Pour cette démarche sur-mesure, sont instaurés pour chaqueprojet, en accord avec les partenaires locaux, des objectifscibles d’excellence et des engagements mesurables pris dansla durée.

Dossier VILLES CONNECTÉES

Jean-RaphaëlNICOLINI

Directeur UrbanEra®,Bouyges Immobilier

ChristianGRELLIER

Directeur Open Innovation,Bouyges Immobilier

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Ces engagements dans la durée seront garantis par unconsortium d’acteurs industriels et de startups, créé dès lelancement du projet pour s’assurer que, dès la conception,les enjeux de performance à long terme seront pris en compte.

UrbanEra® prévoit la mise en place d’une gouvernance del’opération associant en amont les partenaires socioécono-miques et associatifs ainsi que les habitants et les futurs usa-gers. Cette gouvernance est développée à travers les outilsd’information et de concertation, ainsi que des modes opé-ratoires générant propositions et initiatives.

UrbanEra® repose sur sept piliers : • Mettre en œuvre un pilotage énergétique au niveau du

quartier.• Favoriser les mobilités alternatives pour les déplacements

contraints.

• Conjuguer confort, per-formances énergé-tiques et qualité archi-tecturale.

• Créer du lien grâce auxservices de proximité etaux services numé-riques.

• Développer uneapproche globale ducycle de l’eau pour enréduire sa consommation.

• Réduire l’impact et le coût de la gestion des déchets tout aulong du projet.

• Développer une approche intégrée de la nature en ville,facteur de qualité de vie.

Quartiers durables, quatre réalisations pionnières

Des éco-quartiers pionniers ont déjà intégré concrètement ces différents enjeux :

Dossier VILLES CONNECTÉES

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IssyGrid®, un concentré des savoir-faire de la ville

durable

Pour anticiper les évolutions réglementaires et technolo-giques du modèle énergétique de demain, nous avons lancéune initiative public/privé pour mieux comprendre lesenjeux énergétiques urbains et définir le modèle écono-mique de ce nouvel écosystème.

• Opérationnel dès mi-2013 sur un quartier existant, notam-ment sur les aspects énergétiques et mobilité.

• Équipe constituée d’acteurs majeurs (Alstom, Bouygues,ERDF, EDF, Microsoft, Schneider, Stéria, Total) et de startupslocales (Embix, Ijenko, Navidis, Sevil).

• Auto-financé par le consortium d’industriels sur les pre-miers enjeux énergétiques, extensible par financementpublic sur les autres enjeux de la ville durable.

Nanterre - Cœur de Quartier, le premier quartier

mixte, préfigurateur du Grand Paris

Aux portes de La Défense et du pôle universitaire deNanterre (35 000 étudiants), UrbanEra® a été choisi pourconstruire Cœur de Quartier, un nouveau pôle de vie.L’ambition est de donner naissance à un éco-quartier intelli-

gent et cohérent, pouvant servir de modèle au Grand Paris.

Véritable évènement urbain, Cœur de Quartier réconcilie leshabitants avec leur territoire en créant la nouvelle centralitéqui lie l’Université aux quartiers d’habitation dans le prolon-gement de l’axe historique Louvre-Défense. L’opérationrésorbera en profondeur l’impact des infrastructures, en lienavec la future gare multimodale «Nanterre Université»,aujourd’hui en travaux.

Dossier VILLES CONNECTÉES

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UrbanEra® répond aux attentes de la collectivité et de seshabitants avec un programme mixte offrant une diversitéd’usages autour d’un bâtiment emblématique : le Forum. Cecondensé de culture, de loisirs et de création numérique s’ar-ticule avec une offre commerciale continue en pied d’im-meubles et une véritable théâtralisation du commerce depied d’immeuble en double hauteur. Enfin l’approche globa-le et durable à l’échelle du quartier, s’appuie sur une archi-tecture exigeante et une forte mutualisation des services.

De très nombreux partenaires participeront au succès de ceprojet : Cap Cinéma pour le pôle Cinéma, Le CubeNumérique pour la création du pôle numérique, EDF OS pourl’approche énergétique ainsi qu’Embix et Green Affair.

Dans le domaine des lieux partagés, Bouygues Immobilierpropose également une approche originale : NextDoor®.

NextDoor® est une solution résolument tournée vers l’avenirdes télécentres urbains, tiers-lieux tertiaires connectés, c’est-à-dire équipés de solutions informatiques et de communica-tion mis à disposition des télétravailleurs, à même d’apporter

les réponses les plus pertinentes aux problé-matiques de mobilité domicile/travail pourtous types de travailleurs (salariés de grandesentreprises, de PME, de TPE ainsi que les indé-pendants). NextDoor®, c’est aussi et surtout une offre detélécentres organisés en réseau, au moinspour le marché francilien, afin d’apporter unservice de qualité uniforme et de permettreune personnalisation des espaces de travailpour les entreprises en cohérence avec ladurée des engagements locatifs. La clé de l’attractivité de ces télécentres résideen premier lieu dans leur positionnement auplus proche des nœuds de transports urbains(gares, etc.), mais aussi dans la qualité de l’en-vironnement de travail s’appuyant sur unspace planning innovant, et, stimulant et pro-posant une gamme de services diversifiés etadaptés à l’accueil de tous types de télétra-vailleurs.

La diversité des espaces et des services propo-sés est un point fort des télécentres NextDoor :

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Mais que veulent les citadins et les usagersde la ville ? Une ville élégante et désirable

Les deux espaces publics

C’est entendu : la ville intelligente rendra tout plus efficace.Elle chassera les consommations inutiles, les remplacera pardes conseils comportementaux, des solutions palliatives, desscénarios optimisés de substitution. Les citoyens seront enpermanence informés de la meilleure façon d’utiliser leurenvironnement immédiat, d’optimiser leurs parcours, de faireplusieurs choses à la fois tandis qu’ils seront invités à utiliserleur corps différemment  : moins de gras, plus de mouve-ments, gestion en temps réel des calories, etc., et toujours demultiples possibilités pour gagner du temps.

Et si l’homme hyper connecté n’avait pas toujours envied’être hyper efficace ? Car sait-on vraiment ce que veulent lescitadins et les usagers de la ville ? Plusieurs signaux laissent àpenser qu’ils veulent de plus en plus vivre deux temps à lafois  : un temps efficace, optimisé, et à l’inverse un tempsimprévu, incertain, aléatoire. On ne sait pas encore si les deux temps sont corrélés, si unexcès de l’un entraîne une croissance de l’autre, mais l’onpeut constater aujourd’hui que le second, en matière detechnologies, rattrape très vite le premier : petit voyage dansla compétitivité par l’inefficacité !

Prenons le cas de la mobilité. L’optimisation des temps deparcours et des chaînes de mobilités sont acquis tandis quela connaissance des mobilités s’affine grâce aux technologies

Laurent VIGNEAU

Directeur du départementDéveloppement territorialet MobilitésARTELIA Ville & Transport

Patrick VICERIAT (N86)

Directeur expert Tourisme,Loisir et CultureARTELIA Ville & Transport

et au big data, avec quelques surprises de taille comme l’in-variance des temps moyens de transports depuis 40 ans et laminorité des motifs dits économiques : travail, livraisons, etc.

Ainsi, une grande partie des mobilités n’est plus liée auxtemps de parcours. Mobilités ludiques, divagations urbaines- promenades - shopping non contraint - horaires variables,etc., modifient le rapport des urbains à la mobilité et auxespaces publics. Ces urbains majoritaires préféreront au gainde temps d’autres valeurs comme la garantie des horaires, leconfort, l’agrément de l’itinéraire, les ambiances et atmo-sphères, la sécurité et la propreté.

Le vieillissement moyen des citoyens ne fera qu’accentuercette recherche de mobilités «inefficaces» tant qu’elles sontplus «agréables».

De façon plus globale, les technologies doivent désormaisintégrer l’existence de deux espaces publics : l’espace publicréel et l’espace public numérique. L’espace public numérique,à travers les réseaux sociaux et les liens Internet, a volé auxespaces publics réels bon nombre de ses fonctions histo-riques : faire ses achats, jouer, discuter avec ses amis sont lesplus évidents. Il y a donc aujourd’hui une concurrence entreles deux espaces publics.

Dans ces conditions, que peut proposer l’espace public réelque ne peut pas proposer l’espace public numérique  ? Lademande des urbains dans les usages de la ville évolue rapi-dement vers le sensible, l’agrément, le sentiment, l’expérience :la ville élégante et désirable ne peut pas se vivre sur le net !

Les technologies de l’inefficacité

Les signaux des nouvelles attentes dans les espaces publicsréels sont multiples : on citera cette start-up de Barcelone quidéveloppe une navigation GPS qui ne donne pas le cheminle plus court, mais le plus beau  ; ou bien encore les expé-riences de l’artiste Christian Boltanski dans le ParcMontsouris avec l’installation sonore intitulée Murmures,sortes de boîtes cachées sous les bancs qui diffusent les enre-gistrements de confessions amoureuses d’étudiants étran-gers (la Cité universitaire internationale est à côté).

Dans un autre registre, l’expérience urbaine moderne renfor-ce le sentiment d’adhésion à un groupe «réel» comme la pos-sibilité de changer la couleur de l’éclairage d’un bâtiment au-delà d’un certain nombre de clics sur plusieurs portables.

La connaissance urbaine des lieux traversés est égalementfavorisée avec les flash codes urbains  : on entre ici dans lasphère de la culture avec un accès instantané à la significa-tion des noms des rues, de leur histoire, ou bien des caracté-

Patrick VICERIAT (N86) - Laurent VIGNEAU

Les auteurs du présent article travaillent à la fabrication des territoirescontemporains en intégrant les enjeux environnementaux, humains et éco-nomiques comme le tourisme, les loisirs et la culture qui caractérisent lafabrique urbaine française. Ils se consacrent plus particulièrement au casdu Grand Paris et travaillent sur plusieurs éco-cités, en France et à l’inter-national.

Dossier VILLES CONNECTÉES

Article publié avac l’aimable autorisation de la Revue TGC

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ristiques architecturales des bâtiments : la ville se lit commeun livre ouvert.

Les technologies ont aussi autorisé la multiplication desGreeters, en français «hôtes». Les Greeters sont des bénévolesamoureux et passionnés de leur ville ou de leur région quiont plaisir à accueillir des visiteurs comme ils accueilleraientdes amis. Ils offrent de leur temps pour découvrir les endroitsqu’ils aiment, raconter leur histoire, leur quartier ou village etpartager leur façon de vivre le quotidien. C’est une nouvelleforme de tourisme participatif. En 20 ans, il est devenu une«marque» mondiale. En France, des associations de Greetersse sont créées dans plusieurs villes et territoires  : Paris,Nantes, Strasbourg, l’Aisne, la Normandie, etc. L’association«Parisien d’un jour, Parisien toujours» a été lancée en 2007.Depuis, 5 800 visiteurs de plus de 80 nationalités différentesont pu découvrir Paris à travers les balades de bénévoles.

Pour la French Tech de l’inefficacité urbaine

Aucun pays autre que la France n’a su et ne pourra revendi-quer un usage «inefficace» de l’espace urbain reconverti enrichesse nationale majeure : première destination mondiale,forte de sa ville monde (Paris), de ses métropoles et de ses250 villes moyennes, la France cultive un art de vivre qui,pour tous les envieux qui nous regardent, s’exprime dans un«art de villes» unique, symbolisé par le luxe, la mode, la beauté,l’amour, la vie, la santé, avec un enjeu économique majeur :en Île-de-France par exemple, le tourisme représente 7 à 8%du PIB et 500 000 emplois directs.

Aucun autre pays ne porte une telle diversité de villes orga-nisées sur un maillage pluri-millénaire du territoire : villes desplaines, fluviales, littorales, montagnardes, forestières,anciennes et modernes  : souhaitez-vous un inventaireexhaustif des villes agréables  ? Venez en France. Ajoutez-yl’outre-mer, et vous avez également les villes tropicales - etquel est leur point commun ? Un art de ville et de vivre à lafrançaise mondialement reconnu.

Ce terreau exceptionnel, porteur d’une créativité urbaine dehaut niveau tant historique qu’actuelle - comme le tramwayà la française ou l’éclairage des monuments - est curieuse-ment peu exploité, notamment à l’export. Il devrait susciterbeaucoup d’énergie dans la recherche des nouvelles techno-logies capables d’amplifier les usages «élégants et dési-rables» de la ville selon quelques pistes ici proposées.

L’accompagnement des touristes est déjà une spécialité fran-çaise avec des sites comme «Ze Visit» ou «Cityzeum» (voirencadré) relayés éventuellement par des flash codes urbains.Cette avance devrait trouver des suites logiques dans desoutils amplificateurs de patrimoine ou amplificateurs d’am-biances urbaines - ils sont encore à développer avec une uti-lisation moins «encyclopédique» que ce que l’on trouveaujourd’hui.Peu de technologies de l’espace public travaillent aujour-d’hui sur nos cinq sens qui resteront peu sollicités dans l’es-pace numérique  : bientôt les technologies des odeurs, desambiances sonores ou du goût en tant que révélateurs desespaces à vivre dans la ville ?

Les mobilités ludiques s’inscrivent pleinement dans le choixdes transports et dans la promotion des chaînes multimo-dales : se déplacer comme si c’était un jeu deviendra à moyenterme un élément important des choix des modes et des iti-néraires : les villes françaises se prêtent à merveille à ce petitjeu.La connaissance historique, patrimoniale et architecturaledes espaces que l’on pratique, pour les enfants et les adultes,fait également partie des développements importants endevenir.

Une cible majeure pour le Grand Paris

Le Grand Paris va conforter l’armature de la première desti-nation du monde. Il va radicalement bouleverser les liaisonsentre les aéroports, les hauts lieux touristiques et l’offre hôte-lière. Il va aussi révéler de nouveaux carrefours touristiquesqui prendront le relai du patrimoine pour inventer l’attracti-vité touristique de demain.En parallèle, les loisirs des franciliens seront également tota-lement reconfigurés par les nouvelles accessibilités des équi-pements, des parcs et des zones naturelles.

Tourisme et loisirs sont souvent confondus. Ils peuvent eneffet être très complémentaires comme dans le Grand Parisoù l’industrie touristique sert à satisfaire une partie des loisirsdes Franciliens et inversement.

Les citoyens du Grand Paris, qui profitent des équipementstouristiques, sont également davantage ancrés dans la «civi-lisation des loisirs»  : ils combinent avec adresse les deuxtemps d’optimisation et de «ville lente» à travers des espacesou des temps de repos, distractions, arts et culture qui serontconfortés par leur âge croissant.

Ainsi, les nouvelles technologies de la ville élégante et dési-rable peuvent-elles faire coup double en entraînant à la foisles visiteurs et les habitants dans une nouvelle appréhensionet de nouveaux usages des espaces publics  : il s’agit là del’enjeu majeur de la ville durable et intelligente que de pro-poser des solutions qui profitent à tous - et peut-être mêmede la ville durable à la française que de pouvoir l’expérimen-ter immédiatement.

Nous réalisons depuis plusieurs mois une importanterecherche sur la capacité du Grand Paris à maintenir la régionen tant que première destination mondiale tout en amélio-rant le rendement économique de cette activité.

Les premiers résultats portent sur la nouvelle organisationterritoriale à encourager, mais l’analyse fine des concur-rences mondiales entre métropoles conclut sur l’importancede coupler l’image française d’un espace public très «gla-mour» porté par le patrimoine à une révolution technolo-gique qui amplifie cette image tout en la simplifiant.

S’ouvrent ainsi les champs précédemment évoqués, maisque l’on peut déployer à grande échelle avec le Grand Paris,des mobilités ludiques, des espaces poétiques ou des lieux àvivre différemment.

Dossier VILLES CONNECTÉES

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Comme disait Prévert

En conclusion, il y aurait sûrement intérêt à promouvoir enFrance quelques incubateurs ou démonstrateurs qui exploi-tent pleinement nos atouts historiques et culturels, déjàreconnus au niveau mondial. On se met à rêver d’une ville oùles parcs seraient spécialisés dans les bancs qui récitent despoésies ou des citations, des rues qui nous parlent desimpressionnistes ou des surréalistes, des itinéraires «à lacarte» basés sur un temps de parcours aléatoire, d’un restitu-teur des odeurs, d’une ambiance sonore des lieux selon sonchoix de l’époque historique, d’une prise de photo dont ledécors change en fonction de la date de son choix, etc., l’ima-gination est sans limite.

Ainsi les technologies qui optimisent le temps rejoindrontpeut-être celles qui en font un moment intemporel en nous

donnant par exemple à entendre, dans le parc Montsouris,quelques mots de Prévert qui prouvent bien qu’à Paris, letemps peut vraiment s’arrêter pour une petite seconded’éternité.

« Des milliers et des milliers d’annéesNe sauraient suffire

Pour dire la petite seconde d’éternitéOù tu m’as embrasséOù je t’ai embrassée

Un matin dans la lumière de l’hiverAu parc Montsouris à Paris

À ParisSur la terre

La terre qui est un astre».

Jacques Prévert ■

Ze Visit et Cityzeum :

deux des nombreux portails français dédiés au tourisme

«  Ze Visit  »  : Découvrir une ville ou un quartier àpartir de son smartphone avec l’appli audio ZeVisit. Vox inzebox est une agence numérique de promo-tion des destinations touristiques, et un éditeur decontenus et packageurs de solutions mobiles.Depuis 13 ans, Vox inzebox produit des contenusmultimédia (4 500 destinations couvertes), conçoitdes applications mobiles sur toute plateforme (150applications développées), et assure le marketingdes destinations pour leur donner la plus grandevisibilité (plus de 4 millions d’utilisateurs chaqueannée). Depuis 2013, Vox inzebox a complété sonoffre avec l’édition de livres en rachetant les édi-tions Dakota (67 titres et 50 000 livres venduschaque année) et a passé un accord de partenariatavec Prisma Presse pour développer l’applicationGEO audioguides.

Cityzeum est un site proposant de télécharger gra-tuitement des guides touristiques concernantquelques destinations touristiques prisées : Paris,Rome, Barcelone, Amsterdam, ….La particularitédes services proposés par Cityzeum est que l’onpeut installer les cartes et différents guides numé-riques sur un smartphone afin de pouvoir lesconsulter n’importe où, et n’importe quand.Cityzeum Paris propose plus de 2000 visites àdécouvrir sur le site, passant par des musées, dushopping, des restaurants, lieux de détente, placeset rues, etc., tout ça gratuitement.

Dossier VILLES CONNECTÉES

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Innovation et villes durables :repères pour l’action

La genèse : une démarche collaborative

Le vademecum «Innovation et ville durable : repères pourl’action» est né à l’initiative du Pôle de CompétitivitéAdvancity, il est issu d’un partenariat avec le ministère del’Écologie, du Développement Durable et de l’Énergie(MEDDE) et la Caisse des Dépôts.

Le vademecum résulte d’une étude qui a été conduite demars 2014 à novembre 2014, par un consortium composé ducabinet de conseil en stratégie CMI (coordinateur), du cabi-net d’avocats Seban & Associés, spécialisé en droit public etde l’Institut français des sciences et technologies des trans-ports, de l’aménagement et des réseaux (IFSTTAR).

La démarche mise en œuvre a été caractéristique de l’ap-proche classique d’Advancity, fondée sur la collaborationentre les acteurs ; elle a ainsi permis d’associer :• Dix organisations reconnues dans le champ de la ville

durable, qui ont mis en commun leurs connaissances etleurs réseaux au sein d’un comité de pilotage,  et qui ontapporté de nombreuses contributions à ce document :Advancity et plusieurs de ses membres (CSTB, CEREMA, EPAMarne), DRI (CGDD), Caisse des Dépôts, MLETR, AFEP,CGEDD (MEDDE, MLETR), CGET, DRIEA.

• Un groupe de travail pilote composé d’opérationnels decollectivités et maîtres d’ouvrage publics (Communautéurbaine de Strasbourg, EPA Marne, EPA Alzette Belval,Grand Lyon, Région Île-de-France, Rennes Métropole,SERM Montpellier, ville de Grenoble) et d’entreprises (LaPoste, Orange  ; Nomadic solutions et Veolia, membresd’Advancity), qui ont accepté de nous faire part des freinsqu’ils rencontrent au quotidien et de jouer le rôle «d’utilisa-teurs test» du vademecum, permettant de l’inscrire dès laphase amont de son élaboration, dans un processus d’amé-lioration continue.

Après une phase d’identification des besoins priori-taires des opérationnels et des enjeux méthodolo-giques liés à l’innovation urbaine, 15 études de casapprofondies ont été menées, pour identifier desbonnes pratiques. Plus d’une trentaine d’entretiensont également été conduits avec des experts et desresponsables du terrain.

Des enjeux importants

Alors que les centres urbains concentrent l’essentieldes émissions de gaz à effet de serre et sont appelés

à croître rapidement de deux tiers de la population mondia-le d’ici 2050, le récent rapport du GIEC nous rappelle l’urgen-ce d’agir en faveur de villes plus durables. En France, l’urbainreprésente déjà 80 % de la population, 75% de l’énergie fina-le consommée et deux tiers des émissions des gaz à effet deserre.

Pour cela, il est nécessaire de continuer à développer desinnovations dans de nombreux domaines comme laconstruction, l’énergie, les mobilités, les réseaux numériques,mais aussi les modèles économiques, les comportements etles modes de vie. L’innovation portera plus sur la manière dedéployer les nouvelles technologies au profit des collectivi-tés que sur les technologies elles-mêmes qui sont pour laplupart matures. L’innovation et l’implantation de projets-pilotes ou démonstrateurs dans les milieux urbains sont ainsiau cœur d’un processus qui permettra de valider des pra-tiques et objets urbains nouveaux, à forte utilité sociétale.Les retours d’expérience sur ces projets-pilotes ou démons-trateurs seront essentiels pour consolider notre connaissanceet notre capacité à réaliser les villes durables du XXIe siècle.

Innover dans la ville, au bénéfice de ses habitants, c’est doncagir pour répondre directement aux défis environnementauxet sociétaux. Maisl ’ i n n o v a t i o nurbaine soulèvede nombreusesquestions d’ordreméthodologiqueet impose unbouleversementdes pratiquesactuelles, alorsque les technolo-gies sont là. C’estpourquoi cevademecum sepropose d’appor-

Le cas d’Amsterdam

Le programme Amsterdam Smart City,lancé en 2009 via une collaborationpublique-privée, apermis de financer16 projets pilotes(smart grids, opendata, habitat etquartiers durables,tiers-lieux, etc.) quiont permis d’éco-nomiser à fin 2011 : 71 ktonnes de CO²,soit l’équivalent de 7% des ambitionsfixées par la ville : réduire de 40% lesémissions de CO² d’ici 2025 par rapportà 1990.

Dossier VILLES CONNECTÉES

Marie-AlexandraCOSTE

Caisse des dépôtset consignations

Vanessa CORDOBA

CMI

Valérie WATHIER

Ministère de l'écolo-gie, du développe-ment durable et del'énergie

Michel RAY

ADVANCITY

18 Mines Revue des Ingénieurs #478 Mars/Avril 2015

Page 16: revue ville connectées bis · 2018-08-13 · Climat, énergie, économie, urbain : les enjeux croisés de la ville connectée Aujourd’hui pour mettre en œuvre leurs projets, les

ter de premiers éléments de réponse et de réflexion sur septenjeux méthodologiques clés qui constituent autant de défispour les acteurs locaux (managers des Collectivités, maisaussi aménageurs, entreprises, acteurs académiques, asso-ciations, financiers).

Les sept enjeux méthodologiques :• Mettre en place une gouvernance partenariale et une stra-

tégie partagée en matière d’innovation et d’expérimenta-tion urbaine.

• Mettre en place une organisation dédiée, des compétencesadaptées et diffuser une culture de l’innovation urbaine.

• Impliquer les habitants-usagers-consommateurs et renfor-cer l’acceptabilité des démarches d’innovation urbaine.

• Éaborer les modèles économiques soutenables pour fairela ville durable à un coût acceptable pour tous.

• Financer les démarches d’innovation urbaines.• Choisir les leviers juridiques adaptés, les modes de gestion

de la propriété intellectuelle et gérer les risques.• Évaluer et mettre en avant les conditions de déploiement

et de duplication des innovations urbaines.

Le vademecum en bref

Le vademecum commence par faire un état des lieux duconcept d’innovation urbaine, des acteurs concernés, des ini-tiatives existantes et des enjeux associés.Puis il se structure en trois grandes parties méthodologiques,qui visent à organiser le propos de façon logique, même si laréalité du terrain est souvent bien plus progressive et itérati-ve :• Partie I : Co-construire un cadre propice à l’innovation

urbaine.• Partie II : Monter des projets de démonstrateurs urbains.• Partie III : Évaluer, systématiser et capitaliser les innovations

urbaines.

Partie I : co-construire un cadre propice à l’innovationurbaine

La partie I donne des clés méthodologiques pour construireun cadre porteur en matière d’innovation urbaine.

Tout d’abord, on «n’innove pas pour innover», mais pourrépondre à un ensemble d’enjeux et de finalités collective-ment déterminés, au niveau d’un territoire. Si le portage poli-tique semble un élément déterminant de la réussite, les villesles plus avancées sont aussi celles qui ont clairement définiun cap en matière d’innovation urbaine, en chiffrant lesbénéfices attendus pour les différentes parties-prenantes eten allant jusqu’à identifier des zones dédiées à l’expérimen-tation au sein de l’espace urbain.

Par ailleurs, la mise en œuvre d’innovations urbaines exigeune plus grande collaboration entre des acteurs publics, pri-vés et citoyens-utilisateurs, ainsi qu’une plus grande intégra-tion des différents «métiers» urbains (eau, déchets, mobilité,habitat, etc.), comme l’illustre le cas des quartiers à énergiepositive. Le vademecum donne des clés pour mettre en placedes gouvernances et organisations collaboratives etouvertes.

Enfin, le vademecum formule un certain nombre de recom-mandations, et cite des bonnes pratiques, pour adapter lescompétences, les outils et les modes de management, à l’en-jeu de l’innovation urbaine.

Partie II : monter des projets pilotes urbains  : l’outillageméthodologique

Cette partie est consacrée au montage technique, juridique,économique et financier de projets concrets de «démonstra-teurs urbains», dont les modalités sont fortement dépen-dantes de la «posture» qu’adopte la collectivité vis-à-vis de ceprojet :

• Posture 1  : la collectivité met à disposition un espace

pour tester des innovations

Le vademecum donne des clés pour mettre en place unprocessus structuré de soutien à l’expérimentation. Celapasse par la création d’une cellule ou organisation dédiée,la définition d’un processus opérationnel de détection,sélection et d’accompagnement des «projets d’expérimen-

Barcelone, le Grand Lyon et Paris s’appuient sur des équipesdédiées, spécialistes de la mise à disposition de l’espace public,pour expérimenter des projets pilotes.

Dossier VILLES CONNECTÉES

19Mines Revue des Ingénieurs #478 Mars/Avril 2015

Page 17: revue ville connectées bis · 2018-08-13 · Climat, énergie, économie, urbain : les enjeux croisés de la ville connectée Aujourd’hui pour mettre en œuvre leurs projets, les

tation» et l’organisation juridique de la mise à dispositionde l’espace public, par une convention adaptée.

• Posture 2 : la collectivité initie la mise en œuvre d’inno-

vations urbaines

Le vademecum formule des recommandations pour per-mettre aux collectivités d’actionner le levier de la comman-de publique, des contrats de délégation de services publicsgrâce à des clauses particulières et des consultations d’opé-rateurs (dans le cas de vente de charges foncières) pourdévelopper les innovations urbaines. Il formule égalementdes recommandations pour optimiser les coûts de mise enœuvre ou d’achat des démonstrateurs et de bâtir desmodèles économiques pérennes.

• Posture 3  : la collectivité co-développe des innovations

urbaines

Le vademecum formule des propositions visant à structu-rer un écosystème de partenaires innovants potentielle-ment prêts à s’engager dans un processus de co-innova-tion. Il donne également des éléments méthodologiquespour gérer, d’un point de vue juridique, ces formes de par-tenariat d’innovation entre collectivités et entreprises, ainsique pour financer un projet collaboratif d’innovation urbaine.

Zoom sur la ville intelligente

Enfin, la question de la ville intelligente fait l’objet d’un déve-loppement spécifique, sur les questions ayant trait à la sécu-risation et à la mise à disposition des données publiques etprivées, à l’open data et à son modèle économique, à l’inter-opérabilité entre les systèmes et à la standardisation des cap-teurs, données et services créés.

Partie III : évaluer, systématiser et capitaliser les innova-tions urbaines

La partie trois est consacrée à l‘évaluation des démonstra-teurs et la capitalisation des enseignements issus des expéri-mentations, en vue d’une reproduction des innovationsurbaines, qui sont des étapes clés aujourd’hui mal ou peuréalisées en France, souvent par manque d’outils adéquats.Le présent vademecum est complété par deux notes d’ap-profondissement sur deux points particulièrement difficiles :les outils juridiques et l’évaluation.

Types d’utilisation et perspectives

Ce vademecum peut donc aider les acteurs, notamment à :• Diminuer les risques et savoir mieux profiter des bonnes

pratiques existantes.• Faciliter l’efficience collective de ce type de démarche com-

plexe et multiacteurs.• Accélérer le développement des projets pilotes et des

démonstrateurs français.• Rendre les innovations urbaines plus facilement dupli-

cables ailleurs.• Faciliter la compétitivité à l’export.

Un opérationnel mentionnait : «C’est une boîte-à-outils, trèsutile, qui tombe à point».

L’observation des meilleures pratiques étrangères (ex. réseauespagnol des villes intelligentes) et du contexte françaisactuel (aucun candidat français retenu en 2014 à l’appel àprojets européen Smart Cities and Communities) mettent enrelief le besoin urgent de structurer et d’animer une commu-nauté nationale sur le thème de l’innovation urbaine. La pré-figuration de l’Institut pour la Ville Durable constitue de cefait un premier pas important en ce sens, l’effort doit êtrecontinu et collectif.

Les contacts

Le vademecum sera disponible en PDF sur le site du pôleADVANCITY : www.advancity.eu• Michel Ray, Advancity : [email protected]• Valérie Wathier, MEDDE : valerie.wathier@developpement-

durable.gouv.fr• Marie-Alexandra Coste, Caisse des Dépôts  : marie-alexan-

[email protected] vademecum et sa synthèse ont été rédigés par les cabi-nets CMI, coordonnateur du groupement (VanessaCordoba), SEBAN & ASSOCIES (Cécile Fontaine) etl’IFSTTAR (Bérangère Lebental). ■

Dossier VILLES CONNECTÉES

La Communauté Urbaine de Strasbourg a développé un pro-cessus innovant pour encadrer une consultation d’opérateursvisant la construction d’un ilot résidentiel «bois», énergétiquementperformant, afin de s’assurer un niveau de performances bien au-dessus des standards habituels : rédaction du cahier des chargesavec les pôles de compétitivité ; protocole d’accord de 18 moisavec les équipes retenues, permettant de nombreuses interactionsen «work shops» et avec un cercle d’experts.

Nice a mobilisé l’article 3.6 du code des marchés publics pourdévelopper des collaborations avec des entreprises privées etmettre en application son programme «Smart and SustainableMetropolis».

Le Partenariat pour l’innovation, issu d’une nouvelle directiveeuropéenne, va permettre à une collectivité d’acheter une solutioninnovante co-développée avec un partenaire privé, sans remise enconcurrence préalable.

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Favoriser les innovations urbaines grâceau nouveau «Partenariat d’Innovation»

L’innovation urbaine est un des leviers à la dispositiondes agglomérations françaises pour relever les grandsenjeux énergétiques et écologiques, auxquels elles

sont confrontées.

Pourtant, le code des marchés publics n’incite guère lesentreprises à répondre aux appels d’offres de recherche etdéveloppement lancés par les collectivités territoriales.

Une prise de risque sans garantie

Lorsqu’une collectivité territoriale veut faire réaliser un bienou service innovant, voici, les étapes qu’elle doit respecter :• Dans un premier temps, après avoir constaté qu’aucun pro-

duit en vente sur le marché ne résout son problème, ellepasse un premier marché de recherche et développement(avec ou sans mise en concurrence).

• Elle sélectionne plusieurs entreprises, qui vont réaliser lesétudes de faisabilité, et les rémunère pour leurs travaux, etnon pour leur résultats.

• En fonction des résultats, elle commande un prototype auxentreprises sélectionnées.

• Puis, en retenant au moins deux des entreprises lui ayantprésenté des prototypes, elle commande une série test.

• Enfin, à l’issue de cette phase, elle doit impérativement lan-cer un appel d’offre d’Achat Public Avant Commercialisation

(APAC), avec mise enconcurrence obligatoire,pour l’acquisition du bienou service innovant pour-tant produit en phase deR&D.

Vous avez dit frileuses ?

C’est là que le bât blesse : l’en-treprise qui a réalisé avec suc-cès la phase de recherche etdéveloppement ne peutaujourd’hui directementvendre le fruit de sesrecherches à la collectivitéqui l’a mandatée. Elle doit sesoumettre à ce stade, à un appel d’offre et risque donc de nepas remporter un marché pour un produit qu’elle a pourtantspécifiquement développé pour ce client, si la pondérationdu prix dans l’analyse des offres est trop élevée.

Plus grave encore, l’entreprise risque de voir le fruit de sesinnovations dévoilées, par maladresse, dans le cahier descharges rédigé par la collectivité, avant même d’avoir venduson produit.

En effet, la collectivité doit dans son appel d’offres pourl’achat du bien ou service innovant, être attentive à ne pasrévéler les solutions techniques trouvées par l’entreprise àl’issue de la phase de R&D. Ce faisant, elle ne peut donc fairequ’une définition de ses besoins assez générale et ne peutvaloriser aisément, dans ses critères d’analyse des offres, leséléments liés à la qualité ou au caractère innovant du produitdéveloppé par l’entreprise ayant réalisé la R&D.

Une promesse d’achat pour des promesses

technologiques

Devant la nécessité de simplifier la commande publique, lelégislateur propose aujourd’hui le «Partenariatd’Innovation».  Inspiré des directives européennes, ce nou-veau type de marché public est sorti en septembre 2014.L’intérêt majeur du nouveau partenariat d’innovation résidedans le fait que la collectivité ne lancera plus qu’un seul mar-ché, qui portera à la fois sur la R&D et sur l’achat des biens ouservices innovants, issus de cette R&D, sans nouvelle mise enconcurrence.

Lorsque la collectivité aura bien étudié les différentes solu-

Référencesbibliographiques

Le décret n° 2014-1097 du26 septembre 2014 portantsur les mesures de simplifica-tion applicables aux mar-chés publics vient d’introdui-re le partenariat d’innova-tion dans le code des mar-chés publics et dans lesdécrets d’application de l’or-donnance n°2005-649 du 6juin 2005 relative aux mar-chés passés par certainespersonnes publiques ou pri-vées non soumises au codedes marchés publics.

Marie-Laure PAPAIX (DR P02)

ÉconomisteCEREMA (Centre d’Études et d’Expertise sur les risques,l’environnement, la mobilité et l’aménagement)

Présentation schématique des marchés de R&Det des marché d’Acquisition avant commercialisation

Dossier VILLES CONNECTÉES

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tions existantes sur le marché et qu’elle saura avec certitudequ’aucune de celles mises sur le marché ne correspond exac-tement à son besoin, alors le partenariat d’innovation pourraêtre un dispositif intéressant.

La collectivité passera alors un contrat individuel avec diffé-rentes entreprises pour une phase de recherche.

À l’issue d’un premier rendu de chacune des entreprises, lacollectivité choisira librement celle(s) dont les résultats luiparaissent les plus prometteurs, qui développera alors lebien ou le service. Elle mettra fin au contrat avec les autres etles paiera.

À l’issue de ce second rendu, la collectivité sélectionnera l’en-treprise qui mettra au point le produit final. Elle clôturera lecontrat individuel qui la liait aux autres.

Enfin, lorsque le produit sera au point - en fonction d’objec-tifs définis à chaque phase et de critères de sélection qui figu-

rent au contrat - la collectivité pourra procéder (ou non)directement à son acquisition, sans faire de nouvel appeld’offres.

Le partenariat d’innovation s’éteindra alors automatique-ment avec une répartition des droits de propriété intellec-tuelle telle que prévue au contrat.

• Les entreprises prennent moins de risques qu’avec lesachats publics avant commercialisation (APAC) et les mar-chés de R&D.

• Celles qui ne sont pas retenues le savent rapidement etcelle dont la solution sera achetée par la collectivité territo-riale ne sera pas mise en concurrence en phase finale.

• La collectivité peut, de son côté, décider ou pas d’acheter lebien ou le service. Elle peut refuser de le faire, si entretemps une solution nouvelle arrivait sur le marché.

Un petit pas vers la co-construction de la ville

Le décret instaurant le partenariat d’innovation devrait aiderles collectivités territoriales à passer plus facilement des mar-chés pour les biens et services innovants. Les marchéspublics pourraient ainsi être un bon aiguillon pour stimulerl’innovation urbaine, améliorer la situation concurrentielledes entreprises retenues et augmenter l’efficacité et la quali-té des services publics.

Inspiré des pratiques anglo-saxonnes, ce dispositif sembleprésenter des avantages à la fois de souplesse et de sécurisa-tion pour les deux parties. Il paraît bien adapté aux modèlesd’affaires et aux modes de co-construction entreprises - col-lectivités territoriales que l’on rencontre dans les projets de laville numérique. Pour autant, six mois après son lancement ilest encore trop tôt pour savoir s’il sera effectivement utilisépar les smart cities. ■

Présentation schématiques du Contrat de Partenariat

Dossier VILLES CONNECTÉES

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La SEMOP : un mariage de raison

Lerecours de la puissance publique au secteur privépour le développement d’infrastructures urbainesremonterait, d’après Xavier Bezançon1, à la plus

haute antiquité.

Le mouvement d’innovations urbaines, qui émerge sous leterme de ville intelligente, justifie bien souvent de mobiliserles capacités d’innovation du privé pour satisfaire desbesoins d’intérêt général. Un nouveau dispositif juridiquevise à créer des co-entreprises entre collectivités territorialeset entreprises  : la Société d’Economie Mixte à Opérationunique (SEMOP).

Plus loin que le partenariat public-privé

institutionnalisé

On connaissait les PartenariatsPublics Privés Institutionnalisés,les PPPI. Si le PPPI restait confi-né dans une logique contrac-tuelle, la SEMOP franchit uneétape supplémentaire dans larelation. Il s’agit de constituerune co-entreprise avec deuxactionnaires  : un acteur publicet un «opérateur économique»créant ensemble une société

anonyme pour la réalisation d’un projet particulier.

Un contrat de mariage à enfant unique

La Société d’Economie Mixte à Opération Unique  (SEMOP)est une structure commerciale, comme il en existe d’autres :la Société d’Économie Mixte Locale (SEML) ou la SociétéPublique Locale (SPL) pour citer les plus courantes parmi les1 189 entreprises publiques locales recensées2.

Une première différence avec ses ainées : l’objet de la SEMOPsera unique. Pour autant, son champ d’intervention est trèslarge :• La réalisation d’une opération de construction, de dévelop-

pement du logement ou d’aménagement.• La gestion d’un service public, y compris la construction

des ouvrages ou l’acquisition des biens nécessaires au ser-vice.

• Toute autre opération d’intérêt général relevant de la com-pétence de la collectivité territoriale ou du groupement decollectivités territoriales (art L. 1541-1 du code général descollectivités territoriales).

Un mariage (potentiellement) monogame

et à durée limitée

La SEMOP se distingue par son actionnariat. Si la SEML clas-sique nécessite au moins septactionnaires, la SEMOP en com-prend a minima deux, l’unpublic, l’autre «privé». Elle estconstituée pour une durée limi-tée, et uniquement pour laconclusion et l’exécution d’uncontrat concernant une opéra-tion d’intérêt général.La collectivité territoriale (ou legroupement de collectivités territoriales) peut dans le mêmetemps sélectionner les futurs actionnaires de la SEMOP etattribuer le contrat à cette nouvelle société.

Un couple qui peut faire travailler ses enfants

Au contraire d’une SEML, l’actionnaire public d’une SEMOPpeut être minoritaire puisque l’opérateur privé peut détenirjusqu’à 66% du capital. La part des actionnaires privés nepeut être inférieure à 15% et la collectivité détiendra entre 34et 85% du capital.

Avec un partenaire privé actionnaire majoritaire, la SEMOPne sera pas soumise au code des marchés publics. En effet,dans ces conditions, la SEMOP pourra ne pas être qualifiée de«pouvoir adjudicateur»  : elle pourra donc contractualiserlibrement avec des tiers ou encore avec des filiales de sonactionnaire privé. C’est sans doute la disposition la plus inno-vante de la SEMOP. Elle devrait intéresser les partenaires pri-vés mais suscite quelques réticences (voir «ils/elles ont dit»).

Pour autant, la collectivité garde une minorité de blocagemême si sa part dans l’actionnariat est minoritaire. La prési-dence du conseil d’administration ou du conseil de sur-veillance est de droit confiée à un élu. Cette disposition suffi-ra-t-elle à rassurer les détracteurs de la SEMOP ?

Dossier VILLES CONNECTÉES

Références juridiques

La loi du 1er juillet 2014crée un nouveau statut desociété d’économie mixteà opération unique(SEMOP) et insère à ceteffet de nouveaux articlesL.1541-1 à L.1541-3 dansle Code général des col-lectivités territoriales.

Le coin des financiers

Le seuil minimal de capita-lisation est de : 37 000euros pour les SEMOP deservices ; 150 000 pourles SEMOP d’aménage-ment ; 225 000 eurospour les SEMOP deconstruction.

Marie-Laure PAPAIX (DR P02)

ÉconomisteCEREMA (Centre d’Études et d’Expertise sur les risques,l’environnement, la mobilité et l’aménagement)

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Les étapes de mise en œuvre

La collectivité rédige un document de préfiguration de lasociété comprenant la part de capital qu’elle souhaiteconserver, les règles de gouvernance, et le coût prévisionnelglobal de l’opération et sa décomposition. Elle lance, une foisson besoin défini, un appel d’offres afin dans le même tempsde sélectionner les futurs actionnaires de la SEMOP et d’at-tribuer le contrat à cette SEMOP. Le contrat attribué à laSEMOP pourra être une délégation de service public, un mar-ché public, une concession de travaux publics ou encore uneconcession d’aménagement.

Conclusion

Ce nouveau dispositif, d’usage courant en Espagne, Italie,Allemagne, Finlande, est, encore une fois, inspiré du droitcommunautaire.

Il pourrait faciliter la mise en œuvre d’innovations et, de cefait, être bien adapté à la ville intelligente  : les futurs smartgrid mais aussi la gestion de l’eau, des déchets ou des trans-ports publics. En mars 2015, une douzaine de SEMOPseraient en cours de constitution en France. Le moment venuil sera utile de dresser un bilan sur les opérations mises enœuvre, les avantages de ce type de société et les premièresdifficultés rencontrées. ■

1 «2 000 ans d’histoire du partenariat public privé», Xavier Bezançon, PresseNationale des Ponts et Chaussées, 2004.

2 Par la Fédération des Entreprises Publiques Locales.3Communiqué de presse de la Fédération des EPL du 9 juin 2014.4 Le 7 mai 2014 à 18h15 France Culture.

Dossier VILLES CONNECTÉES

Ils/elles ont dit3

«Dans les SEMOP chacun joue sa partition : les collectivités fixentle cap et maîtrisent le cours des opérations, et les opérateurs pri-vés apportent leur expertise et capacité d’innovation».

Jean-Léonce Dupont,Président de la Fédération des EPL et vice-président UDI au Sénat,à l’origine de cette initiative parlementaire».

«Les SEMOP ont une vraie valeur ajoutée pour les collectivités carla gestion en régie est difficile à assumer pour certains projets etdes expériences passées en partenariat public-privé ont suscitédes critiques aussi nombreuses que légitimes. La réalisation deprojets complexes, en particulier ceux relatifs aux nouvelles tech-nologies, à l’environnement ou à l’énergie, suppose l’existenced’outils bénéficiant du savoir-faire du secteur privé tout en assurantune maitrise forte et un réel contrôle démocratique des conditionsde financement des services publics».

Erwann Binet,Député socialiste de l’Isère et rapporteur du texte à l’AssembléeNationale.

«C’est une procédure qui n’est pas vertueuse et qui induit pour toutle monde des conflits d’intérêts potentiels. Le partenaire privé, quisera actionnaire de la Semop, sera juge et partie, puisqu’il réaliseen réalité les travaux. Si ça se passe mal, s’il y a contentieux, onne voit pas comment la collectivité locale pourra faire valoir l’inté-rêt général».

Catherine Jacquot,Présidente de l’ordre des architectes, interrogée par les journa-listes de France Culture4».

Adaptation et conditionnement - Réflexions en courant de Paris à Pékin

par Philippe Fuchs (Professeur au CAOR MINES ParisTech)

Mes randonnées en courant, dont celle de Parisà Pékin, m’ont inspiré quelques pensées per-sonnelles, en particulier sur l’adaptation del’être humain. Cette capacité étant égalementexploitée dans les techniques de RéalitéVirtuelle, mon domaine de recherche, lesnotions d'adaptation et de conditionnement,sont le fil conducteur du livre que je viens derédiger. Cet ouvrage en deux parties n’a doncpas pour unique objectif de narrer mes aven-tures sportives. En deuxième partie, je dévelop-pe quelques idées sur les notions de Réalité etde Virtualité ainsi que sur les capacités d’adap-tation et de conditionnement de l’être humain.

Philippe Fuchs, ultra-marathonien et chercheur à l'École desMines de Paris, a accompli des randonnées en courant à traversl’Europe et l’Asie, dont celle de Paris à Pékin pour les J.O. 2008.Cette aventure, impossible pour bien des mortels, il la rend pos-sible et nous convainc que nous pouvons, nous aussi, «randon-ner en courant».

Il nous fait ensuite partager ses réflexions, en lien avec sondomaine de recherche : la Réalité Virtuelle. Il nous fait entrevoirles notions de Réalité et de Virtualité. Ses pensées l’amènent às’interroger sur les capacités d’adaptation et de conditionnementde l’être humain dans les mondes réel et virtuel.

La valeur qui se dégage de la lecture, entre récit et essai, paraîtévidente : l'humanisme. Mais pas un humanisme de biblio-thèque, un humanisme de terrain.

LIVRE

Si vous souhaitez vous procurer ce livre, il peut être commandé à l’adresse suivante :http://www.edilivre.com/adaptation-et-conditionnement-reflexions-en-couran-20db4bd890.html(un extrait du livre est consultable sur le site)

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