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CONSEIL DE LA CONCURRENCE 1 REPUBLIQUE ALGERIENNE DEMOCRATIQUE ET POPULAIRE CONSEIL DE LA CONCURRENCE AVIS DU CONSEIL SUR LE RESPECT DES RELGES DE LA CONCURRENCE DANS LE MARCHE DU CIMENT Avis adopté par le Conseil de la Concurrence lors de la séance de son Collège qui s’est tenue le 25 juillet 2013

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CONSEIL DE LA CONCURRENCE

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REPUBLIQUE ALGERIENNE DEMOCRATIQUE ET POPULAIRE

CONSEIL DE LA CONCURRENCE

AVIS DU CONSEIL

SUR LE RESPECT DES RELGES DE LA CONCURRENCE

DANS LE MARCHE DU CIMENT

Avis adopté par le Conseil de la Concurrence lors de la séance de son Collège qui s’est tenue le 25 juillet 2013

CONSEIL DE LA CONCURRENCE

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DEMANDE D’AVIS DU MINISTERE DU COMMERCE SUR LE CONTROLE ET L’ENCADREMENT DU MARCHE DU CIMENT

Conformément à l’Article 35 de l’ordonnance n°03-03 du 19 juillet 2003 modifiée et complétée relative à la concurrence

Dans le cadre des missions dévolues aux services de contrôle re levant du Ministère du Commerce, une attention part icul ière est allouée à l'encadrement et au contrôle du marché du ciment, en raison du caractère sensible de cette matière première qui constitue un intrant indispensable, notamment dans le secteur immobilier que l'Etat ambitionne de promouvoir afin de lutter contre l'habitat précaire. Dans ce contexte, le présent rapport a pour objet de faire un point sur

la situation qui prévaut actuellement sur le marché national du ciment g r i s e t de met tre en exe rgue les g randes - tendances en mat iè re d'approvisionnement, de prix et de résultats de contrôle du marché en question.

Situation actuelle du marché ciment gris

A l'instar de la situation ayant prévalu sur le marché national du ciment gris à partir du 2' trimestre de l'année 2012, les prix du ciment pratiqués tout particulièrement au niveau du marché de

détail semblent reprendre une courbe ascendante. Si cette situation pourrait s'expliquer en grande partie par l'effet d'un accroissement sensible de la demande, coïncidant avec la période où les chantiers de construction se redynamisent, il n'en demeure pas moins essentiel de composer avec les nombreux arrêts techniques pour entretien des cimenteries, à l'image des quatre (04) arrêts enregistrés ces deux derniers mois.

Les cimenteries en question, sont celles de Sour El Ghozlane (Bouira), Meftah (Blida), Raïs Hamidou (Alger) et Ain Touta'(Batna).

A cela s'ajoute, l’arrêt de production des cimenteries, relevant- du groupe « LAFARGE », à savoir celles de « Hammarn-Dhalaâ » à Msila et « Oggaz » à Mascara,,à partir d’un assez long débrayage observé par les travailleurs.

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En effet, l'exploitation des états de production transmis par l'opérateur « GICA »:permet de mettre en évidence le déficit de production engendré par ces arrêts, puisque les quantités dé ciment produites par ses unités durant le 1e. trimestre 2013, évaluées à 2.308.262 tonnes, demeurent de loin les plus faibles,

par rapport aux cinq (05) derniers trimestres.

A t i t r e d ' i l l u s t ra t i on , en compa ran t ce s qua n t i té s a vec ce l l e s du 4eme trimestre 2012, soit 3.163.792 tonnes, on pourrait estimer que le marché du ciment vient d'accuser un déficit relativement important, de l'ordre de 855:530 tonnes.

En raison de ce qui précède, et considérant que le marché national du ciment déjà bridé par une offre insuffisante et une hausse fulgurante de la demande, les arrêts dont on vient d'évoquer, conjugués au facteur lié à l'accroissement de la demande qui fait suite à l'amélioration des conditions climatiques, pourraient être principalement à l'origine d'une

réduction sensible de l'offre, entrainant par ricochet une spéculation qui aurait nourrit la hausse des prix constatée.

2- Encadrement et contrôle du marché du ciment : 2-1 Résultats obtenus en matière de contrôle:

,/ Au titre de l'exercice 2012 :

Les opérations de contrôle des activités de production, d'importation et de distribution du ciment gris, menées dans le cadre de la lutte contre les pratiques spéculatives touchant particulièrement ce produit stratégique, ont donné lieu au titre dé l'exercice 2012; aux résultats suivants :

20.777 interventions donnant l ieu à la constatation de 4.055

infractions et la poursuite judiciaire de 3.579 contrevenants;

saisie de ciment gris pour une valeur dépassant 22 millions de DA; fermeture de 159 locaux commerciaux;

mise au jour d'un chiffre d'affaires dissimulé, pour, un montant avoisinant le 1,12 milliard de DA;

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721, nombre de suspensions d'approvisionnement; 354, nombre d'opérateurs inscrits au fichier national

des fraudeurs.

Au titre du 1er trimestre 2013:

Au t i tre du tr imestre considéré, le d isposit i f de contrôle du ciment a permis de réaliser le bilan suivant:

- 4.840 interventions donnant lieu à 1.228 infractions aux règles de la transparence et la loyauté des pratiques commerciales et la poursuite judicaire de 1.003 contrevenants;

- la mise au jour d'un chiffre d'affaires dissimulé de 1,07 Milliard de DA, issu de transactions commerciales sans factures sur le ciment et d'un profit illicite de 6.5 Millions de

DA, issu de pratiques de prix illicite sur le ciment également; - la saisie de ciment gris pour un montant de 8.5 Millions

de DA, la fermeture administrative de 16 locaux commerciaux;

- la suspension d'approvisionnement en ciment pour 253 opérateurs économiques.

Parallèlement, il convient de souligner que le dispositif d encadrement et de suivi du marché du ciment a permis de constater que la société « LAFARGE » vient de procéder successivement à moins de quatre (04) mois d'intervalle, à des relèvements de prix du ciment gris conditionné.

En fait, il convient de préciser également que d'autres augmentations ont été: opérées par cette même société, respectivement le 3 avril 2011 et le 02 avril 2012.

A contrario, il est à relever que les prix du ciment pratiqués par le Groupe Industriel des Ciments d'Algérie «Groupe GICA », n'ont pas connu d'augmentation depuis le 03 octobre 2009 et demeurent par conséquent à 300 DA le sac, toutes taxes comprises.

2-2 Prix pratiqué par les unités de production LAFARGE

A l'instar des augmentations de prix opérées précédemment, les deux derniers>,Telèvenient de prix ont touché les deux (02) marques

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phares de ciment fabriqués par ladite société, à savoir «Chamil - a.u» et «lVlatine » et sont intervenus de la manière suivante:

Prix sortie usine appliqué avant le 08 décembre 2012:

- Ciment «Charnil» : 353,92 DA.

- Ciment «Martine» : 416,81 DA. P r i x s o r t i e d u 0 8 d é c e m b r e 2 0 1 2 :

- Cirnent «Chamil» : 369,72 DA.

- Ciment «Matiné» : 435,53 DA.

Prix sortie usine appliqué à partir du 01 avril 2013 - Ciment «Chamil » : 380,83 DA.

- Ciment «Matine » : 448,28 DA.

De ce qui précède, il ressort une évolution des prix du ciment au titre de la période suscitée, de 7.06% et 7.55%, soit en valeur absolue 27 DA et 32 DA le sac, respectivement pour les deux marques de ciment concernés.

A ce propos; et après avoir pris connaissance de l'augmentation des prix opérée à partir du 08 décembre 2012, des instructions ont été données aux services de contrôle pour dil igenter une enquête auprès de la direction générale de la société « LAFARGE » à l'effet de s'enquérir des raisons l'ayant conduit à relever ces prix.

Fa isan t su i te p robab lement à l ' i n té rê t por té à l a ques t ion du renchérissement du ciment constaté à la production, les responsables de la société « LAFARGE » ont soll icité une audience auprès du Ministère du Commerce à l'effet d'informer l'Administration Centrale, entre autres de leurs activités. Lors de cette audience où i l a été surtout question de modal i tés d 'appl icat ion des marges de d istr ibut ion de c iment inst i tuées par la réglementation en vigueur, l'augmentation des prix du ciment opérée par l'entreprise a suscité le plus d'interrogation.

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Et comme à l'accoutumée, les responsables de cette entreprise ont tenté d'étayer les arguments ayant engendré les deux derniers relèvements des prix par l'augmentation des coûts opérationnels, c'est-à-dire les charges liées directement aux opérations d'exploitation de l'outil de production, estimés

selon eux à 4.4% (cf. réponse émanant de la société en date du 27/01/2013, parvenue à l'Administration Centrale du Commerce par le biais de ses services extérieur).

L'examen de cette réponse, laisse apparaitre à notre sens que les explications fournies par la société « LAFARGE » contiennent quelques irrégularités. En effet, parmi les

augmentations évoquées par les responsables de cette société, figure une augmentation de 6% qui concerne les coûts de logistique et de transport, eu égard au service rendu aux clients, qui représente 15% de leurs ventes. Sur ce point, il y a lieu de préciser que les coûts générés par le service rendu invoqué par les responsables de « LAFARGE » et qui sous entend les coûts

d'approche, c'est-à-dire la moyenne des frais à engager pour atteindre une clientèle ciblée, ne peuvent être inclus dans les coûts de production particulièrement du ciment. Compte tend des explications peu convaincantes avancées par la société concernant les relèvements récurrents opérés sur les prix de ciment, et en dépit que le prix du ciment n'est pas réglementé au stade de la production, au regard du décret 09 - 243 du 22 juil let 2009, fixant les marges plafonds de gros et de détail,

applicables au . ciment portland composé conditionné, i l n 'en demeure pas moins nécessa ire à notre sens de s ' interroger sur le caractère légal ou non, des augmentations constatées.

A la lumière de ce qui précède, et considérant de surcroît, ci-après, les quelques données statistiques, recueillies à l'issue de l'exercice 2011, auprès des deux opérateurs qui assurent la totalité de l'offre, issue de la production nationale, à savoir «GICA» et «LAFARGE»:

19.364.245,53 tonnes représente la production nationale du ciment ;

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11.505.269,28 tonnes, représente le ciment produit par les douze (12) cimenteries relevant du groupe public «GICA»;

7.858.976,25 tonnes représente le ciment produit par les deux (02) cimenteries' de l'opérateur privé «LAFARGE»;

59,4 % de la production nationale assurée par «GICA»; 40,6 % de la production nationale assurée par

«LAFARGE»; 32,50 % de la production globale du ciment produite

en 2011, soit 6.271.178,82 tonnes, ont été allouées aux distributeurs privés, dont 96,30 % ont été assurés par

«LAFARGE» et les 3,7% par «GICA».

Ainsi, au vu de ces résultats, on peut sans hésitation affirmer que le marché du ciment est un marché duopolistique, sauf qu'il est important de préciser que le «GICA» est un opérateur public, soumis donc au contrôle de l'état.

C'est d'ailleurs dans cette optique que «GICA» a été instruit durant le 3' trimestre 2012, par les pouvoirs publics à l 'effet d'al louer presque la totalité de sa production, soit 85 à 93 %, aux entreprises de réalisation en charge de projets publics structurants.

Par ailleurs, si on se réfère aux derniers chiffres présentés, il apparaît que la société «LAFARGE» évolue seule dans le segment de marché du ciment destiné aux distributeurs privés, bien qu'elle ne détient pas la plus grosse part de marché.

Sachant qu'en droit de la concurrence, la délimitation précise du marché en cause, « marché pertinent » est une

condition sine qua non pour déterminer l'existence ou non d'une position dominante, il pourrait être considéré que la société

«LAFARGE», jouit d'une position dominante dans la partie substantielle du marché, du ciment gris qui est un produit non substituable, destiné aux distributeurs privés.

Ceci étant, cette situation pourrait lui procurer une autorité, telle qu'elle lui permet de hausser ses prix sans craindre la moindre érosion de sa clientèle.

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Partant de ces constat, les augmentations de prix opérées d'une manière récurrente par « LAFARGE », pourraient bien constituer un indice d'abus de positon dominante; En effet les dispositions de l'article 07 de la l'ordonnance n 03-03 du 19 juillet 2003, relative a la concurrence, modifiée et complétée,

prohibent tout abus d'une position dominante ou monopolistique sur un marché ou un segment de marché lorsque celui-ci, présentement en cause, tend notamment à faire obstacle à la fixation des prix par le libre jeu du marché en favorisant artificiellement leur hausse ou leur baisse.

C'est dans ce contexte, qu ' i l a été jugé uti le de sais i r

le Consei l de la Concurrence, pour l 'appréciat ion de la position dominante et les comportements mis en œuvre par la société LAFARGE », susceptibles d'avoir l'effet restrictif suspecté par nos services.

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AVIS n° 01 DU 25 JUILLET 2013 DU CONSEIL DE LA

CONCURRENCE RENDU SUITE A LA DEMANDE FORMULEE PAR LE

MINISTERE DU COMMERCE SUR LA RESOMPTION D’ABUS DE

POSITION DOMINANTE AU NIVEAU DU MARCHE DU CIMENT EN

APPLICATION DE L’ARTICLE 35 DE L’ORDONNANCE N° 03-03 DU

19 JUILLET 2003 MODIFIEE ET COMPLETEE RELATIVE A LA

CONCURRENCE.

INTRODUCTION

La demande d’avis adressée par Monsieur le Ministre du Commerce au Conseil de la Concurrence apparaît d’une grande opportunité et d’une grande pertinence au regard des crises qui affectent le marché du ciment, mais aussi et surtout de la nécessité d’assainir et de moraliser les activités

de distribution d’un produit aux dimensions stratégiques.

De nombreux dysfonctionnements tendent, en effet, à s’installer autour d’un marché qui arrive difficilement à trouver son point d’équilibre et, ce faisant, pénalise les entreprises de construction et les opérateurs économiques (surcouts et respect des plannings de réalisation).

La crise du ciment en Algérie ne date pas d’aujourd’hui. Les pouvoirs

publics ont mis en place, dans les années 80, une industrie cimentière digne de ce nom mais qui a connu une longue période de récession. La simple corrélation entre les capacités de production réelles et la donnée démographique montre que le ratio n’a cessé de décliner entre 1998 et 2008. L’effort de rattrapage permis par les IVPE (investissements de valorisation du potentiel existant) et les nouveaux investissements aussi

bien publics que privés est confronté à une très forte demande induite par la multiplication des chantiers de travaux publics aux tailles gigantesques.

L’économie algérienne se trouve à un point culminant de son développement et la demande de matériaux de construction qui en découle, portée par un programme public sans précédent, rencontre une offre inélastique, contrainte de plusieurs façons et soumise à de multiples spéculations, particulièrement en ce qui concerne le ciment. De plus en

plus, l’importation de ciment s’installe dans des opportunités d’affaires qui permettent de capter des profits importants. Les circuits de distribution

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sont relayés en de nombreux intermédiaires qui prélèvent chacun sa part de profit. Les niches rentières et la spéculation sur le ciment portent les prix à des cimes jamais atteintes jusqu’à lors.

Si le déficit de l’offre locale est patent, comme en témoigne la tendance à la pleine utilisation des capacités de production, les pratiques qui

s’installent autour des marchés entretiennent la pénurie et poussent les différents opérateurs, intermédiaires, distributeurs, et même utilisateurs, à tirer profit de cette situation.

Par définition, un marché est concurrentiel si le client a la possibilité de choisir entre une gamme plus ou moins vaste de produits ayant des caractéristiques similaires et si le fournisseur ne rencontre pas d'entraves

à la fourniture de produits ou de services sur un marché donné. Ceci fait du marché du ciment un marché très particulier par le nombre limité des offreurs et la tendance spéculative qui s’installe autour de ce marché, sans possibilité de substitution du produit en cause. Le suivi, le contrôle et la moralisation des activités de production et de distribution devient, par conséquent, un élément essentiel de la régulation des marchés.

La demande d’avis de Monsieur le Ministre du Commerce pose quatre types de questions à propos des activités de production et de distribution du ciment, en lien avec les configurations de marché :

1. L’existence d’un marché pertinent en ce qui concerne le ciment, 2. Les incidences concurrentielles d’un marché de nature

duopolistique,

3. L’existence d’un abus de position dominante de la part du groupe Lafarge,

4. Les modalités de renforcement des opérations de contrôle du marché.

1- ANALYSE DES REFERENTIELS

De façon générale, l'objectif poursuivi par la majorité des autorités de la concurrence de par le monde, à travers la notion de marché pertinent est de circonscrire l’espace de marché et de produit en cause. Un marché de produits en cause est défini comme étant l’ensemble des produits et/ou services que le consommateur considère comme interchangeables ou

substituables en raison de leurs caractéristiques, de leur prix et de l'usage auquel ils sont destinés.

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La preuve formelle de l’existence d’une position dominante s’apprécie d’abord à partir de critères de concentration et de partage entendu de marché. L’abus de position dominante se vérifie ou ne se vérifie pas à un stade ultime, sur la base d’un pouvoir réel de marché et de la liberté de faire varier les prix, au-delà du prix concurrentiel, sans incidence sur la

situation et les capacités de marché de l’entreprise, en termes de chiffres d’affaires et de profit.

La définition universellement admise du marché pertinent est essentielle pour déterminer l’existence d’un abus de position dominante. En effet, la détention du pouvoir de marché, conférant une position dominante, s’apprécie nécessairement sur un marché délimité avec précision.

Parmi les éléments pris en compte pour définir les contours d’un marché pertinent, il y a lieu, notamment, de retenir la nature du produit ou du

service, l’environnement juridique, les conditions techniques d’utilisation, le coût d’usage ou de mise à disposition et la stratégie des offreurs, ainsi que le comportement des demandeurs.

2 - La démarche d’analyse des marchés comprend trois étapes

essentielles :

la définition du marché pertinent (qui consiste à en définir les

frontières, en terme de produits, principalement sur la base de

critères de " substituabilité " par la demande et par l’offre) ;

la détermination du caractère concurrentiel ou non du marché, et

de son niveau de concurrence, ainsi que l’identification des acteurs

qui peuvent disposer d’une position dominante ;

la définition de " remèdes " sous forme d’obligations proportionnées

aux problèmes concurrentiels identifiés. Les directives encadrent le

type d’obligations qui peuvent être imposées aux opérateurs :

publication d’une offre de référence, contrôle tarifaire, séparation

comptable …

En général, pour apprécier le marché pertinent, deux critères sont pris en compte :

le critère de substituabilité du côté de la demande est le critère principal. La variation de prix d'un bien induit-elle un comportement d'achat sur un autre bien ? Si la réponse est positive, cela signifie que l'on observe un comportement de croissance si le prix

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augmente et de décroissance si le prix diminue. La notion économique classique d'élasticité croisée de la demande par rapport au prix est ici mise en avant.

Le critère de redéploiement de l'offre dans un contexte de variation de qualité : deux biens appartiennent à un même marché pertinent si, étant de qualité différente, la variation de prix d'un bien d'une certaine qualité va modifier le comportement de l'offre du bien de l'autre qualité.

L’approche par les élasticités croisées permet l’étude de substituabilité du coté de la demande (c'est-à-dire des clients) et du coté de l'offre (c'est-à-dire des fournisseurs). Elle montre que la variation même légère mais constante du prix courant (de 5 à 10 %), les clients du produit en cause ont la possibilité d'accéder de façon immédiate et efficace à un produit similaire et, dans le deuxième cas, de vérifier si d'autres fournisseurs ont la possibilité de réorienter de façon immédiate et efficace leur production et leur commercialisation sur le marché en cause.

L’importance du critère de l’autonomie de comportement est confirmé

dans le sens ou la délimitation d’un marché pertinent ou la mise en œuvre d’un test de dominance évaluant la possibilité pour une entreprise d’avoir un comportement indépendant de celui de ses concurrents et, in fine des consommateurs, selon la définition adoptée par les autorités de la concurrence de par le monde, ont en commun d’avoir pour objectif l’évaluation du pouvoir de marché d’une entreprise, c’est-à-dire sa capacité à augmenter ses prix au-delà du prix concurrentiel, et donc de se comporter de manière indépendante.

La primauté donnée à la prise en compte de la substituabilité de la demande dans la définition du marché pertinent est fondée sur le lien direct entre l’élasticité de la demande adressée à l’entreprise et sa marge, écart entre prix de vente et coûts : le niveau de cette marge

révèle, en effet, le pouvoir de marché de l’entreprise.

Dans le cas du ciment, la circonscription du marché parait relativement aisée à partir du moment où le produit en cause est unique, sans possibilité d’interchangeabilité. La variation des prix n’a pas une grande incidence sur la demande, tandis que du côté de l’offre les variations de prix n’influent pas sur le volume de la demande.

Dans la famille des matériaux de construction, le ciment garde une relative exclusivité en raison de l’inexistence de produit de substitution.

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L’ensemble des constructions sont faites soit à partir de métaux, de bois ou de pierres et autres briques, parpaings ou béton qui exigent de passer par le ciment pour leur assemblage.

Qu’il s’agisse de bâtiments à usage d’habitation ou autre ou d’ouvrages de travaux publics ou hydrauliques, le ciment est absolument incontournable. C’est un produit qui n’a donc pas de substitut et les utilisateurs n’ont pas d’autres alternatives quelle que soit la situation de marché.

Par définition, faut il le rappeler un marché est supposé concurrentiel si le client a la possibilité de choisir entre une gamme plus ou moins vaste de produits ayant des caractéristiques similaires et si le fournisseur ne rencontre pas d'entraves à la fourniture de produits ou de services sur un marché donné.

Côté offre, l’appréciation de la position dominante passe également par l’évaluation des parts de marché. L’offre nationale de ciment se répartit entre les opérateurs à hauteur de :

51% pour le groupe GICA, 36% pour le groupe LAFARGE, 13% pour les importateurs.

Si on fait abstraction des importations, l’offre nationale de ciment (tous ciments confondus) se répartit, au niveau structurel, en :

59,4 % de la production nationale assurée par « GICA » ; 40,6 % de la production nationale assurée par « LAFARGE » ;

Si l’offre subit de multiples contraintes de multiples façons, la demande garde un caractère atomistique marqué même si, dans ses différentes ramifications, elle s’installe dans différentes typologies d’intermédiation faites de réseaux et de relais. L’étude de la distribution du ciment a permis d’identifier plusieurs types de marchés, entre le marché de gros, le marché de détail, celui des transformateurs, celui des conditionneurs et celui des intermédiaires et autres sous-traitants. Les configurations de marché au plan géographique, indiquent également que la répartition du produit est inégalitaire compte tenu du caractère pondéreux du produit et de l’éloignement de certaines zones des lieux de production, ce qui se traduit par des majorations systématiques de prix.

Ce qui a trait à la distribution, 32,50 % de la production globale du ciment produite en 2011, soit 6.271.178,82 tonnes, a été assurée par les distributeurs privés, dont 96,30 % ont été pris en charge par

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«LAFARGE» et le reste (3,7%) par le groupe GICA. Cette configuration révèle un marché aux contours duopolistiques marqués.

La dimension duopolistique du marché du ciment conduit également à s’interroger sur les stratégies de marché des deux opérateurs public et privé que sont les groupes GICA et Lafarge et les incidences que peuvent

avoir ces stratégies sur les prix et la distribution du produit, ce qui interpelle les processus de régulation concurrentielle, en lien avec la ²réglementation.

Le duopole est une forme de marché oligopolistique dans laquelle deux entreprises font face à une demande atomistique (c’est-à-dire à une infinité de demandeurs). Cette situation peut donner lieu à une entente

entre les firmes et donc à un abus de position dominante soit à une situation concurrentielle qui met en œuvre des stratégies différentes, orientées vers le même objectif, accroitre les parts de marché et donc, les niveaux de profit.

Le cas des entreprises cimentières que sont les groupes GICA et LAFARGE s’exceptent de ce type de situation, étant en position de concurrence

indirecte à partir du moment où leurs marchés respectifs sont segmentés. Le premier ayant massivement affaire à une demande émanant des grands chantiers de l’Etat, le second ayant à couvrir une demande émanant plus de particuliers et de transformateurs.

Si l’on fait abstraction de la présence des importateurs, qui constituent la troisième dimension de marché mais sans grande influence sur les

niveaux de l’offre, la configuration du marché en duopole n’a pas d’incidence sur la formation des prix. Le groupe Lafarge, tout comme le groupe GICA agissent bien en situation de quasi monopole compte tenu de la séparation des marchés des deux opérateurs. Ces marchés ne se recoupent, en fait, que dans une portion infime de la demande.

En théorie et dans le cas du duopole symétrique de Cournot, Les

hypothèses de l'analyse sont :

Chaque firme considère que les productions sont constantes; la production représente donc la variable stratégique, et non le prix.

Chaque firme qui compose le marché produit un bien homogène.

L'analyse met en valeur l'interdépendance des deux firmes sur le même

marché. En effet, les décisions de l'une sont influencées par l'autre et influencent celles de l'autre. La situation d'équilibre du duopole intervient

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lorsque chacune des deux firmes produit un tiers du marché (son profit est alors maximum en théorie).

Une autre variante, le duopole de Bowley, est plus proche de la réalité en ce qui concerne l’offre de ciment en Algérie. Les deux groupes produisent le même produit et agissent comme s’ils étaient tous deux en position dominante. Cette configuration débouche sur des équilibres instables. Le cas de figure illustré par la présence des groupes Lafarge et GICA montre que les deux groupes se partagent le marché, dans une situation d’équilibre coopératif.

Ce partage se fait à distance parce que non scellé par une quelconque forme d’entente ou d’alliance, pour des raisons qui tiennent aux logiques de production (profit d’un côté et prise en charge de la demande sociale de l’autre) et aux déterminations endogènes et exogènes (régulation par

le marché d’un côté et affectation centralisée du produit à partir de priorités établies).

3 - LA PROBLEMATIQUE DE L’ABUS DE POSITION DOMINANTE

L'abus de position dominante est l'exploitation abusive d'un pouvoir de marché correspondant à une position dominante et ayant pour objet ou pour effet d'empêcher, de restreindre ou de fausser le jeu de la concurrence.

Ainsi, l’article 7 de l’ordonnance n° 03-03 du 19 juillet 2003 modifiée et

complétée relative à la concurrence fixe 6 critères :

« Limiter l’accès au marché ou l’exercice d’activités commerciales ;

Limiter ou contrôler la production, les débouchés, les investis-

sements ou le progrès technique,

Répartir les marchés ou les sources d’approvisionnement ;

Faire obstacle à la fixation des prix par le libre jeu du marché en

favorisant artificiellement leur hausse ou leur baisse ;

Appliquer, à l’égard des partenaires commerciaux, des conditions

inégales à des prestations équivalentes en leur infligeant de ce fait

un désavantage dans la concurrence ;

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Subordonner la conclusion de contrats à l’acceptation, par les

partenaires, de prestations supplémentaires qui, par leur nature ou

selon les usages commerciaux, n’ont pas de lien avec l’objet de ces

contrats. »

L'abus de position dominante est une infraction punie par la loi. Les pouvoirs de marché sont considérés, au regard de toutes les législations de par le monde, comme étant des positions qui peuvent altérer la concurrence. Les pouvoirs discriminants des entreprises abusant d’une position dominante faussent les mécanismes de régulation que sont l’offre et la demande et leur résultante, les prix.

La délimitation du marché pertinent est aussi d'apprécier le pouvoir de

marché d'une entreprise, c'est-à-dire sa capacité à augmenter ses prix au-

delà du prix concurrentiel, sans que la baisse des ventes qui en résulte

annule la hausse des profits escomptés. Cette configuration permet de

déterminer l’existence ou non d’un abus de position dominante.

Dans le cas de la société Lafarge, le pouvoir de marché est bien réel :

d’une part, il s’agit d’un marché captif, quels que soient les niveaux de

distribution en cause. Il s’agit, d’autre part, d’un marché qui combine une

faiblesse de l’élasticité à une quasi-impossibilité de substitution. Il s’agit

enfin d’une situation de marché non concurrentielle par le fait de la

segmentation des marchés des producteurs. Ces éléments pourraient

autoriser le groupe à augmenter au delà de toute marge raisonnable ses

prix sans crainte de perdre sa clientèle ou de connaître des situations de

mévente ou d’accumulation des stocks.

L’ordonnance n° 03-03 du 19 juillet 2003 précitée dispose dans son article

4 « les prix des biens et services sont librement déterminés par le jeu de

la concurrence. Toutefois l’Etat peu restreindre le principe général de la

liberté des prix dans les conditions définies à l’article 5»

La liberté des prix s’entend dans le respect des dispositions de la

législation et de la réglementation en vigueur ainsi que des règles d’équité

et de transparence concernant notamment :

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- La structure des prix des activités de production, de distribution, de

prestation de services et d’importation de biens pour la revente en

l’état ;

- Les marges bénéficiaires pour la production et la distribution des

biens ou la prestation de services ;

- La transparence dans les pratiques commerciales.

La faible élasticité de la demande de ciment et la contrainte de marché

font que les positions quasi monopolistiques confèrent d’emblée une

position dominante de marché, en ce sens que quelles que soient les

variations de prix et les quantités offertes sur le marché, la demande

restera toujours portée à son plus haut niveau.

De nombreux déséquilibres caractérisent la position concurrentielle des

deux groupes qui se partagent le marché :

Les asymétries d’information,

Les déséquilibres en matière de communication,

La promotion de la qualité et de l’image de marque,

L’influence des systèmes relationnels et des réseaux en place,

L’agressivité des politiques de marketing.

Fort de son expérience internationale, de son leadership mais aussi de ses

outils de gestion et de management, le groupe Lafarge peut avoir, à de

brèves échéances, un ascendant certain sur son concurrent avec un

pouvoir de marché beaucoup plus important.

L’effet de cette ascendance est, pour le moment, neutralisé par :

les efforts continus d’amélioration de la production et des

instruments de gestion et de management du groupe GICA

les déficits chroniques que connaît le marché algérien et qui ne

permettent pas encore au marché d’atteindre sa masse critique

concurrentielle.

Néanmoins et compte tenu de la perspective d’un accroissement très

sensible des capacités de production à moyen terme, la concurrence ne

s’es trouvera qu’exacerbée. Il est, par conséquent, indispensable au sens

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d’une concurrence pleinement assumée, que le groupe GICA s’installe à

réduire les distances managériales qui le séparent du groupe Lafarge. Ceci

vaut bien sur le plan de la consolidation de l’image de marque au niveau

international pour devenir un opérateur du commerce extérieur à part

entière, dans la perspective de surplus à placer sur différents marchés.

4 - LES DIMENSIONS FACTUELLES

Les relèvements de prix constatés observés pour le groupe Lafarge, comme évoqué dans la demande d’avis du Ministère du Commerce, paraissent, eu égard à leur nombre et périodicité, assez excessifs et peuvent avoir pour conséquence de perturber les marchés et de léser les

consommateurs. De ce fait, ils méritent bien une analyse plus approfondie.

Les ajustements de prix constatés peuvent être interprétés comme la manifestation d’un pouvoir de marché. Tenir compte des motifs invoqués (accroissement des couts, marges de distribution insuffisantes pour couvrir les différents frais de transport, de manutention, et autres frais d‘approche) demande naturellement à être confirmé par une enquête approfondie. Cette enquête ne peut s’envisager que dans le cadre d’une saisine conformément aux dispositions de l’article 44 de l’Ordonnance n° 03-03 du 19 Juillet 2003 modifiée et complétée relative à la concurrence.

En effet, les informations collectées sur le terrain ne paraissent pas suffisantes pour apporter des preuves formelles quant à l’existence d’abus de position dominante telle que définie par l’article 11 de l’Ordonnance n° 03-03 du 19 Juillet 2003, précitée.

Par conséquent, il ne peut s’agir que de présomptions.

Ceci étant, et au surplus, le Conseil de la concurrence juge utile d’ajouter ce qui suit :

Les premiers éléments d’information disponibles semblent plaider en faveur d’ajustements conjoncturels opérés par la société concernée pour pallier les différents surcouts induits par les mises aux normes des systèmes de gestion ainsi que recommandé par les pouvoirs publics et les régulations sociales imposées par la règlementation (hygiène et sécurité, rémunération des productivités du travail, amélioration des conditions du travail, etc.

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Au milieu du système de production, de distribution et de commercialisation, des régulateurs publics se sont installés (commerce, finances, services fiscaux) qui non seulement fixent les prix de référence et les marges de distribution de gros et de détail, imposent des procédures de distribution et mécanismes de traçabilité. Ailleurs, les

modifications de prix sortie usine sont portées à la connaissance des clients apparemment en toute transparence.

La question des prix constitue un enjeu capital des processus de production, de distribution, de rétrocession et des marges de profit qui s’y attachent. De nombreux paradoxes tendent à s’installer autour de cette question en de nombreux abcès de fixation et qui en compliquent

davantage les dimensions liées à la concurrence.

a) les prix sortie usine du groupe GICA n’ont pas connu d’augmentation significative depuis 2009, en dépit du renchérissement des intrants et des revalorisations salariales. La persistance des pouvoirs publics à exercer le contrôle, au nom de leur qualité de propriétaire, sur les systèmes de prix parait peu conforme à l’orthodoxie économique.

b) La situation du secteur public relève d’un paradoxe entre la volonté des pouvoirs publics de promouvoir la concurrence et lutter contre la spéculation (récupération des marges) tout en maintenant des prix fixes. Les pouvoirs publics tiennent à la stabilisation des prix du ciment pour différentes raisons (couts normatifs des marchés publics, maitrise des couts de la construction, accessibilité du produit au plus grand nombre, etc.)

c) Le groupe Lafarge impute naturellement ses couts aux prix sortie usine qui sont réputés libres. Les données de marché l’empêchent, malgré une demande insistante et, par conséquent, des surfaces de profit considérables, de ne pas dépasser, en restant cantonné dans un certain écart, les prix du concurrent. Pour preuve, le groupe a demandé à plusieurs reprises la révision à la hausse du prix du ciment sortie usine dans la cimenterie de MEFTAH dans laquelle il détient 35% du capital et un contrat de management.

d) de nombreuses marges indues sont récupérées par les intermédiaires et prêtent à de multiples transactions illicites et alimentent un marché informel florissant, avec l’apparition de vrais barons du ciment.

e) ces marges de profit considérables captées par ailleurs, occasionnent pour les producteurs, particulièrement le groupe GICA un manque à

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gagner important qui alimente la frustration des gestionnaires et des travailleurs tout en favorisant l’émergence de poches de corruption. Ce manque à gagner réduit d’autant les marges d’autofinancement des entreprises.

f) néanmoins le souhait exprimé par les gestionnaires du secteur public de

voir les prix du ciment augmenter à hauteur de 50 DA le sac (qui profiterait aussi aux entreprises privées) fait craindre un renchérissement des prix et conduire à un palier de prix plus élevé au niveau du secteur informel.

Au total, le système des prix du ciment est complètement déstructuré, que ce soit en relation avec la rationalité économique, la juste

rémunération des facteurs de production ou les niveaux de contrôle inopérants, par insuffisance de maitrise des marchés.

Les relèvements de prix opérés par le groupe Lafarge pourraient également être expliqués comme découlant d’une volonté de rationalisation de la distribution et de lutte contre la spéculation qui gangrène les différentes filières de produits, tout en motivant davantage

le travail.

Dans le même temps, et en des formes plus psychologiques, le relèvement des prix pourrait se défendre à partir du moment où la spéculation et le marché informel récupèrent une quantité importante de plus values. Ces ristournes pourraient, dans le cadre d’une régulation par les prix qui obéit aux signes du marché, accroitre les volumes de profit

des entreprises aussi bien du secteur public que privé.

Pour le moment et sans accroitre le profit des producteurs, le cout du à la spéculation est transféré au niveau des consommateurs, auto-constructeurs et autres transformateurs, les projets publics étant protégés par des affectations prioritaires à partir de prix administrés.

La hausse des prix du groupe Lafarge peut s’expliquer également par la hausse des coûts de production.

- En premier lieu, on ne peut s’abstraire d’une réalité économique où le taux d’inflation dépasse la moyenne de ces vingt dernières années. Il s’agit aussi bien d’une inflation par la demande que d’une inflation par les coûts au sens où les tarifs des prestations

(manutention, transport, stockage, etc.) et les couts des transactions se sont installés dans un autre niveau de prix. Il faut toutefois avoir à l’esprit que l’indice des prix à la production

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industrielle du groupe (NSA) matériaux de construction, céramique verre que publie l’ONS indique une baisse de 3,2% entre 2010 et 2011 suivi d’une autre baisse entre 2011 et 2012 de 2,5%. La décomposition par branche d’activité (NAPR) indique, pour les matériaux de construction (le ciment étant le produit significatif de

la branche) et produits rouges une hausse de 5,9% entre 2009 et 2010 et de 15,2% entre 2010 et 2011. Les variations trimestrielles les plus significatives ont été enregistrées au 4ème trimestre 2010 (+7,8%) et au 1er trimestre 2011 (+7,5%),

- En second lieu, les efforts faits dans le domaine de l’amélioration de la qualité du produit par l’innovation et la rationalisation de l’organisation et de la gestion ne sont pas sans conséquences sur la hausse des couts de production.

- En troisième lieu, l’amélioration des conditions de travail et de motivation des personnels a conduit le groupe Lafarge à investir dans l’organisation et à revoir le système de rémunérations des personnels au profit d’une mise à jour régulière.

Les raisons invoquées par le groupe lors de la dernière hausse des prix (2,9% sur les prix de vente des produits à partir du 1er avril 2013), suite à l’interpellation du Ministère du Commerce l’autorité régulatrice font état de la fabrication et de la mise sur le marché d’un nouveau produit « Mouhtarif » qui a généré des couts supplémentaires et de la mise en place d’une rémunération supplémentaire en 2013 au titre d’un encouragement collectif non prévu par les conventions collectives du travail en cours.

Le programme d’investissement du groupe LAFARGE représente, en 2013, 12 milliards de DA. Les investissements inscrits dans le portefeuille du groupe sont aussi bien installés dans :

la diversification des produits et des activités en termes de développement de la chaine des valeurs pour accroitre sa valeur ajoutée (19 centrales à béton et 150 camions malaxeurs)

le développement du réseau de distribution constitué de 8 centres opérationnels et une projection de 2 à 3 centres par an, en ciblant les wilayate du Sud (centrales à béton)

des projets de réalisations de cimenteries en partenariat avec des opérateurs privés algériens à Biskra et avec le groupe public GICA dans le cadre des dispositions prévues par la loi de finances complémentaire de 2009 GICA,

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la réalisation d’un laboratoire de développement de recherche de systèmes constructifs qui doit être inauguré en septembre 2013, pour tester de nouvelles gammes de ciments, de béton et de systèmes constructifs à base de coffrage et de préfabriqué (le premier en Afrique et le quatrième dans le monde) et

la mise en place de programmes de formation diplômantes plus reconnues dans la certification professionnelle.

Le groupe emploie 2400 employés dont 1850 travailleurs dans le ciment, 550 dans Algerian Concrete Technology (ACT) et 1700 sous-traitants.

Le partenariat avec le groupe Lafarge, qui est un des leaders mondiaux dans le domaine du ciment, doit être beaucoup plus envisagé comme une perspective de donner à l’industrie cimentière algérienne la possibilité d’un redéploiement régional compte tenu de sa structure de couts et des avantages compétitifs qui la soutiennent.

Les standards du groupe sont, par ailleurs très exigeants en matière d’hygiène et de sécurité incluant l’investissement dans la formation et la modification du comportement personnel.

Malgré les contraintes de partenariat imposées (49/49 et 2% au profit d’un privé algérien dans le cas de la cimenterie de Sigus) le groupe Lafarge se situe bien dans une perspective de coopération durable avec l’Algérie. L’intérêt qu’il y porte semble tenir aux couts de l’énergie, à celui de la main d’œuvre, à la perspective d’un marché en pleine expansion mais aussi par des mécanismes de régulation qui paradoxalement le protègent et lui assurent son profit.

Ces différentes postures peuvent, en cas de nécessité, évoquer le bénéfice des mesures dérogatoires introduites par le législateur algérien. La loi 08-12 du 25 juin 2008 modifiant et complétant l’ordonnance 03-03 confirme dans son article 5, ces dérogations au libre jeu de la concurrence.

Au total et à la faveur des consultations menées auprès des opérateurs économiques et des administrations centrales, il apparaît difficilement soutenable, en l’état actuel de désorganisation du marché, que le groupe Lafarge soit en situation d’abus de position dominante faisant valoir en cela :

la couverture des couts par des relèvements de prix qui n’ont, a priori, pas de caractère prédateur,

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les pratiques de régulation du groupe Lafarge, de participation à la structuration des marchés et des investissements y contribuant,

les efforts d’investissement réalisés aussi bien dans les domaines de l’innovation, de la production, de la distribution que celui de la formation,

l’intérêt particulier manifesté par le groupe pour développer et étendre ses activités en Algérie.

la mise à la disposition du groupe public de son expérience internationale et les perspectives offertes pour un partenariat stratégique.

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ANNEXE 1 : PERSONNES RENCONTREES

Ministère de l’Industrie de la PME et de la Promotion de l’Investissement

M. RAHLA Abdelkader, Chef de Division de la Promotion du Partenariat et du redéploiement, Direction Générale de la Gestion du Secteur Public Marchand

Ministère du Commerce

M. HADJI Abdennour, Directeur des Etudes

Ministère de l’Habitat et de l’Urbanisme

M. NASRI Kamel, Directeur des Technologies de Construction,

Mme SAIDANI Rachida, Sous Directrice

Mme BENKHENOUF Khadidja, Ingénieur

Groupe GICA

M. BACHIR Yahia Président du Directoire de la Société de Gestion des Participations

MM. FERHAH Directeur Audit du groupe

M. GHENAIET Hakim Directeur Marketing du groupe

Groupe Lafarge

M. OMAR Iqbal, directeur Général Adjoint

Mme SAHRI Houda Directrice des Affaires Juridiques

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Association Générale des Entrepreneurs Algériens (AGEA)

M. SELMANE Abdelkrim, Directeur Général de l’Administration

Union Générale des Commerçants et Artisans Algériens (UGCAA)

M. SOUILEH Salah, Secrétaire Général en présence des membres du Conseil National de l’UGCAA

M. BOUKERROUCHE Ali, Coordonnateur de l’UGCAA de la wilaya d’Alger

Direction de la Concurrence et des Prix de la wilaya d’Alger

M. BOURAS Mimoune, Directeur

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Annexe : investissements projetés du groupe Lafarge