Rencontre avec la vérité

Eva Adams

Illustration : Gaël Maleux

Indécencecoll. dirigée par Eva Adams

Éditions L’ivre-Book

Mon corps est aux aguets, chacune demes cellules est en éveil et attend unsigne. Les secondes se font minutes etmon attente devient pesante. Tout commema vie avec Camille. Trois ans de viecommune avec un homme magnifique,tendre, romantique, la vie idéale donttoute femme rêverait. Mais pas moi ! Jene suis pas romantique, je ne suis pastendre, en tout cas pas dans le senscommun du terme. Ce que j’aime c’est lapassion, la puissance des mots, la forcedes gestes. J’aime être dominée par unhomme, sentir que je lui plais et qu’il voiten moi la soumission que je suis prête àlui concéder. Lorsque j’ai rencontréCamille j’étais déprimée. Je vivais une

période difficile, je n’avais plusd’emploi et je venais d’être quittée. Ilpleuvait comme jamais ce soir-là et jedécidai pour me réchauffer, dem’engouffrer dans le premier bar ouvertque je trouvais sur mon chemin. Il étaitbondé. À croire que je n’étais pas laseule à avoir eu cette idée en remarquantla quantité de parapluies qui jonchaient lapetite entrée. Je m’étais assise sur le seultabouret libre du bar, sans grandeconviction d’être au bon endroit, comptetenu de la fumée et des cris haut perchésannonçant le degré d’alcool qui coulaitdans les veines des mâles hurlants. Lebarman m’avait demandé ce que jebuvais.

— Un café s’il vous plaît, avais-je

annoncé.

Il avait levé les yeux au ciel comme sima commande ne valait pas la peined’être honorée. J’étais éreintée de mebattre contre la vie, le monde était cruelavec moi et je n’avais plus la forced’aller à contre-courant. Le barman ne meservant pas, j’étais prête à me lever etquitter cet infâme endroit, quand une voixs’éleva à côté de moi :

— Vous allez lui servir son café ou jedois le faire ?

Ma tête tourna vers un bel hommechâtain, la trentaine tout juste. Les mainsposées sur le comptoir, il n’avait a prioripas l’intention de laisser ma commandeen suspens. J’étais subjuguée devant

l’aplomb qui émanait de sa personne peucharismatique. On peut dire que de suitej’en suis tombée amoureuse. Mon caféservi, je l’avais bu sans me soucier dugoût qu’il avait, seul m’importait le goûtque pouvait avoir mon bel inconnu.Rapidement nous avons noué des liens etne nous somme plus quittés, jusqu’à cejour où… j’ai rencontré mon Maître.

— Léna ? où es-tu ?

— Ici Maître.

— Vous me mentez ?

— Excusez-moi Maître, j’étais dansmes pensées…

— Je vois que vos pensées sont plus

intéressantes que ce que nous faisons ence moment.

— Pas du tout, c’est que… Il mecoupa.

— Plus un mot ne doit sortir de cettebouche, vous m’entendez ? m’ordonna-t-ilen posant son index sur mes lèvres.

Je lui fais oui de la tête, les yeuxtoujours cachés par le bandeau quim’obscurcit la vue. La honte m’envahit leventre, la colère aussi. Comment ai-je pume soustraire à l’autorité de mon Maître ?Je sais que je vais devoir payer pourcette impudence. Les mains liées à lacroix de Saint-André, les cordesenroulées autour de mes chevilles, je n’aiaucun moyen de m’échapper. Si tant est

que j’en aie envie. Je ferai face à mapunition, la tête haute et sans cri, docilecomme il aime.

— Je vais être indulgent ce soir Lénaet te laisser le choix de ta punition.

Mon Dieu, c’est bien pire, que choisirqui le satisfasse assez pour qu’il effacemon effronterie ?

— À cause de ton égarement on vadevoir remettre notre petit jeu à plus tard,je ne pense pas que tu seras en état decontinuer après cette punition.

— Pardonnez-moi Maître.

— Si je te pardonne sans te punir, vas-tu comprendre de quelle audace tu as faitpreuve ? Dois-je oublier ta punition ?

Hein Léna, qu’est-ce que tu en penses ?

La boule au ventre vient de monterdans ma gorge et je sais que je ne doispas parler sans qu’il m’y invite. Jem’abstiens donc de donner une réponse àses questions, le cœur aussi serré quemes liens.

— Parle Léna, j’ai besoin de connaîtreton avis.

— Je mérite ma punition Maître.

— Tu as raison. Quel Maître je feraissi je laissais cet affront sans réponse !Demande-moi ta punition Léna.

— Punissez-moi Maître, s’il vousplaît.

— Une soumise doit honorer son

Maître et n’a pas son avis à donner, maislà je vais te laisser deux choix. Soisattentive Léna, je ne me répéterai pas, medit-il en m’effleurant les seins, ce qui mefait frissonner.

— Oui Maître.

— Choisissez une main.

Le vouvoiement est de retour, celaannonce la distance qu’il vient de mettreentre nos deux corps. Pourtant j’ai enviequ’il soit tout proche de moi, je veuxsentir ses mains sur ma peau, glisser entremes fesses et me caresser les lèvrescomme il sait si bien le faire, mais ce soirj’ai tout gâché, cette soirée que j’aiattendue toute la semaine est vouée à unepunition cuisante.

— La gauche Maître.

— Bien, je vois que vous êtes prête àvous faire pardonner votre faute.

— Oui Maître.

— Combien Léna ?

— Vingt.

— Pardon ?

— Trente ?

— Je n’ai pas bien entendu.

— Quarante Maître, dis-je avecaplomb.

— Parfait Léna, je vais te donner ceque tu demandes : quarante coups defouet.

Les dents serrées, ma respirationdevient ample et mes mains s’accrochentà la corde qui les maintient bien tendues.

— Je vais compter les vingt premierscoups et tu me diras merci à chaque foisque tu sentiras mon fouet embrasser tapeau, puis les vingt suivants tu compterasà voix haute.

— Bien Maître.

Son corps se rapproche du mien, jesens son odeur, son parfum qu’il met justepour moi, celui qui emplit mes narineschaque weekend. Ses mains viennentcaresser mes joues, lentement il déposeun baiser suave sur mes lèvres puis il tiresur mon bandeau et me découvre les yeuxavant de reculer. Je le fixe, car c’est ce

qu’il veut et n’a plus besoin de me donnerdes consignes, je les connais maintenant.L’espace entre nous s’agrandit, jen’entends presque plus sa respiration etcela me tue. Mes poumons se gonflent unedernière fois à fond, je relève la tête etlui fais face tandis qu’instinctivement mesyeux se baissent.

— Ne ferme pas les yeux Léna, rends-moi fier de toi, conclut-il avec un sourire.

Sa main se lève, le fouet suit lemouvement et dans un bruit d’air brisépar le cuir, il s’abat une première fois surmon ventre.

— Merci Maître.

Une seconde fois sa main se lève, le

fouet fouette l’air et me cingle la peau. Unrictus orne son visage, je ne saurais dires’il compatit ou s’il y prend du plaisir.Les coups pleuvent et je tiens bon, ledemi-sourire sur mes lèvres commence às’éclipser mais mes remerciementscontinuent à ponctuer chacun de sescoups. La peau de mon ventre et de mescuisses devient cuisante mais je dois tenirbon et faire honneur à l’éducation qu’ilm’a donnée.

— Vingt ! annonce-t-il.

— Merci Maître.

— Je veux t’entendre Léna, ne me faispas recommencer du début.

Je déglutis, bien sûr que je vais être

audible, je suis déjà à la limite dutolérable, il n’est pas question de toutrecommencer.

— Vingt et un, Maître.

Je me concentre sur les chiffres, plusrien n’existe autour de moi que le bruit del’air éclaté par le fouet et annonçant lamorsure prochaine de ma peau. Au milieudes océans déchaînés qui commencent àm’engloutir, je ne peux me raccrocherqu’à mon sémaphore, mon Maître, le seulqui pourra me ramener sur les rives, saineet sauve ; car il s’agit bien de cela,d’évasion au bout du monde, dans letourment des océans pour trouver le salut,celui qui sera présent lors de maremontée dans le monde, celui qui

contrôle ma déchéance et y donne un sens.D’un commun accord nous naviguons surles mers enragées, dans des creux devingt mètres pour enfin apercevoir cethorizon baigné d’un lever de soleil dontle monde n’est pas encore inondé.

— Trente-cinq Maître.

Les yeux me brûlent, mes joues sontinondées de larmes, ma tête est toujourslevée, face à lui, mon salut ! Ma bouchene me trahit pas, les mots sortent les unsaprès les autres et se déversent dans lapièce. Mon corps doit être écarlate si j’encrois la sensation de brûlure intense quicourt de mes genoux à mon cou en passantpar mes fesses et mon dos. Cette brûlureme fait exister, je suis en vie. Oui grâce à

elle je vis, j’existe pour quelqu’un.

— Quarante Maître, merci.

Le fouet tombe sur le sol, ma tête ne sebat plus contre la gravité et mes yeuxdonnent naissance à une dernière larmeavant de se fermer. Mes bras ne metiennent plus, mes genoux se plient, jesuis éreintée. Mon Maître apparaît dansmon champ de vision, il dénoue lescordes de mes mains, je me laisse tombersur son épaule pendant qu’il défait cellesqui retiennent mes chevilles. Ses brasm’entourent et il me porte jusqu’au lit.

— Oh Léna, je suis très fier de toi, tuvas dormir avec moi cette nuit, dans mesbras.

— Oui Maître. Très heureuse ducompliment que je viens de recevoir et dela gratitude dont il fait preuve ce soir.

Son corps me rassure, il sent l’odeurque j’attendais depuis des jours, sesmains habiles enduisent mon corps decrème apaisante et rafraîchissante. Je n’aiplus de force, je m’étale sur le matelas etle laisse prodiguer les soins que moncorps demande. Ma peau s’apaise par sescaresses qui parcourent mon ventre, puismes cuisses largement écartées.

— Tu es trempée Léna, cela t’a plu apriori ?!

Je m’empourpre car malgré ma fatiguecertaine, mon ventre lui en veut plus, ilattend que mon Maître prenne possession

de lui et le gratifie de sa semence.J’ondule sous ses caresses plusprégnantes. Mes seins l’attendent, mesfesses sont prêtes à recevoir ses paumesde mains et mon sexe est grand ouvertpour lui.

— Tu mériterais que je te laisse sur tapunition mais il est vrai que la volonté deme satisfaire qui t’a animée ce soir m’adonné envie de te posséder plusprofondément.

Je souris en mon for intérieur, car rienn’est gagné, je ne dois pas lui montrer queje suis le vainqueur de cette manche, toutserait à nouveau anéanti. Son corps vientse coller sur le mien, chaud comme labraise et ses lèvres viennent butiner les

miennes. Mes mains, plaquées par lessiennes au-dessus de ma tête, amplifientma soumission. Ses jambes écartentlargement les miennes et son sexe mepilonnant d’un coup, finit de m’expédierdans les tréfonds de mon être. Je suis àlui, tout entière, je lui appartiens et il saitque je serais prête à bien plus de chosespour le satisfaire autant qu’il me satisfait.Je m’endors dans ses bras, du sommeil dujuste.

Au réveil, les courbatures qui habitentmon corps me rappellent notre soiréeanimée et notre nuit agitée. J’ouvre lesyeux et je me rends compte que je suisseule dans ce grand lit qui n’est pas lemien. Je me relève délicatement pour

venir m’asseoir sur le bord du matelas etattrape ma nuisette posée sur le fauteuil.Pas un bruit à l’étage, mais où est-il ?J’emprunte les quelques marches quidonnent au rez-de-chaussée et me laisseguider par la bonne odeur de crêpes.

— Te voilà. Tu as bien dormi ?

Je reste plantée devant lui, sansréponse, seuls mes yeux s’expriment,s’excusent pour cette soirée et leremercient pour cette nuit.

— Tu peux parler Léna et venirt’asseoir pour manger.

— Merci Maître. J’ai passé une trèsbonne nuit grâce à vous.

— Moi aussi j’ai passé une bonne nuit

mais elle aurait pu être encore meilleure.

— J’en suis désolée, dis-je en baissantles yeux sur mon assiette garnie de deuxcrêpes au miel.

— Vas-tu enfin me dire ce qui t’a faitgagner cette punition ?

— Je ne pense pas que cela vous fasseplaisir.

— Crois-tu que tu puisses penser à maplace ?

— Loin de moi cette idée Maître.

— Alors dis-moi.

— Des souvenirs sont remontés à lasurface et je me suis revue lors de mapremière rencontre avec Camille.

Il laisse tomber sa crêpe dans sonassiette et croise ses mains devant lui surla table.

— Viens ici ! m’ordonne-t-il.

Mes jambes se lèvent toutes seules àcet ordre et me guident vers lui, le visagefermé et les traits sévères. Arrivée à saportée il me tend sa main que j’embrasseavec amour puis m’enlace les hanchesjusqu’à ce que je m’asseye sur sesgenoux. Sa main s’immisce dans mescheveux et vient jouer avec une mèchequ’il glisse derrière mon oreille dans ungeste sensuel.

— Nous en venons encore à cettediscussion Léna ?!

— Ce n’est pas mon souhait Maître.

— Regrettes-tu ta vie avec Camille ?me dit-il en me soulevant le menton pourme regarder dans les yeux.

— Non pas un instant.

— Je ne comprends pas Léna. C’est toiqui es venue à moi. Souviens-toi dansquelles conditions nous nous sommesrencontrés.

Mes souvenirs sont si présents qu’onpourrait croire que c’était hier. Je l’aiabordé sur le net en premier lieu, j’avaispeur de tomber sur un homme qui feraitpreuve d’une violence sans nom ou quim’utilise à son bon vouloir, alors j’avais

pris les devants en posant mes questionssur un forum, de nombreuses questions àvrai dire. J’avais reçu une quantitéincalculable de réponses dont certainesme faisaient vraiment peur. Et puis, il estapparu. Gabriel était déjà sévère dans sesmots mais franc et honnête. Il m’acaptivée tout de suite, j’ai voulu en savoirplus, je lui ai posé beaucoup d’autresquestions et toutes ont obtenu une réponsequi m’a satisfaite. Je voulais savoir simon comportement avec Camille étaitnormal. Si j’étais normale ? Était-cenormal que je m’ennuie durant nosrapports sexuels ? Que j’imaginequelqu’un d’autre à sa place ? Que jeveuille qu’il me donne une fessée qui nevenait jamais ? Que je m’imagine

attachée aux barreaux du lit pendant desheures à l’attendre avant qu’il daigne mebaiser avec passion ? Camille necomprenait pas ma distance et cela mefaisait mal, moi-même je ne comprenaispas ce qui m’arrivait, je l’aimais pourtantet j’étais bien avec lui mais il memanquait cette dimension de prise depouvoir. À vrai dire je ne me suis jamaissentie en sécurité avec Camille. Ilm’apportait la tendresse, l’écoute etl’espoir de nos vies croisées mais jen’étais pas entendue. Mon être criait qu’ilétait en train de mourir d’ennui. Commentlui faire comprendre cela, sans le détruire? Lui qui mettait toutes ses ambitions dansnotre vie commune et son avenir entremes mains. C’est Gabriel qui m’a

éclairée dans tous les sens du terme.C’est lui le premier qui a donné unadjectif à ce que vivais : « Tu es unesoumise » m’avait-il lancé à traversl’écran. Mon sang s’était figé dans mesveines. Donc c’était bien cela ! J’étaiscomme toutes ces femmes que je voyaissur internet, faibles et utilisées. Mais jene comprenais pas ce que cela impliquaitpour moi. Je voyais la souffrance quej’allais endurer, la perte de liberté, je mevoyais prisonnière. Gabriel avait mis desmots sur ma condition. Il m’expliqua quej’étais une vraie soumise, dans la vie detous les jours et dans la vie sexuelle etque cela était rare. Généralement lesfemmes soumises dans l’intimité nel’étaient pas dans la vie, ni dans leur vie

professionnelle ni dans leur vie familiale.Ses mots m’ont apaisée un tant soit peujusqu’à ce qu’il m’explique que Camillel’était aussi et que deux soumis nepeuvent pas vivre une histoire sexuellecar aucun des deux ne sera comblé. J’aibeaucoup pleuré ce soir-là, je venais decomprendre nos différences pourtantsimilaires. Gabriel me proposa de jouer àun jeu avec Camille : il deviendrait mondominant pour un soir et je deviendrais sadominante pour un soir. Ne voulant cessernotre relation, j’avais préparé un bonrepas et en l’attendant, anxieuse,j’attendais le moment idéal pour luiexpliquer mes attentes. Je lui dis tout cesoir-là : mes conversations avec Gabrielqui était un maître réputé et respecté dans

la communauté BDSM, le qualitatif demon statut, le sien. À ce moment et malgrésa surprise, j’ai ressenti un soulagement,comme s’il savait déjà qu’il aimait lasoumission. Enfin je lui proposai de semettre dans la peau d’un dominant pourun soir, pour voir si cela lui convenait,j’en ferais de même pour lui lelendemain. Gabriel m’avait donnéquelques conseils, sur la tenue à porter :un soutien-gorge à balconnet, une jupemoulante très courte, un porte-jarretelleset des bas visibles, agrémentésd’escarpins très hauts. Quand Camille estentré dans la chambre, ses yeux se sontimmobilisés sur mes chaussures. Il m’adit qu’il avait envie de se jeter à mespieds et les embrasser. C’est à ce moment

précis que j’ai compris que notre petitemise en scène serait vouée à l’échec.Ceci dit nous avons joué le jeu, pour unsoir il est devenu mon dominant, mais sesmains n’étaient pas assez fermes, sapoigne dans mes cheveux me procuraitplus un massage qu’une excitation et sesexcuses en permanence me sortaient demes fantasmes. Dès que je grimaçais oupoussais un cri, il s’excusait et medemandait pardon.

C’était un fiasco. Je n’ai pas ressentice que j’espérais sentir, je n’ai pas pu melâcher et je ne me suis pas du tout sentieen sécurité. Camille n’était pas sûr de luiet cela m’a mise en difficulté. Nonseulement parce qu’il ne me permettaitpas d’aller plus loin dans ma soumission

mais aussi et surtout parce qu’il memettait en danger et je le savais. Majouissance n’était pas au rendez-vous,tout comme la sienne. Ce rôle ne lui a pasplu du tout. Il m’a même avoué qu’il avaitdû s’imaginer à ma place pour pouvoirjouir. Notre couple n’avait plus de sens.Nous nous sommes retrouvés comme deuxidiots, allongés dans notre lit, seul témoinde notre échec et nous avons convenu quecertes, nous nous aimions mais que nousavions besoin de vivre dans lasoumission et que par conséquent nous nepouvions combler l’autre. J’étais triste.Camille était mon sauveur, celui quim’avait sortie du tunnel dans lequelj’étais et je venais de comprendre que jedevais le laisser éclairer la vie de

quelqu’un d’autre. On s’était serré dansles bras, et avions laissé nos yeuxs’exprimer. Je serais toujours là pour luiet il serait toujours là pour moi, ça c’étaitune certitude.

Dès mon réveil je m’étais connectéesur le site pour dialoguer avec Gabriel.Je lui fis part du fiasco de notre soirée etj’ai encore beaucoup pleuré devant monécran. C’est à ce moment qu’il avaitproposé de me rassurer par téléphone. Cefut la première fois que j’entendais savoix. Une voix pleine, directe, un peurauque, une voix de dominant telle que jel’attendais. Et puis le choix de ses mots,pas de grandes phrases à l’eau de rosenon, des mots choisis avec soin,impactant, m’obligeant à vivre dans la

réalité de ma vie. C’était lui, j’en étaissûre. Il était le dominant que je cherchaissans le savoir. Quand il a ressenti cela ilm’a mise en garde, pas de lui mais demoi. « Prenez du recul face à vosdécisions, ne vous jetez pas dessuscomme sur une bouée de secours, cemonde est complexe et être soumise à unDominant vous engage et engage celui quiacceptera d’endosser ce rôle ».J’entendais et bien que je n’aie pasencore conscience de l’implication d’untel engagement, je savais que lasoumission était faite pour moi et jesavais que Gabriel était le Maître qu’ilme fallait.

Durant quelques semaines nous avons

vécu en colocataires Camille et moi. Meséchanges avec Gabriel étaient quotidiens,souvent plusieurs fois par jour. Il nes’était pas proclamé comme mon Maîtremais avait accepté de m’ouvrir au mondedu BDSM. Chaque jour il me conseillaitde me renseigner sur une pratique enregardant des vidéos s’y reportant. Suiteà quoi je devais lui écrire au minimummille cinq cents mots décrivant ce quej’avais ressenti face à ce que j’avais vu etsi cela me donnait envie. Je trouvaisl’exercice très exigeant et je necomprenais pas pourquoi il avait mis unminimum de mille cinq cents mots.Posément il m’avait expliqué qu’unesoumise devait avoir assez devocabulaire et devait être très à l’aise

avec ses ressentis pour les exprimer :c’était la base de la sécurité en BDSM.Le maître se basait sur ses ressentis poursavoir s’il pouvait continuer, pour savoirquand il pouvait repousser les limites desa soumise. C’était tellement juste. Mesdevoirs arrivaient le matin dans ma boîtemail et j’en prenais connaissance en petit-déjeunant. Toute la journée j’étais excitéeà l’idée d’aller chercher sur le net àquelle pratique il faisait référence.J’essayais de deviner ce que celaimpliquait comme accessoire, commesensations… En fin de journée, quandenfin je rentrais chez moi, j’allumais monordinateur et m’octroyais une heure, enimmersion dans la pratique, puis une àdeux heures d’écriture. Gabriel aimait les

belles phrases, la poésie, les motsdélicatement couchés sur la page et nonjetés à tout va. Je prenais donc un grandsoin à détailler mes émotions, mesréticences, mes peurs parfois mais aussimes envies. Concernant ces dernières j’aimis du temps à m’ouvrir. C’était bien pluscompliqué de dire ce qui m’excitait quece qui me rebutait. Pourtant l’accent étaitmis sur mes désirs et tant que je n’avaispas produit un papier digne de ce nom,nos échanges étaient remis en question. Jeme rappelle la fois où il m’a laissée seulependant deux semaines. Je devais merenseigner sur une pratique que je jugeaistrès dure, où une femme était entourée decinq dominants qui la baisaientcopieusement avec force sur l’ordre de

son Maître. Cette scène m’avait mise plusque mal à l’aise. Bien que je sache que lajeune femme jouait un scénario, je nesavais pas comment me comporter face àde telles scènes, d’autant que mon corpsétait parcouru de frissons et que mon sexeétait humide comme jamais.L’incompréhension m’avait habitéependant plusieurs heures et je n’avais paspu écrire les mille cinq cents motsattendus, tout ce que je pus produire fut «Je suis en colère, je suis contre, je refuse,c’est immoral et anormal ». Gabrielm’avait répondu « Et votre corps que dit-il ? ». Cette question m’avait énervée, jesavais là où il voulait me mener et cequ’il attendait de moi. J’acceptai avechonnêteté de lui répondre « Je ne suis pas

d’accord avec lui, Monsieur », « Parfait,écrivez-le ! » Cela m’avait pris troisjours pour me calmer et honorer maparole de lui répondre, puis deux jours deplus pour corriger et rayer ce que je nevoulais pas qu’il sache. Peine perdue, jelui avais envoyé mon papier qui m’étaitrevenu illico avec une brève annotation :« Si vous contournez un ordre, je n’aiplus de temps à perdre avec vous ». Monsang s’était glacé, je ne voulais pas leperdre et en même temps je medemandais pourquoi je devais obéir à cetordre qui me gênait au plus haut point. Jepensais en avoir assez vu et assez dit.Penaude je retournai à ma page et reprisl’écriture. Ce fut un moment très dur, leslarmes bien sûr, coulaient sur mes joues

mais aussi les sensations nouvelles quiémergeaient dans mon corps mesubmergeaient d’incompréhension.Malgré mes efforts pour les enfouir jecapitulai avec souffrance et arrivaifinalement à prendre du recul et écriremes ressentis les plus profonds :

« Vous me demandez Monsieur devous conter mes ressentis face à unescène de sexe où le Maître de la soumisela livre à une horde de dominants. Aprèsmaintes querelles avec mon corps pourcalmer l’excitation qui en émergeait,puis maintes suppliques pour le fairetaire, j’ai capitulé. J’ai accepté de lelaisser s’exprimer et de coucher sur lapage mes ressentis tels que je les vis en

ce moment.

Il faut avant cela que je vous disequelque chose dont je ne suis pas fière :

Je vous ai détesté, je vous ai haïmême, pour ce que vous me demandez.Au commencement de vos ordres jetrouvais cela amusant, et puis plus je meprêtais à votre jeu et plus vous avezmonté la barre. Vous n’avez cessé de memener plus loin, dans des pratiques dontje ne soupçonnais rien.

Certes je n’étais que spectatrice decette scène mais une spectatrice enlarmes et en colère. J’ai vu ce qued’autres on fait et j’ai vu ce que le

Maître a éprouvé à la vue de sa soumiseutilisée. Me demanderez-vous un jour dejouer cette scène ?

Toutes les soumises aperçues dans lesvidéos que vous m’avez gentimentordonné de regarder étaientconsentantes, je n’en doute pas. Lapreuve en est que chacune d’ellescommençait par une présentation desprotagonistes, et toutes les soumisesprésentes se prêtaient volontiers au jeu.Elles expliquent clairement que c’estune mise en scène. Quand bien mêmeelles jouent un scénario, une mise enscène filmée, ce que j’entends, conçoiset respecte, cela n’a tout de même pastari ma colère.

Après m’avoir envoyé sur diversespratiques, dont certaines, comme vousl’avez lu dans mes derniers écrits,m’excitent, celle-ci me fait peur. J’ai vucette femme, au milieu de cinqdominants, tous invités au spectacle queson Maître avait préparé. Rendez-vouscompte Monsieur, tous ces hommes quiacceptaient les ordres de son Maître,pour son plaisir, à lui, à eux, à ellej’espère. Quel moyen de défense avait-elle ? Ou devrais-je dire : « Quel moyende défense aurais-je si tel était votredésir ? » Mon cerveau me demanded’effacer cette dernière phrase, moncorps me demande de la laisser. J’aiaccepté de me mettre à nu et de

l’écouter, je laisse donc ces derniersmots, mais sachez que ce n’est pas monsouhait.

Toutefois et bien qu’il y ait un court-circuit entre mon esprit et mon corps,après avoir été très en colère après vouset après avoir prodigué des injures àvotre encontre, je vous le dis sansretenue, je me suis mise à être très encolère contre moi. Ce corps, que jecroyais mon allié, ce corps qui meconnaît parfaitement et que je croyaisconnaître, ce corps Monsieur, me trahit.Je le découvre pris de plaisir devant cesimages, s’extasier à l’idée même qu’unjour ce puisse être moi ! Ce corpsMonsieur, ne m’appartient déjà plus, il

est devenu l’objet de vos désirs etapparemment il y prend aussi du plaisir.Et c’est à cause de vous ! Ou sij’arrivais à prendre suffisamment derecul, je dirais que c’est grâce à vousmais malheureusement ce n’est pas lecas. Pour le moment en tout cas.

En cet instant où j’écris, puisque j’aidécidé d’être honnête et de ne rien vouscacher, ni rien effacer, je vous le disouvertement, ceci est de votre faute !C’est de votre faute si mon corps a réagide la sorte. Je suis contre, je vous l’aidit dans mon premier message. Je neveux pas, je n’ai aucune envie de vivrecette situation, je n’y ai même jamaispensé, et vous, vous m’obligez à y faire

face. Et pourtant, malgré mon refuscatégorique Monsieur, malgré cela, moncorps s’est exprimé, mes seins étaienttellement tendus que j’en avais mal, monventre s’est ouvert, prêt à recevoir ceshommes, mon vagin est devenu humide,tellement humide que la cyprine mecoulait sur les cuisses. En écrivant celaj’ai honte Monsieur. Je ne contrôle plusrien ! Il me vient une question : suis-jenormale au final ? Ou suis-je juste lacréation de vos ambitions perverses ?C’est à cause de vous Monsieur, si jesuis dans cet état-là. Pardonnez-moimon affront, loin de moi l’envie de vousoffenser mais la vérité est bien là. Biensûr je n’étais pas heureuse avant devous rencontrer, bien sûr que c’est grâce

à vous si j’ai compris qui j’étais et lacondition que j’avais dans ce monde etje vous en remercie, mais il n’est pasquestion que je vive une telle situation.Comme je vous l’ai déjà dit partéléphone et par écrit, je suis prête à mesoumettre à vous mais je ne suis pasprête à tout accepter. Alorseffectivement, peut-être que cela remeten cause ma condition de soumise, peut-être que ma soumission n’est pas totale,peut-être que ce n’est pas ce que vouscherchez, enfin peut-être qu’au finalvous vous êtes trompé, je ne suis pas unesoumise digne de ce nom, telle que vousme l’avez exprimé dans nos toutpremiers échanges.

En tout cas Monsieur, sachez que macolère est retombée, je ne vous hais plus,je ne vous déteste plus non plus mais jegarde quand même une petite pointe derancune. Vous m’avez fait pousser uneporte sur un monde dont je nesoupçonnais rien. Je pensais que lasoumission se résumait à quelquesclaques sur les fesses, avoir les poignetsattachés, menottés à la rigueur, les yeuxbandés pourquoi pas, mais cetteouverture sur ce monde de soumission etde domination tel que vous me l’avezmontré est immorale et anormale. Macolère contre vous n’est plus, elle est àprésent dirigée vers moi, vers lafaiblesse dont je fais preuve, vers lamédiocrité de mes propos. Pourquoi ?

Peut-être arriverez-vous à m’expliquerpourquoi je vis cette contradiction ?Pourquoi mon esprit dit NON alors quemon corps dit OUI ? Et pourquoi depuisdeux semaines je me couche en ayantcette scène en tête : moi entourée d’unehorde de dominants en attente quej’obéisse à vos ordres ?

Je ne suis pas d’accord, sachez-le !J’ai le droit de dire non, enfin je crois. Ilme semble que ce pouvoir revient à lasoumise, non ? Eh bien je dis non !

Comment réagirai-je le jour où vousme mettrez en contradiction avec moi-même ? Comment réagirai-je le jour où

vous me donnerez un ordre que je nepourrai suivre ? Je n’ai pas la réponse àces deux questions et cela me désole.Toutefois je comprends pourquoi vousm’avez poussée à exprimer ce que celavéhicule en moi. Il en ressort que jepréférerais prendre un joker. Est-ce quela punition est une porte de sortie ? Toutcompte fait : honorable, rapide, nonsans douleur mais elle apporte unefinalité appréciable.

Non Monsieur ! Je ne veux pas rentrerdans ce jeu. J’ai beaucoup lu sur cetaspect selon vos ordres, ces soumisesqui préfèrent la punition au lieu de faireface à leurs limites mais je ne suis pascomme elles. Je ferai face à mes

résistances et aux limites qui y sontassociées, et en cet instant je fais face àune furieuse sédition qui m’empoigne leventre. Qui me dit, qu’après avoir vécuun scénario tel que vous m’avezdemandé de regarder, je ne serai pasperdue ? Ne vais-je pas m’égarer dansune forme de sexualité dévouée auxdésirs et aux ordres d’un homme enoubliant qui je suis ? Pouvez-vous mecertifier que je trouverai mon plaisir enobéissant à un tel ordre ? Pouvez-vousme garantir que je serai en sécurité ?Me protégerez-vous ? Enfin qui me ditque je pourrai revenir à une relationnormale après un tel partage ?

Je suis perdue Monsieur. Je

comprends votre position, maiscomprenez-vous la mienne ? Ou peut-être voyez-vous des choses en moi que jene distingue pas ?! Autant au début je necomprenais pas où ceci allait me mener,je l’ai pris comme un jeu, autantaujourd’hui je sais que ce n’en est pasun. Cela fait plusieurs mois maintenantque nous dialoguons, que vous medonnez des devoirs que j’accepte plus oumoins volontiers. Mais là je bloque, etlà je comprends.

Je comprends que vous avezcommencé, sournoisement, à m’éduquer.

Je viens de toucher un mur, une limite

obscure que seule je ne pourraidépasser. Je le sais, je suis bien tropentêtée pour abandonner aussi vite mesrésistances. Il me faut des ordres, venantde quelqu’un que je respecte, il me fautde la force, venant des mains qui m’onttouchée et attachée et il me faut êtrerassurée par des bras qui m’aurontremerciée de mon obéissance.

À la question que j’ai posée plus haut: si demain vous me donniez l’ordre deme soumettre à cette horde dedominants, que ferais-je ? Je vous le dissans grande conviction, j’accepteraisMonsieur, pour vous, pour voussatisfaire. Je sais aussi que je m’envoudrais beaucoup d’avoir accepté une

situation qui n’a rien de commun. Etpourquoi alors qu’on ne se connaît pas,devrais-je accepter un tel ordre ? Jen’en ai aucune idée Monsieur, toutcomme je ne vois pas pourquoi je lerefuserais. Tout ce que je peux dire aujour d’aujourd’hui, c’est que j’aiconfiance en vous. Je comprends quevotre silence depuis deux semaines avaitpour but de favoriser ma réflexion. Jecomprends toutes les étapes parlesquelles vous avez voulu que je passe :la colère qui m’a empêchée de dormirpendant une semaine, mes ressentimentsenvers vous également, et puis leslarmes, la compassion, l’envie etl’excitation. Quand j’ai réussi àdépasser tout cela, j’étais exténuée

d’avoir franchi autant de murs pourenfin pouvoir respirer.

Alors, si demain Monsieur, vous medonniez l’ordre de me soumettre, jepense que je vous dirais « OUI ». Jepense que je me soumettrais à vos désirset même si pour le moment, cettesituation me paraît très éloignée de mesenvies. Pour vous, je le ferais Monsieur,pour notre duo D/s je le ferais Monsieur,enfin pour vous satisfaire je le feraisMonsieur.

On ne se connaît pas, tout du moinspas encore, nous ne nous sommes pasnon plus vus ni touchés, peut-être que je

ne vous conviendrai pas, peut-être queje ne suis pas la représentation de lasoumise que vous attendez, même si jesais que vous êtes le Maître quej’attends. J’ai conscience que je suisinexpérimentée, plus que novice dans cedomaine mais tout ce dont j’ai lacertitude, c’est que je ne peux vivrequ’une relation Dominant et soumise. Etc’est grâce à vous Monsieur que j’en aila ferme conviction.

Après ce long travail en immersion,seule avec mes résistances et meslimites, je suis convaincue que si vousme donnez l’ordre Monsieur, de mesoumettre à d’autres dominants, je vousrépondrai OUI. Il me reste à définir si la

personne qui vous répond parl’affirmative, est bien moi. Je vousentends d’ici : « Êtes-vous réellementvous Léna, sans soumission ? » Je vousrépondrais sans atermoyer « Non ! » Jene serai moi que lorsque je vous aurairencontré, que lorsque j’aurai acceptéde mettre ma main dans la vôtre, quelorsque je me serai prosternée à vospieds.

En conclusion, je dirais que je suisarrivée à une limite palpable, qui nepourra être franchie qu’avec votre aide.Et non sans vouloir dicter votreconduite, je pense sincèrement que vousêtes la personne qui peut m’aider à êtremoi et dépasser mes limites. C’est un

honneur pour moi de vous connaître,c’est un honneur que vous acceptiez dem’éduquer pour devenir une soumisedigne de ce nom. Je prends toute lamesure du temps et de la patience quevous m’accordez, et je vous en remercie.

J’espère un jour être à la hauteur devos exigences.

PS : Je vous demande de m’excuserpour toutes les questions que je me suispermis de vous poser, je n’aurais pas dû,je le sais, mais seul vous pourrez ydonner une valeur et par conséquent uneréponse ou non.

Amicalement

Judith »

J’avais cliqué sur envoyer avant de meposer trop de questions, puis dans laseconde qui a suivi j’avais regretté monaction un peu trop rapide. Il m’a falluattendre encore trois jours avant derecevoir sa réponse. Les trois pluslongues journées de ma vie de soumise enherbe. Je m’étais rongé les sangs, montravail était bâclé, la nuit je me réveillaisen sueur et avais du mal à me rendormiret je n’arrivais plus à rien avaler. Puis unjeudi, le Graal m’attendait dans ma boîtemail. Je tremblais à la découverte de mamise à mort, de ces mots qui mettraient un

terme à notre pseudo-relation mais je metrompais, ce message prenait une toutautre tournure :

« Très chère Judith, je vous remercied’avoir exécuté mes ordres et d’avoiraccepté de m’exprimer vos ressentis.Vous avez dépassé les objectifs que jevous avais donnés et c’est tant mieux, jen’en attendais pas moins. Je vois quevous avez commencé à comprendre là oùje veux vous mener, ce qui me ravit. Vousêtes passée par maintes émotions etcontradictions, ce que j’espérais. Vousm’avez détesté ? Tant mieux. Vousm’avez haï ? Encore mieux ! C’est grâceà ces émotions que vous allez arriver àlâcher prise et apprendre à me faire

confiance. Je serai votre roc, votresémaphore comme vous le dites si bien(j’aime beaucoup ce qualificatif soit diten passant). Une relation D/s digne dece nom passe en effet par l’abnégationde la soumise et cela prend du temps.Sachez que j’ai tout mon temps ! En effetnous ne nous sommes pas encorerencontrés, mais je pense sincèrementque vous serez une bonne soumise. Pourle moment vous êtes encore effrontée etrebelle mais j’ai maints scénarios pourvous dresser et calmer vos ardeurs. Vousdevrez apprendre à obéir rapidement !Vous avez émis beaucoup de questions etcomme vous l’avez très bien dit, unMaître n’a pas à répondre à une soumisequi se permet de le questionner sans

savoir si elle en a le droit. Encore unechose que vous ne saviez peut-être pas,quoi que ? Au vu de vos propos, j’endoute.

Je ne répondrai donc pas à vosquestions. Elles obtiendront, peut-être,une réponse lorsque je le déciderai.

Sachez qu’à partir de maintenantvous ne devrez plus me questionner sansque je vous y aie invitée. J’espère quevous entendez bien, je ne compte pascréer une ardoise de vos camouflets.Pour le moment en tout cas ! Vous avezdû remarquer que depuis plusieurs mois,depuis que vous avez accepté d’être masoumise en herbe à distance, je n’ai

cessé de vous tester. Jusqu’à maintenantvous avez réussi à me rendre tous vosdevoirs, comme vous dites, en tempsvoulu et j’en étais ravi mais je medemandais quand vous vous heurteriez àVous ! Et c’est maintenant, il étaittemps, si j’ose dire. Une soumise a de lavaleur aussi dans ses réticences, si vousdeviez tout accepter vous ne me seriezd’aucune utilité et je n’aurais aucuneenvie de jouer avec vous ni de vousguider sur la route de la soumission.

Donc nous y sommes, vous vousconfrontez à vos zones d’ombre et delumière (je vous laisse mettre cesadjectifs sur ce que vous voulez). Parconséquent nous allons enfin pouvoir

passer un palier qui devrait nouspermettre d’avancer plus en sécurité,conjointement. Je savais qu’il se cachaiten vous une rebelle, il fallait qu’elles’exprime, elle devait donner son avis etvous l’avez acceptée, avec souffranceapparemment mais vous l’avez laissées’exprimer.

Êtes-vous consciente du pouvoir quevous venez de libérer ? Je ne pense pas,mais mon rôle est aussi de vous aider àcomprendre ce que vous vivez, d’y mettredes mots et de libérer votre pouvoir pourcréer votre propre soumission, sous maresponsabilité.

Je vous remercie de votre honnêteté,de votre franchise et aussi de m’avoirpardonné pour vous avoir poussée horsde vos réserves, (je ne me ferai passouvent pardonner croyez-moi).

Vous recevrez votre prochain devoirpar message prochainement, méditez surmes mots en attendant que JE vousrecontacte.

Educationnellement

Gabriel ».

J’étais émue par ce message, excitéeaussi par le ton employé à chacune de sesphrases. Donc il m’a menée là où ilvoulait ?! Cette étape a été décisive pourmoi, j’ai pris conscience que je le voulaislui, je voulais lui être soumise,physiquement. À partir de ce moment j’aidécidé de le rencontrer et de m’engager.Je passai le reste de la semaine à guetterma messagerie sans cesse, oubliant quej’avais des objectifs professionnels etque j’étais loin de les réaliser. Messoirées étaient longues, dans l’attented’un « bonsoir », ou « bonne nuit », mais

jamais rien ne venait. Pourtant jemourrais d’envie de lui écrire, de lui direque j’avais pris la résolution de lerencontrer et de me soumettre à sesordres mais je savais que si je le faisaiscela tuerait le poussin dans l’œuf.

Des jours, voire des semaines étaientpassés et je commençais à croire que maconduite avait été inopportune et que jen’aurais plus de nouvelles. Et puis unvendredi en rentrant chez moi après unelongue semaine éreintante, la gardiennem’interpela dans le hall d’entrée et metendit un paquet arrivé quelques heuresplus tôt. Une grande boîte blanche avec lamention « confidentiel » notée en rouge.Je montai chez moi en avalant lesmarches, l’ascenseur étant en panne, de

toute façon c’est bon pour les fesses, etj’ouvris ma porte comme si j’étaispoursuivie. Je jetai mon sac sur le canapéet mes chaussures dans le couloir etsolennellement je pris la boîte entre mesmains et fermai les yeux. Elle venait delui, je le savais, je le sentais.Délicatement je la déposai sur mesgenoux et ouvris un côté de la boîtejusqu’à me retrouver devant un papier desoie noire. Quel drôle d’idée d’avoirchoisi cette couleur ! Un carton était posésur le dessus avec les initiales gravées deGabriel. Je retournai la carte, c’était lapremière fois que je lisais les mots écritsde sa main à la plume :

« Judith, dans une boîte de lumière je

vous offre l’ombre. Je vous demande deme retrouver samedi à mon domicile à18h : 69 rue des églantines - 5éme étage- dans le 17éme arrondissement deParis. Vous porterez le contenu de laboîte, tout le contenu ! Vous sonnerez àma porte, mettrez le bandeau sur vosyeux et baisserez la tête jusqu’à ce queje vous ouvre et vous tende la main.Main que vous baiserez avant d’entrerdans mon antre. Vous ne parlerez pas,vous resterez là où je vous placerai etvous attendrez mes ordres. Est-ce clair ?Si votre intention est, selon monintuition, de passer à l’étape suivante,vous exécuterez cet ordre sans questionset sans plaintes. À demain. MaîtreGabriel ».

Mon sang ne fit qu’un tour dans mesveines, ça y est nous y étions. Ce quej’avais tant attendu et tant repousséarrivait, enfin. Il a été très patient avecmoi et a bien voulu m’apprendre ce qu’unMaître attend d’une soumise, maintenantj’allais pouvoir lui montrer que j’avaisretenu toutes ses leçons et instructions. Jepassai la pire nuit de ma vie et la pluslongue journée. Le ventre serré je n’avaispas mangé. J’avais eu l’idée de prendreun long bain aux huiles essentielles,espérant que la nature serait assezclémente pour me détendre mais elle n’afait que flétrir ma peau, et augmenter letemps de crémage de mon corps. Aprèsm’être maquillée juste suffisamment selon

ses ordres, je passai la guêpière et lesbas assortis dans un geste presquereligieux. J’endossais le costume de lasoumise. J’attachai les bracelets de cuir àmes poignets, le collier en cuir lui aussi,autour de mon cou et j’enfilai lesescarpins ou plutôt les échasses,contenues dans la boîte. J’attachai mescheveux en une queue de cheval basse, etje sortis le bandeau pour le ranger dans lapoche de mon imper. Je devais arriver entaxi à 18h précises, je ne savais mêmepas comment j’allais rentrer, ni si jedevais passer la nuit chez lui, s’il meramènerait ou me laisserait sur le pas dela porte une fois nos affaires finies. Peuimporte en fait, je partais en touteconfiance me livrer aux griffes d’un

potentiel dangereux prédateur. Ce soir-làje descendis les escaliers telle une divaet je m’engouffrai dans le taxi quim’attendait déjà dans la rue. Plus jem’approchais de son appartement et plusla peur au ventre m’envahissait. Serai-jeà la hauteur ? Cette question me hantait.Et si je n’arrivais pas à me soumettrecomme il le souhaitait ? Et si je n’étaispas capable de satisfaire ses désirs ? Merenverrait-il chez moi telle une pestiférée? Je n’eus pas le temps de répondre à maquestion que le taxi se garait déjà devantson immeuble et me demandait de payerla course. Je sortis, le cœur battant dansmes tempes, et sonnai sur l’interphone.Un clic se fit entendre, la lourde portevenait d’être déverrouillée et m’invitait à

entrer. Je la poussai malhabilement, àpeine sécurisée sur mes escarpins etregardai, perdue dans mes pensées, la ruequi s’obscurcissait en cette soiréed’hiver. Était-ce la dernière fois quej’avais accès librement à ma liberté ? Jeglissai mon second pied et lâchail’épaisse porte qui se ferma dans ungrand bruit sourd résonnant dans la cour.L’immeuble en U m’offrait la vision deplusieurs fenêtres allumées. Je cherchailes yeux de Gabriel, derrière sa vitre àattendre ma venue mais je n’osai paslever les miens de peur de contredire unordre dès mon arrivée. J’entrai dans lehall, luxueux, les lumières s’allumaientsur mon passage, face à moi se trouvait unascenseur, à ma gauche un escalier.

Qu’est-ce qui était mieux ? L’ascenseurme dis-je, je ne pensais pas que mesjambes me porteraient jusqu’aucinquième étage. J’appuyai donc sur lebouton 5 d’un doigt, tandis que ceux demon autre main s’enroulaient dans lebandeau en soie noire. Les portess’ouvrirent sur une douce musique et jesortis nonchalante de cette cage dorée.Postée devant la porte de Gabriel,j’ouvris mon imper, laissant la ceinturetomber de part et d’autre de mon corps,j’installai le bandeau sur mes yeux etsonnai. « Ça y est ! Je suis ici, dans lenoir, à sa merci, je suis à lui ».

— Te souviens-tu Léna des touspremiers mots que je t’ai dits la première

fois que je t’ai ouvert ma porte ?

— Oui Maître.

— Dis-les-moi !

Mon corps est à nouveau projeté un anplus tôt, dans le couloir devant l’entréede son appartement, devant la porte qu’ilvenait d’ouvrir dans une lenteur à mefaire mal au ventre. Sa main était venue àla rencontre de ma joue, qu’il avaitcaressée avant de prononcer les fameuxpremiers mots :

— Acceptes-tu en pleine conscience,de passer cette porte Judith ? Si tel est lecas, tu seras mienne, tu devras tesoumettre, j’y veillerai.

J’avais réfléchi quelques secondes

mais je savais que je n’avais pas fait toutce chemin depuis des mois pour reculerdevant le Graal.

— J’accepte Monsieur, avais-je ditinnocemment.

Le dos de sa main s’était alors posé surmes lèvres, je l’embrassai chastement, lesyeux clos derrière mon bandeau commepour graver mon passage dans le mondede la soumission. Rapidement ilm’agrippa par mon imper pour me faireentrer chez lui. La porte s’était referméederrière moi dans un mélange de bruitsassourdissants de bois et de fer. C’est àcet instant que je me suis sentie sienne,prisonnière de ses désirs mais libérée dema condition de femme égarée. J’étais là

où je devais être. Ses mains glissèrentsous les épaules de ma veste pour la fairetomber sur le sol. J’étais en tenueaffriolante devant Gabriel pour lapremière fois.

Ma peau s’était parsemée de chair depoule, mêlant l’envie au désir, la peur àl’angoisse. J’attendis de longues minutesdans l’entrée, mes yeux étant cachés, monouïe elle était aiguisée. Je le savais toutproche, je le sentais mais pourtant il meparaissait loin. Je me demandais s’il étaiten train de me regarder, de me tester,d’attendre un faux pas de ma part. Puisses pas s’éloignèrent un peu plus et moncorps commença à s’emplir d’inquiétude.Une petite voix intérieure me demandaitce que je fichais là, ce n’était pas mon

monde, pas encore. Mais il était déjà troptard, j’avais accepté de me soumettre et ilavait accepté de m’éduquer. Il revint versmoi sans un mot, m’avait attrapé par lebras comme s’il allait me gronder etm’avait assise sur une chaise devant unetable. Ma respiration se faisait entendrede plus en plus, j’essayais de la calmermais c’était peine perdue, elle semanifestait un peu trop fort à mon goût.

— Mange ! m’avait-il ordonné.

Aucune réponse n’était sortie de mabouche, je savais que le silence étaitparole de soumise et je me résignai parconséquent à attraper les couverts posésautour de mon assiette et à manger. Cepremier repas fût très fade dans tous les

sens du terme. Privée de la vue je neressentais aucune saveur, et surtout je nesavais pas à quoi ressemblait Gabriel,alors que lui avait accès à mon visage età toutes les parties de mon corps, sansexception. Je terminai tant bien que malmon assiette, mon estomac étant toutchamboulé mais je savais aussi, desource sûre de celui qui deviendrait monMaître, que tout ce qui me serait proposédevrait être consommé dans sa globalitésous peine de sévérité. Mon repasterminé je posai mes mains sur mescuisses et attendis, une des toutespremières consignes qu’il m’avaitdonnées et dont je devais me souvenir : «A chaque attente vous devrez poser vosmains sur vos cuisses ou sur les miennes

quand je vous le dirai ». Je restais doncles yeux clos derrière mon bandeau etattendais angoissée. Je n’avais pas eu letemps de compter jusqu’à mille que jesentais à nouveau sa présence autour demoi. Posté derrière ma chaise il avait faitcourir ses doigts sur mes épaules puis surmes seins. Une contraction des musclesde mon vagin s’était produiteinstantanément et ma bouche avait émis ungémissement de plaisir. À ce moment unedouleur insoutenable me saisit les seins,mes tétons pincèrent, hurlèrent.

— Vous ai-je explicitement demandéde dire quelque chose ?

Devais-je répondre ? À défaut je restaimuette et refermai ma bouche. Mes mains

creusant mes cuisses pour éviter decommettre un nouvel impair. Mes tétonsroulaient entre ses doigts, faisant émergerun plaisir inconnu entre mes cuisses. Meslèvres scellées devenaient hurlantes dedésir, je voulais le sentir en moi. Quand ilestima que mon exquise torture étaitsuffisante il recula ma chaise et mesomma de me lever. Debout au mêmeendroit j’attendais, les seins sensibiliséspar cette attaque. Mille et une pensées metraversaient l’esprit, je n’avais aucuneidée de ses attentes ni de ce que monimage renvoyait. Allait-il me congédier ?À ce moment j’entendis un bruit de fer,quelque chose frôlait mon collier et metirait vers l’avant. Les mains enprotection devant moi pour me guider je

me laissais tirer par ce que j’imaginaisêtre une laisse de cuir, identique à mesliens certainement. D’un coup le bruitd’un claquement puis une douleurpiquante sur mes mains me les avait faitbaisser. Je ne comprenais pas ce quej’avais fait, rien pourtant. Sans qu’il medise un mot je positionnais mes mains surmes cuisses et continuais à le suivreencore quelques pas jusqu’à ce qu’ilm’arrête. Je guettais, inquiète, son ordrequi ne tarda pas :

— À genoux !

Je m’exécutai, sur le sol, assise surmes fesses, les mains toujours posées surmes jambes. Je le devinais s’asseoir àson tour et sentis d’un coup sa main, plus

douce, caresser ma joue puis venir glisserau niveau de mon cou. Il attira ma tête sursa cuisse et avait allumé la télévision. Jereconnus les bruits étouffés d’un filmérotique, rien de pornographique maisj’entendais audiblement les soupirs et lesgémissements de la femme ou des femmescar j’étais bien incapable de direcombien il y en avait. Mon sens de la vueentravé avait exacerbé mes autres sensqui étaient devenus plus développés, jepouvais donc sentir dans mon corpschaque caresse que ces hommesinfligeaient aux femmes offertes. Lesdoigts de Gabriel me caressaient lescheveux ce qui m’extasiait au maximum.Un tel comportement devait certainementvouloir dire que j’étais sur la bonne voie,

certainement que j’étais, à ce moment,une bonne soumise. Il a dû s’écouler uneheure, peut-être deux, je ne comptais plusles secondes s’égrener mais jeremarquais que ma respiration s’étaitcalmée. L’odeur de l’appartement faisaità présent partie de mes références, toutcomme l’odeur du parfum de Gabriel. Jecommençais déjà à connaître parfaitementles courbures de ses cuisses, la résistancede sa musculature, la tonicité de soncorps. C’est tout ce que je savais de luipour le moment. Cela n’allait pas resterainsi je n’en doutais pas. Toujours lesyeux enrubannés je commençais à piquerdu nez en me laissant bercer par le bruitde la télé et ses caresses. Quelle joied’être dans son appartement, quel honneur

d’être à côté de lui, ma tête posée sur sesgenoux. Depuis des mois je rêvais de cemoment et maintenant que j’y étais je neregrettais pas une seconde les efforts quej’avais dû faire pour accepter ma toutenouvelle condition ou tout du moins letitre exact de ma condition. Oui j’étaisassise par terre, aux pieds de Gabriel, ouije devais me soumettre mais pour lemoment rien de méchant, rien de grave,tout s’était merveilleusement bien passé.

— Levez-vous immédiatement ! mehurla-t-il dans les oreilles.

J’étais sortie de ma somnolence d’unbond et il m’avait fallu plusieurs longuessecondes pour reprendre mes esprits. Jem’étais levée, les jambes en coton d’être

restée aussi longtemps assise sur lestalons, et tant bien que mal j’essayaisd’avoir une conduite exemplaire.

— Croyez-vous que je vous ai invitéeici, dans mon appartement, pour que vousvous endormiez sur mes jambes ?

— Non Monsieur.

Il m’attrapa le menton entre ses doigtset serra mes mâchoires à m’en fairepleurer de douleur.

— Qui vous a dit de parler ? Ne vousrappelez-vous pas la consigne ultime ?PAS UN MOT sans y être invitée.

Ne pas lui répondre serait signe dedéfiance mais lui répondre serait un signed’offense, je ne savais pas comment me

comporter, alors la seule défense que moncorps avait trouvée, c’était les larmes. Jepleurais à n’en plus finir et j’inondais lebandeau et le sol à mes pieds. J’étaishonteuse, de ma désobéissance et depleurer dans un moment pareil. Je sentaisson corps tout proche de moi, je le savaisme regarder et cela amplifiait encore monmal-être.

— Que ressentez-vous ? Je vous écouteJudith.

— Je… je me sens honteuse Monsieur,je suis désolée.

— Vous ai-je demandé si vous l’étiez ?

— Non Monsieur.

— Vous devez répondre à une question

précisément, vous comprenez ?

— Oui Monsieur, pardonnez-moi.

— Allons Judith, vous êtes plusintelligente que ça ! Que ressentez-vous ?

— De la honte Monsieur, dis-je entredeux sanglots.

Je levai mon bras pour m’essuyer levisage maculé de larmes mais il m’enempêcha. Mes mains suivaient les sienneset revinrent se poser sur mes cuisses, lesbras ballants. La posture était dure à tenir,les bras n’ont pas l’habitude de se tenirbien droits au même endroit et mon doscommençait à me faire mal de se teniraussi droit.

— Mais encore ?

— J’ai échoué Monsieur.

— Pour quelle raison pensez-vous cela?

— Je vous ai déçu, je ne mérite pasvotre éducation.

Ses mains se posèrent à nouveau autourde mon menton et il me leva la têtesuffisamment haut pour me laisser devinerqu’il devait être grand.

— Je suis le seul à pouvoir décider decela ! C’est bien clair ?

— Oui Monsieur.

— Toute faute mérite une punition,vous en concédez ?

— Oui Monsieur.

— Lorsque vous serez punie dites-vousque cela effacera votre affront. Nous n’enparlerons plus et reprendrons nos jeux làoù ils en étaient restés. Comprenez-vousJudith ?

— Tout à fait Monsieur.

— Pour avoir somnolé je vais devoirvous punir, vous le savez ?! Ce sera votrepremière punition et je ne vais pas êtretrop sévère avec vous mais suffisammentpour que vous vous en souveniez.

Je restais de marbre, en attente maismon corps lui bouillait de craintes. Nousavions déjà évoqué les punitions lors denos échanges et cela me paraissaitterrible, d’autant que j’étais persuadéeque j’aurais un comportement exemplaire.

Quelle erreur ! Comment l’aurais-je étéalors que je n’avais jamais mis un orteildans ce monde, un faux pas devait arrivermais je ne pensais pas aussi tôt. La laisseme tira sur le cou à nouveau et tandis quemes bras étaient bien scellés à mescuisses, je le suivis le plus calmementpossible. Les yeux fermés, je le sentaisme guider et contourner un meuble qui mefrôla la hanche, puis nous avons tourné àgauche et emprunté un long couloir, enfintrois marches et il me stoppa devant uneporte fermée, dans laquelle il glissa uneclé, seul code de l’ouverture sur unespace d’exquise torture. Je fermais unpeu plus les yeux jusqu’à m’en faire malau crâne et prenant une grandeinspiration, je m’engouffrai dans la cage

aux supplices.

— À genoux !

Rapidement je m’agenouillai sur mesjambes déjà bien endolories et posai mesmains, paume contre mes cuisses.

— Écartez vos cuisses !

Je m’exécutais lorsque je sentisquelque chose claquer sur l’intérieur decelles-ci, là où la peau est tendre etfragile.

— Plus que ça, je dois voir vos lèvresouvertes et votre chatte offerte.

J’écartai donc les jambes beaucoupplus, sentant les muscles de mes hanchestirer. Combien de temps j’allais devoirtenir dans cette position ? Ses pas

s’éloignaient à nouveau et je restaistendue et pendue au moindre bruit quim’aurait donné un indice sur la suite desévénements.

— Vous êtes ici de votre plein gréJudith. Vous êtes venue me chercher, j’aiaccepté de vous éduquer à mesconditions.

Oui, bien sûr c’était mon souhait leplus cher, j’avais fait des pieds et desmains, jusqu’à me positionner endominante par moment pour obtenir desréponses de sa part. Et j’avais gagné,j’étais là.

— Écoutez bien ce que je vais vousdire Judith. Je vais vous punir pour votrefaute de fin de repas, je vais vous donner

vingt fessées pas trop fortes, de mon pointde vue, pour vous cela sera certainementdifficile mais si vous passez cetteépreuve en acceptant les conséquences devos actes et sans vous tortiller dans tousles sens, alors nous pourrons passer à uneautre étape de notre relation. Répondezque vous avez compris !

— Oui Monsieur.

— Parfait Judith. Une fois la punitionterminée je vous donnerai un prénom desoumise de mon choix.

Je faisais oui de la tête sachantparfaitement qu’il ne m’avait pas invitéeà lui répondre. Il me demanda de melever, ce que je fis et de sa main il avaitattrapé la mienne pour me faire venir

devant lui. Je sentais son souffle contre lapeau de mes seins, ce qui m’informaitqu’il était assis et qu’en effet il devaitêtre grand. Son nez venait me respirer etil avait posé un baiser chaste sur monventre comme dans un dernier au revoir.Puis sa main dans mon dos m’avait faitpencher, ventre sur ses genoux, melaissant la croupe en l’air, à découvert.Mon Dieu, quelle honte ! Me faire fessercomme une petite fille, j’étais au comblede l’humiliation. Sa main effleurait monpostérieur et s’en délectait tel unprédateur se léchant les babines devant saproie bientôt avalée. Ma peau frissonnaitde plaisir, de peur aussi mais j’étaishypnotisée devant tant de présence, tantde fermeté et de tendresse mélangées en

un seul homme. La première claquem’avait coupé le souffle, elle s’étaitabattue sur mes fesses dans un moment oùje m’étais égarée ce qui provoqua unedouleur instantanée qui m’avait fait ouvrirles yeux derrière mon bandeau de soienoire. La seconde ne m’avait pas surprisemais m’avait tout de même fait mal etpuis au rythme des suivantes je medétendis et commençai à laisser poindredu plaisir. Une sensation nouvelleemplissait mon ventre, une jouissanceintérieure, un bonheur ultime. À lavingtième fessée j’étais presque déçueque ce soit fini. J’en aurais voulutellement plus, comme si cette premièreexpérience avait définitivement ouvert laporte sur ce que je recherchais, sur la

découverte de ma véritable personne. Lesmains de Gabriel avaient à présent glisséentre mes cuisses et s’étaient positionnéesjuste à l’entrée de mes lèvres mouillées.

— Une soumise ne jouit pas lors d’unepunition !

Mais je n’avais pas joui, je ne savaismême pas que cela aurait cet effet surmoi, je n’avais même pas senti que jemouillais.

— Tu vas apprendre à maîtriser cecorps et je vais t’y aider.

Il m’avait relevé et m’avait fait asseoirà ses pieds sur le sol et là j’avais sentique mon arrière-train brûlait. Peum’importait en fait, je voulais lui montrer

que je pouvais résister et accepter unepunition. Puis ses doigts glissant sousmon menton à nouveau, il me releva latête et tendrement m’avait déposé unbaiser sur les lèvres. Cette exquisesensation m’avait tourné la tête, j’étaisprojetée dans une autre dimension. Émuepar ce geste d’une tendresse infinie jelaissais les larmes couler sur mes joues.

— Tu t’es bien conduite durant cettepremière punition, je suis fier de toi.

Fier de moi ? Personne n’a jamais étéfier de moi. À ce moment j’étais la femmela plus heureuse et la plus chanceuse.Certainement que pour beaucoup defemmes je venais de vivre un actebarbare mais pas pour moi. Je venais de

vivre l’expression de notre accord, unesorte de signature qui nous liaitmaintenant l’un à l’autre et j’étais ravied’y être parvenue.

— À partir de maintenant, ton nom desoumise sera Léna. Tu te nommerascomme cela quand tu m’adresseras tesdevoirs et je t’appellerai comme celaainsi que toutes les personnes que nousrencontrerons ensemble. Judith ne teservira que dans ta vie professionnelle ouvis-à-vis de ta famille.

J’étais au comble des honneurs : monnom de soumise, ça y était ! J’allais enfinpouvoir jouer mon rôle, car il s’agissaitbien de cela, d’un jeu de rôle, un costumeà endosser, sauf que moi, j’avais endossé

le costume de Judith toute ma vie et quema vraie personnalité, « Léna » étaitenfouie au plus profond de moi. Je savaisque Gabriel allait m’aider à m’exprimeret j’avais hâte.

— Léna, t’ai-je déjà emmenée trop loin?

— Non Maître, pas que je m’ensouvienne.

— Tu es de plus en plus distante durantnos jeux et cela devient désobligeant. Jedois puiser dans mes réserves pour tefaire revenir et mes plans s’en retrouventmodifiés.

— Je comprends Maître et j’en suis

désolée.

— Nous avons notre réunion ce soir etla congrégation sera mise au courant deton comportement. Avoir un avis extérieurest toujours intéressant pour connaître laconduite à tenir. Qu’en penses-tu ma jolie?

Jamais il n’a utilisé la congrégationpour me punir. Je me doute qu’il a dûparler avec plusieurs membres decertains de mes affronts mais là il en seratout autre. Cela veut dire passer devant unconseil de dominants qui trouveront lapunition adéquate. Même si je connais laplupart d’entre eux, je sais que certainssont terribles dans leurs punitions et jeredoute d’avoir affaire à eux. La peur me

prend au ventre et je suismeurtrie par moncomportement, qui encore une fois me metdans une fâcheuse situation. Il m’enlace lataille et dépose un baiser sur mon épaule,puis de ses mains me tourne la têtejusqu’à ce que je me retrouve face à lui.Ses grands yeux bruns sont magnifiquesmais fermes en cet instant.

— Tu vas aller dans la chambre, faceau mur, à genoux sur le sol et les jambessuffisamment écartées pour que je puissey glisser plusieurs doigts, si l’envie m’enprend. — Tu positionnes tes mains sur tatête et tu ne bouges pas avant que je t’endonne l’ordre.

— Bien Maître.

Je sais que cette punition n’est que les

prémices de celle qui arrivera plus tard.J’acceptedonc celle-ci même si je saisque la posture sera dure à tenir. Il medemande alors de débarrasser la tablependant qu’il passe un coup de fil. Il faitles cent pas dans la cuisine, à croire qu’ilcherche à me rendre nerveuse, puis soninterlocuteur décroche.

— Bonjour John, c’est Gabriel, ilfaudrait réunir le comité ce soir enurgence.

En urgence, peut-être pas quand même?! Il ne faut pas exagérer, je me suis justeenfuie quelques minutes, ce n’est pas uncrime tout de même ?!

— Cela m’échappe… mais unesanction de groupe sera la bienvenue pour

marquer les esprits, vous comprenez ? …voilà c’est ça… aux grands maux lesgrands remèdes.

Bon sang, là j’ai dépassé le stade de lanervosité, je commence à paniquer.Jamais il n’a tenu de tels propos.L’aurais-je blessé plus que de raison ? Ilraccroche et se plante devant moi, sontéléphone à la main. Je m’arrête dedébarrasser la table et j’attends sonordre. Il pose son téléphone sur la table ets’approche un peu plus de moi jusqu’à secoller contre ma poitrine. D’un coup ilm’attrape les cheveux et me fait lever latête vers lui.

— Va dans la chambre, tout de suite !

Je suis congédiée sans même un baiser,

je pars frustrée avec le ventre aux prisesde mes peurs. Arrivée dans la chambre jecherche l’endroit le moins exposé auxcourants d’air mais pas trop dans lapénombre non plus, je ne veux passomnoler par-dessus le marché. Une foisle meilleur emplacement trouvé, jem’agenouille sur le sol et prends garde àbien positionner mes genoux, je sais cetteposture extrêmement difficile à tenir surla durée et garder les cuisses écartéesn’est pas si simple, le corps a tendance àvouloir réduire les tensions et parconséquent les resserrer. Je choisis unmotif sur le papier peint qui me permet deme concentrer sur autre chose que ladouleur de mes génuflexions. Après delongues minutes, peut-être une heure, la

porte s’ouvre enfin. Je relève la tête etouvre grand mes yeux à la recherche deson regard si particulier qu’il m’offrequand il est fier. Mais son regard resteferme et dur, alors je fixe à nouveau lemur et essaye de contrôler ma respirationqui vient de s’emballer. L’ouverture de laporte a laissé s’engouffrer un courantd’air frais qui me fait pointer les tétons. Ilvient se positionner derrière moi et collerson torse à mon dos nu. Mes brasretombent et je me délecte de ce contact.S’il est ici avec moi c’est qu’il va mieux,sa colère doit être passée. Il est torse nu,j’aime sa peau sucrée et chaude quim’ouvre à mille fantasmes à chaque foisqu’il me touche.

— Remets tes mains sur ta tête !

Il n’est pas calmé, mince, moi quicroyais que nous allions nous enlacer, surle parquet de la chambre. Mes mainsremontent toutes seules sur ma tête, j’aimal aux épaules mais je dois ravaler mestensions. Puis ses doigts m’empoignentles tétons, qu’il étire vivement en mefaisant pousser un cri.

— Je t’entends encore une fois, douceLéna et je te bâillonne. Il y a eu assezd’affronts ces dernières heures je crois.Est-ce bien compris ?

— Oui Maître, très bien compris.

— Tant mieux.

Mon corps frissonne tout ce qu’il peut,pris entre excitation, frustration et

appréhension. Il lâche mes tétons et glisseentre mes cuisses, qui révèlent toute leurobéissance. Il insère deux doigts et porteà ma bouche mon jus que je dois lécherentièrement.

— Bien, m’annonce-t-il.

Contente de ce compliment, je meredresse un peu plus pour lui montrer madocilité. Il se lève et reste un instantderrière moi à me surplomber de toute sahauteur. Intimidée j’essaye de meconcentrer sur mon motif en papier peint.

— Dans une heure je te dirai de telever, en attendant réfléchis bien à tacondition et à ce que tu me dois.

Les larmes se mettent à couler sur mes

joues, une heure ?! Comment vais-je tenir? J’ai déjà les genoux en compote.Impossible pourtant de faire une nouvelleoffense, je ravale mes douleurs et meconcentre sur le mur, seul témoin de madétresse. Une heure plus tard, il entredans la chambre et se cale derrière moipuis délicatement redescend mes bras. Jelaisse mon corps se détendre dans lesbras qu’il me tend. J’ai l’impressiond’avoir fait une séance de jeu deplusieurs heures, je suis épuisée, alors ilme soulève du sol et me porte jusqu’au litsur lequel je m’endors en quelquessecondes. Plus tard je suis réveillée parses caresses.

— Ma jolie, il faut se réveiller.

— Hum, dis-je en espérant profiterencore un peu plus des bras de Morphée.

— Votre bain est prêt, levez-vous.

Un bain n’est pas un prétexte suffisantpour que je me lève, je suis fatiguée et jeveux rester dans le lit, au chaud sous lacouette.

— Debout !

— S’il vous plaît, dis-je dans unedernière complainte.

— Tout de suite ! Avant que vos fessesvous rappellent votre affront.

Là c’est une bonne raison. Je quitte lachaleur du lit et mets les pieds sur lecarrelage froid de la salle de bain. Il metend la main et m’aide à entrer dans le

bain chaud qu’il vient de me faire couler.La fleur de douche dans la main ils’évertue à me frotter le dos, j’accepte deme délasser sous ses mains.

— Ce soir tu connaîtras ta sentence ettu l’honoreras, je n’en doute pas.

— Dois-je avoir peur Maître ? lui dis-je inquiète.

— T’ai-je déjà déçue Léna ?

— Non.

— Il y a encore beaucoup de chosesque tu n’as pas expérimentées etbeaucoup de choses que j’aimerais tefaire vivre mais pour l’heure il fautrétablir les choses. Tu n’es plus docileLéna et cela me contrarie au plus haut

point.

— Je suis désolée Maître, je serai plusattentive à l’avenir.

— Au contraire ma jolie, les chosesvont de mal en pis, tu te questionnestoujours sur le couple que tu formais avecCamille et cela ne peut être que nuisiblepour notre duo.

Je pleure en me rendant compte de ceque cela lui fait et du fait que je peux leperdre, ce que je ne veux absolument pas.Je l’aime tellement !

— Ce soir on va rétablir la situation, tusauras si tu es digne de moi et je saurai sije suis le — Maître qu’il te faut.

— Vous l’êtes Maître.

— À croire que non puisque c’est à luique tu penses quand je te baise !

— S’il vous plaît, excusez-moi, luidis-je à chaudes larmes.

— Calme-toi maintenant, je ne tequitterai pas, mais nous devons savoir oùcela nous mène, tu comprends ?

— Oui.

Il me soulève de l’eau et me sort toutemouillée puis me pose sur le sol et meprend dans ses bras. Face à lui, nue et enpleurs, je le laisse me bercer. Il n’a pasrepoussé mes larmes au contraire il m’atoujours encouragée à les exprimer etcette fois elles coulent comme jamaisjusqu’à maintenant. Une fois calmée il me

relève et m’indique quelle tenue mettreavant de partir. Mon ventre est noué et magorge asséchée à force d’avoir pleuré. Jem’habille en prenant mon temps, je veuxrepousser au maximum cette confrontationmais Gabriel veille à ma préparation.Une heure plus tard nous sommes en routepour la confrontation ultime. Cette soiréequi devait être une soirée échange setransforme en une soirée tribunal dont jesuis l’accusée. Il me prend la main et laserre fortement avant de l’embrasser. J’aitellement mal au ventre que j’ai envie devomir. La voiture ralentit et alors quej’allais reprendre ma main il la retient.

— Vous êtes prête ma jolie ?

— Non, pas du tout.

— Tant mieux, la leçon n’en sera quemieux retenue alors !

Je n’ai pas envie de vivre unecorrection en public, je préfère êtrecorrigée en privé, mais je n’ai plus lechoix, je dois aller au bout.

— Nous en ressortirons grandis, jepeux te le garantir.

— Si vous le dites Maître.

Je sors de la voiture, il me suit de prèset ne me lâche pas la main. Heureusementcar je pourrais m’évanouir tellement jesuis angoissée. On nous ouvre la porte etnous sommes poussés vers une grandesalle. Toute la congrégation est là, réunieen cercle, mon Maître me laisse avancer

seule au milieu de cette arène, prête à mefaire manger.

— Approchez Léna ! exige-t-on demoi.

Je serre ma veste autant que je peuxautour de mon corps. Toutes cespersonnes que je connais de par leursjeux auxquels j’ai déjà assisté,m’impressionnent et m’effraient presque.Je me positionne au centre et regardecelui qui m’a invitée à avancer.

— Comme cela vous avez des regrets ?

— Non, aucun Monsieur.

L’homme se tourne vers Gabriel qui melance un regard noir de fureur.

— Aucun regret ? Hum… Que faites-

vous ici alors ?

— Je me suis égarée quelques minuteslors d’un jeu avec mon Maître.

— Sur quel chemin vous êtes-vouségarée très chère ?

— Dans mon passé Monsieur.

— Votre ancienne vie ?

— Oui c’est ça.

— Quelques minutes vous dites ?

— Je pense oui.

— Eh bien ce n’est pas ce que MaîtreGabriel nous a dit !

Mince, je suis en train de lui porterpréjudice et surtout je me ridiculise

devant toute cette foule.

— Réfléchissez bien Léna. Vos motssont importants pour comprendre.Regrettez-vous votre ancienne vie ?

— Non Monsieur.

— Très bien, donc Maître Gabrielment !

— Pas du tout, reprends-je vivement.

Dans quel pétrin je me suis encorefourrée ? Et tous ces yeux qui medévisagent et qui attendent des choses demoi. Et Gabriel que je suis en train dedécevoir. J’essaie de balbutier quelquesmots mais c’est incompréhensible. Unemain se lève pour me faire taire, je fermedonc la bouche et n’ai d’autre refuge que

celui de regarder le sol en attendant lasuite.

— Un autre conseil est en place chezMaître Hugo. Nous allons donc préparercette soumise qui s’égare et la confronterà ses mensonges. Peut-être trouvera-t-elledes réponses qui lui permettront derevenir dans le droit chemin ?!

À peine a-t-il fini que l’on me bandeles yeux et me bâillonne. Ma robe estdéboutonnée et je me retrouve exposée,nue devant cette foule. On recouvre moncorps d’une cape assez lourde et jereconnais les mains de mon Maître. Il estlà, tout près de moi et me soutient.J’entends les bruits de chaise crisser surle sol, des pas tournent autour de moi, des

mains me frôlent et des mots à peineaudibles :

— A tout à l’heure jolie menteuse…

— Prépare-toi…

— Tu n’auras plus envie de mentir…

— Ni de t’enfuir…

Tous ces mots chuchotés à mon oreilleamplifient ma peur mais je ne suis passeule. Il me l’a dit qu’il serait avec moi etqu’il ne me quitterait pas, je dois doncaccepter cette sentence, tout reviendradans l’ordre très vite, c’est sûr. Desmains me poussent hors de la grandesalle, la moquette sous mes pieds setransforme en gravier et je sens l’air fraisde dehors passer sous le tissu de la cape.

Le bruit d’une voiture approche, desportes s’ouvrent et puis le froid qui mesaisit tout le corps. Je me retrouvedévêtue en pleine rue. Quelqu’un attrapemes poignets et les passe derrière mondos avant de les lier et de me pousser àl’intérieur du véhicule. Alors que jecommence à lever la jambe pour montersur la banquette arrière, on me porte etme dépose dans le coffre. La paniquem’envahit à cet instant, et grandit quandj’entends le capot se refermer sur moi.J’ai peur, j’ai froid, je suis allongée surune simple couverture posée à même lecoffre et je ne vois rien. Pour me calmerj’essaie de visualiser le trajet que nousempruntons. Au bout de quelques ruesj’abandonne l’idée de me situer sur une

carte imaginaire. Je n’entends rien dansl’habitacle, ni voix, ni musique, ce qui neme permet pas de savoir qui conduit, nimême où on me conduit. Je ferme les yeuxet me laisse à rêver à des moments douxavec celui qui m’a conduite sur cettevoie. Où est-il ? Est-ce lui qui me conduitvers l’inconnu ? La voiture prend de lavitesse ce qui me fait peur, mon audace nenécessite pas une telle urgence. Nousroulons durant de longues minutes.J’essaie de relativiser les choses, monMaître est là, il ne me laisserait passeule. La congrégation fait juste cela pourm’effrayer, nous allons parcourirquelques pâtés de maisons et nous allonsretourner au château. La voiture ralentit,puis tourne de manière brutale jusqu’à

s’immobiliser. Les portes s’ouvrent, despas se font entendre, plusieurs sortes depas tournent autour de la voiture jusqu’às’en éloigner. Je halète, ma respiration sesaccade et mon cœur s’emballe,m’obligeant à m’inquiéter de la suite desévénements. Qu’est-ce qui m’attend ? Letemps s’égraine, tels les grains de rizdans le sablier, lentement, amplifiant monsupplice. J’attends, l’angoisse mepétrissant le ventre, que quelqu’unm’ouvre et me fasse sortir, mais personnene vient écourter ma torture. Les larmesroulent sur mes joues et s’écrasent dansl’indifférence de tous sur la couverture.Mon Maître m’a oubliée, il ne veut plusde moi, je l’ai déshonoré, il mérite mieuxque moi. Oui tout cela est bon pour lui, il

trouvera une soumise à la hauteur de sesattentes qui le rendra heureux. Ce n’estpas moi, ça n’a jamais été moi. Dessanglots se bousculent dans ma gorgequand j’entends à nouveau des bruits depas venir de très loin. Ils se rapprochentet le coffre de la voiture s’ouvre. Unebrise fraîche parcourt mon corps et meglace instantanément. Je me cale tout aufond du coffre mais ma fuite n’estqu’imaginaire. Des mains qui me sontinconnues m’agrippent et me sortent del’habitacle d’un geste brusque, me posantsur les graviers froids. De nouveaux passe dirigent vers nous et des mains douces,certainement celles d’une femme, meplacent sur les épaules une étole.Tremblotante de froid et de peur, les yeux

toujours bandés, je n’ai d’autre choix quede suivre les deux inconnus qui memaintiennent et me poussent vers l’avant.Je me sens fragile et vulnérable, messanglots ne s’arrêtent pas, mestremblements non plus. On ralentit et onme dit de lever une jambe pour monterdes marches. Arrivé en haut desescaliers, on me fait attendre. Les mainsme lâchent et le vide autour de moigrandit. Où est mon Maître ? Je ne peuxpas vivre sans lui, je ne peux pas respirersans lui. Intimement je le supplie de venirà mon secours, de me pardonner, maisrien n’y fait, je suis seule. Les mains seglissent sous mes bras et me font avancersur le carrelage d’une froideurincroyable. On traverse cette pièce, puis

une seconde plus agréable, moquettéepour déboucher sur un nouvel escalier encolimaçon qui nous mène au sous-sol. Leparquet sous mes pieds est assez chaud etdoux. Tout à coup j’entends desraclements de gorge, des murmures, deschuchotements et mon angoisse refaitsurface d’un bond, me serrant la gorgecomme pour m’étrangler. On me demandede ne pas bouger, comment le pourrais-je? Mes mains sont toujours attachées dansle dos ! On me retire l’étole, seul rempartface à cette foule accusatrice. J’attends,nue et fébrile, tout m’est égal sans monMaître. De nouveaux pas résonnent à mesoreilles, je tourne machinalement la têtevers la droite en espérant le reconnaître.Une respiration aussi rapide que la

mienne se fait entendre, la même consigne« Ne bougez pas ! ». Je ne suis donc passeule. Quelqu’un m’attrape par les liensdans mon dos et me pousse sur la gauche.Je frôle des gens, je sens des vêtements,des mains me touchent, m’effleurent, mefaisant sursauter et m’excitant en mêmetemps. Je glisse entre mes bourreaux sansautre idée que celle de me fairepardonner par mon Maître. Les larmescontinuent de rouler sur mes joues, serépandant au compte-goutte sur le sol,comme pour marquer mon chemin, pourqu’il me retrouve et me libère. Des bruitsse font entendre à l’autre bout de la pièce,un bruit de clé dans une serrure, une porteen fer qui s’ouvre et qui se refermequelques secondes après, un bruit de

chaîne qui se balance. Je déglutisdouloureusement, attentive au moindrebruit qui me donnerait des indices sur lasuite de la soirée. Une main me lâchetandis que l’autre me fait avancer à pasde fourmi. Résignée, abandonnée parcelui que j’aime, je me laisse dériververs un avenir incertain. Peu importe lasuite, elle ne sera que sans saveur sansmon guide. Je suis cette femme grâce àlui, il m’a créée et je ne pourrai jamaisêtre autre chose que sa promise. Personnene m’apportera autant d’amour etd’attention qu’il n’a pu m’apporter.Chacun de ses gestes était juste et justifié,chacune de ses caresses était délicieuse,chacun de ses baisers était un brasier quim’enflammait le ventre. C’était lui

l’homme de ma vie, je ne vis que pour leservir, et j’ai échoué. S’il n’est plus là, jene suis plus rien. Je ne sens même plus lefroid, je suis comme anesthésiée. On metourne d’un demi-tour et me détache lesmains que l’on monte au-dessus de matête. Des chaînes s’enroulent autour demes poignets et mes bras tendus vers leplafond, s’étirent. Un pied entre mesjambes exige que je les écarte. D’autrespetites mains douces nouent des chaînesautour de mes chevilles avant de tirerviolemment dessus, me contraignant à lesouvrir encore plus. Mon corps est tenducomme jamais, je ne sais à quoim’attendre, mais rien ne sera pire que del’avoir perdu. Quelques-uns toussent,jusqu’à ce que le silence me hurle aux

oreilles. Trois petits coups retentissentpuis une voix grave crie « Dévoilez lesaccusés ». Mon bandeau tombe sur moncou, j’ouvre les yeux péniblement, lalumière me brûlant les rétines. Il me fautquelques instants pour retrouver la vue etm’accommoder à toutes ces attentes.Quand enfin je peux voir la foule autourde moi, je suis hypnotisée par un seulhomme. Mon Maître ! Il est là ! Lesmanches relevées, le visage grave, il meregarde. Seule une lueur lubrique dansses yeux me rassure. Il ne m’a jamaisquittée, il tient à moi. Dans ses mains unfouet, beaucoup plus grand que celui quenous utilisons. Aucune importance, il estavec moi, je lui fais confiance. Un bruitde chaîne m’oblige à le quitter des yeux

pour me fixer sur une cage de fer pendantdu plafond dans laquelle se trouve…Camille. « Que le procès des accuséscommence ».

Fin

Remerciements

Mon Mari/Maître en premier lieu, àqui je dois ma condition, mes bêtalectrices dont ma sœur qui est lapremière, mon amie et correctrice à qui jedois beaucoup, à Lilian Ronchaud deL’Ivre-Book qui m’a accueilli au sein desa grande famille et qui m’a proposé dedevenir directrice de la collectionIndécence, et à vous, lectrices, lecteurs,c’est à vous que j’offre mes textes.

L’Auteur

Je m’appelle Eva Adams, j’écris de laromance érotique et BDSM. Je vis enFrance, au bord de la mer avec mafamille. Je suis une épicurienne de la vie,

de tout ce qu’elle peut m’apporter. Je menourris des gens, des livres, des odeurs,du soleil, du vent … tout ce qui m’entoureen fait. Depuis que je sais écrire j’écris.Tout le temps, partout. J’ai rempli descarnets entiers de textes plus ou moinslongs. J’aime lire et je dévore les livrescomme des friandises. Des milliersd’idées me traversent l’esprit à chaqueinstant et je note régulièrement les motsqui me surprennent ou me touchent. J’aitoujours écrit sur les émotions et lessensations. J’aime l’idée qu’un motpuisse me faire ressentir une sensationparticulière, corporelle, sensorielle...

L’écriture de la romance s’est imposé àmoi en automne 2014.

Perfectionniste, je mets un grand soin àtravailler mes personnages, leurspersonnalités, leurs sensibilités, leursprofils psychologiques, leurs ambitions,leurs envies…

Dans chaque ouvrage, des personnagessecondaires se croisent, certains que vousaimerez, d’autres que vous détesterez.Certains espèrent être couchés sur lepapier. J'écris des romans mais aussi desnovellas, sur des histoires qui mepassionnent et m'animent. Il y a toujoursdu sexe, de la domination et de lasoumission mais il y a surtout deshistoires d'être en devenir.

Mon site : http://eva-adams-auteur.fr/

Du même auteur

chez L’ivre-Book

– Affranchis-moi (La Romance)

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