RELIGION ET TÉLÉVISION EN ESPAGNE UNE RELATION ...

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RELIGION ET TÉLÉVISION EN ESPAGNE UNE RELATION CONFLICTUELLE CAROLINE DOMINGUES Université de Clermont-Ferrand II Avec 82% de la population espagnole qui se déclare catholique et 30% qui maintient un contact habituel voire fréquent avec l'Eglise 1 , peut- on douter de la religiosité de la société espagnole ? L a réponse est plurielle, complexe et de toute façon, incomplète. Car ces chies n'expriment pas la diminution croissante du nombre de catholiques et encore plus du nombre de pratiquants, soulignée par le Centro de Investigaciones Sociol6gicas, ni surtout l'abandon de la part des fidèles du respect, de la morale et des directives dictés par Rome 2 Une des fenêtres par lesquelles il est intéressant d'analyser le fait religieux, aujourd'hui en Espagne, est certainement celle du petit écran, vision partielle, certes, mais relativement éclairante sur le set. La télévision représente, depuis sa naissance, tout comme l'ensemble des médias qui sont apparus successivement, un nouvel autel pour l'Eglise d'où elle peut, en s'adressant à l'ensemble de la population, professer son dogme. Mais les relations entre télévision et religion ont été et continuent d'être ambi ës; un "je t'aime moi non plus" assez éloigné d'un paradis 1 En ce qui concee la pratique, plus d'un million d'Espagnols, soit 2,9%, vont à la messe chaque jour, 19% - près de 8 millions de personnes - chaque semaine et cinq millions - soit environ 8% - s'y rendent avec une certaine fréquence mais sans régularité. ("El 82, 1% de los espafioles sigue diciéndose cat6lico, segim el C.l.S.", lnterrogantes.net, 8 février 2002). 2 Le cardinal Rouco Varela, président de la Conferencia Episcopal Espafiola (C.E.E.), confessait en été 2002 à l'Université de El Escorial que plus de la moitié de ceux qui se déclarent catholiques ne suivent pas les doctrines, la morale et les directives qui viennent de Rome. (El Cierva n ° 624, mars 2003, "La involuci6n de nuestra Jglesia espafiola", Enrique Miret Magdalena, théologue laïc). HISP. XX - 21 - 2003 347

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RELIGION ET TÉLÉVISION EN ESPAGNE UNE RELATION CONFLICTUELLE

CAROLINE DOMINGUES

Université de Clermont-Ferrand II

Avec 82% de la population espagnole qui se déclare catholique et

30% qui maintient un contact habituel voire fréquent avec l'Eglise1, peut­

on douter de la religiosité de la société espagnole ? La réponse est plurielle, complexe et de toute façon, incomplète. Car ces chiffres

n'expriment pas la diminution croissante du nombre de catholiques et

encore plus du nombre de pratiquants, soulignée par le Centro de

Investigaciones Sociol6gicas, ni surtout l'abandon de la part des fidèles

du respect, de la morale et des directives dictés par Rome2

Une des fenêtres par lesquelles il est intéressant d'analyser le fait

religieux, aujourd'hui en Espagne, est certainement celle du petit écran,

vision partielle, certes, mais relativement éclairante sur le sujet. La

télévision représente, depuis sa naissance, tout comme l'ensemble des

médias qui sont apparus successivement, un nouvel autel pour l'Eglise

d'où elle peut, en s'adressant à l'ensemble de la population, professer son

dogme. Mais les relations entre télévision et religion ont été et continuent

d'être ambiguës; un "je t'aime moi non plus" assez éloigné d'un paradis

1 En ce qui concerne la pratique, plus d'un million d'Espagnols, soit 2,9%, vont à la messe chaque

jour, 19% - près de 8 millions de personnes - chaque semaine et cinq millions - soit environ

8% - s'y rendent avec une certaine fréquence mais sans régularité. ("El 82, 1 % de los espafioles

sigue diciéndose cat6lico, segim el C.l.S.", lnterrogantes.net, 8 février 2002). 2 Le cardinal Rouco Varela, président de la Conferencia Episcopal Espafiola (C.E.E.), confessait en

été 2002 à l'Université de El Escorial que plus de la moitié de ceux qui se déclarent catholiques ne

suivent pas les doctrines, la morale et les directives qui viennent de Rome. (El Cierva n°624, mars

2003, "La involuci6n de nuestra Jglesia espafiola", Enrique Miret Magdalena, théologue laïc).

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cathodique rêvé par l'Eglise, car la télévision est un outil médiatique qui, non seulement lui échappe, mais a pris une place de plus en plus importante dans la société espagnole.

Dans cet article, nous rappellerons les bases légales qui fondèrent, sous le franquisme, et fondent aujourd'hui la présence du religieux, catholique et autres, à la télévision, avant de nous pencher sur la programmation actuelle. Nous aborderons ensuite l'opinion de l'Eglise catholique face à la télévision et nous demanderons si le fait religieux "fait" ou non de l'audience. Enfin, nous analyserons les stratégies de l'Eglise pour se défendre contre ce nouveau diable ... médiatique.

LES BASES LÉGALES DE LA PRÉSENCE RELIGIEUSE À LA

TÉLÉVISION ESPAGNOLE

Pendant le régime franquiste, la télévision, apparue en 1956, sera gérée exclusivement par l'Etat en matière de diffusion, de programmation et de production. En conséquence, et même si la présence des sujets liés à la religion catholique est abondante, la propre hiérarchie de l'Eglise, représentée, à partir de 1966, par la Conférence Épiscopale Espagnole (C.E.E.), est écartée des décisions de programmation. Le gouvernement franquiste choisit en effet lui-même les prêtres intervenant dans les programmes religieux, définit ces mêmes programmes et sélectionne les actes religieux retransmis.

Selon Joaquin L. Ortega, porte-parole de !'Épiscopat, une franche détérioration des relations entre l'Eglise et l'Etat survint dans les dernières années du franquisme. La tension fut à son comble quand, en septembre 1975, Paul VI s'exprima contre la condamnation et l'exécution des terroristes de !'ETA. Les représailles furent avant tout médiatiques. RNE supprima la ligne téléphonique avec Radio Vatican et sur TVE, le seul programme régulier catholique se limita à la messe dominicale

1

L'avènement de la démocratie teinta d'espoir les velléités de l'Eglise de participer pleinement à la programmation télévisée. Mais l'Eglise se

1 Joaquin Ortega, "Los medios de comunicaciôn social", Acuerdos Jglesia-Estado en el û/timo

decenio, Document interne Conférence Episcopale, p. 167-169.

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heurta, pendant la transition démocratique, à une résistance de la part du pouvoir, peu enclin, apparemment, à faire des concessions sur ce terrain 1

En 1978, la Constitution vint poser les premiers fondements autour de la place du religieux en Espagne. L'art. 16.3 fixe le caractère aconfessionel de l'Etat

2 mais il établit également la nécessité pour les

pouvoirs publics de maintenir des relations avec l'Eglise catholique et les différentes confessions. L'article 20.3 reconnaît le droit d'accès des "groupes sociaux et politiques significatifs" aux médias audio-visuels. Mais le texte constitutionnel n'établit pas de façon claire ce qu'il faut entendre par groupes sociaux significatifs. C'est en principe dans cette catégorie que s'insèrent les groupes religieux mais aucun développement législatif postérieur ne vient préciser davantage.

Le 3 janvier 1979, une série d'accords est signé entre le gouvernement espagnol et le Saint-Siège. Même si aucun ne régule de façon spécifique les relations Eglise-Etat en matière de médias, on retiendra "l 'Accord sur l'Enseignement et les Affaires culturelles" qui, dans son article 14, impose le respect de la liberté religieuse et de la liberté d'expression et établit que l'Etat veillera au respect dans ses médias "des sentiments des catholiques" ; sans préciser davantage.

Les "Principes de base et lignes générales de la programmation de RTVE"sont votés le 28 juillet 1981 ; ils incluent cette fois la programmation religieuse. Ces principes reconnaissent la proportion majoritaire du catholicisme en Espagne et proposent "un repositionnement sérieux de la programmation religieuse", se référant pour cela aux émissions et temps d'antenne octroyés dans les autres pays démocratiques, car à ce moment-là, la programmation religieuse se réduisait à la messe dominicale. Enfin, ce texte prétend, en vertu du principe de liberté religieuse, ouvrir la programmation à d'autres confessions dans des espaces différenciés ; leur temps d'antenne étant proportionnel au nombre de fidèles qu'elles représentent.

Les négociations aboutissent le 7 septembre 1982 au vote par le Conseil d' Administration de RTVE de quatre programmes catholiques différents ( culte, actualité, débat et témoignage) placés sous la responsabilité de la C.E.E. Ces programmes dirigés par des personnes proposées par cette même hiérarchie ecclésiastique sont portés à l'antenne

1 Ibid.

2 "Ninguna confesi6n tendra caracter estatal".

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en octobre 1982. Ce sont les mêmes qui subsistent aujourd'hui. Une

commission pour la programmation religieuse est créée. Elle aura un rôle

de proposition, de contrôle et de suivi. Enfin, pour ce qui concerne les

autres religions, RTVE demanda, en 1984, à la Comisi6n Asesora de

Libertad Religiosa, un rapport sur les organisations religieuses les plus

"enracinées"historiquement et/ou socialement en Espagne. La

Commission rendit son verdict en février 1994, concluant que les

religions les plus "significatives"en Espagne, en-dehors du catholicisme,

étaient l'Evangélique, !'Israélite et l'Islamique1• Le rapport servit de base

pour la création d'un programme interconfessionnel sur la 2e chaîne

appelé Tiempa de creer.

Quant aux télévisions autonomiques, elles traitent le facteur religieux

d'une façon analogue; le Statut de la Radio-télévision nationale de 1980,

ayant, en général, servi de modèle.

UNE PROGRAMMATION CONFINÉE DANS LA CASE DOMINICALE

En 1984, la C.E.E. décréta une série de normes concernant les

émissions qui lui étaient confiées. Ainsi, le titre de "catholique" dans les

programmes audio-visuels devient une marque protégée, seulement

octroyée par l'autorité ecclésiastique. De même, la forme, le contenu et la

direction des programmes sont sous l'autorité de la CEE ; la morale et le

respect au quotidien de la doctrine de l'Eglise ainsi que les compétences

pédagogique et scientifique des intervenants qui s'expriment au nom de

l'Eglise ne pouvant faire aucun doute. Avec cette norme, ! 'Eglise garantit

l'identité confessionnelle catholique de la programmation religieuse. La

télévision fournit, de son côté, les moyens techniques et finance la

programmation. Bien évidemment, en plus des espaces réguliers, la

programmation religieuse catholique inclut des programmes

"extraordinaires" en fonction du calendrier liturgique ou d'événements

particuliers.

Les quatre programmes religieux sont actuellement émis à la suite sur

la 2e chaîne de la télévision publique, le dimanche à partir de 9h30. Sur

ces quatre programmes, deux (Puebla de Dias et El Dia del Seiiar) sont

1 Ce n'est qu'en 1992 que l'Etat espagnol signe des accords avec ces trois religions qui

représentent 2% de fidèles.

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dirigés par des prêtres, les deux autres ( Ültimas preguntas dirigé par une femme et Testimonio) par des laïcs1

Pueblo de Dias (9h30- l Oh) est un magazine de reportages sur les activités caritatives et sociales de l'Eglise en Espagne et dans le monde ; Ültimas preguntas (10h-10h25) dirigée par une journaliste se présente davantage comme un magazine à tiroirs avec, en priorité, des débats autours des grandes questions d'actualité liées à la science et abordées sous l'angle de la foi, mais l'émission n'exclut pas le reportage, le quotidien des diocèses, l'actualité de l'Eglise, de la culture ainsi que des rencontres avec des religieux ou des laïcs. Testimonio ( entre I Oh25 et 10h30) est un reportage de cinq minutes sur une personne choisie en fonction de son vécu chrétien. Enfin, El Dia del Seri.or présente, avant la retransmission de la messe, un bref reportage (12 minutes) sur la paroisse concernée, ses intérêts culturels, artistiques ou patrimoniaux.

La présence de l'Eglise à l'écran lui permet également de corriger certaines représentations dévalorisantes et proposer au public une autre image. Ainsi en est-il de la communication de masse qui a, parmi ses atouts, celui de construire et de légitimer l'image que l'on souhaite renvoyer au public. On assiste à une volonté d'arrimer l'Eglise à une image d'ouverture, de jeunesse, de solidarité, de tolérance, de culture lui conférant un caractère intemporel - qui n'obéit pas à des conjonctures -, et transcendant - qui est au-delà du matériel-. Ainsi Puebla de Dias "montre le visage d'une Église samaritaine et missionnaire en Espagne et dans le monde". Testimonio, pour sa part, décrit "une Église jeune, donnant la parole à une majorité de femmes et de laïcs" ; l'émission se présente comme "une occasion de connaître les différentes réalités de l'Eglise". Quant à Ültimas preguntas, il "s'adresse à un public pluriel, encourageant un cadre ouvert de rencontres" ; le programme prévoit également un espace de dialogue avec d'autres religions2. De même, la dimension culturelle, au-delà du purement religieux n'est pas absente. Ültimas preguntas ouvre une fenêtre sur la vie culturelle l'inscrivant dans un dialogue entre foi et culture. El Dia del Seri.or, dans une volonté de présenter un environnement culturel concret avant la messe dominicale, participe à l'enracinement du religieux catholique dans le

1 Isidro Catela est diplômé de l'université catholique de Salamanque et professeur dans cette même

université; Maria de los Angeles Femandez a travaillé auparavant dans des médias catholiques. 2

Ibid.

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territoire en question et au-delà, dans le territoire national intégrant ainsi la religion catholique à l'identité nationale.

Malgré ces efforts, le dogme catholique, fût-il télévisé, ne fait pas "vendre". L'ensemble des programmes n'attirerait chaque semaine que 150 000 téléspectateurs et 600 000 pour la messe dominicale 1

• Par contre, les grands rites religieux traditionnels, individuels ou collectifs ont, jusqu'à présent, conservé toute leur importance, qu'ils accompagnent les grands événements de la vie - baptême, mariage... - ou de la société - procession, fêtes religieuses locales -... Or "le rite, explique Angela L6pez, c'est donner une forme socioculturelle à la conscience collective". Les rites correspondent à "un besoin de se reconnaître dans l'ensemble, par la création d'une identité collective, de se situer socialement"2

Les chaînes de télévision ne s'y trompent pas et programment traditionnellement les grands rendez-vous religieux de la communauté, qu'elle soit nationale, régionale ou locale, sorte de grand-messe où les individus concernés retrouvent des racines identitaires qui, au-delà du religieux, ancrent encore plus sûrement leur identité dans leur territoire de référence3

.

Pour ce qui concerne les autres confessions religieuses, TVE leur octroie un espace de quinze minutes hebdomadaires chaque dimanche matin à 8h45 avant la série de programmes catholiques. Mais le sens du partage a dû s'imposer car cet espace est unique pour les trois religions. Celles-ci apparaîtront donc successivement avec une périodicité d'une fois toutes les trois semaines. Comme pour la religion catholique, le contenu de la programmation ainsi que le choix du directeur du programme sont de la responsabilité de chaque groupe religieux. En fonction des confessions et de leur histoire, le contenu est plus culturel ou religieux ou encore informatif".

1 Boletin de la Comisiôn Episcopal de Medios de Comunicaciôn Social (MCS) n°200-201, Mai­

Décembre 2000, p. 40. 2 Angela Lôpez, "Ritos sociales y liturgias juveniles de espera", Formas modernas de religion,

Madrid: Alianza Editorial, 1996, p. 190. 3 De même, le voyage du pape retransmis dès les premières heures du 13 mai 2003, rassemblait à 9 h

du matin 35% de téléspectateurs devant les différentes chaînes des télévisions nationales qui ont, en

tout, réalisé seize heures de programme. "Le fait religieux est médiatique" affirme ainsi José Maria Gil,

secrétaire général de la Commission des Médias de la Conférence Episcopale. 4 Thèmes traités pour la religion juive : Le patrimoine musical Sefardi, Je patrimoine architectural

laissé par la communauté juive médiévale à Ségovie, rencontre avec un écrivain.

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Au sein des télévisions autonomiques qui diffusent une programmation religieuse, il semble que les engagements et mises en place des programmes se soient réalisés sans résistance de la part des politiques régionaux. L'Eglise bénéficie d'un espace hebdomadaire sur TVG, Canal Sur et TV-3, grâce à un accord signé entre les évêques et les télévisions autonomiques respectives. La télévision basque ETB qui inclut un espace religieux dans sa programmation a simplement un accord verbal avec l'épiscopat.

Sur ces chaînes, les programmes réguliers, correspondent le plussouvent - sauf dans le cas de Canal Sur 1

- à la retransmission de lamesse précédée ou suivie d'un programme magazine plus ou moinsétendu. La Catalogne, de son côté, est un peu à part. En effet, en matièrede programmation religieuse, elle bénéficie non seulement d'une émissionhebdomadaire de quarante-cinq minutes sur TV-3, espace dirigé par unlaïc et qui fait montre d'une véritable volonté d'ouverture sur la culture,l'actualité, les autres religions et modes de pensée, mais également d'uneprogrammation particulière sur le circuit catalan de TVE-i.

Les télévisions autonomiques qui n'ont signé aucun accord avec l'épiscopat se contentent d'un programme religieux occasionnel en fonction des événements traditionnels ou de l'actualité. Telemadrid estimait qu'en 2002, 0,1 % de ses émissions correspondaient à des événements religieux.

De même qu'avec l'Eglise catholique, des accords ont été conclus en Andalousie, Catalogne, Galice et Pays Basque avec les Conseils Évangéliques, la religion protestante étant la seule religion acatholique représentée jusqu'à présent au sein des télévisions autonomiques3

Religion musulmane: L'islam aujourd'hui en Amérique Latine, le soufisme.

Religion protestante : La femme dans l'évangile. 1 Canal Sur a uniquement un programme magazine de trente minutes le dimanche à 12h. 2 Sur TVE-2 en circuit catalan est programmée chaque dimanche la messe en catalan depuis les

propres studios de TVE à Barcelone ou depuis une église du diocèse. Puis "Esglesies de Catalunya"

après la messe est une série documentaire de dix minutes sur une église ou un sanctuaire de

Catalogne choisi pour sa richesse artistique ou son intérêt historique. 3 Ces accords donnent lieu à des émissions d'une dizaine de minutes, parfois diffusées à des

horaires assez incompatibles avec une audience "honorable" (TVG : "Nacer de novo" est diffusé le

mardi de 2h 15 à 2h30).

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TÉLÉVISION ET RELIGION CATHOLIQUE: UNE RELATION

AMBIGUË

Parallèlement à la création de ces émissions, le paysage télévisuel espagnol change profondément dans les années 80 avec la création de télévisions privées et peu à peu l'installation d'un ton qui déplaît fortement à l'Eglise. De plus, aucune des chaînes privées diffusant en Espagne n'a sur sa grille de programme une émission religieuse régulière.

"Il est certain, confirme Inmaculada Franco, journaliste et catholique qui signe un large article dans le bulletin de la Commission épiscopale des médias, que le monde des médias est, en ce moment, peu propice au religieux" ajoutant quelques lignes plus loin, "dans le thème Eglise­Médias, nous avons touché le fond"'. Ainsi, l'Eglise déplore, aujourd'hui encore, la maigre présence du religieux sur les télévisions espagnoles, se plaignant de l'absence de programmes religieux sur les chaînes privées2

.

"Sauf exception, explique la revue de la Conférence épiscopale, la religion catholique est tue dans beaucoup de médias comme si elle ne faisait pas partie du vivre quotidien et des motivations de la majorité des hommes et femmes de notre peuple"3

; le grand thème de Dieu n'est plus, selon l'Eglise, qu'une "question marginale, absente des contenus des médias", ces derniers n'obéissant qu'à "une vision économiste et consumériste"4

.

Les médias ne reconnaîtraient donc pas à la religion (aux religions) une importance publique et un rôle central, la remisant dans la sphère privée. Or, l'Eglise revendique fortement la "dimension publique" de la pratique religieuse5 et surtout prévient contre la tentation de la "privatisation de la foi". "La religion ne doit pas rester dans le privé. C'est une réalité sociale", explique le secrétaire général de la Commission des Médias de la Conférence Episcopale, José Maria Gil6. Au nom de la démocratie, de la Constitution, de la loi et des libertés individuelles et collectives, l'Eglise revendique le droit à l'antenne car "les médias [publics] sont financés avec les impôts des citoyens, dont les catholiques, ceux-ci étant

1 Jnmaculada Franco, "Una lectura creyente de los medios", MCS, n°205-207, Enero-Diciembre

2002, p. 48-53. 2 Entretien avec le Secrétaire général de la CEMCS le 8 juillet 2003 à Madrid. 3 "Necesidad de un mutuo acercamiento entre la lglesia y los medios", MCS, Janvier-Avril 2000, n°

199, p. 6-8. 4 José Luis Restân Martinez, "El cristiano ante los medios de comunicaciôn social", lglesia y medios

de comunicacion social, Murcia: Universidad catôlica San Antonio, 2000, p. 169- I 70. 5 Inmaculada Franco, op. cit. 6

Entretien avec José Maria Gil, secrétaire général de la C.E.M.C.S., le 8 juillet 2003.

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un groupe social de signification spéciale", note José Luis Restan Martinez, directeur de la programmation socio-religieuse de la COPE, groupe social qui a "droit à son quota proportionnel de présence médiatique [ ... ], comme le reconnaît notre Constitution" 1

Mais surtout, l'Eglise dénonce les "agressions fréquentes et gratuites" qu'elle subit de la part des médias publics ou privés2

• En effet, les plaintes, de la hiérarchie catholique, se sont multipliées depuis l'avènement de la démocratie. Le vocabulaire utilisé, métaphore d'une nouvelle violence mérite d'être souligné : une Église et ses fidèles "blessés", "attaqués", "agressés" qui seraient non seulement muselés par une forme de censure médiatique mais également harcelés dans leur foi. L'Eglise qualifie d'ailleurs ces attaques médiatiques de véritable "violence spirituelle". Les évêques dénoncent comme attitude généralisée une "hostilité manifeste envers l'Eglise et ses institutions", "l'offense de valeurs sacrées, la transgression du sentiment religieux, le mépris et l'injure contre le religieux"3

• Il s'agirait presque, pour la religion catholique, d'un nouveau chemin de croix emprunté cette fois sous les "sarcasmes" des médias, mécréants sans foi ni loi de l'ère moderne.

Contre les "agressions" faites à l'encontre de l'Eglise, celle-ci rappelle que les sentiments religieux sont un bien juridique protégé par la loï4. Face aux réponses réitérées des gouvernements invoquant la liberté d'expression et d'opinion, la hiérarchie catholique s'en réfère non seulement au droit mais également à la moralité pour réfuter cet argument. Ainsi l'Eglise en appelle indirectement à une législation qm borne la liberté d'expression et établisse de véritables règles du jeu5

.

L'Eglise pointe du doigt également l'information transmise par les médias, et notamment la manière dont elle est traitée. Ce traitement, les évêques le jugent "injuste", "partiel", "superficiel", accusant ainsi TVE de "déformer les faits", d'offrir des "informations incomplètes" ou de donner des "interprétations retorses"6

• L' Archevêque de Valence dénonçait en 1985 le fait que les médias sélectionnaient et faisaient ressortir tout ce qui

1 José Luis Restan Martinez, op. cil., p. 168. 2 Joaquin Ortega, op. cil., p. 184. 3 Myriam Cortés Diéguez, los obispos espaii.oles y los medios de comunicaci6n, Salamanca:

Universidad Pontificia, 2002, p. 129. 4 Myriam Cortés Diéguez, op. cil., p. 108. 5 Myriam Cortés Diéguez, op. cil., p. 130. 6 Ibid.

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était "atypique et marginal dans la vie de l'Eglise omettant tout ce qui est positif et normal"; "par ce biais, concluait-il, [ ... ], on défigure facilement la vie de l'Eglise, de ses membres et institutions"'. En résumé, les journalistes, de par leur "manque de connaissance", leur manière "frivole" de traiter l'information2, trahissent non seulement l'opinion publique mais également leur propre éthique et déontologie en portant atteinte "au respect du nom et de la réputation" non seulement "des personnes individuelles"- chaque fidèle - mais aussi "des institutions et, parmi elles, l 'Eglise"3

.

"Les médias ne s'intéressent qu'à des questions qui ont une certaine répercussion sociale ou politique ou qui constituent une information par son caractère scabreux", se plaignent les responsables de la CEMCS4

• Ces derniers ne réclament ni un traitement spécifique ni que les médias taisent leurs déficiences éventuelles ; ils déplorent plutôt l'absence d'une information mettant en avant tout ce que les institutions ecclésiastiques peuvent amener de positif au sein de la société5

. Mais en réclamant une information différente de celle offerte par les médias, ! 'Eglise oublie ou fait mine d'oublier que l'information - pas seulement religieuse - se nourrit de l'inédit, de l'événement et non de l'activité quotidienne, aussi positive soit-elle.

Du coup, confrontée parfois à une actualité souvent peu flatteuse comme plusieurs scandales de type sexuel qui ont !'éclaboussé ces dernières années, et qui génèrent des contre messages venant brouiller, voire décrédibiliser sa doctrine, l'Eglise espagnole y répond indirectement en accusant un traitement informatif coupable face à un événement innocent : "souvent, le traitement informatif génère la polémique, pas l'événement en soi", expliquent les responsables de la CEMCS6

. De là, on saute vite le pas vers une "manipulation de l'information"7, des "manœuvres informatives [ ... ] qui attaquent les valeurs morales"de la

1 Myriam Cortés Diéguez, op. cil., p. 120. 2 Entretien avec José Maria Gil, Secrétaire général de la CEMCS, le 8 juillet 2003. 3 "Comunicar el Evangelio en la sociedad de la informaci6n", MCS, n°205-207, Janvier-Décembre

2002, p. 6-9. 4 "Andalucia: los delegados estudiaron las perspectivas que abre el Directorio para las delegaciones

de MCS", MCS, n°200-201, Mai-Décembre 2000, p. 48-51. 5 "Comunicar el Evangelio en la sociedad de la informaci6n", MCS n° 205-207, op. cil. 6 "La comunicaci6n institucional: un instrumento clave para la evangelizaci6n", MCS, n°205-207,

p. 11-15. 7 Archevêque de Pampelune, cité par Myriam Cortés Diéguez, op. cil., p. 120-121.

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société espagnole 1• Une manipulation de l'information qui est surtout

dénoncée autour de thèmes comme "l'avortement, l'éducation, le mariage et la famille"2

. A ce sujet, en 1983, l' Archevêque de Valladolid accusait dans une lettre ouverte un certain nombre de programmes de s'attaquer aux "valeurs morales fondamentales", il pointait du doigt certaines émissions, véritables programmes de "propagande"citant là tout type de "perversités"mises, voire défendues à l'écran: "l'avortement, l'homosexualité, l'adultère, la vie irresponsable et frivole, la consommation"3

.

Mais pour l'Eglise, le plus grand danger est lié aux programmes en eux-mêmes car leur action est "plus subtile, dissimulée, presque subliminale, mais persévérante, assaisonnée parfois sur le ton de l'humour"4

. José Luis Restan Martinez explique, pour sa part, que les télévisions publiques comme privées servent à leur audience des programmes de "faible niveau culturel, d'énorme vide spirituel et, dans un bon nombre de cas, de basse moralité"5

; des programmes qui, selon Monseigneur Montero, montrent "des choses dégradantes et blessantes pour certaines catégories de citoyens"6

C'est pourquoi l'Eglise, écartée de la gestion des médias publics, revendique désormais un rôle dans le "renforcement de l'éthique" au sein des médias7

. L'Eglise se pose ainsi en voie de la sagesse, dernier obstacle contre le chaos moral qui menace les médias ; "médias [ ... ] que nous sommes appelés à illuminer et aider, selon les critères de l'Evangile et [à qui] nous nous permettons de recommander[ ... ] un certain type d'examen de conscience", conseille les Évêques de la CEMCS en 20008

.

1 Cardinal Casaroli, cité par Myriam Cortés Diéguez, op. cil., p. 123. 2 Myriam Cortés Diéguez, op. cil., p. 109. 3 Myriam Cortés Diéguez, op. cil., p. 113. 4 Archevêque de Pampelune, cité par Cortés Diéguez, op. cil., p. 120-121. 5 José Luis Restàn Martinez, op. cil., p. 167-168. 6 Monseigneur Montera, cité par Myriam Cortés Diéguez, op. cil., p. 122-123. 7 "La comunicaci6n institucional: un instrumenta clave para la evangelizaci6n", MCS n°205-207,

op. cil. 8 "Necesidad de un mutuo acercamiento entre la Iglesia y Ios medios", MCS n°199, op. cil.

Mais l'Eglise ne fait pas que blâmer la télévision, elle distribue aussi chaque année des bons points,

les Premios iBravos! que décerne un jury désigné par la CEMCS. Ainsi ces prix - presse, radio,

télévision, cinéma... - récompense "le travail méritoire de tous ces professionnels de la

communication dans les différents médias, qui se sont distingués par le service à la dignité de

l'homme, aux droits de l'homme et aux valeurs évangéliques". (MCS n°205-207, p. 36).

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Caroline DOMINGUES

Quant aux responsabilités de cet état de fait, et même si parfois les accusations sont plus floues, la hiérarchie catholique ne laisse que peu de doutes. Était bien dénoncé dans les années 80 un véritable complot politique contre la religion catholique, complot mené au sein des médias audio-visuels. Pendant les années des gouvernements socialistes, l'Eglise n'aura de cesse de dénoncer le contrôle "hégémonique du parti au gouvernement"[PSOE] sur la télévision publique la transformant en "une télévision privée de l'Etat ou du gouvernement". A partir de 1982, écrit Joaquin L. Ortega, les intentions de RTVE dépassent la pure "grossièreté ou incivilité envers les sentiments catholiques majoritaires dans la société espagnole. Il s'agit de l'utilisation de la télévision espagnole pour forcer un changement social, idéologique et éthique, en accord avec le modèle socialiste d'homme et de société et à contre-courant non seulement avec le patrimoine spirituel espagnol mais avec les propres textes constitutionnels et les accords" 1

La télévision serait au service d'une croisade païenne avec un message totalement divergent de celui de l'Eglise et instrumentalisée au service d'un athéisme militant. Par une action agressive, ou plus en sourdine, mais non moins efficace, selon l'Eglise, la télévision agirait en agent destructeur afin de "discréditer les valeurs de l'éthique chrétienne", "un des principaux objectifs du gouvernement socialiste" soutient l'évêque Jesus Pla2.

La télévision est donc au service de plusieurs messages contradictoires car celui de l'Eglise y est bien programmé mais relégué le dimanche matin sous la forme d'une suite de programmes, sorte de tunnel cathodique obéissant à la loi et soulageant les consciences. Mais la télévision est ailleurs. La programmation religieuse est bien loin de faire le poids contre l'ensemble des émissions. Le message catholique est donc parasité par un ensemble de bruits qui perturbent grandement voire annihile sa portée. D'autre part, l'ensemble des messages peu favorables à l'institution ecclésiastique lui fait perdre le protagonisme non seulement de sa propre image, éclaboussée soit par les railleries, soit par la propre information, mais également sur des thèmes qu'elle considère comme les siens propres : la famille, la contraception et l'avortement surtout.

1 Joaquin Ortega, op. cit., p. 184.

2 Evêque Jesus Pla, cité par Myriam Cortés Diéguez, op. cit., p. 128.

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Religion et télévision en Espagne : une relation conflictuelle

QUELLE EST LA RÉPONSE DE L'ÉGLISE ?

Pour inverser cette situation, la maîtrise de son image est devenue pour l'Eglise une des priorités; objectif rendu difficile jusqu'à présent de par la présence majoritaire dans les médias de professionnels peu sensibles à sa cause. D'où une série de stratégies médiatiques définies par la propre autorité ecclésiastique afin, entre autres, "d'éviter que son identité soit définie par d'autres"'. Cette volonté de réappropriation de sa propre image, d'une meilleure présence au sein des médias, passe par une stratégie en aval et une en amont. Une stratégie qui, selon les professionnels catholiques, a longtemps manqué à l'Eglise. Inmaculada Franco note que rarement l'Eglise "émet des messages positifs, censés la positionner aux yeux de l'opinion publique comme une institution évangélique engagée, essentiellement avec les faibles" ; "elle manque d'une stratégie informative" se plaint-el!e2, quand José Luis Restin Martinez insiste sur la nécessaire implication du monde ecclésiastique, depuis les prêtres jusqu'à la hiérarchie, dans la stratégie informative et de communication de l'Eglise, prévenant que l'Eglise en général "ne doit pas seulement intervenir pour condamner les excès [ ... ] mais également pour proposer des initiatives3

".

José Luis Restin Martinez prescrit donc l'aide d'experts afin d'adopter "notre langage à celui de la culture médiatique", soit une véritable professionnalisation de la communication de l'Eglise, à l'image d'une multinationale gérant une situation de crise. Pour cela, les employés eux­mêmes, soit ici les prêtres, doivent recevoir la formation nécessaire en matière de communication 4.

Contre le manque de professionnels de l'information spécialisés dans les questions de religion, l'Eglise a décidé de s'impliquer dans la formation universitaire afin de former de nouvelles générations de communicants, aptes, grâce à une "formation chrétienne", à évoquer sérieusement le thème religieux. En aval, l'Eglise a donc créé, avec huit facultés catholiques de journalisme, son propre réseau de professionnels acquis par avance à sa cause et qui ne devraient pas, comme les

1 "La comunicaci6n institucional : un instrumento clave para la evangelizaci6n", op. cit.

2 Inmaculada Franco, op. cil. 3 José Luis Restin Marti nez, op. cil., p. I 70. 4 José Luis Restan Martinez, op. cil., p. I 72.

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journalistes aujourd'hui, faire preuve de "méfiance envers les informations

ecclésiastiques"1

Les stratégies de l'Eglise en amont sont marquées par une volonté

d'ubiquité à savoir une présence dans l'ensemble du monde médiatique.

Dans un premier temps, l'Eglise par l'intermédiaire de la CEMCS fait

pression auprès des télévisions - surtout publiques - afin d'obtenir une

augmentation des contenus religieux au sein de la programmation.

D'autre part, sur le plan télévisuel, elle investit de plus en plus dans la

création de ses propres médias. Ainsi, elle a créé avec la COPE, Popular

Televisi6n, sa propre chaîne catholique câblée et s'intéresse à la

possibilité de créer de nouvelles chaînes au niveau local comme l'a déjà

réalisé le diocèse de Tolède, avec Canal Dioses Toledo ou de participer

plus simplement à la programmation dans les quelque mille télévisions

locales déjà existantes en Espagne.

Afin d'alimenter les médias audio-visuels, catholiques ou non, José

Luis Restan Martinez suggère la production de programmes qui ne se

limiteraient pas aux thèmes strictement religieux mais s'intéresseraient à

l'information, au culturel et au divertissement. "Il s'agit, explique-t-il,

d'être chrétiennement généraliste" ; "cela réclame la création d'un centre

télévisuel catholique qui fournisse les médias en contenus chrétiens". Et

José Luis Restan Martinez de compter sur la synergie des Facultés des

sciences de l'information de l'Eglise2

. En résumé, il s'agit de la création

d'une entreprise audio-visuelle qui déverserait une production

"chrétienne", c'est-à-dire labelisée par l'Eglise, au sein des médias audio­

visuels. Non seulement l'Eglise deviendrait - enfin - maîtresse de son

message mais y gagnerait en influence par une présence plus discrète,

immisçant son credo là où on ne l'attend pas forcément, d'une façon

"subliminale".

Enfin, l'une des m1ss10ns de la CEMCS est aussi de former les

récepteurs du message médiatique. "Il faut aider les gens à être de bons

utilisateurs des médias en tant que personne et en tant que chrétien"

1 De même, au sein de certaines Facultés laïques, il règne de mauvaises influences, telles celle de

Saint-Jacques de Compostelle qui, selon la CEMCS, serait sous la coupe et l'influence des milieux

proches du Parti nationaliste galicien dont, souligne la Commission, "l'anticléricalisme est notoire".

MCS, n°205-207, p. 32. 2 José Luis Restàn Martinez, op. cit., p. 171-172.

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Religion et télévision en Espagne : une relation conflictuelle

explique-t-elle et apprendre, première règle absolue, à savoir éteindre son

téléviseur1•

En somme, il semble bien que la gestion de l'Eglise, en matière de

média au moins, s'assimile, comme nous l'avons constaté, à celle d'une

entreprise, cherchant à placer au mieux sa marque, à dominer son image et

à maîtriser les outils de la communication, bref une certaine

"professionnalisation" du sacré. C'est justement cette transformation de

l'Eglise en "appareil", en "entreprise multinationale"dans laquelle

"!'Esprit est représenté par des administrateurs, la grâce et la religion

bureaucratisées" que pointe du doigt José Luis Aranguren, une situation

responsable, selon lui, de la désaffection de la jeunesse actuelle envers

l'Eglise2

• "Il semble, pronostique-t-il, que nous nous acheminions vers

une prochaine chute des religions établies et vers une nouvelle floraison

de l'esprit religieux libre, de la religion désolidarisée de toute pratique

culturelle formelle". Cet extrait fait partie d'un ouvrage sorti en 1996. Les

événements mondiaux ont-ils joué un rôle dans ce nouveau et presque

inattendu retour du religieux, telle une identité que l'on brandit pour

s'inclure ou simplement exclure. Toujours est-il que le 5 mai 2003 après

la visite du pape à Madrid, dans l'éditorial de El Mundo, on pouvait lire

ceci : "Toute personne qui aura suivi la couverture de la visite du pape,

surtout dans les médias publics, peut seulement en tirer une conclusion :

l'Espagne non seulement n'a pas cessé d'être catholique, contrairement à

la célèbre sentence de Manuel Azafia, mais d'après ce que l'on a vu, on

pourrait penser qu'elle est plus catholique que jamais"3

.

1 Site Internet CEMCS. 2 José Luis Aranguren, "La religion, hoy", Formas modernas de religion, op. cit., p. 35-37. 3 El Munda, Editorial, 5 mai 2003.

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