Regards sur l’Atlantide - Decitre.fr · Cependant, les plus grands mythes traitent...

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Marie Delorme Regards sur l’Atlantide Du mythe originel au mythe actuel

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Regards sur l’Atlantide Du mythe originel au mythe actuel

Marie Delorme

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Marie Delorme

Regards sur l’Atlantide

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A tous ceux Qui rêvent encore De l’Atlantide

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Introduction

Le comble de la production imaginaire dans l’histoire de l’humanité paraît être le mythe. A ce titre, cette construction de l’esprit est souvent estimée comme ne relevant pas de la Science.

Cependant, les plus grands mythes traitent d’évènements spectaculaires ayant frappé la terre et les hommes, tels le Déluge, la submersion de l’Atlantide ou de Mû. Ces grands accidents de l’histoire humaine devraient être vérifiables et, de ce fait, pourraient intéresser la recherche scientifique. Souvent, les chercheurs de toutes tendances s’efforcent de présenter leurs études comme de nature scientifique, alors qu’elles peuvent en être très éloignées. Aussi, est-il important que la Science s’intéresse aux mythes, à leur construction, à leur contenu et à la littérature qui les propage au cours des âges.

Parmi les mythes, certains concernent les temps préhistoriques, L’Atlantide, Mû, Gondwana, le Déluge, et pourraient faire référence à des faits réels qu’il faudrait exhumer ou circonscrire. Là, commence la tâche du préhistorien. L’analyse de l’évolution historique du mythe de l’Atlantide peut nous permettre de comprendre comment le mythe, construction de l’imaginaire, se gonfle et évolue dans le temps.

Un mythe est un récit populaire ou littéraire mettant en action des êtres irréels, placés dans des situations réelles ou inventées. Cette construction de l’esprit, qui repose sur un fond d’irréalité, influence la vie sociale et se trouve influencée par elle.

Un mythe est aussi un discours enveloppant certains faits d’un emballage puisé dans le merveilleux et faisant accéder au statut de légende des évènements ou des êtres réels.

En ce qui concerne l’Atlantide, son initiateur en fut Platon, célèbre philosophe grec qui vécût à Athènes au IV è siècle avant n. è.

Depuis ce temps, le mythe de l’Atlantide a fait couler beaucoup d’encre et a

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excité diversement les passions. Aujourd’hui, on estime à plus de deux mille les contributions des hommes à la constitution du mythe, ouvrages d’études, articles, romans, poèmes, bandes dessinées, films, livrets musicaux.

En quoi consista l’apport de Platon ?

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I La bombe platonicienne

Avant Platon, personne n’avait fait état de l’Atlantide. En effet, les Grecs du temps de Platon n’avaient jamais entendu parler d’une île disparue, dénommée Atlantide, totalement inconnue.

1.1. Le TIMEE et le CRITIAS de Platon

Platon (428–346 av. n. è.) présenta l’histoire de l’Atlantide dans deux ouvrages, conçus comme des dialogues, le « TIMEE » et le « CRITIAS », qui auraient été rédigés entre 358 et 356 avant n. è. L’auteur était, alors, un philosophe très apprécié à Athènes, disciple de Socrate, vivant à une époque troublée de la cité athénienne.

Le « TIMEE » évoque l’Atlantide au sein d’autres notions concernant les rapports de l’homme avec le monde : cosmologie, astronomie, métaphysique, psychologie, sciences naturelles, mathématiques, toutes sciences englobées dans ce que les Grecs appelaient la Philosophie.

Le « CRITIAS » traite de l’histoire de l’Atlantide, en un texte assez court et non terminé.

Les deux ouvrages font état d’une guerre entre les Atlantes et une Athènes préhistorique dont personne, jusqu’ici, n’avait rapporté l’existence. Ces récits sont conçus comme des discours destinés à apporter un enseignement philosophique et, même s’ils abordent des notions scientifiques, ils restent essentiellement des discours. On ne peut dissocier l’histoire de l’Atlantide du reste des deux textes de Platon, ni s’abstraire de la personnalité de ce philosophe.

1.2. La pensée philosophique de Platon et l’Atlantide

Les sources éventuelles des deux ouvrages, le TIMEE et le CRITIAS, sont incertaines ou inconnues.

Une traduction et une analyse approfondie de ces deux textes ont été faites

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par Luc Brisson dans son livre « PLATON. TIMEE. CRITIAS » (Brisson, 1999). Les deux textes de Platon sont issus de « festins oratoires » et se présentent

comme des discours, des échanges de vue entre Socrate et des hommes éminents. Dans le « TIMEE », ces personnages sont Timée, Critias l’Ancien et

Amynandre, et dans le « CRITIAS », les mêmes, sauf Amynandre remplacé par Hermocrate, célèbre général de Syracuse.

Socrate, au milieu de ces philosophes, tient là le rôle du professeur conduisant les débats. Ces penseurs sont tous convaincus de la valeur de la tradition orale.

Ils sont rassemblés à l’occasion d’une grande fête d’Athènes de la mi-juillet, les Panathénées, données en l’honneur de la déesse Athéna, protectrice de la cité. C’est le jour où les philosophes sont invités à célébrer les mérites des Athéniens, sous forme d’hymnes, de discours, de poèmes. Ils doivent faire l’éloge vrai et mérité, dans une « panégyrie », des « grands et admirables exploits « d’Athènes, effacés au cours du temps et surtout, oubliés à la suite de terribles catastrophes naturelles, qui ont prévalu dans la mémoire collective. Nous sommes, donc, face à un récit conçu comme un éloge à la cité, une « Geste » grande et honorable.

Le Timée se présente comme un ouvrage de cosmologie proposant un modèle de l’univers physique. Dans un genre littéraire traditionnel, Platon pose en novateur la question de la Connaissance et utilise en modèle la méthode hypothético – déductive qui sera en usage dans les Sciences jusqu’à la Renaissance.

Dans sa Cosmologie, Platon pose un principe : il n’y a pas de vérité véritable dans le changement incessant que l’on appelle le temps. La Connaissance comme le discours demandent la permanence (Brisson, 1999, p. 13-20).

Pour atteindre la Connaissance, il faut s’élever à des entités permanentes, séparées des choses sensibles, dont la réalité véritable leur permet d’être un objet de connaissance et le sujet d’un discours vrai. Même dans son changement, le monde sensible doit conserver quelque chose qui ne change pas. Il faut donc distinguer les choses sensibles et les formes intelligibles qui ont entre elles, le rapport de la copie à l’original.

Dans le monde sensible, la permanence s’exprime par trois éléments : causalité, stabilité, symétrie. Les formes intelligibles n’en sont pas affectées et ne changent pas. Ces données peuvent être présentées en rapports mathématiques que le « démiurge » a placés dans le monde sensible, « dans la mesure où l’âme du monde arrive à les y maintenir et dans la mesure où l’être humain peut les discerner ».

« Cette connaissance et le discours qui l’exprime ne sont jamais vrais, ils restent vraisemblables » (Brisson, 1999, p. 15).

Les entités mythiques sont pour Platon : le démiurge, l’âme du monde, la nécessité. Tout ce qui devient a une cause.

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Les causes préexistantes à l’Univers sont : les formes intelligibles, le démiurge, le matériau. Une forme intelligible est une entité non sensible qui existe en soi pour toujours, pure et absolue, non sujette au devenir, elle est un « modèle » pour les réalités participantes, sortes d’images sans cesse changeantes.

Ces dernières ne peuvent se comprendre sans la référence aux formes intelligibles immuables qui leur confèrent une stabilité même précaire.

Platon distingue, aussi, opinion et intellect, qui sont des facultés séparées, non de même origine, la première s’appuyant sur les choses sensibles, la seconde sur les formes intelligibles.

C’est l’hypothèse de l’existence de ces dernières qui permet à l’homme d’accéder à la connaissance, à l’éthique, à l’ontologie. Le démiurge est, par nature, bon et ne se conduit pas comme Zeus, trop humain. Il est un « Père » et un « fabricant » de l’Univers, à l’image d’un artisan.

Aristote, qui fut élève de Platon, repéra « les contradictions apparentes de ce système et la distinction entre le temps du récit et l’extra-temporalité de l’explication » (Brisson, 1999).

Le démiurge doit se conformer à un modèle et agir en fonction du « matériau » à façonner. Mais, dit Aristote, « la Nature qui explique la production du Kosmos ne délibère pas comme l’artisan ».

L’action ponctuelle du démiurge fabrique dans l’Univers ce qui est susceptible d’être éternel, puis le démiurge se retire, laissant ses aides agir, attribuant à l’homme une certaine autonomie. Le démiurge maintient dans le cosmos un ordre mathématique au sein du changement incessant.

La « Nécessité » introduit dans le monde un nouveau facteur dérangeant, elle est un enchaînement mécanique de mouvements affectant les quatre éléments, elle est « une cause errante » (Brisson, 1999, p. 21-34).

La pensée de Platon doit être connue pour mieux saisir ses postulats dans le discours sur l’Atlantide, qui est une illustration des convictions du philosophe.

Dans le « TIMEE », Critias l’Ancien fait état du voyage de Solon en Egypte vers 600 avant n. è. :

« Prête-donc l’oreille, Socrate, à un récit qui, même s’il est tout à fait étrange, reste absolument vrai, comme l’a affirmé il y a longtemps le plus sage des Sept Sages, Solon ».

Dans le « CRITIAS », Platon développe sa description de l’île Atlantide, le fonctionnement de la société atlante et la vie du pays athénien avant les « nombreux et grands déluges » subis par la Grèce au cours des derniers 9000 ans. D’après Platon, ces deux territoires étaient, avant 9600 ans, des terres d’abondance.

Les Athéniens vivaient simplement dans leur plaine entourant l’Acropole,

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rassemblés dans une cité agrémentée de gymnases, de jardins, de salles à banquets. Ils étaient réputés dans le monde antique pour la beauté de leur corps physique et la vertu de leurs âmes. Ils disposaient d’une armée bien entretenue et ne s’intéressaient ni à l’or ni à l’argent.

Leur terre était alors riche et grasse, et sur l’Acropole beaucoup plus vaste qu’aujourd’hui, étaient édifiés les temples d’Athéna, fondatrice de la cité, et d’Héphaïstos, l’industrieux. Les Athéniens étaient divisés en groupes sociaux, les combattants, gardiens du territoire, les prêtres, les artisans et les paysans.

Tout était mis en commun, la terre n’appartenait à personne et les enfants étaient élevés par la communauté. Les Grecs admiraient les Athéniens pour leur courage à la guerre, leur sobriété, leur culture, car ils « vivaient dans le juste milieu ».

En Atlantide, au contraire, les hommes, « des Barbares », passèrent de l’abondance naturelle à l’abus des biens de ce monde. L’excessive richesse les rendit « moralement laids ».

« L’élément divin vint à s’étioler en eux » (Platon) et Zeus eut à prendre une décision cruciale à l’égard de cette « race autrefois excellente ».

« Il réunit tous les dieux »… et, les ayant rassemblés, leur dit… ». Le texte s’arrête là. Cette fin abrupte et suspensive a-t-elle été voulue par

Platon ou non ? La décision de Zeus n’étant pas précisée, les lecteurs peuvent terminer la

phrase à leur idée. Beaucoup supposent que Zeus aurait tonné : « Punissons les hommes de tant

de péchés ! » Pour d’autres, il aurait dit : « Donnons aux hommes la chance de se racheter

de leurs fautes ! » Nous avons, ici, l’exemple d’une première extrapolation à laquelle nous invite

Platon, dans un texte pseudo-historique à support philosophique. Serait-ce un piège tendu au lecteur ? L’helléniste Pierre Vidal-Naquet répond par l’affirmative dans son livre

« L’Atlantide. Petite histoire d’un mythe platonicien » (Vidal-Naquet, 2005). Pour lui, Platon était pervers et trompait sciemment son lecteur ou son auditeur.

L’étude précédente nous montre que Platon était un enseignant. Il laisse le lecteur définir lui-même la conséquence adaptée, au regard du démiurge, à l’évolution négative des Atlantes, coupables de mauvais usage du monde.

C’est l’expression majeure de la liberté dans l’enseignement de Platon. Ces considérations philosophiques ont été nécessaires pour comprendre les

bases du mythe atlantidien et l’évolution de cette construction de l’esprit qui va devenir au cours des âges, un énorme conglomérat de notions incontrôlées.