Réforme de l'hôpital en France: les problèmes (et parfois les solutions) semblent les même...

4
8 Healthcare Management Forum Gestion des soins de santé Introduction « Jamais la communauté n’a fait autant d’efforts financiers pour son système hospitalier. Le paradoxe est que malgré cet incontestable effort, l’hôpital public apparaît en crise profonde. On parle d’effectifs de personnels médicaux et paramédicaux insuffisants, de budgets serrés. Le taux de vétusté des établissements hospitaliers atteint le chiffre préoccupant de 68% en 2000. La moitié des hôpitaux … présente un déficit budgétaire de 3 à 5% » 1 (pg. 14) Cette citation pourrait certes s’appliquer à n’importe quelle province canadienne. Elle a pourtant été faite par le D r Jean- Pierre Bethoux, professeur à l’Université de Paris et chef de chirurgie à l’Hôtel Dieu de Paris, dans le Figaro du 28 janvier 2004, et s’applique au système hospitalier français. t ce diagnostic n’est pas nouveau. Dans un discours prononcé en novembre 2002, le ministre français de la santé, Jean-François Mattei, déclarait : « L’Hôpital, malgré la confiance qu’il inspire toujours aux Français, connaît une situation de malaise profond. Les médecins hospitaliers et l’ensemble des personnels soignants et non soignants sont désenchantés… Après des années d’efforts d’adaptation, les gestionnaires des établissements de santé sont découragés par les lourdeurs qu’ils affrontent tous les jours. L’hôpital…, confronté à de profondes mutations, aussi bien dans le domaine des techniques et des pratiques médicales qu’en matière d’attentes des patients vis-à-vis des établissements, ne parvient pas à s’adapter rapidement... » 2 Dans ce même discours, le ministre annonçait une réforme majeure du système hospitalier. Cette réforme s’appuie sur cinq principes fondamentaux : 1. décentralisation de la prise de décision vers les régions et vers les conseils d’administration des établissements, s’accompagnant d’une plus grande imputabilité des administrations locales et des équipes de soin; 2. organisation des soins autour du patient; 3. plus grande implication du secteur privé au sein de l’hôpital public; 4. réduction des contraintes bureaucratiques; 5. financement basé sur l’activité. Pour actualiser ces principes, le ministre annonçait en même temps un plan d’action ainsi qu’une vaste consultation de tous les intervenants du milieu hospitalier. Ce plan d’action comprend les éléments suivants. Rôle étendu des instances régionales Les Agences régionales hospitalières (ARH), organismes créés au milieu des années 90 mais jusque là plus près des Conseils régionaux ontariens (qui ARTICLE ORIGINAL E Réforme de l’hôpital en France : les problèmes (et parfois les solutions) semblent les même partout par Michel Bilodeau Résumé Le système hospitalier français est en crise. Sa situation ressemble à celle des hôpitaux canadiens. À l’automne 2002, le ministre de la santé de France a annoncé une réforme en profondeur, nommée Hôpital 2007, annonce suivie d’une vaste consultation de tous les intervenants. Malgré certaines modifications suite à ces consultations, les principes de base de la réforme demeurent et leur mise en œuvre commence en 2004 pour se poursuivre pendant les cinq prochaines années. Certains aspects de cette réforme permettent d’intéressantes comparaisons avec la situation canadienne. Titulaire d’une licence en lettres et d’une maîtrise en administration publique, Michel Bilodeau a travaillé comme cadre supérieur en milieu hospitalier au Québec et en Ontario pendant plus de 27 ans. En 1993, il réalisait la fusion du Centre de santé Elisabeth- Bruyère, de l’Hôpital Saint-Vincent et de la Résidence Saint-Louis pour créer le Service de santé SCO, qu’il a dirigé jusqu’en décembre dernier. Fellow du Collège canadien des directeurs de santé, il a reçu plusieurs prix dont celui de gestionnaire hospitalier de l’année de la revue Healthcare Manager (2000), de dirigeant de l’année, secteur parapublic, du Regroupement des gens d’affaires de la capitale nationale (2003) et le Prix du Régent de l’Ontario du Collège américain des directeurs de santé (ACHE, 2003). Depuis le début de 2004, il réside à Paris d’où il collabore à l’Institut de recherche Elisabeth-Bruyère et au Programme de maîtrise en gestion de la santé de l’Université d’Ottawa. You will also find this article in English on page 40.

Transcript of Réforme de l'hôpital en France: les problèmes (et parfois les solutions) semblent les même...

Page 1: Réforme de l'hôpital en France: les problèmes (et parfois les solutions) semblent les même partout

8 Healthcare Management Forum Gestion des soins de santé

Introduction« Jamais la communauté n’a fait autant d’efforts financiers pour son systèmehospitalier. Le paradoxe est que malgré cet incontestable effort, l’hôpital public apparaîten crise profonde. On parle d’effectifs de personnels médicaux et paramédicauxinsuffisants, de budgets serrés. Le taux de vétusté des établissements hospitaliersatteint le chiffre préoccupant de 68% en 2000. La moitié des hôpitaux … présente undéficit budgétaire de 3 à 5% »1 (pg. 14) Cette citation pourrait certes s’appliquer àn’importe quelle province canadienne. Elle a pourtant été faite par le Dr Jean-Pierre Bethoux, professeur à l’Université de Paris et chef de chirurgie à l’HôtelDieu de Paris, dans le Figaro du 28 janvier 2004, et s’applique au systèmehospitalier français.

t ce diagnostic n’est pas nouveau. Dans un discours prononcé ennovembre 2002, le ministre français de la santé, Jean-FrançoisMattei, déclarait : « L’Hôpital, malgré la confiance qu’il inspire toujoursaux Français, connaît une situation de malaise profond. Les médecinshospitaliers et l’ensemble des personnels soignants et non soignants sontdésenchantés… Après des années d’efforts d’adaptation, les gestionnairesdes établissements de santé sont découragés par les lourdeurs qu’ilsaffrontent tous les jours. L’hôpital…, confronté à de profondes mutations,aussi bien dans le domaine des techniques et des pratiques médicales qu’enmatière d’attentes des patients vis-à-vis des établissements, ne parvient pasà s’adapter rapidement... »2

Dans ce même discours, le ministre annonçait une réforme majeure dusystème hospitalier. Cette réforme s’appuie sur cinq principes fondamentaux :

1. décentralisation de la prise de décision vers les régions et vers lesconseils d’administration des établissements, s’accompagnant d’uneplus grande imputabilité des administrations locales et des équipes desoin;

2. organisation des soins autour du patient;3. plus grande implication du secteur privé au sein de l’hôpital public;4. réduction des contraintes bureaucratiques;5. financement basé sur l’activité.

Pour actualiser ces principes, le ministre annonçait en même temps un pland’action ainsi qu’une vaste consultation de tous les intervenants du milieuhospitalier. Ce plan d’action comprend les éléments suivants.

Rôle étendu des instances régionalesLes Agences régionales hospitalières (ARH), organismes créés au milieu desannées 90 mais jusque là plus près des Conseils régionaux ontariens (qui

ARTICLE ORIGINAL

E

Réforme de l’hôpital en France : les problèmes (et parfois les solutions)semblent les même partout par Michel Bilodeau

RésuméLe système hospitalier français est en crise. Sa situation ressemble à celle des hôpitauxcanadiens. À l’automne 2002, le ministre dela santé de France a annoncé une réforme enprofondeur, nommée Hôpital 2007, annoncesuivie d’une vaste consultation de tous lesintervenants. Malgré certaines modificationssuite à ces consultations, les principes de base de la réforme demeurent et leur mise en œuvre commence en 2004 pour sepoursuivre pendant les cinq prochaines années.Certains aspects de cette réforme permettentd’intéressantes comparaisons avec la situationcanadienne.

Titulaire d’une licence enlettres et d’une maîtrise enadministration publique,Michel Bilodeau atravaillé comme cadresupérieur en milieuhospitalier au Québec eten Ontario pendant plusde 27 ans. En 1993, ilréalisait la fusion duCentre de santé Elisabeth-

Bruyère, de l’Hôpital Saint-Vincent et de la RésidenceSaint-Louis pour créer le Service de santé SCO, qu’il adirigé jusqu’en décembre dernier. Fellow du Collègecanadien des directeurs de santé, il a reçu plusieursprix dont celui de gestionnaire hospitalier de l’annéede la revue Healthcare Manager (2000), de dirigeantde l’année, secteur parapublic, du Regroupement desgens d’affaires de la capitale nationale (2003) et lePrix du Régent de l’Ontario du Collège américain desdirecteurs de santé (ACHE, 2003). Depuis le début de2004, il réside à Paris d’où il collabore à l’Institut derecherche Elisabeth-Bruyère et au Programme demaîtrise en gestion de la santé de l’Université d’Ottawa.

You will also find this article in English on page 40.

Page 2: Réforme de l'hôpital en France: les problèmes (et parfois les solutions) semblent les même partout

Healthcare Management Forum Gestion des soins de santé 9

n’ont essentiellement aucun pouvoir niinfluence) que des régies régionales detype albertain ou québécois (le Québecabolit d’ailleurs ses régies pour lesremplacer par …des agences régionales!),se verront confier des responsabilitésnouvelles, notamment celle d’approuverle plan stratégique, le plan d’action et lesbudgets de l’hôpital, ainsi que le niveaud’activités, de lits et d’équipements quisera autorisé dans chacun. L’ARHallouera aussi les nouvelles sommesinvesties par le gouvernement. Jusqu’àmaintenant, c’est le ministre de la santéqui avait seul l’autorité de décider duvolume d’activités de chaque institution.

De plus, l’ARH aura l’autorité de mise entutelle dans les cas extrêmes où lasituation financière de l’hôpital lejustifie. Elle pourra suspendre lespouvoirs du conseil d’administration,recommander au ministre la destitutiondu directeur général et nommer undirecteur général provisoire.

Rôle du conseil d’administrationDans son discours, le ministre Matteidisait : « Moderniser l’hôpital c’est égalementinstaurer une culture du résultat et de laqualité, cela impose préalablement uneclarification des rôles et des responsabilités.Responsabiliser clairement les acteurs locauxest indispensable, qu’il s’agisse de l’ARH,dont les objectifs clarifiés devront faire l’objetd’un contrat avec le niveau national, ou duconseil d’administration. L’échelon décisionnelde proximité, à savoir le conseil d’administrationde l’hôpital, doit être rénové et renforcé dansses prérogatives, notamment en matièred’organisation, de contractualisation interneet, sans doute, de nomination de certainsresponsables hospitaliers »2

En effet, le conseil d’administration nenomme actuellement ni le directeurgénéral ni les chefs de service médicauxet, s’il peut élaborer des objectifs, ildispose de très peu d’autonomie surl’allocation des ressources et le type deservices offerts. Il nous apparaît avanttout comme un corps consultatif. Le planHôpital 2007 prévoit donc un renforcementdu Conseil d’administration, notammenten matière d’organisation, de contractua-lisation interne et de nomination de

certains responsables hospitaliers. Laquestion des contrats internes estparticulièrement intéressante; les conseilsseront amenés à négocier des ententesavec des programmes (appelés pôles,dont nous parlerons plus loin) ainsiqu’avec le directeur général. Ces contratsdevraient comprendre des objectifsmesurables en termes de quantité etqualité des services offerts, des mesuresde performance ainsi qu’un budget.

La nomination du directeur généraldemeurera la prérogative du ministre. Leconseil pourra toutefois rencontrer descandidats à partir de listes fournies par leCentre national de gestion, et faireensuite une recommandation au ministre.La loi prévoira aussi la possibilité pour leministre de déléguer la décision finale àl’ARH.

La composition du conseil sera resserrée,avec un maximum probable de 18membres, organisée en trois collèges demême importance (comparativement àcinq maintenant) :

• Un collège d’élus dont le maire(président du c.a.) auquel s’ajouteraitun élu régional, un élu départementalet un élu de l’agglomération decommunes. (Pour les CHU la place desélus régionaux sera plus importante).

• Un collège de personnalitésqualifiées nommées par l’ARH.

• Un collège de représentants despersonnels de l’établissement (corpsmédical et personnel non médical).

La forme exacte que prendra cettenouvelle responsabilisation des conseilsd’administration n’est pas encoretotalement arrêtée puisque l’on attendles résultats de deux groupes de travailqui doivent faire des recommandations àcet effet, l’un portant sur les centreshospitaliers universitaires dont le ministrea, dès le départ, reconnu la spécificité.

La structure interne des hôpitauxMalgré les intentions exprimées par leministre de responsabiliser les instanceslocales et régionales, le projet de loi surla réforme hospitalière imposera unenouvelle structure interne à l’hôpital.

Ainsi, l’hôpital sera organisé en « pôles »,ce que nous appelons « programmes »,qui permettront de regrouper sous unemême autorité hiérarchique l’ensembledes services offerts à certains groupes depatients ainsi que le personnel médicalet autre qui les fournit. Les directeurs depôles seront obligatoirement desmédecins, et auront le droit d’engagerdes dépenses et d’approuver des achats(ce qui semble une grande innovation).Ces directeurs seront assistés d’un chefadministratif et d’un chef clinique (laplupart du temps infirmier). Au début, laréforme prévoyait la disparition desdépartements et services médicaux mais,après plusieurs mois de consultation etde protestation des groupes médicaux, leministre a finalement décidé que lesmédecins pourront, en parallèle, maintenirleur organisation en départements etservices. Cependant, les chefs de servicesmédicaux seront nommés par ledirecteur général alors qu’ils sontactuellement nommés pas le ministre.

Tous ces directeurs de pôles siègeront àla Commission médicale d’établissement(CME), l’équivalent du Comité médicalconsultatif ontarien. La présidence de laCME sera un poste rémunéré. Comptetenu de cette nouvelle organisation, il estdifficile de comprendre la résistance desmédecins français, qui se voit attribuerune augmentation d’influence et depouvoir considérable au sein desétablissements.

La loi prévoit aussi la mise en place d’unComité de direction, composé du directeurgénéral et du président de la CME, quichoisiraient trois autres membres de ladirection administrative et trois chefs depôle, pour un total de huit membres.Dans les CHU, le doyen de la Faculté demédecine serait aussi membre. Cecomité de direction nommera les chefsde pôle, après consultation de la CME.

Enfin, alors que la loi actuelle prévoit lanomination d’une directrice des soinsinfirmiers, responsable de surveillerl’exercice de la profession infirmière, ceposte sera remplacé par celui dedirecteur des services cliniques, qui seraresponsable de la pratique infirmière etdes professions paramédicales.

Page 3: Réforme de l'hôpital en France: les problèmes (et parfois les solutions) semblent les même partout

10 Healthcare Management Forum Gestion des soins de santé

Réduction des contraintesbureaucratiquesLes hôpitaux, on l’a vu plus haut, sontsoumis à de nombreuses normes régissantleur fonctionnement. Selon le ministreMattei, « Les contraintes administratives quipèsent sur l’hôpital sont devenues un véritablecarcan »2 Ce constat a certes un impactsur la volonté du ministre de responsa-biliser davantage les instances locales etrégionales.

Pour réduire les contraintes administra-tives, le gouvernement semble seconcentrer sur les politiques d’achat.Actuellement, les hôpitaux sont soumisà des règles strictes qui visent à assurerla consistance des pratiques à travers leterritoire ainsi que le traitementéquitable de tous les fournisseurs. Ledocument accompagnant le discours duministre Mattei de novembre 2002explique :

« Le respect de cette volonté a conduit lapuissance publique à renforcer de manièrecontinue les contrôles et obligations desresponsables publics afin de se garantir contretoute dérive. Dès lors, c’est plutôt le respect descontraintes juridiques qui conduit aujourd’huiles acheteurs publics que l’efficienceéconomique. C’est d’ailleurs cet aspect que lescollectivités locales privilégient le plus (66%ont renforcé le pôle juridique de leur fonctionachat. Enfin, des données concernant les coûtsd’achat de certaines molécules pharmaceutiquesonéreuses démontrent que l’écart entre leshôpitaux publics et les hôpitaux privés peut,dans certains cas, atteindre jusqu’à 20%. Ilapparaît que les procédures des hôpitaux publicsne sont plus adaptées à une fonction d’achatmoderne et économe des deniers publics. »3

On entend donc procéder rapidement àune simplification du processus d’achat.Une « deuxième étape, qui se déroulera en2005, (en pratique dès septembre 2004 avecla préparation budgétaire) verra la mise enplace d’une nouvelle procédure budgétaire,impliquant une réforme du régime budgétaireet comptable des établissements… La troisièmeétape, prévue pour 2006, plus technique,permettra aux établissements de facturer

directement à l’assurance maladie,sansl’interface de l’ARH. »4

Il faut toutefois se demander s’il y a uneréelle volonté gouvernementale de réduireles contraintes bureaucratiques. En effet,on semble plutôt remplacer certainesrègles par d’autres, qui apparaissent toutaussi contraignantes. Et si une tellevolonté existe, pourra-t-elle résister auxrésultats de la décentralisation et de laresponsabilisation locales, celles-cis’accompagnant nécessairement dedifférences importantes dans les pratiqueset les résultats. Ne disposant d’aucunrapport de type « tableau de bord » auQuébec ou « Hospital Report » enOntario, le gouvernement a mis sur piedune Commission nationale d’expertise etd’audit hospitaliers. Celle-ci a d’ailleursfait les manchettes par son premierrapport qui souligne les différencesimportantes entre les hôpitaux, et ce,même dans le système actuel. Les écartsconsidérables qui nous ont été révélés ily a plusieurs années semblent prendreles Français par surprise. Par exemple, leFigaro économique du 6 février 2004titre : L’audit choc qui dérange l’Hôpital.« Des temps d’attente aux urgences qui varientdu simple au double, des écarts de prix de40% pour l’achat d’un même produit, undélai entre une première consultation et uneséance de radiothérapie allant du simple autriple…d’un bout à l’autre de la France, d’unétablissement à l’autre, les malades ne sontpas soignés de la même façon. »5 (pg. 1)

La Commission note que « les acheteursn’ont pas ou ne se reconnaissent pas decompétences pour négocier les prix; le marchéfournisseurs ne fait pas l’objet d’une prospectiveactive »6 Une solution possible est biensûr d’offrir à ces milliers d’acheteurs laformation nécessaire. Il peut toutefoisêtre tentant d’y voir une justification pourmaintenir les pratiques centralisées.

Changements au mode de financementComme au Canada, le financement global,accompagné d’une multitude d’ajuste-ments, est le mode de financement de la

majorité des hôpitaux français, publicscomme privés (certains hôpitaux privéssont déjà financés sur base tarifaire).Mais le ministre Mattei, dans sa réforme,prévoit un mécanisme qui se rapprochebeaucoup de ce que l’Ontario est en voiede mettre sur pied, soit la tarification desactivités et les contrats de performance.Et comme en Ontario, on procèderad’abord avec des projets pilotes dans unnombre limité d’établissements.

« Afin de libérer le dynamisme des structureshospitalières et leur potentiel d’adaptation àleur environnement en mutation, il estindispensable d’instaurer des mécanismes definancement incitatifs. La dotation globale amontré ses limites : c’est un système definancement sclérosant. Je souhaite larénovation totale du mode de financement desétablissements. Il nous faut tout d’abordmettre en place un mécanisme de financementdes établissements hospitaliers qui prennedavantage en compte l’activité médicale et leservice rendu. Nous ne pouvons pas, nonplus, continuer à vivre avec un doublesystème de financement public et privé quiobère les comparaisons et rend difficile lescoopérations. C’est pourquoi, je souhaite quenous allions résolument vers la tarification àl’activité. Elle est seule capable, à terme, deresponsabiliser les acteurs. »2

La mise en œuvre se fera de façonprogressive avec d’abord les activités deMédecine, Chirurgie et Obstétrique dès2004. Les Consultations externes et laRéadaptation seront ajoutées en 2005.L’objectif est d’adopter des tarifs nationaux,qui prendront en compte les activités deréanimation, d’urgence, de soins palliatifs,de greffes d’organes, de néonatalogie, etd’hospitalisation à domicile. Cependant,a côté du financement à l’activitédemeurera un financement global pourcertaines activités comme l’enseignement,la recherche, les médicaments nouveauxtrès coûteux, les pratiques innovatrices,certaines techniques de pointe, lesprélèvements d’organe, etc.

De même, les hôpitaux universitairesferont l’objet d’ententes particulières enfonction de leur mandat.

Page 4: Réforme de l'hôpital en France: les problèmes (et parfois les solutions) semblent les même partout

Healthcare Management Forum Gestion des soins de santé 11

Investissements dans les immobilisationsAu Canada, la lutte au déficit des années90 a amené les gouvernements à réduirede façon considérable les investissementsimmobiliers dans les hôpitaux. Enconséquence, les édifices se sontdétériorés et on a pris du retard sur leplan technologique. C’est pourquoi enOntario par exemple la Commission derestructuration des services de santérecommandait en 1998 des investisse-ments massifs en ce domaine. L’Ontarioest en voie de rénover et de construire, àun coût considérable, ce qui l’incite (ouen tout cas incitait le précédentgouvernement) à chercher despartenariats avec le secteur privé (P3). Lasituation n’est pas différente en France.Dans les documents accompagnant lediscours du ministre Mattei, on note :

« Jusqu’au milieu des années 80, l’Etat avaitmis en œuvre des financements importantspour accompagner la rénovation dupatrimoine hospitalier. Son désengagement, àpartir de 1985, a incité les établissements àprivilégier les équipements médicaux, puis,sous la contrainte budgétaire persistante, àreporter, dans le temps, une partie de leursinvestissements. À titre d’exemple, le taux devétusté des équipements est de 68,6% en2000. Plus récemment, de nouvelles contraintes(mise en œuvre des schémas régionauxd’organisation sanitaire et nouvelles normesde sécurité et de fonctionnement - sécuritéincendie, sécurité sanitaire, urgences,périnatalité, réanimation) ont encore accentuéle besoin en investissement. »3

Pour faciliter le renouvellement desinfrastructures, le gouvernement prendtrois mesures : 1- un investissementdirect nouveau de 6 milliards d’Euros surcinq ans, ce qui constitue une augmen-tation de 32% par rapport aux sommesinvesties par les hôpitaux; 2- ladécentralisation des enveloppes et laprise de décision au niveau des régions,dans le but d’en accélérer la mise enœuvre; 3- la formation de partenariatsavec le secteur privé pour la constructionet la rénovation des hôpitaux. Le

gouvernement espère que le secteurprivé ajoutera 4 milliards d’Euros à soninvestissement de 6 milliards.

Le cadre législatif sera élargi pourpermettre que le secteur privé construiseet gère des hôpitaux; ou encore que celase fasse au moyen de nouvelles sociétéspubliques/privées; ou encore au moyende baux emphytéotiques.

Groupements de coopération sanitaire

Mais les projets d’immobilisation neseront pas les seuls où l’implication dusecteur privé est considérée commedésirable. Le gouvernement utilise unestructure déjà existante, les Groupementsde coopération sanitaire (GCS), pourfaciliter l’implication du secteur privédans le fonctionnement des hôpitaux.Les GCS sont des structures souples quipermettrent d’encadrer les partenariatsou les réseaux. Alors qu’auparavant ilsn’étaient possibles qu’entre établisse-ments, ils pourront désormais impliquerles professionnels de la santé en pratiqueprivée ainsi que les établissements ouorganisations privés. Cette mesure estconçue dans le but répondre à la pénurieque connaissent les établissementshospitaliers publics pour certainesdisciplines médicales ou chirurgicales.Les médecins privés pourront parexemple participer au système de gardeavec les médecins de l’Hôpital, gérerconjointement un Bloc opératoire, unepharmacie, un servie d’imageriediagnostique. L’Hôpital pourra aussiconfier au secteur privé la gestion decertains secteurs comme les bâtiments.

Inutile de dire que les syndicats françaisne sont pas plus enthousiastes que leursconfrères canadiens devant ces initiatives.On retrouve donc dans cette réforme,comme dans celle menée au Québec parle gouvernement Charest, un désir de faireune place plus grande au secteur privé.

ConclusionComme on peut le constater, lesproblèmes auxquels est confronté lesystème hospitalier français sont très

similaires à ceux que rencontrent les

hôpitaux canadiens. Et les solutions

proposées par le gouvernement français

comportent aussi des ressemblances

avec celles mises de l’avant par les

différentes provinces canadiennes.

L’Hôpital n’est d’ailleurs pas le seul

domaine où existent de telles similitudes.

Car alors que la réforme hospitalière

amorce sa mise en œuvre, avec une

résistance relativement minime des

syndicats et des groupes de médecin, le

ministre Mattei lance aussi une réforme

de l’assurance-maladie, laquelle accuse,

tout comme le budget de la France

d’ailleurs, un important déficit. Le Haut

Conseil pour l’avenir de l’assurance

–maladie, formé pour étudier cette

question, remettait récemment un

rapport préliminaire, sur lequel le

ministre entame maintenant une vaste

consultation. On ne sera pas surpris que

les principaux sujets comprennent : la

répartition en régions des effectifs

médicaux et la liberté de pratique; l’accès

au dossier médical électronique et la

confidentialité; l’étendue des services

assurés; le ticket modérateur; le

financement pluriannuel.

En somme, tous les ingrédients pour

éviter le dépaysement de l’administrateur

hospitalier canadien qui s’installe en

France.

Références1. Bethoux JP. Hôpital, halte à la déresponsabilisation. Le Figaro,

28 janvier 2004 : p. 14.

2. Discours du ministre de la santé Jean-François Mattei,

prononcé le 20 novembre 2002, et rapporté sur le site web

du Ministère de la santé de France :

http://www.sante.gouv.fr/htm/actu/33_021120jfm.htm

3. Document accompagnant le discours du ministre Mattei de

novembre 2002. Le document réfère à une enquête conduite

en 1999 auprès de 2800 établissements et collectivités

locales par Desmazes et Kalika (université Paris-Dauphine).

4. HÔPITAL 2007 : La lettre d’information de la Direction de

l’Hospitalisation et de l’Organisation des Soins. No 3;

janvier 2004.

5. Le Figaro Économie. L’audit choc qui dérange l’Hôpital;

6 février 2004 : p. 1.

6. Rapport de la Commission d’expertise et d’audit

hospitaliers; 5 février 2004.