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1 Des choses secondaires, ils voulaient passer aux réalités essentielles, à ce qui, seul, est vraiment important et sûr. Benoît XVI Discours au monde de la culture Collège des Bernardins - 12 septembre 2008 REDÉCOUVRIR LE SENS DE LA VIE (6/14) L’HOMME VIT D’OFFRANDE : QUE SUIS-JE PRÊT A OFFRIR ? Pourquoi la vie humaine est-elle finalisée par le don de soi ? Quel est le sens du don ? Qu’est-ce que l’adoration de Dieu ? 10 janvier 2022 Préambule Le rituel du baptême- Une plongée dans le mystère pascal Eau baptismale Voulez-vous que N. soit baptisé(e) dans cette foi de l'Église que tous ensemble nous venons d'exprimer avec vous ? Parents : Oui, nous le voulons. Et aussitôt le prêtre baptise l'enfant en disant de façon à ce que tous puissent l'entendre N., je te baptise au nom du Père il plonge l'enfant dans l'eau ou verse l'eau une première fois et du Fils il plonge l'enfant dans l'eau ou verse l'eau une deuxième fois et du Saint-Esprit. il plonge l'enfant dans l'eau ou verse l'eau une troisième fois. Onction avec le Saint-chrême Le prêtre dit ensuite Le Dieu tout-puissant, Père de Jésus, le Christ, notre Seigneur, vous a fait renaître de l’eau et de l’Esprit-Saint. Désormais, vous êtes chrétiens, vous faites partie de son peuple, Vous êtes membres du corps du Christ et vous participez à sa dignité de prêtre, de prophète et de roi. Dieu vous marque de l'huile du salut afin que vous demeuriez dans le Christ, pour la vie éternelle. Tous : Amen. Toute vie humaine est comme orientée (finalisée) par la réponse que chacun donne librement à la vie qu’il a reçue. Cette réponse « s’articule » à travers l’ensemble de la durée de la vie. Elle s’échelonne entre ces deux points de mesure : « ma vie est à moi » ou « ma vie est pour toi ». Comme une fleur donne son parfum et accomplit sa vie de végétal, l’être humain donne le parfum de l’amour qui l’habite, le parfum de la sainteté. La charité est le nom de l’amour en tant qu’il fait se mettre au service de la vie des autres. Le poète anglais William Blake écrivait « J’ai cherché mon âme et je ne l’ai

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Des choses secondaires, ils voulaient passer aux réalités essentielles, à ce qui, seul, est vraiment important et sûr.

Benoît XVI Discours au monde de la culture

Collège des Bernardins - 12 septembre 2008

REDÉCOUVRIR LE SENS DE LA VIE (6/14)

L’HOMME VIT D’OFFRANDE : QUE SUIS-JE PRÊT A OFFRIR ?

Pourquoi la vie humaine est-elle finalisée par le don de soi ? Quel est le sens du don ? Qu’est-ce que l’adoration de Dieu ?

10 janvier 2022

Préambule Le rituel du baptême- Une plongée dans le mystère pascal Eau baptismale Voulez-vous que N. soit baptisé(e) dans cette foi de l'Église que tous ensemble nous venons d'exprimer avec vous ? Parents : Oui, nous le voulons. Et aussitôt le prêtre baptise l'enfant en disant de façon à ce que tous puissent l'entendre N., je te baptise au nom du Père il plonge l'enfant dans l'eau ou verse l'eau une première fois et du Fils il plonge l'enfant dans l'eau ou verse l'eau une deuxième fois et du Saint-Esprit. il plonge l'enfant dans l'eau ou verse l'eau une troisième fois. Onction avec le Saint-chrême Le prêtre dit ensuite Le Dieu tout-puissant, Père de Jésus, le Christ, notre Seigneur, vous a fait renaître de l’eau et de l’Esprit-Saint. Désormais, vous êtes chrétiens, vous faites partie de son peuple, Vous êtes membres du corps du Christ et vous participez à sa dignité de prêtre, de prophète et de roi. Dieu vous marque de l'huile du salut afin que vous demeuriez dans le Christ, pour la vie éternelle. Tous : Amen. Toute vie humaine est comme orientée (finalisée) par la réponse que chacun donne librement à la vie qu’il a reçue. Cette réponse « s’articule » à travers l’ensemble de la durée de la vie. Elle s’échelonne entre ces deux points de mesure : « ma vie est à moi » ou « ma vie est pour toi ». Comme une fleur donne son parfum et accomplit sa vie de végétal, l’être humain donne le parfum de l’amour qui l’habite, le parfum de la sainteté. La charité est le nom de l’amour en tant qu’il fait se mettre au service de la vie des autres. Le poète anglais William Blake écrivait « J’ai cherché mon âme et je ne l’ai

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pas trouvée ; j’ai cherché Dieu, et je ne l’ai pas trouvé ; j’ai cherché mon frère et je les ai trouvés tous les trois ». La forme la plus achevée de cette réponse donnée est une offrande, une offrande de sa vie, offrande du monde tout entier, que chacun peut concevoir, recueillir en son cœur, et finalement accomplir dans l’offrande de soi-même. C’est ce que nous appelons la vocation sacerdotale du baptisé. Il reçoit dans la grâce de son baptême, la force du Christ pour se donner au monde et à Dieu dans un même élan l’amour que l’on a pour Dieu s’énonce dans l’amour de l’humanité envers laquelle on se met au service. Dès lors, il devient possible de découvrir pourquoi « donner n’est pas perdre ». S’il est vrai que servir l’un de ces petits dont l’humanité est fragile, c’est servir le Seigneur lui-même, c’est qu’Il se cache en eux, ou encore que tout homme porte la dignité même du Seigneur. Si Dieu a fait de l’humanité son chemin vers l’homme, en se faisant homme, l’humanité sera aussi le chemin de l’homme vers Dieu, en se faisant frère. Le Seigneur nous apprend que donner n’est pas perdre, que se donner réalise notre vocation à la communion parfaite. Devenir ce que nous sommes : un don ! Il s’agit de se laisser transformer par le don, afin d’atteindre la forme divine. Il ne nous manquera que ce nous n’avons pas donné : « Tout ce qui n’est pas donné est perdu » Père Pierre Ceyrac citant un proverbe indien. « L’amour qui me manquera est celui que je n’ai pas donné ».

« La rose est sans pourquoi, elle fleurit, parce qu’elle fleurit,

N’a pour elle-même aucun soin, ne demande pas : suis-je regardée ? »

Angelus SILESIUS (1624-1677) Exhortation sur la Parole de Dieu, « Verbum Domini » n ° 22 « Le Mystère de l’Alliance exprime cette relation entre Dieu qui appelle par sa Parole et l’homme qui répond, dans la claire conscience qu’il ne s’agit pas d’une rencontre entre deux parties contractantes situées sur un pied d’égalité ; (…) par le don de son amour, dépassant toute distance, Dieu fait vraiment de nous ses «partenaires», réalisant ainsi le Mystère nuptial de l’amour entre le Christ et l’Église. Dans cette perspective, chaque homme apparaît comme destinataire de la Parole, interpellé et appelé à entrer dans ce dialogue d’amour par une réponse libre. Chacun de nous est ainsi rendu par Dieu capable d’écouter et de répondre à la Parole divine. L’homme est créé dans la Parole et il vit en elle; il ne peut se comprendre lui-même s’il ne s’ouvre à ce dialogue. La Parole de Dieu révèle la nature filiale et relationnelle de notre vie ». Reprise de la dernière séance : Le syncretisme fonctionnait bien parce que le peuple recherche avant tout la sécurité. La première étape consiste à passer d’une polylatrie à une monolatrie (du grec latreuin, rendre un culte) puis à une seconde étape de la monolatrie à un hénothéisme (le divin un), et enfin au (un seul) monothéisme. La monolatrie d’Israël annonce déjà le monothéisme. Si le roi devait se mettre à rendre un culte aux idoles, le peuple pourrait penser que Dieu est d’accord avec lui ! Le comportement du roi peut induire le peuple en erreur : Dieu veut-il ce que fait le roi ? Dieu se révèle à l’homme afin de révéler l’homme à lui-même. La faillite de cette rencontre laisse l’homme dans l’incertitude à son sujet. C’est pour nous et pour notre joie que Dieu se révèle. Il en va de la connaissance de la dignité de l’homme : la vérité sur l’homme se découvre à la lumière de la vérité sur Dieu, Créateur et Père. L’exigence de réussite de cette entreprise implique une détermination farouche, un tranchant soudain pour vaincre les fausses idées. C’est le thème de la « jalousie » de Dieu. Isaïe 26,11 : « YHWH, ta main est levée et ils ne voient pas ! Ils verront, pleins de confusion, ton amour jaloux pour ce peuple, oui, le feu préparé pour tes ennemis les dévorera. »

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Dieu entre dans la vie d’Elie qui fait la double expérience du Dieu de puissance (mont Carmel) et du Dieu de douceur (Horeb), du Dieu qui fait alliance dont le sceau s’éprouve en se laissant emporter sous les yeux d’Elisée dans sa propre Vie. (L’enlèvement d’Elie : Celui qui t’emporte à la fin est celui en qui tu as mis ta confiance. 2 Rois 2,11 « Alors qu'ils continuaient à marcher tout en parlant, un char et des chevaux de feu les séparèrent l'un de l'autre et Elie monta au ciel dans un tourbillon. ») Jésus énoncera jusqu’au bout la personnalisation de Dieu, « Père », et s’offrira à l’engendrement nouveau, annoncé dans le psaume 2 : « tu es mon fils bien-aimé, aujourd’hui, je t’ai engendré ». Ce Dieu est donc quelqu’un ! Au mont Carmel, c’est dans sa puissance que l’on va l’éprouver. L’idée centrale de l’auteur va être de montrer que Baal n’a pas la puissance de faire descendre le feu du ciel. La divinité « se participe », elle n’est pas un spectacle. Dieu n’est pas connu de l’extérieur, il n’est connu qu’en tant qu’il est « éprouvé » de l’intérieur, comme celui qui donne vie et joie, plus fortes que la mort et le péché. L’essentiel nous est donné dans cette rencontre entre Elie et Dieu. L’enjeu est le suivant :

Comment vais-je savoir que je suis quelqu’un, si Dieu lui-même n’est pas quelqu’un ? Elie est lui-même sur un chemin de découverte de Dieu. Et le lecteur découvre Dieu à travers lui. Cette découverte passe par la singularité d’une personne : il est le prophète, le témoin. Tout ce que Dieu veut dire aux hommes passe par la vie d’un homme. Elie est cette figure en qui se déploie le sens authentique du culte à rendre à Dieu. Elie se demande si son attitude a été la bonne. Il ne faut pas tester, essayer, « tenter de voir si » Dieu est puissant, si cela marche, il faut croire. Le premier acte du culte est celui de la confiance inébranlable en Celui qui tient tout entre ses mains. Jusqu’où va cette confiance ? Dans le cyce d’Elie, se pose la question de la puissance de Dieu qui donne la vie. Des réalités effroyables vont aussi avoir lieu. Elles prennent le nom de « colère divine ». L’auteur court le risque d’attribuer à Dieu une injustice. Des châtiments de mort sont des jugements exercés par Dieu. Est-il juste ou injuste ? La question devient : « il y a des choses que je ne voyais pas ». Dieu est solidaire de son prophète. Il ne peut tolérer qu’on baffoue son prophète. Il en va de la vie de l’humanité. Dieu veut qu’on puisse avoir la certitude totale que c’est Dieu Lui-même qui parle par son prophète. La notion de charité n’est pas l’enjeu du texte, mais celle de vérité. Quel est le vrai Dieu ? Celui dont la puissance se manifeste dans ses œuvres. Et le lieu de la manifestation de sa puissance, c’est l’Homme. « Qui me voit, voit le Père » dira Jésus en Jn14,9.

1/ Dieu fait vivre … ceux qui l’écoutent Lecture du premier livre des Rois 17

1) L’appel et la vie caché au bord du Kérit [I Rois 17] [1] Elie le Tishbite, de Tishbé en Galaad, dit à Achab : "Par YHWH vivant, le Dieu d'Israël que je sers, il n'y aura ces années-ci ni rosée ni pluie sauf à mon commandement." [2] La parole de YHWH lui fut adressée en ces termes :[3] "Va-t'en d'ici, dirige-toi vers l'orient et cache-toi au torrent de Kerit, qui est à l'est du Jourdain. [4] Tu boiras au torrent et j'ordonne aux corbeaux de te donner à manger là-bas." [5] Il partit donc et il fit comme YHWH avait dit et alla s'établir au torrent de Kerit, à l'est du Jourdain. [6] Les corbeaux lui apportaient du pain le matin et de la viande le soir, et il buvait au torrent. [7] Mais il arriva au bout d'un certain temps que le torrent sécha, car il n'y avait pas eu de pluie dans le pays. 2) Dieu, premier servi [8] Alors la parole de YHWH lui fut adressée en ces termes :

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[9] "Lève-toi et va à Sarepta, qui appartient à Sidon, et tu y demeureras. Voici que j'ordonne là-bas à une veuve de te donner à manger." [10] Il se leva et alla à Sarepta. Comme il arrivait à l'entrée de la ville, il y avait là une veuve qui ramassait du bois ; il l'interpella et lui dit : "Apporte-moi donc un peu d'eau dans la cruche, que je boive !" [11] Comme elle allait la chercher, il lui cria : "Apporte-moi donc un morceau de pain dans ta main !" [12] Elle répondit : "Par YHWH vivant, ton Dieu ! je n'ai pas de pain cuit ; je n'ai qu'une poignée de farine dans une jarre et un peu d'huile dans une cruche, je suis à ramasser deux bouts de bois, je vais préparer cela pour moi et mon fils, nous mangerons et nous mourrons." [13] Mais Elie lui dit : "Ne crains rien, va faire comme tu dis ; seulement, prépare-m'en d'abord une petite galette, que tu m'apporteras : tu en feras ensuite pour toi et ton fils. [14] Car ainsi parle YHWH, Dieu d'Israël : Jarre de farine ne s'épuisera, cruche d'huile ne se videra, jusqu'au jour où YHWH enverra la pluie sur la face de la terre."

[15] Elle alla et fit comme avait dit Elie, et ils mangèrent, elle, lui et son fils. [16] La jarre de farine ne s'épuisa pas et la cruche d'huile ne se vida pas, selon la parole que Yahve avait dite par le ministère d'Elie. [17] Après ces événements, il arriva que le fils de la maîtresse de maison tomba malade, et sa maladie fut si violente qu'enfin il expira.[18] Alors elle dit à Elie : "Qu'ai-je à faire avec toi, homme de Dieu ? Tu es donc venu chez moi pour rappeler mes fautes et faire mourir mon fils !" [19] Il lui dit : "Donne-moi ton fils" ; il l'enleva de son sein, le monta dans la chambre haute où il habitait et le coucha sur son lit. [20] Puis il invoqua YHWH et dit : " YHWH, mon Dieu, veux-tu donc aussi du mal à la veuve qui m'héberge, pour que tu fasses mourir son fils ?" [21] Il s'étendit trois fois sur l'enfant et il invoqua YHWH: " YHWH, mon Dieu, je t'en prie, fais revenir en lui l'âme de cet enfant !"[22] Yahve exauça l'appel

d'Elie, l'âme de l'enfant revint en lui et il reprit vie. [23] Elie le prit, le descendit de la chambre haute dans la maison et le remit à sa mère ; et Elie dit : "Voici, ton fils est vivant." [24] La femme lui répondit : "Maintenant je sais que tu es un homme de Dieu et que la parole de Yahve dans ta bouche est vérité !" è LSB : la Parole de Dieu est vérité et elle est aussi vie ! La nourriture donnée à Elie dans la confiance se retourne en souffle vivifiant (âme), le don de vie de l’enfant. La bouche : le souffle et la nourriture. Double entrée matérielle et spirituelle. Il faut les deux ! Qu’est-ce que l’on donne dans un baiser : soit un don de soi, son souffle, soit une prise de l’autre « je te mange ». Qu’est-ce que l’on reçoit dans un baiser ? 4) Le péché dénoncé : le culte des idoles [16] Obadyahu partit à la rencontre d'Achab et lui annonça la chose ; et Achab alla au-devant d'Elie. [17] Dès qu'il vit Elie, Achab lui dit : "Te voilà, toi, le fléau d'Israël !" [18] Elie répondit : "Ce n'est pas moi qui suis le fléau d'Israël, mais c'est toi et ta famille, parce que vous avez abandonné YHWH et que tu as suivi les Baals. [19] Maintenant, envoie rassembler tout Israël près de moi sur le mont Carmel, avec les 450 prophètes de Baal, qui mangent à la table de Jézabel." [20] Achab convoqua tout Israël et rassembla les prophètes sur le mont Carmel. [21] Elie s'approcha de tout le peuple et dit : "Jusqu'à quand clocherez-vous des deux jarrets ? Si YHWH est Dieu, suivez-le ; si c'est Baal, suivez-le." Et le peuple ne put rien lui répondre. [22] Elie poursuivit : "Moi, je reste seul comme prophète de YHWH, et les prophètes de Baal sont 450. [23] Donnez-nous deux jeunes taureaux ; qu'ils en choisissent un pour eux, qu'ils le dépècent et le placent sur le bois, mais qu'ils n'y mettent pas le feu. Moi, je préparerai l'autre taureau et je n'y mettrai pas le feu.

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[24] Vous invoquerez le nom de votre dieu et moi, j'invoquerai le nom de YHWH: le dieu qui répondra par le feu, c'est lui qui est Dieu." Tout le peuple répondit : "C'est bien." [25] Elie dit alors aux prophètes de Baal : "Choisissez-vous un taureau et commencez, car vous êtes les plus nombreux. Invoquez le nom de votre dieu, mais ne mettez pas le feu." [26] Ils prirent le taureau et le préparèrent, et ils invoquèrent le nom de Baal, depuis le matin jusqu'à midi, en disant : "O Baal, réponds-nous !" Mais il n'y eut ni voix ni réponse ; et ils dansaient en pliant le genou devant l'autel qu'ils avaient fait. [27] A midi, Elie se moqua d'eux et dit : "Criez plus fort, car c'est un dieu : il a des soucis ou des affaires, ou bien il est en voyage ; peut-être il dort et il se réveillera !" [28] Ils crièrent plus fort et ils se tailladèrent, selon leur coutume, avec des épées et des lances jusqu'à l'effusion du sang. [29] Quand midi fut passé, ils se mirent à vaticiner jusqu'à l'heure de la présentation de l'offrande, mais il n'y eut aucune voix, ni réponse, ni signe d'attention.

[30] Alors Elie dit à tout le peuple : "Approchez-vous de moi" ; et tout le peuple s'approcha de lui. Il répara l'autel de YHWH qui avait été démoli. [31] Elie prit douze pierres, selon le nombre des tribus des fils de Jacob, à qui Dieu s'était adressé en disant : "Ton nom sera Israël" [32] et il construisit un autel au nom de YHWH. Il fit un canal d'une contenance de deux boisseaux de semence autour de l'autel. [33] Il disposa le bois, dépeça le taureau et le plaça sur le bois. [34] Puis il dit : "Emplissez quatre jarres d'eau et versez-les sur l'holocauste et sur le bois", et il firent ainsi ; il dit : "Doublez", et ils doublèrent ; il dit : "Triplez", et ils triplèrent. [35] L'eau se répandit autour de l'autel et même le canal fut rempli d'eau. [36] A l'heure où l'on présente l'offrande, Elie le prophète s'approcha et dit : " YHWH, Dieu d'Abraham, d'Isaac et d'Israël, qu'on sache aujourd'hui que tu es Dieu en Israël, que je suis ton serviteur et que c'est par ton ordre que j'ai accompli toutes ces choses. [37] Réponds-moi, Yahve, réponds-moi, pour que ce peuple sache que c'est toi, YHWH, qui es Dieu et qui convertis leur cœur !" [38] Et le feu de YHWH tomba et dévora l'holocauste et le bois, et il

absorba l'eau qui était dans le canal. [39] Tout le peuple le vit ; les gens tombèrent la face contre terre et dirent : "C'est YHWH qui est Dieu ! C'est Yahve qui est Dieu !"

[40] Elie leur dit : "Saisissez les prophètes de Baal, que pas un d'eux n'échappe", et ils les saisirent. Elie les fit descendre près du torrent du Qishôn, et là il les égorgea. [41] Elie dit à Achab : "Monte, mange et bois, car j'entends le grondement de la pluie." [42] Pendant qu'Achab montait pour manger et boire, Elie monta vers le sommet du Carmel, il se courba vers la terre et mit son visage entre ses genoux. [43] Il dit à son serviteur : "Monte donc, et regarde du côté de la mer." Il monta, regarda et dit : "Il n'y a rien du tout." Elie reprit : "Retourne sept fois." [44] A la septième fois, le serviteur dit : "Voici un nuage, petit comme une main d'homme, qui monte de la mer." Alors Elie dit : "Monte dire à Achab : Attelle et descends, pour que la pluie ne t'arrête pas." [45] Sur le coup, le ciel s'obscurcit de nuages et de tempête et il y eut une grosse pluie. Achab monta en char et partit pour Yizréel. [46] La main de YHWH fut sur Elie, il ceignit ses reins et courut devant Achab jusqu'à l'arrivée à Yizréel.

2/ Dieu transforme … ceux qui lui répondent Benoit XVI – Audience juin 2010

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Chers frères et sœurs, que nous dit cette histoire du passé ? Dans quelle mesure cette histoire est-elle actuelle ? Avant tout, c’est la priorité du premier commandement qui est en question : adorer uniquement Dieu. Là où Dieu disparaît, l’homme tombe dans l’esclavage d’idolâtries, comme l’ont montré, à notre époque, les régimes totalitaires et comme le montrent également diverses formes de nihilisme, qui rendent l’homme dépendant d’idoles, d’idolâtries qui le réduisent à l’état d’esclave. Deuxièmement, l’objectif principal de la prière est la conversion : le feu de Dieu qui transforme notre cœur et nous rend capables de voir Dieu et ainsi, de vivre selon Dieu et de vivre pour l’autre. En troisième lieu, les Pères nous disent que cette histoire d’un prophète est elle aussi prophétique, si — disent-ils — elle est l’ombre du futur, du futur Christ ; il s’agit d’un pas sur le chemin vers le Christ. Et ils nous disent que nous voyons ici le véritable feu de Dieu : l’amour qui guide le Seigneur jusqu’à la croix, jusqu’au don total de soi. La véritable adoration de Dieu, alors, est de se donner soi-même à Dieu et aux hommes, la véritable adoration est l’amour. Et la véritable adoration de Dieu ne détruit pas, mais renouvelle, transforme. Certes, le feu de Dieu, le feu de l’amour brûle, transforme, purifie, mais précisément ainsi, il ne détruit pas, mais crée la vérité de notre être, il recrée notre cœur. Et ainsi, réellement vivants par la grâce du feu de l’Esprit Saint, de l’amour de Dieu, nous sommes adorateurs en esprit et en vérité.

Matthieu 16 « Car celui qui veut sauver sa vie la perdra, mais qui perd sa vie à cause de moi la gardera. » Matthieu 13 « Car on donnera à celui qui a, et il sera dans l'abondance, mais à celui qui n'a pas on ôtera même ce qu'il a. »

François, Catéchèse « Dix Commandements » du 19 septembre 2018 « Nos blessures commencent à être des potentialités quand, par grâce, nous découvrons que la véritable énigme n’est plus « pourquoi » mais « pour qui ? », pour qui cela m’est arrivé. En vue de quelle oeuvre Dieu m’a-t-il façonné à travers mon histoire ? Là tout se renverse, tout devient précieux, tout devient constructif. Comment mon expérience, même triste et douloureuse, à la lumière de l’amour, devient-elle pour les autres, pour qui, source de sagesse ? Alors nous pouvons commencer à honorer nos parents avec la liberté des enfants adultes et avec l’accueil miséricordieux de leurs limites. » Benoit XVI - Message pour le carême 2011 Le fait que le Baptême soit reçu le plus souvent en bas-âge, nous indique clairement qu’il est un don de Dieu : nul ne mérite la vie éternelle par ses propres forces. La miséricorde de Dieu, qui efface le péché et nous donne de vivre notre existence avec « les mêmes sentiments qui sont dans le Christ Jésus» (Ph 2,5), est communiquée à l’homme gratuitement. Dans sa lettre aux Philippiens, l’Apôtre des Gentils nous éclaire sur le sens de la transformation qui s’effectue par la participation à la mort et à la résurrection du Christ, en nous indiquant le but poursuivi : « le connaître lui, avec la puissance de sa résurrection et la communion à ses souffrances, lui devenir conforme dans sa mort, afin de parvenir si possible à ressusciter d’entre les morts » (Ph 3,10-11). Le Baptême n’est donc pas un rite du passé, il est la rencontre avec le Christ qui donne forme à l’existence toute entière du baptisé, lui transmet la vie divine et l’appelle à une conversion sincère, mue et soutenue par la Grâce, lui permettant ainsi de parvenir à la stature adulte du Christ. Le secret pour vivre c’est de vivre pour servir. Homélie du pape François 2, Messe pour les cardinaux défunts, 2 novembre 2018

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Nous avons entendu dans la parabole de l’Evangile que les vierges « sortirent à la rencontre de l’époux » (Mt 25, 1), toutes les dix. Pour chacun, la vie est un appel continuel à sortir : du sein de sa mère, de la maison où il est né, de l’enfance à la jeunesse, et de la jeunesse à l’âge adulte, jusqu’à la sortie de ce monde. (…) Nous sommes toujours de passage, jusqu’au passage définitif. (…) L’essentiel dans la vie c’est d’écouter la voix de l’époux. Elle nous invite à entrevoir chaque jour le Seigneur qui vient et à transformer toute activité en une préparation aux noces avec lui. (…) Prendre les distances par rapport aux apparences mondaines est indispensable pour se préparer au ciel. Il faut dire non à la “culture du maquillage” qui apprend à soigner les apparences. Le cœur doit, au contraire, être purifié et gardé, l’intérieur de l’homme, précieux aux yeux de Dieu ; non pas l’extérieur qui disparaît. Après cette première caractéristique – ne pas être voyante mais essentielle – il y a un autre aspect de l’huile : elle existe pour se consumer. Elle brille seulement en brûlant. Il en est de même pour la vie : elle répand la lumière seulement si elle se consume, si elle se dépense dans le service. Le secret pour vivre c’est de vivre pour servir. Le service est le billet à présenter à l’entrée des noces éternelles. Ce qui reste de la vie au seuil de l’éternité, ce n’est pas ce que nous avons gagné, mais ce que nous avons donné (cf. Mt 6, 19-21 ; 1Co 13, 8). Le sens de la vie c’est donner réponse à la proposition d’amour de Dieu. Et la réponse, elle passe à travers le véritable amour, le don de soi, le service.

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Evangile selon saint Matthieu 10,7-8 Jésus disait aux douze Apôtres : « Sur votre route, proclamez que le Royaume des cieux est tout proche. Guérissez les malades, ressuscitez les morts, purifiez les lépreux, chassez les démons. Vous avez reçu gratuitement : donnez gratuitement. Ne vous procurez ni or ni argent, ni petite monnaie pour en garder sur vous ; ni sac pour la route, ni tunique de rechange, ni sandales, ni bâton. è Dans ces quelques extraits, il apparaît que le don gratuit est le signe indépassable de l’appel de Dieu. La gratuité est l’expression la plus parfaite de l’amour, et de l’amour de Dieu. C’est un effet de la gratuité que de nous sentir appelés à répondre. La gratuité divine trouve ses relais dans les dons gratuits des hommes. Sans eux, l’appel de Dieu ne peut plus rejoindre l’homme (selon la loi de l’Incarnation). Jésus livrera sa vie par amour jusqu’au bout. Un don gratuit signe d’un amour sans mesure.

Grâce – Gratuité – Gratitude

Le mendiant étend la main non pas pour demander, mais pour te donner le Royaume des cieux, et tu ne le remarques pas. Archimandrite Arsenie (Papaioc)

3/ Faire de sa vie un don … pour les autres A - Retour sur Abraham, Moïse et Elie La Transfiguration – Moïse et Elie – Luc 9,28 Permettre à Dieu de déployer en l’homme la puissance de son Souffle Créateur, et de se révéler en lui, Père : Celui qui nous engendre à la Vie. Moïse, mort dont on ne trouve pas la tombe ; Elie, emporté au Ciel sur un char de feu ; Jésus sur le chemin de sa Pâque. Lors de notre dernière séance, nous avons souligné que Dieu se révèle à l’homme pour révéler l’homme à lui-même. C’est donc toujours sous le regard de Dieu que nous découvrons qui nous sommes ! C’est une relation personnalisante. Nous accédons à la prodigieuse dignité de notre

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condition de créature appelée à partager la vie de Dieu. La faillite de cette rencontre laisse l’homme dans l’incertitude à son sujet. C’est pour nous et pour notre salut que Dieu se révèle. L’exigence de réussite de cette entreprise implique une détermination farouche, un tranchant soudain pour vaincre les fausses idées. Dieu entrait dans la vie d’Elie qui faisait la double expérience du Dieu de puissance (mont Carmel) et du Dieu de douceur (Horeb), du Dieu qui fait alliance dont le sceau s’éprouve en se laissant emporter sous les yeux d’Elisée dans sa propre Vie. Jésus énonce jusqu’au bout la personnalisation de Dieu, « Père », et s’offre à l’engendrement nouveau, « Tu es mon fils bien-aimé, aujourd’hui, je t’ai engendré » Psaume 2. Abraham ou le sacrifice d’un père – Genèse 21 L’intention de Dieu dans le sacrifice d’Abraham est sans doute d’orienter notre regard vers le cœur de ce père et non d’abord vers le sang de cet enfant, de son fils unique. C’est ce père que Dieu regarde. Il éprouve son cœur, sa fidélité à la Parole de Dieu qui lui a donné ce fils. Garder ou donner ? De l’obéissance d’Abraham prête à commettre l’irréparable, il y a besoin d’un éclairage profond pour entrer dans une obéissance qui ne donne pas la mort au nom de Dieu. C’est sur un autel plus intérieur que se trouve l’offrande véritable voulue par Dieu. Dieu a vu ce qu’il voulait voir ; mais surtout Abraham a découvert qu’il avait vraiment répondu à Dieu… depuis l’autel de son cœur. De même, lorsque nous considérons la croix du Christ, l’offrande qu’il fait de sa vie, nous devons y voir un authentique sacrifice du Christ, qui est le don du Père. Jésus s’offre et révèle le cœur du Père éternel qui nous donne tout son Amour : son Fils unique ! Il y a la croix, mais elle est une porte ouverte sur un amour infini qui se donne à nous.

« C'est toi qui a créé mes reins, qui m'a tissé dans le sein de ma mère» (Ps 138, 13). Tout homme naît d'une femme, et le cœur battant de sa mère constitue pour l'enfant la mémoire fondamentale inscrite dans son inconscient. En ce sens, nul n'a pleinement accès aux « celliers » de sa mémoire et l'homme demeure pour lui-même une énigme. La mémoire est belle et blessée. Il s'agit de l'assumer telle qu'elle est pour devenir ce que nous sommes et habiter sa vie comme un « temple » qu'il nous faut toujours reconstruire en brisant les idoles et les « abominations affreuses » qui hantent notre mémoire et nous maintiennent dans l'esclavage du péché. (…) Pourtant, habiter sa mémoire, « faire » mémoire constitue aussi un travail conscient et lucide de relecture du passé et de pardon accordé afin d'obtenir une « qualité de présence » qui recueille tout don reçu dans l'action de grâce, mais aussi toute blessure et tout péché dans l'appel à la miséricorde et la guérison progressive de l'oubli. Nous façonnons une « mémoire du corps » selon les gestes que nous posons, particulièrement concernant l'équilibre affectif dans le combat pour la chasteté, mais aussi selon notre effort ascétique dans le rapport à la nourriture, au sport, aux images, ainsi qu'une mémoire spirituelle liée à nos rencontres et construite selon ce que nous contemplons, lisons et entendons. Il en va donc de la responsabilité de chacun d'éduquer son imaginaire comme un patrimoine intérieur pour grandir en liberté et devenir une « mémoire vivante », tournée vers la vie de Dieu. L'imaginaire est destructeur quand il coupe une personne de sa dignité véritable en l'enfermant dans un univers « parallèle » fantasmatique ou en l'aliénant par des images obsédantes, comme c'est le cas de la pornographie ou de la violence. Il est constructeur quand il tourne la personne vers le vrai, le bien et le beau, comme nous invite à le faire la pédagogie des Exercices spirituels de saint Ignace de Loyola. La contemplation des Évangiles est une école de libération et de croissance qui fait grandir en l'homme la vie de la grâce et lui donne de devenir ce qu'il est appelé à être. Le recueillement de la mémoire est un acte intérieur de la volonté qui fonde et enracine la personne et lui donne de déployer les ailes de sa liberté. (…) La mémoire assume donc le dynamisme du passé pour bâtir l'avenir. Elle est davantage que le souvenir. Le recueillement de l'Alpha tourne l'homme vers l'Oméga, vers le Christ qui vient. L'homme reçoit la vie donnée pour mieux donner sa vie, d'où le lien

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entre la mémoire eucharistique et le « corps livré » du Seigneur. La mémoire est la faculté qui ouvre à l'espérance, qui donne à l'homme de savoir d'où il vient pour mieux aller où il va.

EVEN, Ecole de la parole au service de la liberté, Ed Salvator, pp27-29

B - La conversion à la charité ou l’accueil de la grâce La nature humaine créée en état de perfection originelle (il n’y a pas de défaillance du côté de Dieu) doit encore tendre vers sa béatitude (la vision de Dieu dans son essence). En cette félicité réside sa fin ultime. Nous l’avons vu, la vie est un don et aussi une tâche à accomplir. Pour la créature, la béatitude n'est pas naturelle, mais représente sa fin ultime. Or toute chose parvient à sa fin par le moyen de son opération. Cela est fondamental. Cette opération conduisant au terme est : - soit productrice de la fin quand celle-ci n'excède pas la capacité de celui qui tend vers elle, comme le remède produit la santé; - soit méritoire à l'égard de la fin, quand la réalisation de celle-ci dépasse la capacité (le pouvoir) de celui qui pose l’acte. C’est alors une fin que l’on ne peut atteindre par son acte propre et qui ne peut alors être reçue (attendue) que d'un autre. Nous pouvons dire que la béatitude (bonheur éternel) s’acquiert donc par un acte (opération). Mais l’homme ne peut pas par lui-même atteindre Dieu. Il ne le peut absolument pas. En revanche, il peut accueillir la grâce que Dieu lui fait en l’élevant à Lui. De cette manière, il permet librement que se réalise en lui, une union à Dieu que seul Dieu peut opérer. Cela suppose la confiance. L’acte déterminant devient l’accueil de la grâce. C’est ce que l’on appelle l’acte libre, volontaire et méritoire de la vie éternelle. C’est la coopération de la nature et de la grâce. Chacun devine que le plus difficile est précisément d’accepter le secours de la grâce : ne pas pouvoir se passer de Dieu … et accepter d'entrer dans ce concours de la grâce à l'ordre naturel en vue de poser l'acte méritoire de la vie éternelle. C’est encore ce que l’on appelle la conversion à la charité : c’est s’ouvrir à l’amour qui vient de Dieu. Le signe que les hommes vivent cet accueil, c’est qu’ils se donnent aux autres. Le signe qu’ils se tournent vers Dieu qui élève, c’est qu’ils se tournent aussi vers les autres qui sont plus petits, se mettant à leur service. Plus un homme donne, plus il est libre. "La liberté est une liberté pour, une liberté de don. Etre libre, en effet, ce n'est pas seulement se poser soi-même, c'est encore s'exposer à l'autre. Celui qui est capable de s'ouvrir à l'autre et de se donner à lui manifeste ainsi une plus grande liberté que celui qui est jalousement replié sur son autonomie".

Mgr Léonard - Le fondement de la morale. Si le don est un acte de la liberté, aimer, se donner est une décision. Saint Jean le dit clairement : "Mes petits enfants, n'aimons ni de mots, ni de langues, mais en acte et en vérité (1 Jn 3, 18)." La liberté n'est pas qu'intérieure. Plus profondément encore, elle est capacité spirituelle de don de soi. Se donner, c'est s'accomplir. Et s'accomplir, c'est se donner. Mais en plus, la liberté comme capacité de don est en référence avec une réalité supérieure, Dieu. Le don de soi nous fait sortir de nous-mêmes, ce qui est une première transcendance, dans le vocabulaire de la philosophie actuelle. Mais il faut aller plus loin. Et cela pour deux raisons : D'abord l'homme est incapable, par ses propres forces, de se donner totalement à autrui : il lui faut le don de la charité, qui est de Dieu. En ce sens, la liberté est libération : Dieu nous sauve de notre faiblesse et de nos égoïsmes.

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Mais il y une raison plus radicale qui oblige à nous référer à Dieu. Nul ne peut se donner s'il ne s'est reçu. La liberté est une capacité spirituelle déposée dans notre nature, qui vient aussi de Dieu. L'homme l'a reçue en dot, dès son apparition : l'homme est confié à lui-même. Etre libre, c'est être donné à soi, par Dieu. Il « nous a donne la clé de notre liberté » explique Maurice Zundel. Car que signifie la liberté, sinon le pouvoir de se donner et de tout donner en se donnant ?".[…] Don comme décision incarnée (dans le geste des mains) et le don, signe du Christ.

P. Pascal Ide 4/ Une pédagogie de l’offrande La révélation biblique permet de discerner 3 aspects essentiels pour comprendre le sens de l’offrande : A - Des sacrifices à l’offrande de la volonté B - Du Temple de pierres au Temple du corps C – L’offrande de Jésus dans le Temple de son corps

Un bref petit parcours biblique permet de comprendre la patiente pédagogie de Dieu pour conduire l’humanité sur le chemin de son accomplissement. Elle s’achève sur l’adoration véritable (Jean 4). Dieu s’est révélé à un peuple et lui donne une identité nouvelle (les hébreux) pour sceller avec lui une Alliance et le conduire à la communion avec Lui. La libération des Hébreux pour les faire entrer dans une relation : Exode, 6,12 « Dieu dit à Moïse : « Quand tu feras sortir le peuple d'Egypte, vous servirez Dieu sur cette montagne. » Cette communion se réalisera après un véritable temps d’apprentissage. Ce sera d’abord par des sacrifices extérieurs, puis par la révélation progressive du seul sacrifice qui unisse vraiment à Dieu : par le cœur et plus spécifiquement l’adoration du cœur. Ce chemin vers l’union à Dieu s’accomplit et s’achève dans le Christ. Il devient « chemin » pour toute personne. Pourquoi est-ce au fond un « vrai sacrifice » ? C’est l’offrande d’un cœur, qui reconnaît qu’il n’est pas tout puissant, qu’il est dépendant d’un Autre, et qu’il trouve en Dieu, la source de la vie. Notre liberté trouve alors son sens le plus profond dans son engagement pour le bien. Dieu et les idoles (fausses représentations de Dieu) 2Rois 35 « Le Seigneur avait conclu avec eux une alliance et il leur avait fait cette prescription : "Vous ne révérerez pas les dieux étrangers, vous ne vous prosternerez pas devant eux, vous ne leur rendrez pas de culte et vous ne leur offrirez pas de sacrifices.[36] C'est seulement au Seigneur, qui vous a fait monter du pays d'Egypte par la grande puissance de son bras étendu, qu'iront votre révérence, votre adoration et vos sacrifices. » La vocation du cœur humain - Matthieu 4,8-11 « De nouveau le diable le prend avec lui sur une très haute montagne, lui montre tous les royaumes du monde avec leur gloire [9] et lui dit : "Tout cela, je te le donnerai, si, te prosternant, tu me rends hommage." [10] Alors Jésus lui dit : "Retire-toi, Satan ! Car il est écrit : C'est le Seigneur ton Dieu que tu

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adoreras, et à Lui seul tu rendras un culte."[11] Alors le diable le quitte. Et voici que des anges s'approchèrent, et ils le servaient. » La recherche de la purification des ses péchés - Ezéchiel 37, 21-28 La parole du Seigneur me fut adressée : « Tu diras aux gens de ton peuple : Ainsi parle le Seigneur Dieu : (…) Ils ne vont plus se souiller avec leurs idoles et leurs horreurs, avec toutes leurs révoltes. Je les sauverai en les retirant des lieux où ils ont péché, je les purifierai. Ils seront mon peuple et je serai leur Dieu. Mon serviteur David régnera sur eux ; ils n'auront tous qu'un seul berger ; ils obéiront à mes décrets, ils observeront fidèlement mes commandements. Ils habiteront le pays que j'ai donné à mon serviteur Jacob, le pays que leurs pères ont habité. Ils l'habiteront, eux-mêmes et leurs enfants, et les

enfants de leurs enfants, pour toujours. David, mon serviteur, sera leur prince pour toujours. Je conclurai avec eux une Alliance de paix, une Alliance éternelle. Je les rétablirai, je les multiplierai, je mettrai mon sanctuaire au milieu d'eux pour toujours. Ma demeure sera chez eux, je serai leur Dieu et ils seront mon peuple. Alors les nations sauront que je suis le Seigneur, celui qui sanctifie Israël, lorsque mon sanctuaire sera au milieu d'eux pour toujours. »

ð Paradoxalement, Dieu demande à son peuple de lui offrir des sacrifices pour sa purification, et lui annonce que c’est Lui seul qui le purifiera. Olivier Clément – « L’œil de feu » - Edition de Corlevour, 2012, p89 L’homme liturgique Dans la célébration, où l’Esprit Saint actualise, manifeste la mort et la résurrection du Christ, le « corps de mort » se sature peu à peu d’éternité, ébauche sa métamorphose en « corps de gloire ». L’Église comme « mystère de vie» se pose en centre rayonnant de l’existence cosmique. « La matière … reçoit en elle la force de Dieu » dit saint Grégoire de Nysse, in bapt Christi, PG 46, 581B. Et l’homme est appelé à s’identifier à celle-ci, et par là au monde dans son sens spirituel : il doit faire « de son corps une nef, et de son âme le sanctuaire où il offre à Dieu les logoï de l’univers» (Mystagogie 6). Dans l’Église, l’homme fait donc l’apprentissage d’une « existence eucharistique» où il peut devenir réellement prêtre et roi. Il découvre la sacramentalité de l’être, le monde secrètement transfiguré, et désormais collabore à sa métamorphose. Sa « conscience eucharistique» - « en toutes choses faites eucharistie» dit l’apôtre – cherche, au cœur des êtres et des choses, le point de transparence où faire rayonner la lumière du Christ cosmique. L’invocation du Nom de Jésus entraîne tout dans ce grand mouvement d’offrande : « Appliqué aux personnes et aux choses que nous voyons, le Nom devient une clé qui ouvre le monde, un instrument d’offrande secrète, une apposition du sceau divin sur tout ce qui existe. L’invocation du nom de Jésus est une méthode de transfiguration de l’univers » Un moine de l’Eglise d’Orient, La prière de Jésus, Chevetogne, 1951, p94. La foi - Bienheureux John Henry Newman La foi ne « marchande » pas, elle fait simplement confiance : « La foi ne se tourmente pas de ne pas apercevoir la fin du voyage ; elle ne marchande pas ; elle n’argumente pas [...]. Elle est sûre d’avoir suffisamment de lumière – en vérité, bien plus qu’un pécheur n’est en droit d’en attendre – pour pouvoir marcher même si elle ne voit qu’à un pas devant

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elle ; la foi laisse toute la connaissance du pays qu’elle doit parcourir à Celui qui l’appelle. » [« Croire sans voir », in Sermons paroissiaux, II, n° 2, p. 32.] Avoir foi en Dieu c’est se reconnaître créature de Dieu ; c’est même, en fin de compte, « s’abandonner » à Lui : « Qu’entend-on par la foi ? C’est éprouver profondément que nous sommes des créatures de Dieu. C’est une perception pratique du monde invisible. C’est comprendre que ce monde ci ne suffit pas à notre bonheur, c’est regarder au-delà de lui, vers Dieu, réaliser [= rendre réelle, actuelle] sa présence, l’attendre, s’efforcer de connaître et de faire sa volonté, chercher notre bien en lui. Ce n’est pas un simple acte fort et passager, un sentiment impétueux du coeur, une impression ou une vision qui l’atteignent brusquement. Au contraire, c’est une habitude, un état d’esprit, durable et consistant. Avoir foi en Dieu, c’est s’abandonner à Dieu, lui remettre humblement ses intérêts ou désirer être admis à les remettre entre ses mains, à lui qui est le donateur souverain de tout bien. » [Sermon « Foi et obéissance », cf. Sermons paroissiaux, III, p. 76] 3

La confiance - Bienheureux John Henry Newman « Le plus noble repentir [...] c’est un abandon sans conditions de lui-même à Dieu – non un marchandage sur les termes, ni une sorte de combinaison (pour ainsi dire) pour rentrer en grâce, mais un abandon absolu de lui-même. [...] pour que notre repentir soit chrétien, [il faut] qu’il s’accompagne d’un esprit généreux d’abandon personnel, de la reconnaissance que nous sommes indignes d’être appelés ses fils, et du renoncement à tout espoir ambitieux de nous asseoir à sa droite ou à sa gauche, d’une acceptation joyeuse de porter le joug pesant de l’esclave, si Dieu devait nous l’imposer. »

[Cf. « Le Repentir chrétien », Sermons paroissiaux, III, p. 88-89.] « Mais lorsqu’un homme vient à Dieu pour être sauvé, ce qui constitue alors, je vous le dis, l’essence de la conversion véritable, c’est de se rendre, sans réserve et inconditionnellement ; et c’est là une parole que la plupart des hommes qui viennent à Dieu ne peuvent accepter. Ils souhaitent être sauvés, mais à leur idée ; ils souhaitent (pour ainsi dire) capituler sous conditions, emporter leurs biens avec eux ; alors que l’esprit véritable de la foi conduit un homme à détourner son regard de lui-même vers Dieu, à n’attacher aucune importance à ses propres désirs, à ses habitudes, à sa propre importance ou à sa dignité, à ses droits, à ses opinions, et à dire : “Je me remets entre tes mains, Ô Seigneur ; fais de moi ce que tu veux ; je m’oublie ; je me sépare de moi-même ; je suis mort à moi-même ; je te sui- vrai.” » [Cf. « Le Témoignage de la conscience », Sermons paroissiaux, V , p. 215-216.]

Acte d'abandon à la Miséricorde Divine - Jean Paul II

Seigneur, voilà plus de soixante-cinq ans que Tu m'as fait le don inestimable de la vie, et depuis ma naissance, Tu n'as cessé de me combler de tes grâces et de ton amour infini. Au cours de toutes ces années se sont entremêlés de grandes joies,

des épreuves, des succès, des échecs, des revers de santé, des deuils, comme cela arrive à tout le monde.

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Avec ta grâce et ton secours, j'ai pu triompher de ces obstacles et avancer vers Toi. Aujourd'hui, je me sens riche de mon expérience et de la grande consolation d'avoir été l'objet de ton amour. Mon âme te chante sa reconnaissance. Mais je rencontre quotidiennement dans mon entourage des personnes âgées que Tu éprouves fortement : elles sont paralysées, handicapées, impotentes et sou- vent n'ont plus la force de Te prier, d'autres ont perdu l'usage de leurs facultés mentales et ne peuvent plus T'atteindre à travers leur monde irréel. Je vois agir ces gens et je me dis : « Si c'était moi ? » Alors, Seigneur, aujourd'hui même, tandis que je jouis de la possession de toutes mes facultés motrices et mentales, je T'offre à l'avance mon acceptation à ta sainte volonté, et dès maintenant je veux que si l'une ou l'autre de ces épreuves m'arrivait, elle puisse servir à ta gloire et au salut des âmes. Dès maintenant aussi, je Te demande de soutenir de ta grâce les personnes qui auraient la tâche ingrate de me venir en aide. Si, un jour, la maladie devait envahir mon cerveau et anéantir ma lucidité, déjà, Seigneur, ma soumission est devant Toi et se poursuivra en une silencieuse adoration. Si, un jour, un état d'inconscience prolongée devait me terrasser, je veux que chacune de ces heures que j'aurai à vivre soit une suite ininterrompue d'actions de grâce et que mon dernier soupir soit aussi un soupir d'amour. Mon âme, guidée à cet instant par la main de Marie, se présentera devant Toi pour chanter tes louanges éternellement. La liturgie de l’Eglise Extraits de la prière eucharistique I « Souviens-toi, Seigneur, de tes serviteurs (de N. et N.), et de tous ceux qui sont ici réunis, dont tu connais la foi et l'attachement. Nous t'offrons pour eux, ou ils t'offrent pour eux-mêmes et tous les leurs ce sacrifice de louange, pour leur propre rédemption, pour le salut qu'ils espèrent ; et ils te rendent cet hommage, à toi, Dieu éternel, vivant et vrai. » La vocation de toute personne, comprise dans la lumière de la foi chrétienne, est de tendre à l’adoration de Dieu, connu comme Père. Par là, elle délivre le cœur humain de toute autre tentative d’adorer « ce qui n’est pas Dieu ». La capacité d’adoration est en chacun de nous, la trace de notre ordination à Dieu. La vie même de (notre) l’esprit est par elle-même une sorte de preuve de l’existence de Dieu, puisque notre esprit nous rend apte à Le connaître et à nous unir à Lui, justement en esprit. « L'Esprit en personne se joint à notre esprit pour attester que nous sommes enfants de Dieu. » Epitre aux Romains 8,16 Si la vie n’est que donnée, est-ce que nous l’avons reçue une fois pour toute ? Est-ce que nous la possédons vraiment pour autant ? Est-ce que nous ne dépendons plus de personne ? Chacun sait que posséder sa propre vie est une illusion de laquelle il nous faut sortir. Car la vie étrangement n’est pas un bien qu’on possède, un bien comme les autres. A la posséder on la perd, à la donner, on la trouve. On ne la possède qu’en la donnant, c’est cela le mystère même de la vie, et le mystère même de Dieu. Nous sommes inscrits dans une radicale dépendance. Ce n’est pas une pauvreté, c’est l’expression suprême de l’amour qui accepte de ne pas être par soi-même, mais par un autre que soi. Il nous faut encore nous préparer à recevoir la vie, c’est tout l’enjeu du temps. La preuve que je possède ma vie, c’est que je la donne et l’ouvre encore à celui qui la renouvelle. En la donnant, je peux dévoiler sa vraie beauté, sa vraie bonté. Accomplir sa vie en chrétien, c’est entrer dans ce dynamisme, de l’accueil et du don. Au fond, c’est ce dynamisme même que Jésus a vécu jusqu’au bout, nous apprenant qu’il ne faut pas craindre de la donner, car Dieu son Père est là qui veut nous la donner sans cesse. Ce qui compte le plus n’est pas de garder sa vie pour soi, mais d’en faire paraître, d’en révéler la bonté originelle, en la donnant, en l’engageant dans le monde. C’est là la grâce du baptême.

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La vie d’enfant de Dieu consiste donc à se rapporter à Dieu : à rapporter sa propre existence à Dieu et également le monde qui est sous nos pieds. Cette action s’appelle dans la vie spirituelle : l’action de grâce. Rendre grâce, c’est « dire merci en se rapportant soi-même totalement à l’amour de Dieu pour nous ». Le mot grec qui exprime l’action de grâce est « eucharistie ». C’est ce qui s’accomplit dans la célébration de chaque messe pour que nous trouvions dans le don que le Christ nous fait de sa vie, la force de faire de toute notre vie, une action de grâce à la gloire de Dieu et un service des autres. La fine pointe de la vocation de l’humanité dans la foi chrétienne, c’est de dévoiler en chacun, l’enfant qui se tourne vers Dieu pour découvrir en Lui, la source d’amour dont nous provenons et le but de notre existence vers lequel nous allons. Jésus est cet enfant (Fils de Dieu), qui vient vivre en ce monde, au milieu des siens cette relation, qui introduit la personne humaine dans la plénitude de sa vie. L’Esprit-Saint est l’Esprit qui nous révèle que nous sommes « enfants », et qui nous fait prononcer le nom du « Père », un seul Père de tous. Dans ces deux termes, se trouve exprimer l’essentiel de la vocation de l’humanité. « D'au-delà des fleuves de l'Éthiopie, mes adorateurs, mes enfants dispersés m'apporteront mon offrande. » Sophonie 3,10

Participation des laïcs au sacerdoce commun et au culte – Lumen Gentium n°34 (4) Voulant poursuivre également, par le moyen des laïcs, son témoignage et son service, le Christ Jésus, prêtre suprême et éternel, leur apporte la vie par son Esprit, et les pousse inlassablement à réaliser tout bien et toute perfection. (5) A ceux qu'il s'unit intimement dans sa vie et dans sa mission, il accorde, en outre, une part dans sa charge sacerdotale pour l'exercice du culte spirituel en vue de la glorification de Dieu et du salut des hommes. C'est pourquoi les laïcs reçoivent, en vertu de leur consécration au Christ et de l'onction de l'Esprit-Saint, la vocation admirable et les moyens qui permettent à l'Esprit de produire en eux des fruits toujours plus abondants. En effet, toutes leurs activités, leurs prières et leurs entreprises apostoliques, leur vie conjugale et familiale, leurs labeurs quotidiens, leurs détentes d'esprit et de corps, s'ils sont vécus dans l'Esprit de Dieu, et même les épreuves de la vie, pourvu qu'elles soient patiemment supportées, tout cela devient "offrandes spirituelles, agréables à Dieu par Jésus-Christ" (1P 2,5) ; et dans la célébration eucharistique ces offrandes rejoignent l'oblation du Corps du Seigneur pour être offertes en toute piété au Père. C'est ainsi que les laïcs consacrent à Dieu le monde lui-même, rendant partout à Dieu dans la sainteté de leur vie un culte d'adoration.

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