Réceptions et appropriations des sciences humaines par les architectes. Le cas des ciam et du Team...

16
RÉCEPTIONS ET APPROPRIATIONS DES SCIENCES HUMAINES PAR LES ARCHITECTES. LE CAS DES CIAM ET DU TEAM TEN (1928-1962) Claudio Secci ERES | Espaces et sociétés 2010/2 - n° 142 pages 17 à 31 ISSN 0014-0481 Article disponible en ligne à l'adresse: -------------------------------------------------------------------------------------------------------------------- http://www.cairn.info/revue-espaces-et-societes-2010-2-page-17.htm -------------------------------------------------------------------------------------------------------------------- Pour citer cet article : -------------------------------------------------------------------------------------------------------------------- Secci Claudio, « Réceptions et appropriations des sciences humaines par les architectes. Le cas des ciam et du Team Ten (1928-1962) », Espaces et sociétés, 2010/2 n° 142, p. 17-31. DOI : 10.3917/esp.142.0017 -------------------------------------------------------------------------------------------------------------------- Distribution électronique Cairn.info pour ERES. © ERES. Tous droits réservés pour tous pays. La reproduction ou représentation de cet article, notamment par photocopie, n'est autorisée que dans les limites des conditions générales d'utilisation du site ou, le cas échéant, des conditions générales de la licence souscrite par votre établissement. Toute autre reproduction ou représentation, en tout ou partie, sous quelque forme et de quelque manière que ce soit, est interdite sauf accord préalable et écrit de l'éditeur, en dehors des cas prévus par la législation en vigueur en France. Il est précisé que son stockage dans une base de données est également interdit. 1 / 1 Document téléchargé depuis www.cairn.info - Dalhousie University - - 129.173.72.87 - 13/03/2013 16h47. © ERES Document téléchargé depuis www.cairn.info - Dalhousie University - - 129.173.72.87 - 13/03/2013 16h47. © ERES

Transcript of Réceptions et appropriations des sciences humaines par les architectes. Le cas des ciam et du Team...

Page 1: Réceptions et appropriations des sciences humaines par les architectes. Le cas des ciam et du Team Ten (1928-1962)

RÉCEPTIONS ET APPROPRIATIONS DES SCIENCES HUMAINES PARLES ARCHITECTES. LE CAS DES CIAM ET DU TEAM TEN (1928-1962) Claudio Secci ERES | Espaces et sociétés 2010/2 - n° 142pages 17 à 31

ISSN 0014-0481

Article disponible en ligne à l'adresse:

--------------------------------------------------------------------------------------------------------------------http://www.cairn.info/revue-espaces-et-societes-2010-2-page-17.htm

--------------------------------------------------------------------------------------------------------------------

Pour citer cet article :

--------------------------------------------------------------------------------------------------------------------Secci Claudio, « Réceptions et appropriations des sciences humaines par les architectes. Le cas des ciam et du Team

Ten (1928-1962) »,

Espaces et sociétés, 2010/2 n° 142, p. 17-31. DOI : 10.3917/esp.142.0017

--------------------------------------------------------------------------------------------------------------------

Distribution électronique Cairn.info pour ERES.

© ERES. Tous droits réservés pour tous pays.

La reproduction ou représentation de cet article, notamment par photocopie, n'est autorisée que dans les limites desconditions générales d'utilisation du site ou, le cas échéant, des conditions générales de la licence souscrite par votreétablissement. Toute autre reproduction ou représentation, en tout ou partie, sous quelque forme et de quelque manière quece soit, est interdite sauf accord préalable et écrit de l'éditeur, en dehors des cas prévus par la législation en vigueur enFrance. Il est précisé que son stockage dans une base de données est également interdit.

1 / 1

Doc

umen

t tél

écha

rgé

depu

is w

ww

.cai

rn.in

fo -

Dal

hous

ie U

nive

rsity

-

- 12

9.17

3.72

.87

- 13

/03/

2013

16h

47. ©

ER

ES

D

ocument téléchargé depuis w

ww

.cairn.info - Dalhousie U

niversity - - 129.173.72.87 - 13/03/2013 16h47. © E

RE

S

Page 2: Réceptions et appropriations des sciences humaines par les architectes. Le cas des ciam et du Team Ten (1928-1962)

Claudio Secci, architecte, docteur en architecture (université de Paris 8), maître-assistant àl’École d’architecture de Paris-La Villette, chercheur au LET (Laboratoire Espaces Travail),[email protected] . Cet article s’appuie sur : Secci Claudio, La notion d’identité chez les architectes du TeamTen (1947-1962), directeur Yannis Tsiomis, thèse de doctorat, université de Paris 8, mai2005.

À la fin des années 1960, l’introduction d’enseignements du type scienceshumaines dans la formation à l’architecture coïncide à l’arrivée dans lesécoles d’une génération d’architectes qui véhicule un bagage particulier(expériences, références, modèles…). Cet article 1 propose de cerner ce qui apréparé la rencontre entre architecture et sciences humaines dans l’enseigne-ment à cette période, à partir du point de vue des architectes et d’une réfé-rence marquante pour cette génération. Cette référence est celle des CIAM,Congrès internationaux d’architecture moderne (1928-1959), et du Team Ten,un groupe d’architectes émergeant dans ces congrès au début des années cin-quante (1953-1981).

Réceptions et appropriations des sciences humaines

par les architectes. Le cas des CIAMet du Team Ten (1928-1962)

Claudio Secci

Espace&Sté 142 XP6 27/05/10 17:26 Page 17

Doc

umen

t tél

écha

rgé

depu

is w

ww

.cai

rn.in

fo -

Dal

hous

ie U

nive

rsity

-

- 12

9.17

3.72

.87

- 13

/03/

2013

16h

47. ©

ER

ES

D

ocument téléchargé depuis w

ww

.cairn.info - Dalhousie U

niversity - - 129.173.72.87 - 13/03/2013 16h47. © E

RE

S

Page 3: Réceptions et appropriations des sciences humaines par les architectes. Le cas des ciam et du Team Ten (1928-1962)

Espaces et sociétés 14218

2 . 1962 coïncide avec la parution du Team Ten Primer et la première grande réunion de cegroupe à Royaumont.

Du premier congrès de 1928 à la fin de la critique des CIAM par le TeamTen en 1962 2, des travaux historiques ont esquissé une évolution des disci-plines convoquées par les architectes dans ces congrès. Il y aurait le déplace-ment des références aux sciences naturelles dans les premiers congrès versdes références aux sciences humaines dans l’après-guerre (Taylor, 1975,p. 3). Plus récemment, ce glissement est accentué et présenté comme le pas-sage des sciences « dures » ou « exactes » aux sciences humaines (Eleb,1999, p. 180). Si ces hypothèses dessinent des tendances lourdes, il est tou-tefois difficile de nier la présence constante de savoir du type scienceshumaines dès les premiers congrès. Au fil des réunions, d’autres change-ments, moins spectaculaires mais tout aussi essentiels, se révèlent. Ils sontrelatifs à la hiérarchisation des disciplines pertinentes, à l’attitude des archi-tectes envers ces autres disciplines, et aux sciences humaines, elles-mêmes,situées à des stades de maturation différents. Ces changements invitent doncà identifier, varier et croiser différents registres d’analyses pour cerner aussibien le potentiel que les limites de la réception des sciences humaines par cesarchitectes.

En ce sens, cet article propose deux parties. La première porte sur l’évo-lution des disciplines sollicitées au fil des onze CIAM et les changements quilui sont associés. La seconde partie focalise l’attention sur la fin des congrèsen observant, à partir de situations concrètes, comment les architectes duTeam Ten sollicitent les sciences humaines dans leur travail.

ÉVOLUTION DES DISCIPLINES SOLLICITÉES DANS LES CIAM

Les CIAM sont d’abord des congrès d’architectes, en témoigne la ving-taine de signataires de La Déclaration de La Sarraz. Néanmoins, ils n’ex-cluent pas d’autres compétences comme l’organisateur du CIAM 2 leconfirme : « La réponse aux nombreux problèmes urgents ne peut être lais-sée encore et toujours au seul architecte […]. Aujourd’hui, nous ne pouvonsrenoncer à l’aide des hygiénistes, des ingénieurs, des physiciens, si nous vou-lons développer un logement répondant à des conditions de vie minimales »(May, CIAM 2, 1929, p. 11). Dans les faits, l’apport d’autres disciplines estd’importance variable. Certaines ont une présence anecdotique. D’autresjouent un rôle de premier plan. En termes de légitimité, les CIAM instrumen-talisent aussi la présence de ce que l’épistémologue J. Schlanger qualifie de« disciplines en réussite » (Schlanger, 1995, p. 26), c’est-à-dire celles dont lareconnaissance sociale est prouvée. Ainsi, dans les premiers CIAM, le carac-tère scientifique, opposé à l’intuitif et au sentimental, devient le critère pour

Espace&Sté 142 XP6 27/05/10 17:26 Page 18

Doc

umen

t tél

écha

rgé

depu

is w

ww

.cai

rn.in

fo -

Dal

hous

ie U

nive

rsity

-

- 12

9.17

3.72

.87

- 13

/03/

2013

16h

47. ©

ER

ES

D

ocument téléchargé depuis w

ww

.cairn.info - Dalhousie U

niversity - - 129.173.72.87 - 13/03/2013 16h47. © E

RE

S

Page 4: Réceptions et appropriations des sciences humaines par les architectes. Le cas des ciam et du Team Ten (1928-1962)

Réceptions et appropriations des sciences humaines par les architectes 19

3 . En effet, le CIAM 3 de 1930 porte sur le groupement de logements dans le lotissement ;le CIAM 4 de 1933 poursuit la réflexion à l’échelle de la ville ; et le CIAM 5 de 1937 traitedu rapport entre logis et loisirs. Après la guerre, si les congrès se situent entre la reprisede contact (CIAM 6 de 1947), la confirmation des idées d’avant-guerre (CIAM 7 de 1949) etla tentative de renouveau (CIAM 8 de 1951), c’est la réunion préparatoire de Sigtuna en1952 qui fera glisser les trois derniers congrès (le CIAM 9 de 1953, le CIAM 10 de 1956 etle dernier CIAM de 1959) de la question du logement vers celle de l’habitat.

s’orienter vers d’autres disciplines (Giedion, CIAM 2, 1929, p. 4). Si la colla-boration interdisciplinaire semble acquise, reste à en déterminer les modali-tés, car les congrès sont aussi bien le lieu de l’échange (professionnel,intellectuel, scientifique) que celui de la reconnaissance sociale (représenta-tion, légitimation). Observons l’évolution des disciplines sollicitées dans lesonze congrès.

La Sarraz, 1928 : des architectes se regroupent et affichent une posture sociale

Les CIAM émergent d’un débat contradictoire entre architectes au sujet dustatut de cette profession et de l’architecture dans la société (Mumford,2000). Dès 1928, les signataires de la Déclaration de La Sarraz défendent uneconscience sociale en affirmant « leur unité de vue sur les conceptions fon-damentales de l’architecture et sur leurs obligations professionnelles enversla Société » ; ils disent vouloir replacer « l’architecture sur son plan véritablequi est le plan économique et sociologique » (CIAM 1, 1928, p. 1). En mettantà distance l’architecture officielle, dite des Académies, et la posture de l’ar-chitecte-artiste qui l’accompagne, les CIAM cherchent à promouvoir un autrerapport à la société fondé sur une posture sociale de l’architecte.

La Déclaration de La Sarraz étant en partie incantatoire, il faut se deman-der si et dans quelle mesure cette posture a été rendue opératoire. Les CIAMplacent au centre des débats la question du logement : « L’opinion [lit-on],par les effets néfastes de l’enseignement académique, est égarée dans uneconception erronée de l’habitation. […] Le problème de la maison n’est pasposé » (Déclaration de La Sarraz, CIAM 1, 1928, p. 3). Ces ambitions s’expri-ment de façon emblématique au CIAM 2. Par la ville retenue : Francfort estune référence majeure en matière de politique du logement avec son pro-gramme Das Neue Frankfurt. Par le choix de l’organisateur : E. May est unarchitecte engagé dans les instances municipales de cette ville relatives aulogement. Par le thème du congrès : le logement minimum concerne lespopulations défavorisées. Vue a posteriori, l’évolution des thèmes des onzecongrès confirme cette problématique3.

Très tôt, l’ouverture vers de nouveaux savoirs s’avère aussi bien néces-saire – car le programme affiché à La Sarraz l’exige – qu’inquiétante. Déjà

Espace&Sté 142 XP6 27/05/10 17:26 Page 19

Doc

umen

t tél

écha

rgé

depu

is w

ww

.cai

rn.in

fo -

Dal

hous

ie U

nive

rsity

-

- 12

9.17

3.72

.87

- 13

/03/

2013

16h

47. ©

ER

ES

D

ocument téléchargé depuis w

ww

.cairn.info - Dalhousie U

niversity - - 129.173.72.87 - 13/03/2013 16h47. © E

RE

S

Page 5: Réceptions et appropriations des sciences humaines par les architectes. Le cas des ciam et du Team Ten (1928-1962)

Espaces et sociétés 14220

4 . Par cette formule (reprise de Murard, L. ; Zylberman, P. 1986. Recherches sur le mou-vement hygiéniste en France 1875-1939, Paris, MELATT, p. 226), il s’agit de signaler quel’hygiène, d’abord préoccupation des médecins, devient peu à peu transdisciplinaire.5 . Voir les commentaires sur les riches enquêtes présentées au CIAM 2 (Jonas, 1979, p. 38).6 . Cf. O. Neurath, sociologue statisticien sollicité dès 1929 pour mettre en place la codi-fication graphique de la production des CIAM et en particulier celle du CIAM 4 d’Athènes.7 . Cf. Dans son texte Fondements sociologiques de l’habitation minimale pour la popu-lation des villes industrielles, W. Gropius se réfère au sociologue allemand F. Müller-Lyeret son livre Les différentes phases de l’évolution de l’humanité de 1912 (Gropius, CIAM 2 ,1929, p. 13).

au CIAM 3, tout en affirmant la nécessité de « prospecter les territoires de cer-taines sciences », Le Corbusier pose des limites : « Je vous le demande ins-tamment, ne nous occupons pas de politique et de sociologie ici. Ces deuxphénomènes sont infiniment trop complexes ; il s’y joint encore l’écono-mique ; et nous ne sommes pas qualifiés pour discuter, en congrès, de cesproblèmes ardus. Je le répète, nous devons rester architectes et urbanistes et,sur ce terrain professionnel, faire connaître à ceux dont ce sont les fonctions,les possibilités et les nécessités d’ordre architectural et urbanistique » (LeCorbusier, CIAM 3, 1930, p. 51-52). Cette ouverture fait donc (re)surgir ledébat sur l’identité professionnelle et l’inquiétude de la perdre dans dessavoirs hybrides. En se déportant vers une posture sociale, les CIAM engagentun double processus de décentrages et de recentrages disciplinaires constantsvisant à repréciser ce que fait un architecte et ce qu’est l’architecture.

Dans les premiers CIAM :des disciplines convoquées autour de l’hygiène

Pour appréhender la question du logement, les CIAM s’appuient sur l’hy-giène, une sorte de « science sociale appliquée » 4 héritée du XIXe siècle et desdébats sociaux sur le logement. Ils présentent l’hygiène comme l’opportunitéde « formuler le programme de la maison contemporaine » provoquant le rap-prochement d’autres disciplines (La Sarraz, 1928, FLC D2-1/217-219). AuCIAM 2, l’hygiène conduit à convoquer la médecine mais aussi la biologie, laphysiologie, la physique. Peu à peu, les débats laissent transparaître une hié-rarchisation : la biologie devient déterminante comme l’assène Le Corbusierdès la première phrase de sa contribution à Francfort : « L’habitation est unphénomène biologique » (Le Corbusier, CIAM 2, 1929, p. 24).

La sociologie est aussi présente. À La Sarraz, elle figure dans les dis-cussions, mais les hésitations au sujet du terme à employer, social ou socio-logique, expriment plus un intérêt général qu’une référence à des savoirsprécis. Par contre, elle s’affirme au CIAM 2 à travers des savoirs s’apparentantà une sociologie quantitative (enquête5, statistique6) ou à une sociologie his-torique (ou histoire sociale7).

Espace&Sté 142 XP6 27/05/10 17:26 Page 20

Doc

umen

t tél

écha

rgé

depu

is w

ww

.cai

rn.in

fo -

Dal

hous

ie U

nive

rsity

-

- 12

9.17

3.72

.87

- 13

/03/

2013

16h

47. ©

ER

ES

D

ocument téléchargé depuis w

ww

.cairn.info - Dalhousie U

niversity - - 129.173.72.87 - 13/03/2013 16h47. © E

RE

S

Page 6: Réceptions et appropriations des sciences humaines par les architectes. Le cas des ciam et du Team Ten (1928-1962)

Réceptions et appropriations des sciences humaines par les architectes 21

Biologie et sociologie sont ainsi régulièrement convoquées, alternative-ment considérées comme complémentaires ou conflictuelles, certains acteursjouant même de ce double répertoire : « Tout en étudiant les bases sociolo-giques de l’architecture (évolution de la civilisation, besoins collectifs etindividuels, etc.), nous pensons qu’il convient d’examiner les faits relatifsaux règles physiques de l’air, de la lumière, de la chaleur, du son »(Bourgeois, CIAM 2, 1929, p. 34). Or, dans ce concert entre biologie et socio-logie, ce sont globalement les sciences naturelles qui l’emportent. Un dis-cours est latent : c’est par le biologique que l’on atteint le social et lepsychologique.

Au CIAM 5, les contributions très pointues d’un médecin (Dr P. Winter),d’un ouvrier agricole (N. Bézard), d’un ethnologue (G.-H. Rivière), etc., coïn-cident à de premières autocritiques. Ainsi, S. Giedion s’interroge sur la vali-dité des disciplines sollicitées lors des cinq premiers congrès : sur la difficultéde celles-ci à s’infléchir, car restant trop enfermées sur elles-mêmes face auxquestionnements des architectes ; sur les précautions nécessaires pour « ne pass’égarer dans les broussailles des spécialistes » ; sur le piège de la parcellari-sation des savoirs ; etc. (Giedion, CIAM 5, 1937, p. 9-13). À ce point, il s’avèredifficile de cerner si les CIAM attendent des autres disciplines des précisions dutype « recettes » ; ou si, pensant avoir intégré certains savoirs, ils souhaitentpasser à une autre étape ; ou encore si leurs réflexions se situent à un tournantconcernant les disciplines à retenir comme pertinentes.

Vers l’élargissement des disciplines sollicitées et la recherche de leur pertinence en fonction des situations

Après la guerre, de nouveaux rapports interdisciplinaires s’installent. Ilssont induits par plusieurs facteurs. Le CIAM 6 voit arriver une nouvelle géné-ration d’architectes qui, en plus de confirmer que « l’étude de phénomènesparallèles est indispensable » (van Eyck, CIAM 6, 1947, FLC D3-16/227-232),apporte ses idées. Cette génération élargit le spectre des disciplines convo-quées : ainsi, l’esthétique fait son apparition dans les débats, alors qu’elle enétait écartée jusque-là pour ne pas nuire à la posture sociale des CIAM. Elleinsiste aussi sur la nécessité de réunir des équipes d’urbanisme, comprenant,à côté des architectes, « un sociologue, un géographe, un économiste et unphilosophe [qui] devraient travailler en contact étroit avec le public »(Bakema, CIAM 6, 1947, FLC D2-16/18). Certaines disciplines ne sont doncplus au-devant de la scène et l’interdisciplinarité défendue propose de se rap-procher des habitants.

Par ailleurs, si le CIAM 6 vise à renouer les contacts entre ses membresaprès dix ans d’isolement dû à la guerre, il s’accompagne aussi d’une largeouverture des congrès aux architectes de pays du Sud (Asie, Afrique,

Espace&Sté 142 XP6 27/05/10 17:26 Page 21

Doc

umen

t tél

écha

rgé

depu

is w

ww

.cai

rn.in

fo -

Dal

hous

ie U

nive

rsity

-

- 12

9.17

3.72

.87

- 13

/03/

2013

16h

47. ©

ER

ES

D

ocument téléchargé depuis w

ww

.cairn.info - Dalhousie U

niversity - - 129.173.72.87 - 13/03/2013 16h47. © E

RE

S

Page 7: Réceptions et appropriations des sciences humaines par les architectes. Le cas des ciam et du Team Ten (1928-1962)

Espaces et sociétés 14222

8 . Le Team Ten se constitue officiellement en 1955 pour organiser le CIAM 10. Il se com-pose de B. Bakema, G. Candilis, G. De Carlo, R. Erskine, R. Gutmann, H. Hovens-Greve, A. et P. Smithson, A. van Eyck, D. van Ginkel et J. Voelcker…

Amérique du Sud). Des acteurs signalent l’impact de cette ouverture : « Laplupart des problèmes que les CIAM, lit-on, ont eu à traiter avant la guerreétaient plus européens qu’universels » alors « que les quatre cinquièmes dela population mondiale n’avaient pas ces problèmes » (Sert, CIAM 8, 1951,p. 4). La recherche de moyens pour comprendre et appréhender de tellessituations s’avère nécessaire.

Ces facteurs induisent un changement majeur : par comparaison à lafocalisation sur un nombre limité et ciblé de disciplines dans l’avant-guerre,l’orientation se fait dès lors vers toutes les disciplines utiles. Aucune n’estévincée a priori, même si certaines sont revisitées à l’instar de la biologie.Ainsi, un invité au CIAM 8 s’étonne de l’acception de la biologie qui circuledans les CIAM et en donne son interprétation : « le monde du biologiste est,selon lui, un monde de complète diversité », alors que les mondes du physi-cien et du physiologiste sont l’opposé, ils portent « sur l’uniformité et l’uni-versalité » (Williamson, CIAM 8, 1951, p. 33). Cette attention à la diversitéconverge avec l’émergence d’une réflexion sur l’écologie (CIAM 8, 1951,Paulsson, p. 26-29).

En 1952 à Sigtuna, l’attention portée aux territoires dans leurs diversitéset spécificités s’affirme dans la définition du thème du CIAM 9 : on distinguele « logement » (qui semble devoir être abandonné car déjà traité au CIAM 2)de « l’habitat » (qui déplace le regard du logement au territoire). En ce sens,certains différencient les « problèmes d’habitation, qui peuvent – dans unecertaine mesure – conduire aux mêmes besoins biologiques » du « cadre dela vie quotidienne qui diffère dans une large mesure, d’un lieu à un autre,d’un pays à un autre, et (dans le temps) d’aujourd’hui à demain, sous l’in-fluence et la qualification des facteurs climatiques, sociaux, économiques etpolitiques » (Dutch group, Sigtuna, 1952, FLC C24). Cette acception de l’ha-bitat induit des divergences lors du CIAM 9. Certains défendent toujours desdisciplines d’avant-guerre, notamment la biologie (Ascoral, CIAM 9, 1953,FLC D2-8/56-96), alors que d’autres s’y opposent en affirmant que « le termebiologie doit être supprimé parce que prêtant à confusion. On fait La Chartede l’Habitat » (Chenu, CIAM 9, 1953, FLC F1-6/209-210).

Cette acception de l’habitat en écho à l’élargissement du spectre des dis-ciplines potentiellement pertinentes s’affirme dans les directives que le TeamTen8 envoie aux participants du CIAM 10, incitant à créer des « groupes de tra-vail locaux de spécialistes de toutes sortes » (Bakema, 1956, FLC D2-8/518-520). De ce fait, il n’est pas étonnant que les contributions à ce congrès,même celles des plus jeunes architectes, en soient empreintes. Ainsi, lit-on la

Espace&Sté 142 XP6 27/05/10 17:26 Page 22

Doc

umen

t tél

écha

rgé

depu

is w

ww

.cai

rn.in

fo -

Dal

hous

ie U

nive

rsity

-

- 12

9.17

3.72

.87

- 13

/03/

2013

16h

47. ©

ER

ES

D

ocument téléchargé depuis w

ww

.cairn.info - Dalhousie U

niversity - - 129.173.72.87 - 13/03/2013 16h47. © E

RE

S

Page 8: Réceptions et appropriations des sciences humaines par les architectes. Le cas des ciam et du Team Ten (1928-1962)

Réceptions et appropriations des sciences humaines par les architectes 23

nécessité de « se servir des méthodes scientifiques des sciences sociales pourconnaître le contenu humain auquel on s’adresse (démographie, coutumes,histoire, etc.) » (Groupe Cité, CIAM 9, 1953, FLC D2-8/431). Le dernier CIAMd’Otterlo en 1959 confirme nettement cette orientation en allant jusqu’à réor-ganiser la forme des échanges : en supprimant le travail en commissions, lesdébats s’organisent autour d’une quarantaine d’interventions présentant destrajectoires de projets d’habitat dans des situations particulières (Newman,1961 [CIAM Otterlo, 1959]).

Dans l’après-guerre, les débats contradictoires vont mener à une nou-velle hiérarchie concernant les disciplines à privilégier. Les architectes duTeam Ten et leurs impulsions dans les congrès vont conduire à solliciter desdisciplines comme l’anthropologie, la sociologie, la psychologie, la philoso-phie… Si ces disciplines passent au premier plan, des changements tout aussisignificatifs se manifestent dans l’adoption d’une autre attitude face à ces dis-ciplines lisibles, en particulier, dans l’ouverture vers toutes sortes de réfé-rences et le choix de désigner une discipline comme pertinente, non plus apriori, mais en fonction des situations et des territoires considérés.

REGISTRES DANS LA RÉCEPTION DES SCIENCES HUMAINESPAR LES ARCHITECTES DU TEAM TEN

L’analyse des onze congrès a permis de saisir les particularités de l’évo-lution des disciplines convoquées dans les CIAM. Nonobstant, restant dans desévocations générales, l’impact de ces références est resté peu tangible.Comment entrer plus précisément dans la réception des sciences humainespar ces architectes ? Faut-il partir du document produit par le Team Ten, leManifeste de Doorn (1954) ? Il est vrai que celui-ci est empreint d’une réfé-rence pluridisciplinaire à travers la « valley section » de P. Geddes (Risseladaet van den Heuvel, 2005). Or, du point de vue de la forme, ce Manifeste estproche de la Déclaration de La Sarraz : tous deux étant en partie incanta-toires. Nous proposons donc d’inverser l’approche en passant de l’analysed’évocations générales aux sciences humaines à l’analyse de situationsconcrètes relatives au travail de ces architectes. Autrement dit, nous observe-rons des expériences singulières d’échanges où seront plus tangibles non seu-lement la réception, mais divers « registres de réception » des scienceshumaines par les architectes du Team Ten.

Formes d’échanges et emplois des sciences humaines par les architectes du Team Ten : opportunités et obstacles

Dans l’après-guerre, l’acception de l’habitat qui se dessine dans lescongrès induit une attention particulière des architectes des CIAM au travail de

Espace&Sté 142 XP6 27/05/10 17:26 Page 23

Doc

umen

t tél

écha

rgé

depu

is w

ww

.cai

rn.in

fo -

Dal

hous

ie U

nive

rsity

-

- 12

9.17

3.72

.87

- 13

/03/

2013

16h

47. ©

ER

ES

D

ocument téléchargé depuis w

ww

.cairn.info - Dalhousie U

niversity - - 129.173.72.87 - 13/03/2013 16h47. © E

RE

S

Page 9: Réceptions et appropriations des sciences humaines par les architectes. Le cas des ciam et du Team Ten (1928-1962)

Espaces et sociétés 14224

9 . Si, après la guerre, la démarche de terrain est courante chez les ethnologues, anthropo-logues…, notons qu’au CIAM 2 E. May insiste déjà sur le temps gagné et les échecs évités,si l’architecte s’impose de passer une semaine au sein d’une famille ouvrière (May, CIAM 2 ,1929, p. 11).10. Cette expérience n’est pas isolée. A. van Eyck entreprend plusieurs séjours dans detelles peuplades et ses écrits en font référence. Voir sur les Dogons (M. Griaule,G. Dieterlen, G. Calame-Griaule & M. Palau Marti) ; sur les Pueblos (R. Benedict).

terrain9. Cette démarche, inhabituelle à cette période, coïncide aux choix deterritoires insolites : bidonvilles, délaissés dans des grandes villes euro-péennes, situations rurales, habitat de peuplades « primitives », etc. Elleconduit aussi à renouveler les outils comme on le note au CIAM 9 par la pré-sentation de relevés habités (R. Simounet à Alger), de documentaires sociaux(A. et P. Smithson exposant les photographies de Bethnal Green prises parN. Henderson), d’entretiens (G. Candilis et S. Woods à Casablanca), etc. Cetravail de terrain déclenche des formes particulières d’interactions interdisci-plinaires. Étudions deux cas.

Le premier est particulier en ce qu’il n’y a pas, dans les rapports établisavec les sciences humaines, la recherche par les architectes d’une instrumen-talisation directe dans une commande ou un projet. C’est le cas de la ren-contre entre A. van Eyck et deux psychanalystes suisses rencontrés en paysDogon en 196010. Entre eux se nouent des échanges in situ qui, se poursui-vant d’abord de façon épistolaire, se formalisent dans une publication com-mune (van Eyck, Parin, Morgenthaler, 1972). L’alternance des textes del’architecte et des psychanalystes gravite autour d’une question : les perma-nences entre passé, présent et avenir (van Eyck et al., 1972, p. 92). P. Parinl’aborde en parlant du peuple Dogon dans une histoire longue alors queF. Morgenthaler s’intéresse au temps court, celui du quotidien, par des entre-tiens avec trois hommes Dogons. De son côté, A. van Eyck signale que dansune époque où « les architectes sont pathologiquement obsédés par le chan-gement », il est nécessaire « de partir du passé » et voir « à la lumière duchangement, ce qui dans la condition de l’homme, ne peut que resterinchangé » (van Eyck et al., 1972, p. 92). À quoi ces échanges servent-ils ?En premier lieu, ces échanges induisent une double prise de conscience chezl’architecte hollandais : la prudence nécessaire face aux fausses interpréta-tions émergeant d’un travail de terrain et la nécessité d’éviter de s’avancerplus que nécessaire dans les autres champs (van Eyck et al., 1972, p. 96).Ensuite, ces croisements d’idées sur des questions de temps déclenchent desréflexions sur un autre rapport entre forme de l’espace et les pratiques, enparticulier en distinguant : d’une part la réflexion récurrente sur les besoinsdans les CIAM – trop fixée sur un moment donné de l’histoire – et d’autre partdes dispositifs spatiaux qui doivent résister et s’adapter au temps et donc à de

Espace&Sté 142 XP6 27/05/10 17:26 Page 24

Doc

umen

t tél

écha

rgé

depu

is w

ww

.cai

rn.in

fo -

Dal

hous

ie U

nive

rsity

-

- 12

9.17

3.72

.87

- 13

/03/

2013

16h

47. ©

ER

ES

D

ocument téléchargé depuis w

ww

.cairn.info - Dalhousie U

niversity - - 129.173.72.87 - 13/03/2013 16h47. © E

RE

S

Page 10: Réceptions et appropriations des sciences humaines par les architectes. Le cas des ciam et du Team Ten (1928-1962)

Réceptions et appropriations des sciences humaines par les architectes 25

11 . Fondé en 1947, l’Atbat est une sorte de structure pluridisciplinaire constituée d’archi-tectes, d’ingénieurs et de techniciens. Peu à peu, il devient une sorte de bureau d’études.12 . Architectes, urbanistes, paysagistes : M. Écochard, P. Mas… Ingénieurs : V.Bodiansky, H. Piot… Ethnologues, sociologues : R. Montagne, A. Adam… (Cohen &Eleb, 1998).13. Des doutes existent concernant la réussite de ce choix typologique : « Sans sur-veillance municipale extrêmement stricte, […], les patios superposés seront certainementutilisés comme pièces » (Écochard, 1955b, p. 37).14. Notons aussi qu’à côté de ces immeubles, cette opération comprend principalement del’habitat horizontal du type maisons à cour.

nouveaux besoins. N’ayant pas de perspectives projectuelles en pays Dogon,cette immersion permet à A. van Eyck de faire une critique de l’architectureet de sa pratique d’architecte. Nous nommons ce premier registre de récep-tion « les autres disciplines comme outil critique ».

En contrepoint, une seconde forme d’échanges émerge que nous nom-mons « l’emploi de disciplines utiles » ; c’est-à-dire lorsque les autres disci-plines sont sollicitées pour des informations ou données sur une situation envue d’une intervention projectuelle. Prenons le cas de G. Candilis etS. Woods à Casablanca (1951-1955). Leur travail s’inscrit à la fois dansl’Atelier des bâtisseurs, l’Atbat11, et dans les processus engagés au service del’urbanisme du Protectorat français dirigé par M. Écochard de 1946 à 1952.Il est donc au centre d’un faisceau de disciplines12 catalysant les diversescompétences sur des questions « d’habitat pour le plus grand nombre » et« d’habitat économique adapté à une culture locale » (Cohen et Eleb, 1998).Dans ce contexte, comment les informations d’autres spécialistes sontemployées par C. Candilis et S. Woods ? Prenons leurs immeubles d’habita-tion types, dits « Nid d’abeilles » et « Sémiramis » (1953) qui proposent deslogements adaptés à la population musulmane, entre autres, par le biais d’unecour reprise à la maison traditionnelle et transférée vers l’immeuble collectif.On sait aujourd’hui que cette cour à l’étage a très vite été transformée enchambre par les habitants. Si ce choix typologique est souvent critiqué, il anéanmoins été nourri d’informations sur les provenances et les modes de viedes populations destinataires de ces immeubles (Écochard, 1955a). Dès lors,quels rôles ont ces disciplines utiles ? En prenant appui sur elles, des enjeuxterritoriaux peuvent induire une prise de responsabilités et de risques collec-tifs13, formalisée ici par le choix d’un habitat vertical pour une populationcoutumière d’un habitat horizontal14. La nécessité de faire un choix pour agirrend aussi compte des liens non mécaniques entre la connaissance des modesde vie, les enjeux de transformation territoriale, la conception de dispositifsspatiaux et leurs appropriations par leurs destinataires. L’interprétation néces-saire des données d’autres disciplines révèle l’existence de multiples rupturesdans la réception des sciences humaines chez ces architectes du Team Ten.

Espace&Sté 142 XP6 27/05/10 17:26 Page 25

Doc

umen

t tél

écha

rgé

depu

is w

ww

.cai

rn.in

fo -

Dal

hous

ie U

nive

rsity

-

- 12

9.17

3.72

.87

- 13

/03/

2013

16h

47. ©

ER

ES

D

ocument téléchargé depuis w

ww

.cairn.info - Dalhousie U

niversity - - 129.173.72.87 - 13/03/2013 16h47. © E

RE

S

Page 11: Réceptions et appropriations des sciences humaines par les architectes. Le cas des ciam et du Team Ten (1928-1962)

Espaces et sociétés 14226

15. Car, comme nous l’avons vu dans la première partie de l’article, le discours a de mul-tiples rôles dans ces débats internationaux : représentation, propagande et diffusion, légi-timation, outil d’un rapport de force…

Interprétations et transcriptions architecturales et urbaines : perméabilités entre discours et mise en espace

Entrons plus encore dans le travail de ces architectes en appréhendant cequi se joue dans le rapport entre un discours, qui s’élabore avec des réfé-rences aux sciences humaines, et le travail de mise en espace. Questionnonsce rapport toujours à partir du travail de terrain. D’abord, il y a constammentdébat sur ce rapport entre architectes, en témoignent deux exposés tenus audernier CIAM : l’étude de H. Haan sur trois communautés du Sahara et cellede R. Erskine sur l’habitat traditionnel lapon. Le premier reste dans l’obser-vation d’une situation alors que le second fonde, sur des observations, unprojet d’habitat moderne en régions arctiques. Si les observations de ces deuxterritoires suscitent des réactions enthousiastes, la critique acerbe du travailde R. Erskine porte sur leur transcription en espace. Si de façon démesurée,P. Smithson qualifie la mise en forme de « Mickey Mouse Styling », A. vanEyck souligne que les phénomènes observés ne doivent pas seulement êtredécrits verbalement, mais traduits architecturalement (Newman, 1961, p. 169[CIAM Otterlo, 1959]). Il apparaît que s’il y a déjà un débat entre architectessur ce point, le passage de l’observation à la mise en espace construit sur laréférence à d’autres disciplines pose autant de questions.

Pour l’appréhender, il faut commencer par analyser la forme que prendle discours de ces architectes, en particulier, comme moyen de préparer etd’accompagner l’action de mise en espace15. Les architectes du Team Tenénoncent de nombreux thèmes empreints de connotations sociales. A. vanEyck les présente en 1959 dans la revue Forum en montrant comment ilsémergent dans les débats des CIAM, à des moments très différents, et promuspar divers architectes. Au CIAM 9 : human associations, identity, doorstep(A. & P. Smithson, J. Voelcker, B. & G. Howell) ; aesthetics of number et/ouharmony in motion ainsi que la formule « à la mi-chemin » conceptualisantles rapports entre les différentes cultures (A. van Eyck) ; visual group (A. vanEyck), appreciated unit (A. & P. Smithson) et l’habitat pour le plus grandnombre (G. Candilis et le groupe Gamma). Au CIAM 10 : cluster, mobility(A. & P. Smithson), growth and change, la plus grande réalité du seuil et leproblème d’unité organique (A. van Eyck et J.B. Bakema). Au tournant de1960 : stem et web (S. Woods et G. Candilis). Parmi ces thèmes, les uns sontpartagés, alors que d’autres sont très personnalisés, illustrant souvent des désaccords. Certains apparaissent, puis disparaissent en laissant leurplace à de nouveaux thèmes. Ce processus dessine un champ thématique

Espace&Sté 142 XP6 27/05/10 17:26 Page 26

Doc

umen

t tél

écha

rgé

depu

is w

ww

.cai

rn.in

fo -

Dal

hous

ie U

nive

rsity

-

- 12

9.17

3.72

.87

- 13

/03/

2013

16h

47. ©

ER

ES

D

ocument téléchargé depuis w

ww

.cairn.info - Dalhousie U

niversity - - 129.173.72.87 - 13/03/2013 16h47. © E

RE

S

Page 12: Réceptions et appropriations des sciences humaines par les architectes. Le cas des ciam et du Team Ten (1928-1962)

Réceptions et appropriations des sciences humaines par les architectes 27

16. B. Huet les nomme « passeur » ou « embrayage », ou encore « syntagme spatial » ou« spatialisé » (Huet, 1981, p. 100).

hétérogène et évolutif, constitué d’une vingtaine de thèmes apparus au fild’une décennie.

Si ce champ permet au Team Ten de se construire un autre imaginairesocial que celui des premiers CIAM, son instabilité dévoile une tentativeconstante de renouvellement, manifeste dans ces ouvertures vers d’autres dis-ciplines. Celles-ci visent à rechercher ce qui peut permettre d’appréhenderdes problèmes que ces architectes ne parviennent plus à résoudre avec leurpanoplie d’outils habituels (thèmes, démarches, etc.). Pour l’épistémologueJ. Schlanger, de telles ouvertures permettent de ré-instrumentaliser cettepanoplie et, si elles ne débloquent pas directement les problèmes en appor-tant des réponses, elles offrent néanmoins la possibilité de les aborder diffé-remment (Schlanger, 1995, p. 255-262). Dès lors, deux questions se posent :quels questionnements sont moteurs de ces excursions ? Comment appréhen-der les formes de transfert à l’œuvre dans les importations de ces architectes ?

Un des nœuds de questionnements qui est au cœur des excursions duTeam Ten vers d’autres savoirs s’exprime, entre autres, au CIAM 9 lorsqueA. et P. Smithson proposent les catégories « maison, quartier, ville, métro-pole » pour remplacer les quatre fonctions de la Charte d’Athènes « habiter,travailler, se recréer, circuler ». Les nouvelles catégories tentent de déplacerun regard focalisé sur les « fonctions » vers une attention portée aux « rela-tions humaines ». C’est le glissement d’un mode de réflexion analytique etdissociatif à un mode associatif. Le Team Ten l’explicite en défendant« l’étude des associations humaines comme premier principe et les quatrefonctions comme des facettes d’une problématique globale » (Doorn, 1954,FLC D2-8/19-21). Il tente même d’afficher ces idées dans l’intitulé du CIAM10 par « The Habitat : problem of inter-relationships » (FLC D2-8/469-474).C’est pour appréhender cette idéologie des relations que de nombreux thèmesénoncés par le Team Ten s’avèrent féconds.

Concernant les formes de transfert, si on dénote un usage métaphoriquedes sciences humaines dans la fabrication du champ thématique du Team Ten,nous préférons ici poser la question de ces thèmes à travers une autre idée,celle « d’intercesseur entre social et spatial »16. Par cette idée, nous qualifionsun élément de médiation, sollicité dans le champ architectural en raison depropriétés spatiales susceptibles d’avoir prise sur des données sociales.Autrement dit, ces thèmes s’avèrent utiles aux architectes du Team Ten pourtenter d’interpréter et de retranscrire en espace cette idéologie des relations.Là encore, glissons-nous dans des situations concrètes pour appréhender cesdeux aspects.

Espace&Sté 142 XP6 27/05/10 17:26 Page 27

Doc

umen

t tél

écha

rgé

depu

is w

ww

.cai

rn.in

fo -

Dal

hous

ie U

nive

rsity

-

- 12

9.17

3.72

.87

- 13

/03/

2013

16h

47. ©

ER

ES

D

ocument téléchargé depuis w

ww

.cairn.info - Dalhousie U

niversity - - 129.173.72.87 - 13/03/2013 16h47. © E

RE

S

Page 13: Réceptions et appropriations des sciences humaines par les architectes. Le cas des ciam et du Team Ten (1928-1962)

Espaces et sociétés 14228

17. Sur ce quartier, les Smithson citent aussi ce livre : M. Young et P. Willmott, Familyand Kinship in East London paru en 1957 (Smithson, 1967, p. 22).18. Taylor, R. 1952. « The Social Basis of Town Planning », Architects’Year Book, n° 4 ,London, Paul Elek, p. 27-32.19. À plusieurs reprises, A. van Eyck parle de ses liens au travail de M. Buber, un philo-sophe des religions (van Eyck, CIAM Otterlo, 1959 – van Eyck, Auckland, 1963).20. À Otterlo, A. van Eyck cite ce livre : Buber, M., 1948, Le problème de l’homme,Paris, Aubier.

La question du seuil comme intercesseur entre social et spatial : potentiels et limites

Si le thème du « seuil » apparaît comme un moyen d’explorer cette idéo-logie dans son rapport à l’espace, différentes acceptions sont élaborées par lesarchitectes du Team Ten.

L’acception proposée par A. & P. Smithson dès 1952 se construit, entreautres, autour de références à la psychosociologie. Celles-ci se révèlent lorsde visites rendues à J. Henderson, une anthropologue habitant son terraind’étude, le quartier londonien de Bethnal Green. Les Smithson y découvrentdes liens du type « village » : les habitants se connaissent tous, ils sont soli-daires, ils ne déménagent pas…17 Ou lors de lectures : de celle de R. Taylor18,ils retiennent que « Pour le psychologue social, la société représente essen-tiellement l’image d’un réseau de relations humaines » et que « La fonctionde l’urbanisme est de renforcer et de diriger ces relations » (Smithson, 1970,p. 42). Ces références conduisent les Smithson à une conceptualisation : « laphilosophie du seuil » (doorstep philosophy). Pour qualifier cette formule,ces architectes investissent les catégories « maison, rue, quartier, métropole »en qualifiant pour chaque échelle les relations humaines concernées : àl’échelle de la maison, elles sont qualifiées d’involontaires et forcées, alorsqu’à l’échelle de la métropole, elles sont volontaires et choisies. Ils illustrentcette réflexion par le projet Golden Lane Housing (1952) en portant uneattention particulière aux espaces de proximité du logement. De larges rues-coursives en façade, connectées de façon variée au quartier et à la ville, sontqualifiées par de nombreuses activités (diversité de logements, pièces pour letravail à domicile, commerces de proximité à l’étage). Cette multiplicitéd’événements « dès le seuil du logement franchi » est entrevue comme uneopportunité quotidienne de relations sociales diversifiées.

L’acception du seuil faite par A. van Eyck s’appuie sur une référence àla philosophie : M. Buber (1878-1965)19. Par la formule « la sphère del’Entre-deux »20, ce philosophe appréhende les relations humaines par desmots-principes, présentés par des couples de mots ou opposés élémentaires.A. van Eyck lui emprunte de nombreux concepts – les fausses alternatives,l’authentique tiers, l’entre-deux, le domaine de l’entre-deux – et opère un tra-vail d’énonciation analogue dans le champ architectural. Il émet une variété

Espace&Sté 142 XP6 27/05/10 17:26 Page 28

Doc

umen

t tél

écha

rgé

depu

is w

ww

.cai

rn.in

fo -

Dal

hous

ie U

nive

rsity

-

- 12

9.17

3.72

.87

- 13

/03/

2013

16h

47. ©

ER

ES

D

ocument téléchargé depuis w

ww

.cairn.info - Dalhousie U

niversity - - 129.173.72.87 - 13/03/2013 16h47. © E

RE

S

Page 14: Réceptions et appropriations des sciences humaines par les architectes. Le cas des ciam et du Team Ten (1928-1962)

Réceptions et appropriations des sciences humaines par les architectes 29

d’oppositions, rebaptisées « phénomènes jumeaux », qui touchent aussi biendes questions sociales (collectif/individuel…), spatiales (intérieur/extérieur,grand/petit…) que temporelles (passé/futur, momentané/permanent…).A. van Eyck dilate la signification courante du seuil (cette dalle en bas d’uneporte) et va même « jusqu’à l’identifier à un symbole relatif au sens intrin-sèque de l’architecture et la façon dont celle-ci devrait se réaliser » (vanEyck, CIAM Otterlo, 1959, p. 27). Il lie aussi sa réflexion à des réalisations.Dans l’orphelinat d’Amsterdam (1955-1961), ces oppositions verbales seretranscrivent en espace par la présence de situations où les enfants peuventêtre dedans tout en étant dehors, se sentir au centre d’un espace et à la foisdans un système décentralisé, être en contact tout en ayant la possibilité de seretirer dans l’intimité, etc. (Strauven, 1994). Cette spatialité tente d’offrir plu-sieurs systèmes de référence à celui qui en fait l’expérience. Cette caractéris-tique est entrevue comme la possibilité de favoriser une diversitéd’appropriations de l’espace et peut-être des relations sociales multiples.

Eu égard aux acceptions de la notion de « relations » dans les scienceshumaines citées en référence et celles construites par ces architectes, on nepeut que constater les différences. Une raison majeure réside dans le fait quechaque acception a sa pertinence dans le système de valeurs relatif à unchamp d’action spécifique. Du reste, A. van Eyck en est conscient lorsqu’ildit : « J’espère que dans sa forme finale la réciprocité architecturaleunité/diversité et partie/ensemble […] jusqu’à un certain point au moinscouvre la réciprocité humaine individuel-collectif » (van Eyck, CIAM Otterlo,1959, p. 237). On constate ici, non seulement le potentiel des intercesseursspatiaux, mais aussi leurs limites.

POUR CONCLURE : UNE ATTENTION À PORTER AUX RUPTURESDANS LA RÉCEPTION DES SCIENCES HUMAINES PAR LES ARCHITECTES

L’analyse de quelques situations concrètes a fait émerger différents« registres de réception » des sciences humaines par les architectes des CIAM etdu Team Ten. Outre qu’elle permet l’identification de ces registres, elle nousconduit à insister sur la réception des sciences humaines par ces architectes àtravers une série de « ruptures », issues du passage entre ces registres. Nousavons identifié plusieurs ruptures : celle qui se manifeste lors de l’emploi desautres disciplines comme outil critique de l’architecture, celle qui apparaît dansl’emploi des disciplines utiles, celle qui s’exprime dans le discours lorsque lesarchitectes s’inspirent et/ou empruntent des notions dans d’autres disciplinespuis tentent de les rendre opératoires dans le champ de l’architecture, etc. Il fautaussi relever qu’une rupture a été amoindrie par notre analyse car, en isolant lesargumentaires construits sur les référentiels aux sciences humaines, nous avonsaussi occulté un faisceau de référentiels architecturaux et urbains (topologique,typologique, constructif, esthétique…), tout aussi actifs dans la démarche de

Espace&Sté 142 XP6 27/05/10 17:26 Page 29

Doc

umen

t tél

écha

rgé

depu

is w

ww

.cai

rn.in

fo -

Dal

hous

ie U

nive

rsity

-

- 12

9.17

3.72

.87

- 13

/03/

2013

16h

47. ©

ER

ES

D

ocument téléchargé depuis w

ww

.cairn.info - Dalhousie U

niversity - - 129.173.72.87 - 13/03/2013 16h47. © E

RE

S

Page 15: Réceptions et appropriations des sciences humaines par les architectes. Le cas des ciam et du Team Ten (1928-1962)

Espaces et sociétés 14230

ces architectes. Par exemple, le projet Golden Lane Housing des Smithson estun contre-modèle typologique de l’Unité d’habitation de Le Corbusier.L’attention portée à ces ruptures met en relief l’importance que prend, danscette réception, « l’appropriation » des sciences humaines par ces architectes :c’est-à-dire le travail d’interprétation et la recherche d’une valeur opératoiredans le champ de l’architecture. Nous rejoignons ici E. Morin lorsqu’il insistesur l’importance d’accepter le malentendu dans la circulation des idées entredisciplines, celles-ci pouvant générer, là où elles s’enracinent, un nouveauchamp fécond, même au prix d’un contresens (E. Morin, 2003, p. 15).Autrement dit, les architectes du Team Ten ont construit des raisonnements surdes questions sociales qui peuvent avoir une pertinence et une validité dans leurchamp et néanmoins être entrevus comme incohérents au sein de disciplinesdes sciences humaines. En outre, les appropriations d’autres savoirs faites parces architectes expriment aussi leurs efforts visant a réduire un risque latentlorsqu’ils sont dans la phase de mise en espace, à savoir d’éviter l’écueil du dis-cours pris ailleurs et plaqué à des dispositifs architecturaux et urbains. À cesujet, les exemples donnés dans cet article, en particulier autour du thème duseuil, en sont illustratifs.

La sollicitation des sciences humaines présentée ici – de surcroît réaliséedans des pratiques professionnelles – est celle d’une élite d’architectes actifsdans les CIAM. Il reste donc à savoir comment elles sont reprises par cettegénération d’architectes dans les enseignements européens de l’architecturedès les années 1960.

RÉFÉRENCES BIBLIOGRAPHIQUES

Actes des CIAM 1928-1959Les documents signalés par « FLC » dans le texte renvoient au fonds d’archives de La

Fondation Le Corbusier à Paris. Les autres se réfèrent aux actes suivants :CIAM 1, 1928 : UNGERS, O.M. & L. 1979. CIAM 1. Congrès Préparatoire International

d’Architecture Moderne, Nendeln, Kraus.CIAM 2, 1929 : UNGERS, O.M. & L. 1979. CIAM 2. Die Wohnung für das

Existenzminimum, Nendeln, Kraus.CIAM 3, 1930 : UNGERS, O.M. & L. 1979 (1931). Rationelle bebauungsweisen.

Brussel, Nendeln, Kraus.CIAM 4, 1933 : KITSIKIS, N. 1933. « Le IVe Congrès international d’architecture

moderne à Athènes : La ville fonctionnelle », Annales techniques n° 44-45-46,Athènes, p. 996-1189.

CIAM 5, 1937 : UNGERS, O.M. & L. 1980. Logis et loisirs. CIAM 5, Paris 1937,Nendeln, Kraus.

CIAM 6, 1947 : GIEDION, S. 1951. A Decade of New Architecture, Zürich, Girsberger.CIAM 7, 1949 : UNGERS, O.M. & L. 1979. CIAM 7. Bergamo 1949. Cas d’applica-

tions de la Charte d’Athènes, Nendeln, Kraus.

Espace&Sté 142 XP6 27/05/10 17:26 Page 30

Doc

umen

t tél

écha

rgé

depu

is w

ww

.cai

rn.in

fo -

Dal

hous

ie U

nive

rsity

-

- 12

9.17

3.72

.87

- 13

/03/

2013

16h

47. ©

ER

ES

D

ocument téléchargé depuis w

ww

.cairn.info - Dalhousie U

niversity - - 129.173.72.87 - 13/03/2013 16h47. © E

RE

S

Page 16: Réceptions et appropriations des sciences humaines par les architectes. Le cas des ciam et du Team Ten (1928-1962)

Réceptions et appropriations des sciences humaines par les architectes 31

CIAM 8, 1951 : TYRWHITT, J. ; SERT, J.L. ; ROGERS, E.N. 1952. The Heart of thecity, New York, Pellegrini et Cudahy.

Réunion préparatoire, Sigtuna, 1952 : Les documents de Sigtuna 1952 (FLC C24).CIAM 9, 1953 : UNGERS, O.M. & L. 1979. La charte de l’habitat, CIAM 9, Nendeln,

Kraus.CIAM 10, 1956 : CIAM, 1956. CIAM 10-Dubrovnik 1956 : « Problèmes de l’Habitat »,

(FLC C33).CIAM Otterlo, 1959 : NEWMAN, O. 1961. New Frontiers in Architecture : CIAM in

Otterlo 1959, Stuttgart, K. Krämer.

Documents du ou relatifs au Team TenÉCOCHARD, M. 1955a. Casablanca. Le roman d’une ville, Paris, Éditions de Paris.ÉCOCHARD, M. 1955b. « Habitat musulman au Maroc », L’Architecture

d’Aujourd’hui, n° 60, p. 36-40.SMITHSON, A. 1962. « Team 10 Primer 1953-1962 », Architectural Design, n° 12.SMITHSON, A. & P. 1967 [1960]. Urban structuring, New York, Studio Vista.SMITHSON, A. & P. 1970. Ordinariness and light, London, Faber & Faber.VAN EYCK, A. 1959. « The Story of another idea », Forum, n° 7.VAN EYCK, A. 1963. « Switch on the Stars Before the Fuses Go », Report ‘63,

University of Auckland, p. 37-44.VAN EYCK, A. ; PARIN, P. ; MORGENTHALER, F. 1972 [1969]. « L’intérieur du

temps », Le sens de la ville, Paris, Seuil, p. 87-128.

Histoires critiques des CIAM et du Team TenCOHEN, J.-L. ; ELEB, M. 1998. Casablanca. Mythes et figures d’une aventure urbaine,

Paris, Hazan.ELEB, M. 1999. « Une alternative à l’urbanisme fonctionnaliste. Écochard, Candilis

et l’Atbat-Afrique à Casablanca », Cahiers de la Recherche Architecturale etUrbaine n° 2/3, Paris, p. 167-180.

TAYLOR, B.B. 1975. « Chants d’innocence et d’expérience », dossier « Team 10 + 20», L’Architecture d’Aujourd’hui n ° 177, Paris, p. 1-3.

JONAS, S. 1979. « L’importance de l’habitat dans la conception urbanistique des CIAMavant 1933 et pendant le congrès d’Athènes », Espaces et sociétés, n° 28/29,p. 35-53.

MUMFORD, E. 2000. The CIAM Discourse on Urbanism, 1928-1959, Cambridge, MIT.RISSELADA, M. ; VAN DEN HEUVEL, D. 2005. Team 10. 1953-81, Rotterdam, NAi.STRAUVEN, F. 1998 [1994]. Aldo van Eyck. The Shape of relativity, Amsterdam,

Architectura & Natura.

MéthodeHUET, B. 1981 [1978]. Anachroniques d’architecture, Bruxelles, AAM.MORIN, E. 2003. « Sur l’interdisciplinarité », Les Cahiers de la recherche architectu-

rale et urbaine, n° 12, Paris, p. 13-20.SCHLANGER, J. 1995. Les métaphores de l’organisme, Paris, L’Harmattan.

Espace&Sté 142 XP6 27/05/10 17:26 Page 31

Doc

umen

t tél

écha

rgé

depu

is w

ww

.cai

rn.in

fo -

Dal

hous

ie U

nive

rsity

-

- 12

9.17

3.72

.87

- 13

/03/

2013

16h

47. ©

ER

ES

D

ocument téléchargé depuis w

ww

.cairn.info - Dalhousie U

niversity - - 129.173.72.87 - 13/03/2013 16h47. © E

RE

S