Réconcilier nature et paysage

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Trimestriel 12 REVUE DES PROFESSIONNELS DE LA NATURE Octobre 2010 • n° 32 Vu ailleurs Maroc - Algérie. Réalités sur la mise en place d’une gestion intégrée des zones côtières • Études recherches Construire un projet de territoire autour de la solidarité écologique • Aménagement gouvernance Notre-Dame-de-Miremer. Une nouvelle vie après incendie. Les professionnels de la nature discutent sur http://forums.espaces-naturels.fr. Rejoignez-les. Intégrer l’approche paysagère pour servir la biodiversité Réconcilier nature et paysage

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REVUE DES PROFESSIONNELS DE LA NATURE

Octobre 2010 • n° 32

Vu ailleurs Maroc - Algérie. Réalités sur la mise en place d’une gestion intégrée des zones côtières •Études recherches Construire un projet de territoire autour de la solidarité écologique • Aménagementgouvernance Notre-Dame-de-Miremer. Une nouvelle vie après incendie.

Les professionnels de la nature discutent sur http://forums.espaces-naturels.fr. Rejoignez-les.

Intégrer l’approche paysagère pour servir la biodiversité

Réconcilier nature et paysage

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Parc marin d’Iroise.

Yves Gladu Photographe sous-marin en Atlantique, il a œuvré pour la création du Parc marin d’Iroise. www.yvesgladu.com

« Au premier regard, on est envoûté par la beauté mystérieuse du Parc marin d’Iroise : forêt d’alguesmonumentales, lumière filtrée par l’eau riche en plancton, variété des espèces et des couleurs… Dans cemilieu privilégié, crustacés, poissons et mammifères trouvent refuge et nourriture en abondance. »* Vous êtes photographe dans un espace naturel ? Envoyez-nous des clichés de vos lieux préférés : [email protected]

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SOMMAIRE

En couvertureMarais salants -

Les Portes-en-RéPoitou-Charentes Photo : Meeddm -Laurent Mignaux www.espaces-naturels.fr

octobre 2010 • n°32TOUR D’HORIZONS FORUM PROFESSIONNEL TERRITOIRES EN PROJETS

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5. ÉDITO

6. L’ESSENTIEL

10. TERRITOIRES

12. DES MOTS POUR LE DIRELa communication positive

13. L’ENTRETIENAnada Tiega secrétaire général convention RamsarAu service des zones humides

14. VU AILLEURSMAROC - ALGÉRIE

Réalités sur la mise en place d’unegestion intégrée des zones côtières

16. LIRE

18. LE COURRIER

19. L’AGENDA

34. PÉDAGOGIE ANIMATIONANTILLES, ÎLE DE LA RÉUNION

Mallette forestière : sur mesure !

36. ÉTUDES RECHERCHESConstruire un projet de territoireautour de la solidarité écologique

38. MÉTHODES TECHNIQUESMode opératoire pour mettre enœuvre un nettoyage raisonné desplages

41. MANAGEMENT MÉTIERSConduire un entretien de recrutement

42. DROIT POLICE DE LA NATURELoi Grenelle 2. Quoi de neuf pour la nature ?

44. AMÉNAGEMENTGOUVERNANCE NOTRE-DAME-DE-MIREMER (VAR)Une nouvelle vie après incendie

48. GESTIONPATRIMONIALE48 • MARAIS DU DAVIAUD (VENDÉE)Des races locales menacées au secours de la biodiversité

49 • PARC NATUREL RÉGIONAL

SCARPE-ESCAUT

Au travail, le trait du Nord

51. INDICATEURGÉOGRAPHIQUE

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[email protected]

INFOS PÉDAGOGIQUES

Le Dossier

20Sommaire détaillé en page 21

RÉCONCILIERNATURE ET PAYSAGEIntégrer l’approche paysagère pour servir la biodiversité

Découverte d’un cachalot géant du miocène.©

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La Réserve naturelle desHauts-Plateaux du Vercors a25 ans. Unique par sa taillede 17 000 hectares, la réserves'étend sur 10 % du territoiredu Parc naturel régional duVercors. Elle est la plus vasteréserve terrestre de Francemétropolitaine. Aujourd'hui,marquée par une alternanced'alpages et de forêts, laréserve possède la plusgrande forêt de pins àcrochets des Alpes calcaireset une flore riche de quelque747 espèces. La vie animaleest discrète maisfoisonnante. On peutobserver la plupart desespèces montagnardes :marmotte, tétras-lyre, aigleroyal, chamois, bouquetin... ●www.parc-du-vercors.fr

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Espaces naturels n°32 octobre 2010 5

TOUR D’HORIZONS I L’ÉDITO

Par Jean JalbertDirecteur général de la Tour du Valat - Centre de recherchepour la conservation des zones humides méditerranéennes

L’édito ÉDITEUR Aten - Atelier technique des espacesnaturels - SupAgro - 2, place Viala - 34060 Montpellier cedex 2 - Tél. : 04 67 04 30 30

DIRECTEUR DE LA PUBLICATIONYves Vérilhac

COMITÉ ÉDITORIALTOUR D’HORIZONL’essentiel Marc Maury Cela se passe ailleursChristian Perennou, Catherine CibienFORUM PROFESSIONNELPédagogie, Animation Nicolas Gérardin,Sandrine Chalvet Droit, Police de la natureLouis-Gérard d’Escrienne, Sophie Heyd Études,Recherches John Thompson, Arnaud CossonManagement, Métiers André LechigueroMéthodes, Techniques Bernard Commandré,Véronique Vinot, Bénédicte Lefèvre TERRITOIRES EN PROJETAccueil, Fréquentation Anne Vourc’h, ArmelleHélou Aménagement, Gouvernance ArnaudCallec, Annick Faucon, Thierry Mougey Gestionpatrimoniale Anne Douard, Hélène Michaud,Nathalie Berger

RÉDACTIONDirectrice de la rédactionMarie-Mélaine BerthelotRédactrice en chef Moune Poli Maquette Vanina Bellini, Moune PoliCorrectrice Magali FloriMediaterra Route Royale - 20600 Bastia Mél : [email protected]él. : 04 95 31 12 21

ADMINISTRATION, ABONNEMENTSMediaterra - Laetizia GiampietriRoute Royale - 20600 Bastia Tél. : 04 95 31 12 21

IMPRESSIONImprimerie Chirat744, rue de Sainte-Colombe42540 Saint-Just-la-Pendue

Tarifs des abonnements 1 an (4 numéros) :particulier 35,50 € - institutionnel 48,50 €ISSN n° 1637-9896Commission paritaire 0510 G 83179

L’Atelier technique des espaces naturelscompte dix-neuf membres : Ministère en chargede l’Écologie • Parcs nationaux de France •Conservatoire du Littoral • Fédération des parcsnaturels régionaux de France • Réserves naturellesde France • Fédération des Conservatoiresd’espaces naturels • Fondation Tour du Valat •Office national des forêts • Office national de lachasse et de la faune sauvage • Agence des airesmarines protégées • Région Île-de-France • RégionRhône-Alpes • Région Languedoc-Roussillon •Conseil général de l’Isère • Conseil général de laDrôme • Eden 62 (Pas-de-Calais) • Réseau desGrands Sites de France • Rivages de France • Liguepour la protection des oiseaux.

TOUR D’HORIZONS I L’ÉDITO

Zones humides. Derrière cette dénomination imprécise secache une extraordinaire gamme de milieux, comptant parmiles plus riches en biodiversité et les plus productifs de la

planète : 45 % des services écologiques évalués pour seulement6 % de la surface des continents1.Et pourtant, en France comme ailleurs, cet écosystème prodigue,qui contribue le plus au développement de l’Homme, paie le pluslourd tribut de l’action humaine. La perte des espèces d’eau douceprogresse plus vite que celle des espèces inféodées à tout autreécosystème.Le temps est à l’action. Résolue, concertée, mobilisant tous lesacteurs.Après des siècles de dénigrement, les zones humides ne sontprises en compte que depuis quelques décennies. En 1986, laFrance adhérait à la convention de Ramsar. En 1995, un plan d’ac-tion gouvernemental est lancé. Et, en début de cette année, ChantalJouanno présentait le nouveau plan d’action pour les zones hu-mides. Celui-là réaffirme une volonté politique et constitue unefeuille de route pour les trois années à venir.Par ailleurs et pour la première fois, la France accueillait en juindernier, à Bastia, Medwet/com : le Comité méditerranéen deszones humides. Les pays du pourtour méditerranéen et de nom-breuses organisations internationales étaient réunis pour chercherdes réponses communes adéquates à cette région du globe, soustension. La rencontre a également offert l’opportunité de valoriserl’approche française (la France assurera la présidence deMedwet/com pour trois ans). L’Observatoire des zones humidesméditerranéennes (développé sous l’impulsion de la Tour du Valat)a ainsi été reconnu comme l’un des projets majeurs.Dorénavant, l’isolement des gestionnaires de zones humides estrompu ! Les ressources et appuis au bénéfice de ces professionnelsse développent : nouveau site portail développé par l’Onema, mul-tiples actions des Pôles-relais zones humides, diffusion de Zoneshumides infos par la SNPN, inventaire des besoins de formationconduit par l’Aten…On voit aussi le réseau des gestionnaires de sites Ramsar se struc-turer sous l’impulsion de la Ligue pour la protection des oiseauxet du ministère en charge de l’environnement. Ce réseau vise lamutualisation, l’échange, la valorisation des meilleures pratiquesau bénéfice de l’ensemble des gestionnaires de zones humides.Le cadre est posé. Cohérent mais incomplet. Il donne le sens del’action mais reste flou sur les ambitions et les moyens pour lesservir.À nous, gestionnaires, scientifiques, décideurs et usagers deszones humides, de nous en saisir pour inventer ensemble unegamme de futurs possibles à ces milieux d’exception. ●1. Source : convention sur la diversité biologique.

ZONES HUMIDES

Mobilisation !

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6 Espaces naturels n°32 octobre 2010

TOUR D’HORIZONS I L’ESSENTIEL

À VOIR Encore quelques jours(30 octobre) pour aller admirer,«grand format», sur les grilles duMuséum national d’histoire naturelle,près de soixante-dix photographiesdédiées aux inventaires de labiodiversité. Trois milieux sontreprésentés : jardin des plantes,parc régional, région Mozambique.

À NOTER Un groupement d’intérêtscientifique (Gis) axé sur l’étude de lacouleur de l’océan vient de se créer.Ce Gis veut comprendre les relationsentre changements climatiques etorganismes du plancton marin. Ilrésulte d’une coopération entre leCNRS, le Centre national d’étudesspatiales et la société ACRI-ST.

À SAVOIR Le 3 juin, la Commissioneuropéenne poursuivait six pays, dontla France, devant la Cour de justiceeuropéenne pour non-transpositionde la directive 2007/2/CE. Cettedernière établit une infrastructured’information géographique visant àfaciliter l’accès aux donnéesrelatives à l’environnement.

CONSERVATION

L’Unesco désigne treize nouvellesréserves de biosphère

Le 2 juin dernier, le Conseil international de coordination duProgramme de l’Unesco sur l’Homme et la biosphère (Mab)a ajouté treize nouveaux sites et sept extensions, répartis

sur quinze pays, au réseau mondial de réserves de biosphère.Celui-ci compte désormais 564 sites répartis dans 109 pays.Ces zones sont désignées pour y tester différentes approches de gestion intégrée des ressources et de la biodiversité.Parmi les nouveaux sites : le Kafa, en Éthiopie (le premier sitedans ce pays, 700 000 ha), abrite plus de la moitié desécosystèmes encore existants dans les forêts d’altitude ducontinent africain. Berceau du caféier d’Arabie, espèce rare etdangereusement menacée, le Kafa est un trésor scientifique,économique, esthétique et culturel. Des partenariats entre lessecteurs public et privé y ont été instaurés avec succès pourencourager la croissance économique et l’utilisation efficace desressources ; ils peuvent servir de modèles pour de nouvellesinitiatives, notamment pour la production et lacommercialisation durables de café.En France, le réseau des réserves de biosphère, établiprogressivement depuis 1977, compte dix sites : archipel de laGuadeloupe ; Mer d’Iroise ; Vosges du Nord-Pfälzerwald(transfrontalière avec l’Allemagne) ; Commune de Fakarava(Polynésie) ; Cévennes ; Mt Ventoux ; Camargue (delta duRhône) ; Fango (Corse). L’agrandissement important de deuxd’entre eux a été officiellement approuvé par ce dernier Conseilinternational du Mab : Luberon-Lure et Fontainebleau-Gâtinais.Le Mab a pour mission d’expérimenter des approchesécologiques, sociales et économiques pour concilierconservation de la biodiversité et développement humain.Encourageant la prise de décision participative, il s’appuie surson réseau mondial de réserves de biosphère comme outild’échange de connaissances, de recherche et de surveillancecontinue, d’éducation et de formation. ●

Agnès Bardon Bureau de l’information - [email protected]

Cérénomie ducafé. Éthiopie. ©

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CONSERVATION

Un plan d’actions pour le phragmite aquatique

En juin dernier, la France signait lememorandum d’accord internationalpour le passereau le plus menacé

d’Europe continentale : le phragmite aquatique(inscrit par l’UICN en liste rouge mondiale).Notre pays rejoint ainsi douze autres pays

signataires de l’accord proposé en 2003 par leprogramme des Nations Unies pourl’environnement (PNUE) sur la conservationdes espèces migratrices. À l’occasion de cette réunion internationale, unplan d’action a été validé. Les gouvernementsse sont engagés à adopter des mesures pourprotéger l’espèce, ses sites de reproduction etses zones d’hivernage.En France, le plan d’action (2010- 2014) estpiloté par la Diren Bretagne. En effet, notrepays accueille probablement 100 % de lapopulation mondiale de cette espèce en août etseptembre, sur la façade Manche-Atlantique.Ce plan s’est fixé des objectifs chiffrés. Il veutobtenir une proportion satisfaisante d’habitatsfavorables à l’alimentation de l’espèce. Àsavoir, 10 % de roselière haute lorsque lasurface du site excède 1 000 ha • 15 % deroselière haute lorsque sa surface estcomprise entre 500 et 1 000 ha • 20 % deroselière haute lorsque sa surface estinférieure à 500 ha.Si la roselière est absente du site ou si elle estpeu représentée, l’habitat de référence seracelui qui se prête le mieux à une restaurationde la prairie humide haute hétérogène,faiblement inondée en été. ●

[email protected]

Phragmiteaquatiquemâle dansle ParcnationaldeBiebrza(Pologne,juin 2005).

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TOUR D’HORIZONS I L’ESSENTIEL

DROIT

Des chauves-souris dans les mines orphelines

Les Dreal devront prendre en comptel’existence des chauves-souris lors dela mise en sécurité des mines

orphelines (l’exploitant a disparu, l’État s’entrouve responsable). En effet, la circulaire du14 octobre 2009 (BO Meeddm n°23, NOR:DEVP0924681C - 25/12/2009) fait état de lanécessité de réaliser une expertisefaunistique sur un cycle biologique complet :période de transit, d’hibernation, de mise-bas. Ce suivi doit aboutir à des propositionsd’aménagements favorisant le libre passagedes populations protégées inventoriées dansces cavités. ●

Audrey Tapiero - Chargée de mission Plan national d'actions Chiroptères

Petit rhinolophe.

“Ikéa condamné pour destruction d’espècesprotégées. Le 8 juillet dernier, le groupe

d’ameublement Ikéa a été condammé par le

tribunal correctionnel d’Aix-en-Provence à

30 000 euros d’amende dont 10 000 avec sursis.

En 2008, alors qu’elle construisait une plateforme

logistique à Fos-sur-Mer, l’entreprise avait détruit

plusieurs espèces de fleurs, d’oiseaux et de

reptiles, alors que l’autorisation préfectorale ne

portait que sur des espèces d’orchidées dont le

groupe s’engageait à compenser la destruction. ●

http://www.lemonde.fr

BIODIVERSITÉ

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DROIT

La loi Grenelle reconnaît les Conservatoires d’espaces naturels

La loi Grenelle 2, adoptée en juillet dernier (voir page 42),reconnaît les conservatoires d’espaces naturels (art. 129).En effet, ceux-ci peuvent être spécifiquement agréés par

l’État et les conseils régionaux (art L. 414-11 du code del’environnement). Cet agrément devrait consolider les actions dece réseau qui contribuent à la préservation de plus de 2 000sites naturels en France.En effet, les Conservatoires d’espaces naturels œuvrent depuisune trentaine d’années à la protection des espèces et desespaces naturels. Ils ont développé leurs actions autour duconcept de partenariat et de consensus en lien étroit avec lescollectivités territoriales et les acteurs socio-économiques dansdes logiques de conservation qui allient démarche foncière etconventionnelle. Le réseau cherchait, depuis des années, àrenforcer et rendre plus lisibles ses actions à travers unereconnaissance spécifique. C’est chose faite.La loi Grenelle 1 avait déjà répondu en partie à cette attente enmentionnant les Conservatoires d’espaces naturels dans sonarticle 24 consacré aux trames vertes et bleues. La loi Grenelle2confirme donc cette reconnaissance confirmant la place desConservatoires parmi les acteurs pertinents de la conservationde la nature. Elle favorisera la lisibilité et renforcera lacomplémentarité avec tous les autres acteurs pour donner à labiodiversité la place qu’elle mérite dans les politiquesterritoriales, et plus généralement dans les politiquespubliques, en lien avec sa fédération nationale. Un décretd’application devrait paraître début 2011. ●

Bruno Mounier Directeur Fédération des conservatoires d’espaces naturels

C’est le nombre de couples d’ibis falcinelledécouvert en Camargue cette année. Alorsque l’oiseau n’était plus connu comme ni-cheur en Camargue depuis 1996, en juin 2006une population reproductrice de 14 couples

a été découverte au centre du Scamandre. Depuis lors, cettecolonie n’a cessé d’augmenter : elle est passée de 14 couplesen 2006, à 196 en 2009. Cette année 2010 n’a pas contredit latendance : 379 couples sont installés aujourd’hui dans la coloniedu Scamandre. ●

379EN CHIFFRE

La découverte decette populationnicheuse d’ibisfalcinelle a étéfaite dans lecadre duprogramme«Suivi à longterme despopulations dehéronsarboricoles deCamargue »mené par la Tour du Valat.

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8 Espaces naturels n°32 octobre 2010

TOUR D’HORIZONS I L’ESSENTIEL

CONSERVATION

Encore quelques jours et lacréation d’un réseaud’expertise internationale sur

la biodiversité appelé «Plateformeintergouvernementale sur labiodiversité et les servicesécosystémiques» (IPBES) devraitêtre effective. En effet, réunis le11 juin à Pusan (Corée du Sud) dans

le cadre du programme des NationsUnies pour l’environnement, lesquatre-vingt-dix gouvernements ontadopté une recommandationfavorable à la création de ce réseausur le modèle du GIEC, le Grouped’experts intergouvernemental surl’évolution du climat.L’Assemblée générale des Nations

Unies doit à son tour adopter cetterecommandation.Le risque de rejet ne peut être exclu,mais il semble très mince. L’idée decette plateforme, dont l’objet estd’éclairer les décisions desgouvernements, est née en 2005,après la publication de l’Évaluationdes écosystèmes pour le millénaire. ●

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TECHNIQUE

Création d’une pince à arracher les buissons

Dans le cadre d’un programme visant à conciliervalorisation agronomique des prairies,préservation de leur biodiversité et maintien

des paysages ouverts, le Parc naturel régional duHaut-Jura a mis en place des formations sur lagestion des pelouses sèches à l’attention desagriculteurs et a accompagné la création d’unprototype de pince à arracher les buissons ! Cet outil,« la débuissonneuse », permet de restaurer lesespaces en cours d’embroussaillement sans altérerdurablement le sol superficiel et en évitant le recoursaux phytosanitaires, avant d’en assurer l’entretien parpâturage. Un brevet a été déposé. Une entrepriselocale a été installée et utilise depuis 2005 cet outilsur plusieurs centaines d’hectares. ●

Anne-Sophie Vincent - [email protected]

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POLITIQUES PUBLIQUES

La filière biodiversité se structure

L’État veut promouvoir une filière professionnellebiodiversité. Il vient de lancer une étude visant à laconnaissance de ce secteur. Celui-ci, en plein

essor, pourrait générer de 20 000 à 30 000 postes d’ici2020. Une convention tripartite a été signée le 1er juilletdernier entre le secrétariat d’État en charge destechnologies vertes et des négociations sur le climat,l’Aten et l’Afpa. ● Marie-Mélaine Berthelot

Un réseau d’expertise internationale sur la biodiversité

SCIENCES PARTICIPATIVES

Bilan prometteur pour l’opération Escargot

Àl’appel du Muséum national d’histoirenaturelle et de Noé conservation, 701personnes se sont portées volontaires

pour observer les escargots afin d’en faire unindicateur de suivi de la biodiversité. Après uneannée de tests, l’opération s’est révéléeprometteuse. Les escargots répondent bienaux facteurs environnementaux. Ils sont plusabondants dans les jardins présentant uneforte diversité de plantes, mais supportent mall’urbanisation. Seule exception, le petit-gris,espèce la plus souvent notée par lesobservateurs, qui est aussi abondante dans lesjardins urbains que ruraux. Ces résultatsmontrent le potentiel de l’opération Escargotspour évaluer l’impact de l’Homme sur labiodiversité commune. Nombre de relevésd’escargots fournis par les observateurs : 966.Nombre moyen d’espèces observées parjardin : 5. ● www.noeconservation.org

OBSERVATOIRE : JARDINS SUIVIS EN 2009

Comme les papillons, les escargots contribuent à l’équilibre denos milieux naturels : ils participent à la création de l’humuset donc au maintien de la qualité du sol.

● Suivi papillons● Suivi escargots

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TOUR D’HORIZONS I L’ESSENTIEL

RECHERCHE

L’impact des infrastructures de transportComment une infrastructure de transport terrestreimpacte-t-elle le paysage du point de vueenvironnemental et sociétal ? Quelles sont lesmeilleures échelles d’étude pour évaluer ces impacts ?Le programme Intermopes 2009-2011 veut répondre. Ilrassemble des chercheurs (Cemagref, Cefe, Cete), desnaturalistes (CEN du Languedoc-Roussillon), desbureaux d’étude (Biotope et Alisé géomatique) afind’intégrer des connaissances naturalistes et dedévelopper des contacts avec les acteurs locaux. ●[email protected]

SCIENCES

Un cachalot géant du miocène découvert au PérouLe registre fossile des cachalots n’avait pas encorelivré tous ses secrets ! Lors de fouilles organiséesdans le désert d’Ica (sud du Pérou) par une équipeinternationale, les restes d’un très grand cachalotfossile ont été mis au jour sur le site de CerroColorado, dans des couches du miocène (12-13 millionsd'années). ● Estelle Merceron MNHN

CONSERVATION

Ouverture du portail d’informations sur les zones humideswww.zones-humides.eaufrance.fr : le portail nationald’accès aux informations sur les zones humides a vule jour. Le site dresse un panorama des fonctions, desmenaces et de la réglementation qui s’y applique. Ilapporte également des informations sur les outils etstructures compétentes pour mener des actions depréservation et de restauration. ●

POLITIQUES PUBLIQUES

Qu’est-ce qui se trame ?Pour s’informer sur l’actualité de la Trame verte etbleue: la newsletter éditée depuis mars par laFédération des PNR de France. Depuis 2005, un grouped’échange national associe 150 acteurs impliqués dansla mise en œuvre de trames avec le soutien du Réseaurural français. S’abonner : www.parcs-naturels-regionaux.fr/lettretrameverteetbleu ●

“La Fondation Nicolas Hulot a lancé la plate-

forme internet « J’agis pour la nature ». Elle

permet aux structures de déposer et gérer leurs

offres d’écovolontariat directement en ligne et

aux citoyens de trouver très facilement un projet

de volontariat répondant à leurs attentes.

http://www.jagispourlanature.org •

TEXTO

SCIENCES

Le changement climatiqueprovoquerait plus de pluies extrêmes

On appelle « pluies extrêmes » les épisodes pluvieuxcourts mais de très forte intensité, qui sont souvent àl’origine de crues. Ces événements étant rares et

donc peu observés, il est difficile d’en étudier les tendancesévolutives de façon directe. Afin d’estimer si lesprécipitations extrêmes tendent à se multiplier, deschercheurs du Cemagref utilisent un modèlemathématique : le générateur de pluies. Outre sa capacité àreproduire statistiquement les épisodes de pluies passés,cet outil permet d’évaluer la probabilité de retour despluies extrêmes, susceptibles d’être à l’origined’événements dangereux. Cette analyse, portée sur desobservations de longues séries de pluies quotidiennesfournies par Météo-France, révèle une tendance actuelle àl’augmentation du nombre de pluies extrêmes surl’ensemble de la France, excepté le pourtourméditerranéen.Cette approche a ensuite été couplée avec des sorties demodèles climatiques, en s’appuyant sur des scénariosmétéorologiques estimés pour 2050 et 2100. D’après lespremiers résultats, le nord de la Lorraine et l’est desCévennes pourraient ainsi connaître un risque accrud’épisodes pluvieux intenses au cours du 21e siècle. ●Patrick Arnaud - Philippe Cantet [email protected]

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Crue du Rhône, décembre 2003.

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Reconstructiondu crâne et des

mandibules du cachalot.Les partiespréservées

sont colorées.Les plus

grandes dentsmesurent plusde 36 cm pour

un diamètrepouvant

atteindre 12 cm !

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10 Espaces naturels n°32 octobre 2010

TOUR D’HORIZONS I TERRITOIRES

© L. Mignaux - Meeddm

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CORSE

Le premier parc marin international

Le 15 juin dernier, les ministres français et italien del’environnement ont, ensemble, annoncé leurvolonté de créer le Parc marin international des

bouches de Bunifaziu (entre Corse et Sardaigne). À cettefin, ils formaliseront un groupement européen decoopération territoriale (GECT) entre le Parc national del’archipel de la Maddalena, en Sardaigne, et l’Office del’environnement de la Corse, gestionnaire de la Réservenaturelle des bouches de Bunifaziu. Les ministres demandent à l’Onu d’interdire le passagedans ce détroit aux navires transportant des matièresdangereuses (130 000 tonnes de marchandisesdangereuses par an), quel que soit leur pavillon. Dansl’attente, ils saisiront l’Organisation maritimeinternationale d’une demande de classement desbouches de Bunifaziu en Zone maritime particulièrementvulnérable (ZMPV). ● www.developpement-durable.gouv.fr

VANOISE ET GRAND PARADIS

Vers un diplôme commun

Les parcs nationaux de la Vanoise et du

Grand Paradis (Italie) préparent

l’obtention commune du diplôme

européen des espaces protégés. Délivré par le

Conseil de l’Europe, ce diplôme est une

reconnaissance (instituée en 1965) attribuée aux

espaces protégés les plus remarquables par

leur patrimoine naturel et paysager et par la

valeur de leur protection. Le Parc national de la

Vanoise en bénéficie depuis 1976 et le Parco

nazionale Gran Paradiso, en Italie, depuis 2006.

Jumelés depuis 1972, les deux parcs coopèrent

pour une protection cohérente et concertée de

l’espace transfrontalier de 270000 hectares.

Le règlement d’octroi du diplôme européen

permet l’attribution d’un diplôme unique dans

le cas d’une zone transfrontalière, à la condition

de l’appui des États intéressés. Cette attribution

serait d’une haute portée symbolique. Une

entité forte se révèle à travers une histoire et

une culture montagnarde partagées, ancrées

dans une continuité biogéographique.

À l’occasion de la procédure quinquennale de

renouvellement de ce diplôme, l’expert

mandaté par le Conseil de l’Europe, Pierre

Hunkeler, a effectué sa mission d’examen in

situ en juillet dernier. Il a pu constater que ce

rapprochement, souhaité de longue date, s’était

fortement renforcé. L’idée d’un futur parc

européen transfrontalier prend forme

progressivement. ● Philippe Traub

Directeur du Parc national de la Vanoise

EN CHIFFRE - ILE DE FRANCE

C’est le pourcentage duterritoire régional d’Île-de-France classé en parcnaturel régional. Depuis

vingt-cinq ans, la Région Île-de-France s’est en-gagée dans la création de parcs naturels régio-naux : Haute Vallée de Chevreuse (créé en 1985),Vexin français (1995), Gâtinais français (1999), Oise-Pays de France (2004). Ils engagent près de 200communes mais aussi les quatre départements dela grande couronne d’Île-de-France. ●

© Arnaud Bouissou - Meeddm

14 %Le musée de Solutré (71) présente les collections d’un des plus riches

gisements préhistoriques d’Europe : un site de chasse fréquenté pendantplus de 25 000 ans par des hommes du paléolithique supérieur (de

35 000 à 10 000 ans av. J.-C.) qui sont venus chasser, dépecer et boucaner desmilliers de chevaux et de rennes. Aménagé sur le gisement archéologique, leParc archéologique et botanique de Solutré permet de découvrir une grandevariété d’espèces végétales caractéristiques du milieu naturel et les résultatsessentiels des recherches archéologiques. ●

Signalétiqueoriginale àl'entrée duMuséedépartementalde préhistoire.

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Zone de protection renforcée des Lavezzi,Réserve naturelle des bouches de Bunifaziu.

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Espaces naturels n°32 octobre 2010 11

TOUR D’HORIZONS I TERRITOIRES

TEXTO

BESANÇON

Dick, Louette et Clochette en transhumanceDès que les chèvres municipales deBesançon partent entranshumance, un cortège derandonneurs les accompagne.L’événement permet de sensibiliserla population à l’importance desmilieux ouverts. Depuis 2007, laville confie le débroussaillement deses collines à 60 chèvres et à leurberger, M. Moustache. Uneconvention lie la ville et l’éleveur.Surfaces pâturables : 24,48 ha. ●[email protected]

BÉRRY

Brigade contre les invasivesLe Parc naturel régional de Brennea engagé une brigade de luttecontre les espèces exotiquesenvahissantes (écrevisse deLouisiane, jussie...) : quatre agentsà temps partiel, dont deux contratsd'avenir. Ce travail, réalisé enpartenariat avec les propriétaireset pisciculteurs, s’accompagned’actions de sensibilisation. ●02 54 28 12 12

FRANCE ENTIÈRE

Concours Prairies fleuriesTreize parcs naturels régionaux etcinq parcs nationaux ont participéentre avril et juillet 2010 aupremier concours agricole nationalde prairies fleuries. Ce concoursvise à récompenser lesagriculteurs dont les prairiesnaturelles de fauche ou depâturage concilient intérêtécologique et valeur agronomique.Remise des prix le 21 octobre àl’Assemblée permanente deschambres d’agriculture (APCA). ●www.prairiesfleuries.fr

LANGUEDOC-ROUSSILLON

Un life lagunaireCet été, le CEN et le GraineLanguedoc-Roussillon ont sillonnéles plages. Des professionnels del'éducation à l'environnementétablissent le contact avec lesusagers de milieux lagunaires etdunaires. Des animationspédagogiques inscrites dans le cadredu projet européen Life+Lag'nature. ●

< Jussie.

VERCORS

Trois petits gypaètes réintroduits

Le 6 juin dernier, trois oisillons gypaètes ont été déposés dans une cavité des falaises de Treschenu-Creyers (Vercors). Conduite par le parc naturel régional, l’opération de réintroduction

durera cinq ans. Elle s’appuie sur une des particularités de l’espèce qui estphilopatrique, c’est-à-dire très fidèle à son lieu de naissance. La méthodede lâcher utilisée est dite du taquet. Elle consiste à nourrir de jeunesoiseaux dans une cavité aménagée, avant que leur instinct ne les pousse às’envoler. Les oisillons originaires de France, Autriche et RépubliqueTchèque sont âgés de trois mois. Ils ont eu un mois pour s’imprégner del’environnement dans lequel ils reviendront certainement nicher une foisadultes. Le projet du Vercors devrait permettre la création d’un corridorentre les Alpes et les Pyrénées. ● [email protected]

Le marais poitevin voit la création d’un établissement public

d’État pour la gestion de l’eau et de la biodiversité (loi

Grenelle 2).• Sur l’île d’Europa (France) dans le canal du

Mozambique, quinze militaires détachés veillent sur les tortues

qui viennent pondre sur ces rivages. • La faune de la Réunion

est hautement menacée, tels sont les premiers résultats de la

Liste rouge nationale en outre-mer. • La Réserve naturelle de

Cerbère-Banyuls (66) met en ligne plusieurs études scientifiques

effectuées dans son périmètre. www.cg66.fr/143-etudes-

scientifiques.htm • Le label Parc naturel régional a été

reconduit pour douze ans pour le territoire de la Forêt d’Orient et

celui du Queyras. • La forêt domaniale de Meudon vient de se

doter d’un sentier accessible à tous publics. • La première

expédition Méditerranée en danger est partie le 10 juillet pour

quatre ans sur un voilier transformé en plate-forme scientifique.

L’objet ? Anticiper l’impact des déchets plastiques.

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Romain Renoux a repris le postede directeur de la Réserve naturellenationale de Saint-Martin (tenuprécédemment par Nicolas Maslach)quittant pour cela le WWF.

[email protected]

Françoise Maillet a rejoint lebureau Natura 2000 au ministère del’Écologie. Elle remplace Wally Rosellà l’animation du réseau. Elle étaitauparavant en poste au laboratoire

central des ponts et chaussé[email protected]

Olaf Holm Nouveau directeur duPNR de la Montagne de Reims. Il quittele poste de chargé de mission Europe àla Fédération des PNR de [email protected]

Thomas Petitguyot a pris sesfonctions de chef du bureau desmilieux aquatiques au ministère encharge de l’écologie. Il remplace GillesVan Peteghem.

[email protected]

Antoine Cadi a rejoint la Ligue pour la protection des oiseaux dont ilpréparera le centenaire en 2012. Il était précédemment conseillertechnique au cabinet de Chantal

Jouanno. [email protected]

12 Espaces naturels n°32 octobre 2010

TOUR D’HORIZONS I LES GENS

Communication positive

Jusqu’à la fin des années 1980, la communication liéeau développement international visait surtout à dénon-cer les échecs, avec des discours souvent alarmistes

sur l’effet des sécheresses, la faim dans le monde, les défisagricoles, le déclin des espèces emblématiques, etc. Le dé-veloppement socio-économique dominait les agendas et«l’arbre à problèmes» restait l’outil essentiel de formulationdes programmes. Selon cette logique, on a souvent assimilédéveloppement et problème, on a confondu besoins et at-tentes, on a souvent oublié que les peuples possèdent desacquis et des valeurs dont les espaces naturels font partie.Depuis la fin des années 1990, les développeurs s’oriententvers la communication positive. Les success stories devien-nent un outil de solution, d’émotion constructive, qui permetde faire passer les messages moins positifs avec optimisme.Cette tendance part du constat qu’une communication plutôtbasée sur les problèmes et les échecs n’est pas la stratégiela plus adaptée pour modifier les comportements des ac-teurs, en particulier des décideurs.En effet, le décideur a besoin de faire des choix rapides, demanière préventive plutôt que corrective. Il a besoin, à temps,d’éléments pour choisir l’option optimale dans l’agenda etles priorités politiques, et de solutions pour appuyer et jus-tifier sa décision. Depuis 1997, les Anglo-Saxons développentd’ailleurs l’approche sociale et multi-acteurs Livelihood(moyens d’existence durables), dont le diagnostic et l’analysereposent non sur les problèmes, mais sur cinq acquis :social, humain, économique, capital et naturel. Dans cette mouvance, l’acquis naturel est souvent le grandperdant. Les raisons sont multiples, certaines touchent àla communication.En effet, pour le développeur, l’environnement reste souventdans le registre alarmiste, culpabilisant, voire sectoriel ; endécalage avec sa communication plus positive.La segmentation des métiers du développement et de laconservation maintient aussi le manque d’harmonisationentre les outils, méthodes et terminologies. En effet, lespistes scientifiques et le processus de validation dans l’en-vironnement sont souvent des options de moyen et longtermes. La diffusion de l’information arrive donc souventaprès la décision; d’où le maintien du pessimisme et, in fine,de la faible considération environnementale dans les choix.On regrette encore souvent le peu d’implication des expertsde l’environnement auprès des développeurs. Ils permet-traient, pourtant, de renforcer la connaissance et l’analysede l’acquis naturel et d’influencer les développeurs sur leurterrain. Ainsi, par exemple, le concept de développementlocal est un outil adapté pour mieux protéger et gérer lesespaces naturels. Il s’appuie en effet sur un diagnostic ter-ritorial et humain et intègre les cinq niveaux d’acquis del’approche Livelihood. ●

DES MOTS POUR LE DIRE I CHRONIQUE

Par Laurent Chazee Chef du département Observatoireset politiques zones humides à la Tour du Valat

[email protected]

Christian Barthod

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Monique Dehaudt remplace Ygor Gibelind auministère de l’Agriculture comme chargée de missionespaces et espèces protégé[email protected]

Patrice Hirbec prend le poste de chargé de missionNatura 2000 et partenariats environnement à l'ONF. À ceposte, il remplace Julien Touroult qui rejoint le Muséumnational d’histoire naturelle. [email protected]

Ilquitte son poste de sous-directeur des espacesnaturels à la direction de l’Eau et de la biodiversité le18 octobre pour le conseil général de l’environnement

et du développement durable et l’Autorité environnementale.Le nom de son remplaçant n'est pas encore connu. Christian

Barthod a notamment travaillé à la loi de 2006 sur les parcs nationauxet les parcs naturels marins, à la création des parcs amazoniens deGuyane et de la Réunion ainsi que de l’Agence des aires marinesprotégées. Il a co-animé le Comop Trame verte et bleue. ●[email protected]

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Espaces naturels n°32 octobre 2010 13

TOUR D’HORIZONS I L’ENTRETIEN

Au service des zones humides

“«La grande originalité des zones humides résidedans leur transversalité. »

Tout de go, qu’est-ce qui vousinquiète le plus vis-à-vis de laconservation des zones humides ?Prioritairement ? Les industriesextractives. Les gens ont besoind’énergie et les compagnies vont lachercher là où elle se trouve. Quitte àprendre des risques écologiquesextrêmes.Voyez ce qui arrive aux États-Unis etimaginez la même chose en Afriqueoù les populations vivent de la pêche.La dégradation serait irréversible.Les industries extractives sont trèspuissantes : beaucoup d’argent,beaucoup d’influence… Ni lesdirigeants politiques ni lesutilisateurs n’auraient assez de poidspour faire face aux compagnies quiagiraient comme bon leur semble.Aussi, pour réussir, nous devonsœuvrer avec elles et non contreelles.Nous travaillons donc pour affinerdes partenariats avec le privé. Maisnous y allons prudemment, dans lerespect de principes arrêtés en 2008,lors de 10e conférence des parties.

Quel est l’atout maître ?Nous appréhendons l’action enfaveur des zones humides dans lecadre du bassin hydrologique.Cette vision plus large permet de

prendre en compte tous les intérêts et toutes les activités liées à ceszones. Elle permet également deprocéder à une approcheinternationale. Prenons le cas del’Okavango au Botswana (Afriqueméridionale). Ce site est dans undésert. L’eau arrive principalementd’Angola. Elle traverse aussi laNamibie. Deux pays qui ont de trèsgrands besoins d’eau.Si l’on veut gérer correctementl’Okavango, il faut comprendre lecontexte social et international.Et il y a beaucoup d’intérêts…Regardons la pêche par exemple.Qu’allez-vous privilégier ? La pêchede subsistance pratiquée par despopulations pauvres ? La pêchecommerciale ? La pêche sportivepratiquée par des touristes ?Conserver le milieu peut aboutir àprendre des décisions visant àempêcher la pêche de subsistance.C’est tentant : le tourisme estproducteur de richesse.Pourtant cette solution n’est pas« durable ». Oublier les populationsautochtones, c’est créer une tensiontelle qu’à un moment donné les gensn’auront plus rien à perdre.Gérer les zones humides, c’est doncun long processus qui inclut lesquestions sociales, économiques,

culturelles et même politiques.Pour l’Okavango, notre démarchepour un plan de gestion date de 2003.Pour éviter l’hégémonie d’un payssur un autre pour s’approprier l’eau,une commission internationale destrois pays est chargée de gérerl’ensemble du bassin. Ramsar est làpour appuyer.C’est parce que nous considérons lazone humide dans son contexte qu’ilest possible de faire valoir sesvaleurs aux yeux de différentsintérêts afin que ceux-ci convergentvers la conservation et l’utilisationdurable.

Pourquoi mettre toute cette énergieau service de ce seul écosystème ?Parce qu’il est tranversal. Je vousexpliquais sa dimensioninternationale et le fait qu’il toucheaux intérêts des différents acteurséconomiques. Mais les zoneshumides sont aussi présentes enforêt, en montagne, dans lessavanes, les déserts… Elles fontpartie de l’équilibre d’autresécosystèmes. Autrement dit, gérerefficacement les zones humidessuppose de gérer avec ceux quis’occupent d’autres écosystèmes.Par ailleurs, ces zones touchent àdes problématiques sociales,sanitaires, économiques, ou encorede sécurité alimentaire.Il faut 1 000 litres d’eau pour produireun litre de lait ou 14 000 litres pourun kilo de viande. On comprend bienque traiter de l’eau, c’est traiter d’unélément vital.

Une raison d’espérer ?Il fut un temps où les gens pensaientqu’il fallait faire disparaître les zoneshumides. Aujourd’hui, leur valeur estreconnue. Je vois, j’entends, que lespopulations comprennent qu’elles nepeuvent subsister sans zoneshumides saines et productives. ●

La convention de Ramsar

La convention sur les zones humides d’importance internationale estun traité intergouvernemental qui sert de cadre à l’action nationale età la coopération internationale pour la conservation et l’utilisation

rationnelle des zones humides et de leurs ressources. Le traité a été adoptédans la ville iranienne de Ramsar, en 1971 ; il est entré en vigueur en 1975.C’est le seul traité mondial du domaine de l’environnement qui porte sur unécosystème particulier et les pays membres de la convention couvrenttoutes les régions géographiques de la planète.Le concept d’utilisation rationnelle des zones humides est profondémentancré dans la philosophie de Ramsar, à savoir : le maintien descaractéristiques écologiques de ces zones, obtenu par la mise en œuvred’approches par écosystème dans le contexte du développement durable. ●

Anada TiegaSecrétaire général de la Convention internationale de Ramsar

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Les deux sites pilotes se si-tuent au Maghreb. En 2005,une équipe de la Tour du Valat

est missionnée pour doter d’un plande gestion la zone humide de l’em-bouchure de la Moulouya, au Maroc,et celle d’El Kala, en Algérie.L’approche veut être celle d’unegestion intégrée1. Il s’agit donc,concrètement, de mener une dé-marche de dialogue avec la sociétécivile pour aboutir à la signatured’un contrat d’espace littoral.Quatre ans plus tard, l’expérienceachevée, les résultats sont mitigés:sur le site marocain, le développe-ment du projet a conduit à la créa-tion d’un espace de dialogue. Maisin fine, le plan de gestion n’est tou-jours pas signé. A contrario et mal-gré une difficile mobilisation desparties prenantes lors de la phaseinitiale, dix administrations gou-

14 Espaces naturels n°32 octobre 2010

TOUR D’HORIZONS I VU AILLEURS

MAROC - ALGÉRIE

Gérer les zones humides sensibles dans une approche de gestionintégrée et mettre en place un plan de gestion... L’expérienceconduite entre 2005 et 2009 se déroule à la fois au Maroc et enAlgérie. Leçons…

vernementales locales ont signé lecontrat d’espace littoral du site al-gérien. Une cellule locale a été miseen place. Quelles leçons tirer decette double expérience ?

Le bon site. La sélection du siteconstitue une étape essentielle pourle bon déroulement du processus.Un certain nombre de critères doi-vent permettre d’évaluer le potentielde réussite du projet. Ainsi, le sitemarocain a été sélectionné pour larichesse de l’embouchure de laMoulouya. Les enjeux de conserva-tion ont donc bien été pris encompte d’autant que le programmepoursuivait un projet précédent(MedWetCoast) jugé non abouti. Ce-pendant, le site a été retenu en dépitde changements prévus ; ceux-ciayant des incidences rapides surl’écosystème. En effet, le roi du Ma-

roc avait retenu cette zone pour yimplanter une importante cité bal-néaire (plan Azur). Les enjeux éco-nomiques ont alors primé sur lerisque écologique. Une station littorale d’une capacité de10 000 touristes/nuit a été construitesur plus de 700 ha en bordure de lazone humide de la Moulouya. La dynamique des acteurs s’en esttrouvée fortement modifiée, ainsique la marge de manœuvre des ac-teurs environnementaux.

Les conditions du montage. Desprises de contact précoces et uneconnaissance fine du contexte socialet des acteurs sont primordiales.Mieux, la possibilité de s’appuyersur une personne, ou un groupe, fa-milière des sites et des contextessocio-politico-culturels participe àla solution pour limiter les écueils.Ces besoins s’accommodent mald’un montage à distance.L’implication des experts locauxs’avère donc indispensable. Maiselle demande de traiter des diffi-cultés, parfois insurmontables. Surles deux sites et malgré les efforts,

Réalités sur la mise en place d’une gestion intégrée des zones côtières

L E C O N T E X T E

Quatorze pays, ainsi que l’Union européenne, ont signéle protocole relatif à la gestion intégrée des zonescôtières de la Méditerranée (voir

encadré page 15). Pourtant, mal-gré la bonne volonté des payssignataires, les exemplesde terrain restent limités.En 2005, la Tour du Valat,en partenariat avec le dé-partement de l’Environne-ment du Royaume du Marocet la direction générale des Fo-rêts de la République algérienne,ont développé un projet intitulé «Des zoneshumides sensibles associées à une approche de gestionintégrée de zones côtières». Prévu sur une durée de quatreans, ce projet a été financé par la Commission européenne*.

L’objet principal de ce projet piloté par l’administration étaitd’initier un processus de concertation intersectoriel et as-

sociant la société civile. Le but étant d’aboutirà la formulation d’un plan de gestion

et d’un contrat moral de gestion(dit Contrat d’espace littoral).

L’expérience portait sur deuxsites pilotes situés au Ma-ghreb : l’embouchure de la

Moulouya au Maroc et la zonecôtière d’El Kala en Algérie. Deux

sites comportant des zones hu-mides côtières de haute valeur patrimo-

niale et soumises à diverses pressions. Cinq ansplus tard, le projet est clos ; il est possible de procéder àune première analyse et d’en tirer quelques leçons. ●

* Dans le cadre du programme Smap III

Des zones humides sensibles

MAROC

Embouchure de la Moulouya

Parc nationalEl Kala

ALGÉRIE

ESPAGNE

TUNISIE

Page 15: Réconcilier nature et paysage

civile, ONG, universitaires… se sontfortement impliqués. Les autoritéslocales et gouvernementales, enrevanche, sont restées en retraitjusqu'à l’étape de validation. Cette appropriation tardive n’a paspermis d’aboutir à la signature duplan de gestion et du contrat d’es-pace littoral. Là encore, une connais-sance fine des acteurs (gouverne-mentaux et non gouvernementaux)aurait facilité leur implication.

Échelle de temps. On s’interrogeraaussi sur la validité d’un processusà long terme, participatif, adaptatif,mené à travers un projet bénéficiantd'un financement à court terme(trois ans). Comment les bailleursinstitutionnels qui promeuvent desdémarches de gestion intégrée deszones côtières peuvent-ils adapterleur logique d'intervention pour sedonner vraiment les chances deréussir ? ●Lisa Ernoul - François MesléardTour du [email protected]

Gouvernance. L’approche du projetsous l’angle de la gouvernance mé-rite, lui aussi, qu’on en tire quelquesleçons. Il semble fondamental derechercher l’implication d’une au-torité locale, à savoir une personneen mesure de prendre des décisionset de valider des processus. Cemanque s’est fait sentir dans le vo-let algérien. L’absence de wâli 2 du-rant les trois premières années, etdonc l’absence de portage de lagouvernance locale, a été un facteurlimitant pour la mise en place desgroupes de travail intersectoriels. A contrario, dans le volet marocain,l’implication du secrétaire généralde la province, même si elle n’estintervenue que la dernière année,a eu pour conséquence une parti-cipation satisfaisante des acteursgouvernementaux. La conduite d’une analyse sur lesjeux d’acteurs avant l’initialisationdu projet aurait probablement per-mis d’identifier les acteurs clés dudialogue et les manques éventuels.Autre aspect important d’une gou-vernance efficiente : la nécessité deveiller à un équilibre entre acteursgouvernementaux et non gouver-nementaux. C’est, du moins, ce quenous révèle l’expérience marocaine.Les réunions ont été organiséeshors heures de travail et les week-ends afin de s’adapter aux agendasde chacun. Et effectivement, société

les partenaires et futurs porteursdu projet n’ont pas participé acti-vement à sa conception.En Algérie, l’expert technique im-pliqué au stade du montage du pro-jet est parti avant son démarrage.Ce changement, et l’absence depersonne référente, ont compliquéla résolution des problèmes admi-nistratifs en début de processusainsi que l’implication des parte-naires par la suite.Au Maroc, le montage a été élaboréau niveau national et sans consul-tation locale. Ce manque d’impli-cation des acteurs locaux avant sonlancement, ainsi que la faible priseen compte des acquis et crispationsissus du projet précédent (MedWet-Coast) n’ont pas été sans consé-quences pour le déroulement duprojet.

Processus participatif. Commentfaire participer la société civile ?Dans la zone d’El Kala, et malgréles efforts (des partenaires bienimplantés ont été sollicités), le pro-jet n’a pas réussi à mettre en placeune démarche de concertationparticipative. Cet échec aurait pro-bablement pu être pondéré avecune implication effective des ac-teurs locaux au moment du mon-tage et une adaptation de celui-cien fonction des spécificités socio-culturelles.

Espaces naturels n°32 octobre 2010 15

1. Le titre exactdu programme : « Des zoneshumidessensiblesassociées à uneapproche degestion intégréedes zonescôtières. »

2. Titre arabede celui quidirige unewilaya,circonscriptionadministrativeprésente enAlgérie.

GESTION INTÉGRÉE DES ZONES CÔTIÈRES

“En Algérie, l’autoroute transnationale du nord del’Afrique a été construite à travers le Parc nationald’El Kala, constituant une barrière entre les zoneshumides côtières et les massifs boisés.

Établie en 1976, la convention de Barcelonevise la protection de l’environnement ma-rin et des régions côtières de la Méditer-

ranée. En 2008, un amendement appelle à la ges-tion intégrée des zones côtières (GIZC). Celle-cis’entend comme « un processus dynamique degestion et d’utilisation durable des zones côtièresprenant en compte simultanément la fragilitédes écosystèmes et des paysages côtiers, la di-versité des activités et des usages, leurs inter-actions, la vocation maritime de certains d’entreeux, ainsi que leurs impacts à la fois sur la partiemaritime et la partie terrestre ». ●

© Lisa Ernoul

À l’embouchure de la Moulouya(Maroc), une station touristique aété construite sur plus de 700 haen bordure de la zone humide.

Page 16: Réconcilier nature et paysage

lire

16 Espaces naturels n°32 octobre 2010

TOUR D’HORIZONS

LA RESTAURATION ÉCOLOGIQUEPour nous faire mieux connaître la restauration

écologique, les auteurs identifient d’abord lesfondements sur lesquels elle repose et les

principes qui régissent sa pratique. Ils explorentensuite les différentes valeurs qui sous-tendent

les projets de restauration, et examinent enfin lastructure de cette profession émergente. Entre

les différents chapitres du livre, des « visites deterrain » nous entraînent aux quatre coins du

monde pour découvrir des exemplesd’écosystèmes restaurés. ● A. F. Clewell,

J. Aronson • Actes Sud • 352 pages • 28 euros

AMÉNAGEMENT DU TERRITOIREET DÉVELOPPEMENT DURABLE

« Les collectivités françaises de l’espace Amazonie-Caraïbe en quête d’un projet

territorial. » L’ouvrage est issu du colloqueorganisé en 2007 par le Centre de recherche surles pouvoirs locaux dans la Caraïbe. À noter : la

seconde partie qui traite du lien entre identitéterritoriale, structure institutionnelle et

dynamique locale. La quatrième partie ouvre ledébat sur les Espaces naturels sensibles : atouts

ou contraintes pour le développement desterritoires ? ● Dirigé par M.-J. Aglaé • Éditions Cujas

• 490 pages • 25 euros

GUIDE DE LA FLORE DES ALPES-MARITIMES, DU MERCANTOUR À LA MÉDITERRANÉE

Synthèse des connaissances actuelles sur labiodiversité des Alpes-Maritimes, ce guidepermet d’identifier aisément près de 2000

espèces de flore sauvage (ou cultivées hors desjardins), toutes photographiées et enrichies d’une

carte de répartition. Malgré une nouvellenomenclature, les synonymes sont conservés

pour établir le lien avec des ouvrages plusanciens. En complément du livre : un cédérom où

sont indexées 500 espèces supplémentaires etqui conduit à une utilisation pédagogique. Pour

tous. ● L. Carles et L. Thébault • Gilletta/Nice-matin •432 pages • 25 euros • Guide + CD-Rom

ENSEIGNER LES SCIENCESSOCIALES DE L’ENVIRONNEMENTCe livre offre des activités,méthodes et cours complets auxenseignants pour former auxproblématiques sociales del’environnement. Il vise à contribuerà la constitution de cursuspluridisciplinaires sur la questionenvironnementale en cours dansnos universités. Un des premiers enlangue francaise dans ce domaine,il réunit une équipe internationaleet multidisciplinaire d’enseignants-chercheurs issue des sciencessociales. ● S. La Branche, N. Milot •Septentrion • 224 pages • 18 euros

LA NATURE POUR MÉTIEREnseignants et inspecteurs dedifférentes disciplines se sontassociés pour concevoir ce manuel àl’usage des candidats au nouveaubac pro agricole « Gestion desmilieux naturels et de la faune »faisant largement contribuer lesprofessionnels de la nature.Témoignages et exemplespermettront aux étudiantsd’appréhender la réalitéprofessionnelle des espaces naturelsprotégés, mais aussi de la natureordinaire qui offre de nombreusesopportunités. Et pour ceux qui iraientvers d’autres secteurs, à y prendreen compte les dimensionsenvironnementales. ●Éducagri éditions • 264 pages •24 euros

LES TRENTE-SIX VUESDE LA SAINTE-VICTOIREDans le cadre de sa résidenced’artiste mise en place en 2009 parle Grand Site, Jean-ChristopheBallot a arpenté la montagneSainte-Victoire jusqu’à s’y fondre,s’y dissoudre, en quête d’unerévélation. De son expérience, augré des quatre saisons et en échoaux Trente-six vues du Mont Fujigravées par Hokusaï, l’artiste aretenu une séquence de trente-sixvues de la montagne en quarante-six tableaux. ● J.-C. Ballot, P. Handke• Gallimard • 127 pages • 29 euros

GESTION

POLITIQUES PUBLIQUES

ESPÈCES

ÉDUCATION

ÉDUCATION

ESPRIT DES LIEUX

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Espaces naturels n°32 octobre 2010 17

« Nous sommes dans une France normativequi tend inlassablement à lisser la vie. »

Louis Espinassous

L A P H R A S E

«Hygiène et environnement. Quand le ridicule tue ! Avez-vous déjà eu la joie de contempler un «pique-nique auxnormes d’hygiène » pour trente ou quarante enfants?

Portions individuelles sous emballages plastiques, barquettes enaluminium individuelles sous vide sous film plastique, moutarde,mayonnaise, sel, poivre, ketchup en emballages individuels,fourchettes, cuillères, couteaux, assiettes, gobelets individuels enplastique, serviettes individuelles en papier, mini-cakes individuelssous aluminium, bouteilles d’eau individuelles en plastique. Demême pour le goûter. En aurais-je oublié ? En général, nous sommesen journée… d’éducation à l’environnement ! On essaie de tout

rassembler et de tout ramener. Mais les fourchettes(entre autres) transpercent les sacs poubelle.Rapidement, un magma peu ragoûtant s’écoule dansles sacs à dos (que donnera-t-il sur le plan hygiéniqueaprès quelques jours de fermentation ?). À l’arrivée auxpoubelles, tout est jeté en vrac tant il est inutile devouloir séparer les quarante portions sous plastiquesdes quarante papiers aluminium des cakes, desquarante… immergés dans les abondants reliefsalimentaires non consommés. Planète clean. » Cetouvrage est un véritable plaidoyer pour l’éducationnature, un témoignage riche d’expériences et deréflexions. ●

Pour une éducation buissonière • Louis Espinassous • Éditions Hesse • 192 pages • 17 euros

ESPRIT DES LIEUX

SAVOIR-FAIRE

LA PHOTO DE PAYSAGEDans ce guide, Frédéric Lefebvredévoile ce qu’il faut savoir pourréussir ses photos de paysages:préparer son voyage, comprendrela lumière, choisir son matériel,maîtriser la composition, gérerles conditions de prise de vue,mais aussi traiter ses images surl’ordinateur et les faire connaître.Avec 200 clichés, 150 schémas,cartes, fiches techniques etétudes de cas, le livre est conçucomme un outil pratique. ●F. Lefebvre • Pearson • 320 pages•25 euros.

Il y a le feu qu’on craint et le feuqui rassure, celui de la naturesauvage, et celui du foyer… Les

agriculteurs sont rejoints par lesgestionnaires d’espaces protégéspour reconnaître l’intérêt de celuique l’on maîtrise : produire del’« herbe propre », maintenir lemilieu ouvert, prévenir les incendies.Dans le Parc national des Cévennes,où protection du site et activités

pastorales sont intrinsèquement liées, le feu est un savoir-fairelocal relayé par les éleveurs, mais pas facilement reconnu parles autres acteurs. L’approche ethnoécologique originale del’auteur met en lumière l’évolution des conceptions et desfaçons d’organiser la flore et la faune qui constituent notreenvironnement. ● Marie-Mélaine Berthelot

Le feu, savoirs et pratiques en Cévennes • Richard Dumez • Éditions Quæ (collection Indisciplines) • 248 pages •32 euros.

FeuL E M O T

ENCYCLOPÉDIE DU LITTORALLe Conservatoire du littoral a fêtéau printemps son 35e anniversaire.Pour retracer, site après site, lechemin parcouru depuis lespremières acquisitions et endresser le portrait, cet ouvrageregroupe et actualise lesmonographies parues depuis 1997.De plus, l’ouvrage a reçu le prix duLivre du tourisme 2010. Organisépar Lire la société, ce prixdistingue un ouvrage valorisant lepatrimoine touristique français.Les beaux livres sont départagéspar un jury international dejournalistes. ●Conservatoire du littoral • Actes Sud• 932 pages •65 euros.

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+18 Espaces naturels n°32 octobre 2010

TOUR D’HORIZONS I LE COURRIER

Le paysage , bien au-delà de l’esthétique

EEn page 26 de ce numéro, un texte de Jean Cabanel(qui la joue un tantinet ancien combattant - çam’arrivera sans doute) m’a fait réfléchir sur le

sens de l’action et du combat en faveur de la prise encompte du paysage. Peut-être, après la loi Paysage, a-t-on manqué de relier très directement ce thème au dé-veloppement et à la biodiversité. Aussi, la notion de pay-sage, hélas, a-t-elle continué son cheminement poétique. Tandis que les directives paysagères peinaient à émerger,les Schémas de cohérence territoriale remportaient unvrai succès comme outil de planification durable. Cepen-dant, pour des raisons culturelles et des difficultés tech-niques à traduire concrètement des recommandations,elles prenaient finalement peu en compte le paysage.Pourtant les écologues, thermiciens, responsables demobilités, consulaires, savaient ce qu’ils voulaient etpouvaient doncentrer dans le débat assez aisément.Depuis, les choses ont changé. Dans l’Est de la France,par exemple, l’élaboration de chartes de paysage a étéconfiée à des agents de développement. Ils ont pris laproblématique à bras-le-corps pour la traiter commeun atout de compréhension du territoire et de connais-sance de ses potentiels et de ses fragilités : réfléchirpaysage, c’est guérir.Ainsi dans les Landes, les arbres tombés suite à la tem-pête Klaus sont des arbres de futaies régulières plantéspour la production avec des chartes forestières expédiées.En revanche, là où les forêts étaient plus anciennes, lesarbres ont tenu car la forêt était maillée, épaisse; lesarbres de différentes espèces et de différentes époques

ont permis de faire renfort, organisés en soutènement. Personne n’est à l’abri d’un risque majeur, mais ce qu’onappelle catastrophe naturelle ressemble de plus en plusà des défauts de conception d’aménagement du territoire,d’urbanisme qui, en amont, témoignent d’une lecturerapide du paysage et des différentes structures et unitésqui le composent. Il me semble a contrario que les parcs et d’autres es-paces, telles les réserves naturelles, ont le sens du pay-sage. Ils savent faire des portées à connaissance, produiredes atlas, les partager avec les habitants (dès l’école),les défendre dans les documents d’urbanisme. Ce qui manque, ce sont des moyens. Difficile de trouverdes crédits pour comprendre le paysage et expliqueraux acteurs locaux son fonctionnement, ses forces etses fragilités.Il faut que celles et ceux qui valident les projets d’inves-tissement reconsidèrent cette richesse ; à commencerpar la prise en compte d’un cadre de vie qui ne donnepas la nausée et qui respecte la vie sous toutes sesformes. C’est ce que propose l’angle du paysage. ●

Nicolas [email protected]

À LIRE

Paysages au pluriel. Pour une approche éthologique despaysages. Éditions de la Maison des sciences de l’Homme,ministère de la Culture, Paris, 1995.

Les « Carnets du paysage » numéro 19 (mai 2010).« Écologies à l’œuvre ». Une première partie (L’écologieen question) propose un état des lieux de la connaissancedans un éventail de points de vue : expertise, recherche,méthodologie. Une deuxième partie (L’écologie à l’œuvre)présente des situations concrètes où se conjuguent desproblèmes écologiques, des stratégies d’intervention aunom du paysage et les conflits qui ne manquent pas d’endécouler. Actes Sud et l’École supérieure du paysage deVersailles. Collectif.

Ce qu’on appelle catastrophe naturelle ressemble deplus en plus à des défauts d’aménagement duterritoire. Et témoigne d’une lecture rapide du paysage.

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Espaces naturels n°32 octobre 2010 19

TOUR D’HORIZONS

ÉDUCATION À L’ENVIRONNEMENT

20 au 22 octobre - Digne-les-bainsL’université de Provence organisece colloque international portantsur «L’éducation audéveloppement durable et à labiodiversité : concepts, questionsvives, outils et pratiques».http://sites.univ-provence.fr/colloque-eddb

GRANDS SITES DE FRANCE

21 au 22 octobre - HéraultC’est au Grand site de Saint-Guilhem-le-Désert que sedérouleront les 12es rencontres duréseau des Grands sites deFrance sur le thème del’écomobilité dans les grandssites.www.grandsitedefrance.com

PHYTOSOCIOLOGIE

3 au 5 novembre - BrestÀ l’occasion du centenaire de laphytosociologie, ce colloquepermettra de faire honneur auxtravaux du professeur Jean-MarieGéhu. Organisateurs : Sociétéfrançaise de phytosociologie etFédération des conservatoiresbotaniques nationaux.www.cbnbrest.fr • 02 98 41 88 95

CONSERVATOIRES D’ESPACES NATURELS

4 au 7 novembre - MontpellierLe 16e congrès desConservatoires d’espacesnaturels aura pour thème :« Prendre soin de la natureordinaire. » Il est co-organisé parla FCEN et le Conservatoire desespaces naturels du Languedoc-Roussillon.www.enf-conservatoires.org

OISEAUX

19 et 20 novembre - AlbiLa LPO organise un colloque surle faucon pèlerin. Les plusgrands spécialistes exposerontleurs connaissances.http://pelerin.lpo.fr

PAYSAGES

20 novembre - ParisUne seconde édition des Étatsgénéraux du paysage sedéroulera au Conseil économiqueet social à Paris.www.etatsgenerauxdupaysage.org

BIODIVERSITÉ ET LITTORAL

24 au 25 novembre - ArcachonLe prochain atelier duConservatoire du littoralconcluera trois ans d’inventairedes faune, flore et habitats, enpartenariat avec le Muséumnational d’histoire naturelle, laLPO et les conservatoiresbotaniques nationaux. Lapratique du conservatoire enmatière de gestion et de suivi dela biodiversité sera confrontée auregard d’experts extérieurs et [email protected]

AIRES MARINES PROTÉGÉES

15 au 17 novembre - La RochellePour le 2e colloque national desaires marines protégées, lesthématiques abordées seront larévision de la stratégie nationale,et l’outre-mer. Le colloque serasuivi du 18 au 20 novembre parles 9e rencontres du forum desAMP dans la Réserve naturellede la baie de l’Aiguillon.www.airesmarines.org

l’agenda

Cette invitation à (re)découvrir la beauté de la nuitest également une opération de sensibilisation dugrand public aux économies d'énergie et à la

protection de la biodiversité nocturne et du ciel étoilé.Des opérations se déroulent dans toute la Franceorganisées par divers acteurs. La carte des animationsest disponible sur le site internet : www.jourdelanuit.fr.Une manifestation doublement d’actualité alors que la loiGrenelle 2, votée en juin, définit un cadre législatif pourlutter contre la pollution lumineuse. ●

SAMEDI 30 OCTOBRE

Le jour de la nuit

Un outil pro pour les pros : lenouvel agenda collaboratifmis en place sur la toile par

l’Aten ! Nombre de colloques,séminaires et autres forums sontorganisés par et pour lesgestionnaires d’espaces naturels etles acteurs de la protection de lanature. Pour s’y retrouver, organiserses propres réunions aux dates lesplus propices, l’Aten propose donc àses membres et partenaires unagenda dynamique.Deux clics et vous trouverez, sousforme d’un calendrier, cet outilcollaboratif. Après s’être inscrit sur lesite, on signalera un événement enrenseignant rapidement unformulaire qui apporte les précisionsutiles : lieux, thématiques,organisateurs, programme…Pour recevoir l’information enfonction de vos préoccupations, unmoteur de recherche est à votredisposition, de même qu’unabonnement via un flux RSS pour setenir au courant en temps réel. ●

http://agenda.espaces-naturels.fr

enligneenligneenligneenligneenligne

L’agendades professionnelsde la nature

Page 20: Réconcilier nature et paysage

LE DOSS

20 Espaces naturels n°32 octobre 2010

NATURE ET PAYSARÉCONCILIER

Intégrer l’approche paysagère pour servir la biodiv

Page 21: Réconcilier nature et paysage

Espaces naturels n°32 octobre 2010 21

IER SOMMAIRE21 Paysages, culture, nature : le paradoxe ?

22 Appréhender le paysage sous l’angle de son fonctionnement pour gérer la biodiversité.

25 Quels outils juridiques pour intégrer le paysage ?

26 Jean Cabanel : « Mais enfin ! L’Homme se détermine par l’aspect visuel ! »

27 Un paysagiste dans un projet d’aménagement de réserve naturelle.

29 L’argumentaire paysager pour soutenir une reconquête écologique.

30 La biodiversité, gagnante du projet de paysage.

32 À la reconquête du Petit bois de pins.

Parc national des Cévennes.

AGE

© Moune Poli

Paysages, culture, nature :

le paradoxe ?

Que reste-t-il de l’opposition entre les no-tions de patrimoine culturel et naturel ?Certes, pris séparément du site naturel

qui l’entoure, la gestion du Mont-St-Michel oude la cité de Brouage, celle du parc de Versaillesou du château de Chenonceau répondent davan-tage aux normes « Bâtiments de France », à sesréférences historiques, architecturales et paysa-gères. Idem, les personnes qui en ont la charge.Elles ne sont pas formées dans le même mouleque leurs équivalents des espaces naturels. Lespromoteurs des patrimoines culturel, paysageret naturel d’une part, et les employés des parcset jardins d’une ville moyenne d’autre part n’ontgénéralement que peu de relations profession-nelles. À première vue, c’est l’huile et l’eau.Pourtant, en 1975, une étincelle a jailli avec lacréation du Conservatoire du littoral et des ri-vages lacustres.L’idée de pérenniser « le tiers sauvage » recouvraitla double vocation de protéger les paysages, lavue sur la mer, les espaces naturels littoraux. Leparti pris de la pointe du Raz avec l’effacementde l’hôtel et la restauration des pelouses sontl’exemple même de cet apparent paradoxe.La Trame verte et bleue, nouvellement votée,constitue elle aussi un facteur de rapprochement.Elle oblige à traiter de l’espace en tenant comptede son échelle et, aussi, de la diversité des acteursconcernés.Désormais, une région naturelle doit être envi-sagée comme un tout : celle du bassin-versantoù est pris en compte le cours d’eau dès sa source,les massifs boisés, l’ensemble bocager…Par ailleurs (autre nouveauté d’ordre sociolo-gique), plus question de gérer la nature entrespécialistes mais en ouvrant le cercle à la manièredes parcs régionaux ou des sites Natura 2000.Colloques, formations… Il est urgent que cesmondes se sentent solidaires. Qu’ils puisent dansl’échange des raisons de conforter la nécessitéde transmettre aux générations futures des pa-trimoines inscrits dans l’harmonie du temps. ●Michel Métais - Directeur général Ligue pour la protection des [email protected]

Selon les écologues, le paysage estun « assemblage d’écosystèmes quiinteragissent de manière à ce qu’ils

déterminent des patrons spatiaux qui serépètent et soient reconnaissables » (For-man et Godron, 1986). Par cette définition,qui vient se rajouter à celles des historiensde l’art et des géographes, le paysage estl’échelon environnemental et écologiquesupérieur à celui de l’écosystème. ●

Le paysage?

versité

Page 22: Réconcilier nature et paysage

22 Espaces naturels n°32 octobre 2010

LE DOSSIER I RÉCONCILIER NATURE ET PAYSAGE

Appréhender le paysage sous l’angle de sonfonctionnement pour gérer la biodiversité

ÉCLAIRAGE

Loin d’être subjective, la notion de paysage peut s’aborder avecobjectivité. Les structures paysagères résultent de l’actionhumaine. En étudiant et comprenant leur fonctionnement, il estpossible d’orienter les actions en faveur de la biodiversité.

Sur quelles méthodes s’ap-puyer pour imaginer des pay-sages1 favorables à la biodi-versité et au développementdurable des territoires ? Pour répondre à cet enjeu, lespaysagistes peuvent apporterleur pierre.

Comprendre le fonctionnentles structures paysagères.Les paysagistes s’intéressentà ce qui caractérise chaqueterritoire : ses richesses natu-relles, culturelles, ses atouts,ses contraintes, ses enjeux...

Par l'étude de l’histoire et dela géographie ils s’attachentà saisir les spécificités localesnotamment de la biodiversitésauvage et cultivée, les ori-gines de sa présence, la façondont elle utilise et occupe l’es-pace dans ses interrelationsavec les structures paysagèrescréées par les hommes. Les structures paysagères ? Àsavoir, les grands systèmesd’organisation des territoiresmis en œuvre par les popula-tions, et notamment par lespaysans, pour se protéger des

Dépendance aux éner-gies polluantes et nonrenouvelables, étale-

ment urbain, banalisation ducadre de vie… En ce début du21e siècle, ces alertes se mul-tiplient, elles en amplifientd’autres, liées à la perte debiodiversité. Pour réguler lesimpacts négatifs, des outilsont été imaginés dont cer-tains concernent l’espace :zones protégées, documentsd’urbanisme, trames vertes etbleues, schémas régionaux duclimat, de l’air et de l’énergie,bandes enherbées le long descours d’eau en territoire agri-cole... Toutes ces mesuresmises en œuvre de façon sou-vent non coordonnées révè-lent le besoin de réfléchir, àde nouveaux projets d’orga-nisation de l’espace.

risques et valoriser au mieuxles richesses et énergies na-turelles locales : l’eau, les sols,le vent, le soleil, les animaux,les plantes. On citera ainsi :• les marais dont l’aménage-ment s’appuie sur la créationde digues et la maîtrise des ni-veaux d’eau ;• les terrasses sont avant toutdes systèmes hydrauliquesconçus pour, selon le contextemétéorologique, drainer leseaux en excédant entre lespierres sèches des murets etamener (grâce à des rigoles)l’eau nécessaire aux cultures ;• le bocage également fondésur la maîtrise de l’eau afin dede développer les cultures etl’élevage grâce, notamment,au maillage de haies, de talus,de mares et de chemins creux;• les champs ouverts, lescombes, les steppes… consti-tuent également des structurespaysagères. Chacune de ses structures sontcomposées de murs porteurs(haies sur talus2, exutoires,murs de soutènement…)qu’il faut conserver à tout prixpour leurs multiples fonctionsécologiques, agronomiques,hydrauliques, anti-érosives,paysagères…Et de « cloisons » (haies oumurets de division de parcelle,lisières...) qu’il est possible defaire évoluer en fonction desconditions du moment.

Une structure quiconditionne la biodiversité.Ces grands modes d’organisa-tion de l’espace ont été adap-tées selon les conditions natu-relles et humaines de chaqueterritoire puis remaniés au fildu temps. Il en résulte unegrande variété de paysages fa-vorisant une faune et uneflore, naturelles ou cultivées,diversifiées.

“L’ignorance du fonctionnement desstructures paysagères a conduit lesaménageurs à des erreurs. La biodiversitéétait perçue comme une contrainte.

Page 23: Réconcilier nature et paysage

Espaces naturels n°32 octobre 2010 23

dre de vie, loisirs et sports denature, parcs et jardins…).Ces différents regards sur labiodiversité provenant de sa-voirs, d’usages et de sensibi-lités diverses s’enrichissentau contact les uns des autres.Les nombreux paysages pro-pres à chaque petite région ré-vèlent l’identité et la culturedes habitants ; ils nourrissentleur conception du beau.Connaître cette culture est in-dispensable pour qui veut mo-difier un paysage sans s’exposeraux oppositions des popula-tions et à des déconvenuestechniques ou écologiques. Lesactions concernant la biodi-versité et la gestion de l’espace

demandent d’être acceptéespar les habitants et définiesavec eux en utilisant leursconnaissances et en tenantcompte de leurs besoins, deleurs envies et de leurs avis.Ainsi utilisé, le paysage ras-semble.

Favoriser le multiusage.À partir de la seconde moitiédu 20e siècle, le concept de zo-nage de l’espace l’a emportésur un principe d’aménage-ment qui favorisait un usagemixte des sols.Or, en générant des espacesmonofonctionnels, le zonagea produit gâchis foncier et ba-nalisation des paysages. Il aaggravé les impacts négatifsde la modernisation sur la bio-diversité. L’utilisation géné-ralisée des énergies fossiles etl’ignorance des logiques defonctionnement des structures

GlossairePaysage. Selon la convention européennedu paysage, celui-ci désigne une partie duterritoire telle que perçue par les populations,dont le caractère résulte de l’action defacteurs naturels ou humains et de leursinterrelations.

Écologie du paysage. Cette disciplines'intéresse à la dynamique spatio-temporelledes composantes biologiques, physiques etsociales des paysages. Elle cherche àidentifier les facteurs humains, et écologiquesen retour, qui influencent l’organisation del’espace, son hétérogénéité à diverseséchelles, en combinant l’approche spatiale dela géographie et l’approche fonctionnelle del’écologie. Elle associe géomorphologie,architecture du paysage, écologie, géographie,sciences sociales.

Plan ou charte de paysage. Démarchesvolontaires engagées le plus souvent par descollectivités territoriales qui comprennent unephase de diagnostic de paysage, une phase dedéfinition et de partage d'un projetd'aménagement du paysage comportant unprogramme de travaux pour chaque acteur etune phase d'animation et de suivi pour aider àla réalisation de ce programme. Tous lesengagements sont définis de façoncontractuelle. Ces démarches peuventprécéder ou nourrir la mise en œuvre dedocuments d'urbanisme..

Observatoire du paysage. Collection dephotographies reprises à divers intervalles detemps dans des conditions analogues decadrage, de focale, de diaprhragme. Cet outilpeut servir à :comprendre de façon objective lesmécanismes d'évolution du paysage,•permettre une appréciation qualitative de cesévolutions • faire évoluer le regard et favoriserdes débats sur l'avenir des territoires.

Commission supérieure des sites,perspectives et paysages. Elleconseille le ministre chargé des sites pourl'élaboration et l'application d'une politique deprotection, de conservation et de mise envaleur des monuments naturels, des sites etdes paysages urbains et ruraux. Elle donneun avis sur tous les projets de classement.Elle est composée de représentants dedifférents ministères, de parlementaires et depersonnalités.

Commission départementale de lanature, des paysages et sites. Elle estcomposée de quatre formations : sites etpaysages ; protection de la nature ; faunesauvage captive ; publicité. La formation "sites et paysages" est chargéed'émettre un avis sur les questions dont elleest saisie par le ministre ou par le préfet.Celui-ci peut la consulter par exemple, sur lesprojets de classement, d'inscription ou detravaux en site inscrit.

INFO PÉDAGOGIQUE

“Les approches paysagèresaccompagnent l’évolutiond’un projet de territoire.

Une nature qui est souvent aucentre des perceptions. Qu’ils’agisse de :• la biodiversité à protéger(espèces et espaces rares etmenacés à conserver pour lemaintien des équilibres né-cessaires à la vie sur terre),• la biodiversité comme facteurde productions indispensablesà l’Homme (alimentaire, éner-gétique, médical…);• la biodiversité pour sa contri-bution aux politiques de déve-loppement local (qualité du ca-

Le bocage est fondé sur la maîtrisede l’eau pour favoriser les cultureset l’élevage grâce, notamment, aumaillage de haies, de talus, demares et de chemins creux.

1. Le terme paysage est utilisé ici selon ladéfinition donnée par la Convention européennedu paysage (voir glossaire ci-contre).2. Dans certaines régions comme la Bretagnetoutes les haies étaient sur talus. D’ailleurs,pour les paysans le bocage n’était pas unréseau de haies mais un réseau de talus lequelrecouvrait le fossé, la haie et ses différentesstrates végétales.

Bien des espèces aujourd’huiprotégées se sont développéesgrâce à ces aménagements età des systèmes de productionagricoles et forestiers compo-sant avec la nature. Comprendre les principes defonctionnement des struc-tures paysagères permetd’orienter les actions en faveurde la biodiversité.

Le paysage rassemble.Les paysagistes mettent enavant l’idée que l’appréciationd’un lieu dépend de la façondont il est perçu, notammentpar les populations. Ils travail-lent alors sur les conver-gences et les complémentari-tés entre les différents pointsde vue pour élaborer des pro-jets d’aménagement avec lesacteurs concernés.Naturalistes, pêcheurs, chas-seurs, agriculteurs, prome-neurs, experts… s’intéressenttous à des éléments particu-liers de la nature qui partici-pent chacun à la structurationdes paysages.

Page 24: Réconcilier nature et paysage

24 Espaces naturels n°32 octobre 2010

LE DOSSIER I RÉCONCILIER NATURE ET PAYSAGE

paysagères existantes ontconduit les aménageurs à deserreurs de conception dès lorsqu’ils se contentaient «d’im-primer » sur tous les terri-toires les mêmes modèles ur-bains ou agricoles. Dans cettenouvelle organisation territo-riale, à l’instar des premièrespolitiques de paysage, seule labiodiversité remarquable oumenacée était prise encompte, protégée par des zo-nages, dans des espaces rési-duels tels que réserves natu-relles ou parcs nationaux.Ailleurs, la biodiversité étaitignorée. Les liens entre natureordinaire et nature remarqua-ble n’étaient pas étudiés.

Sur l’ensemble du territoire.Donner à chaque zone définiedans les documents d’urba-nisme un objectif de multi-usage des sols permettrait demieux satisfaire l’ensembledes besoins de notre société,d’économiser le foncier etd’éviter les cloisonnementsdéfavorables au bon fonction-nement des villes, des cam-pagnes et de la biodiversité.

“Donner à chaque zone définie dans lesdocuments d’urbanisme un objectif de multi-usages des sols pour éviter des cloisonnementsdéfavorables à la biodiversité.

INFO PÉDAGOGIQUE

Les champs ouvertsconstituent des structurespaysagères. Elles sontcomposées de murs porteurs(haie de talus, exutoire, murde soutènement...) qu’il fautconserver à tout prix pour lesmultiples fonctions qu’ilsremplissent...

mentalistes à positionner,composer et gérer ces tramesvertes, bleues et viaires (ré-seau des voies de circulation).La méthode des regards et dessavoirs croisés qu’ils utilisentà l’occasion de visites collec-tives constitue un excellentoutil pour fédérer tous les ac-teurs du territoire et déter-miner ensemble comment or-ganiser l’espace de façon à cequ’il puisse répondre aux en-jeux de notre époque et no-tamment à la préservation dela biodiversité.Ainsi, les paysagistes qui s’in-téressent à une gestion fonc-tionnelle et qualitative des es-paces ont-ils à partager leursoutils et savoir-faire avec lesécologues, plus compétentsdans la connaissance des es-pèces, et avec agriculteurs,forestiers, urbanistes, autresgestionnaires des territoiresde même qu’avec les popula-tions concernées. ●Régis AmbroiseIngénieur agronome, Chargé de mission Paysageministère de l’Alimentation, del’agriculture et de la pêche

[email protected]

Ainsi, les choix de localisation,de composition et de gestiondes trames vertes et bleuespeuvent intégrer plusieurs ob-jectifs en plus de leur finalitépremièrequi veut réaliser descouloirs écologiques, maisaussi renforcer une agricul-ture moins dépendante entraitements phytosanitairesen favorisant les auxiliairesdes cultures, prendre encompte les besoins des chas-seurs ou des pêcheurs, la qua-lité du cadre de vie, etc. Ces trames auront plus de lé-gitimité sociale si elles conju-guent plusieurs finalités. Les approches des paysagistesdécrites plus haut sont de cepoint de vue fort utiles. Orien-tées vers l’idée de projet deterritoire ou au moins d’ac-compagnement des évolu-tions, elles doivent rassembleret non diviser. Avec leurs ou-tils (atlas, plans ou chartes depaysage, cartes, documentsiconographiques) et une meil-leure connaissance de l’évo-lution des systèmes agrairesen ville et à la campagne, lespaysagistes peuvent devenirde bons partenaires par exem-ple pour aider les environne-

Glossaire

Trame verte et bleue.Cartographie des continuitésécologiques entre milieux naturelsnécessaires à la circulation desespèces. Votée en juin 2010 (loiGrenelle 2), elle n’a pas decaractère d’opposabilité dans lesdocuments d’urbanisme.

Structures paysagères.Grands systèmes d’organisationdes territoires mis en œuvre parles populations, et notamment parles agriculteurs, pour se protégeret valoriser les richesses eténergies naturelles locales : l’eau,les sols, le vent, le soleil, lesanimaux, les plantes.

L’atlas de paysages. Outild’identification et de qualificationdes paysages à l’échelle dudépartement. Cet état des lieux estréalisé par les services de l’État etles collectivités. Il constitue unoutil afin d’intégrer le paysagedans les politiques sectorielles.

Types de paysages. Ilss’appuient sur la géographie(relief, substrat géologique) et surle mode d’occupation du sol. Ilssont définis pour un territoiredonné. On parlera de plateauboisé, de massif volcanique, debocage ou de plaine cultivée...

Ensembles de paysages.Ce sont des territoires perçus àune petite échelle (n x 10 km). Ilsqualifient d’un nom propre lestypes de paysages. Leurs limitessont déterminées par le sentimentd’appartenance à un pays quipossède souvent une longuehistoire : Livradois, Hurepoix,Gâtinais…

Entités paysagères (n x 1 km).Elles se définissent souvent par unqualificatif d’ordre géographique(vallée, méandre, plateau, coteaux,golfe..) suivi d’un nom propre quiles identifie (vallée de la Bièvre,plaine de Figari...). La loi Paysageutilise le terme « d’unité depaysage ».

Sites (n x 100 m). Espacesprivilégiés, souvent centrés sur unmotif emblématique (village, pic,forêt…).

Lieux (n x 10 m). Espacesrestreints que l’on peutappréhender en quelques pas avectous ses sens.

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Page 25: Réconcilier nature et paysage

Espaces naturels n°32 octobre 2010 25

“L a France a l’obliga-tion d’intégrer lepaysage dans toutes

les politiques sectorielles y com-pris dans la gestion des espacesnaturels. » Cette exigence courtdepuis le 1er juillet 2006 et ré-sulte de l’application de laconvention européenne du Pay-sage (convention de Florence)signée le 20 octobre 2000.Auparavant, le code de l’envi-

Quels outils juridiques pour intégrer le paysage?

DROIT

ronnement précisait déjà quele paysage faisait partie du pa-trimoine commun de la na-tion, «sa protection, sa miseen valeur, sa restauration, saremise en état et sa gestionétant d’intérêt général»1. Enpratique, cette intégration aun contenu incertain. Les exi-gences paysagères peuvent va-rier en intensité selon les lieuxconsidérés.

Codes. Si le code de l’environ-nement intègre le paysagecomme un facteur à prendreen considération dans la ges-tion des territoires, il n’en pré-cise pas les modalités. C’esttoujours au gestionnaire deformuler des orientations etde mettre en œuvre des pra-tiques concrétisant l’objectifde qualité paysagère. Et para-doxalement, les espaces natu-

rels les plus protégés, tels lesparcs et réserves, sont ceuxpour lesquels le code est leplus discret (les textes sur lesparcs naturels marins et lesréserves naturelles ne men-tionnent pas le paysagecomme un élément détermi-nant de ces espaces).Plus audacieux, le code de l’ur-banisme (voir ci-contre) n’a pashésité à associer «maintien deséquilibres biologiques» et «pay-sages». Ainsi l’article R.146-1vise directement les réservesnaturelles sur le littoral.Quant à la mise en œuvre deNatura 2000, la directive com-munautaire du 21 mai 1992visant directement le paysage2,elle aurait dû s’accompagnerd’une véritable politique pay-sagère. Malheureusement,la transposition française aignoré le facteur paysager.Ceci ne devrait pas empêcherles gestionnaires d’intégrer lepaysage dans leurs décisionscomme leur en fait l’obligationla directive de 1992 et laconvention de Florence.La législation sur les sites, elleaussi, ne fait pas état du pay-sage. Pourtant, c’est proba-blement celle qui conduit leplus directement à le prendreen considération : le juge ad-ministratif est souvent uncomplice attentif de la qualitépaysagère pour apprécier leclassement d’un site.L’apport notable de la conven-

La convention de Florence fête ses 10 ans. Elle prescrit d’intégrer le paysage dans toutes lespolitiques sectorielles. Le code de l’urbanisme impose la dimension paysagère dans lesdocuments d’urbanisme.

La contribution majeure au souci du paysagedu quotidien revient au droit de l’urbanisme.Depuis 1958, le permis de construire peut

être refusé si la construction est de nature à porteratteinte aux «paysages naturels ou urbains». Les directives territoriales d’aménagement doivent,elles aussi, contribuer à préserver «les espacesnaturels, sites et paysages» (L. 111-1-1). Quant aux documents d’urbanisme, ils doiventtous faire mention du paysage et des élémentsde diversité biologique. Ils doivent protéger lesespaces naturels et la maîtrise « des écosys-tèmes, des milieux, sites et paysages naturelset urbains » (L. 121-1). L’article L. 123-1-7 préciseque les plans locaux d’urbanisme peuvent iden-tifier et localiser « les éléments du paysage » etdélimiter les sites « à protéger, à mettre en va-leur ou à requalifier». Ces précisions sont issuesde la loi du 13 décembre 2000 sur la solidaritéet le renouvellement urbain et renforcent la re-lation paysage et biodiversité dans les espacesordinaires. Aussi chaque document d’urbanisme doit-il faireétat de ces éléments, ce qui conduit à prendreen compte à la fois les enjeux relatifs à la conser-vation des sites Natura 2000 ainsi que les objec-tifs de la Convention sur la diversité biologique

et de la Convention européenne du paysage. Depuis l’obligation d’une évaluation environne-mentale des plans et programmes, le rapportde présentation des documents d’urbanisme (di-rectives territoriales d’aménagement, Scot, cer-tains Plu) évalue les incidences notables du do-cument sur l’environnement ce qui concrétisela relation paysage –biodiversité puisque, en ap-plication de la directive communautaire du 27juin 2001, il faut évaluer les effets notables sur,notamment, la diversité biologique, les paysageset les interactions entre ces facteurs. Le décret du 27 mai 2005 a introduit tant bienque mal ces dispositions dans le code de l’ur-banisme. Le classement par les Plu de certaineszones en zones naturelles et forestières ouzone N permet d’assurer un minimum de pro-tection en dehors du système des aires protégéesdu code de l’environnement et d’assurer égale-ment une qualité des milieux naturels et despaysages en raison de leur caractère d’espacesnaturels ou de leur intérêt écologique ou esthé-tique (art. R. 123-8). ●

Michel Prieur Article extrait d’un article «Paysage et biodiversité», Revue juridique de l’environnement 2008.

INFO PÉDAGOGIQUE

▼Nature, paysages, code de l’urbanisme

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Page 26: Réconcilier nature et paysage

JEAN CABANEL

26 Espaces naturels n°32 octobre 2010

LE DOSSIER I RÉCONCILIER NATURE ET PAYSAGE

« Mais enfin ! L’Homme sedétermine par l’aspect visuel ! »Cet ancien chef de la mission Paysage nous livre sontémoignage comme une clé : une approche historique pourcomprendre l’origine des difficultés actuelles.

Dès sa création en 1980, la mission du Paysage a été l’objetd’hostilité de la part des autres services de l’État. Nos collèguesde l’Agriculture nous expliquaient que le paysage n’était quela conséquence mécanique des activités économiques sur leterritoire. Les architectes-paysagistes n’étaient guère pluscoopératifs. L’un d’entre eux m’exposa un jour que les paysa-gistes ne voulaient pas intervenir sur l’aménagement du ter-ritoire pour ne pas être des supplétifs de l’administrationcomme l’étaient devenus les urbanistes, lesquels ne faisaientque mettre en œuvre des procédures juridiques. Certains de nos collègues de la direction de la Nature et despaysages n’ont pas été en reste. Ils nous trouvaient superficiels,inconsistants. Arqueboutés qu’ils étaient à défendre des milieuxnaturels vulnérables, des espèces en voie d’extinction, ils com-prenaient mal que l’on se consacre à la qualité du cadre devie ordinaire.Ainsi, lors des réunions de direction hebdomadaires, dix mi-nutes étaient consacrées à l’ours des Pyrénées. Quand j’aiévoqué ce que nous faisions pour les friches industrielles, j’aiété interrompu au bout de trois minutes. Je n’ai pas récidivé.Nous n’étions pas sérieux, disait-on. Pour quelle raison ce reproche, adressé par nos collègues dé-fenseurs de la nature? À mon sens parce que notre démarchetenait compte de la composante esthétique des aménagements.Dans notre pays, de nos jours du moins, pour être considérécomme sérieux il faut aligner des données chiffrées et des ar-guments exclusivement scientifiques. Mais enfin l’homme sedétermine largement par l’aspect visuel des choses ne serait-ce que pour faire son marché ! Les écologistes français, en refusant de prendre en comptel’esthétique, se sont privés de remarquables atouts pour diffuserleurs valeurs. La Grande-Bretagne au contraire a développé lasensibilisation à l’environnement à travers les somptueux parcset jardins gérés par le National Trust. La mission du Paysage plaidait pour une politique d’aména-gement globale du territoire respectueuse de l’environnementet de la qualité du cadre de vie. À cette fin, il nous semblait quenotre direction devait intervenir par exemple pour soutenirfermement l’agriculture biologique. Une démarche globalenous paraissant plus profitable que de s’en tenir à des sanc-tuaires: tout se tient en matière d’environnement ! C’est danscette perspective que nous avons suggéré à la ministre de l’En-vironnement, madame Royal, l’idée des directives paysagères2

figurant dans la loi paysage3.Hélas les défenseurs de la nature n’ont pas pris conscience del’intérêt de cette démarche. ●

Ancien chef de la mission Paysage1

au ministère en charge de l’écologie

LE BILLET DE

1. Auteur de Pays et paysages de France, éditions du Rouergue. •2. Exactement « directives de protection et de mise en valeur despaysages ». • 3. Loi du 8/1/1993.

tion européenne du Paysageest de ne pas se limiter auxseuls paysages remarquables.

Priorités. Désormais, la prio-rité doit portée sur les pay-sages ordinaires et les paysagesdégradés. À cet égard, les ins-truments privilégiés sont lepermis de construire et la pla-nification urbaine : Scot, Plu,carte communale. Ils permet-tent en effet de contrôler lesatteintes aux paysages natu-rels ou urbains3. D’autres activités peuvent per-turber, voire dégrader le pay-sage non protégé : les activitésagricoles et forestières, la pu-blicité et l’affichage. Là aussi,l’intégration s’impose. La loid’orientation agricole du 9 juil-let 1999 fait de l’entretien despaysages un des volets de lapolitique agricole. De même,l’aménagement rural oblige àprendre en compte la protec-tion des paysages4. Quant à la forêt, il faut insistersur sa valeur paysagère qui,hélas, n’est pas encore expres-sément prise en considérationdans le code forestier.Contre les agressions aux pay-sages, un combat subsiste ré-sultant de la violation du droitrelatif à l’affichage et à la pu-blicité, du fait d’un laisser-fairecoupable de la part de certains

Édictées par décret en Conseil d’État, les directives deprotection et de mise en valeur des paysages s’im-posent aux documents d’urbanisme comme aux dé-

cisions ponctuelles sur le territoire concerné. Ces directivess’appuient sur la protection, la mise en valeur, voire la créa-tion de structures paysagères, lesquelles constituent leslignes de force d’un paysage et assurent sa qualité visuelleet environnementale. À ce titre, elles protègent ce qui estessentiel à la qualité de la composition d’un territoire : cônesde vue, réseaux bocagers, maillages de murs de pierressèches, emprise des routes, revêtements des chemins... Instrument de projet paysager, elles comportent égalementdes recommandations en matière de gestion des structurespaysagères, lesquelles peuvent constituer des couloirs éco-logiques, créer des habitats pour toutes sortes d’espèces,des réserves pour la flore. Elles correspondent donc à unvéritable projet sur un territoire. ● Jean Cabanel

INFO PÉDAGOGIQUE

Directives paysagères

élus locaux et administrations.Les dispositions relatives à l’af-fichage5 figurent pourtantdans le code de l’Environne-ment (titre consacré à la pro-tection du cadre de vie, art.L .58-1 et s). Par ailleurs, la convention duPaysage précise qu’il convientde formuler des objectifs dequalité paysagère, lesquels ser-viront de guide aux dé-marches d’intégration du pay-sage dans les autres politiques.Ces objectifs de qualité devantêtre élaborés aux niveaux ter-ritoriaux adéquats après uneanalyse des paysages : carac-téristiques, dynamiques etpressions qu’ils subissent.Parallèlement, s’inspirant dela convention d’Aarhus, laconvention de Florence im-pose d’associer les acteurs àla réflexion et à la formulationdes politiques locales. En ef-fet, le paysage est à la fois unpatrimoine commun et laconcrétisation du droit del’Homme de vivre dans un en-vironnement de qualité. ●Michel Prieur Directeur Revuejuridique de l’environnement

[email protected]

1. art. L. 110-1 • 2. art 3-3 et 10• 3. art. R.111-21 et L.121-1 codeurbanisme • 4. art. L.11-2 coderural • 5. modifié par la loiGrenelle 2, cf. page 42.

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Espaces naturels n°32 octobre 2010 27

RÉSERVE NATURELLE DE L’ÉTANG DES LANDES (CREUSE)

Chantier de l’affût des Trois Bouleaux construit en roseaux à côté de la roselière. © A

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En Creuse, le projet de paysage s’est enrichi du regard naturaliste parl’observation des milieux, la découverte de la flore, l’imprégnationanimale… De cet échange est né un aménagement apprécié.

Un paysagiste dans un projet d’aménagement de réserve naturelle

Bien loin de rentrer enconflit, paysage et éco-logie s’épaulent et se

complètent pour protéger etmettre en valeur des sites na-turels. Il en fut ainsi enCreuse, sur la Réserve natu-relle de l’étang des Landes. Untandem1 composé d’un pay-sagiste et d’un architecte est,en 2004, appelé à travaillersur l’aménagement de cettepropriété du conseil général2.L’intervention se fait au seind’une équipe regroupant di-verses disciplines : naturaliste,paysagère, architecturale, mu-séographique…

Capter l’émotion. La pre-mière étape du projet de pay-sage a consisté en une recon-naissance des lieux et desprésences qui les animent,qu’elles soient animales ouhumaines. En effet, le paysa-giste considère sa matièrecomme une discipline rele-vant de la dimension sensible.Il y exprime, avec une subjec-tivité assumée, les émotionsqui naissent à la rencontre dela nature.

Si cette façon d’appréhenderle projet est singulière en re-gard de l’approche scientifique,elle a justement permis à cer-tains partenaires, n’ayant pasune solide fibre naturaliste,d’entrer dans le projet.Ainsi, devant les élus ou leshabitants du pays, une expres-sion utilisant la parole, le cro-quis, la photographie ou la car-tographie est venue compléterla description scientifique desespèces et des habitats. Idempour la carte de paysage, quifait partie des représentationssensibles de l’espace, et quipermet de noter avec précisionles toponymes utilisés dans lepays. Tous les éléments, ex-pressions ou images ayant étérécoltés auprès d’habitants,c’est l’esprit des lieux, cher auxespaces naturels, qui a pu êtrecaractérisé.La traduction de cet espritdans le projet d’aménagement

s’illustre par des éléments res-pectueux à la fois du paysageet de la nature. Des décisionsqui, là encore, émanent de ladémarche paysagère.En effet, la reconnaissancepaysagère fait émerger lestraits caractéristiques des pay-sages. La recherche d’une for-mulation poétique et synthé-tique permet de fondersolidement les bases d’un pro-jet qui prendra appui sur cesqualités propres.Ainsi, sur l’étang des Landes,l’un des caractères du site tientau contraste qui existe entrele monde réglé et domestiquédu bocage régulier du bassinsédimentaire de Gouzon, et lemonde aléatoire et sauvage del’étang et de ses franges quicompose l’essentiel de la ré-serve. De cette dualité naît unequalité d’espace très particu-lière qui va influencer l’amé-nagement de l’espace. Dans le

“Les interventions de génie écologique ontsouvent tout à gagner à soigner leur mise enforme grâce au regard du paysagiste.

bocage, les cheminements uti-liseront des tracés rectilignesmettant en valeur de grandesperspectives. Sur le domainede l’étang, il est créé, parcontraste, des sentiers étroitset sinueux, parfois inondables.Sur ces itinéraires strictementpiétons, on a évité la présencedes véhicules à moteur, y com-pris pour l’entretien et la ges-tion de la réserve.

Le trajet de paysage. La lo-calisation des sentiers et desaffûts est l’occasion de fairedécouvrir les plus beaux pay-sages aux visiteurs. Les natu-ralistes soucieux de respectercertains sites de nidificationet de repos pour les oiseauxen halte migratoire ne retien-nent pas systématiquementl’ensemble des parcours pro-posés. Il faut renoncer à cer-tains tronçons. Ainsi, le tracédes cheminements s’élaborecollectivement comme unecomposition subtile et ryth-mée. Sur la réserve naturellecreusoise, pour éviter les dé-ceptions et la monotonie, le

1. Alain Freytet, paysagiste DPLG,et Gérard Peiter architecte DPLG.2. Maîtrise d’œuvre en relationavec le conseil général de laCreuse, gestionnaire, et le Crendu Limousin.

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28 Espaces naturels n°32 octobre 2010

LE DOSSIER I RÉCONCILIER NATURE ET PAYSAGE

tracé est travaillé pour fairealterner les ambiances del’ouvert au couvert, du do-mestique au sauvage. À unrythme régulier, le tracé cir-cumlacustre s’éloigne et serapproche de l’étang. Le che-minement est ponctué d’évé-nements singuliers : affûts,fontaine, mare, pont, arbresremarquables…

Intentions paysagères. Lestatut de réserve naturelledonne bien entendu la prioritéà la protection de la nature.Cette prérogative affichée etacceptée par tous, les inten-tions du projet de paysage seprécisent. Elles prennent laforme d’un plan d’intentionspaysagères. Ce document stra-tégique, évolutif, permet defaire émerger un projet defonctionnement et de traite-ment au-delà des premièresdivergences. Sur l’étang desLandes, certaines intentionsn’ont pas eu de caractère im-médiatement opérationnel :soit qu’elles concernent desterrains privés que le conseilgénéral pourrait acquérir, soitqu’elles se trouvent sur desespaces dont les enjeux natu-ralistes ne sont pas encorebien connus et qui devaientattendre la fin du plan de ges-tion de la future réserve na-turelle dont le statut était encours d’obtention.

Discrétion. L’aménagementen milieu naturel est souventréussi quand on ne voit pasqu’il y a eu aménagement.Cette discrétion permet au vi-siteur d’approcher la situationd’un explorateur découvrantune nature vierge et sauvage.L’émotion suscitée par un mi-lieu naturel est peu compati-ble avec des interventionstrop marquées comme delongs platelages en bois, despanneaux d’interprétationsisolés, des barrières, des gril-lages, des bancs ou des pou-belles. Sur la réserve natu-relle, des chemins utilisésjusqu’alors par des véhiculesà moteur ont été transformésen sentier de moins d’un mè-

Esquisses detravail pour lapasserelle de lapresqu’île dessables. Sur laréserve naturelle, l’utilisation duponton a été très« mesurée ».

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ont souvent tout à gagner àsoigner leur mise en formegrâce au regard du paysagiste.On évite ainsi l’aménagementartificiel et banal ne résultantpas d’une stricte fonctionna-lité écologique. Par exemple,sur l’étang des Landes, plutôt que de creuser des mares à

tre de large. Ils se sont ap-puyés sur des structures an-ciennes comme des chenaux,des fossés, des alignementsd’arbres guidant naturelle-ment les pas des visiteurs.

Génie écologique. Les inter-ventions de génie écologique

Croquis d’esquisse s’inspirant de l’esprit des lieux

Le dénominateur commun de la discipline paysagère consiste à qualifier l’esprit des lieux oucaractère d’un territoire : un concept lié aux impressions et aux émotions. Le saisir, c’est entrouver l’expression par le langage plastique, littéraire ou musical. Cela nécessite une ex-

périence sensible de terrain ; une démarche personnelle et exploratoire. Le croquis, la photographie,l’écriture, la cueillette en sont les outils privilégiés. Aborder un site nécessite, en parallèle de sareconnaissance sensible et scientifique, de trouver les représentations artistiques dont il fait l’objet.Par exemple, la mare au diable est fortement marquée par les écrits de Georges Sand, la rochede Solutré par l’ascension rituelle qu’avait entrepris François Mitterrand. Il existe pour chaquelieu des représentations ou des évocations qu’il est intéressant d’explorer. ●

Traduire le paysage en révélant l’esprit des lieux

batraciens avec des formesamiboïdes banales et décon-nectées du contexte géomor-phologique, ces points d’eauont été façonnés en forme defossé : un des motifs constitu-tifs du bassin de Gouzon.Les points de vue remarqua-bles ont été dégagés en modi-

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Concilier les enjeux de paysage et de biodiversité… Telfut l’objectif du Parc naturel régional Normandie-Maine,opérateur Natura 2000, lors des travaux de restauration

de la lande sèche sur le versant du Haut Fourché situé au seindes Alpes mancelles1 .Les faits débutent en 2003 alors qu’un incendie se déclare,dévastant en partie la pinède et laissant place à un paysagede désolation. L’année suivante, après validation du documentd’objectifs, le parc propose, à titre expérimental, de réhabilitertrois hectares de lande.Le projet, présenté à la commission départementale des sites,perspectives et paysages de la Sarthe, bénéficie en 2006 d’uneautorisation du ministère en charge de l’écologie, sous réservede dresser un bilan paysager et de procéder à une évaluationécologique.Les investigations menées dans le cadre de ce programmerévèlent que le Haut Fourché se caractérise par une succes-sion de pentes abruptes et de pentes douces. Ce modelé estle résultat d’une érosion différentielle qui s’explique par l’al-ternance de roches dures et de roches tendres. Le grès ar-moricain, résistant, génère des sols squelettiques, propicesà l’installation de la lande ou de bois d’essences frugales,tandis que les schistes, plus facilement altérables, permettentle développement de sols plus profonds, favorables à la chênaieméso-acidiphile.L’utilisation de l’espace influe sur la végétation. L’examende documents anciens permet d’appréhender l’évolution duHaut Fourché. Les clichés du début du 20e siècle (photo) ré-vèlent un versant rocheux dominé par une végétation bassequi s’intercale entre deux zones boisées. Cette zone de landesur grès est entretenue par les troupeaux d’ovins et de caprinsmais après l’abandon de ces pratiques pastorales, les arbresprogressent et les plantations résineuses réalisées aux alen-tours favorisent la colonisation par les pins de l’espace ouvert.Les affleurements sont alors masqués et la lande disparaît. En définitive, le boisement banalise le paysage et la végétation.Après cet état des lieux, les travaux de restauration commen-cent. Abattage des arbres, arrachage des recrus..., sont réa-lisés en 2008. Les phases d’entretien successives et notam-ment d’arrachage des recrus permettent aujourd’hui ledéveloppement d’une lande sèche avec son cortège d’espècescaractéristiques, contrastant avec la flore peu diversifiée despinèdes environnantes. L’ouverture du milieu diversifie lepaysage (alternance de zones boisées et de zones ouvertes,mise à jour des affleurements gréseux). Le premier bilan decette opération démontre ainsi que l’altérité des paysagesrime avec biodiversité. ●

Francis de Brou - Chargé de mission Natura [email protected]

L’argumentaire paysager poursoutenir une reconquête écologique

1. Situées en limite du Maine etde la Normandie, les Alpesmancelles sont classées au

titre de la loi 1930.

La carte des paysages (pastel et crayon) est un document majeurde la concertation pour arriver à une image partagée des paysageset de l’espace naturel. Les couches informatiques du pland’intentions peuvent être modifiées en cours de réunion pouraboutir à une stratégie de protection et d’aménagement concertée.

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PARC NATUREL RÉGIONALNORMANDIE-MAINE

fiant légèrement les périmè-tres d’espace à rouvrir enlande pour des motivationsexclusivement naturalistes.La canalisation du public s’estfaite sans en avoir l’air, en uti-lisant des motifs de paysagesdéjà existants : clôtures rurales,fascines vivantes ou mortestressées en forme de haie oufossés. Ces barrières naturellesne semblent pas avoir été miseslà pour empêcher la circula-tion, ce qui évite la frustrationde voir des milieux naturels in-terdits à toute fréquentation.

Dans le sens de la plume.Pour le visiteur, les interven-tions les plus visibles sont lesaffûts. C’est à ce stade du tra-vail que la collaboration avecl’architecte est la plus impor-tante. Pour éviter la banalisa-tion qui pèse sur un grandnombre de sites naturels la-custres où l’on voit sortir deterre les mêmes affûts enforme de boîte en bois préfa-briquée, une recherche parti-culière est menée pour créerdes constructions en harmo-nie avec le lieu en utilisantsouvent la métaphore de l’ani-mal et de son abri.Le grand affût s’est perché au-tour d’un bosquet de chêneévoquant le nid de l’oiseau. La

hauteur en a été déterminéeavec soin en montant dansl’arbre pour noter l’altitudeexacte du regard à partir delaquelle le paysage se dévoiledans toutes ses profondeurs.Le ponton de la presqu’île dessables linéaire franchit unbras d’eau dégagé en serpen-tant comme la couleuvre àcollier. L’affût des trois bou-leaux au ras de l’eau, en bor-dure de roselièr,e est construiten roseau dont on a gardé lesinflorescences à l’intérieurpour créer une atmosphèrede nid douillet. Comme lahutte du rat musqué, il sepose à terre, s’enfouit, se cou-vre de végétation.Le projet de paysage s’est en-richi du regard naturaliste parl’observation des milieux, ladécouverte de la flore, l’im-prégnation animale. C’estdans cet aller et retour entrela culture naturaliste et laconception créative du projetque naissent les aménage-ments les plus appréciés. ●Alain Freytet Paysagiste [email protected]

Plan des cheminements et des affûtsRéserve naturelle de l’étang des Landes

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30 Espaces naturels n°32 octobre 2010

LE DOSSIER I RÉCONCILIER NATURE ET PAYSAGE

“Ces paysages réouverts sont le fruit desacteurs locaux soucieux de leur patrimoine.

Les acteurs de la reconquête

En Haute-Bruche, la traduction concrète de la politique pay-sagère est en grande partie assurée par les associations fon-cières pastorales. Désormais au nombre de vingt sur le ter-

ritoire, couvrant quasiment 500 ha de terres (1500 propriétairespossédant 3500 parcelles), ces associations œuvrent essentiellementsur les terrains privés et publics de fond de vallée, sur les côteaux,aux abords des habitations et au cœur même des villages pour frei-ner la progression de la friche ou de l’enrésinement.La qualité paysagère et environnementale globale des espacesagricoles réhabilités dans le cadre de ce travail est financée ma-joritairement et durablement par l’Union européenne, l’État, leconseil régional d’Alsace et le conseil général du Bas-Rhin qui par-ticipent ainsi à un maillage fonctionnel des milieux naturels dontles plus remarquables ont été identifiés au titre de Natura 2000. ●

ci place le paysage comme unaxe de travail à part entière.Le territoire, délaissé par uneagriculture déclinante, enlaidipar des friches industrielles,reboisé massivement en épi-céas dans les fonds de vallée,avait tendance à afficher le vi-sage de la résignation.Ne pas accepter les frichescomme une évolution inéluc-table, produire des paysagesde qualité qui expriment la ré-conciliation des gens du paysavec leur terroir, ne pas vouloirplagier les paysages tradition-nels de cartes postales : telsétaient les défis qu’habitantset élus ont voulu relever pourconstruire un projet de déve-loppement durable construitsur des savoir-faire d’au-jourd’hui et plaçant la natureau cœur du projet.Cinq enjeux de reconquêtepaysagère sont identifiés (voirencart) : enjeux liés à la qualitédu cadre de vie, mais aussi en-

jeux économique, touristique,identitaire, environnemental.

Même la nature ordinaire.Cette réhabilitation est portéeprincipalement par les asso-ciations foncières pastorales.Elles constatent aujourd’huique la qualité paysagère a im-pacté aussi la qualité environ-nementale. Ainsi un bilan par-tiel, réalisé dans le cadre d’uneétude toujours en cours (Sa-geece Bruche Mossig), met enlumière la valeur biologiquedes secteurs de fond de vallée.Le graphique (page ci-contre)met en évidence le rôle de lapolitique paysagère au regardde la fonction des espaces pourla préservation, voire la recon-quête de la biodiversité remar-quable à l’échelle européenne,nationale et régionale.Quant à la nature ordinaire, cessecteurs recèlent une flore or-dinaire remarquable. Citons :l’anémone sylvie, l’ail d’ours,

Haute-Bruche. En 1993une étude paysagèreintercommunale dé-

coupe le territoire en quatreunités paysagères. Elle définitalors un programme de vingtet une actions. Mais pourquoi, au cœur dumassif des Vosges, la Haute-Bruche s’intéresse-t-elle au-tant à ses paysages ?Dans les années 70, le terri-toire est impacté par une crisequi met fin à la double activitéagricole et industrielle-textile.En 1980, le Sivom du pays de

En 1988, le Sivom du pays de Haute-Bruche se dote d’une charte intercommunaled’aménagement et de développement local. Celle-ci place le paysage comme un axe detravail à part entière.

La biodiversité, gagnante du projet de paysage

la Haute-Bruche est créé pourmettre en œuvre un contratde pays, initiateur du déve-loppement économique local.

L’intercommunalité.En 1988, les élus se dotentd’une charte intercommunale(actualisée en 1995, 2002 et2009) d’aménagement et dedéveloppement local. Celle-

Terrasses péri-villageoises aprèssuppression despessières (forêtsd’épicéas) – Gestionpar pâture par untroupeau de HighlandCattle. Vallon d’Albet.

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le pétasite officinal, la prime-vère élevée, la renouée bis-torte, la silène dioïque… Cesprogrammes ont contribué àleur prolifération.

Depuis quelque temps, onpeut entendre le tarier després qui a, de nouveau, éludomicile dans le fond de val-lée de la Climontaine. Son ap-parition fait suite à la réno-

vation pastorale menée parl’association foncière pasto-rale de Colroy-la-Roche. L’ac-tion a, entre autre, permis desupprimer massivement lespessières (forêts d’épicéas) ouencore de réhabiliter des an-ciennes « mères-royes » (ri-goles superficielles).

Les vallées s’ouvrent. Lesdémarches de reconquêtepaysagère, combinées à despratiques agricoles extensivestel le programme Mesuresagroenvironnementales ter-ritorialisées mis en œuvre en

Vallon deBarembach.Terrasses péri-villageoises.

2005. Aprèsaménagement.

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Prairie descorzonères humbles.

1999. Avantaménagement.

2007 par la communauté decommunes de la Haute-Bruche, contribuent donc àconforter la diversité des bio-topes. Il en est ainsi de la pré-servation de landes d’altitude,de la réhabilitation des ter-rasses intra- et péri-villa-geoises ou encore des milieuxhumides de fonds de vallée.En Haute-Bruche, peu à peu,les fonds de vallée s’ouvrent,les villages se dévoilent, lesprairies verdoyantes pren-nent le pas sur la friche et lesenrésinements de fond devallée, les méandres de la

Une association foncière pastorale (AFP) regroupe des pro-priétaires de terrains à destination agricole ou pastoraleainsi que des terrains boisés ou à boiser concourant à

l’économie agricole, pastorale et forestière dans leur périmètre.La forme juridique est une association syndicale. L’associationaménage et loue les terrains à un éleveur ou un groupement pas-toral, contribuant à leur mise en valeur et à la protection du milieunaturel et des sols en limitant l’embroussaillement.À une gestion individuelle, elle substitue une gestion collective.Chaque associé reste propriétaire de ses biens et peut les vendre,mais l’acheteur devient automatiquement membre de l’association.En plus de l’aménagement pastoral, les AFP peuvent, à titre ac-cessoire, réaliser des équipements et toutes actions pour le main-tien de la vie rurale. ●

INFO PÉDAGOGIQUE

Association foncière pastorale

Bruche et de ses affluents ré-apparaissent. Les vaches,moutons, chèvres paissent,les agriculteurs exprimentleurs talents à travers desproduits du terroir de qualitéet nous font découvrir unpaysage de montagne où leterme biodiversité est pleine-ment justifié. Ces paysagesréouverts sont le fruit des ac-teurs locaux soucieux de leurpatrimoine naturel. ●Jean Sébastien LaumondCommunauté de communesde la Haute-Bruche

[email protected]

“Le tarier des préschante à nouveau en Haute-Bruche.

• LE CADRE DE VIEUn paysage fermé et dégradé entraîne le départdes habitants et dissuade les gens d’habiter lavallée.

• L’ENJEU ÉCONOMIQUELe paysage est une ressource. C’est une cartede visite pour les collectivités qui souhaitentattirer des entreprises, des institutions…

• L’ENJEU TOURISTIQUELa beauté des sites est le principal motif d’at-tractivité de ce territoire, à proximité immédiatede la plaine rhénane et de Strasbourg.

• L’ENJEU IDENTITAIRELe paysage de la Haute-Bruche est la mémoired’une activité et d’une société dont le devoirest de transmettre cette culture, ce patrimoinecommun et collectif, ce vécu… aux générationsfutures.

• L’ENJEU ENVIRONNEMENTALCe paysage de moyenne montagne constitueun véritable réservoir biologique qu’il est pri-mordial de considérer, à tous les stades desprojets de reconquête paysagère.

5 enjeux pour une reconquête paysagère

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HABITATS PRAIRIAUX SUR LE TERRITOIRE DE SIX ASSOCIATIONSFONCIÈRES PASTORALES (AFP) DE FOND DE VALLÉE

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32 Espaces naturels n°32 octobre 2010

LE DOSSIER I RÉCONCILIER NATURE ET PAYSAGE

Le 11 juin 2007, une circulaire créait le Système d’information sur la nature et les pay-sages (SINP). Celui-ci cherche à organiser les principaux acteurs produisant desdonnées et de l’information sur le sujet. C’est donc, surtout, un instrument de coor-

dination de la collecte des données, qu’elles soient d’origine publique (le Muséum nationald’histoire naturelle pour la nature, le CNRS – laboratoire Ladyss – pour le paysage) ouprivée (les associations d’environnement). Son périmètre d’action couvre à la fois leshabitats et la biodiversité ainsi que les paysages. Son ambition est de regrouper non seu-lement les données scientifiques mais aussi des données traduisant la réglementationou des objectifs de gestion. Un fil RSS est disponible. ● www.naturefrance.fr

À la reconquête du Petit bois de pins

Après le choc des vents, la réhabilitation écologique des dunesanciennes de Bourcefranc passe par une approche paysagère. Original et convaincant.

Avec des vents dépassantles 210 km/h, la tem-pête de 1999 provoque

des dégâts considérables surl’ensemble de la façade ouest-atlantique française. À Bour-cefranc-le-Chapus, le Petit boisde pins n’est pas épargné. Nonseulement de très nombreuxsujets – des pins maritimes deplus de 70 ans – sont arrachésinstantanément, mais la sali-nisation superficielle entraînele dépérissement de bon nom-bre de chênes.La reconquête écologique dusite s’avère donc nécessaire etsa mise en œuvre sera origi-nale. Abordée conjointementsous les angles écologique etpaysager, elle aura le mérite deporter le projet au-delà du seulécosystème local. Elle permet-tra, aussi, d’associer les popu-lations, lesquelles souhaitentretrouver le paysage qui leurressemble : un boisement surdunes anciennes.

Le plan régional. Depuis2004, la région Poitou-Cha-rentes conduit un Plan régio-nal de connaissance et de re-conquête des paysages. Viason antenne Paysage, leconservatoire d’espaces natu-rels apporte une assistancetechnique aux porteurs deprojets de plantations. Dèscette année-là, la communede Bourcefranc-le-Chapuscontacte le conservatoire pourqu’il l’accompagne afin de

«redonner au bois de pins sonaspect d’origine».En termes paysagers, le sitea un potentiel fort. L’attache-ment des Bourcefrançais pources dunes est toujours trèsvif ; des cartes postales an-ciennes montrent des per-sonnes profitant de l’agréableombrage des pins.L’analyse paysagère va révélerque bien qu’à dominante depins maritimes, le site présenteune grande diversité d’am-

CONSERVATOIRE RÉGIONAL D’ESPACES NATURELS POITOU-CHARENTES

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biances paysagères ainsi qued’habitats : dune grise, duneboisée, arrière-dune boisée àchêne, saulaie et chênaie pé-donculée marécageuse arrière-

dunaire, dépressionshumides, marais litto-ral remblayé.

Nature et paysage.L’appréhension dupaysage n’est pas limi-tée aux dires d’experts,chacun peut s’en sai-sir. Le groupe de suiviest donc composé

d’élus, agents des services tech-niques, enseignants des écolesprimaires et maternelles et duconservatoire. Si à l’origine leprojet touchait la replantationde la seule pinède, un projet depaysage global et structuré vavite s’échafauder.Les axes en sont les suivants :premièrement, reconstituerrapidement une masse végétalecréant un rôle de barrière vis-à-vis des embruns, afin de pro-téger à la fois les nouvellesplantations et certains secteurschoisis de recolonisation parsemis naturel et évolution li-bre. Deuxièmement, restaureret conforter la diversité paysa-gère à l’intérieur du site parl’enrichissement de la palettevégétale.Issu d’une réflexion sur les

Entre marais et zonesbâties, le site remplit unefonction de relaispaysager jusqu’à d’autresensembles, plus étendus,comme la presqu’îled’Arvert ou la Côtesauvage de l’Île d’Oléron.

Le Système d’information sur la nature et les paysages

DES OUTILS POUR AGIR

Page 33: Réconcilier nature et paysage

Espaces naturels n°32 octobre 2010 33

structures naturelles présentesau sein de milieux similaires àproximité, le gros de la planta-tion s’effectue à partir d’espècesde provenance locale, élevéesen contrat de culture.Enfin, très tôt, il est apparuindispensable d’associer la po-pulation locale au projet afinde se donner les moyens d’as-surer une pérennité à l’amé-nagement et de limiter toutesvelléités de vandalisme commecela fut le cas sur des aména-gements antérieurs.Les enfants des écoles de lacommune ont planté unegrande partie des arbres et ar-bustes du site, actions relatéesdans divers médias.Lors de la plantation, des en-fants ont trouvé un crapaudenfoui dans le sable : un pé-lobate cultripède. Espèce mé-diterranéenne des espaces cô-tiers sableux, rare et protégée,elle n’avait jamais encore été

identifiée sur ce tronçon decôte. Cette découverte a per-mis d’entériner la mise enœuvre de l’une des orienta-tions associées au projet, à sa-voir le recreusement d’unemare en secteur remblayé ;ceci contribuant modeste-ment mais assurément à la re-conquête écologique et pay-sagère du site. ●Jean-Philippe MinierPaysagiste DPLGAntenne paysage Cren de Poitou-Charentes

[email protected]

L’Angleterreen faveur des paysages

DES MÉTHODES POUR AGIR

L ’Angleterre s’est impliquéedès l’élaboration de laConvention européenne du

paysage. Elle est reconnue parmi lespremiers pays ayant mis ses prin-cipes en application (entrée en vi-gueur de la convention au RoyaumeUni le 1er mars 2007).Ainsi, par exemple, la carte NationalCharacter Area est utilisée depuisprès de dix ans pour identifier desaires paysagères du pays et, l’usagedu Landscape Character Assess-ment (Caractérisation du paysage)sert de référence aux acteurs poli-tiques locaux.La mise en œuvre de la conventions’appuie sur All Landscapes Mat-ter : une déclaration affirmant quetous les paysages comptent. Le mi-nistère de l’Environnement par lebiais de Natural England a égale-ment pour mission de développerdes plans d’action qui, outre l’amé-lioration de la performance, visentà influer sur les normes juridiques.Ces mêmes plans développent unvolet scientifique : compréhensionde la nature, dynamique des pay-sages. L’aspect sensibilisation dupublic n’est pas omis. Ainsi que lepartage d’expériences et de bonnespratiques.L’Angleterre promeut égalementun prix du paysage qui fait suite àun concours régional identifiant lesmeilleurs projets de groupes locaux,collectivités territoriales et institu-tions caritatives. Le vainqueur seranommé à Liverpool en novem-bre 2010. Il représentera le RoyaumeUni au prix du Conseil de l’Europeen 2011. ●Gary CharltonSenior Landscape SpecialistNatural [email protected]

En savoir plus

www.naturalengland.org.ukwww.landscapecharacter.org.uk

Soucieux des paysages, le réseau des parcs naturels régionaux a imaginéun partenariat avec l’École nationale supérieure d’architecture de Nancy.Une école qui, généralement, développe les exercices, projets et séminaires

orientés sur la ville constituée, dense et compacte. Depuis 2005, chaque année,un atelier s’organise en écho avec le PNR du Vexin français et le PNR du massifdes Bauges. Sa thématique ? Aménagement du territoire : vers un urbanismerural durable.Cette pédagogie « hors les murs » sert les deux institutions. Pour l’école d’ar-chitecture, l’innovation consiste à aborder l’urbanisme par le biais d’enjeuxglobaux tels l’agriculture, la biodiversité, la culture et le patrimoine local, lagestion des eaux de ruissellement… en croisant ces enjeux avec d’autres, plustraditionnels pour une école d’architecture : la typologie d’habitat, les formesurbaines, l’espace public, la matière…Ces semaines de terrain, qui mettent les étudiants en lien avec les acteurs duterritoire (agriculteurs, élus, professionnels…), déterminent la façon dont ilspositionneront leur rôle et définiront les modalités de conception des projets.Les restitutions (d’abord au sein de l’école, puis dans les communes d’exerciceaprès finalisation des publications que l’école s’engage à réaliser) permettentde débattre et, parfois, d’ouvrir la porte à de nouvelles réflexions, à des hypo-thèses peu explorées… Le travail des étudiants constitue, certes, un apport depropositions aux élus, mais il participe surtout à créer les conditions du débatsur les enjeux d’un urbanisme rural plus éco-responsable.La recherche, sans être clairement affichée comme objet, bénéficie de l’accu-mulation des expériences. ●Marc Verdier - Maître assistant à l’Ensa de [email protected]

ATELIERS TERRITORIAUX DU PAYSAGE

Ami-ami avec les architectes

Télécharger les ateliers : www.nancy.archi.fr/bauges/publications/

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Le paysage està prendre encompte au-delà de ladimensionesthétique.C’est unerésultante desactivitéshumaines,notammentéconomiques.

Page 34: Réconcilier nature et paysage

ONF ANTILLES ET ÎLE DE LA RÉUNION

34 Espaces naturels n°32 octobre 2010

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cialisée dans l’éducation à l’environ-nement. Écologie, milieu, habitats,faune, flore, métiers de la forêt… lessujets abordés ciblent un public sco-laire de cycle 3. Les enseignants peu-vent s’appuyer sur ce support péda-gogique avant et après la sortie.Question de coût, l’outil a été conçupour être utilisé dans toutes les forêtset milieux naturels (ou presque).Et effectivement ! La fabrication en

Le grand air, la forêt, une sortie…et voilà l’occasion de sensibiliserdes enfants à la richesse des

bois. L’ONF a donc conçu En quêtedes secrets , une mallette pédagogiquequ’animateurs ou enseignants peu-vent utiliser tout au long d’un par-cours libre ou d’un sentier balisé. Àl’origine du travail : des animateursnature, l’équipe marketing de l’ONF,une agence de communication spé-

Mallette forestièreSur mesure !

La réalité économique veut qu’on standardise les produits, fussent-ilspédagogiques. « Ti forestier » veut répondre à des besoins spécifiques.

1. Le Petitforestier !2. Allons nouspromener enforêt !

Page 35: Réconcilier nature et paysage

Espaces naturels n°32 octobre 2010 35

FORUM PROFESSIONNEL I PÉDAGOGIE ANIMATION

“L’enfant conserve la mallette à l’issue de la sortie.nne

Tison

grand nombre a permis d’aboutir àun prix de vente de l’ordre de trente-six euros par enfant dans une classede vingt-cinq élèves.Cependant, cette option économiquene pouvait résister aux réalités lo-cales. Aux Antilles et Île de la Réunionnotamment, existent de fortes spé-cificités écologiques, culturelles etenvironnementales que les messagespédagogiques véhiculés par cette mal-lette unique ne pouvaient servir.Deux nouvelles mallettes adaptées,Ti forestié ! 1 et Ti dalon la forêt ! 2 ,ont alors été conçues. La questionéconomique restait encore entière ;aussi, les créateurs ont-ils décidé decapitaliser sur la démarche engagée àl’échelon national et de concevoir cesoutils nouveaux comme deux décli-naisons de la mallette initiale.

Adapter. Partant de l’existant, la ré-flexion a cherché à cibler le cœur desdifférences. Le type de milieu toutd’abord : forêt dense humide, forêtde montagne, forêt mésophile, forêtsèche ou mangrove, les caractéris-tiques des milieux tropicaux impo-saient de les aborder spécifiquement.Les essences végétales sont dissem-blables, idem pour les enjeux de pro-tection et de production. Ainsi les fo-rêts antillaise ou réunionnaise jouentun rôle social et économique majeur.Les populations locales en tirent unrevenu dont la structure se différen-cie de la filière bois métropolitaine.Les messages à véhiculer ont égalementdonné lieu à une réflexion particulière.Loin de la mallette nationale, c’est lanotion d’espèces invasives menaçantles équilibres qui est ici essentielle.

En pratique. Pour que la création desnouvelles mallettes soit économique-ment possible, c’est principalement lecarnet de terrain, destiné à accompa-gner les enfants tout au long de la sortie,qui a été «aménagé». Celui-ci expliqueles différentes essences d’arbres, les mi-lieux, les fonctions de la forêt (produc-tion, protection, accueil). Il permet éga-lement aux enseignants de préparer lasortie et d’évaluer les connaissances ac-quises. Le surcoût s’est alors limité àcelui de l’impression.A contrario les outils pour dessiner(crayons de couleur, crayon noir), ob-server (loupe), être un artiste (carteblanche adhésive et sable pour réaliserles tableaux naturalistes), expérimen-ter (mesurer la hauteur d’un arbre :croix du bûcheron), se repérer (bous-sole)… ont pu rester standards. Infine, les mallettes Dom ne reviennentpas plus cher et coûtent entre trenteet trente-six euros. Le prix varie enfonction de la quantité commandéeet donc fabriquée. Une des variables est liée à la gestiondu stock. C’est pourquoi l’ONF de-mande à ses commerciaux de s’enga-ger sur un volume de commandes en-visageables afin de pouvoir lancer lafabrication en grand nombre. Faire du spécifique s’avère donc pos-sible. Du reste, fort de cette expé-rience, l’ONF a travaillé sur d’autresdéclinaisons. Pour cibler un publicplus jeune cette fois : Robin le lutin,à destination des maternelles. ●Véronique Vinot - [email protected]

La mallette forestière antillaise.

Littoral deTrois-Rivières,Guadeloupe.

© Nicolas Pettini

Page 36: Réconcilier nature et paysage

36 Espaces naturels n°32 octobre 2010

FORUM PROFESSIONNEL I ÉTUDES RECHERCHES

Construire un projet de territoire autour de la solidarité écologique

A u cœur de la réforme desparcs nationaux, un concept :la solidarité écologique.

Point central de la loi du 14 avril2006, il est utilisé pour fonder le pé-rimètre optimal des parcs et pour mo-tiver la décision des communesd’adhérer à la charte. Si ce concept1

relève de dynamiques et de fonction-nalités écologiques, il touche égale-ment à la dimension paysagère, cul-turelle, sociale et économique. Cesdynamiques dépassent les limites desaires protégées et intègrent les inter-dépendances écologiques entre ter-ritoires, nécessaires à la conservationde la biodiversité, des ressources na-turelles, des services qu’elles rendent,et des usages associés. À ce titre, la solidarité écologiquepeut servir de support à la constitu-tion d’un projet de territoire. Il estalors essentiel de comprendre lesfondements de ce concept qui seconjugue autour de six critères.

1. Voir« Des motspour ledire »,Espacesnaturels,n°30,avril 2010.

1

Les trois premiers critères se fo-calisent sur l’organisation spatialedes composantes d’un territoire.

1. LA FONCTIONNALITÉ ET L’INTÉGRITÉ

DE GRANDS ENSEMBLES OU SYSTÈMES.Un premier regroupement pertinentpour l’examen de la dimension spa-tiale des enjeux de biodiversitéconcerne les grands ensembles fonc-tionnels tels que les bassins versantset les grands paysages (forestiers,mosaïque agro-pastorale…). Il s’ap-plique également à l’identité socialeet culturelle et aux activités inté-grées dans le paysage qui concourentà son caractère. Ce type de solidaritéécologique renvoie aux notions defonctions et de services des écosys-tèmes et à la nécessité de maintenirleur intégrité.

2

4

3

2. LES CONTINUITÉS ÉCOLOGIQUES

ET LA COHÉSION TERRITORIALE.Une deuxième représentation s’arti-cule autour de la nécessité de proté-ger un habitat continu dont la sur-face assure le maintien durable desespèces qui y sont inféodées. Entermes culturels, ceci se traduit parla cohésion sociale d’un territoire oul’envie de vivre ensemble, conférantune identité au groupe social. Il s’agitde définir l’étendue et la configura-tion spatiale de l’habitat d’une espèce,du cadre de vie d’une population, ducontexte d’une activité bénéfiquepour l’environnement.

3. LA COMPLÉMENTARITÉ DES SITES.La composition des communautésd’espèces connaît souvent une trèsforte variabilité spatiale. Il existeainsi une complémentarité entresites, chaque site contenant une par-tie seulement de la diversité rencon-trée à des échelles supérieures. Entermes culturels, cette complémen-tarité s’observe à travers le patri-moine ethnographique d’un terri-toire, ou encore la diversité desterroirs, des cultures, des initiativeslocales. Chaque site, avec ses parti-cularités, est représentatif d’une par-tie des valeurs communes.

Trois autres critères s’articulentautour de la mobilité des orga-nismes.

4. LE DÉPLACEMENT DES INDIVIDUS.Les déplacements (journaliers ou sai-sonniers) entre taches d’habitats dis-joints sont nécessaires aux besoinsvitaux de certaines espèces (repro-duction, alimentation, hivernage).La gamme des habitats nécessairesaux organismes pour effectuer leurcycle de vie n’est pas forcémentcontenue au sein du périmètre d’unespace protégé. D’un point de vue so-cial et culturel, il s’agit de considérerles espaces d’activités interdépendantset reliés par des itinéraires : circuitpastoral saisonnier (flux liés à latranshumance), circuit touristique(flux de fréquentation)…

Inscrit dans la législation des parcs nationaux, le concept desolidarité écologique prend également en compte les enjeuxsocioculturels.

Page 37: Réconcilier nature et paysage

La solidarité écologique en exemples

Espaces naturels n°32 octobre 2010 37

FORUM PROFESSIONNEL I ÉTUDES RECHERCHES

5

6

5. LA DYNAMIQUE DES POPULATIONS.Pour survivre dans un milieu en évo-lution, une espèce doit coloniser denouveaux sites et constituer une nou-velle population. La persistance d’uneespèce est ainsi dépendante de l’exis-tence d’un réseau d’habitats et dubon état des connexions entre eux.La solidarité écologique concerneaussi le potentiel du site à valoriserdes pratiques ou usages tendant versun équilibre territorial (répartir lapression de fréquentation touristique,favoriser l’élevage extensif…).

6. LA RÉPONSE AUX CHANGEMENTS.En cas de changements plus durables(climatiques, usages des terres…),deux réponses des espèces sont possi-bles: l’adaptation ou la migration. Unesixième représentation de la solidaritéécologique consiste en une vision delong terme replaçant le territoire ausein des gradients environnementauxet des transitions écologiques permet-tant aux espèces de modifier leurs airesde répartition. Par une vision prospec-tive doublée d’un projet de société, ils’agit également d’anticiper les risquesnaturels, l’évolution des paysages etdes activités.

Le mot solidarité a une forte capa-cité de mobilisation et implique laresponsabilité des acteurs locaux.Son utilisation dans un contexte deconservation de la nature pourraitpermettre d’accompagner la prise deconscience et la capacité de chacund’agir de manière solidaire et res-ponsable. La solidarité écologiquepermet une nouvelle vision de l’es-pace et de sa gestion. Elle contribueà donner les bases d’une gestionconcertée. Ainsi, elle peut permettrede fonder un projet de territoire. ●Olivia Delanoë Inea Ingénieurs [email protected] [email protected]

En savoir plusApplication du concept de solidaritéécologique dans les parcs nationaux,O. Delanoë (coord.), J. Thompson, R. Mathevet, C. Gil, M. Bonnin, M. Cheylan,Parcs nationaux de France, 2009.

FONCTIONNALITÉ ET INTÉGRITÉ DE GRANDS ENSEMBLES OU SYSTÈMES

Approche écologique Dans le PN Guyane, la solidarité écologiques’exprime par la protection des têtes de bassin versant des fleuves etrivières dans le cœur du parc. Le but étant de garantir la qualité de l'eauet les usages en aval (en bleu sur le schéma). En termes de gestion,cette approche de la solidarité écologique aboutit à la gestion globale etpartagée de l'eau.

Approche paysagère, culturelle et sociale Dans le PN Pyrénées, descommissions syndicales emblématiques de l'histoire et des formesd'organisation sociale pyrénéenne gérent les bois et estives des piémontsaux sommets. Cette organisation dépasse le périmètre du parc (enorange sur le schéma). Elle permet une gestion intégrée des ressourcesnaturelles et des paysages.

CONTINUITÉS ÉCOLOGIQUES ET COHÉSION TERRITORIALE

Approche écologique Un des enjeux de PN Calanques est de maintenirdes herbiers de posidonie dans le cœur du parc et au-delà (en orangesur le schéma) pour garantir la viabilité d’un écosystème pivot du littoral.Ceci suppose de protéger des surfaces d’habitats suffisamment vastes.

Approche paysagère, culturelle et sociale Le PN Écrins s’est associé àquatre grands projets de territoire qui dépassent les limites du parc etvisent des synergies à bénéfices mutuels (en violet sur le schéma). Cettedémarche participative implique de définir des entités de gestioncohérentes avec les enjeux et projets du territoire.

COMPLÉMENTARITÉ DES SITES

Approche écologique Dans le PN Vanoise, 45 espèces de la liste rougede la flore menacée en France se trouvent réparties dans le cœur etl'aire optimale d'adhésion du parc (en vert et orange sur le schéma).Cette approche conduit à une gestion partagée du patrimoine (co-responsabilité du parc).

Approche paysagère, culturelle et sociale Le PN Cévennes apporte sonappui à des pratiques agricoles variées respectueuses de la nature etcontribuant à la gestion de sites à enjeux environnementaux (en jaune). Ilvalorise certaines pratiques respectueuses de l'environnement et gèreles pressions ayant un impact négatif sur le patrimoine.

DÉPLACEMENTS DES INDIVIDUS

Approche écologique Dans le PN Guadeloupe, le ouassou (une crevetted'eau douce) pond en altitude, dans le cœur du parc. La larve sedéveloppe au-delà, dans la rivière et l’estuaire, puis les jeunes adultesremontent le cours d’eau. Le parc a donc adopté une gestion concertéedes différents sites nécessaires à l’accomplissement du cycle de vied’une espèce, et des espaces de connectivité.

Approche paysagère, culturelle et sociale Dans le PN Mercantour, lestroupeaux se déplacent pendant la transhumance, des vallées et zonesintermédiaires vers le cœur (estives). La mise en place de plans degestion globaux (cœur, aire d'adhésion) est un enjeu fort du parc.

DYNAMIQUE DES POPULATIONS

Approche écologique Dans le PN Pyrénées, l'isard a recolonisé le cœurdu parc à partir de deux réserves : Ossau, Péguère. Des réintroductionsont ensuite favorisé son extension au-delà du cœur. Conservation deshabitats potentiels d’espèces et valorisation des capacités du territoiresont des enjeux de gestion importants.

Approche paysagère, culturelle et sociale Certains parcs ont créé desespaces relais pour l'accueil du public. Ceci limite la fréquentation dessites sensibles. En termes de gestion, cette approche aboutit à unemaîtrise des flux de fréquentation.

RÉPONSE AUX CHANGEMENTS À LONG TERME

Approche écologique Dans le PN Port-Cros, la girelle-paon est devenueplus commune. Elle était pourtant exceptionnelle avant 1985. Leréchauffement de la mer a provoqué la remontée de poissons plusméridionaux. La gestion des risques naturels ne doit pas être exclue dela gouvernance des parcs.

Approche paysagère, culturelle et sociale Dans certains PN, lespaysages évoluent selon les changements environnementaux à longterme et selon l'usage des terres. La gestion du parc doit intégrer unprojet de société à long terme, une vision prospective du territoire.

■ Espace géographique référent : aire protégée, cœur de parc, « cœur de nature», commune, pays…■ Espace associé : territoire environnant une aire protégée, aire optimale d’adhésion des parcs…

Page 38: Réconcilier nature et paysage

38 Espaces naturels n°32 octobre 2010

1. Conduite par le

Conservatoiredu littoral et

Rivages deFrance, avec le

soutien deProcter et

Gamble, etVeolia

environnement.2. Des travauxont été menés

sur les sitespilotes :

Assérac (Loire-Atlantique),

Faute-sur-Mer(Vendée),

Leucate (Aude),Portiragnes

(Hérault)…

Assérac.L’impact dunettoyagemécanique estici démontré.

Couramment utilisé, le net-toyage mécanique des plagesaboutit à prélever une partie

ou la totalité des laisses de mer (voirencart). Il provoque un appauvrisse-ment de la richesse biologique, undéséquilibre du stock sédimentaire ;il peut accélérer l’érosion côtière…Devant ce constat, une réflexion estmenée depuis 20041. Elle vise à dé-finir un protocole et des outils mé-thodologiques pour la mise en œuvred’un nettoyage raisonné des plages2.La première phase du protocoleconsiste à répertorier trois types dezones en fonction de leur type d’uti-lisation et intérêt écologique : plageurbaine à forts enjeux touristiques(fortement fréquentées telles lesplages surveillées), plage à enjeuxtouristiques modérés et forts enjeux

environnementaux ; plage à très fortsenjeux environnementaux. Ce diagnostic repose sur l’analyse dedifférents critères : localisation d’es-pèces remarquables, facteurs touris-tiques, caractéristiques du trait decôte, volume et typologie des laissesde mer, type de substrat, superficiede la plage… Il tient compte égale-ment des enjeux sociaux. L’outil Natura 2000 peut constituerune aide financière aux collectivités.Un contrat, d’une durée de cinq ans,permet de financer le nettoyage ma-nuel et sélectif à hauteur de 100 %sur des sites Natura 2000.

Protocole. Un protocole de net-toyage raisonné est alors adopté parla commune concernée. • Sur les plages à forts enjeux tou-ristiques, un nettoyage mécaniqueadapté sera préconisé. C’est le casnotamment sur les plages surveilléesou à faibles enjeux écologiques tellesles plages « urbaines ».• Sur les plages à forts enjeux envi-ronnementaux, on visera un net-toyage manuel régulier.• Sur les plages à très forts enjeuxenvironnementaux, le nettoyage ma-nuel sera ponctuel. Il prendra encompte la période de nidificationd’espèces protégées telles que le gra-

velot à collier interrompu et la sternenaine. Afin de préserver au mieuxces espèces vulnérables, aucun net-toyage ne sera préconisé lors de lapériode de nidification.

Mise en œuvre. L’adoption du net-toyage manuel par la commune né-cessite une forte organisation du tra-vail. En effet, cette interventiondemande du temps et des moyenshumains (voir tableau de l’organi-sation du travail sur la commune dePortiragnes, plage de la GrandeMaïre). Cette technique réclame égalementune formation spécifique des agentset plus généralement des personnelsqui accomplissent ces tâches.Outre la connaissance du terrain,une demi-journée est nécessairepour expliquer aux agents, d’unepart les enjeux écologiques (rôle deslaisses de mer, aspects floristiques),et d’autre part les pratiques de net-toyage préconisées. Ces formationspeuvent débuter par une présenta-tion en salle, accompagnée par desillustrations et se poursuivre sur leterrain.Les réceptionnistes de mairie ou d’of-fice du tourisme seront égalementformés aux enjeux environnemen-taux des hauts des plages ainsi qu’auplan de nettoyage en général.Une liste des consignes de sécuritédoit également être diffusée auxagents qui assurent le nettoyage.Par la suite, des échanges entreagents techniques et conseillers en-

Mode opératoire pour mettre en œuvreun nettoyage raisonné des plagesPar souci d’offrir une plage propre et confortable auxvisiteurs, les plages sont trop souvent nettoyées de manièremécanique et systématique. Comment faire autrement…

CONSERVATION

C’est le coût du kilomètre de plage nettoyémanuellement à Assérac où 8 à 10 agents eninsertion ont été mobilisés. Ce coût varie enfonction du nombre de passages (8 passagesannuels dans cet exemple). Avec 56 passagesannuels et 2 agents saisonniers, la commune deLeucate chiffre les interventions à 3354€ le km. ●

En chiffre

1 700€

Nettoyage manuel

Végétation annuelledes laisses de mer

Nettoyage mécanique

© F. Geffroy - Rivages de France

Page 39: Réconcilier nature et paysage

Espaces naturels n°32 octobre 2010 39

FORUM PROFESSIONNEL I MÉTHODES TECHNIQUES

“La commune d’Assérac a signé un contrat Natura 2000lui permettant d’obtenir des subventions à hauteur de100 % pour le nettoyage manuel.

vironnementaux permettront demieux adapter les pratiques.Différents types d’acteurs sontconcernés par ces opérations :conchyliculteur, paludier, pêcheur,pratiquants d’activités sportives (kitesurf, char à voile…) ou encorecommerçants/gérants de campings,restaurants… Il est indispensable deles intégrer, ou tout du moins de lesinformer, pour réaliser ce projet dansles meilleures conditions.

Traitement des déchets. La com-mune devra définir son protocoled’acheminement et de traitementdes déchets récoltés. À Portiragnes,le protocole indique que «les déchetspourront faire l’objet d’un tri.L’équipe de nettoyage (deux agents)devra regrouper les déchets par ca-tégories (plastique, verre, ferraille)pendant ou à la fin de la collecte ».Par ailleurs, une fiche de suivi desmacro-déchets permet de caracté-riser les déchets anthropiques trou-vés sur la plage (types, volumes…).Les sacs sont acheminés à pied.Concernant les déchets dits dange-reux, tels que des fûts dont le conte-nant n’est pas identifié, il est conseilléde les laisser sur place et de prévenirles services techniques.Les déchets valorisables (déchets en-dogènes, verre, métaux et bouteillesplastiques), non souillés par le sable

3. Rivages de France.4.Conserva-toire dulittoral.5. Ententeinterdép.pour ladémous-tication*.

Nettoyage manuel de la plage de la Grande Maïre : organisation de la gestion raisonnée (été 2010)ACTIVITÉ COORDINATEUR* ACTEURS MOBILISÉS MATÉRIELS / OUTILS COÛT FINANCEUR À PARTIR DE

NETTOYAGE

MANUEL

Collecte manuelle Commune 2 agents (contrats aidés)Sacs, gants • n° tél. des

services communaux • listedes consignes de sécurité

1 000 à2000 € Commune Mi-avril

Tri desmacro-déchets RDF3/CDL4 2 agents (contrats aidés) - - - Mi-avril

Traitement déchets Commune Syndicat intercommun. Transport en déchetterie - Commune Mi-avril

COMMUNICATION

Sensibilisation activede terrain (mobilisationd’agents sur la plage)

CommuneEID5

2 agents (contrats aidés) • stagiaires EID Plaquettes - stand - Commune Fin juin

Panneaux RDF/CDL - C. d’agglo.

Agents techniquescommunaux (fixation)

Matériau : dibond (3 mm) • nb : 3 400 € C. d’agglo. Juin

Plaquettes RDF/CDL-EID - Conception + impression 1 450 € CDL Juin

FORMATIONS

ET TEMPS

D’ÉCHANGE

Temps d’échanges RDF/CDLAgents techniques

communaux • clubs devoile • asso. de chasse

Rencontres sur le terrain - - Juin

Formation RDF/CDL2 agents (contrats aidés)• réceptionnistes d’officede tourisme et de mairie

Présentation power point •observations de terrain - - Mi-avril /

Juin

SUIVIS

Géomorphologie de la plage EID - Photos aériennes et in-situ - - Toute

l’annéeFaune/flore

du haut de plage RDF/CDL - EID - Observations in-situ - - Toutel’année

Perception du public RDF/CDL 2 agents (contrats aidés) Enquête de perception - - Fin juinCaractérisation macro-déchets RDF/CDL 2 agents (contrats aidés) Grille de suivi - - Mi-avril

NETTOYAGE MANUEL RÉGULIER

PÉRIODE Mars Avril Mai Juin Juillet Août Septembre Octobre à février

FRÉQUENCEPassages

hebdomadairesPassages

ponctuels*Aucun

passage1 passage

après maréesd’équinoxe

Passages ponctuels*

*2 à 3 passages par mois à prévoir suite à des tempêtes ou lors de journées de haute fréquentation.

Hiérarchisation des enjeux, commune de la Faute-sur-Mer (Vendée)

Cettecartographiereprésente unoutil d’aide à ladécision. Ellepermet auxdécideurs etacteurs intégrésau projet dediscuter et devaliderdifférentesoptions degestion.

Fréquences et périodes d’intervention à la Faute-sur-Mer (Vendée)

PRÉPARATION

Diagnostic des enjeuxÉvaluation des besoins (techniques, outils…) et des coûts

Recherche de partenariats potentiels (techniques, financiers)Identification des paramètres de suivi post-opération

PROCESSUSDE DÉCISION

Sensibilisation des décideursProposition d’un protocole de nettoyage raisonné et validation par la municipalité

MISE EN ŒUVRE

Intégration des acteurs locauxCommunication à destination du grand public

Sessions de formationSuivis = récolte de résultats

VALORISATION Colloques, rencontres

Méthodologie pour un nettoyage raisonné des plages

tournez la page

h

■ Nettoyage manuel ponctuel. Zonesà très forts enjeux environnementaux.Secteurs de nidification pour desespèces protégées (gravelot…).

■ Nettoyage manuel. Zones àforts enjeux environnementaux.

■ Nettoyage mécanique.Plages surveillées et trèsfréquentées.

*L’EID Méditerranée participe à ce projet dans le cadre du contrat de plan État-Région 2007-2013.

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Page 40: Réconcilier nature et paysage

oui, je m’abonne

Revue publiée par le Groupement d’intérêtpublic Atelier des espaces naturels,

réseau des gestionnaires de la nature.www.espaces-naturels.fr

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40 Espaces naturels n°32 octobre 2010

et peu abimés par l’eau de mer, sontdirectement remis dans les contai-ners de recyclage.

Suivi. Il est également importantd’établir des protocoles de suivis. Unsuivi soutenu par des photographiesmensuelles peut montrer l’évolutiondu haut de plage et différencier un

secteur mécanisé et entretenu ma-nuellement.Il est également important d’évaluerla perception des usagers s’il y amaintien des laisses de mer. Une en-quête de satisfaction permet de ré-colter des données ●Florian Geffroy - Rivages de [email protected]

La laisse de mer désigne les éléments naturels apportés par lamer et déposés à marée haute ou lors de tempêtes. On y trouvedes algues, coquillages, bois flottés, cadavres d’animaux, posi-

donies. Les laisses de mer constituent un écosystème ayant plusieurscaractéristiques : c’est un milieu transitoire accueillant à la fois unefaune marine et continentale ; il est dépendant des apports organiquesprovenant pour la plupart de l’océan, d’où sa fragilité vis-à-vis des opé-rations de nettoyage réduisant ou supprimant cet apport. Étroit rubande quelques décimètres de large seulement, ces laisses jouent éga-lement un rôle de frein à l’érosion éolienne des hauts de plage et fa-vorisent la formation des avant-dunes dites dunes embryonnaires. La vie sur la plage nue n’est possible pour les invertébrés que par laprésence de ces micro-habitats jouant le rôle de refuges. Ceux-ci consti-tuent à la fois une ressource alimentaire et un abri faisant écran ausoleil. Il y règne un micro-climat tamponné avec une humidité indis-pensable à la survie de ces espèces. Ces micro-habitats que sont lesalgues déposées lors de chaque marée, les bois flottés et déchets an-thropiques et les cadavres d’animaux, possèdent chacun des conditionsd’humidité et de température différentes et accueillent donc une faunequi leur est propre. Les algues conservent, sous une croûte plus dessalée, une humiditéet une température élevées et constantes, ce qui attire une foule d’organismes vivants, notamment les puces de mer et les larves demouches, elles-mêmes prédatées par les larves et les adultes de coléoptères. Les bois échoués peuvent accueillir des espèces s’en nourrissant ainsique d’autres utilisant temporairement cet habitat stable pour se réfugierdessous, à la surface du sable ou pour y creuser leur terrier. Les cadavres d’animaux sont caractérisés par une salinité importanteconjuguée à un séchage rapide sur le littoral. La faune peuplant cescadavres est essentiellement composée des larves de diptères. ●

EN SAVOIR PLUS

Observatoire du littoral. www.littoral.ifen.fr/Les-invertebres-continentaux-des-laisses-de-mer.221.0.html#tcontent

▼Les laisses de mer indispensablesau bon état de santé des plages

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Page 41: Réconcilier nature et paysage

Espaces naturels n°32 octobre 2010 41

Un entretien de recrutement estassimilable à une opération deséduction mutuelle. Au même

titre que les candidats, il vous appar-tient de préparer soigneusement cettephase de jeu. Voici quelques conseilspour réussir votre entretien et éviterdes erreurs de casting.

Préparer l’entretien.Vous voici devant une pile de can-didatures... Comment choisir ?Appuyez-vous sur le profil que vousavez publié et déterminez avec pré-cision les différents savoirs, savoir-faire et qualités que vous attendez.Aidez-vous d’un référentiel métier. Retenez les deux ou trois critères in-dispensables (les connaissances debase requises pour le poste, l’expé-

SAVOIR-FAIRE

La grille d’évaluation CANDIDAT 1 CANDIDAT 2 CANDIDAT N

Premier contact (ponctualité, présentation, aisance...) Noté sur 4

Connaissances générales Noté sur 4

Connaissances de l’environnement professionnel Noté sur 4

Connaissances techniques, politiques, scientifiques Noté sur 4Aptitudes (physique, relationnelles, autonomie...) Noté sur 4

Potentialités (expérience, formation...) Noté sur 4

Statut Noté 1 ou 0

Note sur 25

rience dans un poste similaire…) etdes critères plus globaux (qualité dela rédaction, de la présentation gé-nérale de la candidature). Transformez le tout en tableau etétablissez une notation de chacundes critères (de 0 à 5 par exemple).Sélectionnez les meilleures candi-datures objectives. Planifiez les entretiens, composezvotre jury et convoquez les candidats.

Mener l’entretien.Avant l’entrée du candidat, relisez sacandidature. La conduite de l’entretien se dérouleen plusieurs phases. Dès l’accueil ducandidat, cherchez à le mettre à l’aiseen lui souhaitant la bienvenue, en luiprésentant le jury et en expliquant le

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Conduire un entretien de recrutement

FORUM PROFESSIONNEL I MANAGEMENT MÉTIERS

déroulement de l’entretien, puis de-mandez-lui de se présenter.Échangez ensuite sur les points quevous cherchez prioritairement à éva-luer : ses connaissances générales •ses savoir-faire techniques • sesconnaissances de l’environnementprofessionnel • ses aptitudes et qua-lités personnelles • ses capacités d’in-tégration • ses aptitudes à l’autono-mie, ou au travail en équipe, ou àrespecter des consignes... Là aussi, un tableau rassemblant cescritères et permettant une notationvous sera utile. Éditez-le en autantd’exemplaires que de membres dujury.Attachez-vous à vérifier certainspoints d’ombre du CV par des ques-tions de mise en situation pour véri-fier une finesse d’analyse, une capacitéà manager une équipe… ou plus sim-plement une connaissance spécifique.Attention ! Des questions portantsur l’opinion, la religion, l’origine,l’état de grossesse, l’orientationsexuelle du candidat… sont de na-ture discriminatoire.Dans un troisième temps, laissez lecandidat poser des questions puisconcluez en expliquant les étapes sui-vantes. Raccompagnez ensuite le can-didat et échangez cinq minutes entremembres du jury avant de recevoirle candidat suivant.

Faire passer des tests?La pratique du test prend du tempsmais s’avère efficace, car la mise ensituation est un meilleur gage decompétences que la simple parole.Pour les métiers techniques ou ma-nuels, le test permet d’évaluer la capacité d’organisation et certainssavoir-faire. Pour des cadres, on tes-tera des capacités d’analyse, de syn-thèse ou de rédaction.Épreuve ou pas épreuve ? C’est à vousde voir, mais surtout prévenez lescandidats dès la convocation afinqu’ils s’y préparent (tenue, maté-riel...) : il est stressant pour un can-didat d’apprendre in situ qu’il auraune épreuve supplémentaire.

À suivre... ces quelques conseils pour ne passe tromper de candidat.

Page 42: Réconcilier nature et paysage

42 Espaces naturels n°32 octobre 2010

Voici le moment du choix. Qui seravotre collaborateur? Celui qui cor-respond parfaitement au profil, oucelui qui possède un bon potentiel?En matière de recrutement aussi, lemieux est parfois l’ennemi du bien.●

André LechigueroChargé de mission [email protected]

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Quelles questions ?Préparez la listeFormation initiale• Comment vos études se sont-ellesdéroulées ? Y a-t-il des domaines danslesquels vous continuez d'étudier ?Pourquoi vous êtes-vous orienté dans cedomaine ? • Quelles relations faites-vous entre vosétudes et vos années professionnelles ? • Pouvez-vous nommer avec précision vosdiplômes (établissement et année ) ?

Expérience professionnelle• Parlez-nous de vos expériencesprofessionnelles ? Comment se déroulaitune journée de travail ? • Quels ont été vos objectifs etréalisations ?• Votre travail a-t-il été utile ?• Quels ont été vos motifs de départ ? • Quels sont vos atouts pour ce poste ? • Qu'attendez-vous de vos supérieurshiérarchiques ? • Quelles sont les contraintes de votreposte actuel ?

Savoir-faire• Face au problème suivant (décrire), queferiez-vous ? • Quels seraient vos premiers actes sivous intégriez ce poste ?• Comment utilisez-vous telle machine ?

Autoperception • Qu'aimez-vous chez vous ? • Quels sont vos principaux traits decaractère ? • Que ferez-vous dans trois ans ? • De quoi êtes-vous le plus fier dans votreparcours professionnel?

Motivation • Pourquoi avez-vous postulé ? • Pourquoi souhaitez-vous changer demétier ?• Qu'est-ce qui vous passionne ? • Que connaissez-vous de notre structure ?

Renseignement sur le candidat• Quel est votre délai de préavis ? • Quelle est votre rémunération actuelle ?Vos avantages ? Quelles sont vosprétentions ? • Disposez-vous du permis de conduire(certifications pour engins de chantier, deplongée, sauvetage...) ? ●

Loi Grenelle 2

Quoi de neuf pour la nature?La loi portant engagement national pourl’environnement a été adoptée le 29 juin dernier.

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D eux cent cinquante-sept articles, plus de dix milleamendements, trois cent

vingt heures de débats… La loi diteGrenelle 2 portant engagement national pour l’environnement a étépubliée au Journal officiel le 13 juil-let 20101.Composée de six titres (Bâtimentset urbanisme. Transports. Énergieet climat. Biodiversité. Risques,santé, déchets. Gouvernance), elleréforme de nombreux lois et codesexistants : code de l’urbanisme, del’environnement, de la santé pu-blique, code général des impôts…Voici les principaux points touchantles espaces protégés.

Urbanisme. Première mesure at-tendue de l’aménagement durable :la transcription de l’évaluation com-munautaire des incidences. Ainsi,les schémas de cohérence territoriale(Scot) et les plans locaux d’urba-nisme (Plu) susceptibles d’avoir deseffets notables sur l’environnementdoivent faire l’objet d’une évaluationenvironnementale.La loi crée également un outil : lesdirectives territoriales d’aménage-ment et de développement durable.Il s’agit de textes d’orientation despolitiques d’aménagement, d’urba-nisme, de protection des espaces na-turels, agricoles et forestiers, et depréservation ou de remise en bon

Page 43: Réconcilier nature et paysage

LE POINT

Espaces naturels n°32 octobre 2010 43

FORUM PROFESSIONNEL I DROIT POLICE DE LA NATURE

“Le gouvernement devra, sous six mois,remettre un rapport sur la valorisationet l’exploitation de la pharmacopée desterritoires ultramarins.

Grand site de la Camargue gardoise. La réalisation d’un cheminementintégré au paysage permet aux visiteurs de découvrir le marais sansdégrader l’environnement.

Trames vertes et bleues. Ces car-tographies visent à mailler le terri-toire afin de lutter contre la fragmen-tation des habitats. La portéejuridique des trames est limitéepuisque elles devront simplementêtre «prises en compte» au niveaulocal dans les documents et projetsdes pouvoirs publics. Il est simple-ment précisé qu’elles devront être« prises en compte » au niveau localdans les documents et projets despouvoirs publics. Ainsi, elles de-vraient s’inscrire dans des schémasrégionaux de cohérence écologique(dont l’objectif est de définir la remiseen bon état écologique du territoire).La mise en œuvre des trames veut,cependant, être l’occasion de sensi-biliser les acteurs locaux. En effet,la loi définit avec précision les prin-cipes de gouvernance liée à leurmise en place en créant notammentun comité national et des comitésrégionaux de suivi.

état des continuités écologiques. Cesdirectives sont arrêtées par les col-lectivités territoriales. Elles ne sontpas directement opposables maiselles peuvent le devenir par le biaisd’une procédure de projet d’intérêtgénéral, les protections des espacesnaturels ou agricoles pouvant êtrequalifiées comme telles.

Encadrement de l’affichage. Toutepublicité est interdite en dehors desagglomérations. À l’intérieur des ag-glomérations, l’affichage publicitaireest interdit notamment dans leszones de protection des sites classés,dans les parcs naturels régionaux,dans les sites inscrits à l’inventaireet leurs zones de protection, dansl’aire d’adhésion des parcs nationaux ;dans les zones spéciales de conser-vation, dans les zones de protectionspéciales… Il peut être dérogé à cesinterdictions dans le cadre d’un rè-glement local de publicité.

Le processus du Grenelle a été lancé enjuillet 2007, au lendemain d’une campagneprésidentielle marquée par les questions

environnementales.Objectif : définir une feuille de route pour legouvernement en faveur de l’écologie, dudéveloppement et de l’aménagement durables. Lesespaces protégés sont notamment concernés pardeux des six groupes de travail : « préserver labiodiversité et les ressources naturelles » et« instaurer un environnement respectueux de lasanté ».Automne 2007 : trente-quatre comités opérationnelsse voient confier la mission de proposer des actionsconcrètes pour atteindre les 268 engagementsretenus.D’autres chantiers de travail sont lancés en parallèledu Grenelle : table ronde Chasse, Grenelle de la mer,Grenelle des ondes…La phase législative proprement dite se déroule endeux temps : la loi Grenelle 1 votée en août 2009 fixele cadre général (loi de programmation). La loiGrenelle 2 adoptée en juillet 2010 présente lesmesures concrètes permettant d’atteindre lesobjectifs fixés précédemment. ●

À l’échelon national, les documentsde planification et projets devrontêtre compatibles avec les orientationsnationales de la Trame verte et bleue.

Espèces et habitats. La loi prévoitle renforcement des plans d’actionen faveur de la flore et de la faunemenacées. De plus, les habitats na-turels, ainsi que les sites géolo-giques, pourront désormais être pro-tégés au même titre que certainesespèces animales et végétales.Les zones humides particulièrementmenacées sont, elles aussi, visées.Dorénavant, les Safer pourront ac-quérir de telles zones lorsqu’ellessont situées sur des terrains agri-coles. Pour les terrains non agri-coles, les agences de l’eau pourrontse porter propriétaire.Enfin, les missions des conserva-toires botaniques nationaux et desconservatoires régionaux d’espacesnaturels sont désormais inscritesdans le code de l’environnement.

Mer et littoral. De nouveaux outilssont prévus : une stratégie nationalepour la mer et, pour chaque régionmarine, un plan d’action pour le mi-lieu marin. L’objectif fixé par le texteest de réaliser ou maintenir un bonétat écologique du milieu marin auplus tard en 2020.Le Conservatoire du littoral voit sesmissions facilitées dans les dépar-tements d’outre-mer dans la zonedes cinquante pas géométriques (lelong du rivage) et, de façon géné-rale, par l’extension de son droit depréemption.Nous sommes maintenant en attente des (nombreux) décrets d’application. ●Sophie HeydJuriste [email protected]

1. Loi n° 2010-788 du 12 juillet 2010portant engagement national pourl’environnement, JO du 13 juillet 2010.

En savoir pluswww.developpement-durable.gouv.fr/IMG/pdf/Grenelle_Envt-2_DEF_web.pdf

Grenelle 2Trois ans pour une loi

Page 44: Réconcilier nature et paysage

Les collines abruptes du massifdes Maures étaient autrefoisaménagées de multiples jar-

dins en terrasses servant à étendrela superficie cultivable et à améliorerla qualité des sols dans un cadre depolyculture vivrière. Mais l’abandonagricole a entraîné la fermeture deces espaces, repris par le maquis etla forêt, faisant tomber dans l’oublices aménagements qui, pourtant,marquaient si fortement le paysage. Ponctuellement, des incendies vien-nent nous rappeler cet abandon etnous laissent entrevoir des em-preintes horizontales, témoins de laprésence humaine. Ce fut le cas du-rant l’été 2003, lorsque le feu dévastaplus de 1500 ha de forêt sur la com-

mune de la Garde-Freinet. Cette op-portunité malheureuse fut le pointde départ d’un projet de restaurationde 17 bancaous (jardins en terrasse),soit environ 800 m linéaires de mursen pierre sèche en gneiss local surle site de Notre-Dame-de-Miremer. Après quatre années, avec un budgetanecdotique mais de nombreusesheures de travail, aidés de bénévoles,de plusieurs équipes de scouts etd’un centre médico-éducatif (IME)de la Croix-Valmer, le paysage iden-titaire du territoire des Maures a pro-gressivement été restitué.Mais il fallait donner un sens à cesjardins retrouvés, sans essayer de re-venir à une vocation originelle, d’ail-leurs inconnue, mais en s’inscrivantTE

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© Joël Auxenfans

Le chantierde valorisation du patrimoine

Un sentier tracé en ellipse à mi-pentetraverse la plantation. La diversitébotanique sert à dessiner des vues surl’intérieur et l’extérieur du site. Lechemin déroule le panorama autantvégétal que paysager, laissant lespromeneurs entrer dans le champ dutableau. L’entretien des terrains estconfié aux animaux d’un éleveur local.

De la broussaille à un jardin conservatoire

En 2004, lechantier

commence. Ils’agit de

retrouver lesjardins en

terrasse puis deleur donner une

nouvellefonction.

suite page 46 tournez la page

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44 Espaces naturels n°32 octobre 2010

Page 45: Réconcilier nature et paysage

Espaces naturels n°32 octobre 2010 45

NOTRE-DAME-DE-MIREMER (VAR)

À l’été 2003, un incendie dévaste la forêt des Maures, dont 2000hectares sur la commune de la Garde-Freinet. Sept ans plustard, le site de Notre-Dame-de-Miremer a changé de visage.Deux projets ont été initiés : un chantier de valorisation dupatrimoine a permis la restauration des jardins en terrasse etla plantation d’un verger de figuiers ; un projet de reboisementartistique utilise les courbes de niveaux pour créer une formed’empreinte digitale. Il s’intitule « Lignes de vues ».

Planter des arbres pour sculpter lepaysage… quelle est la genèse decette création ?Depuis 1992, je réfléchis à des reboi-sements « artistiques », biodiversifiéset monumentaux dédiés à des espacesemblématiques. Des lieux où partagerune sorte de jouissance de la nature,où s’exprime fortement la responsa-bilité de la société humaine vis-à-visde la biodiversité.Après les terribles incendies de 2003,j’ai porté devant des collectivités etadministrations de la région Pacades projets de reboisement « par seg-ments horizontaux ». André Wer-pin, à l’époque maire de La Garde-Freinet, et président de l’associationdes communes forestières du Var, a

compris l’idée. Il pensa tout de suiteà la colline de Miremer, origine néo-lithique du village, pour un projetde création.

Mais votre œuvre, pour la voir, ilfaudrait être en avion.C’est un geste vers le cosmos. Il enest de même dans les forêts de co-lonnes de pierre des églises ro-manes : on ne voit pas le projet d’en-semble mais lorsqu’on déambule,on ressent bien qu’il y a un plan.

Cette œuvre d’art ne sera jamaisachevée...? Cela touche au sens de l’art. L’œu-vre nous interpelle sur la questionde l’art dans la durée. Le choix de

planter des jeunes plants obéit à ceprincipe. Il n’y a pas de vision défi-nitive du résultat car il y aura desaléas, des accidents, des impondé-rables. En revanche, la program-mation doit être la plus forte pos-sible : un « ordre » doit surgir.

Comment l'idée a-t-elle été reçue ?En treize ans, depuis mes premiersprojets dessinés, les mentalités ontchangé. Le maire m’a soutenu. Tou-tefois il était prudent, notamment,en raison des moyens limités de sacommune. L’appui de la Fondationde France a été déterminant ainsique la médiation du Bureau descompétences et des désirs. Cette as-sociation qui assure le développe-

Le projetartistique

Une nouvelle vie après incendie

Rencontre avec Joël Auxenfans, artiste

En 2006 lacommune

confie à JoëlAuxenfans lereboisement

artistique de lacolline de

Miremer. Leslignes de

plantations sontnourries parmille plants

d’arbresappartenant àquatre-vingts

espèces.

Une sculpture. Avec la nature pour matière.

1. Le projet paysager en forme d’empreinte digitale. 2. Plantation des terrasses par des jeunes en insertion.

TERRITOIRES EN PROJETS I AMÉNAGEMENT GOUVERNANCE

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© Joël Auxenfans © J. Lahyr

Page 46: Réconcilier nature et paysage

46 Espaces naturels n°32 octobre 2010

ment des commandes publiques d’artcontemporain suit des projets trèsambitieux. L’Institut pour la forêtméditerranéenne de Gardanne a fi-nancé la plantation.L’intention n’était pas de s’en tenirà une optique d’ingénieur forestierou de paysagisme d’infrastructure.Dans un lieu d’une telle intensitéd’identité et de patrimoine, il fallaitun projet qui fasse sens.

En quoi l’acceptation de ce projetest-elle problématique ?Il n’est pas conforme à l’idée qu’onse fait de la forêt méditerranéenne.Pourtant de nouvelles essences ontsans cesse été introduites. Cellesd’aujourd’hui sont là, principale-ment parce qu’elles s’implantent viteaprès les incendies. Toutes sortes d’alibis justifient de nepas consacrer à ces précieux espacesune politique de développement etde prévention par le débroussaille-ment par des animaux d’élevage as-socié à la filière bois énergie. Le pind’Alep, par exemple, qui se répandsur des hectares de broussailles, ac-cumule des « bombonnes d’es-sence » à côté d’espaces bâtis.

TERRITOIRES EN PROJETS I AMÉNAGEMENT GOUVERNANCE

dans un projet de développement lo-cal et dont la gestion à long termepourrait être assurée. Plusieurs possibilités furent envisa-gées : création d’un jardin citoyen,de céréales, de légumineuses, desvignes, des oliviers. Que choisir ?Pour répondre à ces interrogations,le conservatoire du patrimoine deFreinet s’est tourné vers le Conser-vatoire national botanique de Por-querolles (Parc national de PortCros). Celui-ci a proposé d’installerune collection de figuiers rares ouen voie de disparition. La résistanceaux maladies, le faible besoin en eauet la rusticité de cet arbre fruitier lerendait parfaitement adapté au site.Nous avons ainsi planté 138 figuiers,soit 46 variétés différentes (sachantque chaque variété est représentéepar trois plants). Ils sont restés la propriété du Conser-vatoire botanique, qui, à travers cettereplantation, a renforcé la capacitéde préservation de ces cultivars. Deson coté, la commune, propriétairedes lieux, a signé une convention quigarantit l’entretien du site.Mais cette dernière est allée au-delàde cet engagement pour faire de ceprojet un réel atout de développe-ment. Inaugurés en octobre 2009,les jardins de Miremer sont désor-mais ouverts à la visite. Des baladescommentées par un guide natura-liste sont proposées ponctuellement.Les lieux continuent de faire l’objetd’attention dans le cadre de stagesde formation à la technique deconstruction en pierre sèche.Cet exemple de réhabilitation et va-lorisation du patrimoine vernacu-laire et paysager pourrait être repro-duit, non pas uniquement commedes paysages témoins d’activités an-ciennes, mais comme le supportd’une valorisation contemporaine.L’objectif présenté ici est, en premierlieu, la conservation. Mais l’intentionaurait pu être d’ordre économique.Il n’est d’ailleurs pas exclu que dansles années à venir, les 138 figuierssoient mis en production et que soitdéveloppée une activité viable, s’ap-puyant sur la richesse et la diversitégustative des variétés de figues. ●Laurent Boudinot - Directeur duConservatoire du patrimoine du [email protected]

C’est le coût total du projet artistique.5 000€ pour les 1 000 plants.22 000€ : étude et cession de droits.40 000€ : travaux d’une entreprise depaysage, assistance à maîtrise d’œuvre.5 000€ : équipement et prestationd’arrosage les trois premières années. ●

En chiffre72 000€

Le projetartistique suite

Le chantierde valorisation suite

Le projet s’oppose à ce laisser-aller.J’ai employé des essences locales (ar-bousiers, merisiers, genévriers,chênes blanc, châtaigniers...) enri-chies d’essences susceptibles de s’im-planter convenablement, dont unevingtaine d’espèces de chêne, sur lesconseils de spécialistes de l’Inra, del’ONF. C’est plutôt une sculpture avec lamatière première que constitue lanature. Je fais le pari que le projet adéjà fait évoluer les choses. C’est un peu cela l’art, quelque chosequi ne va pas de soi, qui suscite laréflexion, le débat, l’enrichissementdes points de vue.

Vous avez fait attention aux espècesexotiques envahissantes ?

Oui, pas de mimosa, très peu d'eu-calyptus...

Et maintenant ?J’apprécie la reprise d’au moins 75 %des plants, les croissances specta-culaires de certaines essences, tellesque les hêtres rouges et communs,tilleuls, frênes à fleurs, érables,même des séquoias ! Bien sûr, il y ades plants qui vivotent, d’autres quisont morts. Mais quand je vois ceuxqui ont pris 30 ou 40 cm ou plus enun an, c’est formidable ! Le projet se continue. Les ânes d’unéleveur local entretiennent le ter-rain, des semences de foin devraientaméliorer le sol et transformer pro-gressivement les flancs de collineen prairie sous bois. Plus tard, il fau-dra élaguer les arbres. Le tableau nefait que commencer ! ●Recueilli par Michelle Sabatier

En savoir plus [email protected]

1. Plan du site. Au centre les jardins de Miremer, autour le projet artistique en forme

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© Joël Auxenfans

Page 47: Réconcilier nature et paysage

Espaces naturels n°32 octobre 2010 47

d’empreinte digitale. • 2. Plantation d’oliviers. • 3. Vue d’ensemble du jardin conservatoire. • 4. Réhabilitation des murs en pierres sèches.

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“Les travaux ont d’abordconcerné la consolidation dequelques murets effondrés. L’idéevisait à redonner vie à un sitedévasté et donner sens à unprojet éducatif avec les jeunesd’un institut médico-éducatif.

L’occasion de lutter contrel’érosion génétique

Après l’incendie, l’objectif était depréserver ces éléments du paysage desMaures, témoins des liens entre

l’Homme et le milieu naturel. Trois groupes del’institut médico-éducatif de Sylvabelle,rejoints ensuite par un groupe de l’IME deCollobrières, ont constitué le socle destravailleurs sans lesquels le chantier n’auraitpu être conduit. Celui-ci s’est déroulé dans unesprit de formation et d’échanges avec lesintervenants locaux (bénévoles, agents dupatrimoine). Selon la spécialité des ateliers(bâtiments, jardin), les équipes se sontchargées de la coupe des arbres morts et dudébroussaillage ou du terrassement et de larestauration des murs en pierre sèche.Le chantier était organisé en secteurs. Selonles équipes (constituées de six à huit jeunes),les chantiers se sont déroulés à raisond’environ deux journées par mois de février2004 à décembre 2006. En 2007 et 2008, lechantier s’est poursuivi ; les efforts portantprincipalement sur les chemins d’accès.●

Terrain d’apprentissage pour un projet éducatif

Créé en février 1979, le Conser-vatoire botanique nationalméditerranéen de Porque-

rolles a pour mission fondamentalela conservation des plantes rares etmenacées en région méditerra-néenne française. Notamment à tra-vers la lutte contre l’érosion géné-tique et le maintien de la diversité.Plus largement, il s’agit de préserverun maximum de possibilités d’adap-tation pour l’avenir1. Concernant l’arboriculture fruitière,vint-cinq années de prospection enrégion méditerranéenne françaiseont permis de retrouver plus de cinqcents variétés de terroir, toutes es-pèces confondues. Entre autres, unecollection variétale de figuiers d’uneexceptionnelle richesse, implantéesur plusieurs parcelles agricoles dudomaine sur l’île de Porquerolles.Pour des raisons facilement com-préhensibles (risque de destructionpar incendie ou accident phytosa-nitaire), il n’est pas souhaitablequ’une collection variétale n’existequ’en un seul endroit. Pour chaqueespèce fruitière concernée, leConservatoire botanique nationalméditerranéen de Porquerolles estdonc à la recherche de partenairessusceptibles d’héberger des dou-blons. La restauration et valorisationdu site de Notre-Dame de Miremerétait l’occasion de dupliquer les col-lections variétales.Le choix s’est porté sur les figuiers.Au même titre que l’olivier, le figuierest un arbre symbole de la Méditer-

ranée. Des restes fossiles de FicusCarica ont été trouvés dans tout lebassin méditerranéen, datant d’uneépoque antérieure à la pratique del’agriculture (10 000 ans environ).Par ailleurs, le grand public ignorel’extrême diversité existant au seinde l’espèce : figues ressemblant àun oignon (Bourjassotte), à unepoire (Col de dame), à une massue(Abicou). Figues jaune pâle (Mar-seillaise), violet foncé (Bellone),brun rouge (Brunswick)...Arômes de fraise ou de framboise,parfois de cassis... Saveurs rappelantavec subtilité le miel ou le choco-lat... Une collection variétale judi-cieusement présentée peut consti-tuer un extraordinaire outilpédagogique. Formes, couleurs etsaveurs varient à l’infini avec d’im-perceptibles nuances.Les différences qui s’exprimentd’une variété à l’autre illustrent bienmieux que tout discours la notionde diversité intraspécifique. ●Jean-Paul Roger - Conservatoirebotanique national méditerrané[email protected]

Mais pourquoi implanter des figuiers à Miremer ?

1. Le CBNM de Porquerolles arassemblé sur l'île des collections defruitiers méditerranéens. Ces variétésde terroirs sont parfois plustolérantes à certains parasites etmaladies que les variétés modernes.Il est possible de les utiliser commegéniteurs, d'introduire certaines deleurs caractéristiques dans lesvariétés commerciales pour enaméliorer la résistance aux maladies,la couleur, la saveur notamment.

© Conservatoire du patrimoine du Freinet © Conservatoire du patrimoine du Freinet© X. Raymond©

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48 Espaces naturels n°32 octobre 2010

TERRITOIRES EN PROJETS I GESTION PATRIMONIALE

Originale, la biodiversité desmarais atlantiques est liée àl’élevage extensif. Aussi en

1998, sur l’espace naturel sensibledu Daviaud1, le comité scientifiquede l’écomusée existant, a préconiséle développement de l’élevage enémettant un double souhait : que lecheptel du musée (vaches, chevaux,mouton, ânes) soit constitué de

races anciennes, que la gestion agri-cole soit conforme aux règles del’agriculture biologique. Un programme qui résulte de la vi-sion holistique du territoire propreaux écomusées mais qui, hors ducadre théorique, tourne rapidementau casse-tête.

Trouver un éleveur. Dans ces zonesà forte déprise agricole, trouver unéleveur devient vite la seule prioritéet les difficultés ne manquent pas.La mise à disposition de terrain suf-fit rarement à modifier les pratiquesd’une exploitation où changer derace et se convertir à l’agriculturebiologique relève du challenge.

Ainsi, sur les espaces naturels sensiblesdes marais du Daviaud, les agricul-teurs ont terminé leurs cycles agri-coles en conservant leurs pratiquesclassiques. Et, malgré sa volonté, legestionnaire a dû accepter cette inertiesans renoncer à ses objectifs initiaux.

Impliquer la collectivité. Le pro-gramme s’est alors orienté vers deuxaxes. Dans un premier temps, lacommunauté de communes pro-priétaire a imaginé assurer elle-même l’exploitation.L’idée était de développer un trou-peau de bovins d’une dizaine detêtes. Leur gestion étant assurée parune association.De race maraîchine (race ancienne,pratique agricole traditionnelle), lesbovins étaient présentés dans le ca-dre du musée. Cette initiative a ra-pidement dû être arrêtée. Sa gestionimpliquait deux salariés à pleintemps. Une manière de devenir ex-ploitant à part entière que n’a passouhaité la collectivité du fait descoûts, de la relation privé/public…

Un éleveur s’installe. En 2002, larencontre avec un exploitant dési-rant s’installer est alors apparuecomme une opportunité. Dès le dé-part, l’agriculteur pouvait intégrerles objectifs prévus : élevage extensifsur prairie humide, conduite en agri-culture biologique et utilisation derace domestique à faible effectif. Pre-

MARAIS DU DAVIAUD (VENDÉE)

FRÉDÉRIC SIGNORET

Parmi les éleveurs de maraîchinesplusieurs d’entre nous « bénéficient »de réserves naturelles. C’est un atout

économique majeur : terrains gratuits,surveillance, aide aux infrastructures. Celanous encourage à conserver la rusticité denos vaches qui dans les prairies naturellesdoivent pouvoir résister aux excèsd’humidité ou de sécheresse. Notreassociation d’éleveurs progresse vers laprise en compte de la biodiversité. Nousprivilégions les partenariats avec lesréserves car ils constituent une excellentevitrine pour promouvoir nos productions. ●

PAROLE D’ACTEUR

Des races locales menacées au secours de la biodiversitéLes espaces naturels « les marais du Daviaud » ont misé surl’agriculture biologique et les races à faibles effectifs. Efficaceet... casse-tête !

hectares de marais salé.45 moutons de Belle-Île,15 bovins derace maraichine, 2 traits bretons, 4ânes pâturent actuellement sur lesmarais du Daviaud.160 avocettes élégantes, 24 échassesblanches, se reproduisent chaqueprintemps sur ces mêmes espaces.En 8 ans, le nombre de couplesd’oiseaux limicoles nicheurs a étémultiplié par 4. 30 000 visiteurs par an parcourent lemusée au centre de ces espaces. ●

En chiffre80

Éleveur de vaches maraîchines,sur les espaces naturels du

Daviaud. Secrétaire de l’association pour laValorisation de la race bovine maraîchine etdes prairies humides

Salomé, vachemaraîchine, et veaux.

© Matthieu Vaslin

Page 49: Réconcilier nature et paysage

Espaces naturels n°32 octobre 2010 49

mière difficulté : l’agriculteur a dûacheter un bâtiment pour hébergerle siège de son exploitation. Pourfaire face à cet investissement etréussir, il a limité l’achat de matérielet prévu une montée en puissanceprogressive de l’importance de soncheptel en partant de deux vaches.Aujourd’hui, il est à la tête d’un trou-peau d’une soixantaine d’individuset un second exploitant vient de lerejoindre.

Beaucoup d’énergie. Quant auxchevaux, moutons, ânes, si leurnombre, plus limité, a permis à lacollectivité de continuer à les pren-dre en charge, le changement despratiques a tout de même demandéune volonté profonde et force éner-gie. Le mouton de Belle-Île en estun bon exemple.Race ancienne à faible effectif, on nepeut pour autant qualifier cette es-pèce de «rustique». Les agnelagessont difficiles à gérer. Avec des misesbas régulières de trois ou quatre pe-tits, les femelles peinent lors de l’al-laitement. Dans la pratique, l’ap-proche quotidienne est exigeante :les animaux demandent un suiviconstant, des interventions sanitairesfréquentes, ils ont besoin de complé-ments alimentaires, de traitementsanti-infectieux…Cette nécessité d’intervention est d’au-tant plus nécessaire que le site est ou-vert au public et que l’aspect visueldes animaux s’avère une priorité.Malgré de lourdes difficultés de ges-tion, après quelques années ardues,après un travail important de sélec-tion des individus (capacité d’agne-lage, élimination des individus tropfaibles), un troupeau fonctionnel deplusieurs dizaines de têtes sembleaujourd’hui voir le jour.Comme pour les bovins, la souche estsusceptible, sur cette zone, de générerune activité agricole créatrice de bio-diversité. ● Jean-Guy RobinChargé de mission scientifique,communauté de communes Océan-marais de [email protected]

1. Profitant de la présence del’écomusée du Daviaud, le conseilgénéral de la Vendée a, en 1997, créél’espace naturel sensible du Daviaudau nord-ouest du département.Quatre-vingts hectares sont gérés parla communauté de communesOcéan-marais de Monts.

PARC NATUREL RÉGIONAL SCARPE-ESCAUT

Au travail, le trait du NordPour sauvegarder la race, le pôle Trait du Nordcherche à créer une filière.

Àpeine une trentaine d’éta-lons ! Les chevaux de la racetrait du Nord1, qui étaient uti-

lisés pour les travaux agricoles, ten-dent à disparaître. Il faut trois an-nées et nombre d’approbationsavant qu’un étalon soit reconnu«reproducteur», la majorité des éle-veurs préfèrent alors diriger lesjeunes mâles (80%) vers l’abattoir.

Garantir l’avenir de la race : tel estl’objet du pôle Trait du Nord créé en2006. Une initiative menée dans leParc naturel régional Scarpe-Escaut.Après avoir acquis de jeunes che-vaux (vingt aujourd’hui), le pôle leséduque durant trente-six mois, enattente de leur approbation finale.Certains ne deviennent pas des éta-lons reproducteurs, ils sont alorsvendus comme chevaux de travail(autour de 3500 euros). Le pôle conserve aussi quelqueschevaux pour entretenir le Parc na-turel régional Scarpe-Escaut oulouer leurs services dans le cadrede contrats avec les communes ouavec l’ONF, par exemple dans le ca-dre de contrats de forêt.

Par ailleurs, pour pallier les risquesde consanguinité, une station de re-production favorise le regroupementde poulinières (l’an dernier, trentejuments ont été saillies). Le centrepermet également d’effectuer deséchographies.

La valeur du trait. Le débusquage etle débardage à cheval provoquentmoins de dégâts, notamment moinsde tassement des sols. Et si un tracteureffectue le travail beaucoup plus vite,le sol tassé par son passage ne peutse régénérer.La traction par cheval est aussi plusprécise, car plus lente et plus maniable.Autre avantage: en forêt, par exem-ple, on pourra replanter de nouvellesessences un an après le transport

La création en 2006 du pôle Traitdu Nord est le fruit du Parcnaturel régional Scarpe-Escaut,

du Centre régional de ressourcesgénétiques, du Syndicat des éleveursde trait du Nord, de l’Institut françaisdu cheval et de l’équitation (anciensHaras nationaux). ●

LE PÔLE TRAIT DU NORD

1.Présents

dans leNord,

Pas-de-Calais,Aisne,

Somme,Oise

Le trait du Nord estun cheval de grandetaille, charpenté,court, puissant,à la musculatureimportante.

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Page 50: Réconcilier nature et paysage

50 Espaces naturels n°32 octobre 2010

TERRITOIRES EN PROJETS I GESTION PATRIMONIALE

des bois par les chevaux, au lieu dedeux dans le cas du passage d’untracteur.C’est sur ces atouts qu’a misé le pôlepour convaincre différents gestion-naires d’utiliser de ses chevaux.Ainsi, ces deux dernières années, destraits ont permis l’exploitation de boi-sements dans le Parc naturel régionalScarpe-Escaut. Ils ont également par-ticipé aux travaux de décolmatagede cours d’eau avec la fédération depêche du Nord. Des communes ru-rales, telles Rieulay ou Wallers, ontfait appel au pôle pour la gestion deleurs espaces verts2.Par ailleurs, des formations, autantpour les chevaux que pour les éle-veurs et propriétaires sont organi-sées. Le maniement du cheval aucordeau par exemple (direction d’uneseule main permettant de libérerl’autre main pour manœuvrer ou dé-crocher les charges tractées), ré-clame un savoir-faire technique im-possible à improviser. Ainsi, en troisans, ce sont trente personnes qui ontsuivi cette formation. D’autres sontvenues s’initier à l’attelage ou encoreà la gestion des prairies. Secourismeet stretching équin sont égalementau programme.

Bilan et perspectives. Le pari est-il gagné ? Trop tôt pour le dire. Pé-cuniairement parlant, le centre doitencore trouver des partenaires caril ne finance pas l’intégralité de sesfrais (personnel, entretien du haras,frais de pension et vétérinaire…).Aussi, au terme de quatre annéesd’expérimentation, les initiateurssouhaitent créer une structure mul-tipartenariale animée par un comitéde gestion permanent. Reste donc àconvaincre les décideurs économiquesde soutenir cette démarche et de co-construire avec les grandes collecti-vités territoriales l’avenir du projet ●Fabrice Desort - PNR Scarpe-Escaut

“Le matin, nous procédons à du stretching équin. Le chevalest un athlète de haut niveau. Il faut le préparer à l’effort.

PENSIONS CHEVAUX DE SELLE PRIX

Pension complète (paille, foin, aliment) 244 €/mois

Pension complète (2e cheval) 230 €/mois

Box paillé 180 €/mois

Box paillé + aliment 210 €/mois

PENSIONS CHEVAUX TRAIT DU NORD PRIX

Pension complète 210 €/mois

Saillie 200 €

Pôle Trait du NordTarif des prestations

2. Notammenten forêtsdomaniales deMarchiennes(2000 m3), deSaint-Amand-les-Eaux (240m3) et dans leParc naturelrégional del’Avesnois, enforêt de Mormal(1 020 m3).

FABRICE DESORT

Après quatre ans d’expérimentation menée par le pôle Trait duNord, nous nous sommes aperçus qu’il existait une demandepour louer les services de traits du Nord. Aussi, après un bilan

prévisionnel et à la lumière de mon expérience, j’ai fait l’acquisitionde quatre chevaux. Depuis juillet 2010, j’ai créé une SARL de service.Nous nous donnons deux ans pour équilibrer l’activité. Notre challenge repose notamment sur la modernisation des modesde travail. Nous devons chercher à augmenter les rendements deschevaux. C’est ainsi, par exemple, que nous avons motorisé latraction. Le cheval tire un avant-train équipé d’un moteur auxilliairepermettant de tracter du matériel telle une petite faucheuse. C’est30 % de gain de productivité.Pour que notre activité soit équilibrée, il nous faut louer nos servicesau moins 200 jours dans l’année. 120 000 euros de chiffre d’affaire :c’est jouable ! Nous ne demandons pas de subvention, juste dutravail. Nous avons démarché les communes et nous avons quelquesréponses favorables pour des chantiers d’arrosage l’été ou dedébardage l’hiver. Avec la fédération de pêche du Nord (secteur del’Avesnois), nous intervenons sur le colmatage des cours d’eau. Il y aaussi des déplacements en calèche. Notre journée et celle de notrecheval coûte 400/450 euros en moyenne. Oh ! Nous sommes loin,encore, de travailler tous les jours, mais nous travaillons. ●

PAROLE D’ACTEUR

Ancien agent du Parc naturel régional Scarpe-Escaut,Fabrice Desort vient de constituer une SARL : Nord Trait

Services. Deux salariés et quatre chevaux vendent leurs prestations.

© G. Smellinckx - PNRSE

Les communesrurales font appelau trait du Nordpour entretenirleurs espaces verts.Ici, un arrosage àRieulay (59).

Page 51: Réconcilier nature et paysage

Nous en avons parlé dans ce numéro

RIVAGES DEFRANCE -COMMUNED’ASSÉRACNettoyageraisonné des plagesPage 38

SITE DE NOTREDAME-DE-MIREMERUne nouvelle vie aprèsincendie • Page 44

LES MARAISDU DAVIAUDDes races localesmenacées ausecours de labiodiversitéPage 48

PARC NATURELRÉGIONALSCARPE-ESCAUTAu travail, le trait duNord • Page 49

CETTE CARTE, À CHAQUE PARUTION, SERA NOTRE, VOTRE, INDICATEUR GÉOGRAPHIQUE : L'OBJECTIF DE LA RÉDACTION

EST DE TRAITER DES SUJETS QUI CONCERNENT TOUS LES TERRITOIRES. À VOUS DE LES PROPOSER.

RÉSERVENATURELLEDE L’ÉTANGDES LANDESRéconciliernature etpaysagePage 27

CONSERVATOIRERÉGIONALD’ESPACESNATURELSPOITOU-CHARENTERéconcilier nature et paysagePage 32

PARC NATURELRÉGIONALNORMANDIE-MAINERéconciliernature et paysagePage 29

MAROC - ALGÉRIERéalités sur la miseen place d’une gestionintégrée des zonescôtières • Page 14

ONF ANTILLES ETÎLE DE LA RÉUNIONMallette forestière. Sur mesure ! • Page 34

COMMUNAUTÉDE COMMUNESDE HAUTE-BRUCHERéconcilier natureet paysagePage 30

Page 52: Réconcilier nature et paysage

exposition

Deux Caps Blanc-Nez

Gris-Nez, Baie de

Somme, Massif

dunaire de Gâvres-

Quiberon, Marais

Poitevin, Camargue

gardoise, Gorges du

Gardon et Pont du

Gard, Solutré-Pouilly-

Vergisson, Sainte

Victoire...

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© Laurent Mignaux - Meeddm

En partenariat avec le Réseau des GrandsSites de France

sites classés

Grands SitesÀ voir à partir de l’automne

Préserver des paysages d’exception, c’est aussi sauvegarder la biodiversité

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