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    RpubliquecentRafRicaine :

    un pays aux mainsdes cRiminels degueRRe de la slka

    rticle premier : Tous les tres humains naissent libres

    gaux en dignit et en droits. Ils sont dous de raison et de conscience et doivent agir les uns envers les autres dans un esprit

    e fraternit. Article 2 : Chacun peut se prvaloir de tous les droits et de toutes les liberts proclams dans la prsente Dclaration,

    ans distinction aucune, notamment de race, de couleur, de sexe, de langue, de religion, dopinion politique ou de toute autre opinion,

    origine nationale ou sociale, de fortune, de naissance ou de toute autre situation. De plus, il ne sera fait aucune distinction fonde

    ur le statut politique, juridique ou international du pays ou du territoire dont une personne est ressortissante, que ce pays ou territoire

    oit indpendant, sous tutelle, non autonome ou soumis une limitation quelconque de souverainet. Article 3 : Tout individu a droit

    vie, la libert et la sret de sa personne. Article 4 : Nul ne sera tenu en servitude ;

    p

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    2 / Titre du rapport FIDH

    Rsum excutif------------------------------------------------------------------------------------------3Introduction : une inluctable plonge dans le chaos --------------------------------------------6

    Un tat de crises ------------------------------------------------------------------------------------------6

    La rbellion Slka ---------------------------------------------------------------------------------------8

    Le coup dtat du 24 mars 2013 ---------------------------------------------------------------------- 10

    Le cadre de la transition-------------------------------------------------------------------------------- 10

    Une transition politique sans Etat et sous tension -------------------------------------------------- 11

    Nous navons jamais connu une telle violence ------------------------------------------------- 11

    La mission denqute de la FIDH -------------------------------------------------------------------- 12

    I Le pays sous contrle des forces Slka------------------------------------------------------- 14

    La Slka, une nbuleuse criminelle au pouvoir sur tout le territoire --------------------------- 14

    Le pouvoir aux mains des chefs de la Slka ------------------------------------------------- 14

    Une internationale criminelle organise et prospre ----------------------------------------- 14

    Une population abandonne sous le joug des Slka ---------------------------------------------- 17

    Les Forces de dfense et de scurit portes disparues-------------------------------------- 17

    Les insufsances en ltat du dispositif dintervention

    de la Communaut internationale -------------------------------------------------------------- 18

    Le mandat restreint de lopration franaise Boali------------------------------------------- 20

    II Des crimes de guerre et de graves violations des droits humains ---------------------- 22

    Meurtres, assassinats, blessures par balles ---------------------------------------------------------- 22

    Crimes sexuels ------------------------------------------------------------------------------------------ 30

    Enlvements, dtentions, mauvais traitements et tortures ----------------------------------------- 31

    Enrlement de mineurs--------------------------------------------------------------------------------- 32

    Incendies de villages, pillage gnralis ------------------------------------------------------------- 33

    Qualication juridique --------------------------------------------------------------------------------- 39

    III Limpunit des crimes les plus graves ------------------------------------------------------ 42

    Une justice touche par 10 annes de crise ---------------------------------------------------------- 42

    Une justice slective et a minima --------------------------------------------------------------------- 43

    Conclusion : Lurgence dune feuille de route droits de lHomme -------------------------- 47

    Recommandations------------------------------------------------------------------------------------- 49

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    FIDH Rpublique centraricaine : Un pays aux mains des criminels de guerre de la Slka / 3

    Rsum excutifUne mission internationale denqute de la FIDH sest rendue en Rpublique centrafricaine(RCA) du 03 au 13 juillet 2013. Elle a pu tablir que lensemble du territoire tait toujoursaux mains des lments Slka dirigs par des seigneurs de guerre centrafricains, tchadiensou soudanais, plusieurs mois aprs avoir port les chefs rebelles au pouvoir. Du coup dEtat la date de publication du prsent rapport, ces lments Slka, dont le nombre estim en mars 5000 serait trois ou quatre fois suprieur, ont commis les crimes les plus graves contre lapopulation civile qui peuvent tre qualis de crimes internationaux. La FIDH afrme quen

    ltat actuel du dprissement des services de lEtat et du dispositif prvu par lUnion africaineavec la mise en place de la Mission internationale de soutien la Centrafrique (MISCA) enremplacement de la MICOPAX (compose dlments de la Force multinationale de lAfrique

    centrale FOMAC), la population centrafricaine demeure en grande inscurit et la scuritde la rgion est menace.

    Depuis le renversement du rgime de Franois Boziz, le 24 mars 2013, sil est difcilede mesurer lexacte ampleur du phnomne, la FIDH estime, au terme du recoupement denombreuses informations au moins 400 le nombre de meurtres commis par des membresde la Slka. Lors de sa mission, la FIDH a pu recueillir de nombreux tmoignages concer-nant des civils tus par balles. Elle sest en particulier focalise sur la tuerie de Gobongo du28 juin 2013, quartier de Bangui, o des lments Slka ont tir sur une foule dhommes, defemmes et denfants qui manifestait contre lassassinat dun jeune de leur quartier, tuant aumoins 6 civils et blessant plusieurs dizaines de personnes. Depuis la mission, dautres meurtres

    ont t perptrs par des lments Slka, comme dans le quartier Boy-Rabe Bangui o aumoins dix personnes ont t tues le 20 aot au cours dune opration de dsarmement mais aussi en province.

    La FIDH conrme galement le nombre lev de viols commis par des membres de la Slka

    Bangui. Une source able a recens les cas de 82 viols le premier mois suivant larrive des

    rebelles dans la capitale. Un nombre qui reste en-de de la gravit des faits. Par ailleurs, detrs nombreux cas denlvements de civils par des Slka ont t rapports aux chargs demission, ainsi que des cas dintimidation, de mauvais traitements et de dtentions arbitraires.La prsence denfants soldats dans les rangs de la Slka a galement pu tre constate par

    la FIDH.

    La FIDH a pu aussi recueillir des tmoignages dincendies de villages par des lments Slka.Sur laxe Mbrs Kaga-Bandoro, o la FIDH sest rendue, 270 maisons ont t incendieset 6 personnes ont t tues le 14 avril 2013 dans 6 villages par des Slka en reprsailles dumeurtre de lun dentre eux.

    Par ailleurs, alors que le pays a t pill de ses biens publics et privs de manire gnrale etsystmatique les jours qui ont suivi le coup dEtat au prot des chefs rebelles et des seigneurs

    de guerre, des lments Slka, non pays par leur hirarchie, continuent les braquages et leracket de la population.

    La FIDH afrme que les crimes commis par les lments Slka le sont en toute impunit.En province, o les Slka ont tous pouvoirs et o lEtat est compltement absent, la scurit

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    et la justice sont inexistantes. A Bangui, au moment de la mission, seulement 16 mandats dedpt taient conrms par le procureur de la Rpublique. Les rares lments Slka arrts

    taient pour la plupart cantonns dans des centres de dtention pour une formation discipli-

    naire mais chappaient toute procdure judiciaire. Suite aux protestations de la communautinternationale, un procs a t ouvert contre 24 lments de la Slka accuss pour des faitscriminels lors de la tuerie de Boy-Rabe daot 2013. Une procdure bien isole face lampleurdes exactions commises sur lensemble du territoire.

    LEtat centrafricain est aujourdhui dans lincapacit de veiller la protection de la populationvia le rtablissement dune force publique et la lutte contre limpunit des auteurs des crimesles plus graves. Les caisses sont vides. Au moment de la mission, une crise institutionnelleautour dune charte constitutionnelle de transition paralysait lexercice du pouvoir, en lambeaux Bangui et inexistant en province. Le chef de lEtat cherchait asseoir son nouveau pouvoir

    via le limogeage du gouvernement du puissant chef rebelle Dhaffane et sa dtention illgale.

    Dans ces circonstances, les forces et le mandat de la MICOPAX taient manifestement insuf-sants pour assurer la protection de la population. Parmi ses 1000 lments prsents en RCA

    au moment de la mission, le contingent tchadien le plus important en nombre ne rassurait pasla population. Et les seules trois garnisons de province, Paoua, Kaga-Bandoro, et Ndele,avaient un rayon daction territoriale beaucoup trop limit. Quant aux soldats franais delopration Boali, ils ne patrouillaient qu Bangui et leur mandat est restreint la scuritde laroport et des ressortissants franais. Le dploiement annonc des 3650 lments de laMISCA en remplacement de la MICOPAX est salu par la FIDH comme un vritable effort delUnion africaine pour sattaquer au problme de la RCA. Mais en labsence dimplication de

    la communaut internationale dans son ensemble, il ne peut en ltat satisfaire les exigenceslies la scurit de la population.

    Assurer la protection de la population est une obligation incontournable et urgente que le

    dispositif scuritaire actuel ne garantit pas. La population civile est abandonne aux mains

    criminelles des Slka. La persistance de lanarchie en Centrafrique risque de fragiliser

    davantage le pays, dexacerber les tensions et dempcher une reprise conomique , a dclarEric Plouvier, charg de mission de la FIDH. La prsence en grand nombre dhommes enarmes en RCA est par ailleurs une source potentielle de dstabilisation scuritaire de la

    sous-rgion, a-t-il ajout.

    La FIDH appelle la Communaut internationale placer la protection de la population civile aucentre de ses priorits sagissant de la situation en RCA. Les Nations unies et lUnion africainedoivent soutenir la mise en place de la MISCA dont le mandat et le budget doivent permettre degarantir la protection de la population sur lensemble du territoire. Cette nouvelle force devratre assortie dobservateurs pour garantir laccomplissement de son mandat conformment audroit international des droits de lHomme.

    La FIDH appelle la Communaut internationale adopter des mesures de sanction contre leschefs de la Slka et des seigneurs de guerre, notamment le gel des avoirs nanciers.

    La FIDH appelle une opration effective de dsarmement des Slka sur lensemble duterritoire et au redploiement de lautorit de lEtat dans tout le pays.

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    Considrant que la lutte contre limpunit des auteurs des crimes les plus graves est une condi-tion sine qua non de la scurit, la FIDH demande une attention et une action appuye de laCour pnale internationale sagissant de la situation en RCA. La Communaut internationale

    et le gouvernement centrafricain devrait galement sengager dans la voie de la mise en placedune juridiction mixte spcique, qui permettrait de poursuivre les auteurs des crimes dedroit international et de renforcer ainsi le systme judiciaire nationale.

    La FIDH appelle enn les autorits de transition garantir le respect du droit internationaldes droits de lHomme dans la mise en place de ses institutions, ladoption de ses lgislationset la mise en uvre de ses politiques.

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    6 / Rpublique centraricaine : Un pays aux mains des criminels de guerre de la Slka FIDH

    Introduction :

    Une inluctable plongedans le chaos

    Un tat de crises

    Les acteurs dune instabilit chronique

    Depuis 2001, la Rpublique centrafricaine (RCA) connat une grande instabilit. Tentativesde coup dEtat, coups dEtat, offensives et contre-offensive de groupes arms et des Forcesarmes centrafricaines (FACA) sont accompagns de graves violations des droits humainsdont les populations civiles sont les principales victimes1.

    Les raisons de cette instabilit chronique sont multiples : lections tronques, absence dedialogue inclusif avec lopposition, mauvaise gouvernance, autorit de ltat inexistante surlensemble du territoire, pillage des ressources naturelles, absence de politique effective de

    1. Cf les rapports de la FIDH sur les graves violations des droits humains commises en RCA depuis 2001 (disponiblessur le site internet de la FIDH : http://dh.org/-Republique-centrafricaine,60-?id_mot=26) :

    Dj-vu : d()s accords pour la paix au dtriment des victimes, dcembre 2008 Oublies, stigmatises : la double peine des victimes de crimes internationaux, octobre 2006 Quelle justice pour les victimes de crimes de guerre ?, fvrier 2004 Crimes de guerre en Rpublique centrafricaine, fvrier 2003 Discours et ralit : un foss bant, fvrier 2002

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    Dsarmement Dmobilisation et Rinsertion (DDR) et dune relle rforme de larme et dusecteur de la scurit, dfaut de protection des liberts fondamentales et des droits conomiqueset sociaux, impunit des auteurs de graves violations des droits de lHomme, vritable blanc

    seing pour leur rptition.

    Rbellions successivesArriv au pouvoir par un coup dtat en mars 2003, le prsident Boziz a trs vite fait face des mouvements rebelles prsents dans le nord-ouest et le nord-est du pays : lUnion des forcesdmocratiques pour le rassemblement (UFDR2), dirige par Damane Zakaria et Michel Djotodia,et ses allis du Groupe daction patriotique pour la libration de Centrafrique (GAPLC), leMouvement des librateurs centrafricains pour la justice (MLCJ), et le Front dmocratiquedu peuple centrafricain (FDPC) dirig par Abdoulaye Miskine. En 2006, les combats entreles FACA et les groupes arms se sont intensis, faisant mme intervenir larme franaise

    et des troupes tchadiennes en soutien au rgime.Accords de paix et amnistiesLes 2 fvrier et 13 avril 2007, le gouvernement signe respectivement des accords de paixavec le FDPC et lUFDR prvoyant une amnistie pour les rebelles, un programme DDR et laparticipation des groupes politico-militaires la gestion des affaires de ltat. Par ailleurs,dautres groupes rebelles comme lArme populaire pour la restauration de la dmocratie(APRD) de Jean-Jacques Demafouth et lUnion des forces rpublicaines (UFR) de FlorianNdjadder sont toujours actifs dans le nord-ouest du pays.

    Le 9 mai 2008, un cessez-le-feu est sign entre le gouvernement et lAPRD. Le 21 juin 2008, un

    accord de paix est sign entre le gouvernement, lAPRD et lUFDR prvoyant la rhabilitationdes militaires radis, un programme DDR et une loi damnistie gnrale.

    La Convention des patriotes pour la justice et la paix (CPJP), autre groupe rebelle, est cr le26 octobre 2008. Ce mouvement est originaire de la rgion Vakaga, nord-est de la Centrafrique.En dcembre 2008, un Dialogue politique inclusif (comprenant lopposition dmocratique,lopposition arme, la majorit prsidentielle, les pouvoirs publics, la socit civile et le groupedes partis centristes) recommande la mise en place dun gouvernement dunion (form en

    janvier 2009), des lections lgislatives et prsidentielles en 2010 (qui se tiendront en 2011),la mise en place dune commission vrit rconciliation (qui ne verra jamais le jour) et la

    rafrmation du processus de rforme des systmes de scurit.

    Tensions politiques autour des lections prsidentielles et lgislatives de 2011Lors des lections gnrales de janvier 2011, Franois Boziz, a t rlu la prsidence dsle premier tour avec 64% des voix. Les rsultats des lections lgislatives cartent lopposi-tion de lAssemble nationale au prot du parti prsidentiel KNK ( kwa na kwa en sango,

    signiant le travail, rien que le travail ). Lopposition et la socit civile ont mis en lumire

    dimportantes irrgularits faisant douter de la crdibilit du processus lectoral. Lopposition

    2. LUFDR est n de conits inter-ethniques dans le nord du pays. En 2002, le maire de Birao, dethnie Gula, est assassinpar des reprsentants de lethnie Tacha du Soudan. Une alliance se cre alors entre les ethnies Gula et Runga contre lesTacha avant quun conit noppose les deux ethnies centrafricaines. En 2005, les Gula appelle les autorits de Bangui une ngociation avec le Soudan pour une rparation du fait de lassassinat de leur maire. Les Runga sont exclus desngociations. En labsence de rparation en dpit des promesses, les Gula forment lUFDR et demandent aux Runga dese joindre au mouvement. Ces derniers refusent. Sen suivront des confrontations entre les deux ethnies et la formationen 2008 du groupe arm CPJP (compos principalement de Runga centrafricains, tchadiens et soudanais).

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    a ragi en formant la coalition FARE 2011 (Front pour lannulation et la reprise deslections) et de nouvelles tensions avec le gouvernement sont apparues au cours de lanne2011 dbouchant en septembre 2012 sur un Accord sur la rforme de la loi lectorale et sur la

    cration dune Autorit nationale des lections.

    Blocage du processus Dsarmement Dmobilisation et RintgrationLe processus de DDR a connu de nombreux blocages depuis les accords de paix de 2008.Relanc en juin 2011, il progressait lentement mais restait dune efcacit douteuse, consi-drant le faible nombre darmes conventionnelles rcupres et labsence dun vritable plande rinsertion pour les ex-combattants.

    Les attaques de lArme de rsistance du seigneurEn septembre 2012, le Gouvernement a mis 300 hommes la disposition de la Force rgionale

    dintervention cre par lUnion africaine pour lutter contre la menace que reprsente lArmede rsistance du seigneur (Lord Resistence Army LRA) dirige par Joseph Kony, sous mandatdarrt internationale de la Cour pnale internationale. Ces troupes sont bases Obo, dansla prfecture centrafricaine de Haut-Mbomou, o sont galement stationnes les Forces dedfense populaires de lOuganda et des conseillers militaires des tats-Unis dAmrique.Selon un rapport des Nations unies3, en 2012, la LRA aurait commis 48 attaques, faisant24 morts et enlevant 85 personnes, dont certaines ont t dtenues pour une courte dure,le temps de transporter des biens pills. On compte 21 000 dplacs et 2 400 rfugis du faitdes activits de la LRA en Rpublique centrafricaine.

    La rbellion Slka

    En aot 2012, se forme de manire opportune le groupe arm Seleka ( coalition ou alliance en sango), un rassemblement de factions rebelles issues de plusieurs mouvements politico-militaires connus et de groupes de cration plus rcente. Leur objectif commun : la mise enuvre effective des accords de paix de 2007 et 2008. Ds les premires victoires militaires surle terrain, le mouvement va se radicaliser et se transformer en vritable rbellion avec pourobjectif la chute du prsident Franois Boziz.

    Composition initiale de la SlkaFin 2012, au moment de ses premires offensives, la Slka tait compose de :

    la CPJP : Convention, prside dans sa dclinaison Slka par le gnral NoureddineAdam, qui avait pourtant sign le 25 aot 2012 laccord de paix de Libreville de 2008.Le mouvement oprait pour lessentiel dans le nord-est. Son aile politique tait dirige parle mdecin militaire Charles Massi, plusieurs fois ministre, mort dans des circonstances nonlucides, quelques semaines aprs avoir t arrt la frontire avec le Tchad en 2010. Sonls Eric Neris Massi, dans une intervention Radio France Internationale (RFI), a donn une

    ambition politique la Slka en appelant au renversement du pouvoir du gnral Boziz.

    3. Rapport du Secrtaire gnral sur la situation en Rpublique centrafricaine et sur les activits du Bureau intgr desNations Unies pour la consolidation de la paix dans ce pays, 21/12/12

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    lUFDR : dirige par Michel Am Nondroko Djotodia. Arrt avec son porte-parole AbakarSabon par les forces bninoises sous demande du gouvernement Boziz, ils ont t relchsen fvrier 2008 aprs avoir accept de participer aux Accords de paix avec le gouvernement

    centrafricain. Il sera par la suite consul Nyala, capitale du Sud-Darfour au Soudan. Creen septembre 2006, lUFDR oprait essentiellement dans les prfectures arabophones deVagata et Haute Kotto, dans le Nord-Est.

    du FDPC : dirig par Abdoulaye Miskine. Celui-ci et ses hommes staient fait connatreen 2002 comme suppltifs des FACA dans le conit contre les rebelles de Boziz et sontprsums responsables du massacre du march btail4.

    A ces trois-l sont venues sajouter, deux organisations jusque-l inconnues : la Conventionpatriotique du salut du kodro (CPSK, kodro signiant pays, en sango Son fondateur,

    Mohamed-Moussa Dhaffane, en est devenu le prsident), et lAlliance pour la renaissanceet la refondation (A2R), une structure jusque-l clandestine, devenu le 18 mars 2013Mouvement pour la renaissance et la refondation / Mouvement politique alternatif en RCA(M2R) coordonn par Salvador Edjezekanne.

    Les premires oensivesLe 10 dcembre 2012, la coalition rebelle Slka lance une grande offensive arme et occupetrs vite les principales villes dans le nord et le centre du pays pour se positionner Sibut 180 km au nord de Bangui. Larme en droute reoit les renforts de troupes camerounaises,gabonaises, du Congo-Brazzaville, du Tchad, pour pauler les lments de la MICOPAX (laMission de consolidation de la paix en Rpublique Centrafricaine est depuis le 12 juillet 2008

    sous la responsabilit de la Communaut conomique des Etats dAfrique centrale [CEEAC].Elle succde lopration FOMUC lance le 25 Octobre 2002 par une dcision de la CEMAC etest compose des lments de la Force Multinationale des tats dAfrique Centrale - FOMAC)mais aussi dOuganda et dAfrique du Sud.

    Laccord de Libreville et la mise en place du gouvernement de transitionLe 11 janvier 2013, une dclaration de principe, un accord de cessez-le-feu et un accord poli-tique sur le rglement de la crise ont t signs par les parties (les autorits centrafricaines,les reprsentants de la Slka et de lopposition politique, en prsence de reprsentants de lasocit civile) sous lgide de la CEEAC.

    Selon ceux-ci : le prsident Franois Boziz reste au pouvoir jusqu la n de son mandat en 2016

    un gouvernement de transition et dunion nationale de 12 mois, dirig par un Premier ministreissu de lopposition, irrvocable, doit tre rapidement mis en place

    le Premier ministre ainsi que les autres membres du gouvernement ne peuvent tre candidats la prochaine prsidentielle

    le rle du gouvernement de transition sera notamment dorganiser des lections lgislativesanticipes

    lAssemble nationale est dissoute et des lgislatives seront organises dans douze moisun cessez-le-feu immdiat est dcid, qui sera surveill par les forces dinterposition

    Cf le rapport denqute de la FIDH : Crimes de guerre en Rpublique centrafricaine, fvrier 2003

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    les rebelles doivent abandonner les villes conquises lors des combats le dpart des troupes trangres est prononc lexception de celles de la FOMAC/MICOPAX

    Le 17 janvier, Nicolas Tiangaye (membre de lopposition politique, avocat et ancien prsidentde la Ligue centrafricaine des droits de lHomme) est nomm Premier ministre.

    Depuis leur retrait de Damara (90 km au nord de Bangui) le 3 mars, sept localits restaientsous contrle de la coalition rebelle centrafricaine Slka : Kaga-Bandoro, Sibut, Alindao,Ndl, Bria, Bambari et Soamoandja.

    Le coup dtat du 24 mars 2013

    Dnonant la lenteur de la mise en uvre des dispositions de laccord de Libreville (sagissant

    notamment de la libration au compte gouttes des prisonniers politiques et de la prsencedes troupes sud-africaines), la rbellion Slka a lanc son assaut sur la capitale. Aprs unjour de lourd combat aux abords de la capitale, les rebelles sont entrs quasi sans rsistancedans Bangui et ont pris le palais prsidentiel et le sige de la radio/tlvision nationale.Le 24 mars, le chef de ltat, Franois Boziz, fuyait au Cameroun. Michel Djotodia, se posaiten successeur du prsident. Il a annonc vouloir suspendre la Constitution du 27 novembre2004, dissoudre lAssemble nationale ainsi que le gouvernement, tout en reconduisant lePremier ministre, pour mener une priode de transition devant sachever par des lectionslibres, crdibles et transparentes.

    Le 13 avril 2013, lors de la premire session du Conseil national de transition, Michel Djotodia

    est lu, par acclamation et sous les applaudissements, Prsident de la Rpublique.

    Le cadre de la transition

    Les Chefs dtats de la CEEAC se sont runis, jeudi 18 avril, NDjamena, pour xer lafeuille de route de la nouvelle transition politique en Centrafrique. Ils se sont accords surla reconduction des accords de Libreville comme ligne directrice des nouvelles autorits.Le nouvel excutif centrafricain, le Prsident Michel Djotodia et son Premier ministre NicolasTiangaye, se sont par ailleurs vus imposer llargissement du Conseil national de la transition(CNT) pour passer de 105 membres 135 (ce qui est effectif depuis le 12 mai 2013), an de

    reprsenter toutes les sensibilits de la socit civile et politique du pays. Puis, la CEEACa dcid daugmenter les effectifs de la FOMAC/MICOPAX pour les faire passer denviron600 soldats et policiers 2000 hommes, en vue de rtablir lordre Bangui et dans le restedu pays. Lors de ce sommet, le prsident autoproclam a t reconnu par les dirigeants delAfrique centrale ( la date de publication de ce rapport, le prsident nest toujours pas reconnupar lUnion africaine et le reste de la communaut internationale).

    Si la feuille de route comprend la question de la scurit de la population, il est utile de releverquelle ne comporte quasiment aucune disposition relative la protection des droits humains,un lment pourtant indispensable du rglement et de la prvention des conits. Les ChefsdEtats de la CEEAC nont en effet fait aucune mention de limportance du rtablissement

    rapide de lEtat de droit, du respect des liberts fondamentales et de laspect crucial de la luttecontre limpunit des auteurs des crimes les plus graves.

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    Une transition politique sans Etat et sous tension

    Les nouvelles autorits de la Centrafrique dirigent un pays o lautorit de lEtat est quasi-

    ment absente de lensemble du territoire. Ctait le cas avant loffensive de la Slka. Cestpire aujourdhui. Comme la soulign le Premier Ministre, Nicolas Tiangaye, aux chargs demission de la FIDH : il ny a pas dEtat. Larme nationale sest lique. Il ny a pas de

    police, pas de gendarmerie. Cest lanarchie . En province, il ny a plus de professeurs, pasde magistrats.

    Les caisses de lEtat sont vides. Elles auraient t pilles par le rgime de Boziz avant sondpart forc et plus aucun subside ny rentre depuis le coup dEtat du fait des pillages et dela main mise sur le pays par les forces Slka. Seuls les programmes de dveloppement etlaide accords par la communaut internationale, particulirement de lUnion europenne

    (20 millions daide durgence fournie par lUE la Centrafrique depuis le dbut de lanne),permettent de maintenir un minimum dactivit conomique. Cest la Rpublique du Congo etson Prsident Denis Sassou Nguesso qui a permis aux fonctionnaires centrafricains dobtenir,en juillet 2013, deux mois darrirs de salaires. Ce soutien extrieur, si essentiel soit-il pourla population, tait jusqu la date de ce rapport, dnu de toute conditionnalit, notammentau respect des droits de lHomme, dans un pays o la corruption et le pillage ne semble pasgarantir lutilisation effective des fonds pour le bien des citoyens.

    Sans argent propre, difcile dappliquer une politique de reconstruction en tendant notamment

    lautorit de lEtat sur lensemble du territoire. Aux dires de certains interlocuteurs Bangui,le chef de lEtat na pas de politique gnrale. Il semblerait que ses seuls actes politiques soient

    motivs par la construction de son pouvoir pour satisfaire son entourage, la famille, lethnie,les chefs des hommes arms qui lont port son poste. Cette posture paralyse lexercice delExcutif en posant de nombreux obstacles laction du Premier ministre.

    Nous navons jamais connu une telle violence

    De lavis de lensemble des acteurs rencontrs par la mission de la FIDH en RCA autoritspolitiques et religieuses, diplomates et humanitaires, socit civile - la Centrafrique na jamaisconnu le niveau de violence et dinscurit quelle connat depuis le dbut de lanne. Le conit

    arm entre les forces loyalistes et la rbellion Slka avant le coup dEtat sest droul enviolation du droit international humanitaire et des droits de lHomme. Depuis le coup dEtat du24 mars 2013, les forces Slka contrlent tout le territoire et commettent de graves violationsdes droits humains, qui peuvent tre qualies de crimes de droit international, conformment

    aussi aux dispositions du Code pnal centrafricain et du Statut de Rome de la Cour pnaleinternationale rati par la RCA. Des lments de la Slka se rendent en effet responsables

    de meurtres, dassassinats, denlvements, darrestations et dtentions arbitraires, de mauvaistraitements et de torture, de crimes sexuels, de recrutements forcs de mineurs, de vol avecarme, de pillage systmatique et gnralis et de destruction de biens.

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    La mission denqute de la FIDH

    La mission internationale denqute de la FIDH sest rendue en RCA du 03 au 13 juillet 2013.

    Elle tait compose de Eric Plouvier, avocat au Barreau de Paris, charg de mission de la FIDH,Roch Euloge Nzobo, directeur excutif de lObservatoire congolais des droits de lHomme(Congo-Brazzaville), charg de mission et de Marceau Sivieude, directeur adjoint des oprationset directeur du bureau Afrique du Secrtariat international de la FIDH. La mission a travaill Bangui, la capitale, et dans la prfecture de Nana-Grbizi sur laxe Kaga-Bondoro Mbrs.La mission avait pour objectif principal de faire la lumire sur les graves exactions commisespar les Slka, dtablir les responsabilits et denvisager une feuille de route sur les droitsde lHomme pour les autorits et la communaut internationale en faveur de la protection dela population civile, de la lutte contre limpunit des auteurs des crimes les plus graves et dela consolidation de lEtat de droit.

    Les chargs de mission ont pu tout au long de leur mission recueillir des tmoignages devictimes ou familles de victimes de graves violations des droits humains. La FIDH, en accordavec les intresss, a fait le choix de garder lanonymat de celles-ci pour garantir leur scurit.

    La FIDH souhaite remercier les reprsentants de lOrganisation pour la compassion et ledveloppement des familles en dtresse (OCODEFAD) et de la Ligue centrafricaine des droitsde lHomme (LCDH), organisations membres de la FIDH, pour leur important soutien dansce travail dtablissement des faits.

    La FIDH souhaite par ailleurs remercier les Nations unies ainsi que la MICOPAX, sa direction

    Bangui et son contingent congolais Kaga-Bandoro, pour avoir permis de scuriser le travailde ses chargs de mission dans le nord du pays.

    Les chargs de mission ont par ailleurs rencontr les personnes suivantes : Premier ministre, M. Nicolas Tiangaye Procureur de la Rpublique, M. Alain Tolmo Ofce centrafricain de rpression du banditisme, Commandant, Mahamat Said Abdel Kain

    FOMAC, Gnral de brigade, Commandant de la FOMAC, M. Jean-Flix Akaga ; Chef dEtat major de la Force, Colonel Ngoie A-M Prosper ; Chef de cabinet militaire,

    M. Maurice Ntossui

    Ambassadeur de France, M. Serge Mucetti Attach de coopration au Service de Coopration et dAction culturelle de lAmbassadede France, M. Xavier Henaut

    Croix-Rouge Centrafricaine, Prsident national, M. Antoine Mbao Bogo ; Chef de dpartement de gestion des catastrophes, de la coordination des secours et du

    secourisme, M. Jean Moise Modessi-Waguedo Hpital communautaire, Directeur, Gnral Romain Guitinzia Hpital de lamiti, Docteur Rock Mbetide Union europenne, Ambassadeur, Chef de dlgation, M. Guy Samzun Nations unies, Bureau de coordination des Affaires humanitaires, Chef de Bureau adjoint,

    M. Abdulaye Sawadogo

    Organisation pour la compassion et le dveloppement des familles en dtresse, prsidente,Mme Bernadette Sayo

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    Ligue centrafricaine des droits de lHomme, Prsident, M. Joseph Bindoumi ; et plusieursmembres du Bureau

    Observatoire centrafricain des droits de lHomme (OCDH), Prsident du Conseil excutif,

    M. Mathias Barthlemy Morouba ; 2e Vice-prsident, M. Albert Panda, Mouvement pour la dfense des droits de lHomme et daction humanitaire, Prsident,

    M. Adolphe Ngouyombo Yarakpa Rseau des ONG droits de lHomme de promotion et de dfense des droits de lHomme,

    Secrtaire-general, M. Anicet Thierry Goue MoussangoeLa FIDH remercie les personnes rencontres par les chargs de mission pour leur disponibilit.

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    I. Le pays sous contrle

    des forces SlkaEn dpit de la prsence des forces internationales de la FOMAC et dAfrique du Sud et dela signature des accords de paix conclus sous lgide de la CEEAC, les rebelles de la Slkasont entrs dans la capitale et ont renvers le rgime de Franois Boziz. Les ex-chefs rebellesdtiennent le pouvoir, la prsidence de la Rpublique et les postes cls du gouvernementdunion nationale. Leurs hommes sont dploys sur tout le territoire. La FIDH a ax un pande son enqute ltude de lorganisation des Slka depuis le coup dEtat et du niveau deprotection de la population, Bangui et en province, face ces lments arms.

    La Slka, une nbuleuse criminelle au pouvoirsur tout le territoire

    Le pouvoir aux mains des ches de la SlkaLa Slka au pouvoir

    Prsident auto-proclam au lendemain du coup dEtat le 25 mars 2013, Michel Djotodia, chefde lUFDR, une des formations rebelles composant le Slka, attendra le 13 avril pour se voirlire par acclamation par le Conseil national de transition. Il sera dans la foule reconnu parses paires dAfrique centrale comme le chef de lEtat centrafricain.

    Conformment aux Accord de Libreville et de Ndjamena, Michel Djotodia conrme ds saprise de pouvoir le maintien son poste du Premier ministre Nicolas Tiangaye et appelle la formation dun nouveau gouvernement dunion nationale. Celui-ci est form le 31 mars.Les postes les plus importants sont donns aux autres chefs des groupes arms composant laSlka. Ainsi, sur ses 34 membres, 9 sont issus de la coalition rebelle : Michel Djotodia, outre sacharge de chef de lEtat, est nomm ministre de la Dfense ; Noureddine Adam, chef du groupearm CPJP, est ministre de la Scurit ; Mohamed Moussa Dhaffane, chef du groupe CPSK,est ministre des Eaux et forts ; Gontran Djono est nomm ministre des Mines ; ChristopheGazam Betty est ministre de la Communication. Un remaniement ministriel effectu le13 juin 2013 a maintenu ces ministres aux mmes fonctions.

    De part leur fonction, le chef de lEtat et certains ex-chefs rebelles sont donc responsables dela dfense et de la scurit du pays.

    Le pouvoir des ches de la Slka sur leurs hommes

    La Slka tant une coalition de groupes arms, chaque chef de ces groupes avait autorit surleurs hommes. Une fois le coup dEtat consomm, lallgeance des lments Slka un deschefs est toujours rel comme ont pu le vrier les chargs de mission de la FIDH. Ainsi, lecommandant de lOfce centrafricain de rpression du banditisme rencontr par la missionsest dit faire partie des hommes de Noureddine Adam et davoir t plac par lui a son poste.Le colonel, chef des Slka de Mbrs, rencontr par les chargs de mission, dit aussi suivre

    son chef Noureddine. Daprs plusieurs interlocuteurs de la FIDH, chaque chef de zone (ou com-zone ) Bangui rpond tel ou tel chef dun des groupes arms de la Slka. Cetteobdience a pu galement tre vrie loccasion de larrestation de Dhaffane, ses hommes

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    stant a priori retirs de Bangui attendant de voir lvolution de la situation de leur chef.

    Pourtant, face au grave problme dinscurit dans le pays, le prsident lui-mme afrme

    quil fait face des lments incontrls de la Slka. Si on peut imaginer que lautoritdu prsident ou des autres chefs de guerre ne sexerce pas directement sur lensemble deslments Slka, contrario, les dclarations du prsident tendent conrmer quil existebien des lments contrls de la Slka sur lesquels le chef dEtat, ou un des chefs rebelles,peut exercer son pouvoir.

    Un prsident avide dun plus grand pouvoir

    Daprs la lettre et lesprit des accords de paix, la prsidence de la transition tait vu commeun poste honorique. Mais Michel Djotodia, pouss par ses partisans, ne semble pas lentendre

    comme cela et a tent, ds sa prise de fonction, daccaparer les pouvoirs. La crise politique

    entourant le vote dbut juillet par le Conseil national de transition (CNT) de la Charte constitu-tionnelle de transition cens ger le cadre institutionnelle de la transition, en est une parfaite

    illustration. Le prsident Michel Djotodia sest en effet oppos au texte initial propos par leCNT qui prvoyait le contreseing du premier ministre la signature du prsident pour toutedcision de lExcutif. Le Prsident a mme tent dintroduire un nouveau projet de Chartepour contrer la proposition et introduire la possibilit dune motion de censure contre le premierministre, alors que celui-ci est irrvocable durant la dure de la transition, conformment auxAccords de Libreville. Si la premire mouture a nalement t adopte par le CNT, il ntait

    pas certain, au moment de la mission, et malgr les efforts des reprsentants de la communautinternationale, que le prsident accepte de se plier au texte de la Charte quil a nalementsigne le 18 juillet.

    Si la bataille pour un pouvoir accru se joue au niveau institutionnel, plusieurs vnementsdmontrent quelle se joue galement entre les diffrents chefs de la Slka.

    Une fois au pouvoir, le Chef de lEtat a tendu la main Abdoulaye Miskine, dirigeant du FDPCqui stait ralli un temps la coalition Slka avant de sen carter pour divergences devues , lappelant rejoindre Bangui. Conscutivement son refus, des lments Slka ontlanc une attaque contre des rebelles du FDPC entre le 2 et le 4 avril 2013, tuant de nombreuxcombattants et, selon certaines informations, blessant leur chef.

    Le ministre centrafricain de la Communication, Gazam Betty, a annonc le 30 juin 2013,que le ministre des Eaux et forts, Mohamed Dhaffane, dirigeant du CPSK, un des groupesarms composant la Slka, a t limog de son poste et arrt la veille. Son frre a galementt arrt. Selon les propos publics du ministre de la Communication Tout porte croireque le gnral Dhaffane recrutait des mercenaires et achetait des armes (...) on ne sait pourquelle raison. De plus, ces mercenaires se livrent des actes de dbordements qui ternissentlimage du chef de lEtat. Le ministre Dhaffane a t mis aux arrts puis plac en garde envue en attendant une perquisition son domicile. Daprs les informations recueillies parles chargs de mission, larrestation de Dhaffane se serait droule dans lenceinte du campde Roux o rside le chef de lEtat. Une runion entre les deux hommes aurait mal tourne.Le Prsident aurait alors demand sa garde de larrter. Certains interlocuteurs des chargs

    de mission de la FIDH ont avanc que le Prsident aurait fortement mal pris les dclarationsdu ministre la radio nationale et Radio France internationale (RFI) appelant une runiondes chefs Slka pour rgler la question de la scurit. Nombre dentre eux ont prt des

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    hautes ambitions Dhaffane qui auraient pu faire de lombre au pouvoir du Prsident.Une interprtation qui pourrait expliquer lempressement de son arrestation et de sa dtention,et leur caractre illgal (cf. partie III).

    Une internationale criminelle organise et prospreLinternationale criminelle

    Selon une estimation du prsident Djotodia, les chefs de guerre de la Slka taient accompagnsde 5000 hommes en entrant Bangui le 24 mars. Il est intressant de relever que certains deces hommes ne se sont pas arrts dans la capitale mais ont continu leur route dans dautresprfectures comme celle de Lobaye, dans lobjectif de contrler tout le territoire.

    Daprs le Prsident, les lments Slka seraient n juin au nombre de 20 000 rpartis surtout le territoire. Cette croissance sexplique par le ralliement au Slka dindividus dsuvrs

    appts par largent et le pouvoir. Des tmoignages recueillis par les chargs de mission fonttat denrlements parfois caractriss de spontans de jeunes issus de la sous-rgion aumoment o des lments Slka acheminaient le fruit de leur pillage dans leurs villes et villagesau Tchad, au Soudan et Soudan du Sud et au Nord de la Centrafrique.

    Daprs les constatations faites par les chargs de mission en RCA, les lments Slka sontbien de plusieurs nationalits. Ils se disent Tchadiens, Centrafricains ou Soudanais. Certainsne parlent ni sango (langue parl dans toute la Centrafrique) ni franais. Jeunes, entre 8 et25 ans (la Slka comporte de trs nombreux enfants-soldats, cf. partie II), ils sont lourde-ment arms : pistolets mitrailleurs, pistolets, grenades, couteaux. A Bangui, ils disposent detrs nombreux pick-up, reconnaissables par leurs taches de peinture et leurs slogans peints

    du type sen fou la mort , qui arborent pistolets mitrailleurs sur pieds, lances roquettes etroquettes. Dans les petits villages, nombreux utilisent des motos. Laccoutrement des Slkaest disparate : treillis, anciens uniformes des FACA, tenues civiles, chches ou ttes nues,chaussures militaires, baskets ou sandales.

    Les com-zones

    Les chargs de mission de la FIDH ont pu attester de lorganisation des lments Slka parzone ou district, un groupe de Slka ayant le contrle sur un territoire limit. Ces diffrentsgroupes semblent assez autonomes les uns des autres.

    Ces groupes constitus de quelques personnes une centaine sont dirigs par des com-zones ,la plupart stant affubls du grade de colonel. Sous leur hirarchie, se trouvent souvent des capitaines .

    Cest ainsi quon entend parler Bangui des troupes du colonel Bichara, homme de NoureddineAdam ; du colonel Mahamat Saleh dont les troupes seraient bases au niveau rgiment etsoutien de service ; Au camp des sapeurs pompiers, serait le gnral Moussa (un Soudanais ,daprs la population).

    A Bossangoa, le groupe Slka est dirig par un dnomm Colonel Youssouf Amath.A Kaga-Bondoro o sest rendue la mission, le com-zone est le colonel Abderhamane, un

    Tchadien (selon la population) qui ne parle ni sango ni franais, qui dirige prs de 100 Slkas.

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    Le groupuscule Slka de Mbrs

    Les 9 et 10 juillet 2013, les chargs de mission on circul sur laxe Kaga-Bondoro Mbrs.

    A Mbrs, ils ont t rceptionns par 8 membres de la Slka, de jeunes hommes biensarms. Ils seraient 14 contrler la ville, notamment son barrage. Ils ont pris pour locallancien sige de la gendarmerie. Ces hommes sont dirigs par un colonel, un hommelongiligne, plus dun 1 m 90, lair un peu hagard. Il porte 4 petites grenades aux bretelles etdtient un pistolet dans son holster. Il parle arabe. Les habitants lappellent le Soudanais .Il aurait particip la prise de Bangui avant dtre plac dans cette ville. Son adjointest un capitaine de 25 ans, prsent Mbrs depuis 2 mois. Parmi ce groupe, se trouvegalement un ex-FACA bret rouge, qui en porte toujours les habits. Le chef a conrmaux chargs de mission de la FIDH quils ntaient pas pays par leur hirarchie.Selon les habitants des villages voisins, le barrage de Mbrs rapporte beaucoup dargent

    aux Slka. Lextorsion de fond seffectue selon les tarifs suivant : 250 FCFA pour un passage pieds 500 FCFA pour un passage vlo 1000 FCFA pour un passage en voitureSelon un tmoignage recueilli par les chargs de mission, dans cette ville de Mbrs, lemajor de lhpital aurait t tu par les Slka car il sopposait au vol des panneaux solairesde ltablissement.

    Une population abandonne sous le joug des Slka

    Les Forces de dense et de scurit portes disparuesLes Forces de dfense et de scurit (Forces armes centrafricaines [FACA] et gendarmerie),bien que formes par la France et devant faire lobjet dune rforme appuye par la FOMAC(puis MICOPAX) et le Bureau intgr de lOrganisation des Nations unies en Centrafrique(BINUCA), ont toujours t les mal aimes des rgimes successifs en RCA. Perues commeune source potentielle de danger pour le pouvoir, les chefs dEtat ont souvent sanctionn oupoursuivi leur gnraux et affaibli leurs effectifs. De fait, les anciens prsidents Ange-FlixPatass et Franois Boziz, ne faisant pas conance en leur arme, ont toujours prfrsappuyer pour leur scurit sur une garde prsidentielle compose dlments tchadiens, demercenaires franais ou congolais et de suppltifs centrafricains.

    Lattitude de Franois Boziz lgard des FACA en pleine offensive de la Slka nest doncpas tonnante. Craignant une insurrection dans ses rangs, lex prsident sen est pris plusieursreprises aux FACA, notamment dans ses discours publics du 31 dcembre 2012 et du 8 mars2013, les accusant de trahison face la perce de lennemi. Cest aussi la raison pour laquelleBoziz a fait appel des forces sud-africaines pour tenter de contrer lavance de la Slka.Cette nime humiliation, la dbcle militaire et larrive des troupes Slka dans la capitaleont pouss les lments de la force publique centrafricaine dserter leur poste.

    Comme la relev le premier ministre lors de son entretien avec la FIDH, il ny a plus ni arme,ni de gendarmerie, ni police en RCA. Tous ont dsert les casernes squattes par la Slka et

    aucun na rpondu aux quelques appels mdiatiques de gnraux demandant un retour leurposte. Comme la constat la mission plus de trois mois aprs le coup dEtat, ils sont absentsdes rues de Bangui et des diffrentes villes de province traverses par la mission. Nombreux

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    craignent toujours pour leur scurit. Ils seraient particulirement viss par la rbllion. Desex-FACA ont en effet t tus depuis le 24 mars sans quil soit possible dafrmer quils lont

    t du fait de leur statut (cf. tmoignage du meurtre dun FACA, partie II). Ils se cachent

    leur domicile ou se sont dlocaliss de manire temporaire. De nombreux grads des FACAse sont rfugis dans lenceinte du camp MPoko, base de la MICOPAX. Une dlgation de laLigue centrafricaine des droits de lHomme qui sest rendue sur place a ainsi rencontr cinqgnraux le 6 juin 2013. La MICOPAX ayant souhait leur dpart de la base pour pouvoiraccueillir les contingents supplmentaires escompts, les gnraux ont exig que leur scuritsoit assure avant toute sortie.

    Ce sont donc entre 4 000 et 5 000 hommes (selon lestimation de lAmbassade de France) quiforment une rserve plutt comptente qui pourront uvrer la protection de la populationlorsque les rebelles de la Slka seront cantonns, dsarms et aids dans leur rinsertion.

    Lide, partage par certaines autorits, dune intgration des lments de la Slka dans lesFDS, ne peut tre viable que si elle prvoit un vritable vetting , savoir lexclusion de ceprocessus de tout individu qui aurait commis des violations des droits humains.

    Les insusances en ltat du dispositi dinterventionde la communaut internationaleUne composante essentielle mais non sufsante de la protection de la population au moment de

    la mission de la FIDH tait la Mission de consolidation de la paix en Centrafrique (MICOPAX),dont le remplacement par la Mission Internationale de Soutien la Rpublique Centrafricaine(MISCA) a t dcid le 19 juillet 2013 par le Conseil de paix et de scurit de lUnion africaine.

    Place sous lautorit de la Communaut conomique des tats dAfrique centrale (CEEAC),la MICOPAX qui est une mission de la Force Multinationale des tats dAfrique Centrale(FOMAC) a ofciellement remplac le 12 juillet 2008 la Force multinationale en Centrafrique

    (FOMUC), cre le 2 octobre 2002 par la Communaut conomique et montaire de lAfriquecentrale (CEMAC). Bnciant du soutien nancier de lUnion europenne et logistique de la

    France, la MICOPAX avait pour mandat de consolider le climat de paix et de stabilit, daiderau dveloppement du processus politique de promouvoir le respect des droits de lhomme, decoordonner laide humanitaire et de prendre part la lutte contre le VIH/SIDA. Son mandat at modi en 2013 pour inclure la mise en uvre des accords de Libreville entre le gouver -nement centrafricain et la coalition rebelle de la Slka.

    Les troupes de la MICOPAX, sud-africaines, et dans une moindre mesure les FACA, ontpendant quelques temps empch lavance des rebelles de la Slka sur Bangui en organisantdes zones tampons Bambari et Sibut. Certains observateurs mettent lhypothse quexcdspar labsence de volont de lex prsident Boziz de mettre strictement en uvre les accordsde Libreville, les chefs de lEtat de la CEEAC ont demand la MICOPAX de laisser passerles rebelles, permettant leur arrive Bangui.

    Au moment de la mission, la MICOPAX tait compose des effectifs suivants : Gabon : 120 ;Cameroun : 120 ; Tchad : 442 ; Congo Brazzaville : 150 + 150 Units de police ; Etat-Major :28. Soit environ 1000 personnes. Etaient attendus un peu plus de 300 lments supplmentaires

    (150 du Gabon et 180 du Cameroun). Base Bangui, la MICOPAX disposait de trois unitsdcentralises Kaga-Bandoro, Paoua et Ndele.

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    Au retour de sa mission, la FIDH a considr la fois que le mandat et les effectifs de laMICOPAX taient insufsants compte tenu des dveloppements de la situation en RCA.Comptentes et apprcies de la population ( lexception du contingent tchadien, cf ci-aprs),

    ces forces ne peuvaient en ltat garantir la protection de la population.

    Son mandat tait bas sur la consolidation de la paix et tait ainsi inappropri suite la nouvelledonne issue du coup dEtat et la prsence des lments de la Slka lourdement arms surlensemble du territoire. Trop imprcis, le mandat ne permettait pas de rpondre au mieuxaux ds lis cette situation.

    Concernant les effectifs de la MICOPAX, un diplomate rencontr par la FIDH Banguifaisait savoir quavant le coup dEtat, la scurit de la capitale tait assure par environ 2000gendarmes et policiers. Or, au mois de juillet, les effectifs de la MICOPAX taient de lordre

    de 700 Bangui dans un environnement dune bien plus grande inscurit.

    Pour autant, la MICOPAX agissait comme elle le pouvait Bangui. Comme a pu le constater leschargs de mission de la FIDH, elle organisait de nombreuses patrouilles trs visibles dans lacapitale. Il lui arrivait dapprhender des individus, civils ou Slkas, accuss dexactions pourles mener lOfce centrafricain de rpression du banditisme. La tuerie du quartier Gobongo

    (cf ci-aprs), le 28 juin 2013, au cours de laquelle 6 personnes sont mortes, a t loccasionpour le commandant de la MICOPAX de taper du point sur la table auprs des autorits. Dansune runion durgence avec le chef de lEtat et tous les gnraux Slka , il aurait expliquque la situation allait dgnrer en guerre civile si rien ne changeait. De cette runion est nelopration de dsarmement forc des lments de la Slka et lide de patrouilles mixtes

    MICOPAX/Slka dans la capitale. Durant la mission de la FIDH, de nombreux pick-upparadaient pourtant encore dans la ville remplis dlments Slka lourdement arms.

    Hors de la capitale, la MICOPAX ne se trouvait donc que dans trois localits, alors que lesviolations des droits humains sont commises dans tout le pays (cf. partie II). Et selon lesinformations recueillies par les chargs de mission, les contingents de la MICOPAX se trouvantdans ces localits ne faisaient des patrouilles, de rares exceptions prs, que dans un rayon de20 km autour de leur base, laissant les habitants des villages plus loigns sous le contrle totaldes groupes Slka. A Kaga-Bandoro, o la mission de la FIDH sest dplace, les habitants decette ville et les humanitaires prsents taient satisfaits du travail des troupes de la MICOPAX.

    Mais on comprend bien que ses effectifs et rayons daction taient trs insufsants voir quasinuls, pour garantir la scurit de la population en province.

    Un autre problme rsidait dans la qualit des effectifs de la MICOPAX. Les citoyens ntaientpas rassurs par la prsence, en nombre (quasiment la moiti des effectifs), du contingenttchadien. En effet, plusieurs tmoignages ont rapport des actes de complicit entre des tcha-diens de la MICOPAX et des lments tchadiens de la Slka, y compris des actes criminels.Parfois, cette situation pouvait avoir des consquences graves : ainsi, un lment tchadien dela MICOPAX sans son uniforme et circulant moto dans un quartier de Bangui a t lynch mort par la population car pris pour un Slka ayant vol le vhicule.Par ailleurs, des tmoignages rcurrents, conrms par les hautes instances de la MICOPAX,

    ont fait part dlments de la MICOPAX qui auraient monnay leur action de scurisation dedomiciles privs ou dentreprises.

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    Enn, des interlocuteurs de la mission de la FIDH ont relev un budget de fonctionnement de

    la MICOPAX trop peu lev pour lui permettre de remplir correctement sa mission.

    Face ce constat, la dcision du Conseil de paix et de scurit de lUnion africaine (UA) du19 juillet 2013 de remplacer la MICOPAX par la MISCA est salu par la FIDH comme unvritable effort du continent pour rpondre la situation dinscurit en RCA.

    Cette mission, qui sera dploye pour une priode initiale de six mois, a pour mandat decontribuer : (i) la protection des civils et la restauration de la scurit et de lordre public, travers la mise en uvre de mesures appropries; (ii) la stabilisation du pays et la restau-ration de lautorit de ltat centrafricain; (iii) la rforme et la restructuration du secteur dela dfense et de la scurit; et (iv) la cration de conditions propices la fourniture duneassistance humanitaire aux populations dans le besoin. Elle aura un effectif total de 3 652

    personnels, dont 3 500 personnels en uniforme (2 475 pour la composante militaire et 1 025pour la composante de police) et 152 civils.

    Pour autant, compte tenu des observations prcdentes, la FIDH considre que la MISCAne peut prtendre, en ltat, satisfaire entirement aux exigences lies la protection de lapopulation. Lappel lanc par lUA aux Nations unies pour un soutien nancier et logistique

    de la MISCA tend montrer que le dispositif et le mandat escompts ne pourront tre entire-ment mis en uvre sans la contribution de la communaut internationale dans son ensemble.Les contingents militaires, policiers et civils devraient encore tre augments pour permettrenotamment un dploiement dans lensemble du pays. Par ailleurs, le mandat de la MISCAne comporte aucun lment li la protection des droits de lHomme et la consolidation de

    ltat de droit, pourtant essentiel la stabilit et la construction dune paix durable. Et la FIDHconsidre quune telle mission doit tre assortie dun mcanisme indpendant charg de fairedes rapports publics sur la mise en uvre de son mandat, conformment au droit internationalhumanitaire et des droits de lHomme.

    Le mandat restreint de lopration ranaise BoaliLa France est prsente en RCA depuis 2002 dans le cadre de lopration Boali. Celle-civisait apporter un soutien logistique, administratif, technique et si besoin oprationnel laMICOPAX. Les militaires franais assurent par ailleurs des missions de formation des forcesarmes centrafricaines (FACA) tout en restant en mesure dassurer la scurit des ressortissants

    franais si la situation lexige5

    .

    Cest justement la situation lie loffensive de la Slka en dcembre 2012 qui a entran ledploiement Bangui de plus de 300 militaires franais venus du Gabon pour renforcer les250 dj prsents dans la capitale aux ns de garantir la scurit des citoyens franais, desemprises diplomatiques franaises et de laroport MPoko. Fin janvier 2013, ces renfortsont t dsengags pour revenir n mars, la veille du coup dEtat. Certains de ces effectifssupplmentaires sont depuis repartis. Fin juin 2013, 400 militaires franais taient ainsidploys en RCA.

    5. Site du ministre franais de la Dfense. http://www.defense.gouv.fr/operations/autres-operations/operation-boali-rca/actualites/republique-centrafricaine-deploiement-de-moyens-supplementaires

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    Lors du coup dEtat, les franais sen sont en effet tenus la scurisation de laroport et desemprises diplomatique, ce qui a valu quelques changes de tirs avec des lments Slka.La scurisation des citoyens franais fut semble-t-il une opration plus complexe si lon sen

    tient leurs tmoignages.

    Depuis le coup dEtat, des blinds franais patrouillent rgulirement dans la ville, commeont pu le constater les chargs de mission. Une action qui rassure la population de Bangui.

    Si les effectifs et le mandat de lopration Boali ne sont pas de nature garantir la scuritde la population centrafricaine, la FIDH considre important que les militaires franais, outrelaction de scurisation de leur concitoyens, soutiennent les oprations de la MISCA, notam-ment de cantonnement et de dsarmement des Slka dans la capitale.

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    II. Des crimes de guerre

    et de graves violationsdes droits humains

    Entre dcembre 2012 et le 23 mars 2013, les combats entre les forces loyalistes du prsidentBoziz contre les rebelles de la Slka ont t mens en violation du droit international,chaque camp pouvant tre tenu responsable de graves violations des droits humains et dudroit international humanitaire, parfois caractristiques de crimes de droit international, et

    dont les populations civiles furent les premires victimes. Des tmoignages ont t recueillispar la FIDH sur ces faits.

    Pour autant, dans le contexte actuel o la population centrafricaine est sous la coupe rgledes Slka en labsence dune force publique nationale et internationale sufsante, la mission

    denqute de la FIDH sest focalise sur les graves violations des droits de lHomme, duneampleur jamais connue en RCA selon tous les observateurs, commises par des lments Slkadepuis leur arrive dans la capitale et leur contrle de tout le territoire centrafricain.

    Meurtres, assassinats, blessures par balles

    Depuis le renversement du rgime le 24 mars 2013, sil est difcile de mesurer lexacte ampleur

    du phnomne, la FIDH a pu recoup des informations faisant tat dau moins 400 meurtreset assassinats commis par des Slka. Cette estimation est sans doute infrieure lampleurdes crimes. Le nombre de blesss par balles slve lui plus dun millier.

    A - Bangui, le mois suivant le coup dEtatDaprs les informations recueillies par les chargs de mission, la journe du 23 mars 2013,lors de loffensive des rebelles sur Bangui, les troupes Slka auraient affront une certainersistance plusieurs kilomtres de la capitale. En revanche, le 24 mars, les rebelles seraient

    entrs dans Bangui sans relle opposition, les FACA ayant dsert leur poste, la MICOPAXnayant pas ragi et les troupes franaises sen tenant au maintien de la scurit de laroport.

    Pour autant, les tmoignages et statistiques recueillis par la FIDH montre que cette entre dansBangui et les jours qui ont suivi sest faite avec violence, de nombreux civils ayant t tus oublesss par balles, mais aussi du fait daccidents causs par les vhicules des rebelles lancs vive allure dans les rues de la capitale. Il est donc clair que les troupes Slka, alors mmeque leurs chefs avaient pris le pouvoir et quelles ne faisaient face aucun ennemi combattant,se sont rendues coupables de meurtres et dassassinats de civils.

    Les statistiques tenues par la Croix-Rouge centrafricaine entre le 23 mars et le 30 avril 2013sont cet gard diantes.

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    Lieux Blesss Morts

    Sige national 864 163

    1er arrondissement 11 07

    2e arrondissement 12 05

    3e arrondissement 31 04

    4e arrondissement 36 25

    5e arrondissement 22 16

    6e arrondissement 12 05

    7e arrondissement 57 11

    8e arrondissement 04 20

    Begoua 12 27

    Bimbo 22 23

    Total 1083 306

    Selon la Croix-Rouge centrafricaine, le nombre de morts enregistrs dans cette priode ne peuttre exhaustif. Et selon le prsident de lorganisation, il sagit dans sa quasi totalit de civils, les Slka prfrant eux-mme rcuprer les corps de leur troupe pour les jeter notammentdans des puits, un moyen de se montrer invincible face lennemi.

    Le listing des entres lhpital communautaire (un des hpitaux de Bangui o se trouve unservice de traumatologie) entre le 22 mars et le 24 avril 2013 est aussi source denseignements.

    Date Nombre deblesss

    enregistrs

    Par balle Hospitaliss Dcds l'hpital

    Dpt de corps la morgue

    22/03/2013 09 9 2 0 0

    24/03/2013 83 83 44 5 20

    25/03/2013 53 53 16 - -

    26/03/2013 30 30 11 5 5

    27/03/2013 34 11 1 3

    28/03/2013 37 11 1 0 -

    29/03/2013 29 7 - - -

    30/03/2013 45 32 - 2 1

    31/03/2013 25 2 2 - 3

    1er/04/2013 28 5 5 0 1

    2/04/2013 18 5 5 0 0

    3/04/2013 15 8 1 0 0

    4/04/2013 15 6 1 0 0

    05/04/2013 24 8 3 1 0

    06/04/2013 28 5 8 0 0

    07/04/201320 dont

    15 Slka4 2 1 0

    08/04/2013 14 6 1 0 0

    09/04/2013 13 3 0 1 0

    10/04/2013 18 5 8 0 0

    11/04/2013 23 17 (11 enants) 3 2 0

    12/04/2013 15 4 3 2 0

    13/04/2013 30 11 8 2 514/04/2013 52 30 16 6 7

    15/04/2013 15 5 6 2 2

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    Date Nombre deblesss

    enregistrs

    Par balle Hospitaliss Dcds l'hpital

    Dpt de corps la morgue

    16/04/2013 21 9 10 1 0

    17/04/2013 7 3 5 0 018/04/2013 6 1 1 1 1

    19/04/2013 12 8 3 1 0

    20/04/2013 9 1 0 1 0

    21/04/2013 13 4 2 0 0

    22/04/2013 24 8 7 1 1

    23/04/2013 15 5 6 1 0

    24/04/2013 19 4 4 1 2

    Total 805 403 176 30 48

    Les chiffres donnes par lhpital communautaire prcisent que sur cette mme priode,272 personnes ont t blesses du fait de collision avec des vhicules, ceux des Slkas selonplusieurs tmoignages.

    Un tmoignage crit reu par la ligue centrafricaine rend compte de la violence de lentredes Slka dans la capitale : Selon M. X, son ls, Y, 34 ans, pre de 10 enfants, aurait trecrut par M. M pour scuriser, deux boutiques situes [...], en vue de loffensive rebelle surBangui. Pour ce faire, Y aurait reu la somme de 5 000 FCFCA partager avec dautres recrues.A 19h30, le 24 mars 2013, selon le pre, les lments Slka ont investi le quartier en tirant surtout ce qui bougeait. Son ls a t atteint dune balle et fut amen lhpital communautaire.

    A la lettre, est jointe une attestation du mdecin traitant qui fait part de larriv de Y lhpital

    le 25 mars 2013 et de son dcs le 30 mars par suite de plaie pntrante dans le crne avecperte crbrale par balle.

    Des obus tombent sur une glise

    Lors de lentretien avec le Directeur de lhpital communautaire, la FIDH a t alertdune journe sanglante le 14 avril 2013, o deux obus sont tombs en pleine messe surlglise de Cit Jean-XXIII dans le 4e arrondissement Bangui. Lhpital communautairea enregistr conscutivement cet vnement 3 morts et 43 blesss.

    A Bangui de mai aot 2013Les meurtres et assassinats de civils par des lments Slka ont continu de manire rcurrente.

    Daprs les informations recueillies, ces meurtres ou assassinats ont t commis loccasiondoprations de pillage ou de racket, de dsarmement , mais aussi contre des ex-agents dela force publique ou en reprsailles de protestations de la population.

    Les chargs de mission de la FIDH ont pu entendre de nombreux tmoignages de cas depersonnes enleves par des lments Slka. Si certaines personnes ont t relches, un ouplusieurs jours aprs leur enlvement (cf partie II. 2), dautres ont t retrouves mortes dans

    les morgues des hpitaux. Des tmoignages faisaient galement tat de lieux dexcutions plusieurs kilomtres de Bangui, o des corps auraient t jets dans une rivire. Les chargsde mission nont pas pu vrier ces informations.

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    Un membre de la famille du Caporal N, alias M, a fait le rcit crit la Ligue centrafricainedes droits de lHomme de lenlvement et de la mort de celui-ci. N le 23 juin 1985 Bangui,M, pre de 6 enfants demeurait au quartier Combattant. Le 27 juin 2013, M a reu un appel

    tlphonique dune personne se prsentant comme son binme et lui demandant de leretrouver face la mairie du 8me arrondissement. L, il fut pris et enlev par des Slkalourdement arms partis bord de deux vhicules, une voiture immatricule et un pick-up BJ75. Il fut embarqu aprs avoir reu des coups de crosse devant plusieurs tmoins. Aprs desrecherches, le corps de M a t retrouv la morgue de lhpital communautaire dpos parla Croix-Rouge centrafricaine.

    Durant sa mission, la FIDH sest notamment focalise sur la tuerie au quartier du Gobongoo des lments Slka ont tir sur une foule faisant au moins 6 morts et de nombreux blessspar balles.

    Enqute de la FIDH sur la tuerie du quartier Gobongo Banguile 28 juin 2013

    Dans laprs-midi du 28 juin 2013 au quartier Gobongo dans le 4e Arrondissement deBangui, les habitants, en majorit des jeunes, ont rig des barricades empchant la circu-lation sur la voie publique. Ils protestaient contre lassassinat dun jeune de leur quartier,enlev alors quil tudiait dans sa classe la veille par des lments Slka et dont le corpsa t retrouv par des proches la morgue de lhpital communautaire.Ce mouvement de protestation a t violemment rprim par les Slka qui ont tir balles

    relles sur les manifestants occasionnant la mort de 6 personnes (selon le BINUCA) etde nombreux blesss par balles, certains faisant encore lobjet de soin dans les hpitaux.Parmi les blesss emmens lhpital communautaire, 2 dcderont des suites de leursblessures. Les Slka ont galement pill les commerces et maisons du quartier jusqularrive en n de journe de troupes de la MICOPAX qui a donn lieu des changes de

    tirs et des morts et blesss parmi les Slka avant le dispersement des rebelles.

    Selon le directeur de lhpital communautaire, dans les environ de 13 heure, le 28 juin2013, la Croix-Rouge centrafricaine a amen lhpital 2 corps dans des sacs cadavres.

    Lun deux avait deux gros orices au niveau de la tte laissant penser lentre et la

    sortie dun projectile . Les chargs de mission ont pu voir les photographies prsentant les2 cadavres. Ds 15 heures, des blesss par balles sont arrivs lhpital et ce jusquau petitmatin du 29 juin. En tout, lhpital enregistrera 22 blesss, dont 11 lments de la Slka,

    10 civils et 1 colonel de la MICOPAX bless par balle la main alors quil patrouillait

    dans le quartier Gobongo. Il faut ajout ce dcompte 3 blesss de la Slka par balles

    transfrs au petit matin du 29 juin de lhpital de lamiti lhpital communautaire

    ainsi que deux cadavres (1 membre de la Slka et 1 civil) .

    La mission a pu recueillir les tmoignages de civils blesss par balles ce jour du 28 juin2013 encore en soin lhpital communautaire.M. A, 32 ans de nationalit centrafricaine. Il tait environ 16 heure au quartier Gobongoquand je mapprte prendre le bus pour me rendre au PK 12. Alors que le bus tait

    arrt, des lments Slka se trouvant derrire moi mont empch de monter. Ils taient

    dans un BJ 75 Toyota, au moins une quinzaine, fortement arms. Ils ont tir. Ils ont bless

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    4 personnes dont moi. Jai reu un projectile dans la cuisse droite. Je suis tomb. Jai t

    emmen lhpital communautaire par une ambulance .

    M. B. 21 ans. Jtais dans le bus que jai pris au PK 5 pour me rendre au PK 11.Au quartier Gobongo, des Slka ont demand au chauffeur darrter le bus et aux passa-

    gers de descendre. Jai cherch traverser la route pour partir quand on ma tir dessus.

    Jai reu une balle dans la cuisse. Jai une fracture ouverte et une importante plaie. Je

    ne sais pas qui a tir.

    Le 6 juillet, la mission de la FIDH sest dplace au quartier Gobongo pour recueillirles tmoignages de victimes des vnements du 28 juin .

    M. C a 25 ans. Il est commerant au quartier Gobongo. Bakaza Ghislain est mon ami.

    Je le connais bien car on fait des habits chez lui. Il a t enlev par la Slka dans soncole. Nous, ses amis, et sa famille, on faisait des recherches pour savoir o il se trouvait

    quand on a appris que son corps avait t retrouv lhpital communautaire. Depuis le

    march de Gobongo je me suis dirig pied vers lhpital avec 4 autres amis : le petite

    frre de Bakaza, C, M, G et A. L bas, nous avons constat sa mort. Nous avons vu son

    corps dans un sale tat avec des coupures de couteaux et des trous de projectiles. Il tait

    encore menott dans le dos. Nous sommes repartis ensuite en direction de Gobongo en

    pleurant et criant : nous allons venger sa mort. Le trajet tait long de plusieurs Km et a

    dur environ 30 minutes. Vers 14h a peu prs, arriv au march de Gobongo, nous avons

    rig des barricades sur la route laide de bancs et de cabines tlphoniques. Attire

    par les bruits, nous avons t rejoint par une grande foule dhabitants du quartier, des

    papas, des mamans, plusieurs centaines de personnes . Le tmoin afrme alors avoirvu des pick-up de la Slka arriver sur les lieux avec Dhaffane sa tte. La mission napas pu conrmer autrement sa prsence. Dhaffane est arriv avec des pick-up (Landcruiser et Patrol couleurs militaires 10-13 personnes par vhicule) de la Slka vers 15h.

    On le connat car on la vu la tlvision. Il tait en boubou et portait une arme. Il sest

    adress nous en disant : vous tes des btes, vous allez payer. A ce moment l, un jeune

    a jet une pierre qui a atteint son torse. Dhaffane a tir en lair et a donn des ordres

    ses troupes qui se sont mises tirer. La foule a fui. Je me suis cach derrire lglise dans

    une maison o se trouvaient aussi un petit frre et le propritaire. Un lment de la Slka

    est entr dans la maison et ma assn un coup de kalachnikov sur la tte. Jai t soign

    lhpital o je suis rest un jour.

    M.D, 39 ans. Titulaire dune matrise de droit, sans emploi. Je suis n Gobongo et jyhabite. Jtais chez moi quand jai entendu parler de la mort de Bakaza et du soulvement

    du march. Je suis rest chez moi car cette histoire ne me concerne pas et javais peur.

    Vers 15-16h, les hommes de la Slka ont commenc progresser vers chez moi. Jai pu

    les voir, ma maison tant 15-20 mtres de la grande route. Ils devaient tre environ une

    centaine entre la barricade et ma maison. Ils taient en habits militaires et en armes.

    Jai alors quitt la maison en y laissant ma famille pour menfoncer dans le quartier.

    Ils sont venus dans ma direction en tirant en lair. Jtais cach derrire un manguier

    quand jai vu des lments Slka sapprocher de la maison. Un Slka a tir sur la

    porte. La balle a travers la porte et jai appris plus tard quelle avait bless ma lle

    (17 ans) au niveau des lvres et lui cassant 2 dents. Jai vu le Slka entrer dans ma maison.

    Plus tard, on ma racont quil tait entr dans ma chambre et quil avait vol environ

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    FIDH Rpublique centraricaine : Un pays aux mains des criminels de guerre de la Slka / 27

    150 000 FCFA, le montant des recettes des ventes au march. Deux autres membres de la

    Slka sont entrs dans la maison. Daprs ma femme, ceux-ci auraient voulu dissuader le

    3e de piller la maison. Il est pourtant parti avec le tlviseur. Je nai pu rentrer chez moi

    qu 21h . Les chargs de mission ont pu constater de visu la blessure de la lle de M.D.

    M.E, 50 ans. Mcanicien. Pre de famille, 3 enfants. Jhabite Gobongo depuis toujours.Vers 14h, jallais voir mon beau-frre. Je me suis retrouv prs des barricades. Je me

    suis retrouv trs prs des Slka. Jai vu Dhaffane. Jai vu quand il a t atteint dune

    pierre. Il a donn le top. Et les Slka ont commenc tirer balles relles. Jai vu trois

    morts : Une femmes enceinte ; Une femme que je connaissais car elle vendait la bouillie ;

    Un enfant. Jai fait ensuite le tour du quartier pour aller chez moi Gobongo 3, ct

    de la paroisse o se trouvaient ma femme et les voisins. Nous tions 6. A 18h, 5 membres

    de la Slka sont entrs dans la maison en cassant la porte. Ils ont demand de largent :

    guinza . Ils taient habills en militaires. Je pense que ctaient des tchadiens ou dessoudanais. Ils nous ont pouss vers la chambre, puis nous ont demand de ressortir vers

    le salon. A ce moment l, jai reu un coup de crosse sur le crne . La mission a puconstater la plaie encore bante au moment du recueil de tmoignage et le sang sur leshort du tmoin. Jai perdu connaissance, puis je me suis rtabli. Jai perdu beaucoupde sang. Regardez, mon short porte encore des traces de sang.

    Une source de la MICOPAX conrme que celle-ci est intervenue par des patrouilles Gobongo et a maintenu un dispositif xe Boy-Rabe, autre lieu o sest semble-t-il droul

    le mme jour des vnements similaires lis la mort du deuxime jeune retrouv lamorgue. Les changes de tirs entre lments Slka et troupes de la MICOPAX ont tconrms. La mme source conrme quil y a eu des blesss dans le camp Slka et quil

    nest pas impossible que Dhaffane ait pu tre prsent sur les lieux.

    En provinceLa province, o lautorit de lEtat est totalement absente, nest pas pargne par les meurtreset assassinats de civils. Il est trs difcile de faire un tat des lieux exhaustif du phnomne.

    Mais daprs les observateurs aviss, aucune grande ville ne serait pargne de ces crimes etde nombreux villages seraient touchs.

    A titre dexemple, sur laxe Mbrs Kaga-Bandoro o la mission de la FIDH sest rendue,les Slka ont, le 14 avril 2013, incendi 272 maisons et tu 6 personnes dans 6 villages enreprsailles du meurtre dun lment Slka par des villageois.

    Plusieurs documents crits ont par ailleurs t prsents la mission par lvque de Bossangoaet la Ligue centrafricaine des droits de lHomme sur des vnements criminels qui se sontdrouls dans la rgion de lOuham, notamment dans et autour des localits de Bossangoaet de Bouca. Si la plupart des informations recueillies par les chargs de mission de la FIDHsont peu circonstancies, elles prsentent nanmoins lintrt de dmontrer la rcurrence desactes criminelles des Slka, le plus souvent loccasion dactes de racket ou de pillage ou enreprsailles de mouvements de rsistance de villageois qui ont voulu sopposer aux exactions

    des Slka.

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    Ainsi, par exemple, le 28 mars 2013, selon un document rdig par une autorit de la ville deBossangoa et transmis la LCDH, 2 personnes auraient t tues au quartier Lakouanga dansle 2e arrondissement de Bossangoa : M. Mbenam Dsir et M. Namdiro Sraphin.

    Le 11 avril 2013 Bossangoa a t surnomm le jeudi noir . Selon un document prsentpar lvque de Bossangoa, ce jour de march, une altercation a clat entre un peulh etun anti-balaka (sorte de milice dauto-dfense paysanne). Il sen est suivit une bagarre enbrousse entre les deux personnes. Le peulh fut tu dans le combat. Lun de ses frres est partialerter les lments de la Slka bass Bossangoa sous le commandement du Colonel Yusuf.Selon le document crit, les reprsailles se seraient traduites par :

    au village Yangana, situ 18 kilomtres de Bossangoa- Le Pasteur Simon Ganazoui a t brl dans sa maison incendie- M. Rubin Wandane, alias Algo, a t brl dans sa maison incendie

    - Une dame, en visite auprs de ses parents dans le village est morte brle dans lincendiede leur maison. Au quartier Boro Bossangoa

    - Le jeune Symphorien a t abattu Au quartier Saint Charles Lwanga Bossangoa

    - Philippe Youfeigame, aide-soignant, a t abattu- Gilbert Namgbei, alias Zoulou, a t abattu

    Le 15 avril, daprs le document de lautorit de la ville de Bossangoa, 3 jeunes enfantsauraient t tus par un coup de canon dans la caftria au march Borro, ct de lamosque centrale de Bossangoa.

    Toujours selon ce document, le 18 avril, 3 personnes auraient t tues sur laxe Ben-Zamb, Bogato. Il sagit de MM. Gbafio Simon, Nganazoui Privat et Ngaikoumon. 2 autres,MM Jean-Didier Nambogoin et Fiozooi Kipou, auraient t tues le mme jour sur le mmeaxe Bogore. Ce 18 avril, 34 maisons auraient t incendies sur cet axe.

    Un autre document prsent par lvque de Bossangoa dtaille galement des vnementssanglants qui se sont drouls le 15 mai 2013 de 4h du matin 20h dans la rgion de Bouca :

    M. Joseph Kossi est dcd vers 11h suite aux tortures dont il a t victime de la part deslments de la Slka.

    M. Paulin a succomb des balles des lments de la Slka le matin vers 8h00. Ctait unconducteur de mototaxi et scout lEglise catholique. Un jeune de lEglise des Frres a t tu par balle dans son champ par les lments de la

    Slka qui poursuivaient les gens en fuite dans la brousse. Une dame en fuite sest noye avec son bb alors quelle cherchait traverser la rivire

    dans la matine.

    La mission a aussi pu aussi obtenir des informations sur la tuerie du dimanche 19 mai 2013sur laxe Ouham-Bac par des lments Slka. Lvque de Bossangoa a tabli un documentqui prsente les statistiques suivantes, prcisant que ces chiffres ne sont pas exhaustifs.

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    Village Tus

    Hommes Femmes

    BOMISSI - 1 emme enceinte

    GBADOMA 1 -

    GAYO 2 -

    BEDORO 5 -

    BOGONE 2 1

    GBADE 6 -

    GOLA 1 -

    BOBERA 2 1

    BODORE 2 1

    TOTAL 21 4

    Un autre tableau statistique prsent la mission fait le bilan dexactions qui auraient t

    commises dans la rgion de Bouca sur laxe Mazare (jusqu 50 km de Bouca).

    Village Distance de Bouca Nombre depersonnes tues

    DAMBA KOZORO 50 Kms 1

    SONGBAFO 45 kms 3

    BOYAYANGUERE 22 Kms 1

    BAABAWANGUE 12 kms 1

    BAMBIA 8 kms 1

    Le 2 juin, sur laxe Batangafo Bouca, des lments de la Slka se sont rendus au village

    Gbigbi (situ 7 km de Bouca) o ils ont tu une femme et bless un jeune homme du nomdE K, scout de lEglise catholique. Ils lui ont bris le tibia (cf. son tmoignage ci-aprs).

    je nai jamais vu autant de violence en RCA. On reoit tous les jours des blesss par

    balle ! Le directeur de lhpital communautaire.

    Civils blesss par

    balle, lhpital

    communautaire.

    FIDH

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    Crimes sexuels

    Les statistiques rapportes par la Croix-Rouge centrafricaine prsentent 82 cas de viols recenssdans Bangui entre le 24 mars et le 30 avril 2013 dans le seul mois qui a suivi larrive destroupes Slka dans la capitale.

    Lieux Cas de viols recenss

    1er Arrondissement 5

    2e Arrondissement 3

    3e Arrondissement 17

    4e Arrondissement 6

    5e Arrondissement 16

    6e

    Arrondissement 47e Arrondissement -

    8e Arrondissement 12

    Begoua 19

    Total 82

    La FIDH sest entretenue avec le docteur Rock Mbetide lhpital de lamiti. Depuis le24 mars 2013, ce mdecin a procd des consultations pour des femmes victimes de viol.Du 24 mars au 21 avril, il a enregistr 56 cas de viol imputables aux Slka. Dautres cas deviolences sexuelles ont t enregistrs depuis lors. Hormis trois mineures (13 ans, 15 ans et17 ans), la plupart des victimes de ces viols sont des femmes adultes. Plusieurs cas de rejet

    des pouses victimes de viols ont t constats. Un cas de viol a caus la transmission du VIH.Selon le praticien, ces violences sexuelles seraient aussi courantes dans toutes les provincesde la RCA du fait des Slka. Le mdecin a mis le souhait que la communaut internationaleapporte un appui consquent pour la prise en charge des femmes victimes de violences sexuellessur tout le territoire de la RCA travers louverture de plusieurs centres daccueil quips delaboratoires danalyses mdicales, les dons en mdicaments et le suivi psychologique.

    Le cas de Mme F a t rapport par crit la Ligue centrafricaine des droits de lHomme commesuit : Le 14 mai 2013, (...) je me suis leve tt le matin vers 3h pour amener mon enfantmalade dun an et huit mois au centre de sant Emergency situ face au palais de lAssemble

    nationale ; le vhicule taxi ma dpos sur la place Omar Bongo. Je marchais, quand arriveau niveau du cinquantenaire, je suis tombe sur 3 lments de la Slka. Ils mont arrt

    et interpell. Je leur ai dit que mon enfant tait malade et que je lemmenai Emergency.

    Ils mo nt demand de leur don ner de la rgen t ou mon appareil tl ph oni que por table ;

    je leur ai rpondu que je navais pas dargent, seulement une modique somme de 200 FCFA,

    reliquat des frais de transport. Ils ont pris largent puis mont matris par la force en me

    faisant tomber. Un lment a pris lenfant qui pleurait pour lloigner. Les deux autres mont

    dvtu, me laissant nue pour avoir un cot violent avec moi, tour tour. Le troisime est revenu

    avec lenfant la laissant entre mes bras. En me relevant, un autre ma donn un coup avec la

    crosse de son fusil au niveau de mon genou gauche. Il faut que les auteurs de lexaction dont

    jai t victime soient poursuivis par la justice et punis conformment la loi ; Ci-jointes les

    pices mdicales et la photo attestant les consquences nfastes ressenties par mon corps .

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    FIDH Rpublique centraricaine : Un pays aux mains des criminels de guerre de la Slka / 31

    En associant les rares statistiques sur les cas de violences sexuelles rapports depuis le coupdEtat, le fait que de nombreux villages soient loigns de centres de sant xes ou mobiles,

    ainsi que lexistence dun tabou social fort sagissant du viol, qui dissuade nombre de victimes

    den parler ou de se faire soigner, il est raisonnablement permis de penser que que ce phno-mne est dune grande ampleur, que ne retent donc pas les chiffres tablis. Dj, lors desconits prcdents, notamment en 2002/2003, les viols et autres crimes sexuels avaient tgnraliss et systmatiques, constituant ainsi les principales charges retenues par la Courpnale internationale.

    Enlvements, dtentions, mauvais traitements et tortures

    Les enlvements par des Slka sont monnaie courante Bangui depuis le coup dEtat et smentla panique au sein de la population. Les personnes sont vises pour leur prtendue possession

    dargent, leur statut (par exemple des ex-FACA) ou pour des actes considrs comme contraireaux intrts des Slka. Certains de ces enlvements se terminent par des excutions. Dautresse nissent par une libration aprs un ou plusieurs jours de dtention au secret et parfois des

    actes de torture ou de mauvais traitements.

    La mission a recueilli le tmoignage dune mre dont le ls a t arrt et enlev par deslments Slka. Celui-ci g de 21 ans na pas souhait sexprimer sur son cas. Les faitssont les suivants : Le 28 mars 2013, 4 jours aprs lentre des rebelles dans Bangui et la prisedu pouvoir, le jeune X sest rendu dans un cyber-caf dans le quartier Benz-vi pour surfersur internet. En sortant du caf, des lments de la Slka lont arrt pour lui extorquer delargent. Afrmant ne pas dtenir de FCFA, ils lont ligot et jet larrire de leur pick-up.

    Aprs plusieurs heures de tour dans la ville, il fut emmen le soir dans un lieu de dtention quipourrait tre, selon la mre de lenfant, le sige de la Section de recherches et dinvestigations(SERI). Enferm seul dans une cellule, des lments Slka auraient menac de lui introduireun piment dans lanus. Il fut relch le lendemain matin.

    M. AA a galement fait part aux chargs de mission dun enlvement dont il fut le tmoin :le 4 juillet 2013, un petit a t surpris devant lhpital communautaire par des lmentsSlka en train de photocopier un tract appelant une journe ville morte pour dnoncer lesexactions commises par ces derniers. Les lments Slka ont captur le petit et sont ensuitealls prendre le surveillant gnral de lhpital communautaire accus davoir donn loriginal

    du tract au garon. Alert et craignant que les vnements ne prennent une mauvaise tournure,M. AA a demand aux lments Slka daccompagner le surveillant et le petit . Ils ont temmens au camp de Roux. L, ils se sont retrouvs face une vingtaine dhommes en armesleur demandant de sasseoir mme le sol. M. AA a refus de se plier cet ordre malgr lespointes des armes diriges dans sa direction. Finalement, ils seront mens dans une salle oau terme dune discussion, le petit aurait nalement indiqu que le tract lui avait t donn

    par la secrtaire du surveillant (celle-ci ntant plus apparue lhpital de peur dtre enlevepar la Slka). Au 6 juillet, le surveillant gnral et le petit se trouvaient toujours au camp deRoux. Ils auraient t entendus par le procureur de la rpublique dans la nuit du 4 au 5 juillet.

    Le 5 juillet 2013, durant la mission de la FIDH, un journaliste amricain, a t le tmoin

    oculaire de lenlvement de deux hommes : Auguste, 35 ans, garagiste qui habite au quartierMiskine ; Raymond Moussa, entre 35 et 38 ans, chauffeur. Les deux hommes ont t ligotset allongs larrire dun pick-up de la Slka. Daprs les informations recueillies auprs

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    de la population sur le lieu de lenlvement, ils auraient t pris car ils taient en train delire un tract appelant une journe ville morte pour dnoncer les exactions commises par leslments de la Slka. Daprs les parents de ces deux personnes, ils auraient t emmens

    au camp de Roux.

    Les enlvements et actes de torture et de mauvais traitements existent aussi en province.Un document prsent par lvque de Bossangoa fa