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FRONT POPULAIRE IVOIRIEN RAPPORT N°2-2017 SUR LES PRISONNIERS POLITIQUES LE REGIME DU RATTRAPAGE EN CÔTE D’IVOIRE ET LA BANALISATION DE LA PRISON POLITIQUE MOUROIR SECRETARIAT NATIONAL CHARGE DE L’ADMINISTRATION PENITENTIAIRE ET DES PRISONNIERS POLITIQUES 01/12/2017

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FRONT POPULAIRE IVOIRIEN

RAPPORT N°2-2017 SURLES PRISONNIERS

POLITIQUESLE REGIME DU RATTRAPAGE EN CÔTE

D’IVOIRE ET LA BANALISATION DE LA PRISONPOLITIQUE MOUROIR

SECRETARIAT NATIONAL CHARGE DE L’ADMINISTRATION PENITENTIAIRE ET DES PRISONNIERSPOLITIQUES01/12/2017

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LE REGIME DU RATTRAPAGE EN CÔTED’IVOIRE ET LA BANALISATION DE LA

PRISON POLITIQUE MOUROIR

SOMMAIRE

Introduction 31. Nombre de prisonniers reconnus 32. Conditions de vie et environnement des prisonniers 43. Nombre de cas de décès 64. Nombre de cas de maladie 75. Les pathologies constatées 76. Nombre de prisonniers jugés et non-jugés 87. Cas de tortures 98. Répartition selon la qualité de militaire ou de civil 129. Tableau général 13

Conclusion 14

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IntroductionLa guerre postélectorale vécue péniblement par les Ivoiriens en 2011 a

profondément affecté le Front Populaire Ivoirien (FPI). Après l’arrestation et ladéportation du Président Laurent Gbagbo en Europe, le nouveau régime dit durattrapage a fait subir aux militants et sympathisants survivants du Parti ainsiqu’à tous ceux qui se réclamaient du FPI de graves injustices : brimades,tortures, arrestations, gels des avoirs, confiscations de biens (meubles etimmeubles), exils et emprisonnements.

Après le Congrès de Mama tenu le 30 avril 2015 et l’élection d’unnouveau Président du Parti en la personne de S.E. Laurent Gbagbo, leSecrétariat National chargé de l’Administration Pénitentiaire et des PrisonniersPolitiques a continué à produire des documents publics destinés à éclairerl’opinion nationale et internationale sur la situation des prisonniers politiquesen Côte d’Ivoire.

Le présent rapport est le deuxième de l’année 2017. Il vient après lepremier daté de janvier 2017 et les trois « lettres aux Ivoiriens » publiées encours d’année.

1. Nombre de prisonniers reconnus : Au moment de la rédaction de ce document (1ier décembre 2017), le

nombre de prisonniers politiques reconnus (c’est-à-dire bénéficiant d’unmandat de dépôt et régulièrement enfermés dans une maison d’arrêt officielle)est de 197 individus.

On notera une lente décroissance du nombre de détenus politiques enCôte d’Ivoire depuis 2015, puisque l’on est passé de 381 détenus en septembre2015 à 197 au 1ier décembre 2017 ; soit une baisse de 51,71% de ce nombre.

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2. Conditions de vie et environnement desprisonniers :

2.1. Le droit à la sécurité

La prison est en soi un lieu de privation et de limitation des libertés. Lesprisonniers n’en demeurent pas moins détenteurs de droits. L'autoritéadministrative pénitentiaire doit œuvrer contre les mauvais traitements, lesagressions et les tortures que pourraient subir les détenus. Or, force est deconstater que tel n’est pas toujours le cas en Côte d’Ivoire. Notamment en cequi concerne les détenus politiques.

On peut rappeler le cas de Simon Pierre EHIVET, ex-détenu et frère cadetde la première dame Simone Gbagbo. Le 12 janvier 2015 à la MACA, setrouvant encore dans les liens de la détention, il avait été violemment pris àpartie par le célèbre détenu aujourd’hui décédé ’’Yacou le Chinois’’1, ce dernierlui reprochant de ne l’avoir pas salué avec respect (en se levant). Souffrant denombreuses contusions, Monsieur EHIVET Simon-Pierre avait heureusementété ensuite conduit par ses condisciples à l’Infirmerie de la MACA. MonsieurSimon-Pierre Ehivet est par ailleurs mal voyant et souffre d’une pathologiechronique et handicapante.

2.2. Le droit à la santé

Le droit à la santé est encore très mal appliqué dans les prisonsivoiriennes.

Faute de disposer d’un nombre suffisant de médecins et de spécialistesintervenant directement en milieu carcéral (médecin généraliste,ophtalmologue, dentiste, psychologue, psychiatre, rhumatologue etc.), lesprisons ivoiriennes contraignent de nombreux détenus à survivre de longuesannées durant avec leur mal, sans véritables soins. L’infirmerie de la prison en

1 Un ancien FRCI.

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général, si elle existe, contient peu de médicaments disponibles, et gratuits. Orplus que les autres, les détenus politiques éprouvent toutes les difficultés àavoir accès aux soins lorsque cela s’avère nécessaire, notamment s’il estimpérieux que soit appelé un médecin de l’hôpital général de la commune, ouque soit organisé leur transfèrement en un établissement sanitaire extérieur àla prison. Ces difficultés sont telles que parfois le prisonnier décède.

On peut exciper du cas suivant : Monsieur Kouya Gnepa Eric, détenud’opinion et militant de l’UNG (Union des Nouvelles Générations), est décédé le04 décembre 2015 à 7H 30 environ à la MACA (Maison d’Arrêt et de Correctiond’Abidjan) faute de soins appropriés des suites de tortures. Il souffrait de diverstroubles liés directement à ses conditions d’arrestation et de détention : fièvre,infection, malnutrition, troubles cardiaques et neurologiques, ulcère gastrique.

On peut également revenir sur le cas de Monsieur le Ministre DanonDjedje. A l’article de la mort suite à une crise cardiaque, le Ministre DanonDjedje, détenu alors à la prison de Toumodi, à dû la vie à son transfèrementrapide à l’Institut de Cardiologie d’Abidjan. Suite à cette évacuation sanitaire,les trois agents d’encadrement pénitentiaire en poste cette nuit-là ont étésanctionnés par leur hiérarchie pour ‘’faute lourde’’, inculpés, et mis aux arrêtsà la MACA sous le Mandat de dépôt n° 16.10.2015. Il s’agit des fonctionnairesKOMBO Kouassi Pierre, OUATTARA Ali et MONPOTCHAIN Aristide.

2.3. Le droit à la cantine

La cantine est un droit pour tous les prisonniers qui doivent se nourrircorrectement, aux frais de l’Etat, durant leur séjour en maison d’arrêt.Cependant, l’Etat ivoirien ne dispose pas, semble-t-il, des ressources suffisantespour garantir pleinement ce droit. Or il existe un lien évident entremalnutrition et santé physique. La prison devient donc, peu à peu, non unendroit œuvrant à la réhabilitation, mais plutôt un ‘’mouroir’’.

Les nombreux cas de Béribéri enregistrés chez les détenus et les ex-prisonniers politiques sont directement provoqués par la famine et le manquede nourriture équilibrée.

Les grèves entamées par les prisonniers politiques en 2014, surl’ensemble du territoire, grèves liées à l’insuffisance de nourriture équilibrée

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ainsi qu’aux soins médicaux appropriés, n’ont pas entraîné d’amélioration decette situation.

3. Nombre de cas de décès : A ce jour, soit six années après l’ascension au pouvoir du régime du

rattrapage, l’on enregistre sept (7) cas de décès en prison et six (6) en dehors.On obtient donc un total de 13 prisonniers politiques décédés, soit en moyennedeux (2) par an.

La mauvaise alimentation, l’absence de prise en charge sanitaire desprisonniers politiques par les Autorités ivoiriennes, alourdies par les difficultésadministratives liées au transfèrement à l’hôpital en cas de non-solvabilité desmembres de la famille du détenu, expliquent ces décès.

En dehors d’un cas de blessure mortelle par balles, tous les prisonnierspolitiques ont connu le trépas suite à des pathologies aiguës et chroniquescontractées ou aggravées du fait de l’emprisonnement.

C’est parfois à l’article de la mort que certains sont libérés. La mort peutalors survenir entre deux semaines et quatre mois après la libération.

Les tableaux qui suivent présentent la liste des treize (13) prisonniersdéfunts, selon qu’ils étaient en prison (Tableau 1) ou en dehors (Tableau 2).

3.1. Liste des sept (7) prisonniers politiques décédés en prison :

Tableau 1 : Prisonniers politiques décédés en prison

N° IDENTITE DATE MD DATE DECES CAUSE CONNUE DUDECES

1 Monsieur Koffi N'Dri Boniface 2011 23. 07. 13 Blessures par ballesaprès une mutinerie

2 Monsieur Pekoula Joel 22. 05. 13 10. 10. 13 Dysenterie3 Monsieur Assemian Martin 15. 10. 12 14. 11. 14 Infection membres

inférieurs

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4 Monsieur Kouya Gnepa Eric 14. 04. 15 04. 12. 15 Maladie5 Monsieur Djekouri Aimé 09. 10. 11 17. 06. 16 Hypertension (HTA)6 Monsieur Kouatchi Assié Jean 26. 03. 12 20. 05. 17 Maladie7 Monsieur Tode Bonfils 08. 05. 12 29. 06. 17 Maladie

Source : Données d’enquête

3.2. Liste des six (6) prisonniers politiques décédés peu après leur sortiede prison :

Tableau 2 : Prisonniers politiques décédés hors de la prison

N° IDENTITE DATE MD DATEDECES

DATE DELIBERATION

CAUSE CONNUEDU DECES

1 Monsieur Sery Joseph 22. 08. 11 11. 06.17 Avril 2017 Maladie2 Monsieur Dodo Eliazar Sery Zoko 11. 01. 12 31. 03.16 20. 03 15 Maladie 3 Monsieur Kaphet Gnako Aimé 04.09.12 02.10.16 24.12.15 Maladie4 Monsieur Djiho Jean 08. 01. 14 Jun 2016 18.05.16 Maladie3 Monsieur N’Guessan N’Guessan

Victorien 01. 03. 13 26.12.15 26. 04.16 Insuffisance

rénale6 Monsieur Mahan Gahe Basile 2011 Sept. 2013 05.08.2013 Maladie

Source : Données d’enquête

4. Nombre de cas de maladie :

Nous dénombrons à ce jour quarante-quatre (44) cas de personnesatteintes de pathologies diverses. Ce nombre n’est pas exhaustif. La nécessaireprise en compte du secret médical ne permet pas d’indiquer ici leur listenominative.

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5. Les pathologies constatées :

Les maladies graves diagnostiquées dont souffrent à ce jour lesprisonniers politiques et dont la prise en charge relève en principe de l’Etatsont les suivantes :

Tableau 3 : Pathologies graves

NUMERO TYPE DE PATHOLOGIE1 Hypertension artérielle2 Problèmes oculaires3 Asthme4 Rhumatisme5 Cicatrisation chéloïdienne6 Hernie7 Diabète 8 Goutte9 Colopathie

10 Douleur post trauma thorax11 Traumatisme du crâne et des côtes12 Tuméfaction de l’orteil

A celles-là il faut ajouter d’autres troubles tels que :

La rétinopathie diabétique,

l’adénome hypophysaire,

la sinusite,

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l’hydrocèle,

le lipome sous-scapulaire ,

l’hernie inguino-scrotale

et la gastrite.

6. Nombre de prisonniers jugés et nonjugés:

Le nombre de prisonniers détenus jugés et condamnés sur les 197actuellement en détention est exactement de 88 personnes.

Ce chiffre équivaut à 45 % de l’effectif.

Le nombre de prisonniers détenus non jugés (prévenus) sur les 197actuellement en détention est exactement de 109 personnes.

Ce chiffre correspond à 55 % de l’effectif.

Il y a donc une surreprésentation des prisonniers non jugés parmi lesprisonniers politiques.

Le tableau qui suit résume cette répartition qui exprime d’une part lasurreprésentation des inculpés parmi les détenus politiques et de l’autre etsubséquemment, le non-respect par l’Etat ivoirien, maintes fois dénoncé, de laprescription pourtant mentionnée dans la législation interne, d’un délairaisonnable pour le jugement.

Tableau 3 : Répartition des prisonniers politiques par statut judiciaire

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STATUTJUDICIAIRE

EFFECTIF POURCENTAGE

Condamnés 88 45 %

Inculpés 109 55 %

TOTAL 197 100 %

Source : Données d’enquête

7. Cas de torture: Les cas de torture sont peu documentés. Dans les Rapports précédents

traitant des prisonniers politiques, certains cas de torture physique ontcependant pu être recensés auprès des intéressés ou de membres de leurentourage immédiat. Il ressort des témoignages recueillis les points spécifiquessuivants :

Auteur : Agents de la DST et/ou de camps militaires Moment : Période de l’arrestation et de la détention /

interrogation Cible : Civils et militaires Lieu : En dehors de la maison de détention. Suite judiciaire : Les auteurs présumés n’auraient jamais fait l’objet

de poursuite judiciaire.

Le fait d’arrêter une personne avec une violence disproportionnée allantjusqu’à tirer à la kalachnikov dans son domicile ou à violenter les femmesprésentes, de suspendre un prisonnier par les mains et les pieds et de luiadministrer des coups de bâton sur les membres inférieurs, de le battre avec

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des bois ou des lanières, de le mutiler, de le brûler… pour lui arracher desaveux constituent des actes de torture physique.

Trois exemples de témoignage peuvent illustrer ces pratiques supposées.

Témoignage numéro 1 :

« DAMOUE ASSANE ne parlait que des tortures qu’il avait subies lors deson arrestation… En 2015 il a commencé à faire de la démence.Finalement on l’a envoyé à Bingerville [Hôpital Psychiatrique deBingerville]. Non seulement il ne sait pas bien parler mais il estfranchement devenu un peu bizarre ».

Témoignage en septembre 2016 d’un codétenu de DAMOUEASSANE interné à l’hôpital psychiatrique de Bingerville.

Témoignage numéro 2 :

« Ils sont arrivés chez nous, et ont demandé après ma femme, vendeuseau marché. Je leur ai demandé qui ils étaient ; Ils m’ont dit qu’ils sont lesrenseignements généraux. Je leur ai dit de me présenter un papier pour leprouver et dire où ils l’emmènent. Leur chef a dit qu’ils n’ont pas que ça àfaire. Il m’a giflé, m’a battu quand je suis tombé. Puis ils s’en sont pris àma belle sœur qui était là. La pauvre, elle ne fait que pleurer depuis… Ilsont tiré dans le plafond, ont pris ma femme qui sortait de la chambrel’ont copieusement battue en disant qu’il y a longtemps qu’ils lacherchaient et l’on trainée dehors comme un sac. Elle était presque nuequand ils l’ont emportée. »

Témoignage de Monsieur Gabriel MEHO, époux de MmeAntoinette MEHO, enlevée le 10/08/16 vers 16 heures par la DST.

Témoignage numéro 3 :

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« Les jeunes dansaient au village. Il était allé se soulager dans labrousse. Ils l’ont arrêté sous prétexte que c’est un couvre-feu. … Uncouvre-feu qu’eux-mêmes ont décrété sans avertir personne et sansinstruction du Préfet ? Les FRCI l’ont torturé dans leur camp et lui ontcoupé trois orteils. Mais il a été mis à la MACA après être passé à la DSTpour ‘’attentat à la sûreté de l’Etat’’. Il pleurait, il pleurait, il était malade,son pied s’est infecté mais personne n’a pu le soigner vraiment…. Et il estmort à la MACA le 05 au matin. Ils ont refusé de nous donner le corps,parce que c’est politique. Or leur morgue ne fonctionne pas bien. …Quand son corps était décomposé, ils nous ont dit on va l’enterrerrapidement derrière et puis c’est bon. Voilà comment un enfant innocenta été enterré comme un chien et que le village fait des funérailles sanscorps. »

Témoignage d’un oncle de Monsieur KOUYA Gnepa Eric, décédé le04 décembre 2015 à la MACA.

Il importe toutefois de mentionner que cette présentation est corrélée àune définition stricte de la torture, laquelle en droit international coutumierimplique un ensemble d’actions infligées ‘’intentionnellement’’ et entrainantchez la victime ‘’une douleur ou souffrance aiguës, physique ou mentale’’.

Si on s’attachait à la définition plus large émanant de la Conventioninteraméricaine pour la prévention et la répression de la torture, on incluraitalors dans le champ de la torture tous les cas d'applications aux pro-Gbagbo de‘’méthodes visant à annuler la personnalité de la victime ou à diminuer sacapacité physique ou mentale, même si ces méthodes et procédés ne causentaucune douleur physique ou angoisse psychique’’. Et dans ce cas, les procèsiniques et les conditions même d’incarcération pourraient être assimilés à de latorture puisqu’ils aboutissent, à terme, à la diminution des capacités mentaleset physiques des prisonniers politiques, à l’apparition de pathologies, àl’aggravation de pathologies préexistantes, à la chronicisation de certaines etparfois au décès du patient.

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Il s’agit notamment :

Du surpeuplement voulu et organisé : Prison de Korhogo ; Du confinement continu et du manque d’exercice : Prison de

Korhogo ; Des insuffisances graves et préoccupantes en matière d’hygiène,

de soins, de cantine et de sécurité ; Du refus par les autorités que le détenu reçoive certaines visites de

membres de sa famille ; De la détention préventive prolongée au-delà de tout délai

raisonnable : cas valable pour plus de la moitié des prisonnierspolitiques ;

Du blocage des comptes de détenus plongeant alors leur familledans le dénuement le plus total afin de les amener à ‘’faireallégeance’’ et à ‘’collaborer’’ ; cas de l’essentiel des prisonnierspolitiques ;

De l’organisation de procès iniques permettant à la ‘’justice desvainqueurs’’ d’assouvir des vengeances personnelles, detraumatiser et de démoraliser les populations et de servir d’outil àla propagande politique et tribale du régime.

8. Répartition des prisonniers politiquesselon la qualité de civil ou de militaire :

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A ce jour, les prisonniers politiques ivoiriens en Côte d’Ivoire (et auLibéria) se répartissent de la manière suivante : 49 militaires, marins, policierset pompiers (soit 25 % de l’effectif) et 148 civils (soit 75 % de l’effectif).

Le tableau qui suit présente cette répartition.

Tableau 4 : Répartition des prisonniers politiques selon leur qualité de civil et demilitaire

Qualité de civilou de militaire

EFFECTIF POURCENTAGE

Militaires 49 25 %

Civils 148 75 %

TOTAL 198 100 %

Source : Données d’enquête

9. Tableau général

Tableau 5 : Répartition des prisonniers politiques en fonction des lieux dedétention : novembre 2017

LIEUX DE DETENTION CIVIL MILITAIRE TOTAL1 MACA 128 36 1642 CAMP PENAL DE BOUAKE 3 0 33 ABENGOUROU 0 2 24 LIBERIA 7 0 75 DIMBOKRO 3 0 36 KATIOLA 1 0 17 MAMA 0 4 48 MAN 1 2 39 BOUNDIALI 2 1 310 BOUNA 1 0 1

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11 ECOLE DE GENDARMERIE 1 2 312 TOUMODI 1 1 213 HOPITAL PSYCHIATRIQUE DE

BINGERVILLE

0 1 1

TOTAL 148 49 197

Conclusion La situation d’emprisonnement que vivent les détenus d’opinion est

inacceptable du point de vue des droits humains et appelle plus largement àune solution durable et définitive dans le sens de l'apaisement et de laréconciliation en Côte d’Ivoire. Surtout, elle montre la nécessité qu’il y a àaméliorer la gouvernance en Côte d’Ivoire afin d’en garantir pleinement laprospérité et la stabilité.

Il est vrai que le régime ivoirien, dit du rattrapage, est porteur d’uneidéologie réactionnaire et conservatrice fondée sur la terreur. Des prisonnierscomme Assoa Adou, Simone Gbagbo, Lida Kouassi Moïse et Samba Davidillustrent jusqu’à quelle extrémité peut aller ce dernier. Les décès survenusdans ses prisons-mouroirs et en dehors de la détention lui sont imputables.

Il nous appartient cependant d’œuvrer sans relâche à leur libération. Etde mener le combat destiné à offrir aux Ivoiriens d’une part, aux Africains del’autre, un type de République fondé sur un système politique démocratiquepermettant l’épanouissement de citoyens libres.

Entendu que les condamnations politiques doivent être levées par desdécisions politiques contraires et que les délais de détention préventive sontinutilement longs, nous prescrivons une loi d'amnistie générale afin de pouvoirencore sauver ce qui reste de cohésion sociale en Côte d’Ivoire. Car faut-il lerépéter, les prisonniers politiques et leurs familles politiques et biologiquessont disposés ensemble, à tendre la main au régime du rattrapage en Côted’Ivoire dans le but de construire pour tous un pays de fraternité, de justice etde concorde.

POUR LE FPI

LE SECRETARIAT NATIONAL CHARGE DE L’ADMINISTRATION PENITENTIAIRE ET DES PRISONNIERS POLITIQUES

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