RAPPORT D’ENQUETE SUR LE SYSTEME CARCERAL HAITIEN Décembre 2017
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INSTITUT MOBILE D'EDUCATION DÉMOCRATIQUE
IMED
3, Impasse Damas Delmas 19 Port-au-Prince, Haiti. Tél. /Fax : (509) 454-0332 / 3784-7966 Email : [email protected]
RAPPORT D’ENQUETE
SUR LE SYSTEME CARCERAL HAITIEN
Décembre 2017
IMED: Rapport sur le Système Carcéral Haïtien 13/12/2017 Page 2/ 54
3, Impasse Damas Delmas 19, Haïti. Tel : (509)3454-0332/ 3784-7966 Email : [email protected]. Site Web : www.imedhaiti.org
Avertissement
Le Rapport sur le Système Carcéral Haïtien a été réalisé par l’Institut Mobile d’Education
Démocratique (IMED) suite à des enquêtes menées de novembre 2016 à Octobre 2017. Il
concerne la situation de détention sur le territoire haïtien pour la période précitée mais tient
aussi compte de certains événements antérieurs. Il est le fruit d’une longue période
d’observations et d’entrevues réalisées de façon impartiale.
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Liste des Acronymes
BPM - Brigade pour la Protection des Mineurs
CERMICOL - Centre de Réhabilitation des Mineurs en Conflit avec la Loi
CSPJ - Conseil Supérieur du Pouvoir Judiciaire
DAP - Direction de l’Administration Pénitentiaire
HCDH - Haut-commissariat aux Droits de l’Homme
IBESR - Institut du Bien-être Social et des Recherches
IGPNH - Inspection Générale de la Police Nationale d’Haïti
MCFDF - Ministère à la Condition Féminine et aux Droits des Femmes
MINUSTAH - Mission des Nations Unies pour la Stabilisation en Haïti
OPC - Office de la Protection du Citoyen
PNH - Police Nationale d’Haïti
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Plan de travail
Avant-propos
1- Introduction
a) Mise en Contexte
b) Méthodologie
c) Objectifs.
2- Système carcéral haïtien
1ère partie - Système pénitentiaire
a) Régime de détention
b) Structure - organisation
c) Traitement des détenus.
2ème partie Système judiciaire
a) Fonctionnement et organisation
b) Faiblesse du système judiciaire
c) Failles législatives et Dysfonctionnement.
3- Les incidents en milieu carcéral
a) Émeutes
b) Maltraitance
c) Évasion (réf. enquête)
d) Décès.
4- Réactions
a) l’État
b) La société civile.
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Avant-propos
Ce rapport est né d’une volonté de dresser un bilan susceptible d’aider les dirigeants à
mieux appréhender la problématique du système carcéral. Une telle initiative se veut d’être un
outil de référence, qui puisse aider à la mise en place d’un plan d’action visant à effectuer des
réformes judiciaires.
Dans un régime démocratique, les décisions affectant les Droits de l’Homme doivent
être prioritaires. Le système judiciaire étant l’un des piliers fondamentaux d’un Etat de Droit, il
est nécessaire pour l’Etat haïtien d’adopter des réformes en profondeur. Cela implique une
volonté politique manifeste de la part des trois (3) pouvoirs si nous voulons réellement établir
un régime démocratique basé sur une justice forte. Il faut tout aussi bien que la société civile,
particulièrement les organisations de Droits Humains arrivent à jouer leurs rôles de groupe de
pression dans le cadre d’une vigilance citoyenne tout en gardant à l’esprit que la politique
publique est l’apanage de l’Etat.
‘’Rome brule! Et nous ne pouvons pas continuer à regarder ailleurs’’. Notre système
carcéral est en lambeaux. De la détention illégale à la maltraitance, tout concourt à fouler au
pied les principes de base de la Déclaration Universelle des Droits de l’Homme. Il y a péril en la
demeure, c’est pourquoi ce rapport est fils de cette situation calamiteuse. Sans vouloir tomber
dans le catastrophisme, l’Institut Mobile d’Education Démocratique (IMED), en tant
qu’organisation de Droits Humains croit qu’il est impératif de sonner la sonnette d’alarme. Aux
autres acteurs de jouer leur partition, ce pour le respect de la dignité humaine des détenus.
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Présentation
Fondé en avril 1986 par un groupe d’intellectuels progressistes, intéressés à
l’émergence de la démocratie en Haïti, l’Institut Mobile d’Éducation Démocratique (IMED) a eu
initialement pour objectif prioritaire la promotion des principes et des valeurs de la démocratie
à travers le pays. Au cours de son cheminement, l’IMED sous la poussée des circonstances, a dû
s’adonner à deux autres volets d’activités, intimement liés à la démocratie: les droits de la
personne et l’assistance humanitaire. Et depuis, l’Institut Mobile d’Éducation Démocratique
(IMED) s’est évertué à multiplier des programmes d’éducation civique à travers le pays de façon
à imprégner une culture démocratique à la population haïtienne, toute génération et catégorie
sociale confondue. En outre, l’IMED a jugé nécessaire d’élargir son champ d’action face à des
dérives d’une transition démocratique qui peine à se manifester dans toute sa plénitude. Ainsi,
s’est-il lancé dans la Défense des Droits Humains de première et de deuxième génération.
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Introduction
La liberté est un droit fondamental. Et tant que les actions d’un individu sont
concordantes aux lois prescrites, ce principe de base suprême doit être respecté peu importe sa
nationalité, son statut social, son niveau intellectuel, son genre, ou son identité. D’où l’idée que
la privation de liberté soit l’une des formes de sanction utilisée par les groupes sociaux pour
punir les acteurs qui pourraient être à l’origine de crimes ou de délits. Cette privation de liberté
a connu plusieurs formes dans le temps. Auparavant la prison ne servait qu'à retenir les
prisonniers dans l'attente d'une véritable peine (supplice, exécution ou bannissement). À l’ère
contemporaine, les personnes placées sous main de justice sont à la charge d’une
administration pénitentiaire. Les missions de celle-ci ont donc évolué. La prison, lieu de
sanction punitive, se doit être aussi bien un lieu de rééducation pour les détenus de manière à
faciliter leur réinsertion sociale. D’où l’importance des règles de bonnes gestions pénitentiaires.
Se référant à ces dernières, il importe de mentionner des conventions et textes
internationaux tels que :
1) Le Pacte International Relatif aux Droits Civils et Politiques qui affirme que "Toute
personne privée de sa liberté est traitée avec humanité et avec le respect de la
dignité inhérente à la personne humaine";
2) Les principes pour la protection des personnes soumises à la détention ou
l’emprisonnement adoptés par l’Assemblée Générale des Nations Unies en 1988 qui
énoncent un ensemble de règles sur le traitement des détenus et des
prisonniers applicables à tous les États.
3) Les Principes et lignes directrices sur l’accès à l’assistance juridique dans le système
de justice pénale (Principes sur l’assistance juridique), adoptés par l’Assemblée
Générale des Nations Unies en décembre 2012 (annexés à la Résolution 67/187),
(définissent les éléments nécessaires d’un système national efficace et durable
d’assistance juridique destiné aux suspects, aux détenus et aux personnes inculpées
ou reconnues coupables d’infractions pénales, ainsi qu’aux victimes d’infraction et
aux témoins pendant les procédures judiciaires).
4) L’Ensemble de règles minima pour le traitement des détenus, adopté en 1955 par le
Congrès des Nations Unies pour la prévention du crime et le traitement des
délinquants et approuvé par le Conseil Économique et Social en 1957, qui constitue
« l’ensemble de normes minima universellement reconnu en matière de détention
des prisonniers».
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Haïti, le premier pays noir à s’être érigé contre la déshumanisation par sa lutte anti-
esclavagiste, est aujourd’hui relégué au rang des pays où l’illégalité et l’injustice battent leur
plein. Et parmi les indicateurs de l’affaissement de son système judiciaire, la détention
préventive prolongée et les conditions infrahumaines des prisons sont les plus évidentes. Ce
pays ne respecte aucunement les normes internationales relatives à l’incarcération. Or, aux
termes de la Convention de Vienne sur le droit des traités (article 53), elles sont considérés
impératives dans le droit international, c’est-à-dire « des normes acceptées et reconnues par la
communauté internationale des États dans son ensemble.
Considérée en Haïti comme la pire réponse pénale, l’incarcération est une peine muée
en fléau dans l’arsenal répressif haïtien, notamment, « la Prison Civile de Port- au- Prince
(PCPAP), connue pour être l’un des lieux d’enfermement les plus acerbes du monde ». Ce cas de
figure n’est en fait qu’un échantillon des multiples façons dont Haïti appréhende la question
des Droits de l’homme. Or, sachant que Droits de l’Homme et démocratie sont indissociables, la
meilleure approche qui soit, reste l’analyse de la discrimination systématique et du traitement
inhumain que l’on inflige aux détenus incarcérés de part et d’autre sur le territoire.
En effet, quoique lié par sa législation nationale et ses obligations conventionnelles
internationales pour assurer la promotion et la protection des Droits de l’Homme, la question
des conditions carcérales demeure l’un des sujets le plus embarrassant pour ce pays qui, le
premier, s’est mis debout pour la concrétisation des idées de Liberté, d’Égalité et de Fraternité.
Car, si l’emprisonnement est sans conteste l’un des moyens d’assurer la sécurité d’une
population par la persuasion (crainte d’y être) et coercition punitive, il n’en demeure pas moins
que ceux qui sont incarcérés ont, eux-mêmes, droit à la sécurité sanitaire, alimentaire et
surtout juridique. C’est au regard de ce principe que l’Institut Mobile d’Éducation Démocratique
(IMED) s’est penché sur la situation carcérale afin de dénoncer les abus, les violations des droits
des détenus et la corruption.
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Méthodologie
Les informations contenues dans ce rapport proviennent de sources directes et
indirectes. Il est une combinaison des supports de restitution de septembre 2016 à octobre
2017 dans plusieurs centres carcéraux. Mais il s’attarde précisément sur les cas des prisons
civiles de Port-au-Prince, de Petit-Gôave et de Cabaret. Sa méthodologie se décline comme suit.
Activité 1: Cadrage
a) Délimitation du périmètre de l’enquête
b) Fixation des objectifs
c) Élaboration de questionnaires.
Cette première démarche consistait à définir précisément les objectifs visés par cette
enquête, à cerner le rôle des différents acteurs afin d’en assurer son efficacité par la
représentativité des échantillons sélectionnés mais surtout les périodes mentionnées.
Activité 2: Observation
Plusieurs séances d’observations ont été réalisées pour mener l’enquête dont la
temporalité est organisée en fonction d’une grille d’observation à la fois directe et indirecte,
mais toujours à découvert.
Activité 3: Cueillette des données
Des enquêteurs de l’IMED se sont entretenus avec différents acteurs responsables à
plusieurs niveaux de la chaine pénitentiaire, mais aussi, des observateurs, des criminologues,
des experts internationaux. Des ouvrages, rapports et autres documents ont été mis à la
disposition de l’organisation.
Activité 4: Analyse et interprétation
Les résultats de l’investigation ont été liés à la problématique de la situation carcérale
afin de faire apparaître l’influence de certaines variables ou de certains facteurs.
Activité 5: Restitution
Proposition de la thèse des données recueillies et des analyses pour diffusion.
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Objectifs
Les objectifs de ce rapport sont de mettre à nu ce système indigne d’une République
ayant signé et ratifié des conventions internationales relatives à la promotion et la protection
des Droits de l’Homme et de soumettre à l’attention des dirigeants des recommandations sur la
protection des Droits de l’Homme issues de cette étude. L’Institut Mobile d’Éducation
Démocratique (IMED) vise l’élimination des cas de violations des droits humains et des détenus
en particulier; et cela exige une implication effective de tous les acteurs du système judiciaire,
notamment des responsables des politiques afférentes, des organisations de la société civile
impliquées dans la promotion et la protection des Droits de l’Homme, ainsi que des victimes.
Pour cela, à travers ce rapport, l’IMED présente et compare le système carcéral haïtien à
l’ensemble des principes de bonne gestion pénitentiaire universellement reconnus.
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La Direction de l’Administration Pénitentiaire (DAP) : Structure et Organisation
Historique
Les premières prisons d’Haïti datent de la colonisation (ex : Fort Dimanche construit par
les Français). Après la période esclavagiste, certains monuments anciens ont aussi été
réaménagés en prison dont le Fort Labouque à Fort-Liberté qui servit de prison d’État sous
l’empereur Faustin 1er. Déjà instaurée dans la pratique de l’après 1804, la loi du 16 décembre
1918 publiée dans le moniteur du 24 février 1919 fit de la prison une structure militaire.
Modifiée le 31 mars 1978 par une publication dans le moniteur no 17-B, une autre loi
dont l’article 3-56 des règlements généraux des Forces Armées d’Haïti stipulent que « Les
Pénitenciers sont un service militaire spécialisé, cantonné à Port- au-Prince et dirigé par un
officier supérieur qui prend le titre de commandant des Pénitenciers ». Puis, le décret du 21
septembre 1987 partage la prison entre les Forces Armées d'Haïti et les autorités judiciaires qui
l'administrent en conformité avec l'article 3-56. Le 19 septembre 1989, un décret créant sous la
tutelle du Ministère de la Justice un organisme à caractère administratif dénommé :
Administration Pénitentiaire Nationale (l’APENA) vit le jour sous l’injonction du Général Prosper
Avril. L’APENA fut tout de même paralysée car la loi devant fixer son fonctionnement et son
organisation n'était pas publiée.
La Démobilisation des Forces Armées D’Haïti (FADH) par le Président Jean-Bertrand
Aristide en 1994 entrainât de profondes réformes dans le système pénitentiaire haïtien.
En effet, en date du 24 avril 1997, le décret présidentiel de Jean Bertrand Aristide
intégra sous tutelle de la Direction Générale de la Police Nationale d'Haïti (DG-PNH)
l'Administration Pénitentiaire Nationale (APENA), au nom de Direction de l'Administration
Pénitentiaire (DAP). Cette Direction devient alors une section spéciale des Forces de Police sous
la tutelle du Ministère de la Justice conformément à la Constitution du 29 mars 1987 bien que
les normes internationales séparent les institutions policières des institutions Pénitentiaires.
Organisation
Comptant 1 bureau central, 5 sous directions régionales (Ouest, Est, Nord, Sud, Centre
et Artibonite).
Les agents de la Direction de l’Administration Pénitentiaire (DAP) sont subdivisés en trois
catégories :
1. Ceux qui desservent directement dans les prisons
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2. L’équipe d’intervention
3. L’équipe d’escorte.
Ensemble les deux dernières forment l’EPINE.
Comptant 1,654 fonctionnaires dont environ 1,030 policiers à son actif, la Direction de
l’Administration Pénitentiaire (DAP) connait aujourd’hui la situation la plus ignoble de son
histoire. Son échec est cuisant. Passant à la fois pour une institution qui viole les droits humains
et qui entretient un système de corruption, la DAP n’a toujours pas fait l’objet d’attention
soutenue des politiques publiques. Il est juste de dire qu’elle a failli à sa mission si l’on se base
sur les statistiques suivantes:
En 2003, 21 prisons du pays étendues sur une surface de 6,440 m2 accueillent 3,640 détenus,
soit avec 1,431 places disponibles suivant les normes internationales de 4.50 m2 et 2,576 places
suivant les normes caribéennes de 2.5m2.
En 2004, 17 prisons du pays étendues sur une surface de 4,894.88m2 hébergent 6,094 détenus.
En 2007, 17 prisons du pays étendues sur une surface de 4,894.88m2 hébergent 6,888 détenus.
En 2008, 17 prisons du pays étendues sur une surface de 4,894.88m2 hébergent 8,725 détenus.
En 2009, 17 prisons du pays étendues sur une surface de 4,894.88m2 hébergent 10,562
détenus.
En 2010, 21 prisons du pays étendues sur une surface de 6,463 m2 accueillent 14,236 détenus.
En Octobre 2017, l’IMED constate des chiffres encore plus critiques, car pour 24 prisons et
commissariats servant de lieu de détention, la surface carcérale légèrement supérieure à celle
de 2010 accueille 11,818 détenus (16 novembre 2017).
Avec un taux d’admission nettement supérieur au taux de libération, les problèmes
majeurs que rencontre la Direction Administrative Pénitentiaire (DAP) sont intimement liés à la
surpopulation carcérale.
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Les faiblesses de la Direction de l’Administration Pénitentiaire (DAP)
Il est à noter que l’Institut Mobile d’Éducation Démocratique (IMED) ne différencie pas
les problèmes de la Direction de l’Administration Pénitentiaire (DAP) et ceux de la prison dans
son étude, et a divisé ces problèmes en 2 catégories qui sont : Les problèmes d’ordre structurel
et les problèmes d’ordre conjoncturel.
Problème d’ordre structurel :
Nous considérons comme problème d’ordre structurel tout ce qui affecte de manière
continue et globale la détention. De même que l’on s’accorde pour dire que la mauvaise
gouvernance est un obstacle majeur au développement d’Haïti, il est nécessaire de noter que
son impact s’étend sur l’ensemble des institutions haïtiennes, dont la Direction de
l’Administration Pénitentiaire (DAP). En effet, cette dernière fait face à de nombreux problèmes
d’ordre structurel qui dérivent de l’incapacité et la réticence des dirigeants à définir et à
adopter des politiques pénales, et mettre en œuvre des plans de développement stratégique
pour l’administration pénitentiaire.
1- La dépendance
Comme il a été mentionné, Le décret 24 avril 1997 avait paralysé la Direction de
l’Administration Pénitentiaire (DAP) en enlevant son autonomie. Aussi, s’en remet-elle à
la Direction Générale de la Police Nationale d’Haïti (DG-PNH) pour la moindre ressource
financière nécessaire à son fonctionnement ou à ses urgences. A défaut de ce pouvoir
décisionnel sur de telles ressources, les réponses de la Direction de l’Administration
Pénitentiaire (DAP) face aux besoins des prisons accusent de profond retard ou ne sont
carrément pas efficientes.
L’IMED a noté que :
- La Direction de l’Administration Pénitentiaire (DAP) n’est pas capable d’engager ses
propres fournisseurs, dispose d’un budget insuffisant et ne peut en aucun cas répondre
aux obligations que lui incombe sa mission. L’utilisation de ses ressources financières se
fait au gré de la Direction Générale de la Police Nationale d’Haïti dont elle dépend
même en cas d’extrêmes urgences.
- Les besoins des prisons sont souvent mis en attente par la lourdeur administrative
causée par cette dépendance et la satisfaction des besoins des détenus est réduite au
strict minimum. Globalement, l’Etat investi dix-huit (18) gourdes par jour pour nourrir
chaque détenu.
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2- Le personnel
Les ressources humaines étant la base de toute structure organisationnelle, penser le
système carcéral haïtien revient à le doter de personnels compétents, fiables, efficaces
et professionnels. Il faut ajouter que travailler dans un milieu carcéral est une tâche
difficile et nécessite une aptitude particulière. Le personnel vit quotidiennement une
situation de stress intense et se trouve exposé à toutes sortes de risques.
L’IMED a noté:
- Un manque de ressources matérielles et financières.
- Un maigre budget de fonctionnement.
- Un personnel civil sous-payé et de manière irrégulière.
- Absence de primes de risque pour les agents pénitentiaires.
- Absence de contrats de travail pour certains travailleurs médicaux et sociaux.
- Taux élevé d’absentéisme du personnel médical à cause de non-paiement.
- Pas d’espace réservé à leurs besoins intimes, les conditions de travail du personnel sont
très déplorables. L’ambigüité des pharmacies, l’insalubrité des cuisines, l’encombrement
des dispensaires, la défectuosité des cabinets de toilettes sont autant de problèmes
dont se plaint le personnel pénitentiaire.
- L’incompétence de certains sont aussi un véritable handicap à la Direction de
l’Administration Pénitentiaire (DAP) qui est souvent obligée de les engager quand leurs
nominations proviennent directement du Ministère de la Justice et de la Sécurité
Publique qui lui-même les reçoivent de la part d’un bon ami ou d’un parlementaire.
C’est le cas de certaines auxiliaires nommées comme infirmière à la PCPAP.
- Certains anciens militaires sont aussi gardés à titre d’infirmier. Sans aucune formation
pointue, ceux qui restent de garde étaient habilités à dresser des procès-verbaux, à
déclarer des décès et à décider d’envoyer les cadavres à la morgue sans la présence
d’un juge.
- Le Directeur de Santé se plaint de l’insoumission de son personnel. Aucune des
infirmières employées par l’État ne veulent servir d’officier de garde contrairement à
celles de Health Through Walls qui travaillent de jour et de nuit.
- Aucune poursuite pénale à l’encontre des haut-gradés de la Direction de
l’Administration Pénitentiaire (DAP) soupçonnés de corruption.
- Certains sont suspectés de vendre à très haut prix des téléphones portables et d’autres
objets aux détenus. C’est le cas d’un médecin récemment incarcéré.
- Complicité d’évasion par certains agents pénitentiaires.
- Les changements répétés des directeurs de prison ne permettent pas qu’ils soient
imprégnés des caractéristiques de la population carcérale dont ils sont responsables.
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Le personnel des prisons réalise un travail noble non apprécié à leur juste valeur. Il fait
l’objet d’une attention insuffisante, et les ressources mises à sa portée sont inadéquates. La
grande majorité ne souhaite pas faire carrière dans le service pénitentiaire, s’estimant trop
exposée aux maladies, à l’insécurité et aux represailles des criminels. Les agents penitentiaires
de la DAP estiment qu’ils fournissent un travail crucial pour la sécurité du pays dans des
conditions préjudiciables à leur propre bien-être.
« Ils croient que leurs maigres salaires constituent un facteur de corruption ». Une telle
situation crée beaucoup de frustrations au sein du corps.
1- Infrastructure des centres de détention
L’IMED a noté que:
- A part les nouvelles constructions, les détenus sont logés dans des bâtisses anciennes
qui ne répondent pas aux normes internationales en fonction de leur architecture, de la
dimension des cellules et les infrastructures sanitaires. Cet état de fait encourage un
état d’insalubrité, et de pollution constante.
- En outre, Les emplacements des prisons ne sont pas convenables. Souvent placées au
cœur de la ville, près de marchés publics ou accolées à des maisons privées, leur
positionnement géographique accuse un manque de disposition stratégique ce qui
faciliterait l’évasion des détenus. Ajouter à cela, un manque de coopération manifeste
souvent observé entre les mairies et la DAP, car peine est de constater que des
constructions anarchiques et d’autres activités commerciales se développent à
proximité des prisons.
- De graves problèmes d’architecture se greffent sur le positionnement des locaux de
détention. Les détenus sont logés dans des cellules surpeuplées sans fenêtre, ou avec
des fenêtres trop étroites pour permettre la pénétration d’air frais et la lumière du
soleil. La raréfaction du cubage d’air disponible pour chaque détenu rend l’espace
carcérale incommode.
- Les lumières artificielles et naturelles des locaux sont insuffisantes. Dans certaines
prisons des espaces qui abritaient des cuisines, des cours de recréation, ont été
transformés en cellules sans aucune structure hygiénique qui puissent permettre aux
détenus d’effectuer leur besoin en temps voulu.
L’occasion s’est, à maintes reprises, présentée à l’Etat haitien de bénéficier de nouveaux
établissements pénitentiaires notamment de l’International Narcotics Law (INL) mais les
autorités ne prennent pas ces projets au sérieux. Leurs insouciances et leurs irresponsabilités
causent souvent l’échec de ces projets. C’est le cas de l’interruption des travaux qui devaient
mener à la création de nouvelles structures pénitentiaires à Vialet section de Petit Goâve et à Ti
Tanyen dans l’Ouest en 2015 posait problème à cause de jeux d’influence de certaines
personnalités proches du pouvoir d’alors.
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2- Sécurité
La Direction de l’Administration Pénitentiaire (DAP) a pour tâche spéciale de garantir une
sécurité optimale dans les établissements pénitentiaires. On entend par sécurité optimale, la
somme des dispositions de sécurité passive et de sécurité active en milieu de détention. Elle se
fait: en évitant et en calmant les mutineries, en supprimant les éventualités de suicide, les
violences entre les détenus et le personnel et en empêchant la destruction et le dommage des
bâtiments de détention. La surpopulation affecte gravement la sécurité et la sûreté des
détenus, du personnel et des villes où sont situées les prisons. L’absence de matériels,
d’équipements adéquats, du nombre restreint du personnel de la Direction de l’Administration
Pénitentiaire (DAP) rendent les conditions de surveillance des prisons une tâche difficile et
augmentent les risques de violence collective, d’agression sur le personnel et d’évasion.
En matière de sécurité optimale, deux acteurs clés sont ciblés : L’Etat de manière générale
et la Direction de l’Administration Pénitentiaire (DAP) en particulier. L’État doit être le premier
garant de la sécurité des prisons de son territoire. Il a la responsabilité de la sécurité passive par
la construction de locaux architecturés, accommodés et logés de manière responsable,
conforme et réglementaire c’est-à-dire construite sur les bases de sécurité maximale avec une
bonne disposition des SAS.
L’IMED a noté que:
a) l’État de manière générale
Dans le cas d’Haïti, nous pouvons indexer l’irresponsabilité de l’État tant à partir des
conditions des locaux de détention (voir infrastructures pénitentiaires) que son insouciance
à aider la Direction de l’Administration Pénitentiaire (DAP) à prévenir les mutineries des
prisonniers contre la faim et l’injustice qui est un fait habituel dans les prisons haïtiennes. Il
devait se porter garant des moyens de sécurité classiques, qui sont notamment les murs,
barreaux, serrures, clefs, grilles, détecteurs de mouvements, autres dispositifs électroniques
et mesures de protection du périmètre.
- Les barreaux, les barrières, les cadenas sont souvent rouillés et peuvent être sciés à
volonté.
- Les bâtiments menacent ruine et les murs sont branlants, c’est le cas du mur de la
Prison Civile de Port-au-Prince (PCPAP) extérieur à la rue des Casernes qui, fissuré et
chancelant peut tomber à tout moment. A la prison de carrefour, les eaux de pluie
s’infiltrent par le toit abimé inondant ainsi les cellules et les laissant humides.
- Jusqu’en novembre 2017, certaines prisons sont recouvertes en tôles, d’autres
delimitées par des plywood.
- Les murs des cellules de certains centres carcéraux sont des façades exposées à la rue,
d’autres structures pénitentiaires sont situées en pleine agglomération urbaine
permettant ainsi aux passants de lancer des objets à l’interieur de la prison.
b) La Direction de l’Administration Pénitentiaire (DAP) elle-même.
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La Direction de l’Administration Pénitentiaire (DAP) doit dans toute circonstance
assurer la sécurité active des établissements en prenant des mesures de contrôle et de
coercition directe. Afin de bien mener sa mission, la DAP doit disposer de ressources
matérielles, financières, humaines et informationnelles adéquates.
L’IMED a noté que :
- L’irrégularité des fouilles et des vérifications des locaux portent atteinte à la sureté des
prisons.
- Certains matériels illicites en milieu carcéral sont vendus par le personnel de la prison
ou transmis par eux de la part des parents des détenus, les téléphones portables en sont
un exemple.
- La Direction de l’Administration Pénitentiaire (DAP) ne procède pas à une classification
pointue des prisonniers en fonction de leur caractère criminel et de leur tendance à
l’évasion.
Bien qu’exposé à l’aménagement inadéquat, la vétuste et à l’usure des infrastructures qui lui
font courir de grands dangers, la Direction de l’Administration Pénitentiaire (DAP) est
dépourvue de dispositif moderne de surveillance (des caméras, brouilleur téléphonique).
- la disposition des SAS est mal organisée.
- Il n’existe pas d’équipe de renseignement pénitentiaire, ni d’équipe spéciale de sécurité
pénitentiaire à part EPINES pour des cas spéciaux.
- On compte 1 policier pour 88 détenus or, les normes internationales exigent un quota
de 1 agent pour 4 détenus. Ces chiffres témoignent de l’effectif réduit et irrationnel de son
personnel qui travaille d’ailleurs sans équipements défensifs tels que pare-balles, casques ou
gilets pare-balles. Cette insuffisance de ressources humaines et matérielles a toujours empêché
le bon fonctionnement des prisons.
- Des inquiétudes sur la présence de drones survolant certains établissements
pénitentiaires. Ne sachant pas d’où ils viennent ni la raison de leur survol, on y voit dans
cette situation une menace potentielle à la sécurité des prisons.
Les multiples évasions constatées dans certaines prisons de la République mettent à
l’évidence les faiblesses de l’institution à garantir une protection adéquate de la société contre
les criminels emprisonnés.
3- Catégorisation
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La fonction centrale de la prison est de détenir les personnes en cours de procès ou qui
purgent une peine. Pour bien accomplir cette fonction, la Direction de l’Administration
Pénitentiaire (DAP) doit obligatoirement séparer les détenus selon des critères spécifiques :
1) Genre (homme/femme)
2) L’âge (majeur/mineur)
3) Condamnés/ détenus
4) Personne à mobilité réduite.
L’IMED a noté que :
- Les condamnés et les détenus se côtoient et demeurent dans les mêmes cellules. Aussi,
ceux qui sont arrêtés pour délits mineurs séjournent prêt des criminels, sans oublier
ceux arrêtés illégalement (arimaj). Sachant que dans certains cas, la prison peut
constituer une école du crime, cette situation où les criminels se nouent d’amitié d’avec
des détenus à délits mineurs peut engendrer la formation de réseaux mafieux qui
nuisent à la société.
- Meme ceux qui souffrent de maladies contagieuses séjournent collectivement. D’où la
multiplication des cas de Tuberculose, de HIV détectés dans les prisons haïtiennes.
- Les jeunes adultes venant des centres pour mineurs sont placés dans la même cellule
que les bandits de grand chemin les rendant plus vulnérable à la torture ou à la
délinquance.
Cette situation susmentionnée montre que l’état dans lequel la prison haïtienne évolue est
d’un ridicule sans nom.
4- La communication et télécommunication
Tout centre de détention doit disposer d’équipement de communication par interphonie,
radiophonie et de téléphonie contrôlées en permanence et constamment disponibles, de
manière à permettre aux agents de communiquer entre eux et avec l’extérieur et aux détenus
avec leurs proches.
L’IMED a noté que :
- Seuls des cellulaires sont au service des agents de la prison. Les minutes de recharge
accordées s’épuisent souvent avant la fin du mois pour lequel elles étaient accordées
rendant difficile la communication entre eux.
- Les prisons en Haïti ne sont pas munies d’appareils téléphoniques fixes au service des
détenus. Aussi sont ils obligés d’acheter des minutes à l’intérieur de la prison entre les
mains d’autres détenus qui possèdent des téléphones portables.
- Les téléphones que détiennent les détenus proviennent du personnel pénitentiaire ou
de leurs proches qui sont obligés de soudoyer un membre du personnel pour les
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transmettre. Dans ce cas, seuls les détenus en complicité avec le personnel peuvent en
bénéficier.
- Les téléphones et les minutes vendus aux détenus sont à des prix excessivement élevés
ce qui en fait un marché contrôlé par certain.
- La possession de ces téléphones portables sont utilisés pour contacter leurs proches,
leurs avocats, des chefs de gang qui entretiennent certains de leurs membres en prison,
des personnages publics qui négocient leur libération, des membres de gang qui
exécutent des travaux de leurs chefs incarcérés et autres.
-
5- Produits-services-énergie
Approvisionnement (en eau, nourritures médicaments), stockage et autres.
La lourdeur administrative a de profondes répercussions sur l’organisation et le quotidien des
prisons.
- Le recrutement des fournisseurs de la Direction de l’Administration Pénitentiaire (DAP)
se fait à partir d’appels d’offre qui ne respectent pas les principes de passation de
marché à cause du clientélisme, du favoritisme et népotisme. Ces fournisseurs ont
toujours une mesure d’avance sur les autres postulants dans la mesure où ils sont
informés bien avant de la tenue des appels d’offre.
Entre autre, un seul fournisseur peut créer des entreprises fictives parallèles et se font
passer pour des concurrents.
Rupture de stock
L’État haïtien s’avère être un client insolvable parce qu’il ne respecte pas ses périodes
de paiement et s’écroule sous des dettes faramineuses. Il peut être tout aussi bien dupe face à
la complicité des responsables et de certains fournisseurs incapables de justifier leurs factures.
L’IMED a noté que :
- Le retard de paiement des fournisseurs occasionne des négociations en pourcentage
entre eux, des employés de la Direction de l’Administration Pénitentiaire (DAP), du
Ministère de la Justice et de la Sécurité Publique et du Ministère de l’Économie et des
Finances. Cette pratique hypertrophie les propositions financières des firmes qui
exécutent les contrats pour la Direction de l’Administration Pénitentiaire (DAP).
- Autant de retard de paiement que reprochent les fournisseurs, autant de retard que
connait la livraison des produits et des services. Aussi, la rupture de stock devient elle
fréquente dans les prisons. Avec de telles illustrations, on comprend la pénurie des
médicaments, la disette alimentaire et l’insalubrité qui croupissent dans le milieu
carcéral.
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- Certains fournisseurs ne livrent pas la totalité des produits pour lesquels ils sont payés.
La livraison des produits se fait en fonction du bon vouloir des fournisseurs, souvent ils
ne combinent pas les produits suivants les besoins exprimés, ce qui entraine de graves
irrégularités dans la nutrition des détenus, dont, la consommation excessive de riz, la
cuisson de bouillie sans sucre, la préparation de céréales sans huile etc.
- La Direction de l’Administration Pénitentiaire (DAP) n’a pas développé de mécanisme
régulateur efficace pour le contrôle qualitatif et quantitatif des biens et des services qui
lui sont pourvus.
- Lors de son enquête, l’IMED a retenu les appréhensions du personnel sur
l’inadéquation évidente entre la durée d’utilisation du propane et le volume qui devrait
être fourni. ils se plaignent de l’achèvement toujours prématuré de ce gaz qui les oblige
à utiliser le bois ou le charbon de bois comme alternative pour la cuisson.
Denrées alimentaires
- Certains produits de consommation sont carrément avariés aussi les détenus se
plaignent-ils de présence de mites dans leur nourriture.
- L’argent des condiments est parfois utilisé pour gérer des cas d’extrême urgence, ce qui
entraine des dettes ou l’absence de condiments dans la préparation des mets.
Eau
- La plupart des centres de détention du pays disposent de puits ou de réservoirs. Ils
utilisent cette eau pour le bain et la consommation.
- Bon nombre de détenus se plaignent de gastro- entérites et de démangeaisons. Pour ce
ils sont obligés d’utiliser leur propre argent ou celui de leurs proches pour s’acheter des
sachets, bouteilles ou des gallons d’eau traitée.
Énergie
- L’énergie électrique des prisons est pourvue par l’électricité d’Haïti ou par groupes
électrogènes.
- Dans Certaines cellules les détenus cotisent pour acheter un téléviseur et/ou un
ventilateur s’ils ne sont pas donnés par la DAP.
- Certaines cellules n’ont pas d’ampoules, plusieurs endroits stratégiques des prisons sont
obscurcis la nuit et les prisons manquent de lampadaires.
-
6- Problèmes d’ordre conjoncturel
Causés en majeurs partie par un manque de volonté politique et la corruption gangrenant le
système, les problèmes d’ordre conjoncturel sont récurrents dans les prisons. Ils font l’objet de
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solution provisoire. Dans ce rapport ils sont considérés comme les circonstances aggravantes
qui se greffent au quotidien des prisons.
Les flambées de choléra
Les prisons haïtiennes ne sont pas à l’abri du choléra. Depuis l’apparition de cette épidémie
divers cas on été recensées dans les différentes prisons du pays. Chiffre survivant et décès du
Ministère de la Santé Publique et de la Population dans toutes les prisons.
a) Les situations socio-politiques
La plupart des prisons étant situées dans des zones à forte densité démographique, les
turbulences politiques, les périodes électorales, les moments de festivités représentent un
problème majeur pour la Direction de l’Administration Pénitentiaire (DAP) car cela sous entend
que cette dernière doive adopter des mesures de sécurité supplémentaires dont elle n’en a pas
toujours les moyens.
b) Indisponibilité des responsables de dépenses budgétaires
La Direction Centrale de l’Administration de la Police Nationale d’Haïti (DCA-PNH) est la
seule qui puisse autoriser un décaissement de fond pour la Direction de l’Administration
Pénitentiaire (DAP) quelque soit l’urgence. Dans ce cas, l’absence du responsable est un
obstacle majeur à l’exécution de certaines obligations.
Les restrictions alimentaires en provenance de l’extérieur
Régime de détention
Étant signataire de nombreuses lois et Conventions Internationales, astreint à ses
dispositions législatives et se réclamant des vertus démocratiques, Haïti est soumise aux
dispositions réglementaires et pratiques qui régissent la bonne gestion du système
pénitentiaire dans le cadre normatif des respects des droits de la personne humaine. Son
régime de détention se doit donc d’être conforme aux obligations que lui incombe l’ensemble
de normes minima universellement reconnu en matière de détention des prisonniers.
Comparé à la réalité haïtienne on constatera un déni flagrant de ces dernières, ce qui
poussera chaque lecteur, chaque observateur et surtout les victimes à questionner l’effectivité
du système carcéral haitien.
1- Le droit à l’information et de communication
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Il est universellement reconnu que tout détenu doit être informé des raisons de sa
détention, de son arrestation. Or en Haïti, le droit à l’information demeure un privilège auquel
la quasi-totalité des détenus n’a pas accès. Nous pouvons relever les handicaps suivants.
a) L’impossibilité pour les détenus de communiquer, en toute confidentialité avec leurs
avocats, leurs familles dans un endroit approprié par manque de temps et de moyens
adéquats. Il n’existe pas de parloir, à l’exception des nouvelles constructions.
b) L’incapacité de la Direction de l’Administration Pénitentiaire (DAP) de mettre à la
disposition des détenus des réseaux téléphoniques afin de les aider à rentrer en contact
avec le monde extérieur.
c) Un obstacle linguistique majeur dans la rédaction des lois et le déroulement des
plaidoiries qui se font pour la plupart en français alors que la population est
majoritairement créolophone. Il n’existe aucun service de traduction ni d’interprétation
pour les étrangers et les haïtiens qui ne s’expriment pas en français.
d) le détenu haïtien, comme bon nombre de citoyens, n’est pas toujours informé des
règlements internes de la prison. Il ignore qu’il a le droit d’être traité avec dignité et
respect, et confirme que c’est l’école de la prison qui l’enseigne souvent, « que la raison
du plus fort est toujours la meilleure »
2- Droit de ne pas être soumis à la torture
Le système carcéral est conditionné par des formes de traitements dégradants.
Dans toutes les phases d’exécution, les conditions de détention sont inadéquates. La détention
est devenue une épreuve infernale qui viole sans conteste la dignité de la personne humaine.
a) Les interpellations et arrestations violentes à coup de matraque, de bottes et de crosse;
l’utilisation des balles en caoutchouc et de gaz lacrymogène, la vulnérabilité des
personnes soumises aux interrogatoires sont trop souvent les débuts tragiques d’un
séjour carcéral.
b) La contrainte de s’avouer coupable, ou de dénoncer d’autres individus pour échapper à
la violence policière, la vengeance d’une insulte, d’un affront fait à un policier.
c) La discrimination des détenus et de leurs proches en fonction de l’identité, du crime
commis par le détenu et de son appartenance sociale, les fouilles corporelles
offensantes.
d) La violation de leurs droits les plus élémentaires (le droit à la santé, à l’alimentation) est
devenue une évidence.
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3- Le droit d’être traduit sans délai devant un juge
L’une des préoccupations des pays signataires du Pacte International Relatif aux Droits
Civils et Politiques (PIRDCP) est le droit pour les individus de ne pas être victimes d’arrestations
arbitraires ou de détention préventive prolongée. Or en Haïti, cette pratique est devenue
monnaie courante. Les chiffres le démontrent bien. Avec un taux de 75.41% d’individus en
détention préventive prolongée (16 novembre 2017), l’État ne saurait se vanter d’être
respectueux des Droits de la Personne Humaine. Soulignons que:
a) Aucune diligence n’a été faite par l’État pour retrouver les dossiers des détenus égarés
depuis le tremblement de terre.
b) On compte des détenus ayant passé plus de 15 années de détention préventive
prolongée sans qu’aucun suivi ne soit fait sur leur dossier. Le sujet est de plus en plus
embarrassant quand certains ont été libérés après 6 ou 10 ans, pour des peines qu’ils
auraient du purger en 5 mois, ou alors après avoir été reconnu non-coupables.
c) Le gouvernement est resté à son inertie judiciaire malgré les rapports, les
recommandations des acteurs de la société civile, des organisations nationales et
internationales et autres pour dénoncer un système injuste.
d) La situation explosive qu’est la détention préventive prolongée a profité à tellement
d’acteurs, qu’elle est devenue un mécanisme de fonctionnement de la machine
judiciaire haïtienne. Aussi verra-t-on magistrats, juges, fournisseurs, avocats utilisent un
tel système au profit de leurs intérêts en lieu et place du souci de la réduction du
nombre des détenus.
4- Le droit à un procès équitable
En plus des délais du jugement qui ne sont pas raisonnables, la qualité des procès est
discutable.
L’IMED a noté que :
a) La partialité des tribunaux entraine souvent des lenteurs procédurales mais aussi, des
verdicts suspects. Le comportement des juges, leurs convictions personnelles ont trop
souvent donné l’impression d’un système chargé de préjugés.
b) Leurs connivences avec certains représentants des pouvoirs législatif et exécutif sont
une violation flagrante de l’article 60 de la constitution consacrant la séparation des
pouvoirs.
c) Les avocats commis d’office ne disposent pas toujours de temps pour préparer la
défense car certaines dates de procès ne sont pas fixées au préalable.
d) Les éléments de preuves produits ne sont pas toujours de taille. Il faut croire qu’en
matière d’enquête, les tribunaux haïtiens sont d’une extrême lésine.
e) Certains détenus questionnent la velléité des avocats commis d’office à remplir leurs
missions. D’autres mettent en évidence que des avocats engagés par leurs proches
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s’amusent à leur soutirer de l’argent sans pour autant leur fournir un encadrement
juridique valable : « plus ils restent en détention plus se grossissent leurs comptes
bancaires ».
2- La légalité des arrestations et de la détention
Tandis que la loi interdit d’engager des poursuites pour des actes qui ne constituaient pas
des infractions au moment des faits et fait obligation de révision des procès sur la base
d’éléments nouvellement révélés, certains cas d’arrestation sont à questionner :
a) Les cas de dettes
b) Les « arimaj »
3- Les droits relatifs à l’état d’urgence
L’Institut Mobile d’Éducation Démocratique (IMED) tient particulièrement à souligner la
nonchalance de l’État face à de nombreuses situations d’extrême urgence qui normalement
nécessiteraient des interventions médicale et juridique célères dont :
a) Les flambées de choléra, la tuberculose, le béribéri, l’anémie pernicieuse, la
malnutrition, le VIH en stade avancé et autres pathologies ayant touché certains
détenus.
b) Le manque de propane, la disette, les denrées avariés, la sous consommation d’aliments
cuits et complets, la purification de l’eau destinée à la consommation.
c) L’insalubrité récurrente des locaux de détention, l’inexistence d’infrastructures
sanitaires, l’hygiène de vie des détenus, la période de transmission des infestations
microbiennes,
d) L’état de décrépitude des locaux de détention, la localisation inappropriée des
bâtiments de détention, le danger que représentent les immeubles de détention
menaçant ruine.
4- Le droit à des conditions de détention et d’emprisonnement conforme à la dignité
humaine
Il est une norme du Droit International que le droit à des conditions de détention soit
conformes à la dignité de la personne humaine.
L’IMED a noté:
a) Des cellules à surface réduite mal aérées, non-standardisées accueillant un nombre
excessif de détenus.
b) Des espaces non-propices à la récréation, et non adaptés au besoin du système carcéral.
c) Des infrastructures ne respectant aucune règle d’accessibilité aux personnes
handicapées.
d) La proximité des zones de traitement de choléra et de cuisson est tout simplement
inconcevable.
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e) Et l’exigüité extrême des espaces qui logent la pharmacie, le dispensaire est tout
simplement désastreux.
Profil du système carcéral Haïtien
Présentation des prisons haïtiennes
L’infrastructure pénitentiaire haïtienne est constituée de 18 Prisons dont une (1)
exclusivement pour les femmes et les filles et une autre pour les mineurs. Ce calcul ne prend
pas en compte les quatre (4) commissariats où sont logés les détenus. Du point de vue
géographique, elles sont réparties par juridiction. Sans diversité, il n’existe qu’une catégorie
d’établissements pénitentiaires, les centres de détention accueillant à la fois les prévenus et les
condamnés. Tous portant la désignation de Prison Civile avec pour exception le Centre de
Rééducation des Mineurs en Conflits avec la Loi (CERMICOL) de Delmas 33.
La Prison de Port au-Prince a été construite en 1775 à l’angle des rues du Centre et de
l’Enterrement, sur les vestiges d’un cimetière colonial. Pendant l’occupation américaine (1915-
1934) elle fut aménagée pour accueillir 400 prisonniers.
En 1998 et en 2004 elle fut réaménagée afin d’augmenter son espace d’accueil
respectivement de 800 à 1,000 places. Située, en plein centre-ville, elle est entourée de
maisons privées, d’écoles publiques et d’autres bâtiments utilisés à des fins commerciales et la
rue lui sert de parking. Elle est divisée en cellules et en quartier, contient un espace de cuisine,
une Chapelle Notre Dame de la Salette, saint patron des prisonniers qui sert désormais de
Centre de Traitement de Choléra, une pharmacie, une cour intérieure, un dispensaire et une
greffe. Un mini container sert d’espace de bureau au directeur de la prison et au secrétariat. On
y trouve deux (2) ordinateurs et une imprimante.
Le Centre de Réinsertion de Mineurs en Conflit avec la Loi (CERMICOL) inauguré le 30
octobre 2005 par la DAP, cette structure est consacrée à la garde des mineurs garçons en
conflit avec la loi. C’est la prison la mieux entretenue ou l’on rencontre une école académique
et une bibliothèque.
La nouvelle Prison Civile de Cabaret reçoit les femmes et les filles en conflit avec la loi.
Transformée en 1996 en prison civile avec la création de l’APENA, la Prison Civile de
Fort-Liberté est une ancienne prison militaire ou sont logés les détenus (Fort-Liberté 1). À noter
la construction récente d’un autre centre de détention aménagé pour les condamnés (Fort-
Liberté 2). C’est la seule juridiction du pays qui loge deux centres de détention.
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Aménagée en 1997 et située près d’une place publique, la prison civile de la Grande
Rivière du Nord n’a pas de mur d’enceinte et donc les détenus n’ont pas droit à la récréation.
Les toilettes se situent trop prés des cellules fissurées.
La Prison Civile du Cap-Haïtien, relocalisée à Carénage un quartier résidentiel se trouve
logée dans une partie de l’ancien arsenal des Forces Armées d’Haïti (FADH).
La Prison Civile de Carrefour est située sur la route de Carrefour, elle donne dos à une
ravine. Elle a été construite en 1998 sur un terrain son toit est fait en tôle.
La juridiction de Coteaux est la seule à ne pas avoir de centre d’incarcération.
Le centre de détention de Jacmel est transformé en prison civile en 1995, avec la
création de l’APENA.
La prison de Jérémie est située à la rue Saint Léger Pierre Louis. Une particularité à noter est
que le puits qui approvisionne les détenus délivre une eau salée à cause de sa proximité avec la
mer.
La Prison Civile des Cayes a été créée par les militaires est située à la rue Toussaint Louverture.
Souvent inondée, la toiture est en tôle et ses barreaux en mauvais état.
Le bâtiment de la Prison de Port-de-Paix est un ancien espace des Forces Armées D’Haïti
(FAD’H), transformé, en 1995, en prison civile avec la création de l’APENA. Située sur une
colline avec vue sur le centre ville.
La Prison Civile de l’Anse à Veau souvent humide peut affecter le système respiratoire des
détenus
La Prison Civile de la Croix-des-Bouquets, située au centre ville près du marché, est exposée à
des risques d’évasion.
La Prison Civile de Mirebalais construite en 1957, a subi de grand dommage lors du
tremblement de terre du 10 janvier 2010.
La Prison Civile de Saint Marc créée en 1995 a été réaménagée par le Programme des Nations
Unies pour le Développement (PNUD).
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INFORMATIONS SUR LA GESTION DE L’ESPACE PHYSIQUE DE LA DIRECTION DE
L’ADMINISTRATION PENITENTIAIRE Novembre 2010
Prisons
Surface
totale du site
(superficie)
Emprise au
sol
Surface
totale des
cours de
recréation
Surface totale de
l’administration
Surface
utile de la
détention
Possibilité
d’agrandissement en
surface ou en
hauteur à préciser
Remarque Capacité
suivant
les
normes
4.50 m2
/détenu
Capacité
M2 /
détenus
(surface
réelle par
détenus +
date du
jour
Port-au-Prince 12339.44 m2
1525.58 m2
2806.69
m2
En ruine 1796.77 m2
Oui, en surface et en
hauteur mais non
prioritaire
Placée dans
une zone
sensible
333
places
Admission - 230.40 m
2 902.17 m
2 - 207.31 m
2
Bricks - 797.22 m2
374.56 m2
- 504.18 m2
Bois-Verna - 177.32 m2
647.96 m2
- 123.00 m2
Quartier de
formation
394.40 m2
Titanic - 320.64 m2
382.00
m2
- 662.40 m2
Delmas 33 3040.46 m2
314.16 m2
607.00 m2
518.77 m2
232.00 m2
Oui en hauteur
seulement
Espace de
jeux
insuffisants
51.55 m2
ou 52 pl
aces
Pétion-Ville 1317.23 m2
414.52 m2
142.46 m2
214.66 m2
246.02 m2
Non, à déplacer Site à
aggrandir
54.67 m2
ou 55
Places
Carrefour 4338.00 m2
295.96 m2
144.66 m2
321.75 m2
193.52 m2
Non 43 places
Arcahaie 1250.00 m2
259.09 m2
255.80 m2
177.07 m2
240.36 m2
Non, à déplacer Prison 53 places
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TABLEAU RECAPITULATIF
Novembre 2010
Régions Surface
totale du
site
(superficie)
Emprise au
sol
Surface
totale des
cours de
recréation
Surface totale
de
l’administration
Surface utile
de la
détention
Possibilité
d’agrandissement en
surface ou en hauteur à
préciser
Capacité en fonction de la quantité de
lits (date+du jour)
Ouest 31040.13 m2
5473.31 m2
4312.61 m2
1214.81 m2
948.92 m2
- 867 places
Nord 5312.88 m2
1155.15 m2
1408.46 m2
2889.25 m2
4196.69 m2
168 Places
Sud 8293 m2
1025.16 m2
868.88 m2
1067.49 m2
893.09 m2
- 199 places
Centre-
Artibonite
5257.22 m2
725.05 m2
1809.04 m2
1532.2 m2
425.03 m2
- 94 places
TOTAL 49903.23 m2
8378.67 m2
8398.99 m2
6703.75 m2
6463.73 m2
- 1436 places
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INFORMATIONS SUR LA GESTION DE L’ESPACE PHYSIQUE
Novembre 2010
Prisons Surface totale
du site
(superficie)
Emprise
au sol
Surface
totale des
cours de
recréation
Surface totale de
l’administration
Surface utile
de la
détention
Possibilité
d’agrandissement
en surface ou en
hauteur à préciser
Remarque Capacité
suivant les
normes
4.50 m2
/détenu
Capacité
en
fonction
de la
quantité
de lits
(date+du
jour)
Capacité
M2 /
détenus
(surface
réelle par
détenus +
date du
jour
Hinche 1174.00 m2
156.35 m2
225.67 m2 102.45 m
2 87.46 m
2 Non site exigu 19 places
Mirebalais 2460.59 m2
264.03 m2
1177.36 m2
128.72 m2
128.97 m2
En hauteur surtout 29 places
Gonaïves - - - - - - - -
Saint-Marc 1622.63 m2
304.67 m2
406.01 m2
1301.04 m2
208.60 m2
NON Prison Exigüe 46 places
Région
Centre-
Artibonite
5257.22 m2
725.05 m2
1809.04 m2
1532.20 m2
425.03 m2
Prison Régionale
non encore
Existante
Non-
disponible
94 places
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INFORMATIONS SUR LA GESTION DE L’ESPACE PHYSIQUE
Novembre 2010
Prisons Surface totale
du site
(superficie)
Emprise
au sol
Surface
totale des
cours de
recréation
Surface
totale de
l’administra
tion
Surface utile
de la
détention
Possibilité
d’agrandisse
ment en
surface ou en
hauteur à
préciser
Remarque Capacité
suivant les
normes 4.50
m2 /détenu
Capacité
M2 / détenus (surface
réelle par détenus +
date du jour
Anse-a-
Veau
782.11 m2
131.10
m2
142.12 m2
344.06 m2
98.63 m2
Oui, en
surface et en
hauteur
- 22 places
Aquin - - - - - Non, à
déplacer
Site Exigu Ref. Garde a
vue
Petit-
Goâve
3431.37 m2
- - - - Oui, en
surface et en
Hauteur
Projet en
cours de
financement
Ref. Garde a
vue
Miragoan
e
- - - - - N/A Site
inexistant
Inexistant
Région
Sud
8293 m2
1025.16
m2
868.88 m2
1067.49 m2
893.09 m2
Prison
Régionale
non existant
Site
inexistant
199 places
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INFORMATIONS SUR LA GESTION DE L’ESPACE PHYSIQUE
Novembre 2010
Prisons Surface
totale du
site
(superfici
e)
Emprise
au sol
Surface
totale des
cours de
recréation
Surface
totale de
l’administr
ation
Surface
utile de la
détention
Possibilité
d’agrandiss
ement en
surface ou
en hauteur
à préciser
Remarque Capacité
suivant les
normes 4.50
m2 /détenu
Capacité
M2 / détenus (surface
réelle par détenus + date
du jour
Port-de-Paix 1,301.98
m2
274.71
m2
308.33 m2
420.73 m2
187.00 m2
Voir, à
déplacer
Site Exigu 41.55 pour
42 places
Cap-Haitien 2,494.73
m2
560.59
m2
478.97 m2
498.13 m2
(sur 2 niveaux)
539.03 m2
sur 2
niveaux
en
hauteur
Oui en
hauteur
- 76.10 m2
pour 76
places
Fort-Liberté 622.67
m2
212.43
m2
244.60 m2
41.92 m2
157.23 m2
Non, à
déplacer
Un site est
disponible
34.94 m2 pour
35 places
Grande Rivière du
Nord
893.50
m2
107.42
m2
376.56 m2
254.03 m2
65.66 m2
Oui,
légèrement
en surface
et en
hauteur
Site Exigu 14.59 m2 pour
15 places
Région Nord
(total)
5312.88
m2
1155.15
m2
1408.46 m2
1214.81 m2
948.92 m2
Prison
régionale
non encore
existante
Site Non
Disponible
168 places
Cayes 1641.95
m2
378.20
m2
312.12 m2
113.76 m2
276.56 m2
Oui, en
surface et
Site
inapproprié
61.52 m2 pour
62 places
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en hauteur
Jacmel 1370.54
m2
226.46
m2
106.87 m2
284.70 m2
347.80 m2
Non, à
déplacer
Site Exigu 77.23 m2
pour 77
places
Jérémie 1067.03
m2
289.42
m2
307.77 m2
324.97 m2
169.80 m2
Non, à
déplacer
Site Exigu 37.73 m2 ou
38 places
Croix -des-
bouquets
8755.00
m2
2664.00
m2
356.00 m2
1657.00 m2
1488.00
m2
Oui, en
hauteur
Cour
commune
importante
331.00
places ou
867 .00
places
Région Ouest 31040.13
m2
5473.31
m2
4312.61 m2
2889.25 m2
4196.69
m2
Prison
Régionale
non encore
existante
Site
disponible
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Nombre de véhicules disponible dans les prisons
Prisons Nombre de
véhicules
1- Prison Civile de Port au Prince 7
2- Centre de rééducation des Mineurs
en Conflit avec la Loi
(CERMICOL)
1
3- Prison Civile de la Croix des Bouquets 3
4- Prison Civile de Cabaret 2
5- Prison Civile de Arcahaie 1
6- Prison Civile de Carrefour 2
7- Prison Civile de Saint-Marc 2
8- Prison Civile de Mirebalais 1
9- Prison Civile de Hinche 1
10- Prison Civile de Port-de-Paix 1
11- Prison Civile de Fort-Liberté 2
12- Prison Civile de Grande-Rivière 1
13- Prison Civile de Cap-Haitien 2
14- Prison Civile de Jacmel 2
15- Anse-A- Veau 1
16- Cayes 2
17- Jérémie 1
TOTAL 32
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Gestion des dossiers
L’incapacité de l’État haïtien à tenir des dossiers complets, à jour et disponibles sur les
détenus est une démonstration de la gestion combien désastreuse des prisons en Haiti tant sur
le plan opérationnel que sur le plan stratégique. De La piètre gestion des dossiers découle un
problème de transparence en matière de corruption et ainsi qu’un blocage des solutions de
réinsertion et de rehabilitation des détenus. Cette fâcheuse situation est reconnue comme
l’une des sources de méfiance de la société envers le système judiciaire.
L’IMED a noté que :
1- Le local à la Prison Civile de Port-au-Prince (PCPAP) par exemple, les locaux réduits, à la
portée de tous, gardés par de vieilles portes branlantes constituent des bureaux d’archives.
La moindre émeute des détenus, les catastrophes naturelles et autres accidents exposent
ces locaux à la destruction.
2- Il n’existe pas de procédure uniforme d’enregistrement des informations relatives aux
personnes placées en détention. Le recueil d’informations n’est pas régulier. Les dossiers
des individus comprennent très peu d’information à l’identification juridique et physique de
la personne incarcérée.
3- Le manque de ressources – la plupart des greffes est dépourvue de matériels. Les
ressources humaines, financières et matérielles mises à la disposition des prisons pour la
gestion des dossiers sont clairement insuffisantes.
4- Le système de transmission d’informations dans les prisons d’Haïti est inefficace et
nécessite d’être modernisé. La désorganisation qui règne dans le système pose de gros
problèmes de traçabilité et de suivi. Le séisme du 12 janvier 2010 en a rajouté une couche
en detruisant des infrastructures d’archivage. Des piles de dossiers ont été enterré sous les
décombres, d’autres ont tout simplement disparu. Le mode actuel de Gestion de
l’information n’est pas un système efficace de collecte, d’archivage, d’accès, d’utilisation
des données. Au contraire la perte, la dissimulation, le trucage et le transfert non autorisé
des informations prouvent les failles d’un système inapte.
Jusqu’à la présente, on n’a enregistré aucune diligence de la part de l’Etat haitien pour
retracer et reconstituer ces dossiers. Une telle situation entrave le processus de libération de
certains détenus non encore jugés et qui pis est, d’autres qui ont déjà purgé leurs peines. De
plus, on a recensé des cas de personnes sorties de prison en lieu et place de personnes libérées.
Somme toutes, derrière chaque dossier non retracé, croupit-il un individu victime d’une
injustice.
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Traitement en fonction du Profil du détenu
Si l’État est universellement perçu comme le garant des droits de tout individu, en Haïti,
il est pourtant le premier violateur des droits de ses citoyens et des détenus en particulier. La
question du traitement des détenus est un sujet banal en Haïti, leur torture est considérée
comme une vieille tradition. L’État n’assure en rien l’intégrité physique et psychologique des
personnes détenues ni le respect de leur dignité humaine. Aussi , cette partie du rapport vise
t-elle à attirer le regard de tous sur le traitement des détenus ayant ou non des besoins
spéciaux. Selon Le principe huit (8) de l’Ensemble de règles minima pour le traitement des
détenus que:
« Les différentes catégories de détenus doivent être placés dans des établissements ou
quartiers et cellules, en tenant compte de leur sexe, de leur âge, de leurs antécédents, des
motifs de leur détention et des exigences de leur traitement. Discrimination des proches et des
parents en fonction de l’identité, du crime commis par le détenu et de son appartenance
sociale».
Le système carcéral haïtien n’a pas de mécanismes adéquats de classement de détenus
par catégorie, que ce soit par rapport à certaines maladies contagieuses, à des chefs
d’accusation sévère dangereuse d’ordre criminel, à des Détenus Particulièrement Signalés
(DPS). Partant Ils peuvent bénéficier de traitements propres à leur cas c’est ainsi qu’ils ont
envisagé des quartiers de sécurité maximale. La particularité de ces cas ne les fait pas bénéficier
de soins exceptionnels ou même adéquats, mais leurs recensements –rarement à l’initiative de
l’État – servent à faciliter les interventions d’urgence. Lors des admissions, aucune attention
spéciale n’est portée au détenu afin de déterminer s’il représente une menace pour lui-même
ou pour autrui.
Il est important de souligner que tous les profils cités ne sont pas forcément regroupés,
dans un carré, une cellule adaptée à leur situation et qu’eux tous subissent de diverses
manières des traitements inhumains et dégradants qui portent atteintes à leurs dignités et
leurs droits. La détention préventive prolongée s’étend sur tous les profils enregistrés et
s’affirme comme le problème majeur du système carcéral.
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Traitement des détenus déclarés dangereux ou particulièrement signalés
Bien qu’aucun processus d’évaluation psychologique ne soit mis en branle lors de l’arrivée
d’un détenu dans un centre pénitencier, la réputation, les antécédents sociaux et criminels de
certains individus les prédisposent à intégrer des cellules des criminels notoires. La plupart du
temps ils proviennent des ghettos et sont des récidivistes. On les reconnaissait facilement à leur
comportement belliqueux car ils intimidaient toujours le reste de la population carcérale qui ne
se nourrissait qu’après qu’ils aient fini de se servir. Ils reçoivent très rarement les visites
familiales et aucun programme de rééducation n’a été élaboré en leur faveur en vue de leur
réhabilitation et de leur réinsertion. Ces détenus peuvent être classifiés comme suit :
a) Les détenus ayant déjà tenté, organisé, réussi une évasion, ou des actes criminels
en milieu carcéral
b) les détenus ayant expérimenté les gangs reconnus pour la criminalité organisée
c) Les détenus réputés comme des criminels notoires.
Les détenus particulièrement signalés sont soumis à une vigilance renforcée pour tous leurs
déplacements hors des cellules, dès qu’ils ont des contacts avec l’extérieur, lors des appels, des
fouilles ou des contrôles des locaux ou encore lorsqu’ils sont candidats à une activité de
distribution de nourriture offerte en détention. Tout déplacement hors de l’établissement
notamment pour examen médical ou pour transfèrement doit être accompagné d’un
signalement spécial auprès des autorités concernées.
Traitement des malades mentaux
Les conditions dans lesquelles les détenus évoluent dans un centre carcéral haïtien nuisent
manifestement à leur bien-être, aussi peut-on conclure que la prison haïtienne en elle-même
est une source de troubles mentaux.
Au fil de leurs incarcérations, plusieurs détenus ont développé des troubles de
comportement et des conduites agressives nécessitant alors une prise en charge dans un milieu
spécialisé. L’État ne prend pas en compte une telle problématique, et de ce fait, il n’existe pas
de mesures d’expertise psychiatrique dans le régime pénitentiaire haïtien afin d’évaluer l’état
psychologique des individus avec la détention, ainsi que les mesures thérapeutiques à prendre.
Les individus ayant besoin de suivi psychiatrique durable et soutenu ne reçoivent aucun soin
spécialisé. Tandis que l’isolement et l’incarcération fait obstacle à leur stabilisation, l’absence
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quasi-totale de personnel de santé mentale est criante. Il y a des cas déjà enregistré de
blessures dus à des violences causées par des malades mentaux en milieu carcéral.
Les règles 82 et 83 de l’Ensemble de règles minima pour le traitement des détenus veulent
que ces gens ne soient pas maintenus dans les prisons sans qu’aucune disposition ne soit prise
pour leur transfèrement dans des établissements pour malades mentaux. Souvent, ces troubles
mentaux sont découverts par ces compagnons de cellules suite à des comportements atypiques
de ces malades. Ces troubles mentaux ne sont pas observés de prêt encore moins soignés.
Traitement des maladies chroniques
Il est à noter que les prisons souffrent d’un grave déficit d’infirmerie à même d’assurer une
prise en charge médicale adéquate et ceux victimes des maladies contagieuses dont la
tuberculose pulmonaire, le choléra continuent à partager le même espace. En ce qui a trait aux
maladies dégénératives chroniques non transmissibles (le Diabète, l’hypertension, l’asthme
etc.), les détenus affectés ne bénéficient pas d’un traitement adéquat d’où la présence de
complications mortelles au sein de ce segment carcéral victime de ces pathologies
dégénératives. Il faut ajouter que l’absence d’une diète saine et appropriée, le sédentarisme
constituent des facteurs d’aggravation. À l’admission du détenu, les travailleurs médicaux ne
réalisent pas un bilan médical.
Traitement des Femmes
La situation de détention des femmes a nettement amélioré depuis la construction de la
nouvelle Prison Civile de Cabaret. Elles bénéficient d’un large éventail d’activités
socioculturelles dont la couture, l’informatique, le macramé etc.
Néanmoins, il est impératif de souligner qu’un grand pourcentage se trouve en détention
préventive prolongée, dont certaines depuis plus de 15 ans. La population carcérale haïtienne
est majoritairement masculine.
La limitation du nombre de prison aménagée spécialement pour les femmes, pose un
sérieux problème d’éloignement entrainant ainsi une rareté de visites par les familles de ces
détenues. Ces femmes, filles, se plaignent généralement du fait de ne pas pouvoir rencontrer
leurs progénitures, leurs mères et autres membres de leur famille.
Leurs statuts d’épouse, de concubine, de petite-amie de criminel ou de bandit constituent
un facteur de stigmatisation.
D’autres plaintes tres courantes dans le milieu carcéral féminin :
IMED: Rapport sur le Système Carcéral Haïtien 13/12/2017 Page 38/ 54
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1) l’harcèlement sexuel
2) Le favoritisme
3) La transmission du HIV entre les détenus elles-mêmes lors des bagarres.
Traitement des mineurs
Par la ratification des Conventions Internationales et ses différentes lois, Haïti s’est engagé
dans la protection de l’enfance en priorisant son intérêt supérieur. Force est de constater la
situation de vulnérabilité dans laquelle vivent les mineurs en conflit avec la Loi. Avant d’être
transférés dans un centre (CERMICOL), beaucoup de mineurs sont enfermés avec des adultes
dans un commissariat ou un centre de détention. «Dans la Juridiction de chaque cour d’appel, il
sera formé un tribunal pour enfant » c’est ce que stipule l’article 18 du décret du 7 septembre
1961 instituant et organisant le tribunal pour enfants et le décret du 20 Novembre 1961
établissant près le tribunal Civil de Port-au-Prince une section spéciale, définie tribunal pour
enfants, chargé de connaitre, suivant les normes prévues par la Loi des délits et crimes
reprochés au mineur de moins de 16 ans puisque chez nous la majorité pénale est de 16 ans.
Malgré tout, les mineurs passent en moyenne 2 à 4 ans sans être jugés ce qui peut entraîner
leur transfert vers des prisons pour adultes arrivés à la majorité. N’ayant qu’une seule prison
séparée des adultes pour ces enfants située à Delmas 33 dans le département de l’Ouest, le
Centre de Rééducation des Mineurs en Conflit avec la Loi (CERMICOL), les mineurs arrêtés dans
des endroits reculés de la capitale sont souvent logés pendant plusieurs mois avec des adultes,
ce qui est contraire aux normes applicables à l’intérêt supérieur de l’enfant et au risque d’être
victimes d’abus et de discrimination.
Bien qu’il soit l’un des centres carcéraux le mieux entretenu du pays, l’approvisionnement,
la qualité des aliments servis, sont autant de problème que confronte le personnel du
CERMICOL. L’exécution de projet scolaire, socioculturel de réinsertion et de réhabilitation
dépendent en grande partie d’organisation à but non lucratif.
Le CERMICOL, à l’heure de la rédaction de ce rapport, comprend un effectif de 120 mineurs
en conflit avec la loi et ces derniers jouissent d’un régime de détention propre à leur statut, par
exemple : leur scolarisation. Le CERMICOL comprend des classes allant de la première à la
neuvième année fondamentale.
Même en s’engageant pour la protection de l’enfance, à travers ses législations et en
signant des conventions internationales, Haïti ne priorise toujours pas l’intérêt supérieur de
l’enfant. Aussi peut-on constater amèrement la vulnérabilité des mineurs en conflit avec la loi.
(CERMICOL).
IMED: Rapport sur le Système Carcéral Haïtien 13/12/2017 Page 39/ 54
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Des mineurs en Haiti se trouvent en prison pour des raisons allant du vol d’un sac d’oranges
à des infractions sévères, mais tous ils sont gardés pendant une durée illégale avant d’être
jugés. Alors qu’ils sont en plein developpement, garder des mineurs sans pouvoir les proposer
une formation adéquate pouvant en faire des adultes fonctionnels est un acte qui ne convient
pas aux prescrits de La Convention des Nations Unies relative aux droits de l’enfant qui stipule
à l’article 37 (b) que : “nul enfant ne doit être privé de liberté de façon illégale ou arbitraire.
L’arrestation, la détention ou l’emprisonnement d’un enfant doit être en conformité avec la loi,
n’être qu’une mesure de dernier ressort et être d’une durée aussi brève que possible.
Traitement des personnes du troisième âge
Les personnes âgées de la population carcérale sont particulièrement vulnérables. Logées
dans les mêmes cellules pour la plupart du temps, elles bénéficient relativement de quelques
heures de répit supplémentaires sur la cour des centres carcéraux. Le plus souvent elles
souffrent de certaines maladies dégénératives chroniques et de leurs complications telles que :
l’hypertension, le diabète, le glaucome, la cécité, arthrose et autres. La plupart du temps, on les
confie des tâches ménagères. Les détenus âgés subissent la maltraitance des plus vaillants.
Celles à mobilité réduite ont des difficultés d’accès aux étages des bâtiments et ne sont pas
capable de satisfaire leurs besoins physiologiques de façon autonome. L’accessibilité aux soins
de santé s’avère difficile pour eux.
Traitement des personnes à mobilité réduite
Haïti a ratifié la Convention relative aux droits des personnes handicapées le 23 juillet
2009. Et en la faisant, elle a adhéré aux obligations de mettre en œuvre toutes les mesures
visant le bien-être des handicapés et l’éradication des pratiques discriminatoires à leur
encontre. Cependant les prisons haitiennes demeurent un espace inappropriée pour le
logement de cette catégorie. Les ressources humaines spécialisées (thérapeute,
physiothérapeute, et autres personnels offrant des services de réhabilitation). Certaines
organisations s’occupent de leurs diètes (FOOD FOR THE POOR). Ces individus sont pour la
plupart du temps à la merci d’autres.
En dépit de leur vulnérabilité, les personnes à mobilité réduite ne bénéficient pas d’une
attention particulière. En outre les mauvaises conditions du milieu carcéral peuvent provoquer
et aggraver les handicaps préexistants. L’absence de leur autonomie et le manque
d’infrastructure les tiennent à la merci de leurs compagnons pour l’accomplissement de leurs
activités quotidiennes (accès aux toilettes, douches, cour).
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Cependant, grâce à l’aide de certaines organisations, certains handicapés ont pu
bénéficier d’équipements (de chaises roulantes, de béquilles), d’aliments nutritifs et complets,
nécessaires à leurs organisme.
Traitement des individus analphabètes vs les scolarisés
Le niveau scolaire a une certaine importance en milieu carcéral. Évalué minoritaire pour
les hommes, les individus sachant lire et écrire correctement, ou ayant la capacité de
s’exprimer en langue étrangère bénéficie d’un certain égard grâce à cet atout qui les rend apte
à accomplir des tâches intellectuelles. Ils assistent alors les médecins, les organisations non
gouvernementales, les infirmières, les greffiers, les agents pénitentiaires et autres en exécutant
certains travaux. Ils aident aussi leurs compagnons de cellules en lisant leurs missives et en
rédigeant des messages écrits pour des sommes variant entre 25 à 75 gourdes.
Les individus analphabètes sont au contraire dirigés vers des travaux plus manuels, dont
les tâches culinaires, de distribution de nourriture et autres. On y compte le plus souvent des
chauffeurs, mécaniciens, commerçants ou ceux en provenance des milieux ruraux et des
ghettos.
Traitement des Étrangers
Le traitement fait aux étrangers dans le milieu carcéral haïtien n’est pas différent des
autres, sauf qu’ils sont moins enclin à la violence policière par peur de représailles. Souvent
soutenu par leurs agents consulaires, ils bénéficient d’une attention particulière et de suivi
juridique constant. Il est à noter toutefois, qu’ils expérimentent une absence de support
linguistique, et de traducteur.
Traitement des condamnés
La prison de fort -Liberté reçoit exclusivement des condamnés. Ils jouissent d’une
formation professionnelle en plomberie et en agriculture. Ils travaillent dans des fermes
agricoles et produisent des légumes pour la consommation interne du centre. Hormis cette
structure, les condamnés ne sont pas placés dans des centres de détention séparés ou seul le
port de vêtements spéciaux les différencie des autres détenus.
Il n’est élaboré aucun programme de réhabilitation à leur intention de ce fait ne sont
pas productifs. À cause de leur ancienneté, ils remplissent des rôles de majors, de geôliers et
autres.
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Traitement des détenus Policiers et autres
Force est de constater que certains individus connus, d’anciens hommes politiques, des
agents de police occupent des cellules distinctes. Selon la Direction de l’Administration
Pénitentiaire (DAP), le statut social de ces personnes exposerait leurs vies à la méchanceté des
autres, et de plus, en ne côtoyant pas nombre de détenus, ils sont moins aptes à provoquer des
émeutes, ou à les soudoyer.
Hygiène et assainissement
Les environnements des prisons sont malsains. Il est démontré que les problèmes
d’infrastructure et d’architecture favorisent l’insalubrité des prisons et que le surpeuplement
contribue à une dégradation plus rapide des équipements carcéraux.
L’IMED a noté que :
- L’inaccessibilité du soleil dans plusieurs cellules
- L’insuffisance de ventilation artificielle et naturelle
- Le manque de canalisation des eaux usées et l’entassement des individus source de
moisissure intense qui en fait un espace humide et encrassé
- Les détenus dépendent de leurs parents et des groupes de religieux qui viennent prier
appelé «Charité» pour recevoir des produits hygiéniques, des articles de toilettes et des
vêtements propres. Sans cela, ils peuvent passer des jours voire des semaines sans soins
corporels.
- Les détenus se baignent entre une à deux (1 à 2) fois par jour. Mais certaines
circonstances peuvent exiger que l’heure du bain soit annulée pendant plusieurs jours.
Quand cette situation se présente, l’odeur corporelle des hommes devient insoutenable
et les femmes se plaignent de leur hygiène intime, surtout pendant leurs menstruations.
- Dans certaines prisons, la cour ou la toiture sert de douche, et quand les installations de
douches existent, elles sont insuffisantes et mal aménagées. Le rasage de la chevelure et
de la barbe se fait entre les détenus au bon gré des gardiens de cellule avec quelques
gilettes disponibles pour toute la population carcérale.
- Les cellules des prisons ayant été conçues initialement pour 2 à 4 personnes elles sont
dotées quelques fois de cabinets de toilette. A l’heure actuelle, avec ce nombre ronflant
de détenus par cellule ces cabinets sont hors d’usage principalement parce qu’elles sont
bouchées ou par manque d’eau pour procéder à leur vidange. Un sceau est placé dans
ces cellules dans lequel ces individus y évacuent les matières fécales, leurs urines et
même leurs vomissures sous le regard des autres. Quand il n’est pas possible d’accéder
au sceau placé à cet effet, ils feront leur besoin dans un sachet qu’ils lanceront à
distance pour atteindre le sceau. Cette pratique communément appelée basket,
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engendre parfois des conflits quand le sachet n’aboutit pas dans le sceau mais sur un
autre détenu. Pour les cellules ne disposant pas de sceaux ou dont les sceaux, trop
remplis n’ont pas été vidés pendant des jours, il existe un autre moyen très courant de
se débarrasser des sachets d’excrétion est la parachute qui consiste à les envoyer sur la
cour de la prison. Une fois lancés, ils peuvent passer des jours, voire des semaines à
trainer sur la cour des établissements. Ces sachets d’excréments sont parfois reservés
pour lancer sur des personnages haut placés qui fréquentent les prisons, en vue
d’exprimer leurs frustrations et leur colère.
Cette situation rend indigne la rudesse des tâches ménagères attribuées à certains détenus.
Il est un fait indéniable que l’absence et la défectuosité des installations sanitaires ne
permettent pas aux détenus de satisfaire leurs besoins physiologiques décemment quand ils le
souhaitent. Cette situation carcérale est l’une des pires qui traduise le traitement inhumain et
dégradant dont les détenus sont l’objet dans les prisons haïtiennes.
Santé
Selon le Pacte International Relatif aux Droits Civils et Politiques (article 7) et de la
Convention contre la torture, le fait de ne pas fournir de soins de santé adéquats aux détenus
peut constituer une violation de l'interdiction absolue de la torture et des autres peines ou
traitements cruels, inhumains ou dégradants. De ce fait les responsables de l’application des
lois et les autorités pénitentiaires doivent veiller à protéger incessemment la santé des
personnes qu’ils détiennent en leur procurant des soins médicaux de qualité et gratuits, sans
discrimination, en étroite collaboration avec les services de santé nationaux.
Dans les prisons haïtiennes, les problèmes de santé sont nombreux et variés, et peuvent
même affecter la communauté extérieure
L’IMED a noté que :
- L’une des conséquences néfastes du surpeuplement des prisons est la transmission de
certaines maladies aux membres du personnel penitentiaire et à leurs familles, aux
visiteurs ou à leurs proches lors de leur libération.
- comme le VIH/SIDA et l’hépatite, la tuberculose, le choléra, les affections cutanées.
Aussi bien l’aggravation d’asthme et d’autres troubles respiratoires.
- Les décès surviennent principalement des cas de maladies susmentionnées.
- Le manque de sommeil affaiblit l’organisme et la fonction cognitive, émotive, et
psychologique des détenus. En effet, la literie commune, souvent nauséabonde et sale,
les conditions carcérales favorisent une augmentation de pathologies infectieuses,
transmissibles et contagieuses. Les autres dorment debout, assis ou dans un drap amaré
dans les fers des fenêtres en forme de hamac.
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- Un couloir modifié par la Health through Walls abrite les tuberculeux.
- Les pratiques restrictives liées aux besoins en soin médicaux des détenus ne sont pas
restées sans effet négatifs. En effet, sauf en cas d’extrême urgence, les détenus peuvent
être admis au dispensaire. Pour la consultation, une liste de détenu est préétabli à partir
de laquelle les agents de la DAP choisissent en fonction de la chronologie de la
demande. Un détenu peut donc avoir accès à une consultation médicale 3 mois après
avoir inscrit son nom sur la liste d’attente tenue par les majors des cellules.
- Certains malades qui ont besoin de soins spéciaux, sont transferés dans des hopitaux
sous la garde des policiers de la DAP. Généralement muni d’un papier qui les identifie
comme une entité étatique, les hôpitaux privés ne les recoivent plus suite aux dettes
déjà accumulées par l’Etat au sein de leurs institutions. Dans les hôpitaux publics, les
proches des prisonniers leurs apportent les ressources nécessaires pour payer les frais
d’examen de laboratoire, des médicaments et autres. Au cas où les parents ne se
présenteraient pas, l’agent de la DAP selon ses moyens peut aider le détenu à payer ces
soins, ou alors ils retournent en prison sans les résultats d’examen ou les médicaments
prescrits.
Alimentation
L’anémie sévère et le béribéri sont des pathologies très répandues dans les prisons. Et
pour cause, l’alimentation non équilibrée et irrégulière donnée aux détenus en proportion
insatisfaisante.
L’IMED a noté :
1) la consommation abusive de riz sans accompagnement approprié (pas de pois potagers,
de viande, légumes, et d’autres produits riches en protéine)
2) la cuisson des aliments sans condiments nécessaires à leur préparation (du maïs cuits
sans huile)
3) le retard fréquent dans le service des aliments dû surtout au manque de propane.
4) La présence d’insectes, l’odeur moisie des nourritures avariées.
5) La consommation d’aliments à moitié cuits.
6) Le refus des centres d’accepter certains aliments de la part des proches nuisent à
l’alimentation des détenus.
7) Les détenus, principalement ceux de la prison de Carrefour, se plaignent d’une pratique
répandue dans les cuisines des prisons qui consistent à donner à des détenus la
nourriture les plus appétissantes et nutritives en échange d’argent fourni par eux ou des
membres de leurs familles au détriment des autres.
8) L’eau potable est pourvue par les détenus ou leurs proches. Sans eau potable, ceux-ci
consomment l’eau de bain traitée à l’aide d’un filtre placé dans certaines prisons.
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9) Certains détenus reçoivent de la nourriture de leurs proches, ces derniers sont tenus à
des fouilles corporelles et sont toujours astreints à gouter le plat apporté. Un moyen
pour la DAP de prevenir l’empoisonnement.
Réhabilitation
Compte tenu du faible niveau de formation de la population incarcérée, l’enseignement
devrait être la base de tout processus de réinsertion. En effet, sur un échantillon de 50 individus
de profils confondus choisi sur une base aléatoire, 14 ne savent ni lire ni écrire, 13 d’entre eux
n’ont pas dépassé le niveau de certificat d’étude primaire, 17 n’ont pas eu leur baccalauréat et
6 avaient une formation professionnelle universitaire. La DAP décerne des autorisations à
nombreuses organisations religieuses, sociales et de droits humains qui travaillent dans les
différentes prisons du pays et signent des partenariats avec des organisations non
gouvernementales et internationales, des missions de l’ONU et autres en vue de mener à bien
des projets et pour soutenir la vie carcérale en Haïti. Dans un Etat qui s’est prouvé incapable
d’assumer ses responsabilités régaliennes, certaines de ces organisations suppléent à l’État en
organisant par moment des activités d’apprentissage. La prison des femmes et le CERMICOL en
sont de grands bénéficiaires. On y apprend la couture, l’artisanat, l’informatique.
L’IMED a noté que :
- Dans certaines prisons d’Haïti, les détenus n’ont pas droit de sortir des cellules, ils sont
donc cloisonnés pendant des mois entiers, voire des années dans une cellule sans
recréation, et dans d’autres prisons, les heures de recréation sont aléatoires. Dans les
deux cas l’inactivité en prison rend les détenus improductifs et les exposent à l’oisiveté
et l’ennui.
- La prison des femmes, celle de Fort-Liberté et le CERMICOL sont les uniques centres de
détention où les détenus entreprennent une activité professionnelle. Il est intéressant
de noter que ces femmes organisent des foires durant lesquels elles vendent leurs
produits artisanaux. La prison de Fort Liberté pratique la production de légumes et les
centres pour mineurs donnent une formation académique, quelques fois interrompue
par le manque de ressources. La promotion 2015-2016 de la 9ème année fondamentale
au CERMICOL a eu un pourcentage de réussite de 100% aux examens officiels. Ces
formations sont à la charge de certaines Organisations Non Gouvernementales.
- L’assistance sociale penitentiaire et post penitentiaire est inexistante. Les criminels
(hommes et femmes) ne font pas l’objet de suivi psychologique ni psychiatrique
soutenue.
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- Les femmes détenues sont plus stigmatisées que les hommes, certaines familles laissent
croire aux voisins qu’elles ont voyagé, et dans la plupart des cas elles sont obligées de
fuir leur communauté à leur libération.
- Les travaux quotidiens des détenus n’ont pas pour but de les aider à se réhabiliter. Ils
sont simplement assignés par l’administration pénitentiaire au service général en
participant au fonctionnement et à l’entretien de la prison (cuisine, nettoyage,
plomberie, etc.), en classant les dossiers des détenus ou en assistant le personnel de
certaines organisations en matière de santé.
- Les détenus sont toujours très interessés aux formations, et parfois ils en organisent
eux-mêmes. Certains détenus detiennent un diplôme ou une certification à l’issue des
formations.
- Dans certaines prisons, la configuration des lieux ou le surpeuplement limitent
cependant l’accès aux activités. Des exigences de sécurité (nombre limité de places par
activité, manque de surveillants, etc.) peuvent aussi être un obstacle.
-
- Autrefois, le sport occupait une place importante en détention. Il était parfois l’unique
activité des détenus. La PCPAP organisait des activités physiques et sportives (football,
musculation, basket, etc.) sous la responsabilité de surveillants-moniteurs de sport. Une
telle pratique n’existe plus pour de multiple raisons dont le changement d’architecture
des bâtiments, surpopulation de l’établissement, et manque de programmation).
La situation actuelle des prisons et le manque de ressources ne permettent pas à cette
institution de répondre à sa triple mission qui est celle de garder, de réhabiliter et de réinsérer.
La mission de la réhabilitation devait passer par des journées d’activité bien remplies par la
formation, le travail, la récréation, les heures de visite puis le repos. Un principe violé en Haïti
avec des conséquences néfastes.
En définitive, la prison haïtienne garde dans ses locaux des individus qui seront pour la
plupart ni réhabiliter ni réinsérer. Au contraire, ils en sortent malades, dérangés et deviennent
marginalisés. Sans un métier, ils courent le risque de la récidive ou, s’ils étaient innocents, le
risque de former ou d’intégrer son gang, de mettre en pratique ce qu’ils ont appris de ses
professeurs du crime.
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Surpopulation carcérale
L’une des plaies qui rongent la chaine pénale c’est la détention préventive prolongée, cette
situation préoccupe tous les secteurs de la société. Elle met à nu la faiblesse du système
judiciaire aussi bien qu’une absence de volonté politique des autres pouvoirs. Bien que tout un
chacun préconise d’une manière ou d’une autre des solutions a ce mal, son éradication n’est
pas pour demain la veille. Une panoplie de facteurs semble en être responsable.
a) Détention préventive prolongée
On entend par détention préventive prolongée l’irrespect des délais légaux
b) L’arrestation de masse (Arimaj)
La Déclaration Universelle des Droits de l'Homme et du Citoyen proclame que " nul homme
ne peut être accusé, arrêté ou détenu que dans les cas déterminés par la loi et selon les formes
qu'elle a prescrites ".
Les incidents en milieu carcéral
A) La torture
La torture est définie comme « tout acte par lequel une douleur ou des souffrances aiguës,
physiques ou mentales, sont intentionnellement infligées à une personne aux fins notamment
d’obtenir des renseignements, de la punir, de l’intimider, ou pour tout autre motif par un agent
de la fonction publique agissant à titre officiel tacitement ou publiquement. La torture
constitue une forme aggravée et délibérée de peines ou de traitements cruels, inhumains ou
dégradants» De cette appréhension du terme, nous pouvons prendre le cas d’André
Markerson, décédé après avoir été sévèrement battu lors de sa garde à vue, le 6 avril 2011,
dans la commune de Cité Soleil.
B) les troubles
Le moindre inconvénient peut être source de bagarres ou d’émeutes. Dans le premier cas,
les détenus s’entredéchirent entre eux sous l’œil parfois impuissant du personnel pénitentiaire
et les applaudissements des autres détenus. Séparés, par la suite ils feront tous deux l’objet de
sanctions souvent dégradantes.
Les émeutes en prison peuvent résulter de plusieurs éléments qui sont la faim, la colère
qu’entrainent la détention préventive prolongée, leurs conditions épouvantables de détention
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et la mort d’un camarade de cellules. Calmés à temps, ces émeutes limitent les risques
d’évasion et de meurtres. Par ailleurs des prises d’otage du personnel pénitentiaire sont parfois
recensées.
C) Les punitions
La dureté des sanctions disciplinaires des prisons met le personnel en péril continu, celui-ci
souvent frustré répond à l’indiscipline avec exagération. Durant les tentatives d’évasion, dans le
cas des vengeances d’un affront fait à un policier ou à ses proches, des blessures graves
peuvent être infligées aux détenus, entraînant leurs décès. C’est le cas de Kervens mort à la
Prison Civile de Port-au-Prince (PCPAP) suite aux coups assenés par des policiers de Petit Goâve
car le détenu était arrêté pour meurtre d’un agent de police.
L’Isolement c’est (séparation des autres prisonniers) l’absence de contacts avec le monde
extérieur.
Les peines corporelles ont souvent affecté la santé physique et mentale des détenus, aussi
compte t-on des cas de surdité, de fortes céphalées, des côtes fracturées, des douleurs
musculaires intenses suite à des bastonnades du personnel penitentiaire. La mise au cachot
infligée aux détenus est aussi bien une peine inhumaine et dégradante dont ils font l’objet.
Par crainte de revanche ou d’autres effets pervers, les détenus n’osent jamais porter plainte
contre un agent de police qu’importe la gravité de la situation. Les détenus se sont plaint de la
violence dont ils étaient l’objet lors des précédentes administrations, les directeurs peu
patients favorisaient l’utilisation abusive de la force, la situation a amélioré quelque mois après
avec la présence d un nouveau directeur détaché spécialement pour la stabilisation de cet état
de fait.
Souvent la bonne conduite et la coopération de la part des détenus sont aussi encouragées
par un système de privilèges allant de plus de liberté sur la cour de détention à leur
participation comme auxiliaires à certaines activités.
b) Décès
La plupart des cas de décès sont le résultat de maladies contagieuses liées à la promiscuité
et le manque de soin et d’alimentation. Les cas de suicide sont très rare et ne concernent la
plupart du temps que des détenus en attente de jugement.
D’octobre 2016 à février 2017, des funérailles publiques de détenus décédés, à l’intérieur
des centres carcéraux, en dépit de leur caractère démagogique, ont en partie contribué à
alerter l’opinion publique sur le danger que représente le système carcéral.
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Système judiciaire
Cette partie de notre étude se voue à poser les problèmes que causent la justice au
système carcéral haïtien. Nous ne prétendons présenter un travail exhaustif sur la justice, mais
un travail spécifique au cas des prisons.
Le contrôle judiciaire de la détention sert à garantir le droit de chacun à la liberté et,
dans les affaires pénales, le principe de la présomption d’innocence. Il a également pour but
d’empêcher les violations des droits humains. Certaines protections n’existent que dans le
droit, mais pas dans la pratique de celui-ci.
Le système judiciaire haïtien est administré par deux entités :
Le Ministère de la Justice et de la Sécurité Publique (MJSP) qui contrôle les parquets et
le Conseil Supérieur du Pouvoir Judiciaire (CSPJ) qui gère les tribunaux.
Failles législatives et dysfonctionnements
L’objectif premier de la justice est de rendre justice a qui justice est due
Aussi, tout dysfonctionnement, toute faille entraine inévitablement une injustice. A
cause d’un manque de personnels compétents, de ressources matérielles et d’une volonté
politique, le système judicaire haïtien ne répond pas à sa mission. De plus elle reflète ce clivage
qui caractérise le système traditionnel haïtien : une justice à deux vitesses. Il faut tout aussi
bien mentionner que le pouvoir judiciaire fait figure de parent pauvre au sein du budget
national récemment élaboré et voté par les deux autres pouvoirs ce qui prouve que La justice
n’a jamais été une priorité en Haïti.
Les ressources
L IMED a noté que :
c) Dans la plupart des juridictions du pays les infrastructures logeant les bâtisses des
tribunaux sont exigües incommodes et en vétustes. Qui pis est les meubles sont en
mauvaise états et dans certains endroits inexistants. Il faut tout aussi bien souligner que
lors d’un procès le personnel se voit contraint d’utiliser les torches, les bougies comme
source d’énergies en lieu et place de l'électricité. En outre les bureaux ne disposent pas
d’ordinateurs, d’internet et de téléphones.
d) Les tiroirs à dossier sont excessivement remplis et beaucoup de personnes y ont accès,
ce qui contribue à la disparition très fréquente des dossiers et /ou des modifications
significatives. Cette situation combinée avec le manque de soutien du Ministère de la
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justice et de la Sécurité Publique, accroît le sentiment global d’indifférence qui règne
parmi le personnel judiciaire.
e) L’encombrement de l’espace par des pièces à convictions qui ne sont pas gardé selon les
vœux de la loi.
f) Les salaires inappropriés, les manques d'avantages sociaux engendrent une perte de
motivation du coté des employés, et du même coup les expose à accepter les offres
indues.
g) La compétence juridique n’est pas le premier facteur d’employabilité.
h) Le manque de formation des magistrats dont certains ne savent même pas lire.
Toute personne placée en détention dans l’attente de son jugement a droit à ce que la
procédure dont elle fait l’objet soit menée avec une rapidité particulière et dans les meilleurs
délais. Si elle n’est pas traduite en justice dans un délai raisonnable, elle a le droit d’être remise
en liberté en attendant l’ouverture de son procès. La Cour interaméricaine des Droits de
l’Homme a précisé « qu’une détention provisoire d’une durée excessive ou non justifiée pouvait
constituer une violation du principe de la présomption d’innocence, car elle témoignerait de
l’anticipation d’une condamnation avant le procès. Elle a insisté sur le caractère préventif, et
non punitif, de la détention provisoire qui ne doit pas dépasser les limites strictement
nécessaires… ».
Nous traitons de la détention préventive prolongée dans le chapitre du système judiciaire parce
que toute détention doit être ordonnée par un juge. Nous n’excluons pas la garde à vue dans
les postes de police.
L’IMED a noté que :
a) La cause première de la détention préventive prolongée est l'inaction des autorités
judiciaires.
b) L’absence de la tenue régulière des audiences criminelles et correctionnelles a provoqué
une inflation carcérale galopante.
c) L’absence d’un mécanisme central qui permettrait aux autorités de consigner la date
d’incarcération et de libération des détenus.
d) Les grèves se révèlent très préjudiciables au bon fonctionnement du système judiciaire
déjà affaibli.
e) La pauvreté de l’arsenal des peines mises à la disposition du juge par la loi au moment
du jugement est une cause principale du taux élevés d’incarcération.
f) Les audiences sont souvent renvoyées quand les avocats de la défense n’ont pas eu le
temps de préparer leurs dossiers.
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Les irrégularités
Pour éviter toutes irrégularités, les autorités qui arrêtent une personne, la maintiennent
en détention ou instruisent son affaire doivent exercer strictement les pouvoirs qui leur ont été
conférés par la loi, et l’exercice de ces pouvoirs doit être contrôlé par une autorité judiciaire.
L’IMED a noté que :
a) Les agents de police outrepassent leurs droits.
b) Les pressions qu’exercent les autorités législatives et exécutives ont souvent diminué le
rôle du pouvoir judiciaire au détriment du principe de séparation des pouvoirs. Cette
situation illégale entraine la partialité de quelque magistrat dans le traitement de
certains dossiers.
L’IMED a noté que les juges sont préoccupés par :
a) Les répercussions que peuvent avoir leurs décisions sur leur renouvellement de mandat.
b) Les réactions politiques suscitées par leurs décisions.
c) La distribution des affaires qui ne se font pas toujours de manière objective.
IMED constate que
a) Les mainlevées, mesure de liberté provisoire pendant que se poursuit l’instruction et en
l’attente du procès, sont uniquement accordées aux proches du pouvoir.
b) Les avocats commis d’office ne représentent pas valablement les accusés.
c) Les avocats, les juges et autres ne sont pas protégés malgré les menaces proférées à
leurs endroits dans l’exercice de leurs fonction.
IMED déplore :
a) Le manque de programme de formation continue des magistrats
b) L’absence de contrôle judiciaire périodique évidente
c) L’incompétence et négligence de certains magistrats.
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Conclusion
La détention préventive prolongée, des dossiers égarés, un appareil judiciaire corrompu,
l’insalubrité, le manque de soins de santé, des décès répétés et d’incessantes évasions sont
autant d’éléments inscrits au bilan du système carcéral haïtien. Prétextant l’instabilité politique
et le manque de ressources, l’État haïtien se soustrait de ses obligations à traiter les prisonniers
avec humanitude et respect.
L’objectif de l’emprisonnement est d’exécuter avec tout le respect dû à la personne une
peine prononcée par un juge. Cette peine est une forme de punition qui prive quelqu’un de sa
liberté, mais non pas de ses droits fondamentaux et de sa dignité. Or en Haïti, l’incarcération
porte atteinte à la vie, à l’intégrité des individus en les soumettant à des indignations. Elle
compromet leur développement physique et intellectuel, en les exposant à des maladies
infectieuses, contagieuses et transmissibles tout en implantant en eux un sentiment d’inutilité.
Les conditions de détention et le traitement infligé au prisonnier en Haïti ne répondent
en rien aux normes internationales qui fixent les principes directeurs relatifs au traitement des
prisonniers dans le respect de la dignité humaine. Leurs droits ne sont pas protégés, et les
restrictions alimentaires, sanitaires, l’absence de l’assistance juridique rendent leur
incarcération atroce alors que celle-ci devait favoriser parallèlement leur réinsertion et leur
réhabilitation.
Les prisonniers sont pourtant l’objet de traitements cruels, inhumains et dégradants.
L’État, responsable du bien- être physique et mental des prisonniers placés sous sa garde,
compromet leurs avenirs.
La création ou l’aménagement de centres de détention ne doivent pas se faire suivant la
croissance du nombre d’admission car cette pratique flatte le laxisme judiciaire. Au contraire, le
système judicaire doit être muni d’un mécanisme qui rend le jugement des individus ponctuels
et équitables, et pour cela, il faut imposer une réforme complète dans les durées établies pour
l’action judiciaire et prévoir un éventail plus large de peines non privatives de liberté et la
dépénalisation de certains actes.
Sachant que le respect des Droits de l’Homme est un aspect fondamental de la
démocratie, l’État républicain doit offrir une atmosphère beaucoup plus humaine à ses
détenus.
Sur ce, l’Institut Mobile d’Éducation Démocratique (IMED) croit nécessaire d’attirer
l’attention du gouvernement haïtien, les organisations internationales, les organisations de
Droits Humains sur la situation d’extrême urgence qui sévit dans les prisons haïtiennes. Les
prisons ne sont pas un lieu de rejet des déchets sociaux ou les incarcérés se font violer en
permanence leurs droits les plus élémentaires. Elles doivent faire l’objet de politique publique
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qui leur permette de bénéficier du soutien nécessaire à leur bonne marche suivant les priorités
d’actions recensées.
La prison haïtienne peut jouer un rôle important et productif dans le combat contre la
criminalité et l’insécurité si son développement devient une priorité. L’état actuel de nos
prisons représente une force dissuasive suffisante pour forcer les trois pouvoirs à adopter de
nouvelles lois, élaborer de nouvelles politiques et apporter des réponses appropriées aux
missions de la Direction de l’Administration Pénitentiaire (DAP).
De telles missions consistent à :
a) Protéger la société en gardant les individus susceptibles de nuire à la sécurité et à la
sureté publique suivant les sanctions prononcées par la justice.
b) Favoriser la réhabilitation de l’individu puis sa réinsertion en vue d’éviter la récidive, de
faciliter son réintégration et d’en faire un citoyen utile et productif.
Droit de porter plainte
Le droit de porter plainte et de former un recours en cas de mauvais traitements, de
mauvaises conditions de détention ou de contester l’illégalité de la détention reste un vœu
pieux.
Combien de familles ont dénoncé les décès non élucidés de leurs proches en prison?
Combien d’anciens détenus ont porté plainte contre l’État pour les années de détentions
arbitraires qu’ils ont passé en prison?
Combien d’anciens prisonniers ont, après leurs libérations, élevé la voix contre la nourriture
avariée et l’insalubrité des prisons?
Combien de magistrats ont véritablement lutté contre la corruption du système judiciaire?
Combien de parents ont refusé de soudoyer un juge avec la certitude que la justice agira
conformément au droit de chacun ?
Conformément aux mœurs, aux us et à nos coutumes, l’haïtien se résigne.
- Il est victime, il se résigne,
- Sa sécurité est menacée il se résigne,
- Les murs croulants du PCPAP peuvent tomber, il se résigne.
Il est important d’attirer l’attention de tous sur la passivité de la société face à cette
problématique. C’est de ce je-m’en-foutisme que sont venus les manquements de l’État face à
ses obligations.
IMED: Rapport sur le Système Carcéral Haïtien 13/12/2017 Page 53/ 54
3, Impasse Damas Delmas 19, Haïti. Tel : (509)3454-0332/ 3784-7966 Email : [email protected]. Site Web : www.imedhaiti.org
Autant que nous pouvons incriminer l’État pour son irresponsabilité à l’égard des prisons
haïtiennes, autant Il est important d’attirer l’attention de tous sur la passivité de la société civile
face à cette problématique. En effet, dans son mode d’organisation politique et sociale, la
prison en Haïti est considérée comme un point négligeable et négligé. De tous les présidents,
premiers ministres, parlementaires et autres, d’aucun n’a prêté une attention soutenue à la
situation carcérale, aucun plan pour lutter contre la déshumanisation des détenus, aucun
programme de réhabilitation et de réinsertion sociale, l’État maintient l’existence d’un système
carcéral infernal et indigne, et les haïtiens l’acceptent, ou du moins, ils se résignent.
La justice haïtienne est perçu comme ‘’une toile d’araignée, qui attrape les mouches, mais
que l’oiseau déchire’’. Divers faits ont montré que seul le pouvoir économique et les contacts
politiques vous mettent à l’abri des problèmes de la justice. La totalité de population se plaint
de la malhonnêteté des juges, des avocats, des greffiers, des huissiers et des policiers qui
pratiquent la corruption à grande échelle. La corruption du système judiciaire haïtien est telle
que toute décision prise par une autorité attire la suspicion de l’opinion publique.
IMED: Rapport sur le Système Carcéral Haïtien 13/12/2017 Page 54/ 54
3, Impasse Damas Delmas 19, Haïti. Tel : (509)3454-0332/ 3784-7966 Email : [email protected]. Site Web : www.imedhaiti.org
Recommandations
Aussi amer que soit le constat, la situation n’est pas irréversible, mais pour la changer,
les différents acteurs de l’état et de la société civile se doivent d’être imprégnés d’une grande
culture démocratique pour que le respect des droits et de la dignité humaine soient valorisées.
Il faut une volonté collective dans le combat contre la corruption et la mauvaise gouvernance
digne d’un véritable état de droit.
L’Institut Mobile d’Éducation Démocratique (IMED) plaide pour une pleine autonomie
de la Direction de l’Administration Pénitentiaire (DAP) avec un devoir de reddition de compte
ce, pour une bonne transparence. La négligence portée à la situation carcérale met en évidence
une absence de responsabilité régalienne des autorités.
- Les vides juridiques,
- Les législations inappropriées
Sont autant de preuves que ce système nécessite une réforme en profondeur. La
société civile se doit de briser sa léthargie et de développer une vigilance citoyenne face à cet
état de fait, ce, pour le triomphe d’un état de droit véritable.
Les organisations de droits humains doivent continuer à dénoncer et accompagner les
détenus dans les limites prévues par les lois de la république et les principes énoncés dans la
Déclaration Universelle des Droits de l’Homme.
La construction de nouvelles prisons n’est pas la solution première à la surpopulation
carcérale, mais elle résoudra la question des infrastructures vétustes et dégradantes. Il est
impératif pour l’Etat de travailler à la réduction de la taille de sa population carcérale en
favorisant la tenue rapide des procès des détenus, en privilégiant des peines alternatives à
l’incarcération et en développant les programmes de libération conditionnelle.
Il serait grand temps que notre système puisse s’inspirer de certaines idées novatrices
adoptées dans d’autres pays de façon à diminuer la charge que représentent les prisons pour
l’Etat.