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1 LES CHEMINS DU PAYSAGE, LE PAYSAGE DES CHEMINS RAPPORT DE SYNTHESE DU SEMINAIRE RENNES - 24, 25 ET 26 JUIN 2009 MATHILDE MANCEAU Coordinatrice du séminaire Laboratoire Costel - UMR LETG 6554 - Université Rennes 2

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LES CHEMINS DU PAYSAGE,

LE PAYSAGE DES CHEMINS

RAPPORT DE SYNTHESE DU SEMINAIRE

RENNES - 24, 25 ET 26 JUIN 2009

MATHILDE MANCEAU

Coordinatrice du séminaire

Laboratoire Costel - UMR LETG 6554 - Université Rennes 2

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SOMMAIRE

I. Les chemins du paysage, le paysage des chemins 4

A. Présentation du programme de recherche 4

B. L'intégration sociale des chemins et de leurs réseaux 5

C. La dynamique spatiale des réseaux de chemins 7

D. Les réseaux de circulation agricole : des territoires aux paysages 10

E. Diversité des pratiques d’entretien des bords de chemins et de routes 12

F. L’effet des activités humaines sur la végétation herbacée des bordures de routes et chemins 14

G. Les chemins, porte ouverte sur l’espace agricole 17

II. Les chemins du paysage et le paysage des chemins au quotidien 21

A. La qualité et la variété des paysages, des critères essentiels pour la création d'itinéraires de randonnées 21

B. L'homme, le paysage, la randonnée 23

C. Aperçu de la gestion des chemins par la communauté de communes du Pays de Bécherel 25

1. Plantation de haie sur talus en bordure d’un chemin de randonnée 26 2. L'entretien des chemins de randonnées par un chantier d'insertion 27

D. La zone atelier de Pleine-Fougères 28

1. L’effet des activités humaines sur la végétation herbacée des bordures de routes et chemins observé

sur le terrain 28 2. La valorisation des chemins de randonnée par la communauté de communes de la Baie du Mont

Saint-Michel 29

III. Les chemins du paysage et le paysage des chemins à l'étranger 31

A. La matérialisation de la vitesse : l'analyse d'un siècle de modification du paysage dans une aire périurbaine dans le sud de la Suède 31

B. La réappropriation des chemins oubliés en Belgique 32

IV. Programme Paysage et développement durable : les autres projets en interaction 35

A. Les trames vertes dans les paysages : fonctions sociales et écologiques 35

B. L'organisation de l'entretien de la voirie locale en milieu rural 38

BIBLIOGRAPHIE

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INTRODUCTION

Le 19 juillet 2000, la convention européenne du paysage est adoptée par le Conseil de l’Europe.

Elle vise avant tout à établir une définition consensuelle de la notion de paysage afin qu’elle soit

prise en compte dans les politiques publiques. Elle désigne ainsi le paysage comme « … une partie de

territoire telle que perçue par les populations, dont le caractère résulte de l’action de facteurs

naturels et/ou humains et de leurs interrelations » (art. 1a).

En ratifiant la convention le 20 octobre 2000, la France s’engage « à intégrer le paysage dans

les politiques d’aménagement du territoire, d’urbanisme et dans les politiques culturelle,

environnementale, agricole, sociale et économique, ainsi que dans les autres politiques pouvant avoir

un effet direct ou indirect sur le paysage » (art. 5d). A cet effet, le ministère de l'environnement a

financé, de 1998 à 2004, un premier programme de recherche intitulé Politiques publiques et

paysages1. Dans le prolongement de celui-ci, un second appel à propositions de recherche sur le

thème Paysage et développement durable a été lancé en 2005. Dans ce contexte, le projet Les

chemins du paysage, le paysage des chemins a été retenu avec seize autres projets afin de produire

des connaissances susceptibles d'éclairer la décision publique à propos de la durabilité des processus d'évolution des paysages, de développer les échanges avec d'autres expériences européennes et de

mettre l'accent sur la dimension économique du paysage.

Ce séminaire international, qui s'est tenu à Rennes, les 24, 25 et 26 juin 2009, visait à

valoriser les recherches du projet Les chemins du paysage, le paysage des chemins, à permettre les

échanges de connaissances et partager les points de vue de chacun autour de cette problématique.

Une trentaine de chercheurs issus de disciplines différentes, de chercheurs étrangers, de

représentants de collectivités territoriales ou d'associations et d'étudiants concernés par le sujet ont

présenté leurs travaux et expériences ou participé aux discussions. En enrichissant le débat, ce

séminaire ouvre de nouvelles perspectives, notamment pour l'articulation des diverses disciplines

engagées autour de ce projet et pour la comparaison avec d'autres contextes européens.

Ce séminaire s'est déroulé en deux temps, d'une part deux journées de conférences et de

discussions, d'autre part une journée de visite des sites d'étude. Le présent rapport ne suit pas le

déroulement du programme du séminaire2. La volonté d'une articulation la plus cohérente possible

entre les interventions s'est heurtée aux contraintes de disponibilité des divers intervenants

professionnels. Ce compte-rendu s'efforce donc d'organiser les exposés par thématique et intègre les

discussions au fil du discours.

La première partie est une exploration des différentes entrées du projet Les chemins du

paysage, le paysage des chemins et fait le point sur l'état d'avancement de chaque discipline investie.

La deuxième partie est consacrée aux témoignages d'acteurs associatifs ou institutionnels,

qui vivent le paysage au quotidien, en particulier dans son intégration aux politiques publiques, et ce, à différentes échelles.

La troisième partie élargit la thématique des chemins et du paysage à une dimension

européenne et rend compte des recherches et des actions menées à l'étranger a ce sujet.

Enfin, la dernière partie présente deux autres projets retenus pour la proposition de

recherche du ministère, qui sont étroitement liés au projet Les chemins du paysage, le paysage des

chemins.

1 http://www.ecologie.gouv.fr/Politiques-publiques-de-paysages.html

2 Voir annexe 1

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I. Les chemins du paysage, le paysage des chemins

A. Présentation du programme de recherche

Par Laurence Le Du-Blayo

Laurence Le Du-Blayo, maître de conférences en géographie à l'université de Rennes 2, est la

responsable scientifique du projet Les chemins du paysage, le paysage des chemins.

Le projet Les chemins du paysage, le paysage des chemins s'efforce de répondre aux trois

axes de questionnement de l'appel à propositions de recherche du ministère en charge de

l'environnement. Selon le premier axe, l’étude porte sur la durabilité des processus d’évolution des

paysages et des actions paysagères, via la durabilité des chemins et de leurs réseaux. Selon le

deuxième axe, les recherches visaient à rendre compte de la viabilité économique du paysage -

l’accès au paysage étant indispensable à la valorisation des actifs environnementaux. Cependant,

cette entrée "économie" a finalement été insuffisamment traitée, faute de spécialiste disponible le

temps du programme de recherche. Toutefois, le volet Analyse économique de l’offre d’entretien du

paysage rural : organisations et emplois du projet Les nouveaux enjeux économiques des actions

paysagères : éléments pour une nouvelle orientation de l’économie du paysage, mis en œuvre par des chercheurs en économie de l’UMR Métafort de Clermont-Ferrand3 et de l’université de Vienne en

Autriche comble en partie cette lacune. Selon le troisième axe, ce projet aborde la durabilité du

paysage dans sa dimension sociale à partir des objectifs de la convention européenne du paysage.

L’approche législative reste peu abordée mais Patrick Le Louarn4 constitue une référence5 pour

toutes les questions soulevées quant à l'accès aux paysages d'un point de vue juridique et

règlementaire et pour les comparaisons à établir avec les législations à l’étranger (Angleterre,

Belgique, etc.).

Le thème chemin et paysage est abordé à différentes échelles : à celle du réseau, le chemin

est un moyen d'accès au paysage et à celle de l'objet, le chemin est alors un paysage en soi. Les

relations entre les chemins et le paysage mettent en jeu tous les aspects du développement durable : contraintes techniques et économiques pour l’agriculture concernant l’usage des chemins et leur

entretien, demande sociale d’accès aux paysages ruraux, besoin écologique en termes de trame

verte et zones de refuge pour la biodiversité. Cela explique le choix d'une orientation

pluridisciplinaire de la recherche autour d'une équipe constituée de géographes, sociologues,

agronomes, écologues etc., s'appuyant sur des partenaires institutionnels ainsi que sur les travaux

d'étudiants et de chercheurs associés, notamment étrangers.

L'objectif du projet Les chemins du paysage, le paysage des chemins est donc de décrire les

mutations des réseaux de chemins, d'en comprendre les fonctionnements nouveaux et anciens pour

évaluer leur modalité d’insertion dans le territoire et leur contribution au développement durable du

paysage. Six axes - non exclusifs - ont été dégagés pour cette étude : l'évaluation de la demande sociale de chemins, l’usage des chemins, la dynamique spatiale des réseaux de chemins, l'évolution

du droit d’accès et analyse des perceptions de ce droit, la gestion et l’entretien des chemins et leur

conséquences sur la biodiversité, la médiatisation des chemins. Ce dernier axe est surtout illustré par

les exemples concrets mis en œuvre par la communauté de communes de la Baie du Mont Saint-

Michel et celle du Pays de Bécherel ou encore le département des Côtes d'Armor, qui représentent

une part des partenaires institutionnels investis dans le projet.

Plusieurs sites d'études sont mobilisés pour ce programme de recherche. Toujours à

différentes échelles, ils ont en commun la volonté des chercheurs de construire une base de

données, statistiques, spatiales et visuelles. Le plus important est celui de la zone atelier de Pleine-

3 Voir partie IV. B. L'organisation de l’entretien de la voirie en milieu rural, pp. 38-40

4 Patrick Le Louarn est professeur de droit public à l'université de Rennes 2. Il participe au programme de recherche

concernant l'aspect législatif et juridique de la thématique ‘chemins et paysage’ mais ne pouvait être présent lors de ce

séminaire.

5 Le Louarn P., 2002, Le droit de la randonnée pédestre, Victoires Editions, Paris, 208 p.

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Fougères6, d'une surface de 8500 hectares et totalisant environ 1000 kilomètres de routes et

chemins. Situé sur la communauté de communes de la Baie du Mont Saint-Michel, il fait partie du

réseau français des Zones Ateliers « Bidiversité » et du réseau international des sites de recherches

écologiques et sociales à long terme (Long Term Social-Ecological Research LTSER Sites). D'autres sites bretons sont impliqués tels, le département de Côtes d'Armor, les communes de Réguiny et

Guern dans le Morbihan, etc. Des expériences étrangères autour du même thème sont par ailleurs

suivies, en Belgique notamment.

B. L'intégration sociale des chemins et de leurs réseaux

Par Véronique Van Tilbeurgh

Véronique Van Tilbeurgh, maître de conférences en sociologie à l'université de Rennes 2, est en

charge de l'approche sociologique du projet.

L'approche sociologique du projet se concentre sur les modalités d'intégration sociale des

chemins et de leurs réseaux deans les collectivités locales. Plusieurs études7 ont déjà caractérisé la

variabilité des formes d'intégration des chemins, en termes de conflictualité, de densité, de fonctionnalité, etc. Liée aux caractéristiques des collectivités locales, cette variabilité est estimée

grâce à l'étude principalement des relations de pouvoir - domination et exclusion - et à des analyses

comparatives.

Chaque société se construit d'une façon différente, un des éléments essentiels pour

comprendre ce processus étant la structuration du pouvoir local. Les modalités d'intégration sociale

des chemins et de leurs réseaux sont donc à rechercher à l'intérieur des sociétés locales en fonction

des caractéristiques de leur structuration. Il est alors nécessaire d'identifier les groupes sociaux et les

rapports de pouvoir entre ceux-ci mais également l’ensemble des usages de l’espace rural de la

collectivité. L'hypothèse est que les modalités d'intégration des chemins et de leurs réseaux dans la collectivité locale sont liées à sa structure et à son organisation ainsi qu'au statut du chemin attribué

par les acteurs locaux. Elles seront identifiées par une mise en regard des chemins et de leurs

réseaux avec la composition et le mode de fonctionnement des collectivités locales.

Trois terrains d'études sont actuellement en cours d'investigation: la zone atelier de Pleine

Fougères (communes de Saint-Georges-de-Grehaigne, Trans-la-Forêt, Vieux-Viel) où s’effectue

l'analyse de l'évolution des chemins et des réseaux ; les communes de Réguiny et Guern, dont les

réseaux ont déjà été sujets à une analyse spatiale diachronique, sont les terrains d'observation des

pratiques récréatives ainsi que d'autres communes au sud du Morbihan. La collecte des données est

réalisée au moyen d'entretiens semi-directifs, de questionnaires et de documents.

Les premiers résultats confirment, du moins sur les territoires étudiés, les hypothèses initiales. Les acteurs interrogés reprennent les constats d'évolution de la distribution spatiale et

fonctionnelle des réseaux mis en avant par les recherches en agronomie et géographie8, à savoir que

la transformation récente de l'agriculture et de l'espace rural a eu des effets sur la disparition ou la

création de chemins. Parallèlement, ils constatent une évolution socio-fonctionnelle des réseaux. La

double fonctionnalité, agricole et récréative, des chemins et des réseaux de chemins, s'organise en

fonction de la structure de la collectivité locale, en particulier de la place de l'agriculture et des

caractéristiques du pouvoir local. Une analyse comparative de deux communes le démontre : Saint-

Georges-de-Grehaigne et Vieux-Viel sont deux communes faiblement peuplées, respectivement 380

et 275 habitants, situées dans la communauté de communes de la Baie du Mont Saint-Michel. Tandis

que la première possède une population stable et diversifiée, répartie en différentes professions et catégories socioprofessionnelles - ouvriers, agriculteurs et retraités, la seconde connaît une légère

augmentation de sa population dont les actifs sont majoritairement des agriculteurs. Dans les années

1980, les agriculteurs gréhaignois ont ouvert le pouvoir local aux nouveaux arrivants, notamment aux 6 http://www.caren.univ-rennes1.fr/pleine-fougeres/

7 MERMET L., MOQUAY P. (dir.), 2002, L’accès du public aux espaces naturels. Outils d’analyse et méthodes de gestion,

Lavoisier, 392 p. et Le Caro, Y., 2007, Les loisirs en espace agricole. L’expérience d’un espace partagé, Presses universitaires

de Rennes, 432 p. 8 Voir partie I. C. La dynamique spatiale des réseaux de chemins, pp. 7-9

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membres de l'association de randonnée. A Vieux-Viel, ce pouvoir reste encore organisé autour des

réseaux agricoles. Ces deux communes possèdent un réseau d'itinéraires balisés mais organisent la

fonctionnalité des chemins différemment. Deux tendances émergent de cette observation comparée

confortant l'hypothèse initiale. Une commune où l'agriculture n'est plus dominante et où le pouvoir local ne repose plus sur les réseaux agricoles a plutôt tendance à organiser la multifonctionnalité des

réseaux, dédiés à la fois à l'agriculture et aux pratiques récréatives. Une commune dominée par

l'agriculture tend plutôt à être marquée par une spécialisation des chemins, alors affectés soit à

l'agriculture soit aux pratiques récréatives. Dans le cas de figure d'un développement conjoint de ces

deux activités, les agriculteurs ne sont plus en capacité d'imposer ou n'éprouvent pas le besoin d'une

différenciation spatiale des activités. A l'inverse, les activités évoluent séparément selon la volonté

du maire et de son conseil municipal ou sur des territoires où soit les agriculteurs sont en capacité

d’imposer le développement séparé des activités, soit les tensions avec l'agriculture sont

importantes. Dans l’espace rural éloigné d’un centre urbain, on parle de tensions plus que de conflits,

lesquels sont surtout identifiés en zone périurbaine où la pression foncière est forte. Dans ce cas, le vieux chemin apparaît comme une référence locale, un symbole fort du patrimoine qu'il faut à tout

prix conserver : ceux qui ne sont plus utilisés par les agriculteurs sont alors balisés, entretenus et

affectés à une pratique récréative. Deux figures illustrent ces phénomènes de spécialisation et de

multifonctionnalité : le chemin creux, balisé et intégré à un itinéraire pédestre et le chemin agricole

en impasse desservant une parcelle.

L’analyse des entretiens conduit au constat d’un refus des interlocuteurs de construire des

conflits autour des chemins et de leurs réseaux : le statut de chemins dans la collectivité locale n'est

pas un enjeu dans le débat public. Divers faits relevés renforcent ce constat : les désaccords à leur

sujet sont souvent réglés à l'amiable entre le maire et la personne concernée. Ces conflits sont donc plutôt liés à un comportement individuel. Ils se traduisent par des arrangements entre habitants,

dont peu sont officialisés et portés devant le notaire. Toutefois, si l'intégration sociale des chemins

n'est plus posée collectivement comme un enjeu, elle le fut dans les années 1970, lorsque certains

chemins furent ouverts et convertis à des fins récréatives. A cette époque, les conflits étaient réels et

importants. Le chemin serait donc une sorte d'espace commun sans enjeu politique fort dans les

collectivités locales étudiées, c'est-à-dire inscrit de façon consensuelle dans l'ordre social local. Cet

espace est alors plus soumis à des règles d'usages qu'à une réglementation précise sur lequel

s'appliquent un droit de propriété et un entretien strictement défini. Le chemin devient un lieu de

négociation. Son entretien, sa gestion et ses usages sont discutés au gré à gré entre les individus et

les débordements possibles font l'objet de transactions pour trouver une solution.

Les dernières conclusions de ces études portent sur les perceptions des chemins récréatifs.

Au regard des enquêtes en cours, deux profils de randonneurs se dessinent : l'hygiéniste (le sportif,

pour lui ; le maître, pour son chien ; le parent, pour son enfant) et le contemplatif (le promeneur, le

naturophile, le naturaliste). Par ailleurs, on remarque que l'appréciation paysagère varie d'un

individu à l'autre autour de deux pôles de ‘nature attendue’. On identifie, d'une part, l'attrait pour

une nature plutôt domestiquée avec des éléments du paysage rappelant cette domestication

(vergers, champs, etc.) et, d'autre part, le désir d'une nature plus ensauvagée mais toujours dans un

espace sécurisé. Cette seconde représentation de la nature s'incarne par la vue de petits animaux

dont le spectateur peut jouir grâce aux itinéraires balisés. Un paradoxe réside dans la volonté

d'échapper à l'artificialisation humaine dans une nature aménagée discrètement pour la sécurité du randonneur9. Afin d'approfondir cette étude des attentes paysagères, il reste à les analyser en

fonction des critères sociodémographiques ; le niveau de diplôme des personnes, par exemple,

pouvant être discriminant dans le rapport à la perception de la nature.

L'intégration des chemins est donc influencée par la structure de la collectivité locale et par

les représentations des usagers. L'absence de fortes tensions autour de cette intégration traduit

l'existence d'un accord au sein de la collectivité locale sur la multifonctionnalité des chemins.

Cependant, l'étude présente des limites dues au fait que les collectivités représentées reposent

plutôt sur un consensus au sujet de la place de l’agriculture et de son rôle au sein de la collectivité.

9 Voir partie II. B. L'homme, le paysage, la randonnée, pp. 23-25

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7

Néanmoins, il existe des exemples10 non consensuels dans lesquels l'intégration des chemins diffère

radicalement quand justement il n’existe plus de consensus autour de l’agriculture comme c’est, en

particulier, dans les espaces périurbains.

C. La dynamique spatiale des réseaux de chemins

Par Laurence Le Du-Blayo et Kévin Vappreau

Kévin Vappreau, ingénieur d’étude cartographe du programme, a réalisé l'étude diachronique des

réseaux de chemins de la commune de Guern (Morbihan). Il travaille actuellement au sein de l'unité

Sad-Paysage de l'INRA de Rennes sur le même thème pour la zone atelier de Pleine-Fougères.

Il s'agit là de se pencher sur la question des évolutions actuelles et passées des réseaux de

routes et chemins, en mobilisant le regard du géographe et les concepts de l'analyse spatiale. Il

convient de rappeler le caractère multiscalaire du chemin : son réseau participe à la structure du

paysage, en conditionne l'accès, de même que chaque chemin est un élément de ce paysage.

A échelle régionale, lorsque l'on s'interroge sur les formes des réseaux des chemins de

randonnées, certaines formes d'inégalités spatiales d'accès aux paysages se dégagent. Si l'on regarde les densités de sentiers dits institutionnalisés du département des Côtes d'Armor, c'est-à-dire les

sentiers de grande randonnée (GR), de grande randonnée de pays (GRP), de petite randonnée (PR)

ainsi que l'ensemble des routes et chemins inscrits au Plan Départemental des Itinéraires de

Promenades et de Randonnées (PDIPR), il appert une demande forte d'accès à la campagne. Elle se

traduit par une forte densité du réseau de ces chemins labellisés aux abords des agglomérations,

telle Saint-Brieuc. De même, certains paysages présentent davantage d'intérêts, en particulier les

vallées et le littoral. Dans l'arrière-pays, certains paysages ne sont accessibles, sur la carte, que du

fait de la volonté des politiques publiques d'investir ces lieux et de leur fournir une reconnaissance

officielle par une marque déposée. Afin de poursuivre les recherches à cette échelle, il serait intéressant de procéder à un analyse croisée des réseaux de ces chemins institutionnalisés avec la

cartographie des paysages et de créer une base de données associée répertoriant les unités de

paysages, les curiosités naturelles recensées dans les guides touristiques et les paysages protégés

comme les sites inscrits et classés, les réserves naturelles, etc.

L'analyse historique des réseaux de chemins est menée à échelle locale, celle de la commune,

du fait notamment du problème de disponibilité des sources nécessaires à diverses dates, sauf dans

le cas de la zone atelier de Pleine-Fougères : elle comprend plusieurs communes mais constitue un

observatoire pour lequel les données diachroniques ont été structurées. Il s'agit en effet de recenser

et d'expliquer les disparitions et les créations de chemins des années 1950 à nos jours. Parallèlement

à la cartographie, une base de données caractérisant le statut des chemins, leur revêtement et leurs usages présumés a été renseignée grâce aux observations sur le terrain. Ce type de cartographie

diachronique, réalisée par des étudiants de master, est disponible pour plusieurs communes

présentant des contextes agricoles, paysagers et socioculturels variés (Saint-Armel11, Sainte-Marie de

Redon12, Réguiny13, Guern14). Suite à ces analyses diachroniques, de grandes tendances d'évolution

communes aux différents sites sont identifiées, notamment une forte diminution du nombre de

chemins ruraux et une augmentation des liaisons intra-bourg. Cette redéfinition du réseau de

chemins s'explique surtout par la période d'aménagements fonciers des années 1960-1980 réalisés

afin d'optimiser le travail agricole : les parcelles sont alors mieux connectées aux routes mais moins

interconnectées entre elles par des chemins. Ce phénomène, flagrant en comparant les

photographies aériennes des deux époques, induit un allongement des distances entre des hameaux

10

MERMET L., MOQUAY P., op. cit, p. 5 11

QUIMBERT E., 2006, Diagnostic et étude prospective des cheminements piétons : étude de cas de Saint Armel, master 2

géographie, Rennes 2 12

PASQUIER L., 2007, Le réseau des chemins à Sainte Marie : évolution et état des lieux, master 2 géographie, Rennes 2 13

MANCEAU M., 2007, Evolution diachronique des réseaux de routes et chemins - Accès aux paysages ruraux ordinaires -

« Les chemins du paysage, le paysage des chemins » : exemple de la commune de Réguiny (56), master 2 géographie,

Rennes 2 14

VAPPREAU K., 2008, Accès aux paysages ruraux ordinaires - Evolution diachronique des réseaux de routes et chemins :

analyse comparative de Guern et de Réguiny (56), master 2 géographie, Rennes 2

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et, de ce fait, leur isolement. C'est la notion d'accessibilité à son propre territoire qui est alors remise

en cause. Une autre manifestation visible de ce déclin des chemins ruraux se traduit par une

dichotomie entre les plateaux cultivés et les vallées en friche. Autrefois fréquentées par les charrois

de blé alimentant les moulins, ces dernières sont progressivement abandonnées par l'agriculture intensive, s'enfrichent et se trouvent isolées hors du réseau des chemins. Toutefois, ces fonds de

vallées tendent à être réappropriés de manière sélective pour un usage de loisirs. Des chemins sont

alors rouverts ou créés. D'ailleurs, ces vallées sont le plus souvent les seules zones protégées dans les

documents d'urbanisme communaux. Cependant, dans les zones d'études du projet, les moulins ou

bâtiments anciens de ces fonds de vallées sont très souvent acquis au titre de résidences

secondaires15. Cet autre type de réappropriation de l'espace est restrictif pour l'accès aux paysages

et le cheminement continu.

En ce qui concerne les deux communes du Morbihan, Guern et Réguiny, sciemment choisies

pour leurs caractéristiques différentes, l'étude diachronique débute dès le XIXème siècle grâce aux

cadastres napoléoniens disponibles. La méthodologie de cartographie de l'évolution des réseaux de routes et chemins de ces deux communes est mobilisée afin de l'appliquer aux trois sites de la zone

atelier de Pleine-Fougères pour établir une comparaison la plus juste possible de leurs processus de

mutation. Le procédé réside en une analyse rétrodiachronique : on cartographie le réseau existant

puis on remonte dans le temps grâce aux photographies aériennes, préalablement traitées

(numérisation, géoréférencement et mosaïquage). A chaque période, un code attributaire de

présence/absence est associé au tronçon de chemin cartographié. Une base de données qualitatives

est également créée pour l'année de référence. Celle-ci est renseignée par des observations sur le

terrain (largeur, substrat, statut, usage présumé et connectivité). Une fois les cartographies

évolutives dressées, les trois sites d'étude de la zone atelier (A, B, C) sont confrontés aux communes de référence, Guern et Réguiny. Si Guern a connu une régression globale de la densité de son réseau

de cheminement, le linéaire de Réguiny reste stable en total kilométrique, la disparition des chemins

étant compensée par les créations intra-bourg liées à une plus forte croissance urbaine. D'un côté, le

réseau se dédensifie, de l'autre il se reconfigure. Si l'on raisonne en termes de connectivité, le réseau

de chemins de Réguiny n'est plus que faiblement connexe, le nombre d'impasses ayant doublé

depuis les années 1950. Guern dispose encore d'un réseau de chemins connexes conséquent. Un

autre critère de différenciation de l'évolution des réseaux est aussi la qualité de revêtement : tandis

que Guern maintient un réseau plutôt traditionnel, Réguiny l'a modernisé en goudronnant une

majorité de ces chemins, y compris les chemins d'exploitation en impasse. Les conséquences de ces

évolutions divergentes sont révélatrices de l'importance de la configuration du réseau pour le développement durable, notamment du point de vue de la demande sociale d'accès aux paysages

ordinaires. Ainsi, Guern met en valeur les qualités de son réseau grâce à quatre sentiers de

randonnées, un circuit pédagogique et voit le GR 341 et l'Equibreizh passer sur sa commune. La

proportion de chemins connexes non goudronnés lui laisse de l'amplitude pour prolonger ses actions

touristiques. Par contre, Réguiny compte seulement deux sentiers de randonnées et le passage de

l'Equibreizh. L'exploitation du potentiel de son réseau sur son territoire est quasiment maximale.

La zone atelier de Pleine-Fougères a été choisie comme site d’étude il y a plus de 10 ans,

parce qu’elle présentait un gradient de paysage bocager sur une faible distance (une dizaine de

kilomètres). Ce gradient (qui persiste encore aujourd’hui) se caractérisait, du Sud au Nord, par un

accroissement de la taille des parcelles, une diminution de la densité de haie ainsi qu’une augmentation des surfaces en cultures par rapport aux surfaces en prairie (permanentes et semées).

Initialement, trois sites d’étude séparés avaient été définis sur la base de ce gradient : le site A

(bocage dense), le site B (bocage intermédiaire) et le site C (bocage ouvert)16. Au vu des

caractéristiques paysagères et agricoles des sites A, B, C de la zone atelier par rapport à celles des

communes morbihannaises de référence dans la présente étude, on postule que le site A a dû

connaître une évolution telle que celle de Guern, le site B constituerait une situation intermédiaire et

15

Voir partie III. A. La qualité et la variété des paysages, des critères essentiels pour la création d'itinéraires de randonnées,

pp. 21-23 16

Baudry, J (dir.), 1997, L'arbre en réseau, INRA Editions, Ministère de l'Aménagement du Territoire et de l'Environnement,

83 p.

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l'évolution des réseaux site C se rapprocherait du modèle de Réguiny. Pour nourrir ces hypothèses,

ces trois sites sont caractérisés selon les mêmes critères de densité du réseau, de connectivité, de

revêtement et d'offre de randonnée. Il apparaît cependant que l'hypothèse d'origine ne peut être

retenue, les sites A, B et C apparaissant plutôt comme des situations d'évolution intermédiaires à celles de Guern et Réguiny. Les paramètres de mutations des réseaux de routes et chemins sont donc

fortement variables d'un territoire à l'autre. Si des tendances globales se dégagent, à échelle plus

fine il est nécessaire de raisonner au cas par cas. L'analyse des réseaux soulève donc plusieurs

questions quant à leur spécialisation et leur intégration : comment caractériser la multifonctionnalité

des chemins ? Quelles sont les fonctions prédominantes ? A quelle échelle ?

La recherche sur les réseaux de chemin ambitionne aussi d'autres objectifs en analyse

spatiale : étudier la connectivité des réseaux en modélisant routes et chemins et en intégrant les

données du linéaire bocager selon les critères qualitatifs disponibles. Traiter conjointement les

problématiques de connectivité du bocage et des chemins est un défi d'un point de vue

méthodologique. La difficulté réside dans le nombre considérable de facteurs à intégrer et à croiser : quels descripteurs du tronçon élémentaire du chemin et de la haie choisir ? Par exemple, une voie a

un statut (voie communale, chemin rural, voie privée, chemin d'exploitation), une largeur (moins de

1 mètre, entre 1 et 3 mètres, plus de 3 mètres), un revêtement (goudron, pierre, terre, herbe,

embroussaillé), est bordée - ou non - par une haie plus ou moins dense (continue, discontinue,

arbustive, végétation éparse, absence) sur le côté droit ou le côté gauche ou les deux ! A cela

s’ajoute la complexité des croisements d’informations relatives à des surfaces et à des linéaires. Ce

genre d'étude est actuellement en cours17. L'intention est de mieux comprendre comment s'articule

les réseaux de chemins et de haies afin de soumettre des propositions avisées de restauration

conjointe de haies et chemins, en particulier dans le cadre des politiques publiques existantes comme Breizh Bocage18. Les zones d'études sont généralement choisies dans des contextes bocagers,

paysagers et agricoles divers dans le but d'établir un lien entre la qualité sanitaire des haies, le

parcellaire adjacent et l'emprise du chemin. En parallèle, des entretiens menés auprès des

randonneurs visent à apprécier leur perception du paysage et d'établir un rapport entre les critères

qualitatifs du bocage vécu et les chemins parcourus.

L'étude spatiale des réseaux de chemins se mesure aussi par la perception des paysages

environnants, de prime abord ou à l'horizon. L'intention est d'intégrer le paysage des chemins et les

chemins du paysage dans les bases de données des documents d'urbanismes (PLU, SCOT, etc.) et des

outils juridiques (PDIPR) en développant un inventaire et une évaluation systématique facilement

reproductible. A l'aide par exemple de fiches d'évaluation d'itinéraires prévoyant un arrêt tous les 500 mètres, une multitude d'informations peuvent être prises en compte : caractérisation et

appréciation du chemin, degré d'ouverture et de visibilité, caractérisation et appréciation du paysage

vu du chemin. Ce type d'expérimentation, réalisée aussi dans le cadre d'un stage de fin d'études19, a

été testé au cours du projet par l'étudiant lui-même et des associations locales de randonnées sur

des boucles couvrant le département des Côtes d'Armor. Les données recueillies sont

géoréférencées afin d'être renseignées dans un SIG et associées à l'itinéraire concerné. Elles

permettent la production de cartes thématiques en fonction du degré d'ouverture du paysage d'un

circuit par exemple, qui, diffusées, constituent un outil d'aide à la décision20.

17

L'étude de la connectivité des réseaux de haies et de chemins est en cours sur la zone atelier de Pleine-Fougères et pour

quelques zones de la communauté de communes du Pays de Bécherel. 18

Voir partie II. C. 1. Plantation de haie sur talus en bordure de chemin de randonnée, pp. 26-27 19

Pickeroën M., 2006, Les chemins du paysage et le paysage des chemins : méthodes d’évaluation de la qualité paysagère

des chemins de randonnées en Côtes d’Armor, master 2 géographie, Rennes 2 20

Voir partie II. B. L'homme, le paysage, la randonnée, pp. 23-25

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D. Les réseaux de circulation agricole : des territoires aux paysages

Par Claudine Thenail et Donovan Frémy

Claudine Thenail, chargée de recherche en agronomie, est directrice de l'unité Sad-Paysage de l'INRA

de Rennes. Elle coordonne les recherches dans le domaine de l'agronomie et de l'écologie,

notamment les stages de master inhérents au projet tel celui de Donovan Frémy traitant de la

circulation agricole21

.

En se focalisant sur l'approche technique de la circulation agricole, on cherche à étudier la

manière dont les agriculteurs utilisent les réseaux de routes et de chemins. Diverses questions

s'imbriquent : quelles tensions ou convergences existe-il entre leurs fonctions de ces réseaux sur nos

territoires ? Comment tenir compte des contraintes techniques pour la durabilité socioéconomique

des exploitations agricoles et dans un même temps des propriétés écologiques, des valeurs

patrimoniales et récréatives du paysage ? Deux objectifs sont visés dans cet aspect du projet : d'une

part, développer une méthode de représentation des réseaux des routes et chemins en termes

d'utilisations et de contraintes techniques perçues par les agriculteurs et d'autre part, établir une relation entre les logiques agricoles de gestion territoriale avec d'autres modes d'utilisation et de

fonctions de ces réseaux. Les références scientifiques sont peu abondantes mais les besoins exprimés

en aménagement sont réels. Le travail exploratoire mené a donc étendu son champ de recherche en

s'appuyant sur une bibliographie des transports plus étoffée que celle des chemins et de la

circulation agricole au quotidien. En effet, on trouve des références relatives aux coûts des

transports liés aux distances et à la qualité des voies. Plus spécifiquement, certaines études traitent

de l'organisation des réseaux de déplacement (transports publics), des déplacements d'engins

agricoles dans le cadre de chantiers (problématique périurbaine) et de troupeaux (entre fermes et

estives) ou témoignent d'expériences d'aménagements fonciers. On constate cependant que certains déplacements agricoles, hors des périodes d'intense activité (labour, semis, récolte), sont sous-

estimés alors que leur fréquence est élevée, en particulier pour la surveillance des cultures, le

déplacement du bétail, les apports de fertilisants et d'engrais, etc. Ici encore, c'est la zone atelier de

Pleine-Fougères qui a été le lieu d'expérimentation de la méthode par enquête et cartographie

participative soumise à huit agriculteurs vus individuellement.

S'intéresser à la circulation agricole suppose connaître les principes de la gestion territoriale

de l'exploitation agricole. Elle s'articule autour de l'organisation des pratiques et des moyens dédiés

à la production (système de culture, pâturage, etc.) et de ceux dédiés à l'entretien (désherbage,

entretien des clôtures) et à l'aménagement (réorganisation parcellaire, etc.) du territoire de

l'exploitation, chacun de ces systèmes techniques fonctionnant en interdépendance. De fait, il n'existe pas de gestion territoriale sans déplacements agricoles. Ces flux de circulation s'observent à

plusieurs échelles : au sein du territoire de l'exploitation, vers ou encore à partir ce dernier. Ils ont

pour origine diverses raisons : le transport (récoltes, animaux, etc.), la réalisation d'opérations

techniques (labour, semis, etc.), la surveillance nécessaire à la prise de décisions (état des clôtures,

apparition de ravageurs, etc.).

La démarche expérimentale se décompose en trois phases. Tout d'abord, l'enquête auprès

des agriculteurs s'attache à repérer les besoins de circulation pour la conduite des cultures et de

l'élevage dans l'exploitation agricole en lien avec l'organisation de l'utilisation des parcelles agricoles,

au préalable caractérisée (successions culturales, types d'animaux en pâture, etc.). Les besoins sont

identifiés grâce à une série de questions pratiques : qui circule (exploitant, employé d'entreprise de travaux agricoles, agriculteurs en entraide, etc.) ? Quoi (animaux ; matériel léger, produit apporté,

semence ; engin utile pour effectuer la tâche ; produit et fourrage) ? Pour faire quoi (culture,

élevage) ? Avec quel type d'engin (liste exhaustive des engins utilisés classés selon le nombre de

roues, avec second module ou non, en fonction de la largeur) ? Quel mode de propriété des

véhicules et du matériel (exploitant, location, etc.)? Comment (à pied ou en véhicule) ? D'où à où

(intra exploitation, inter exploitation, entre l'exploitation et d'autres entités territoriales) ? Ce

21

Frémy D., 2008, Méthode de caractérisation de la circulation agricole et de son influence sur la gestion territoriale des

exploitations agricoles : approche par le réseau des voies de communication, master 2 géographie, Rennes 2

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premier croisement entre besoins et mode d'organisation révèle un large panel de modalités de

déplacements. Ensuite, une autre composante de la méthode vise à relier les besoins de circulation

avec les caractéristiques du réseau de routes et chemins afin de construire une cartographie des

tronçons du réseau selon l'utilisation et les contraintes perçues par les agriculteurs et de déterminer un ensemble de règles de décisions pour la circulation. Ces règles définissent les types et l'exclusivité

d'utilisation des tronçons en fonction des types et du degré de contraintes des tronçons pour la

compatibilité avec les besoins. Les notions de contraintes mineures, de contraintes majeures et de

tronçon d’utilisation systématique - lorsqu'il n'existe pas d'alternative possible - émergent alors. Les

contraintes rencontrées sont extrêmement variées : mauvaise qualité du revêtement, mauvaise

visibilité, pente, voie étroite, longueur en terme de temps de parcours, etc. Dans l'étude menée,

l’importance du trafic sur certaines voies, la présence de zones urbaines et le stationnement gênant

de véhicules représente 29% des types de contraintes identifiées par tous les agriculteurs et pour

tous les types de tronçons. La caractérisation des réseaux sur la cartographie s'effectue en fonction

de l'intensité de la contrainte (faible, moyenne, forte) et du choix d'itinéraire possible ou obligé. Lorsqu'elle est subie, cette contrainte est entièrement intégrée dans le choix du déplacement. Par

cette approche, on observe encore une fois une diversité importante des modes de déplacements.

Toutefois, aucune tension n'a été relevée auprès des agriculteurs enquêtés concernant la

fréquentation des voies de communication par des randonneurs à pied, à vélo ou à cheval, ce qui

conforte les premières conclusions de l'approche sociologique22 : le conflit n'existe pas ou peu, ce

sont plutôt des tensions résolues par des accords amiables. A ce propos, Yvon Le Caro23 précise que,

au regard des enquêtes réalisées dans le cadre de ses recherches doctorales24, il semble plus

approprié d'employer le terme de gêne. Ces comportements sociaux, ces attitudes renforcent la

légitimité de l’agriculteur ; il est reconnu pour l’offre de services qu’il fournit. Par contre, les rapports de l’agriculture à l’environnement - au sens naturaliste - sont plus tendus que ceux en termes d’accès

à l’espace, notamment concernant l'entretien. Enfin, le dernier point de ce travail exploratoire

consiste à déterminer en retour le rôle des caractéristiques du réseau de routes et chemins dans la

définition des règles de décision relatives aux modes d'exploitation des terres. L'hypothèse soumise

au début de l'étude est validée : les facteurs de distance, parcellaire, type de terre, etc. interviennent

généralement en premier lieu mais la qualité des réseaux opère en modulation, avec des effets de

seuils variables suivants les exploitations.

A ce stade de la recherche, cette méthode d'investigation a l'avantage de combiner enquêtes

et cartographie participative ce qui constitue un support intéressant d'acquisition de connaissances

et qui produit un outil potentiellement opérationnel dans le cadre des politiques publiques. Elle nous permet de mieux appréhender la perception et la prise en compte du réseau par les

agriculteurs, de caractériser la circulation agricole sur un territoire local à l'échelle fine de

l'exploitation mais aussi, de repérer différentes formes de conflits avec d'autres usagers. Néanmoins,

quelques limites méthodologiques subsistent, comme la non prise en considération des

déplacements directs entre parcelles contiguës ou ceux réalisés par les chauffeurs de coopératives

d'utilisation du matériel agricole ou d'entreprises de travaux agricoles. Or, ces flux sont

particulièrement importants par leur quantité et par la taille des engins. Les fréquences annuelles

d'exécution des tâches nécessitant un déplacement ne sont pas non plus prises en considération. De

plus, la cartographie cumulée des différentes exploitations peut devenir rapidement très complexe

d'où la nécessité de définir des indicateurs et de simplifier l’acquisition des données. De tels indicateurs seraient aussi utiles pour caractériser l’évolution de cette circulation. De même que pour

l'approche sociologique, le territoire étudié présente la spécificité d'un contexte agricole bien connu,

celui de la zone atelier de Pleine-Fougères.

22

Voir partie I. B. L'intégration sociale des chemins et de leurs réseaux, pp. 5-7 23

Voir partie I. G. Les chemins, porte ouverte sur l'espace agricole, pp. 17-21 24

Le Caro, Y., 2007, op. cit., p. 7

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E. Diversité des pratiques d’entretien des bords de chemins et de routes

Par Claudine Thenail et Christophe Codet

Christophe Codet est technicien de recherche « Enquêtes et observations sur les pratiques agricoles »

au sein de l'unité Sad-Paysage à l'INRA de Rennes.

L'objectif de cette étude est d'identifier les acteurs, les pratiques et les modes d'organisation

de l'entretien des bords de routes et chemins, en lien avec leurs statuts, leurs moyens techniques et

la configuration de leurs réseaux. Dans le cadre du projet interdisciplinaire, l'intention est aussi

d'articuler ces résultats avec ceux d'autres disciplines, en particulier par un croisement avec les

travaux de l'écologie sur la flore des bords de routes et chemins25, dans une perspective d'aborder la

continuité écologique potentielle de ces réseaux mais aussi en sociologie, concernant les hypothèses

de sources de conflits. Cette étude a, elle aussi, été mise en œuvre sur l'ensemble de la zone atelier

de Pleine-Fougères. Elle est basée sur une approche encore une fois exploratoire, à base d’enquêtes

auprès des acteurs des collectivités territoriales, suivies d’observations photographiques

complémentaires. Cette étude n’a pas abordé les pratiques d’entretien des particuliers, compte tenu du temps disponible et parce que la diversité et la spécificité des acteurs particuliers aurait supposé

une étude à part entière.

Les résultats permettent l'identification des acteurs et des principales finalités de l'entretien.

Par type de voie sont donc recensés les acteurs en charge de leur entretien, en distinguant les

employés des collectivités des prestataires externes, et les raisons de cet entretien. Concernant les

chemins de randonnées, dont le but évident de l'entretien est de maintenir l'accès, la communauté

de communes mobilise ses employés territoriaux si l'entretien de ces chemins est mécanisable. Dans

le cas contraire, elle sollicite des prestataires, en l'occurrence d'une manière originale de plus en plus

pratiquée aujourd'hui, puisqu'ils sont issus d'instituts médicaux (chantier thérapeutique) ou sociaux26 (chantier d'insertion). Les routes départementales sont à la charge du Conseil Général, qui garantit

les conditions de sécurité nécessaires à la circulation en s'assurant, par l'entretien des bords de

routes, de la bonne visibilité, de l'évacuation des eaux, etc. Dans le cas des routes communales, la

finalité sécuritaire est aussi recherchée par les employés communaux qui assurent leur entretien. Par

contre, si des reprises sur la structure du réseau sont indispensables (curage, recalibrage), la

commune fait alors appel à des entreprises de travaux agricoles ou de travaux publics. Les

communes s'occupent aussi de certains chemins de remembrement et d'entrées de ferme afin de

garantir l'accès. Toutefois, elles ont de plus en plus tendance à transférer ce type d'entretien aux

prestataires privés.

Les linéaires de chemins et de routes sous la responsabilité des collectivités territoriales du territoire d'études sont variables : 230 kilomètres de chemins de randonnées pédestres et équestres

pour la communauté de communes et 135 kilomètres de routes départementales - plus le cas

spécifique de la digue de la Duchesse Anne située sur les polders - pour le Conseil Général d'Ille-et-

Vilaine. On peut noter, sur la cartographie des routes et chemins de la zone d'étude, la présence de

nombreux chemins en impasse27, souvent issus des travaux connexes au remembrement et destinés

exclusivement à l'accès aux parcelles agricoles. Quelques ébauches de traitements statistiques, à

partir des données communales, ont été effectuées et restent à approfondir, notamment en termes

de densité de linéaire par commune ou encore par habitant. A première vue, on constate une

variabilité des situations d'une commune à l'autre.

Les pratiques d'entretien des chemins peuvent se différencier selon qu'elles sont prises en charge par la commune ou par la communauté de communes. Dans le cas de la commune, un

planning d'entretien régulier est établi. Néanmoins, des interventions ponctuelles sont possibles en

prévision d'évènements spécifiques (courses de vélos, etc.). L'entretien se localise sur différentes

zones des bordures et est séquencé selon les saisons. En effet, on s'aperçoit qu'aujourd'hui la gestion

différenciée est souvent de mise. L'accotement est ici sujet au broyage la deuxième quinzaine de mai

25

Voir partie I. F. L'effet des activités humaines sur la végétation herbacée des bordures de routes et chemins, pp. 14-17 26

Voir partie II. C. 2. L'entretien des chemins de randonnées par un chantier d'insertion, pp. 27-28 27

Voir partie I. C. La dynamique spatiale des réseaux de chemins, pp. 7-9

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et la première quinzaine de juillet tandis que le fossé et le talus sont entretenus, eux aussi par

broyage, seulement à partir de novembre, par des entreprises de travaux agricoles. La tendance

générale est à l'évolution des pratiques dans les communes : arrêt de l'entretien chimique, moins

d'intervention sur les talus, interventions plus soutenues sur les endroits "à risques" (visibilité). Concernant cette gestion différenciée, les critères économiques sont souvent mis en avant dans les

enquêtes. Dans celles-ci est aussi mentionnée l'existence de la charte des bonnes pratiques éditée

par le Conseil Général. Toutefois, aux vues des différentes réponses, on se questionne quant à

l'efficacité de la diffusion et de l'échange de ce type d'informations. La communauté de communes

quant à elle organise son entretien en chantiers, selon la pousse de la végétation afin de préserver le

cheminement sur les itinéraires de randonnées. La totalité du chemin est concernée pour assurer au

moins le passage de deux personnes se croisant. Deux grands types d'opérateurs interviennent selon

le degré de mécanisation possible de l'entretien, soit les agents intercommunaux, soit les chantiers

thérapeutiques ou d'insertion.

Quelques exemples de gestion des bords de routes et de chemins, basés sur les observations photographiques, permettent de discuter des liens possibles entre les pratiques et les états produits

ainsi que de se questionner sur les règles de décision des opérateurs et des gestionnaires. L'étude

photographique est axée sur des situations problématiques qui n'ont cependant aucune valeur

statistique. Il reste donc à réfléchir sur un moyen d'évaluation des situations illustrées, d'un point de

vue quantitatif. On peut ainsi observer une évolution des accotements sur lesquels on laisse

généralement les résidus du broyage ou de la fauche. Du point de vue des gestionnaires, cela génère

un épaississement progressif de la surface de l'accotement que l'on est ensuite obligé, de manière

plutôt drastique, d'araser pour sa mise à niveau, ceci étant accompagné d'un curage du fossé. D'un

point de vue écologique, ce régime de fauche sans exportation a des incidences sur la biodiversité, particulièrement sur la richesse floristique. On signalait précédemment que la gestion différenciée

tend à devenir le schéma général d'entretien des bords de routes et chemins mais l'on remarque

encore des signes d'un entretien mécanique trop agressif ; dans de tels cas, le sol est mis à nu par le

grattage des outils réglés trop bas. L'observation photographique met aussi en évidence les effets

cumulés des pratiques agricoles sur la parcelle, comme un labour repoussant la limite de champ, de

l'entretien agressif du talus et des précipitations. En présence de sols limoneux, cela peut provoquer

un effondrement de talus et un entrainement des limons vers la route ce qui induit la mise en œuvre

de travaux particulièrement lourds de restauration. Ensuite, malgré l'arrêté préfectoral d'interdiction

d'entretien chimique en bord de cours d'eau et fossés même non actifs, des entorses sont

constatées. Elles sont le fait de collectivités territoriales parfois mais aussi de particuliers. Bien que non étudiés par l'enquête, les cas d'entretien par les particuliers ont tout de même été relevés,

notamment en bords de chemins privés, parfois dans le cadre de conventions avec la communauté

de communes lorsque le réseau de chemins de randonnées s'y superpose, ou encore "devant chez

soi" jusqu'au bord de la route entretenu normalement par les collectivités. Les photographies

illustrent aussi les différences significatives de pratiques entre voisins.

Les résultats de cette étude fournissent une première description de la diversité de pratiques

relevant de modes d'organisation des différents acteurs. Il est donc possible d'étendre les recherches

en termes de typologie, de suivi de l'évolution de la gestion et de ses logiques. Dans une perspective

interdisciplinaire, l'étude fournit aussi des hypothèses sur des conflits potentiels (pratiques

"débordantes" des riverains perçues par les collectivités, influence écologique des nouveaux modes de gestion des collectivités) et sur des trajectoires d'état possibles des bords de routes et chemins.

Cependant, cette étude est limitée dans ces résultats quant à la compréhension des logiques

d’action. Il serait en effet utile de faire le "lien retour" de façon systématique avec les acteurs, entre

les pratiques observées sur le terrain et les modes d'organisation qu'ils ont formulés. En effet, on

constate des écarts entre observations et formulations d’acteurs : sont-ils le fait de divergences entre

l'organisation vue par le gestionnaire et les choix des opérateurs ou entre des décisions tactiques à

des moments sur le terrain et la volonté d'une stratégie à mettre en place ? Par ailleurs, comme

évoqué ci-dessus, l'évaluation du rôle des particuliers dans l'entretien des bords de routes et

chemins n'a pas été étudiée. Cet aspect important demande la construction d'enquêtes spécifiques.

Enfin, pour mettre en place une méthode générique, il serait important de la tester sur d'autres territoires.

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F. L’effet des activités humaines sur la végétation herbacée des bordures de routes et chemins

Par Didier Le Cœur et Jean-Luc Roger

Didier Le Cœur, maître de conférences en écologie des peuplements végétaux à AGROCAMPUS

OUEST, et Jean-Luc Roger, technicien de recherche « Observations biologiques », travaillent sur le

volet écologique du projet au sein de l'unité Sad-Paysage de l'INRA de Rennes.

De nombreuses caractéristiques confèrent aux bordures de routes et chemins leur intérêt

écologique. Elles sont tirées de la littérature scientifique, de l'expérience d'un autre type de bordures

- les bordures de champs entre biodiversité et activités humaines - et de facteurs appliqués aux

principes élémentaires de l'écologie. Ces bordures, habitées par des plantes et des animaux

sauvages, diffèrent de celles présentes dans d'autres biotopes tels que les forêts, les prairies, etc. Ce

sont des constructions humaines plus ou moins anciennes, donc susceptibles d'être colonisées par de

médiocres colonisateurs, c'est-à-dire des espèces qui mettent beaucoup de temps à s'implanter dans

des environnements nouvellement créés dans le paysage du fait de leur faible mobilité. Ces milieux sont gérés par une diversité d'acteurs28 (collectivités, associations, agriculteurs, etc.) qui influencent

les compositions floristiques de ces bordures au gré de leur choix de gestion et de leur période

d'application. Contrairement à une majorité des milieux de l'espace rural, ces bordures présentent,

d'une part, une grande stabilité au cours du temps favorisant l'installation de populations d'espèces

vivaces et, d'autre part, sont relativement pauvres en nutriment puisqu'elles ne sont pas soumises à

une fertilisation directe par l'agriculture. Ainsi, certaines espèces végétales peu compétitrices y sont

présentes, du fait de la pauvreté du sol en azote. Un intérêt fort de cet objet de recherche est sa

grande variabilité microclimatique, en termes de lumière et d'humidité, créant ainsi une multitude

de situations d'étude, du bord de route très lumineux à celui du chemin creux très sombre. Ces bordures sont par ailleurs fréquemment associées à un fossé. Ceci induit un gradient hydrique

important sur une courte distance et favorise ainsi la diversité des espèces présentes depuis le fond

du fossé - où l'on pourra trouver des plantes de milieux humides voire aquatiques - jusqu’au haut du

talus - où les plantes pourront être celles de milieux très secs. Enfin, l'occupation du sol adjacent à

ces bords de routes et chemins influencent également la flore de ces derniers du fait des différences

de nature et d’intensité des perturbations issus de ces éléments29.

A partir de ces caractéristiques, diverses hypothèses ont été testées. A l'échelle locale de la

bordure de chemin, la question se pose de connaître l'influence des variables de sa structure

(hauteur du talus, profondeur du fossé, recouvrement par les ligneux) sur la qualité de la biodiversité

végétale présente. Dans le même ordre d'idée, les différents modes de gestion (désherbage chimique, débroussaillage chimique, fauche, pâturage, broyage) ont été notés par les traces visibles

au moment des relevés de terrain. Cependant, plus que l'évènement ponctuel de l'entretien, c'est le

cumul de ces évènements qui influence à long terme l'état floristique de la bordure. On est donc

confronté ici aux contraintes du suivi nécessaire mais complexe à mettre en place. Lors des relevés

de végétation sur le terrain est aussi prise en compte l'occupation du sol adjacente (prairie, culture,

bois, bâti). Enfin, l'usage du chemin est déduit de son substrat et de sa largeur (randonnée,

circulation d’animaux, desserte agricole, toute circulation, statut de PR ou GR).

Toutes les espèces présentes n'ont pas été inventoriées pour l'étude. Seules quelques unes

ont été sélectionnées comme indicateurs. Tout d'abord, 31 espèces (11 forestières préférant les

environnements sombres, 10 prairiales, 10 adventices ou mauvaises herbes des cultures), caractérisant de manière fine l'état écologique des bordures de champs, ont servi par analogie à

comprendre les logiques de peuplement en bordures des routes et chemins. Les forestières et

prairiales sont des espèces qui ont une valeur importante en matière de conservation de qualité de

nature, elles jouent le rôle d'indicateurs écologiques. En cas de perturbations importantes (broyage,

herbicide), les bordures sont colonisées par des adventices. Cela permet d'apprécier visuellement

28

Voir partie I. E. Diversité des pratiques d’entretien des bords de chemins et de routes, pp. 12-14 29

Voir partie II. D. 1. L’effet des activités humaines sur la végétation herbacée des bordures de routes et chemins observé

sur le terrain, p. 28-29

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l'intensité de la perturbation. 17 espèces supplémentaires ont été ajoutées à cette sélection afin de

couvrir au mieux la longueur des gradients écologiques (lumière, eau, fertilité) rencontrés par les

plantes de bordures de champ. Enfin, 9 espèces très forestières (ambiance très sombre, lents

colonisateurs) ont également été sélectionnées a priori. Produisant très peu de graines et favorisant la croissance de leurs feuilles au sol pour capter la lumière, ces plantes se propagent le plus souvent

de manière végétative. Très peu présentes en bords de champs, elles sont susceptibles de montrer

l'aspect complémentaire - ou non - des bordures de chemins par rapports à celles des champs.

La cartographie exhaustive du réseau de routes et chemins de la zone atelier de Pleine-

Fougères constitue le document de travail de base. Plusieurs variables étaient donc disponibles

(nature du substrat, largeur, ombrage du chemin, statut PR ou GR). Le principe de construction a été

de répartir au mieux les relevés en fonction du type d’ombrage et du type de substrat puis de

répartir les huit combinaisons sur l'ensemble du site. La zone atelier présente un gradient bocager

décroissant du sud vers le nord constituant une variable non négligeable pour la flore. Ensuite, il a

fallu inclure équitablement les GR et PR à ces types. Le croisement de toutes ces modalités a donné lieu à 286 relevés de végétation dans lesquels on repère les espèces choisies a priori. La limitation du

nombre d'espèces rend le travail de relevé floristique abordable sans compétences naturalistes

pointues. De même, les espèces retenues sont caractéristiques et donc aisément reconnaissables. La

cartographie issue d'un SIG, dans lequel les données ont été intégrées, illustre la diversité de ces

combinaisons de structures à petite échelle.

Encore une fois, les photographies sont un support utilisé afin de rendre compte de la

diversité des situations étudiées : chemin creux terreux très ombragé, chemin terreux support de

randonnée, chemin empierré à usage agricole, bord de route ombragé, bord de route exposé, etc. Au

regard des caractéristiques croisées des chemins, quelques situations expliquent particulièrement bien le rôle des diverses variables sur la diversité floristique des bordures à petite échelle. Dans le cas

d'un chemin empierré non ombragé, concerné par une utilisation mixte (agriculture et loisirs), géré

par broyage à l'épareuse, la flore dominante est de type prairiale, compte tenu de la lumière

prédominante et de la manière dont est réalisé le broyage - assez éloigné du sol. Elle est

particulièrement intéressante du point de vue de la conservation d'espèces sauvages. Dans un

chemin embroussaillé - pour lequel l'entretien est nul - la diversité floristique est faible avec une

nette dominance de la ronce : quelques forestières persistent dans cet environnement obscur et

quelques adventices s’installent à la faveur des trouées de lumière. Ce type de situation montre

l’intérêt de l’entretien pour la diversité floristique et la qualité écologique d'une bordure. Par contre,

ce cas de figure est favorable à une certaine faune, les sangliers et les chevreuils par exemple. Dans un chemin creux ombragé, support de tous types de randonnées (pédestre, équestre, cycliste) et

entretenu manuellement (débroussailleuse à dos), la flore présente est, dans ces conditions de

microclimat, de structure et de gestion, à dominance forestière. Une route goudronnée ombragée,

destinée à toute circulation et dont les bords sont entretenus au moyen d'une épareuse, présente

une flore forestière bien marquée. Dans ces conditions d’ombrage, les adventices, qui sont des

plantes de lumières, s’installent difficilement en réponse à la perturbation liée au mode de gestion à

l’épareuse. Dernier exemple, un chemin terreux semi-ombragé, dédié exclusivement à la circulation

agricole, où l'entretien mis en place par l'agriculteur est le débroussaillage chimique, présente une

flore à dominante adventice.

Une représentation synthétique, sous forme de plan factoriel d’ordination sous contrainte, des relations entre variables structurant la composition floristique des bords de chemins permet de

mettre en évidence les principaux patrons suivants. Aux deux extrêmes de qualités écologiques

traduites par la flore s’opposent le chemin terreux, creux (talus très haut), très ombragé

(recouvrement arborescent et arbustif dense), très étroit et le plus souvent adjacent à des bois, et le

chemin goudronné (route), large, sec, aux fossés profonds, sans ombrage avec une forte influence

des activités agricoles mises en œuvre sur les parcelles adjacentes. Entre ces deux situations

extrêmes, on constate la variation suivante de la composition floristique : d'une flore typiquement

forestière à laquelle on attribue souvent un caractère patrimonial fort en situation de chemin creux,

on passe, en bord de route, à une flore de type prairiale. En situation intermédiaire, on retrouve les

chemins utilisés par l'agriculture, longeant les parcelles de cultures (céréales, maïs) qui sont l'objet

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d'un désherbage chimique, présentant souvent une flore traduisant la réalité de perturbations

importantes de la végétation (ronces et adventices) qui constitue un couvert beaucoup moins

intéressant d'un point de vue écologique. Un questionnement préalable - est-ce que les chemins de

randonnée ont de belles plantes ? - amène quelques observations surprenantes. On constate en effet qu'une majorité des itinéraires de randonnée emprunte des chemins creux, en terre et/ou ombragés

correspondant quasiment systématiquement à une flore dite de lisière forestière, aux couleurs

attrayantes (violettes, primevères, etc.). Sont-ils choisis pour cette raison ? Font-ils l’objet d'une

gestion destinée à maintenir cette flore ? Cela pourrait faire l'objet de recherches approfondies sous

l'angle anthropologique, entre la nature sauvage qui effraie et la nature domestiquée de la

civilisation paysanne.

Dans cette étude de la végétation des bordures de chemins, un facteur particulièrement

influant sur l'évolution récente de la flore a été approfondi à l'aide d'un suivi photographique : l'effet

des pratiques modernes d'entretien. Une plante de lisière forestière, abondante, la stellaire holostée,

sert d'exemple pour illustrer les conséquences des différents modes de gestion des bordures sur la flore. Plante témoin de la présence ancienne d’une ambiance de lisière forestière, elle se maintient

longtemps en situation lumineuse, après suppression du couvert forestier qui avait permis sont

installation. Néanmoins, certaines techniques d'entretien sont susceptibles d’affecter la dynamique

de ses populations de bords de routes et chemins. Lors d'un entretien chimique, le talus est mis à nu.

A noter que le glyphosate est désormais interdit mais si les collectivités ne l'utilisent plus, certains

agriculteurs et particuliers s'en servent encore. Dans ce cas, les espèces végétales se trouvent alors à

niveau de concurrence égal pour la reconquête de ce talus mais les graminées sont en général les

colonisateurs les plus rapides. Dans un scénario d'entretien mécanique (gyrobroyage), le broyat

laissé sur place composte, l'humus produit enrichit le sol et engendre une dégradation de la qualité biologique. Dans les deux cas, la stellaire se réfugie alors en haut de talus alors qu'auparavant elle

poussait sur son ensemble. Un fait révélateur des effets de l'entretien mécanique est la présence des

stellaires autour des piquets de clôture de champs, aux abords inaccessibles pour l'épareuse. De plus,

si ces modes d'entretien sont répétitifs et importants, le talus peut s'éroder. Alors, aucune espèce ne

repousse. Il existe aussi des situations où un entretien collectif néfaste par gyrobroyage est combiné

à un débord - volontaire ou non - d'herbicide en provenance de la parcelle. L'observatoire

photographie révèle que la dynamique de disparition des populations est parfois très rapide. On

identifie un effet obstacle à ces disparitions. Ainsi en l’espace d’un an, des stellaires ont disparu

d'une bordure suite au retrait d’un poteau qui ne joue plus un rôle d'obstacle au passage des engins

d’entretien. Tous les obstacles de bords de route tiennent lieu de "musée" et sont parfois de nature surprenante (calvaire en bord de route, poubelles, etc.). Il est aussi indispensable de signaler que

cette diminution de la diversité floristique a des conséquences sur la faune, en particulier les insectes

tels que le bourdon, qui ont des besoins importants en nectar, pollen, etc.

Cette étude a montré la diversité des situations écologiques que l'on peut résumer en trois

principales : bordures plutôt pauvres en nutriments, peu perturbées avec des espèces végétales

prairiales (luminosité) ou de lisières forestières (obscurité), fréquemment associées aux chemins de

randonnées ; bordures colonisées par des adventices, enrichies en nutriments, perturbées par la

gestion ; bordures les plus forestières de l’espace rural hors forêt. Ces états sont directement soumis

à la gestion mise en œuvre. Choisir un mode d'entretien se révèle toutefois complexe car cela

soulève des problématiques diverses de sécurité, maintien de la biodiversité, etc. Cette étude est donc à poursuivre en articulation avec celles de la gestion des bordures30 et de la circulation

agricole31. Il serait aussi primordial de pouvoir intégrer l'âge des chemins mais cela pose d'autres

questions d'ordre méthodologique…

Cet exposé a suscité tant de questionnements et de commentaires que, contrairement aux

autres, ils sont résumés dans les paragraphes suivants au lieu d'être intégrés au fil du discours.

30

Voir partie I. E. Diversité des pratiques d’entretien des bords de chemins et de routes, pp. 12-14 31

Voir partie I. D. Les réseaux de circulation agricole : des territoires aux paysages, pp. 10-12

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Jacques Lemaître32 souligne le rôle de corridors écologiques des bordures de chemins et de

champs, notamment dans le contexte actuel de mise en œuvre des trames vertes33. Il mentionne la

prise de conscience récente de l'intérêt des chemins pour la biodiversité. Au regard de son

expérience, il insiste sur la nécessité d'une gestion concertée entre les collectivités, les agriculteurs, les chasseurs, les randonneurs, notamment dans la mise en place d'un entretien respectueux

répondant aux intérêts communs. A ce propos, Didier Le Cœur attire l'attention sur la circulation des

animaux et leur importance pour la dispersion des graines de certaines espèces34. De ce fait,

Laurence Le Du-Blayo s'interroge sur l'intérêt écologique de la conservation d'un chemin : faut-il le

maintenir dans son ensemble pour l'effet corridor induit ou seulement en partie, là où il présente un

habitat exceptionnel même restreint ? C'est-à-dire, faut-il considérer le réseau dans son intégralité,

dans le sens connectivité, ou bien faut-il établir une typologie des formes patrimoniales à préserver ?

Selon Didier Le Cœur, reprenant l'exemple des plantes forestières des bords de chemins - donc hors

de leur habitat originel qui est la forêt dense, cela dépend de la problématique adoptée, qu'elle

traduise une volonté de maintien des espèces ou de colonisation. Concernant les espèces rares ou patrimoniales liées à des reliques d'habitats, on s'interroge alors sur la légitimité de reproduction des

conditions idéales. En Bretagne, où l'arbre est un élément identitaire et le bocage très présent, les

études et les politiques publiques contribuent au maintien de la biodiversité mais le réel intérêt

écologique réside toujours dans le peuplement spontané. Enfin, Laurence Le Du-Blayo rappelle qu'en

Europe, la notion de pourcentage sauvage maintenu en espace naturel est prépondérant, fortement

visible au travers des nombreuses protections (Natura 2000, ZNIEFF, etc.) mais comment expliquer

quantitativement que les liens entre les structures du paysage ordinaire (bordures, chemins, haies,

etc.) contribuent au maintien d’une biodiversité à l’échelle régionale par rapport aux espaces

naturels reconnus nationalement (tourbières, zones humides, etc.) ? Sur ce sujet, Didier Le Cœur intervient sur le fait que l'homme, la faune et la flore évoluent conjointement. La biodiversité résulte

essentiellement de l'occupation humaine et de ses actions en espace ordinaire ; elle est fortement

corrélée à l’occupation du sol et aux pratiques agricoles.

G. Les chemins, porte ouverte sur l’espace agricole

Par Yvon Le Caro

Yvon Le Caro, maître de conférences en géographie et aménagement des espaces ruraux à l'université

de Rennes 2, est associé au projet pour ses recherches en lien avec les problématiques du projet.

Randonner, c’est fréquenter l’espace agricole. Pourtant, dans les publicités, les dépliants

touristiques, les topoguides, ce dernier est un grand absent alors qu’il représente une très forte

proportion des paysages désirés par le promeneur.

Les chemins représentent une relation singulière à l'espace agricole. Ils incarnent l'espace

public au travers d'un espace privé que sont les cultures, les prés. Ils correspondent en quelque

sorte à l'espace public de l’espace agricole. Dans cette présente réflexion, l'espace agricole considéré

est l'espace ouvert non bâti excluant bâtiment de ferme, etc. Ici, c'est du chemin rural dont il est

question bien que généralement, dans la pratique, les chemins d'exploitation et les chemins privés

ne sont pas perçus comme tels par les usagers de loisirs et se confondent. De précédents travaux de

recherche35 définissent deux catégories d'usagers de l'espace agricole, les accédants à cet espace et

les titulaires de droit de cet espace. La question sociale de l'usage des chemins repose alors sur des

accédants - les usagers - essayant de conquérir des droits sur des titulaires - les agriculteurs - qui

tentent de défendre les leurs. En réalité, cette distinction est réductrice puisque sur le chemin, c'est plutôt l'agriculteur qui est un accédant, en monopolisant par exemple un tronçon de chemin, soit

pour la conduite de ses animaux ou pour le passage de son tracteur, soit en se l'appropriant, soit le

32

Voir partie II. A. La qualité et la variété des paysages, des critères essentiels pour la création d'itinéraires de randonnées,

pp. 21-23 33

Voir partie IV. A. Les trames vertes dans les paysages : fonctions sociales et écologiques, pp. 35-38 34

Voir partie II. D. 1. L’effet des activités humaines sur la végétation herbacée des bordures de routes et chemins sur le

terrain, p. 28-39 35

Michel, C, 2003, L’accès du public aux espaces naturels, agricoles et forestiers et l’exercice du droit de propriété : des

équilibres à gérer, Thèse de doctorat, Paris, Engref

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modifiant physiquement jusqu'à parfois le rendre impropre à d'autres usages. Ces statuts sont de fait

plutôt réciproques si l'on considère le citoyen comme titulaire sur des chemins communaux puisque

juridiquement ouverts au public. Du fait de pratiques moins tranchées, l'espace agricole revêt un

caractère hybridé qu'on ne peut donc clairement identifier comme public ou comme privé. En effet, les terrains privés sont largement fréquentés par les usagers pour la cueillette, la chasse, la pêche,

etc. De même, à l'échelle de l'exploitation agricole, les chemins publics utilisés par l'agriculteur font

partie intégrante de cet espace agricole, d'un point de vue fonctionnel car ils concourent au bon

fonctionnement de celle-ci. Néanmoins, le chemin est donc un ferment de publicité (dans le sens

public). L'idée que l'espace agricole puisse être un espace public vient par les chemins et qu'il puisse

être un espace privé par le bâti. Le chemin procède du paysage agraire traversé, il est un espace de

cohabitation et de rencontres donc un espace vécu à l'intérieur du paysage. L’espace agricole est un

espace hybridé mais tout de même parasité par l’espace commun, d’un point de vue politique :

l’urbanisation de la société et le développement des loisirs de plein-air amènent à penser l’accès non

plus comme commun - au sens ancien de communauté paysanne - mais comme public - généralisé à une collectivité garante de l'application des lois. Le problème de la régulation se pose alors. Autrefois

régie par des gardes champêtres, elle devient aujourd'hui difficile et délicate. Dans ce contexte, le

territoire agricole est un espace topologique construit autour du siège d’exploitation et de

l’habitation. On y observe deux niveaux : la ferme (habitation, bâtiments, jardin) et l’exploitation au

sens large (parcelles de culture et d’élevage). Un troisième niveau peut être associé, à une échelle

plus large, lors du passage de l'espace agricole à l'espace urbain ou à l'espace forestier. Dans cet

espace vécu, le chemin constitue une porte pour franchir les clôtures symboliques - marquées ou

non - entre ces niveaux. Le chemin est un vecteur de franchissement de leurs limites. Le chemin est

donc un objet - la porte - avec un seuil. L'effet de seuil se matérialise lorsque des usagers de ce chemin sont, à un instant t, au seuil de l'exploitation. A ce moment, l'entrée est permise ou non,

symboliquement ou concrètement. Ces seuils sont des endroits stratégiques. Le seuil est un moyen

de présentation de soi et le chemin un mode d'accès à soi : lorsque l’on fréquente le chemin, on

franchit les seuils, on passe alors devant l’exploitation mais aussi parfois l’habitation. Le promeneur a

alors vue sur la maison, sur le mode de vie de ses habitants, etc. C'est d'ailleurs un des aspects sous-

estimés lors de la création d'itinéraires de randonnée ; autant le chemin peut être performatif autant

il peut être invasif.

Quelques exemples, issus des travaux de recherche, illustrent ces propos sur les relations des

chemins et de leurs usagers à l'espace agricole. La première exploitation observée est une

exploitation laitière rurale en agriculture biologique sur laquelle passe un chemin de grande randonnée (GR). On remarque que les usagers ne se cantonnent pas au GR, d'autres promenades se

font sur le reste de l'exploitation, sur ses chemins et dans ses parcelles (motocross, raccourcis,

présence d'une source, champignons, chasse, etc.). Par ailleurs, si l'on aborde la thématique des

conjonctions des circulations agricole36 et de loisirs, l'agriculteur concerné est contraint de conduire

son bétail de la salle de traite aux pâtures sur un chemin plutôt qu'à travers champs du fait d'une

forte pente. Ce kilomètre de chemin est aussi emprunté par des randonneurs (équestres, pédestres,

vététistes). Ce chemin terreux étant parfois humide, l’agriculteur a choisi de réaliser lui-même

l’entretien de ce chemin public sur les 300 mètres "critiques" en empierrant pour permettre le

passage du bétail et des engins. Un autre exemple est celui d'une exploitation maraîchère en bord de

mer longée par le sentier de servitude littorale. Les cavaliers du centre équestre proche, plutôt que de fréquenter la route - domaine de l'automobile - coupaient une parcelle légumière pour rejoindre

la plage. L'agriculteur, que le passage des chevaux gênait, a lui-même créé une banquette de trois

mètres entre deux parcelles pour leur ouvrir un accès. Par ailleurs, cet agriculteur laisse la totalité de

ces terres à disposition pour la chasse communale car il estime qu'il a suffisamment de surface. Cette

même ferme est sur le domaine d'un château aux chemins privés très fréquentés, sans que cela ne

pose problème. Le châtelain aurait pu opter pour le droit de se clore, notamment en raison de la

sensibilité de cette zone légumière, située sur le littoral. Dans le même état d'esprit, Jacques

36

Voir partie I. D. Les réseaux de circulation agricole : des territoires aux paysages, pp. 10-12

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Lemaître37 signale l'exemple d'un propriétaire, qui, bénéficiant de subventions de l'Etat pour

l'entretien son château et son domaine forestier, ouvre son territoire au public dans un sens d'équité

sociale. La non-clôture et la tolérance de passage constituent un autre mode de gestion des chemins

et de leur accès. Ces exemples sont révélateurs de l'hybridation juridique de l'espace agricole, de sa dimension public-privé mais aussi de l'expression des rapports sociaux. Ces tolérances sont des

formes de transaction sociale. Enfin, le dernier exemple est celui d'une exploitation céréalière

périurbaine. Ici, le chemin limite l’usage du sol : d’un coté se trouvent les grandes cultures et de

l’autre des prés humides en fond de vallée. Une politique de restauration de haies et de recalibrage

du chemin a été menée par la commune pour la randonnée. L’agriculteur voisin ne l’utilise pourtant

plus, il fait le choix d'emprunter une voie plus longue par la route car il a conscience des besoins

sociaux et de l’importance de son rôle dans le maintien des itinéraires. Dans ce cas de figure, les

promeneurs préfèrent les boucles et reviennent même par la route dans une logique d’exploration

de l’espace et de sa diversité même si le paysage n’est pas "beau" partout, en l'occurrence une

grande plaine céréalière. Ce sentiment donnant-donnant entre agriculteurs et randonneurs n'est pas nouveau. Jacques Lemaître rappelle qu'en 1976, l’impôt exceptionnel mis en place pour financer les

pertes agricoles dues à la sécheresse a très mal été perçu par les populations en général sauf par les

randonneurs, qui ont vu les effets de cette dernière par leur pratique de l’espace agricole. Selon lui,

les agriculteurs sont de réels pivots locaux pour la randonnée pédestre.

Toujours en considérant ces chemins comme des portes, on constate donc que certains ont

des serrures - sont obstrués - et que d'autres sont grand ouverts - balisés. La question de l'accès au

paysage est alors omniprésente et soulève de multiples questionnements autour de l'espace agricole

et de la qualité paysagère des chemins : le chemin est un mode d'accès au paysage mais à quel

paysage ? Un sondage38 réalisé sur les chemins inscrits au PDIPR d'Ille-et-Vilaine met en évidence l'importance des paysages agricoles. 75% des paysages vus de part et d'autre du chemin sont

agricoles, surtout concernant les chemins intéressants pour la randonnée, c'est-à-dire non revêtus de

goudron. Dans cette mesure, la majeure partie des chemins traversent des espaces considérés banals

mais dans la pratique, même en paysage de plaine, les chemins sont autant fréquentés. Un paradoxe

résiste à ce constat : souvent, les élus aimeraient à tout prix mettre en valeur le petit patrimoine

remarquable alors que de nombreux espaces en sont dépourvus. Cette étude démontre que ces

chemins en espace agricole ne sont pas destinés à tous. Les touristes recherchent évidemment le

dépaysement, cet espace n'est donc pas leur destination prioritaire. Pour les citadins, les chemins

sont un mode d'accès privilégié à l'espace rural, à l'échelle de l'excursion. L'enjeu serait alors de les

intéresser à cet espace avec, par exemple, des sentiers d'interprétations, des sentiers pédagogiques agricoles mais cela reste considérable à réaliser. La question de l’accès aux paysages est une bonne

carte de visite pour les agriculteurs - sauf dans le contexte de la destruction des chemins mais lors

des remembrements et des aménagements fonciers, leur volonté n’était pas de détruire les chemins

dans le seul but d’empêcher le passage. En fait, les chemins sont avant tout destinés aux habitants

locaux, d'où une vraie revendication du droit à la promenade car on constate qu'il est réellement

plus difficile de sortir de chez soi en campagne qu'en ville, où les sentiers piétons sont de plus en plus

fréquemment créés. Les agriculteurs sont eux aussi des usagers récréatifs de ces chemins. Si l'on

considère maintenant l'espace agricole du point de vue des politiques publiques, on note qu'il est

partagé entre des espaces où l'on prête attention et des espaces oubliés. Dans le cas de

l’agglomération rennaise, certains chemins inscrits au PDIPR ne sont pas ouverts au public, ils sont "en réserve" pour les générations futures mais aucun autre itinéraire n'est mis en valeur pour les

populations locales. Le quartier de Villejean, où réside une population au niveau social

majoritairement faible, a accès à l'espace rural en deçà de la rocade par une passerelle et un

souterrain mais aucun des nombreux chemins physiquement présents n'est mis en valeur ni

médiatisé ce qui induit une méconnaissance de cet espace, alors pratiqué de manière sauvage. Les

adolescents constituent une tranche de cette population qui profite de cet espace agricole, vu

37

Voir partie II. A. La qualité et la variété des paysages, des critères essentiels pour la création d'itinéraires de randonnées,

pp. 21-23 38

Cette enquête se base sur un tirage aléatoire d'une commune par communauté de communes afin d'avoir 10% de

représentativité - cette dernière ayant été vérifiée objectivement.

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comme terre d’aventure et espace de liberté. On se rend compte que le chemin est un espace public

qui se mérite. En France, l’idéologie de l’accès, de la liberté de passer est très évoluée, très poussée

alors qu’en Angleterre, où prime la logique restrictive de terrain privé, la possibilité de se promener à

partir de chez soi est incarnée par le fameux Public Right of Way, qui n'est juste que le droit de passage sur la parcelle. D'ailleurs, très peu d’itinéraires sont balisés Public Right of Way et établir un

circuit de randonnée se révèle très difficile. Par contre, l’idéologie du paysage est plus marquée

qu’en France et les agriculteurs se sentent intimement liés à la question de nature. Que le statut d'un

chemin soit public ou privé, il existe toujours des obstacles à franchir, ce qui remet en cause la

question de l'accessibilité physique au paysage. A titre d'exemples, on peut citer quelques cas de

chemins français protégés juridiquement, c'est-à-dire officiellement inscrits au PDIPR et ouverts au

public, qui, sur le terrain, sont entièrement embroussaillés et donc impraticables. En Angleterre, ce

sont des obstacles type échelles de franchissement de clôture qui limite l'accès aux personnes à

mobilité réduite. Par contre, selon Mattias Qviström39, en Suède, on n’observe pas de conflits pour

l’accès en lui-même mais pour le gain financier relatif à cet accès, c'est la question du coût de droit de passage sur un espace privé qui se pose. Economiquement, la randonnée en France n'est pas

payante mais génère des flux monétaires par tous les services connexes (guide de randonnée, gîte

d'épate, location de vélos, etc.). En espace agricole, défiant le statut juridique ou le support

physique, c'est comme si le caractère hybridé public/privé empêchait le chemin d’être une simple

circulation, qui est aussi un espace d'ancrage de l'agriculture et empêche finalement l’agriculture

d’ignorer ses significations sociales, c'est-à-dire de poursuivre ses activités sans s'occuper des autres

usagers. L'aménagement de l'espace agricole doit-il assumer ce frottement multifonctionnel ou bien

l'éviter par une séparation des flux ? Du point de vue de la vie sociale, une séparation destinée à

éviter les problèmes provoque un effet tunnel - on passe à travers l'espace agricole - qui bloque les échanges entre populations. L’étude des chemins et de l’accès aux paysages reste confrontée à un

problème majeur : l'absence de sources directes et de statiques concernant la densité des chemins.

Donc comment quantifier les linéaires disparus? Pour un échantillon choisi et délimité, c’est

réalisable40 mais comment extrapoler à un territoire plus large, chacun présentant son propre

contexte historique d'évolution? On assimile volontiers bocage dense et réseau de chemins

important alors qu'en réalité on trouve une diversité de situations. Quels sont les critères à : retenir,

chemins ruraux ou chemins d’exploitation, statut juridique ou caractéristique physique ?

39

Voir partie III. A. La matérialisation de la vitesse : l'analyse d'un siècle de modification du paysage dans une aire

périurbaine dans le sud de la Suède, pp. 31-32 40

Voir partie I. C. La dynamique spatiale des réseaux de chemins, pp. 7-9

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II. Les chemins du paysage et le paysage des chemins au quotidien

A. La qualité et la variété des paysages, des critères essentiels pour la création d'itinéraires de randonnées

Par Jacques Lemaître

Jacques Lemaître, ancien vice-président de la Fédération Française de la Randonnée Pédestre, fut l'un

des initiateurs du développement de la randonnée en France dès les années 1970. Il est entre autre à

l'origine de la structuration du réseau de sentiers d'Ille-et-Vilaine.

La randonnée n'est pas pratiquée exclusivement pour l'exercice des pieds. C'est aussi

découvrir le paysage environnant avec tous ses sens. Le paysage du randonneur est complexe,

chacun l'interprète à sa manière et il en est d'autant plus difficile de le définir. Pour la Fédération

Française de la Randonnée Pédestre (FFRP), il signifie aussi bien le patrimoine naturel, historique,

architectural que le patrimoine culturel et gastronomique. En espace agricole, le patrimoine rural est

un élément du paysage et ce type de paysage fait aussi partie du patrimoine local. Le paysage ne se

limite donc pas à des clichés de panoramas, tels les paysages remarquables du littoral. Il a avant tout

cette caractéristique de représenter une multiplicité de visions à différentes échelles, de celle des pas à celle du panorama. Pour le randonneur, la lecture du paysage se fait selon le temps de ses

enjambées, selon sa vitesse contrairement à l'automobiliste qui est projeté d'un paysage à un autre.

Cet emboîtement d'échelles crée, à chaque distance d'approche, un nouveau paysage. Celui-ci n'est

pas statique, il évolue, plus ou moins rapidement, dans le temps et dans l'espace au fil des actions de

l'homme ou de la nature.

Ces observations amènent des organismes de terrain, tels que la FFRP à se poser

constamment des questions lors de la création d'itinéraires : comment les randonneurs perçoivent-ils

le paysage? En quoi les actions menées agissent sur le paysage? Du fait de ces interrogations, la

fédération inscrit ses actions dans le développement durable, et cela, sans en avoir forcément

conscience - du moins à ses débuts avant la politisation de cette notion. La FFRP assure à la fois la création et le suivi des itinéraires ainsi que la formation d'animateurs et de professionnels. Le chemin

est un élément des itinéraires, l'itinéraire est une succession de chemins choisis. Ces choix résultent

d'études menées par la FFRP, qui propose donc des circuits complexes puisque composés de chemins

aux statuts juridiques et fonciers différents, gérés par une multitude d'acteurs. Le cheminement

retenu est alors balisé de couleurs différentes suivant le label apposé (GR, GRP, PR, etc.). Ce label a

été créé du fait de l'ampleur de la pratique de la marche. La fédération compte 200 000 adhérents

mais des études convergent sur le chiffre de 15 à 20 millions de randonneurs et promeneurs en

France. Il faut donc créer et entretenir des sentiers mais aussi encadrer la pratique de la randonnée

afin d'éviter les débordements grâce au balisage notamment.

Dans les années 1970, Jacques Lemaître s'engage en faveur de la randonnée et initie des sorties, auparavant préparées. Lors de ses repérages, il est le témoin de la disparition des chemins,

liée aux travaux connexes de remembrement41. Les pratiquants des sports de plein-air prennent alors

conscience que ces disparitions entraîneront à terme la disparition de leur loisir. A cette époque,

l'intérêt d'ouvrir de chemins dédiés à la pratique de la randonnée dans les régions non

montagneuses et de les baliser semblait injustifié aux yeux des populations locales. Le réseau était

encore dense et diffus car tous les espaces agricoles n'étaient pas encore concernés par les

aménagements fonciers. A titre d'exemple, l'idée du GR 34 - l'actuel tour de Bretagne, née en 1947

avec la création du Comité national des sentiers de grande randonnée, est rapidement abandonnée

au regard des incrédulités. En 1968, ce projet est relancé par la Délégation à l'Aménagement du

Territoire et à l'Action Régionale et n'est finalement créé qu'en 1972. Cet itinéraire permet de contempler la diversité des paysages littoraux bretons. Connecté à d'autres GR ultérieurement créés,

il assure une continuité pour la découverte d'autres paysages intérieurs. Ainsi le GR 37 reliant Vitré à

la pointe de Crozon parcourt l'Ille-et-Vilaine sur la limite de partage des eaux et ses paysages ont été

implicitement déterminants dans le choix du parcours. Suite à ces créations, les idées en amenant

41

Voir partie I. C. La dynamique spatiale des réseaux de chemins, pp. 7-9.

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d'autres, des liaisons aux paysages différenciés sont nées, telle celle de Guérande en Loire-Atlantique

vers la Baie du Mont Saint-Michel. Cette dernière emprunte la vallée de la Vilaine dont les paysages

sont difficilement accessibles autrement, sauf par la voie ferrée qui ne permet pas de les apprécier à

son rythme. Ces créations sont parfois difficiles du fait de la disparition continue des chemins. Les randonneurs se mobilisent donc tant au niveau local qu'au niveau national. Ainsi, à Châtillon-en-

Vendelais, l'association des randonneurs a créé une pépinière d'essences locales pour accompagner

le remembrement en replantant le long des chemins après les travaux d'aménagement afin qu'ils

préservent leurs caractères. La fédération lance aussi des actions pour leur préservation. Ainsi, en

1994-1995, 1,5 millions de signatures sont récoltées lors d'une pétition pour la défense des chemins

de France. Cette même année, la mise à jour d'une charte du balisage, adressée essentiellement aux

élus, garantit l’entretien, l’itinéraire et la qualité de ces chemins. La charte a récemment été rééditée

avec l'intégration de la signalétique afin de l'homogénéiser et ce, dans un souci de qualité et de

respect du paysage et de la nature - leurs éléments servant souvent de supports.

La réflexion autour du chemin et du paysage est au cœur des préoccupations de la fédération, notamment pour la création d'outils éducatifs. Ainsi, l'opération Un chemin, une école

42

confie à des écoliers la création ou la réhabilitation d'un chemin à des fins pédagogiques. Par ailleurs,

les rando challenges43 sont des courses d'orientation ludiques, adaptées à tous les âges et tous les

niveaux, conjuguant le défi sportif et la découverte de l'environnement local en s'apparentant aux

sentiers d'interprétation. La fédération agit en faveur de la préservation de l'environnement. Le

réseau Eco-veille44, entre autre, mise sur l'importance de la chaîne opérationnelle pour traiter les

problèmes rencontrés au cas par cas. L'objectif est de responsabiliser le randonneur qu'il ne soit pas

qu'un consommateur d'espace mais aussi un acteur de cet espace. Par l'intermédiaire de fiches,

chacun peut relever les atteintes à l'environnement du sentier et faire remonter l'information par le biais des offices du tourisme et des associations locales aux comités départementaux.

La fédération de la randonnée pédestre endosse aussi parfois le rôle de médiateur pour

l'accès aux paysages. L'exemple de la randonnée en forêt de Brocéliande est particulièrement

explicite. S'y promener semble naturel aujourd'hui mais n'était pas une évidence quelques années

auparavant. C'est un massif forestier essentiellement privé où la chasse représente un revenu non

négligeable. A l'initiative de la fédération, en collaboration avec des juristes45, une convention

tripartite a été signée afin d'ouvrir un accès légal, règlementé et sécurisé à ces paysages forestiers

légendaires. Les propriétaires tolèrent ainsi le passage en échange d'une période annuelle de

fermeture pour les activités cynégétiques. Le comité départemental assure le balisage et l'entretien

des chemins. Le Conseil Général est pour sa part le souscripteur de l'assurance incendie, principal crainte émise. A propos des forêts, Jacques Lemaître souligne leur fragilité et l'évolution parfois

rapide de leurs paysages pour le randonneur. Ce sont des paysages fortement bouleversés suite à

des tempêtes ou des incendies ou soumis à des phénomènes plus lents comme l'enclosure de

l'espace dans certaines régions ou l'enfrichement dans d'autres. L'accessibilité aux fonds de vallée est

aussi limitée par la privatisation de nombreuses parcelles, en particulier les anciens moulins

parsemant les abords des cours d'eau. Réhabiliter ces fonds de vallées reste complexe car cette

situation implique une multitude d’acteurs. C’est un travail lourd et important qui demande du

temps et de l’argent dont la fédération ne dispose pas suffisamment.

La fédération est une structure qui se mobilise pour garantir la continuité des itinéraires et la

qualité des paysages parcourus. A ce titre, elle se doit d'être présente partout, auprès des maires, des intercommunalités, des conseils généraux, des commissions régionales forestières, des comités

départementaux de tourisme, des commissions des espaces, sites et itinéraires, etc. lors de

réflexions en amont d'aménagements ou de grands travaux comme la création de lignes à grande

vitesse, par exemple. Cette présence, le randonneur ne peut soupçonner son importance lorsqu'il

emprunte un itinéraire balisé. La fédération constate aussi, par sa présence auprès des institutions,

42

http://www.ffrandonnee.fr/randoJeune.aspx 43

http://www.ffrandonnee.fr/randochallenge/randoChallenge.aspx 44

http://www.ffrandonnee.fr/ecoVeille.aspx 45

LE LOUARN P., op. cit., p. 4

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23

des limites à cette coopération. En France, les crédits à la création en général sont accordés

facilement mais qu’en est-il pour la pérennisation des actions ? Quand on créé, il est pourtant

indispensable de penser au futur et mobiliser les acteurs en ce sens. Il faut donc surmonter les

stratégies territoriales du moment et favoriser la cohérence à long terme. A cet effet, la fédération et la DATAR sont à l'initiative de guides pour la création, raisonnée et réfléchie, d'itinéraires dans les

pays touristiques. Aujourd'hui, si l'on compare les topoguides édités depuis les débuts, on remarque

une considération grandissante pour les paysages. De simples indicateurs de directions à prendre,

ces topoguides sont devenus des ambassadeurs des territoires traversés. Cependant, si ils décrivent

le paysage au travers du patrimoine vernaculaire et les cultures locales, ces livrets ne mentionnent

quasiment jamais le paysage ordinaire, difficile à qualifier, et encore moins les paysages ruraux

banals.

Depuis sa création, la fédération a vécu les évolutions des pratiques, des représentations

sociales de la randonnée mais aussi les difficultés d'encadrement et de réglementation de l'activité. A

l'origine, les grands clubs œuvraient en faveur de la grande randonnée et faisaient peu cas des chemins. La randonnée était prestigieuse (Alpes) et se pratiquait sur des espaces remarquables (forêt

de Fontainebleau, les Vosges, la Provence). La prise en compte de la petite randonnée a été ardue.

L'exercice encadré de la randonnée a connu des complexités de structuration, de cohérence et de

coopération. Ensuite sont apparus des conflits spécifiques, par exemple lors de la création d'une

servitude littorale. Sa mise en œuvre, difficile par l’ampleur de la tâche, a créé des heurts entre les

esprits protecteurs de la nature et du littoral et les visions d'urbanistes partisans d'un bétonnage du

sentier. D'un point de vue technique, sa réalisation par les agents de l’Equipement n'a pas été aisée,

ceux-ci plutôt habitués à la construction de routes goudronnées. Par contre, les conflits autour de

l'usage des chemins sont rares mais lorsqu'ils existent, ils sont sévères comme depuis peu ceux engendrés par la circulation des quads. Sinon, on remarque que les clubs et associations de

randonnées sont composés d’un panel étendu en termes de type de fréquentation. Certains

pratiquent pour l’effort physique mais la plupart s’y retrouve pour la convivialité et les échanges.

Très peu de naturalistes sont adhérents de ces associations. Cependant, l’impact social de la

randonnée reste peu étudié. Aujourd'hui, la fédération oriente plus largement ses réflexions en

termes de paysage, notamment avec l'apparition des éoliennes, la dévitalisation de l'agriculture et

leurs effets. Elle réfléchit aussi sur la notion de proximité des itinéraires et de mobilité douce pour y

accéder. Des efforts restent à mener sur l'articulation des notions d'aménités écologiques,

paysagères et sociales.

B. L'homme, le paysage, la randonnée

Par Jacqueline Lebert

Jacqueline Lebert est en charge des politiques de randonnée et des espaces naturels sensibles au sein

du département aménagement et environnement du Conseil Général des Côtes d'Armor.

Le département des Côtes d'Armor est l'un des plus fréquentés par les randonneurs.

Officiellement, 3500 sont licenciés à la FFRP et 80 associations regroupent en moyenne une

cinquantaine de marcheurs hebdomadaires. Dans la pratique, nombre de marcheurs ne sont pas

répertoriés : les individuels, les familles qui se promènent sur les 6000 kilomètres de sentiers inscrits

au PDIPR. Parmi eux, certains pratiquent la randonnée pédestre, équestre, cycliste, d'autres sont

dépendants de leur mobilité réduite. La diversité des paysages costarmoricains influence

considérablement ces loisirs de plein-air. Tous ces aspects de la randonnée doivent être intégrés aux politiques d'aménagement du territoire. C'est pourquoi le Conseil Général met en œuvre une gestion

durable et solidaire de ses chemins de randonnée. De plus, il accorde une importance particulière

aux impacts de sa politique sur le paysage, notamment en œuvrant pour une gestion participative. Le

promeneur, le randonneur, l'habitant sont attachés aux paysages vécus. Dès l'émission de projet

d'aménagement, le public réagit puis, en cours de travaux, il perd ses repères pour, au final,

s'adapter à un autre paysage. Ceci se constate dans la plupart des domaines d'intervention des

politiques publiques mais si l'appréhension est forte en début de projet, le consentement est

finalement généralement de mise.

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Face à la demande du public de randonner dans un environnement sécurisé, le Conseil

Général s'engage dans une politique globale de randonnée en articulant plusieurs critères. Les

objectifs sont d'ouvrir un grand nombre d'espaces au public et d'offrir des paysages de qualité dans

une nature vivante et diversifiée en menant une action discrète, efficace et harmonieuse afin de valoriser mais aussi de sécuriser les lieux et de rendre accessible à tous publics des milieux variés. Un

paradoxe revient souvent dans les témoignages : la plupart des randonneurs disent aimer cette

pratique dans une nature vierge et accueillante - existe-elle encore vraiment ? - mais parallèlement,

demandent une sécurité maximum sans aménagements visibles46.

Sur le territoire du département, il existe de nombreux projets de création d'itinéraires à

l'initiative d'acteurs multiples. Dans l'optique d'un développement durable du territoire, le Conseil

Général a donc conçu une charte de qualité afin de les accompagner dans leurs démarches. Elle

traite de la nécessité d’articuler le développement de la randonnée et la préservation des milieux.

Elle porte aussi sur la conception des itinéraires, de la réflexion à l'aménagement, et énonce des

recommandations pour des aménagements de sentiers dans des milieux naturels fragiles. Elle préconise avant tout la construction participative qui garantit une meilleur durabilité et

appropriation des itinéraires. Cette charte est légitimée car validée par différents organismes

institutionnels et associatifs (préfecture, FFRP, Conseil Supérieur de la Pêche, etc.). Par ailleurs,

l’attribution de subventions d'aide à la création d'itinéraires est soumise à la signature d’un acte

d’engagement à respecter cette charte pour l’aménagement et l’entretien des sentiers.

Outre les initiatives locales, le Conseil Général assure aussi la maîtrise d'ouvrage pour la mise

en place de boucles de randonnées. Souvent, ces circuits à vocation touristique sont sélectionnés

pour leurs beaux paysages mais peu pour leurs paysages agricoles classiques. Cependant, le

remembrement, ses raisons économiques et son influence sur la construction des paysages sont expliqués dans les livrets de randonnées. Le département œuvre essentiellement pour les sites

d'intérêts touristiques départementaux. Ainsi, 970 000 euros et quelques années ont ainsi été

investis dans la réalisation du sentier autour du lac de Guerlédan. Les parcelles contigües au lac

étaient privées pour la plupart. Les négociations, menées afin d'en acquérir une partie pour créer un

cheminement, ont mené à des arrangements à l'amiable permettant de débuter les travaux avant

l'officialisation. Une seule expropriation a eu lieu. Suivant la ligne politique départementale, ce

sentier a essentiellement été créé manuellement, notamment dans les pierriers et entre les arêtes

schisteuses, en utilisant au maximum les matériaux présents sur place, dans le but de l'intégrer le

plus naturellement possible dans le paysage. Dans le cadre de la récente loi sur le handicap47, le

département réalise l'ouverture de tronçons aux personnes à mobilité réduite dans un maximum de milieux possibles tels que les secteurs les plus touristiques, en milieu humide, en milieu forestier, etc.

Par exemple, des linéaires de platelages en bois non traité parcourent une partie de zone humide ou

encore une passerelle mène à une large plate-forme de pêche aménagée pour des personnes

handicapées. Ces aménagements peuvent au départ paraître secs mais ils s'intègrent rapidement

dans le paysage grâce à la reconquête de la végétation. Les lieux les plus fréquentés sont sécurisés de

manière la plus invisible possible : ainsi, les grillages tendus pour prévenir la chute de pierre

n'affectent pas le regard. Un autre exemple d'aménagement est celui de l’ancienne voie ferrée de

Saint-Méen à Carhaix sur toute sa longueur soit 120 kilomètres en une voie verte. Appartenant au

département depuis 1975, elle est reconnue voie verte par la région Bretagne en 2004. Cette voie

verte symbolise la colonne vertébrale de la randonnée en Côtes d'Armor avec de nombreuses boucles s'y rattachant afin de varier les plaisirs. Interdit à tout véhicule à moteur, cet axe structurant,

très fréquenté par les randonneurs pédestres et équestres, les vélos, les attelages et les calèches est

géré dans l'esprit du développement durable et solidaire depuis 2007. Cette nouvelle gestion, qui se

veut respectueuse des milieux, a un impact réel sur le paysage. La voie a donc été réaménagée pour

pouvoir l’entretenir sans produit chimique, ce qui a suscité d'importantes réflexions quant au choix

d'un revêtement résistant aux multiples usages et quant à l'entretien possible. L'axe sablé est donc

balayé de ses feuilles afin d'éviter la production d'humus et la repousse de mauvaises herbes. Ses

46

Voir partie I. B. L’intégration sociale des chemins et de leurs réseaux, pp. 5-7 47

Loi n°2005-102 du 11 février 2005 pour l'égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des

personnes handicapées

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bas-côtés sont entretenus par fauche avec exportation des végétaux dans le but de favoriser une

végétation prairiale48. Cette pratique est encore expérimentale. La difficulté est de trouver les

partenariats avec des entrepreneurs adéquats, les agents techniques du Conseil Général n'étant pas

formés à ces pratiques. L’évolution de la flore fera l’objet d’un suivi scientifique selon la question suivante : que faire du produit de la fauche et comment le valoriser (fourrage, combustion,

méthanisation)? Une gestion forestière concertée permet d'aérer la voie, de favoriser la

régénération naturelle, de limiter la tombée des feuilles, de mettre en valeur les beaux arbres et de

filtrer le regard. 20 kilomètres de paysages sont ainsi bousculés annuellement. Une charte engage les

bûcherons à valoriser le bois ainsi obtenu. Ces multiples actions, indissociables les unes des autres,

pour gérer de façon satisfaisante la pousse de l’herbe sur un axe sablé, façonnent le paysage.

L'impact sur le paysage passe aussi par la restauration du patrimoine comme l'aménagement de

l’ancienne gare de Rostrenen. Issue d'une démarche participative, cette recréation de paysage

suscite beaucoup de questions et d'inquiétudes mais participe à la mémoire de ce paysage ancien

des activités de l'homme aujourd'hui disparues. Une des réflexions du Conseil Général pour ses actions est l'amélioration du cadre de vie et du paysage de ses habitants afin qu'ils en deviennent les

ambassadeurs auprès des touristes. Enfin, toujours en matière de gestion, le Conseil Général

fonctionne beaucoup sur le principe des conventions : avec des agriculteurs pour l'entretien des

fonds de vallées qui s'enfrichent ou encore pour inciter les communes à déléguer l'entretien des

chemins à des structures thérapeutiques49. D'un point de vue financier, cela permet de répartir les

charges et ainsi de faciliter l'adhésion et l'engagement des communes. L'externalisation de

l'entretien des chemins50 est un choix politique dans une perspective de développement social mais

ce n'est pas forcément le plus simple, notamment en matière de suivi.

La valorisation des paysages et de ses chemins de randonnées s'accompagne d'une politique publique de promotion. Une collection de guides patrimoniaux est éditée par le Conseil Général à

destination d'un public familial. L'ambition est de valoriser le paysage, le patrimoine naturel et bâti

avec des boucles pas trop longues (jusqu’à 12km) qui n'apparaissent pas dans les topoguides de la

FFRP. Les circuits ainsi valorisés répondent évidemment aux critères de la charte de qualité, sont

donc balisés de façon efficace, discrète et soignée. Enfin, ces itinéraires, accessibles toutes l'année,

présentent un revêtement au maximum naturel (moins de 30% de goudron). Par ailleurs, le Conseil

Général, partenaire du projet Les chemins du paysage, le paysage des chemins, s'est appuyé sur le

travail d'un stagiaire de master, en s'appropriant de manière simplifiée la grille d'évaluation

paysagère de circuit qu'il avait mise en place51.

C. Aperçu de la gestion des chemins par la communauté de communes du Pays de Bécherel

L’idée est de présenter, à travers un échange sur le terrain avec des acteurs locaux (élus,

associations, techniciens), le mode de gestion du patrimoine des chemins à l’échelle d’une

communauté de communes, présentement celle du Pays de Bécherel. Cette partie relate les visites

effectuées lors de la matinée consacrée à la sortie sur le terrain. Localisé sur la commune de Romillé,

le premier site a pour objet la visite d'un talus planté le long d'un chemin de randonnée. La deuxième

visite est consacrée à la rencontre avec l'association DECLIC52, qui, depuis les débuts de la politique

communautaire de randonnée, est chargé de l'entretien des chemins inscrits au PDIPR.

48

Voir partie II. D. 1. L’effet des activités humaines sur la végétation herbacée des bordures de routes et chemins sur le

terrain, p. 28-29 49

Voir partie II. C. 2. L'entretien des chemins de randonnées par un chantier d'insertion, pp. 27-28 50

Voir partie IV. B. L'organisation de l'entretien de la voirie locale en milieu rural, pp. 38-40 51

Voir partie I. C. La dynamique spatiale des réseaux de chemins, pp. 7-9 52

http://www.cc-paysdebecherel.fr/files/Dossier%20Presentation%20DECLIC%20-%20V2_0.pdf

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1. Plantation de haie sur talus en bordure d’un chemin de randonnée

Par Olivier Lelièvre, Maryvonne Texier et Patrick Souben

Olivier Lelièvre est le chargé de mission environnement de communauté de communes du Pays de

Bécherel.

Maryvonne Texier, maire de Saint-Brieuc-des-Iffs, est membre de la commission environnement de la

communauté de communes du Pays de Bécherel.

Patrick Souben, technicien à la Direction Régionale de l'Agriculture et de la Forêt de Bretagne, est à la

fois conseiller municipal de Saint-Pern, membre de la commission environnement de la communauté

de communes du Pays de Bécherel et membre de l'association de randonneurs "Animation sentiers et

patrimoine".

L'ouverture des chemins sur le territoire de l’intercommunalité, à l'initiative des associations

locales, date d'une vingtaine d'années. Les associations ont ensuite été rapidement relayées dans

cette démarche par la communauté de communes, quasiment dès sa création en 1994, en

partenariat avec le pays touristique de Brocéliande, qui gère les conventions de passage. Le réseau PDIPR actuel est donc le résultat d'une coopération efficace entre élus et associations. Parmi les

quelques 200 kilomètres inscrits, environ la moitié sont des chemins de terre, plus attractifs pour les

randonneurs, mais le passage sur route goudronnée est inévitable pour garantir la continuité des

itinéraires. Certains passages sont règlementés par des conventions entre le Conseil Général et des

propriétaires privés. La plupart des chemins inscrits, s'ils sont destinés à d'autres usages, notamment

agricoles, sont majoritairement dédiés à la randonnée pédestre et équestre. 120 kilomètres

présentent ce double usage. Par ailleurs, le circuit équestre régional - l'Equibreizh - emprunte 25

kilomètres de ce réseau et le GR 37 traverse le territoire de l'intercommunalité sur 16 kilomètres.

Selon la législation en vigueur, aucun engin motorisé n'est toléré sur ces chemins. D'autres restent disponibles pour les quads par exemple, mais le dialogue avec les associations de ce loisir est plutôt

fermé. Les associations de randonnées jouent un rôle essentiel au sein de la politique de la

communauté de communes. Elles veillent sur le réseau, gèrent le balisage des chemins avec du

matériel fourni par l’intercommunalité et aident à leur valorisation et leur médiatisation en

participant à la création de cartes et de guides. Deux fois par an, l'ensemble des acteurs se réunissent

pour faire le point sur la politique des chemins de randonnées, soumettre des propositions, éclaircir

les dysfonctionnements, etc. Actuellement, la communauté de communes n'ouvre plus de chemins

de randonnées, du fait de la contrainte de l'entretien mais se concentre sur la création de connexions

avec les communes voisines. Elle oriente aussi sa politique sur l'intégration des personnes à mobilité

réduite et sur la découverte du patrimoine.

La politique communautaire œuvre aussi en faveur des paysages, en particulier par la

restructuration du bocage. Dès 1999, la communauté de communes s'est engagée dans un Contrat

Eau Paysage Environnement (CEPE) avec le Conseil Général d'Ille-et-Vilaine afin de mettre en place

des actions concertées notamment en matière de restauration des haies bocagères. Cette démarche

repose sur différentes étapes, du diagnostic préalable à la réalisation d'un inventaire exhaustif du

réseau de haies. Désormais la campagne de plantation est entièrement à la charge de la

communauté de communes. La première année, 16000 plants ont été fournis à 70 planteurs

volontaires ne comprenant quasiment aucun agriculteur hormis celui du site visité. Au fur et à

mesure des campagnes, les connaissances et les techniques ont évoluées pour aujourd'hui être

relativement bien rodées.

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La plantation de la haie sur talus le long

du chemin visité a été réalisée en 1998. L'emploi

d'une charrue forestière a permis la levée du talus

sur 70 à 80 centimètres de hauteur et son tassement. Son paillage a été immédiat, avec des

céréales, du lin, etc. Cette haie nouvelle le long du

chemin de randonnée parcoure le fond de vallée

en bordure d'un cours d'eau sur environ 600

mètres. Ce site symbolise le nouvel engagement

de l'intercommunalité en la matière, c'est-à-dire

utiliser le chemin comme support pour l'action

bocagère et le présente comme un levier pour le

programme Breizh Bocage.

La démarche Breizh Bocage dans laquelle s'investit la communauté de communes reflète la volonté de passer d'un mode de volontariat à un mode plus directif. La présence d'un animateur

auprès d’agriculteurs susceptibles d'être intéressés a pour ambition de provoquer l'adhésion d'autres

et d'entraîner ainsi une démarche volontaire du milieu agricole à plus grande échelle. Si ce

programme est surtout centré sur la problématique des bassins versants et de la qualité de l'eau, le

chemin peut faire figure de levier, comme le prouve le lieu visité, notamment par rapport une société

agricole encore peu impliquée. En effet, le territoire n’a pas été soumis au remembrement,

exception faite d’une commune. Par ailleurs, les deux tiers des exploitations sont en fermage. De ce

fait, l'éclatement des parcelles des exploitations a essentiellement conduit à une réorganisation et à

un remaniement des territoires des exploitations au coup par coup. Le bocage, quoiqu'encore très présent, s’est peu à peu morcelé. L'idée est donc de replanter au bord des ripisylves et dans les fonds

de vallée, souvent longés par des chemins. Les chemins sont alors réappropriés et leur emprise est

renforcée par une haie.

2. L'entretien des chemins de randonnées par un chantier d'insertion

Par Olivier Lelièvre, Gilles André et Gwénolé Leverge

Gilles André est le coordinateur-encadrant de l'association DECLIC.

Gwénolé Leverge est l’animateur technique de l'association DECLIC.

Ce chantier d'insertion est un dispositif de réinsertion socioprofessionnelle pour les

personnes en difficulté. Ces opérations de maintenance des chemins représentent 50% de leurs

activités. Le financement est partagé entre la communauté de communes et le Conseil Général.

L'adoption d'une démarche de qualité pour la gestion raisonnée des chemins est récente. En 2008, il apparaît que l’entretien des chemins et leur gestion ne répond plus à la demande sociale, aux

besoins des randonneurs. La réunion des acteurs impliqués (associations, élus, chantier d'insertion) a

permis un balayage exhaustif de la thématique des chemins et la prise en compte des souhaits de

chacun. Ce processus d'évaluation et de concertation a abouti à l'élaboration d'une charte précise

sur les pratiques d'entretien à adopter.

Cette gestion raisonnée s'avère toutefois difficile à mettre en place. D'une part, les agents

techniques ne sont pas forcément sensibilisés à ces pratiques. De plus, l'association est soumise à un

roulement important de ses employés, auxquels il faut donc assurer une formation régulière. D'autre

part, il n'est pas aisé de trouver des interlocuteurs experts pour savoir comment adapter l'entretien

en fonction de la nature du chemin, de sa largeur, des espèces floristiques présentes, etc. Enfin, la logistique adéquate à cette gestion est contraignante pour l'association en termes de moyens

matériels et financiers. Cette démarche naissante doit donc encore être réfléchie afin de trouver un

équilibre entre les intérêts de chacun. Néanmoins, cette adaptation du mode d'entretien s'inscrit

parfaitement dans une démarche de développement durable, non seulement d'un point de vue

écologique (pas d'utilisation de phytosanitaires) mais aussi d'un point de vue économique et social

puisqu'elle a permis à l'association de créer un nouvel emploi permanent et de se doter d'une équipe

verte.

Haie plantée sur talus en bord de chemin

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L'entretien s'effectue selon un calendrier réfléchi et mis en

place en partenariat avec les différents acteurs impliqués dans la

politique des chemins de randonnée. L'entretien d'hiver, de janvier à

mars, est centré sur les travaux plus importants d'élagage. L'entretien de pleine saison, d'avril à la mi-septembre, assure le continuum pour

le cheminement. Les chemins les plus larges, permettant le passage

d’un véhicule sont entretenus à l’aide d’un gyrobroyeur tracté. Les

bordures et les chemins plus étroits sont parcourus par des ‘fantassins’

qui sont en charge de la fauche.

Une soixantaine de points noirs ont été identifiés, notamment

un grand nombre de chemins assurant une fonction de collecte des

eaux de surface qui posent problème pour les loisirs. Leur

aménagement est envisagé mais nécessite des travaux lourds dont le

coût estimé avoisinerait les 100000 euros.

D. La zone atelier de Pleine-Fougères

La découverte de deux types de chemins présents sur la zone atelier de Pleine-Fougères a

permis d’illustrer concrètement les effets conjugués de la structure de la bordure d'un chemin et des

pratiques de gestion de celle-ci sur sa composition floristique53. La fin de journée est consacrée à la

rencontre avec des acteurs d’une autre communauté de communes, dont le territoire constitue

l’espace de recherche de la zone atelier.

1. L’effet des activités humaines sur la végétation herbacée des bordures de routes

et chemins observé sur le terrain

Par Didier Le Cœur et Jean-Luc Roger

Les caractéristiques du premier chemin parcouru se rapprochent d'un des extrêmes identifiés

dans l’analyse des données écologiques recueillies dans le cadre de ce programme. C'est un chemin

creux terreux, aux talus très élevés, densément ombragé car bordé, de part et d'autre, de haies

denses. Il fait à la fois l’objet d’usages agricoles (circulations d’animaux et de petit matériel) et

récréatifs (randonnées équestres et pédestres). On remarque aussi des sentes transversales

témoignant d'une circulation animale importante. Compte tenu de son

microclimat, ce chemin devrait présenter une flore de type forestière.

Avant d'étudier la flore de ce chemin, Didier Le Cœur invite à se

pencher sur celle du bosquet adjacent. On constate que les

châtaigniers de ce bois sont exploités en cépées pour la fabrication de piquets de clôture. Le rythme d’exploitation de ce taillis fait qu’il ne

connaît jamais un véritable microclimat forestier. Ainsi seulement

quelques espèces forestières telles le blechnum, le houx ou la mélique

s’y rencontrent très localement, dans les situations qui sont le moins

affectées par l’ouverture du milieu lors de l’exploitation. Le chemin

creux situé en bordure présente un caractère forestier beaucoup plus

marqué que le bosquet. De plus, ce chemin est fréquenté par des

animaux favorisant la dissémination d’espèces végétales zoochores.

Certains fruits, comme ceux de la circée de Paris ou de la benoîte sont

en effet munis de crochets ou d'aiguillons pour d'accrocher au pelage des animaux. On constate d'ailleurs sa dispersion tout au long des

corridors de circulation d'animaux. Cet exemple de zoochorie met en

avant le rôle de la faune pour le maintien de la flore forestière et donc

pour la préservation du paysage du chemin.

53

Voir partie I. F. L'effet des activités humaines sur la végétation herbacée des bordures de routes et chemins, pp. 14-17

Entretien par les 'fantassins' du chantier

L'absence de végétation sur ce talus révèle le passage fréquent d'animaux qui

favorisent la colonisation de certaines plantes

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Le deuxième tronçon de chemin observé, dans le prolongement

du précédent, présente deux situations différentes, sur chacune de ses

bordures, dues essentiellement à l'occupation du sol adjacente. C'est

un chemin terreux, aux bordures faiblement élevées, avec une haie discontinue peu dense, aux usages multiples. Il est à la fois dédié à la

randonnée pédestre et équestre, fréquemment emprunté par

l'agriculteur voisin pour l'accès à ses parcelles ou la conduite de son

bétail aux pâtures mais aussi parfois parcouru par les quads. D'un côté,

ce chemin est bordé par une prairie, la plupart du temps utilisée en

pâture. Sur le haut du talus, plus exposé à la lumière, on trouve une

flore de type prairiale et vers l'intérieur du chemin, plus à l'ombre, c'est

une flore de lisière forestière que l'on observe (euphorbe des bois,

géranium herbe à Robert, digitale, benoîte, etc.). De l'autre côté, la parcelle est cultivée d'année en année pour les céréales. Les débords

des traitements herbicides sur la parcelle, combiné à un entretien

chimique de la strate herbacée au moyen d’herbicides non sélectifs, provoque l’ouverture de trouées

dans la végétation du talus. Ces dernières sont colonisées par des espèces du type mauvaises herbes

des cultures et peuvent être le siège de processus d’érosion.

2. La valorisation des chemins de randonnée par la communauté de communes de la

Baie du Mont Saint-Michel

Par Arnaud Nivot

Arnaud Nivot est responsable du service environnement de la communauté de communes de la Baie

du Mont Saint-Michel.

A Roz-sur-Couesnon, le panorama sur la baie

du Mont Saint-Michel et ses polders montre un

aspect de la richesse des paysages du territoire de la

communauté de communes de la baie du Mont

Saint-Michel. Sur une dizaine de kilomètres du nord

au sud, on rencontre une diversité de milieux et de

paysages : la bande littorale recouverte au rythme

des marées, les herbus, les polders, la falaise morte

avec sa lande parsemée d’affleurements granitiques

(massif de Saint-Broladre) et ses pentes descendant vers la dépression de Pleine-Fougères aux paysages

ouverts de grandes cultures puis un paysage au

gradient bocager s'intensifiant, le massif forestier de

Trans et le marais de Sougéal.

A l'instar de la communauté de communes du pays de Bécherel, celle de la Baie du Mont

Saint-Michel s’est engagée dans la politique des sentiers de randonnée dès sa création en 1993. Elle

s’est notamment appuyée sur l’association des sentiers Gallo qui pratiquait déjà l'ouverture de sentiers. L’entretien des sentiers est pris en charge financièrement par la communauté de communes

et le Conseil Général. Il est effectué par un chantier d’insertion et un chantier thérapeutique. En

moyenne, l’entretien du réseau de chemins coûte 20000 euros par an à la commune mais cette

année 40000 euros ont été déboursés du fait d'un nouveau balisage et de l’achat d’un nouveau

tracteur.

Les travaux menés par les équipes de recherche de la zone atelier ont entrainé une prise de

conscience du potentiel du territoire en termes de paysage et du manque de connaissances de la

part de la population locale de l’histoire des polders, de sa faune, de sa flore, etc. Pour y remédier,

l'intercommunalité a en premier lieu procédé à un balisage total et homogène des sentiers avec des

panneaux d’informations sur les sites au départ de chaque boucle. Par ailleurs, afin de sortir de l'idée de marcher pour marcher, elle s'est lancée dans la création de sentiers d'interprétation. Leur mise en

Talus mis à nu et flore perturbée par les adventices

Photo 1 : panorama sur le Mont Saint-Michel vu de Roz-sur-Couesnon

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œuvre s'est faite en vulgarisant les connaissances des chercheurs et en valorisant celles des

agriculteurs. Ces sentiers sont volontairement courts (6 à 7 kilomètres) et apportent des

informations tous les 500 mètres environ par des bornes et des plaques en vitrophanie qui

permettent de lire le paysage d’une année à l’autre. L’un des panneaux d’information, par exemple, explique la taille des ragosses. La thématique principale des sentiers est axée sur le paysage et la

biodiversité mais elle est déclinée selon les sites : les polders, les vallées de Saint-Broladre, les marais

de Sougéal - reconnu espace remarquable de Bretagne - et le bocage dense. L'objectif de la

communauté de communes est de mobiliser à la fois les scientifiques et les usagers autour d'une

action commune et de créer ainsi une passerelle entre leurs mondes respectifs.

De manière plus classique, les chemins de randonnées sont valorisés par l'attribution de

labels. Le territoire est traversé par les GR 37 et 34, par une voie verte et un circuit labellisé VTT.

Toutefois, l'investissement financier de la communauté de communes s'oriente avant tout vers la

valorisation touristique. Les sentiers ne sont pas l'élément attractif pour les séjours sur le territoire

mais celui-ci, situé dans l'arrière-pays de hauts lieux touristiques (le Mont Saint-Michel, Cancale, Saint-Malo), est plus abordable. Par contre, les touristes et résidents utilisent ces chemins et

participent à leur mise en valeur.

Plusieurs constats marquent les limites de cette politique. D'une part, l'intercommunalité

regrette la démobilisation grandissante des associations locales de randonnées - hormis pour les

loisirs cyclistes - et s'appuie donc de plus en plus sur des associations extérieures, notamment pour la

réalisation des guides. Une autre contrainte est l’inscription obligatoire des chemins au PDIPR tous

les ans. Du point de vue de la communauté de communes, cela représente un réel danger pour le

maintien des chemins alors que c'est l’objectif premier de ce plan. En effet, la procédure est longue

et peu décourager certains propriétaires privés avec lesquels il faut alors signer une convention de passage tous les ans. Cette inscription reste une garantie contre les engins à moteur. Néanmoins, la

circulation des quads posent toujours un problème même si des arrêtés municipaux sont effectifs sur

l’ensemble du territoire. L'absence de contravention démontre la difficulté d'exercer le pouvoir de

police.

De plus en plus, les petites communes rurales prennent conscience que l'environnement est

une opportunité pour leur développement. La coopération entre la communauté de communes de la

baie du Mont Saint-Michel et les chercheurs de la zone atelier de Pleine-Fougères est réellement

bénéfique grâce au partage des connaissances et à la valorisation des données. Actuellement, le

principe d'éco-conditionnalité est à l'étude : une commune intégrant le schéma bocager au PLU se

verrait accorder des aides. Il apparaît aussi intéressant de réfléchir sur un couplage des politiques sentiers et bocage. En attendant, l'intercommunalité s'engage dans une expérimentation de la

gestion raisonnée des bords de routes54 en appliquant le mode opératoire défini par l'association du

Comité Opérationnel des Elus et des Usagers de la Rance et de la Côte d'Emeraude (CŒUR)55.

54

Voir partie I. E. Diversité des pratiques d’entretien des bords de chemins et de routes, pp. 12-14 55

http://www.coeur.asso.fr/

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III. Les chemins du paysage et le paysage des chemins à l'étranger

A. La matérialisation de la vitesse : l'analyse d'un siècle de modification du paysage dans une aire périurbaine dans le sud de la Suède

Par Mattias Qviström

Mattias Qviström est professeur associé au département d’architecture du paysage de l'université des

sciences agricoles de Suède.

Cet exposé vise à présenter un axe des recherches menées en Suède dans le domaine du

paysage, soit comment l'évolution des transports et de la vitesse a transformé le paysage et quelles

sont les interactions entre les changements de la politique des transports et l'évolution du paysage.

La notion d'accessibilité est essentielle pour expliquer le développement des transports

modernes. En effet, ce développement s'est attaché à rechercher l'augmentation de la vitesse de

déplacement dans le but d'accroître l'accessibilité des espaces au plus grand nombre. L'idée générale

de cette politique est qu'il existe des liens entre l'accessibilité, la mobilité et la vitesse. En effet,

lorsque l’on augmente l’accessibilité à un lieu, on modifie ce dernier. L’existence et l'importance d’un

lieu est dépendante de la présence ou de l’absence de personnes en activité, donc de leur mobilité pour atteindre ce lieu. La planification des transports modernes visait à des améliorations générales

mais du fait de la confusion entre les notions de mobilité et d'accessibilité, elle a plutôt favorisé

certains espaces, certaines populations et certaines activités. Comme le démontre l'analyse de la

distribution spatiale des réseaux de transport des années 1940 à aujourd'hui, l'augmentation de la

vitesse a permis de joindre Stockholm et Malmö plus rapidement mais cela au détriment d'autres

dessertes en réduisant leur accessibilité. Cette focalisation sur l'idée d'accessibilité et de vitesse est

présente dans l'historique de la planification des transports en Suède.

En Suède, la construction de routes destinées aux automobiles a débuté au début du XXème

siècle. Ces réalisations étaient essentiellement le fait des fermiers, premiers utilisateurs du réseau

pour leur activité. Contrairement au réseau français, le réseau suédois s'est tout d'abord mis en place à un niveau local. Déjà, la recherche de la vitesse était omniprésente comme l'illustrent des

plaquettes publicitaires de l'époque véhiculant l'idée de voler littéralement au travers du paysage.

Pendant les années 1920-1940, la saisonnalité d'entretien des routes est remise en question et leur

accessibilité redéfinie. Les conditions climatiques allant d'un extrême à l'autre, il est nécessaire de

tenir compte des variations et des conditions locales lors de la planification des transports. Par

exemple, dans certains endroits, une route doit être adaptée à l’enneigement pour accueillir le

transport en traineau. La mise en place au niveau régional de routes d'été et de routes d'hiver crée

une séparation du pays avec les premières situées essentiellement dans la partie sud de la Suède.

Dès cette période, le réseau des routes est classifié en routes locales, régionales et nationales, par

échelle d'importance selon la vitesse de déplacement adoptée sur chacune. Dans les années 1930, la route devient un objet clairement défini, en termes légaux aussi bien sur des cartes que sur le

terrain. Le but est désormais de séparer les usages des routes, en particulier la circulation agricole

des autres types de transport. Les routes de cette époque sont en effet de largeur hétérogène.

Recouverte de neige l’hiver, à nu l’été, la route ne se distingue pas vraiment du champ et ses limites

sont floues. De plus, il est difficile de trouver des documents légaux comme le cadastre en cas de

litige. Toujours à la même période, l'obsession de culture du trafic est remplacée par celle de sécurité

du trafic, une nouvelle morale ajustée à l'idée vitesse et au droit exclusif de la route pour

l'automobile. Le nouveau mot d'ordre est l'introduction du concept de sécurité pour la réalisation

des routes. Ce principe se matérialise dans la conception du réseau routier. Durant les années 1920-

1940, les routes suédoises ont donc connu de profondes transformations. Tout d'abord, les routes basiques, gérées localement, selon la saisonnalité sont devenues essentiellement des routes d'été,

pensées régionalement et de haute qualité. A l'origine élément intégré des activités environnantes,

notamment agricoles, la route est devenue un espace limité et défini. Construites au départ selon

une multitude de variables, les routes sont désormais conçues uniquement autour des limitations de

vitesse. A l'initiative des fermiers, les premières routes sont réalisées grâce à des matériaux locaux

puis progressivement planifiées au niveau national, leur mode de construction s'est standardisé. Les

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premières routes étaient considérées comme un espace commun, multifonctionnel, dédié à tous les

usages puis elles sont devenues des espaces exclusifs, monofonctionnels, pour le transport sécurisé à

grande vitesse. Des lieux véritables sont devenus désormais des corridors. L'étude des photographies

aériennes révèle l'organisation du réseau de routes fondée une différenciation selon la vitesse. Ce sont ainsi les grandes voies qui structurent et délimitent les paysages périurbains.

La différenciation du réseau de routes basée sur la vitesse est une conception qui commence

seulement à être remise en cause aujourd’hui pour la planification des transports. Dans le contexte

de développement durable, les réflexions autour des modes de déplacements alternatifs amènent à

repenser la politique des transports. Le développement des voies vertes amènent d'ailleurs à revenir

sur les critères oubliés des routes du début du XXème siècle. Ainsi les variations saisonnières sont à

nouveau prises en compte pour la mise en œuvre des voies vertes, considérées comme des espaces

limités et définis mais intégrés aux activités environnantes, seulement c'est l'automobile qui en est

désormais exclue. La réalisation de ces voies est spécifique aux usages, en particulier basée sur la

limitation de la vitesse et utilise des matériaux de construction locaux. Planifiées localement, ces voies vertes sont, à l'opposé des routes, de véritables lieux de vie, des espaces communs et

multifonctionnels, c'est-à-dire dédiés à divers usages.

Toutefois, il est nécessaire d'approfondir les études sur la planification des transports

modernes afin de révéler son ambiguïté envers le paysage. L'exemple des voies vertes illustre

comment la perspective contemporaine des routes modernes est ancré dans notre société. Les

notions d'accessibilité et d'autres concepts doivent être redéfinir afin d'analyser d'un point de vue

critique la planification des transports modernes. Planifier l'accessibilité à un niveau global se révèle

impossible. De plus, des études historiques sont indispensables pour trouver des moyens alternatifs

pour comprendre les liens les transports, les routes, la vitesse et les lieux et pour trouver des solutions pour le développement d'un réseau de transport durable. L'augmentation de la vitesse et

de l'accessibilité à l’échelle nationale a diminué la mobilité et l'accessibilité à échelle locale mais s'il

on considère qu'il y a un siècle les voitures n'existaient pas, les endroits les plus isolés sont plus

accessibles qu'avant l'automobile même si certains subissent les effets des grandes voies rapides.

B. La réappropriation des chemins oubliés en Belgique

Par Andy Vandevyvere

Andy Vandevyvere, spécialiste de la sociologie urbaine, est le coordinateur de l'association Trage

wegen vzw.

Organisation belge à but non lucratif créée en 2002, Trage wegen vzw56

a pour objet la

protection des chemins lents existants, la restauration ou la reconstruction de ceux disparus et leur création dans la région des Flandres en Belgique. Elle regroupe une quarantaine d'associations

actives dans divers domaines : environnement, architecture du paysage, loisirs, conservation du

patrimoine, etc. Elles agissent ainsi de manière complémentaire et multifonctionnelle autour d'une

problématique commune.

En Belgique, on s'accorde à définir les chemins lents comme des voies publiques de

différentes natures, situées tant en milieu urbain que rural, et dédiées à un usage non-motorisé. Cet

héritage ancien décline progressivement et continuellement, du fait de multiples pressions et

contraintes. Le trafic automobile grandissant, d'anciens sentiers ont été transformés en route,

d'autres déconnectés ou obstrués, d'autres privatisés ou clôturés. Parallèlement, l'intensification de

l'agriculture et l'augmentation des surfaces exploitées accentuent le déclin de ces chemins. Par ailleurs, ces chemins subissent la pression de l'étalement urbain, les effets d'un système permissif de

planification et la négligence des autorités locales quant à leur entretien. Cette combinaison de

facteurs provoque ainsi une perte importante de connectivité du réseau. Pourtant, on observe un

regain d'intérêt pour ceux-ci du fait des opportunités qu'ils offrent. Traduisant une réelle demande

sociale, ces chemins lents ne sont pas exclusivement réservés à la randonnée. Ils sont sollicités pour

d'autres raisons de déplacement, en milieu urbain notamment. Employés à de nombreux usages, ils

56

http://www.tragewegen.be/

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sont porteurs des enjeux et des valeurs du développement durable. D'une part, ils favorisent les

mobilités douces. D'autre part, ils véhiculent les notions de protection de l'environnement, par

exemple pour le maintien des trames vertes et de la qualité des paysages. Ils constituent aussi des

outils économiques pour l'agriculture. L'existence des chemins lents reflète les changements de perceptions des besoins en termes d'accessibilité et de prise en compte du paysage. Toutefois, le

tissu existant de chemins lents n'est qu'une part minuscule du réseau potentiel. Il subsiste encore

des doutes quant à l'accessibilité publique de beaucoup de ces chemins. Ces constats font des

chemins lents un outil politique pour certaines collectivités locales qui considèrent désormais leur

réhabilitation comme un moyen de développement pour l'avenir. Dans le cadre d'initiatives de ce

genre, Trage wegen vzw joue un rôle de conseiller, d'accompagnateur et de médiateur. Pour la

réappropriation de ces chemins lents, un document juridique ancien est la référence en Belgique. Il

s'agit de l'Atlas des routes vicinales résultant d'une vaste opération de cartographie du réseau de

routes et de chemins publics, de 1841 à 1845. Les procédures législatives relatives à leur privatisation

ou à leur suppression y sont inscrites. Chaque collectivité locale en Belgique possède un extrait de l'Atlas, couvrant son territoire. Cependant, il existe de sérieuses discontinuités entre les statuts des

chemins dans cet atlas et leur réelle accessibilité sur le terrain. On peut donc supposer que les

chemins cartographiés, dont l'utilisation publique n'a jamais été formellement suspendue, sont

encore accessibles aujourd'hui. En réalité, beaucoup de ces routes ont cessé d'être praticables mais

possèdent toujours un statut légal qui peut permettre leur restauration. Pour beaucoup de

collectivités, mettre en place une politique de réhabilitation des chemins lents implique la remise en

cause des positions laxistes passées qui ont engendrées la disparition de chemins lents sur leur

territoire.

Pour stimuler le développement et l'utilisation de chemins lents, Trage Wegen vzw propose

l'élaborer un plan de réhabilitation et de développement des chemins lents au niveau local. Un projet de chemins lent se construit sur la base d'un partenariat engageant des autorités locales, des parties

prenantes telles que les associations, les usagers et Trage Wegen vzw. L’organisation intervient en

appui au déroulement du processus. Elle n'a en aucun cas l’objectif d'imposer la restauration d'un

chemin à une population mais cherche plutôt à identifier les souhaits de celle-ci. Il ne s'agit pas non

plus de réhabiliter de façon systématique les chemins disparus ou acquis illégalement. En adoptant

une vision à long terme, l'association plaide pour une approche intégrée reflétant les enjeux et les

interactions multiples liés aux chemins lents en termes de loisirs, d’écologie, de mobilité, de

conservation du patrimoine, d’usage agricole entre autre. Un projet se fonde sur les habitudes, les

expériences et la connaissance de la population locale utilisant des chemins lents au quotidien. La

principale volonté est de sensibiliser le public et de lui faire prendre conscience du rôle primordial des chemins lents dans le contexte du développement durable de leur territoire. Chaque projet se

compose de plusieurs étapes. Au départ, un groupe technique de travail restreint est formé en

mobilisant des volontaires. La première phase consiste à cartographier, sur une partie du territoire

communal délimitée au préalable, le réseau des chemins lents existants. Ensuite, grâce aux données

de l'Atlas des routes vicinales, de cartes topographiques et administratives, les chemins

théoriquement présents sont repérés. C'est à cet instant qu'apparaissent les chemins lents oubliés. La carte théorique obtenue est alors analysée par comparaison avec la réalité du terrain. Les

attributs du chemin sont relevés : accessibilité, largeur, surface, obstructions possibles, etc. Cette

phase de terrain nécessite une mobilisation considérable de volontaires. Les résultats des relevés de

terrain sont ensuite condensés dans une nouvelle version de la carte de projet permettant d'établir une distinction entre les chemins accessibles et les chemins problématiques. De plus, les éléments

générateurs de mobilité douce sont notés comme les écoles, les pôles touristiques et de loisirs, les

correspondances de transport en commun, par exemple. Cette carte offre une vision d'ensemble de

la situation du réseau existant et du réseau potentiel de chemins lents. Lors d'une première réunion,

la carte ainsi que les enjeux du projet sont présentés à un plus large public. Une copie de la carte et

un questionnaire sont remis à chacun afin de prendre un temps de réflexion quant aux suggestions à

émettre pour le projet de réhabilitation et développement des chemins lents sur le territoire

concerné. Ils sont ainsi encouragés à identifier les qualités et défauts du réseau et à informer les

autorités de situations d'usage problématiques. Cette enquête publique n'est en rien la soumission d'un plan d'action préétabli mais permet la construction commune du projet dans lequel les

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propositions de décisions correspondent à la réalité des besoins. Deux à trois mois plus tard, les

suggestions sont commentées et discutées lors d'une seconde réunion publique. Trage wegen vzw

met l'accent sur une négociation basée sur la construction d'un consensus. Effectivement, tous les

chemins lents ne sont pas destinés aux mêmes usages et usagers d'où la nécessité de trouver un accord satisfaisant l'ensemble des acteurs du processus. Par exemple, un chemin de campagne se

prête volontiers à une promenade et à la randonnée, tandis qu'un chemin pavé représente peut-être

un accès sécurisé privilégié pour se rendre au travail ou à l'école. Suite aux délibérations, un rapport

de recommandations spécifiques croisant les demandes et les besoins de chacun est produit.

Quelques suggestions sont apparues récurrentes lors des différents projets déjà menés : restaurer ou

réhabiliter des chemins lents oubliés, décourager les décharges d'ordures sauvages, faciliter les

passerelles entre chemins, enlever les différentes obstructions (barrières, extensions de jardin, etc.),

élaborer des conventions pour l'entretien et pour le maintien du passage, compléter les connexions

fragmentées ou discontinues du réseau, limiter l'utilisation de certains chemins lents à certaines

catégories d'utilisateurs, afficher une signalétique, etc. Enfin, les décideurs doivent approuver le rapport et développer des stratégies de mise en œuvre. Basé sur les propositions des utilisateurs

locaux, un plan d'action départemental peut être élaboré, comprenant les modalités de financement

nécessaires à la construction, à la conception, à l'entretien, à la gestion, à l'application de la loi et

l'organisation des travaux. Sur le terrain, cela se traduit concrètement par la création de connexions

entre des chemins existants, la réouverture de chemins tombés en désuétude par le biais de

pourparlers avec des propriétaires fonciers voisins, l'aménagement de chemins existants, la mise en

place de panneaux augmentant la lisibilité des itinéraires, la mise en place d'aménagement pour la

protection des ressources naturelles, etc. La signalétique d'un chemin est particulièrement

importante car elle facilite son appropriation. En effet, la destination publique du chemin devient alors apparente, limitant fortement les risques qu'il soit de nouveau privatisé, clôturé, labouré ou

oublié dans l'avenir. Comme elles sont élaborées en fonction du contexte local, les suggestions du

public sont mieux considérées par les décideurs locaux. Les aménageurs peuvent alors développer

des chemins lents adaptés aux circonstances locales, aux comportements et aux attitudes existantes.

Les nouveaux itinéraires créés ont alors davantage de chance être utilisés et appréciés.

Cette expérience encore récente suscite l'émergence de nouvelles problématiques. Il s'avère

que la mise en pratique des recommandations est loin d'être aisée. Parfois, la volonté de faire

machine arrière sur les attitudes permissives qui ont conduit à la disparition de chemins lents fait

défaut. D'autres fois, la faisabilité du projet est limitée par des questions budgétaires, légales,

politiques ou techniques. De plus, les négociations restent difficiles avec les propriétaires fonciers. Ces contraintes risquent de décevoir quant aux espérances émises en début de projet. Pour que ce

type de processus réussisse, l'engagement fort des usagers locaux et l'approbation des décideurs

sont fondamentaux. Par ailleurs, il se révèle nécessaire d'agir au-delà du fossé rural-urbain. En effet,

la Flandre se présente comme un secteur rurbain polynucléaire. Il est important de saisir les

occasions pour permettre de combiner aménagement paysager urbain et mobilité urbaine durable.

L'appui dans les zones urbaines et périurbaines reste relativement plus important pour la

réappropriation de chemins lents que dans les régions où l'espace libre est considérablement occupé

par l'agriculture. Le chemin représente un lieu significatif. Il ne mène pas seulement à des endroits

mais reflète aussi tant les pratiques quotidiennes que les représentations symboliques des individus.

Il est donc nécessaire d'associer la perception des chemins lents (vécue, sensorielle, esthétique, affective, etc.) et la réalité du chemin comme lieu.

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IV. Programme Paysage et développement durable : les autres projets en interaction

A. Les trames vertes dans les paysages : fonctions sociales et écologiques

Par Jacques Baudry et Laure Cormier

Jacques Baudry, directeur de recherche en écologie du paysage au sein de l'unité Sad-Paysage de

l'INRA de Rennes, est responsable scientifique du projet. Il est aussi coordinateur de la Zone Atelier de

Pleine-Fougères

Laure Cormier, doctorante en géographie à AGROCAMPUS OUEST au centre d'Angers-INHP, mène des

recherches pour sa thèse sur la gestion des trames vertes en milieu périurbain.

Le concept de trames vertes a beaucoup évolué avant d'aboutir à l'acception actuelle. Depuis

une dizaine d'années, ce terme est largement employé chez les aménageurs et aujourd'hui mobilisé

dans le cadre du Grenelle de l'environnement.

En France, la notion de trame verte renvoie à un maillage continu d'espaces naturels et/ou

agricoles, les définitions variant selon les documents d'urbanisme et selon la vision des aménageurs.

Au niveau international, trame verte ou greenway qualifie « un réseau d'espaces linéaires qui est

conçu, planifié et géré à différentes fins : écologiques, récréatives, culturelles, esthétiques ou tout

autre objectif compatible avec la notion d'usage durable du territoire »57. Cette définition développe

une problématique multifonctionnelle qui intègre la notion de développement durable du territoire.

La trame verte est de ce fait un concept multiscalaire qui se décline du niveau régional au niveau

local58. Débuté en 2007, le Grenelle de l'environnement consacre un axe spécifique aux trames vertes

et préconise la réalisation de schémas régionaux de cohérence écologique à adapter ensuite à

l’échelle des agglomérations dans les documents d’urbanisme.

La genèse des trames vertes trouve ses origines dans l'aménagement des villes nord-

américaines de la fin du XIXème siècle. Cette philosophie de connexion d'espaces verts en milieu

urbain est introduite dès 1867 aux Etats-Unis, par des architectes paysagistes tel Olmstead puis en

Angleterre avec Howard et sa cité-jardin. En France, l'intérêt pour les trames vertes décline après la seconde guerre mondiale, les préoccupations s'orientant vers la reconstruction. Vers les années

1970, la montée des inquiétudes environnementales entraîne l’émergence d’une prise de conscience

de la fragmentation des habitats. Elle est influencée par l'écologie du paysage qui, à cette période,

développe les concepts de connectivité des espaces et des corridors et par un regain d'intérêt pour la

notion de trame verte dans la planification urbaine comme en témoigne la mise en place des

schémas directeurs d'aménagement et d'urbanisme de la région parisienne en 1976 et de Rennes en

1983. Les mots ‘trame verte’ apparaissent alors clairement dans les documents d'urbanisme. En

France, la trame verte devient une notion valorisée par le développement durable autant dans les

projets territoriaux (région, Parcs Naturels Régionaux, etc.) que dans la planification écologique au

niveau national (Grenelle de l’environnement). Elle devient un véritable leitmotiv : d'un concept discret et non médiatisé, on se trouve face à un concept désormais omniprésent dans les projets

d’aménagement. Cette normalisation pose alors des questions quant à son l’efficacité réelle. La

mutation du concept de trame verte a été particulièrement prononcée, traduisant le passage d’un

simple objectif à de multiples objectifs : d'une idée de linéaire végétal liant parcs reflétant une

certaine vision hygiéniste, l'attention s'est ensuite portée sur la protection de la biodiversité pour

devenir un espace de loisirs, de protection environnementale, de déplacements alternatifs et de

régulation urbaine. En agglomération, la trame verte apparaît le moyen de lier urbanité et ruralité

comme en témoigne sa déclinaison sémantique : coulée verte, infrastructure verte, liaison verte,

coupures vertes. Ces termes sont associés à différents objets du paysage : parcs, parcelles agricoles

périurbaines, base de loisirs, zone humide, forêt, bocage, etc. L’objectif est d’homogénéiser les différents types d’espaces pour les fédérer sous une même politique.

57

Ahern J., 1995, Greenways as a Planning Strategy, Landscape and Urban Planning, vol. 33, pp. 131-155. 58

Fabos J.G., Ryan R.L. (2004) International greenway planning: an introduction, Landscape and Urban

Planning, vol. 68, pp. 143-146

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Le projet Trames vertes partage une zone d'étude avec le projet Les chemins du paysage, le

paysage des chemins, la zone atelier de Pleine-Fougères. Les autres travaux de recherche menés se

situent sur une partie du territoire ligérien des basses vallées angevines et dans les zones

périurbaines de Rennes et de Marne-la-Vallée. Ce projet s'intéresse essentiellement aux structures linéaires végétales type haies et bandes enherbées. Tout comme celui des chemins, il concentre ses

efforts sur l'interdisciplinarité autour de concepts socio-écologiques. Il mobilise ainsi diverses

disciplines telles que l'écologie, la géographie, l'anthropologie, le droit, l'ethnologie afin de construire

des objets d'études communs. Véritable héritage culturel, ce type de haies d'émonde existe parfois

depuis le néolithique. Naturellement, leurs traces ne sont pas visibles mais, grâce aux cernes de

croissance des arbres, on peut lier les pratiques d’émondages du Moyen-âge avec les pratiques

actuelles. La continuité de ces structures leur donne toute leur importance dans l'histoire des

paysages ruraux.

Avec l'affirmation de la demande sociale en paysage, ces structures agraires apparaissent

comme des éléments identitaires forts, notamment en territoires périurbains. L'urbanisation discontinue crée en effet une mosaïque, où les paysages ruraux pénètrent dans les villes et vice-

versa. Ainsi, concernant des haies rurales, on observe de plus en plus leur maintien lors de la création

de lotissements en espace agricole. Ces trames vertes participent avant tout à l'amélioration

paysagère du cadre de vie des habitants, qui exercent alors une forte pression auprès des

agriculteurs pour leur préservation. En milieu périurbain, des études s'intéressent aux haies de

lotissements et aux relations entre les pratiques des résidents et l’état de biodiversité. Les

observations menées révèlent par exemple que la conservation des ragosses de l'aire périurbaine de

Rennes soulève de nombreux problèmes. N’appartenant plus au domaine privé d'agriculteurs, leur

émonde doit être prise en charge par des services techniques municipaux ou communautaires qui ne sont pas forcément formés à cette technique et qui n'ont pas non plus idée de leur mode de

conservation. De plus, l'établissement de lotissement provoque un tassement du sol qui n’est pas

forcément bénéfique aux racines de ces arbres. Le paysage se dote alors d'une multitude de formes

de ragosses alors qu'auparavant celles-ci étaient entretenues selon un modèle traditionnel

normalisé. En espace rural, la gestion des haies a aussi fortement évolué vers des formes mécanisées

d'entretien comme le montre l'examen des photographies aériennes de la zone atelier. On

dénombre une diminution drastique de la longueur des haies émondées annuellement. De nouvelles

pratiques de gestion des haies apparaissent. Traditionnellement, le tronc était entièrement émondé.

Aujourd'hui par exemple, les branches susceptibles d'occasionner une gêne pour le passage du

matériel agricole peuvent être taillées sauf celles du sommet. On note aussi l'apparition d’émondage en été, en pleine phase de végétation. Cette pratique existait autrefois mais seulement pour les

arbres fourragers et non pour la production de bois. Auparavant, les pratiques d'émonde étaient

réglées par des normes très fortes, dans les us et coutumes ayant force de loi et dans les baux

ruraux. Désormais, chaque agriculteur adapte ses pratiques à son propre environnement.

Autre élément du paysage, récent celui-ci, la bande enherbée est désormais obligatoire d’un

point de vue juridique dans le cadre de l’allocation des aides de la Politique Agricole Commune (PAC)

aux exploitations agricoles, et vont le devenir dans le cadre de la directive européenne nitrates. La

perception de ces bandes enherbées par les agriculteurs s'est modifiée par rapport aux débuts de

leur imposition dans les pratiques agricoles. Dans le cadre de la Zone Atelier de Pleine-Fougères, des

travaux de recherche ont pris appui sur la mise en place de ce nouvel élément de trame verte dans le paysage, pour évaluer les convergences ou divergences de points de vue entre agriculteurs et

chercheurs, afin d’améliorer les propositions de gestion. A l'origine, les agriculteurs se sont soumis

aux règles édictées alors qu’ils étaient opposés à leur mise en place, les considérant comme une

contrainte pour leur activité. Les chercheurs, quant à eux, ont été surpris par le caractère imposé de

cette mesure et par la réaction des agriculteurs. La formalisation de cet objet d'étude leur ouvre de

nouvelles perspectives pour la recherche en environnement. Depuis un an environ, une coopération

se met en place via l'installation de bandes expérimentales dans les exploitations d’agriculteurs

volontaires. Les relations entre les agriculteurs et les chercheurs au travers de leurs discussions à

propos de ces bandes enherbées ont fortement évoluées.

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Les trames vertes sont avant tout reconnues pour leurs fonctions écologiques : conservation

de la nature, protection des sols et de l'eau, préservation d'écosystèmes, etc. L'enjeu de qualité de

l'eau apparaît primordiale dans le Grenelle de l'environnement et de ce fait, de nombreuses

politiques publiques prônent la complémentarité des trames vertes et bleues (cours d'eau, zones humides, etc.). Dans le projet Trames vertes, leur rôle est étudié d'un point de vue systémique, les

haies ne sont pas considérées comme des éléments indépendants, isolés des champs et des

successions culturales. L'incidence des récoltes successives des parcelles adjacentes aux haies est

effectivement importante sur la présence de certaines espèces plus que l'usage du moment. La

succession des cultures joue un rôle important dans la présence ou non de certaines espèces comme

les coléoptères, indicateurs biologiques fiables. L'histoire des fauches, des pâtures, des pulvérisations

d'herbicides, des labours est plus explicative que les pratiques actuelles sur l'abondance de certaines

espèces. L’étude des pratiques agricoles et de leur histoire est essentielle pour comprendre les

motifs actuels de la distribution des espèces. D'autres hypothèses, sur l'influence écologique des

trames vertes, sont posées dans ce projet : la densité des trames vertes dans le paysage est-elle un facteur clé pour la distribution des espèces et pour la préservation d'écosystèmes ? Quelle est

l’influence sur la biodiversité d’un bocage avec une forte densité de haies ou celle d’un bocage avec

une faible densité de haies ? Pour de nombreuses espèces, un paysage à grain fin présente un

meilleur habitat. Lorsque le paysage s’ouvre, le rôle de régulation des haies diminue. Ainsi, on

observe une colonisation plus importante des pucerons sur les céréales en paysage ouvert. Pour

l’approche écologique des trames vertes, la forte variabilité liée à la gestion contraint à pratiquer des

observations à plusieurs échelles. Pour cela, les données de la télédétection sont mobilisées afin de

détecter des bordures de champs boisées. La cartographie de terrain représente un lourd travail sur

l’étendue du territoire local, d'où la question de savoir si l'utilisation des capteurs et de leurs images satellites est pertinente d’un point de vue écologique aux échelles locales. Il n'est pas prévu une

cartographie fine des haies mais une identification de structures paysagères pertinentes pour la

biodiversité.

Au final, il ne faut pas considérer les trames vertes comme des unités autonomes dont les

caractéristiques écologiques ne peuvent être analysées que par échantillonnage mais comme des

unités incorporées dans les hiérarchies spatio-temporelles de systèmes socio-écologiques, dont les

caractéristiques doivent être évaluées en tenant compte des héritages, des paysages et des modes

de gestion. Cette étude permet de dégager des pistes pour intégrer ces trames vertes dans la

planification et la gestion du paysage mais soulève aussi diverses interrogations. Ainsi, quelles

méthodes participatives mettre en place dans la conception des plans d'aménagement paysagers ? De nombreux guides proposent de mobiliser des bases scientifiques pour proposer des plantations et

d'utiliser des méthodes participatives pour permettre aux populations d’exprimer leurs points de

vue. Toutefois, cela pose le problème des méthodes participatives qui ne permettent pas à tous les

acteurs d’exprimer leur point de vue et de la vulgarisation des connaissances scientifiques.

Actuellement, la notion clé de réseau de trames vertes et bleues est ancrée dans le discours politique

mais comment la traduire au niveau institutionnel et comment, en mobilisant la concertation et les

compétences juridiques, peut-on arriver à une politique concrète de trame verte ? De plus, les

discours actuels s'intègrent dans les diverses hiérarchies institutionnelles et reflètent ainsi des points

de vue se positionnant à de multiples échelles. A l'échelle européenne est mise en place la stratégie

paneuropéenne pour la biodiversité. A l’échelle nationale, la loi Voynet de 1999 propose des schémas de services collectifs des espaces naturels et ruraux en référence aux réseaux écologiques et

le Grenelle de l’environnement demande une cartographie régionale des trames vertes. A l’échelle

régionale, quelques régions développent depuis le milieu des années 1990 la notion de trames vertes

et tentent de la traduire dans leurs politiques départementales (Nord-Pas-de-Calais, Alsace, Rhône-

Alpes). A l’échelle départementale, l’Isère met en place une politique de classement des espaces

agricoles en espaces corridors dans les Plans Locaux d'Urbanisme afin de stopper l’urbanisation.

Enfin, à l’échelle de parcs naturels régionaux (massif central, Normandie Maine) ou encore à l’échelle

des agglomérations (Lyon, Rennes, Angers) les réflexions autour de cette notion sont en cours sans

toutefois être véritablement concrétisées. Selon ces niveaux de réflexion, les trames vertes peuvent

se classer en deux catégories. Les trames vertes comme maillage écologique, dont le but est de favoriser la biodiversité en luttant contre la fragmentation des habitats, à échelle nationale et

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régionale, en s'appuyant sur des outils de cartographie SIG ainsi que des indicateurs de résultats. Le

vocabulaire associé à cette notion est alors restreint au champ lexical scientifique. On parle de

corridor, de noyau. Cette conception s'appuie sur les travaux de l'écologie du paysage. D'un autre

côté, les trames vertes sont associées à un réseau plus ou moins physiquement connecté d’espaces « naturels » et agricoles dont l'objectif est de favoriser le cadre de vie et enrayer le mitage urbain des

espaces périurbains. Cette vision se décline souvent dans le discours mais se traduit à échelle locale

sans exigences ou cohérences écologiques fortes et est finalement peu prise en compte dans la

traduction du projet. Ces trames vertes sont structurées autour d’éléments paysagers tels que les

bois, les chemins de promenades, les zones humides. Le vocabulaire associé est large : coupure

verte, liaison verte, infrastructure verte, etc. Les recherches s'orientent donc actuellement sur le

transfert des connaissances scientifiques vers l'aménagement, en développant, par exemple, des

scénarios visuels intégrant à la fois les dimensions sociales et écologiques de ces trames vertes.

Dans ce projet, l'étude des éléments du paysage prouve la nécessité de la recherche

interdisciplinaire, puisqu'ils sont tous formés par des règles juridiques, sociales et techniques qui influent, à différentes échelles spatio-temporelles, sur leurs fonctions écologiques et les services

qu'ils fournissent. Le paysage permet de dépasser les logiques sectorielles et de considérer l’espace

dans sa globalité. L'interdisciplinarité est nécessaire pour comprendre les facteurs de production

d’un paysage de trames vertes, quels sont les éléments qui le construisent, à quelles fins, etc.

Ce projet permet d'articuler les facteurs de dynamiques des trames vertes (physiques,

économiques, sociaux, politiques, démographiques, historiques, écologiques, de représentations de

l’espace) qui entrent en jeu dans la production de leurs fonctions en terme de développement

durable - sociale (aménités paysagères, marquage de territoire), économique (production de bois,

activités de loisirs), écologique (biodiversité, services écosystémiques).

B. L'organisation de l'entretien de la voirie locale en milieu rural

Par Olivier Aznar, Laurence Amblard et Hélene Revol

Olivier Aznar, chercheur en économie rattaché au Cemagref, coordonne les recherches sur l’approche

économique des éléments du paysage que sont les routes et les chemins.

Laurence Amblard, chercheuse en économie rattachée au Cemagref, est essentiellement en charge

de la deuxième phase de l'étude.

Hélène Revol, ingénieur d'études à l'Enita de Clermont-Ferrand, a participé au projet à lors de ces

travaux de fin d'études.

Dans le cadre du programme Paysage et développement durable, le projet Les nouveaux

enjeux économiques des actions paysagères : éléments pour une nouvelle orientation de l’économie

du paysage rassemble des enseignants-chercheurs en économie du Cemagref, de l'Institut National

d'Horticulture, de l'université de Nantes, de l'université de Vienne en Autriche et de l'Unité Mixte de

Recherche Métafort de Clermont-Ferrand. Ces derniers s'intéressent au volet Analyse économique de

l’offre d’entretien du paysage rural : organisations et emplois de ce projet disciplinaire. L'UMR

Métafort rassemble une soixantaine de chercheurs issus de diverses structures. Le lien conséquent

de ce projet avec celui Les chemins du paysage, le paysage des chemins, a suscité des hésitations

quant à une possible association des recherches. Elle ne s'est finalement pas concrétisée mais les

échanges réguliers entre les deux équipes garantissent une complémentarité des deux projets59. Les

chercheurs de l'UMR Métafort s'intéressent donc à l'organisation de l’entretien de la voirie locale en

milieu rural, c'est-à-dire à la façon dont les sociétés se structurent pour mener à bien l’entretien et dont la coordination est instaurée, et à la position des agriculteurs par rapport à cette

problématique. L'objectif n'est pas d'évaluer la valeur du paysage mais plutôt de déterminer les flux

économiques réels et les contrats qui participent à la gestion de ce paysage.

La première phase de l'étude s'intéresse à toute voie, quelque soit son statut juridique, ne

ouverte et utilisable par le public mais qui ne permet pas le déplacement à longue distance et ne

59

Voir partie I. E. Diversité des pratiques d’entretien des bords de chemins et de routes, pp. 12-14

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relève pas de la gestion du département, de la région ou de l'Etat. Elle est donc centrée sur les voies

communales, les chemins ruraux, les chemins privés ouverts au public et les chemins d’exploitation

agricoles ou forestiers. Différents constats ont servi de base pour formuler des hypothèses sur

l'organisation de l'entretien de la voirie locale. D'une part, le développement de la campagne non plus seulement comme espace productif pour l'agriculture mais aussi comme cadre de vie pour de

nouveaux résidents et pour les loisirs amène les communes à être le support de nouveaux usages

collectifs de la voirie. D'autre part, dans un contexte de décentralisation territoriale, la compétence

de la voirie en matière d'entretien et d'aménagement est déléguée aux intercommunalités, en lien

étroit avec la compétence tourisme par l'aménagement des sites, notamment le long des chemins

(signalétique, parking, mobilier, etc.). Dans ce contexte, l'étude pose les questions suivantes : quel

est le mode de gestion de cette voirie locale à usage collectif ? Quels sont les acteurs impliqués ?

Comment sont réparties les tâches ? Deux domaines théoriques de l'économie sont mobilisés pour

émettre des hypothèses de travail : celui de l'économie des services pour l'identification des acteurs

et celui de l'économie des coûts de transaction. Le premier soulève l'hypothèse que l'entretien de la voirie est considéré comme un service et fait donc intervenir des commanditaires - qui seraient

principalement les communes et groupement de communes, et des prestataires. Le deuxième mène

à penser que les services d'entretien font l'objet d'une internalisation en mobilisant le personnel et le

matériel des collectivités ou d'une externalisation en faisant appel à des prestataires tels que des

entreprises de travaux publics, des associations locales d'usagers, des agriculteurs, etc. La vérification

de ces hypothèses est basée sur des enquêtes et statistiques menées auprès des maires et des

services techniques de trois communes du Puy-de-Dôme. Le choix de celles-ci s'est fait selon des

critères différenciatifs. Situées sur le territoire du parc naturel régional, elles appartiennent à trois

communautés de communes différentes : l'une d'elle est orientée vers le tourisme, une autre a essentiellement une fonction résidentielle et la troisième est une commune agricole isolée. Le

traitement de l'information est à la fois qualitatif grâce au enquêtes par entretiens semi-directifs et

quantitatif grâce aux renseignements chiffrés de fiches techniques relatives aux opérations

d'entretien. Ce dispositif de recherche amène plusieurs conclusions. Tout d'abord, l'entretien de la

voirie est diversifié entre les communes étudiées. Les communes ont souvent en charge l’entretien

de la voirie, qu'elles réalisent personnellement pour les aménagements connexes et la signalisation

ou emploie à un prestataire dans le cas de la réfection de voies. Les agriculteurs sont très peu

impliqués dans l’entretien, du fait du facteur limitatif du temps ainsi que d’un manque de

coordination avec les mairies. Par contre, les associations locales des usagers de la voirie sont

généralement fortement impliquées, notamment pour le balisage et le débroussaillage des chemins utilisés pour la randonnée, effectués par des bénévoles. Le parc naturel régional intervient, quant à

lui, sur les espaces classés en zones naturelles protégées. Des conventions avec le Conseil Général

sont aussi engagées. Ensuite, on constate que le choix de l’externalisation ou de l’internalisation

dépend des compétences techniques internes de la commune, selon l'importance de sa taille de ses

moyens. Par contre, la spécificité du matériel employé ne constitue pas un critère discriminant.

Cependant, les acteurs et les institutions impliqués sont nombreux, ce qui crée un enchevêtrement

des compétences, lié à la décentralisation territoriale et de ce fait, un manque de coordination des

organismes intervenant dans l'entretien de la voirie locale. Généralement, même si des services

techniques sont présents dans la majorité des collectivités, près de deux tiers des opérations

relevées sont externalisées. Certaines passent sous le couvert d'arrangements comme un échange de services. Ce comportement s'observe aussi sur la zone atelier de Pleine-Fougères, où quelques

communes passent des accords tacites avec la communauté de communes pour l'entretien. Enfin, il

apparaît un manque de connaissance certain du statut de la voirie. On constate le même problème

au niveau du cadastre. Malgré ces résultats, quelques limites sont à noter : l'étude n'est pas assez

précise pour dissocier les différents facteurs expliquant l'arbitrage du choix entre internalisation ou

externalisation et les motivations des différents acteurs ne sont parfois pas clairement identifiables.

La deuxième phase de l'étude vise à identifier les facteurs impliqués dans le choix des

communes commanditaires entre les différents modes d'organisation pour l'entretien des chemins.

L'analyse repose sur la théorie des coûts de transaction, c'est-à-dire à un arbitrage entre le coût de

production et le coût de la transaction associé à ce service, sachant que la commune vise à diminuer les coûts. La recherche d'une économie d'échelle influence donc le choix des communes

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d'internaliser ou d'externaliser l'entretien, si elles mobilisent directement leur régie interne ou bien

délèguent l'entretien à un prestataire extérieur. L'étude postule que si le service suppose un

investissement important en matière de compétences techniques ou de matériel, la commune

choisira de faire appel à un prestataire. On suppose aussi que le gain des coûts de production variera pour certains services spécifiques en fonction de la taille de la collectivité, d'où l'intervention du

critère des ressources financières disponibles. Cette deuxième partie de l'étude portera aussi sur les

coûts de contractualisation. On émet l'hypothèse qu'ils sont potentiellement importants selon

l'incertitude du service considéré, comme par exemple la difficulté de mesurer la qualité de

l'entretien, et par conséquent pourrait provoquer un comportement opportuniste du prestataire. A

ce propos, Laurence Le Du-Blayo signale que la question de la qualité écologique ne se pose pas

toujours aux collectivités et n’est pas toujours mentionnée dans le cahier des charges de l’entretien.

Il se peut même que le prestataire se sente plus concerné par l'impact de son travail que le

commanditaire. Christophe Codet souligne qu'il est difficile pour un prestataire non spécialisé de

nuancer ses pratiques pour diminuer les coûts de prestations. Ces différents points de vue rappellent l'intérêt de l'interdisciplinarité des recherches. Enfin, cette étude cherchera à déterminer si le niveau

de spécificité des compétences à mobiliser crée une dépendance bilatérale, d'où une possibilité

d'augmentation des coûts. L'objectif est de tester l’ensemble des facteurs par l’organisation de la

collecte de données des services d’entretien au sein d’un échantillon d'une quarantaine de

communes et par l'évaluation des caractéristiques - qualité, spécificité, investissement nécessaire -

de quatre types de services, élagage, débroussaillage, balisage et réfection des voies.

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CONCLUSION :

Chaque intervention, chaque discussion et chaque débat menés lors de ce séminaire marque

l’intérêt de mobiliser une approche interdisciplinaire pour l’étude du paysage et de ses objets tels le

chemin. Le paysage ordinaire est avant tout un paysage d’activités humaines, qui, occulté autrefois,

prend toute sa dimension par la mise en commun des recherches dans différents domaines.

Le programme de recherche Les chemins du paysage, le paysage des chemins touche bientôt

à sa fin. Ce séminaire a permis de mieux articuler les diverses approches de chaque discipline et d’en

dégager les liens les plus conséquents. De plus, les apports d’intervenants étrangers enrichissent les

réflexions et favorisent les comparaisons des expériences entre pays, en particulier dans le contexte

de la convention européenne du paysage. Ce séminaire a aussi fait émerger de nouvelles orientations

et démontre ainsi que l’exploration de la thématique des chemins est loin d’être terminée. Par

exemple, il serait intéressant de mettre en regard l’évolution des chemins et celle de l’habitat,

élément structurel fort du paysage. En ce qui concerne la zone atelier de Pleine-Fougères, les

chemins de fonds de vallée sont typiques d’une activité intense passée. Aujourd’hui beaucoup de

sièges d’exploitation et d’anciens moulins de fonds de vallée ne sont plus en activité ou sont devenus des résidences secondaires. Ce phénomène, fortement influant pour l’accessibilité et la connectivité

d’un réseau, semble systématique. Il serait utile d’approfondir les recherches en ce sens afin d’en

vérifier l’importance.

Le droit de chemin n’a pas été traité lors du séminaire mais au fil des interventions, il est

apparu que le cadre légal des chemins était densément fourni mais qu’il était pourtant peu mobilisé.

Dans la pratique, nombre de régularisation de situations conflictuelles se résolvent à l’amiable. Le

refus d’un aménagement traduit souvent la peur du changement et sera mal perçu en cas d’emploi

de méthodes coercitives. Pour les politiques publiques, il apparaît plus judicieux d’élaborer les

projets d’aménagement du paysage en coopération avec les parties concernées que de leur imposer.

De plus, l’appropriation de ces actions n’en sera que plus aisée. En France, ce phénomène d’arrangement à l’amiable est réellement remarquable d’un point de vue sociologique par rapport à

la Belgique où est mise en place une vraie procédure de concertation et de négociation. Toutefois,

certains publics sont souvent exclus de ce genre de processus. Dans le paysage français, le chemin

représente un espace d’entre-soi et d’intérêts communs. Il fait l’objet d’accords tacites sans valeurs

juridiques. Le problème de pérennisation des chemins sur le cadastre reste réel, notamment pour la

question de la transmission des biens. En Belgique, suite aux discussions, les accords sont formalisés

alors qu’en France les négociations verbales, parfois inégales, ne sont inscrites nulle part. Toutefois,

on constate un nombre grandissant d’enregistrements chez les notaires, dû notamment à l’arrivée de

nouvelles populations dans les espaces ruraux. Il est rare que les conflits autour d’un bien soient

gérés comme tel. Le statut du chemin est essentiel pour la régulation des usages car il symbolise un espace à part …

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ESNAULT A., en cours, Evolution diachronique des changements du réseau bocager de la

communauté de communes du Pays de Bécherel, master 2 géographie, université Rennes 2

FREMY D., 2008, Méthode de caractérisation de la circulation agricole et de son influence sur la

gestion territoriale des exploitations agricoles : approche par le réseau des voies de communication,

master 2 géographie, université Rennes 2

LE JELOUX A., en cours, Mise en œuvre du volet 2 Breizh Bocage à l’échelle de deux territoires : étude

comparée, master 2 géographie, université Rennes 2

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Rennes 2

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Annexe 1 : Programme du séminaire

9h30 Accueil des participants

10h00 LES CHEMINS DU PAYSAGE, LE PAYSAGE DES CHEMINS - 1

• Laurence Le Du-Blayo Enseignant-chercheur en géographie - Laboratoire Costel - UMR LETG - université Rennes 2

Présentation du projet « Les chemins du paysage, le paysage des chemins »

10h15 • Mathilde Manceau Vacataire sur le programme « Paysage et développement durable »

Synthèse bibliographique

10h30 • Claudine Thenail et Donovan Frémy Chargée de recherche en agronomie - INRA-SAD Paysage - Rennes

Etudiant de Master de géographie - université Rennes 2

Les réseaux de circulation agricole : des territoires au paysage

• Claudine Thenail et Christophe Codet Chargée de recherche en agronomie - INRA-SAD Paysage - Rennes

Technicien de recherche « enquêtes et observations sur les pratiques agricoles » - INRA-SAD Paysage -

Rennes

Diversité des pratiques d’entretien des bords de chemins et routes

11h00 Pause - café

11h15 • Yvon Le Caro Enseignant-chercheur - Laboratoire RESO - université de Rennes 2

Les chemins, porte ouverte sur l’espace agricole

11h45 Discussion

12h30 Déjeuner

14h00 LES CHEMINS DU PAYSAGE, LE PAYSAGE DES CHEMINS - 2

• Didier Le Cœur Maître de conférences en écologie des peuplements végétaux - Agrocampus Ouest - INRA-SAD Paysage -

Rennes

Ecologie des chemins

14h30 PAYSAGES ET CHEMINS AU QUOTIDIEN

• Jacques Lemaître Ancien vice-président de la fédération française de la randonnée pédestre

La qualité et la variété des paysages : des critères essentiels pour la création d’itinéraires de randonnée

15h00 Discussion

15h45 Pause - café

16h00 CONTEXTES A L’ETRANGER

• Mattias Qviström

Associate professor - Department of Landscape Architecture - Swedish University of Agricultural

Sciences

Materialising speed: an analysis of hundred years of landscape change in a peri-urban area in southern

Sweden.

16h30 • Andy Vandevyvere et Steven Clays Coordinateur - Trage wegen vzw - Belgique

Hydrogéologue - Trage wegen vzw - Belgique

Cette ONG œuvre pour la conservation et le développement multifonctionnel de chemins lents. Leur

méthode se base sur un partenariat avec les collectivités locales, les usagers, les habitants et Trage

Wegen vzw. A partir d’une cartographie du réseau, les demandes et propositions sont prises en

compte, discutés et décidées grâce à un important processus de concertation.

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17h00 Discussion

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9h00 Départ de Rennes - Villejean

10h00 COMMUNAUTE DE COMMUNES DU PAYS DE BECHEREL

• Olivier Lelièvre

Technicien du service environnement de la communauté de communes

• Maryvonne Texier

Mairesse de Saint-Brieuc des Iffs / commission environnement de la communauté de communes

Commune de Romillé

→ Haie sur talus restaurée le long d’un chemin, au bord d’un cours d’eau

• Patrick Souben

Conseiller municipal de Saint-Pern / commission environnement de la communauté de communes /

technicien de la Draf / membre de l’association « Animation sentiers et patrimoine »

La connexion entre le réseau de haies et celui des chemins ou les chemins comme outil, support de

restauration du bocage.

Commune des Iffs ou de La Chapelle-Chaussée

→ Entretien des chemins : visite du chantier d’insertion de l’association « Déclic »

• Gilles André

Coordinateur-encadrant de l’association « Déclic »

Les chemins d’un point de vue social (réinsertion) et économique (création d’emploi, coûts de gestion

et d’entretien,…). Les modes d’entretien.

12h30 DOL-DE-BRETAGNE

Déjeuner à la crêperie « Le Dol’Mene aux saveurs »

14h30 COMMUNAUTE DE COMMUNES DE LA BAIE DU MONT SAINT-MICHEL

Découverte de trois chemins à la flore différente

→Chemin de bocage dense à la flore de type forestière

→Chemin de bocage moyen-dense à la flore perturbée (flore adventice) et aux usages multiples

(bétail, randonneurs, quads…)

→Chemin de paysage ouvert à la flore de type prairiale

• Jean-Luc Roger

Technicien de recherche «Observations biologiques»- INRA-SAD Paysage - Rennes

• Didier Le Cœur Maître de conférences en écologie des peuplements végétaux - Agrocampus Ouest - INRA-SAD

Paysage - Rennes

Roz-sur-Couesnon

→Panorama : vue sur la baie du Mont Saint-Michel

• Arnaud Niveau

Technicien du service environnement de la communauté de communes

• Jean-Pierre Héry

Vice-président de la communauté de communes

Les sentiers d’interprétation : les chemins sont un outil au service du développement local car ils

permettent la découverte et l’appropriation d’un territoire

18h30 LE MONT SAINT-MICHEL

Quartier libre sur le Mont

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20h30 Dîner au Restaurant « La Digue »

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10h00 PROGRAMME « PAYSAGE ET DEVELOPPEMENT DURABLE » : AUTRES PROJETS EN INTERACTION

• Jacques Baudry et Laure Cormier

Directeur de recherche en écologie du paysage - INRA-SAD Paysage - Rennes

Doctorante en géographie - Agrocampus Ouest - Centre d’Angers - INHP

Projet « Trames vertes »

Trames Vertes : fonctions sociales et écologiques

10h30 • Olivier Aznar, Laurence Amblard et Hélène Révol (en visioconférence)

Ingénieur-chercheur - UMR Métafort - Cemagref - Clermont-Ferrand

Chargée de recherche en économie - UMR Métafort - Cemagref - Clermont-Ferrand

Ingénieur d’études - UMR Métafort - Enita - Clermont-Ferrand

Projet « Les nouveaux enjeux économiques des actions paysagères : éléments pour une nouvelle

orientation de l’économie du paysage »

Organisation et entretien de la voirie en milieu rural

11h00 Pause - café

11h30 Discussion

12h30 Déjeuner

14h00 PAYSAGES ET CHEMINS AU QUOTIDIEN

• Jacqueline Lebert Chargée de la politique randonnée - Conseil général des Côtes d’Armor

La gestion durable et solidaire des chemins de randonnée et son impact sur le paysage - exemple des

Côtes d’Armor

14h30 LES CHEMINS DU PAYSAGE, LE PAYSAGE DES CHEMINS - 3

• Laurence Le Du-Blayo et Kévin Vappreau Enseignant-chercheur en géographie - Laboratoire Costel - UMR LETG - université Rennes 2

Vacataire sur le programme « Paysage et développement durable »

La dynamique spatiale des réseaux de chemins - La cartographie diachronique et fonctionnelle des

réseaux de chemins à partir de différents cas concrets nous permet de dresser une première analyse

spatiale des chemins, de leur insertion dans les mutations du territoire rural (structure du réseau,

connectivité) et de leurs adaptations à la demande en paysage (lien avec le réseau bocager).

15h00 • Véronique Van Tilbeurgh Enseignant-chercheur - laboratoire Costel - UMR LETG - université Rennes 2

L’intégration sociale des chemins et de leurs réseaux

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16h00 Discussion