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UNIVERSITE MONTPELLIER II SCIENCES ET TECHNIQUES DU LANGUEDOC
Master 2 Biologie Géosciences Agroressources Environnement
Parcours Biologie Ecologie Evolution et Environnement, Année 2007-2008
Elsa CANARD
Rapport de stage
Y a-t-il une implication du système de reproduction dans le mécanisme de coexistence d’espèces par compromis
compétition-colonisation ?
Cas de la communauté de mollusques de Guadeloupe Encadrants : Philippe JARNE Patrice DAVID Laboratoire : Département Biologie des Populations, équipe Génétique et Dynamique des Populations, Centre d’Ecologie Fonctionnelle de Evolutive (CEFE)
Résumé :
Expliquer la diversité des espèces au sein des communautés est un objectif majeur de l’écologie. Un des mécanismes permettant cette diversité est la coexistence d'espèces dont certaines privilégient la capacité à coloniser des milieux vides et d'autres la capacité à s'imposer dans la compétition dans des milieux occupés. Le système de reproduction (autofécondation versus allofécondation) pourrait être un des éléments cruciaux de ce mécanisme car les espèces autofécondantes sont classiquement considérées comme des bonnes colonisatrices. Nous avons exploré cette hypothèse en comparant la dynamique et la génétique des populations de deux espèces d'escargots d'eau douce, P. acuta et P. marmorata. Ces deux espèces sont très semblables sauf pour le système de reproduction et coexistent dans une même communauté en Guadeloupe. Notre étude démographique, basée sur l'analyse de 7 années de suivi, montre qu'elles forment des métapopulations où une partie des sites s'éteignent, pendant que d'autres sont recolonisés, chaque année. Contrairement à nos attentes, l'espèce autofécondante ne semble pas meilleure colonisatrice que l’espèce allofécondante. En revanche sa structure génétique suggère que la taille de ses populations locales fluctue beaucoup plus, et qu'elle subit des goulots d'étranglement plus sévères. De plus, notre étude révèle que les deux espèces ont des habitats optimaux différents. Il semble donc que la coexistence des deux espèces ne peut être interprétée comme résultant d'une stratégie autofécondante / colonisatrice versus allofécondante / compétitrice. D'autres différences, par exemple liées à la résistance face aux perturbations du milieu et à l'adaptation à des types d'habitats différents, sont à prendre en compte dans cette coexistence. Mots-clefs : autofécondation, coexistence, compromis compétition-colonisation, Physa. Abstract:
A main goal of ecology is to explain species diversity in communities. Several mechanisms of coexistence have been proposed. One mechanism postulates that species coexist because some are better at colonizing free habitats while others are better competitors once they have occupied a patch. The mating system (self- versus cross-fertilization) could constitute one of the most important elements of this mechanism because selfing species are supposed to be better colonisers. We explored this hypothesis by comparing the population dynamics and genetics of two freshwater snail species, P. acuta and P. marmorata. They are very similar to each other, but display markedly different selfing rates and they coexist in the same communities in Guadeloupe. Our demographic study was based on a seven years-survey and shows that these species are organised in metapopulations with some patches going extinct while others are colonised on a yearly basis. Contrary to expectations, the selfing species is not a better coloniser. However the genetic study suggests that the size of local populations varies more drastically than in the outcrossing species. Moreover our study shows that the two species have different optimal habitats. These results suggest the contrast in strategies (selfing / coloniser versus outcrossing / competitor) cannot explain species coexistence. One has to call for other differences such as resistance to environmental disturbance or adaptations to different habitats. Keywords: selfing, coexistence, competition-colonisation trade-off, Physa.
SOMMAIRE
Introduction Apport de la structure spatiale dans la compréhension de la dynamique en métacommunauté
et de la coexistence…………………………………………………………………………………...2
Syndromes de trait et coexistence en métacommunauté : un rôle pour le système de
reproduction ?...........................................................................................................................3
Objectif de l’étude………………………………………………………………………………….….5
Avantage d’une double approche alliant la génétique à la démographie………………….……5
Choix et présentation du modèle d’étude…………………………………………………………..6
Prédictions testées sur P. acuta et P. marmorata dans le cadre de ce travail…………………7
Matériels et Méthodes Modèles biologiques…………………………………………………………………………………8
Echantillonnage des populations, suivi démographique et caractérisation écologique……….9
Analyse de génétique des populations………………………………………………………….….9
Analyse démographique…………………………………………………………………………….11
Résultats Structure génétique des populations……………………………………………………………....14
Analyse démographique…………………………………………………………………………….15
Discussion Divergence dans les systèmes de reproduction de P. acuta et P. marmorata……………….19
Démographie de P. acuta en Grande Terre : mise en évidence d’une invasion en cours.….20
Analyse démographique : une remise en cause du compromis compétition colonisation ?.. 20
Analyse de la structure génétique : une étude de la dynamique à une échelle inférieure…..21
P. acuta et P. marmorata occupent-t-elle les mêmes habitats ?............................................23
L’hétérogénéité spatiale est-elle à l’origine de la coexistence des deux
espèces ?…………………………………………………………………………………………….24
Conclusion et perspectives…………………………………………………………...….25 Bibilographie…………………………………………………………………………..……...27
Annexes Annexe 1 : Séquence microsatellites et multiplexes utilisés…………………………………...31
Annexe 2 : Caractéristiques des sites occupés par les populations de P. acuta et P.
marmorata échantillonnées pour l’analyse de la structure génétique………………………….33
Annexe 3 : Composition des types de sites occupés par P. acuta et P. marmorata de 2001 à
2008 en Grande Terre……………………………………………………………………………....34
Annexe 4 : Analyse en Composante Principale réalisée sur 210 mares de Grande Terre en
Guadeloupe…………………………………………………………………………………………..35
Annexe 5 : Représentation géographique des Fst spatiaux par paire de populations de P.
acuta et P. marmorata………………………………………………………………………………36
Annexe 6 : Cartographie de P. marmorata et P. acuta en Grande Terre de Guadeloupe, de
2001 à 2008…………………………………………………………………………………………..38
Annexe 7 : Modèles de dynamique des métapopulations de P. acuta et P. marmorata……40
Travaux réalisés pendant le stage…………………………………………………………..42
Remerciement……………………………………………………………………………………..42
1
INTRODUCTION
« Why are there so many kinds of animals ?» Cette question, formulée par
Hutchinson (Hutchinson, 1959), traduit l’énigme que pose l’incroyable richesse en espèces
de notre planète aux biologistes. Comprendre cette diversité en espèces est un objectif
majeur de l’écologie. Depuis près d’un siècle, la théorie de la niche écologique (voir par
exemple Leibold, 1998) constitue l’axe principal de ce programme de recherches. La base
logique de la théorie de la niche est le principe d’exclusion compétitive (Hardin, 1960)
dérivé des modèles de Lotka-Volterra (Lotka, 1925; Volterra, 1926), et des travaux de Gause
(1934). Cette loi fondamentale décrit comment la différence d’aptitude à la compétitivité pour
une même ressource limitante exclut les espèces les plus faibles au profit des plus fortes,
réduisant ainsi la richesse spécifique d’une niche (conceptualisée par un hypervolume où
chaque dimension de l'espace est une ressource; d'après Hutchinson, 1957). Pour coexister
deux espèces devraient donc exploiter des ressources (ou niches écologiques) différentes.
Pourtant, certains milieux abritent des communautés étonnamment riches, comme le
remarque Hutchinson (1961). C’est le cas l’incroyable richesse des communautés
planctoniques malgré le faible nombre de ressources limitantes de leur milieu. Devenu cas
d’école, cet exemple a donné son nom au « paradoxe du plancton », selon lequel des
mécanismes déterministes, basés sur le nombre de types de ressource présents à l'échelle
locale ne suffisent pas à expliquer la diversité de certaines communautés. Se pose alors la
question d’autres mécanismes qui permettraient la coexistence d’espèces dans un milieu.
Depuis plusieurs mécanismes ont été proposés pour expliquer ce paradoxe. Un
premier mécanisme, dérivées de la logique de la niche écologique, a vu le jour sous le nom
de diversification de niches. Il repose sur l’idée que les espèces pourraient se spécialiser
pour consommer une sous partie particulière de la gamme de condition offerte par
l’environnement. La nature continue de cette gamme de conditions permettrait la coexistence
d’une grande variété d’espèces même lorsque les types de ressources sont peu nombreux,
pour peu que les espèces consomment les ressources dans des proportions différentes
(Tilman, 1982). Cela revient en fait à partitionner une niche écologique en sous parties. De
même, la coexistence pourrait être engendrée par l’utilisation d’une même ressource à des
moments différents. Les espèces peuvent en effet répartir leurs activités similaires à des
périodes distinctes, et ainsi éviter d’entrer en compétition . Un second type de mécanisme,
totalement différent, voit le jour à travers la théorie neutraliste introduite par Hubbell (2001).
Partant de l’hypothèse nulle d’une même niche écologique pour l’ensemble des espèces, ce
nouveau concept propose que les espèces partagent les mêmes aptitude à la compétition.
Ainsi, aucune d’elles ne pouvant exclure les autres, la coexistence est rendue possible par
l’absence de forces déterministes sur la composition de cette communauté. Ce concept
2
nouveau remet donc en cause le fait que les espèces doivent nécessairement avoir des
niches écologiques différentes pour coexister. Le nombre d’espèces coexistant à un moment
donné serait le résultat d’une histoire contingente faite d’ajouts d’espèces (par spéciation ou
immigration) et de pertes (par extinction stochastique d’espèces) et non d’un assemblage
précis maintenu à l’équilibre écologique. Au contraire, une troisième catégorie d’explications
propose que la coexistence d’espèces pourrait être favorisée/engendrée par la variabilité
temporelle ou spatiale de la ressource. Au contraire de la théorie neutraliste, la coexistence
d’espèces similaires pourrait être favorisée par des mécanismes mettant en jeu des
compromis entre traits d’histoire de vies des espèces en compétition (Calcagno et al.,
2006; Tilman, 1994), en particulier entre leur capacité à coloniser des sites vierges et celle
de les conserver ensuite. Tilman (1994) montre qu'une infinité théorique d'espèces peuvent
coexister de cette façon. Dans ce travail nous nous attacherons à explorer cette hypothèse :
peut-on documenter l’existence de tels compromis et leur rôle dans le maintien d‘espèces
ayant des niches écologiques similaires au sein d’une même communauté ? Dans ce cadre,
nous nous intéresserons au rôle d’un trait particulier, le système de reproduction, sur ces
compromis. Dans la suite de cette introduction, nous détaillons tout d’abord les modèles de
coexistence en milieu spatialement et temporellement variable, basés sur les compromis
entre les traits d’histoire de vie, pour ensuite nous focaliser sur le rôle potentiel du système
de reproduction dans l’établissement d’un compromis compétition-colonisation. Nous
présenterons enfin notre démarche scientifique dans l’étude de cette thématique ainsi que le
choix de notre modèle d’étude.
Apport de la structure spatiale dans la compréhension de la dynamique en métacommunauté
et de la coexistence
La considération de l’aspect dynamique des populations et des espèces a
grandement enrichi la compréhension du fonctionnement des espèces et des communautés
qu’elles composent. En effet, classiquement, l’écologie des populations se plaçait à une
échelle locale, considérant que la population locale est isolée de son environnement
avoisinant. Cependant, certains processus écologiques agissent à une échelle plus large :
du fait de la dispersion, les populations locales sont connectées à leurs voisines, créant ainsi
une dynamique régionale . Le modèle le plus simple intégrant cette idée est le modèle dit
« en île » (Wright, 1931), considérant un habitat fragmenté en sites identiques, des tailles de
populations constantes et une migration globale uniforme. Il est complexifié vers le concept
de métapopulation (Levins, 1969), intégrant les notions d’hétérogénéité spatiale et de
dynamique stochastique d’extinction/colonisation des populations dû à la fragmentation de
leur milieu favorable. Récemment élargi des populations aux espèces, le concept de
métacommunauté propose plusieurs mécanismes favorisant la coexistence régionale des
Encadré 1. La coexistence des espèces dans une méta communauté
La dynamique des populations qui pourrait favoriser la coexistence des espèces suivant
différentes mécanismes. Tout d’abord, l’ « effet de masse » postule que des espèces peuvent se
maintenir dans certains sites grâce à un influx continu de migrants en provenance de population-
sources où les conditions sont plus favorables, et coexister ainsi avec d'autres espèces localement
mieux adaptées (Figure 1.c). Cette idée ne justifie pas la coexistence de plusieurs espèces ayant
les mêmes exigences écologiques (la même "niche fondamentale"); elle suppose au contraire que
chaque espèce est favorisée dans un type particulier de milieu. C'est donc une version spatialisée
d'un mécanisme de coexistence basée sur le concept de niche écologique. Une forte exclusion
compétitive locale immédiate amène à une déclinaison de ce mécanisme, appelé assortiment
d’espèces (species -sorting) (Figure 1.b). Un mécanisme neutre , dans lequel aucune compétition
n’intervient pourrait également expliquer ces patrons de coexistence. La présence des espèces
dans les sites est régit par la migration et l’extinction par dérive (Figure 1.d). Enfin, un compromis
entre la capacité à la compétition et la colonisation pourrait permettre une coexistence régionale:
une espèce performante dans la colonisation de nouveaux sites est supposée moins apte à la
compétition pour ces sites, et inversement. Ainsi, les mêmes sites peuvent être occupés par des
espèces différentes au cours du temps, avec une succession d’évènements de colonisation –
extinction locale – colonisation (Figure 1.a).
Figure 1. Représentation schématique de quatre paradigmes sur la coexistence d’espèces en
compétition dans une métacommunauté : a) le compromis-compétiton ; b) l’assortiment d’espèce ;
c) l’effet de masse ; d) la neutralité. Figure extraite de Leibold et al. (2004).
3
de métapopulation (Levins, 1969), intégrant les notions d’hétérogénéité spatiale et de
dynamique stochastique d’extinction/colonisation des populations due à la fragmentation
de leur milieu favorable. Elargi des populations aux espèces, ce concept donne une
métacommunauté . Dans ce cadre plusieurs mécanismes favorisent la coexistence
régionale des espèces (Encadré 1). Parmi eux figure un mécanisme de coexistence basé sur
cette dynamique de renouvellement des populations, qui applique l’idée que des compromis
entre les traits de vie des espèces pourrait permettre la coexistence. En particulier, un
compromis entre la capacité à la compétition et la colonisation , comme nous l’avons
abordé précédemment, pourrait permettre une coexistence régionale. Dans ce modèle une
espèce peut se maintenir même si elle est systématiquement exclue des sites par une autre
plus compétitive. Elle doit pour cela être capable de coloniser plus efficacement les sites
vides créés par les extinctions pour y arriver la première le plus souvent possible (par
exemple Hastings 1980). Ainsi, les mêmes sites peuvent être occupés par des espèces
différentes au cours du temps. Ce mécanisme a fait l'objet de nombreux travaux théoriques.
Au départ fondés sur un modèle de compétition très simplifié appliquant une exclusion
compétitive immédiate selon une hiérarchie stricte d'espèces (Hastings 1980 ; Tilman 1994),
ces recherches ont aboutit à la construction de modèles plus flexibles, prenant en compte
des modes de compétition moins caricaturaux. Ces modèles plus récents incluent
notamment des compétitions moins asymétriques ainsi qu’un effet de préemption de la
ressource par l'espèce arrivée en premier (Calcagno et al., 2006). D'un point de vue
empirique, la validation reste difficile. En effet, bien que le compromis entre capacités de
colonisation et compétition a pu être observé en conditions expérimentales (Cadotte, 2007),
il est très difficile de montrer qu'il est opérationnel au sein d'une métacommunauté naturelle.
Syndromes de trait et coexistence en métacommunauté : un rôle pour le système de
reproduction ?
Les différentes positions des espèces dans le gradient compétition-colonisation
devraient se traduire par des associations de traits évolutifs. Un exemple typique est
l’opposition des plantes pérennes et des plantes annuelles. Les premières adoptent une
stratégie basée sur la compétitivité locale : elles privilégient la croissance et la survie locale,
au prix d'une reproduction retardée, donc d'une capacité de colonisation moins rapide. Un
autre type de traits associés au compromis colonisation-compétition est la taille des graines :
la stratégie d’une production grosses graines en petite quantité donne un avantage
compétitif aux juvéniles (en effet, les réserves leurs donnent une avance de croissance),
tandis que la stratégie d’une forte production de petites graines permet une multiplication
plus rapide en l'absence de compétition. Cas ce dernier cas, la petite taille des graines leur
procure une légèreté qui peut faciliter leur dispersion, souvent aidée par une morphologie
4
particulière. On retrouve ici les syndromes de traits initialement associés aux stratégies "r" et
"K" (MacArthur & Wilson, 1967).
Le système de reproduction pourrait constituer un trait associé au compromis
compétition colonisation. Cette idée est présente dans la loi dite de Baker, énoncée en 1955
(Baker, 1955). Elle propose l’idée intuitive selon laquelle l’autofécondation apporterait un
avantage dans la colonisation de sites vierges, en assurant la reproduction même lorsqu’un
seul individu atteint un site vide. L’autofécondation soulagerait donc l’effet Allee (Encadré 2).
Ce concept trouve un appui dans l’exemple des plantes annuelles, qui montrent
généralement un système de reproduction incluant de l’autofécondation. En contrepartie,
l’allofécondation permet d'éviter la dépression de consanguinité, favorisant ainsi la valeur
sélective des descendants, et donc leur compétitivité.
Chez les plantes, l'idée d'un syndrome "colonisateur" impliquant l'autofécondation est
étayée par le fait que la proportion d'autofécondantes est plus forte chez les annuelles que
chez les pérennes (Aarssen, 2000; Lloyd, 1979), ainsi que par la prédominance des espèces
autofécondantes sur les îles océaniques (Baker 1955, mais voir aussi Massol & Cheptou,
2008). Cependant, le rôle des divergences du système de reproduction dans la coexistence
d'espèces proches n'a pas été directement abordé. Les modèles d'évolution du taux de
reproduction en métapopulations n'ont pas non plus abordé directement la possibilité d'une
coexistence entre deux variants l'un autofécondant (avantagé lors de la colonisation), l'autre
allofécondant (avantagé à la compétition). Un modèle proposé par Cheptou (2004) prend en
compte la dépression de consanguinité et un effet Allee, et exclut la coexistence des deux
types (pas de stratégie mixte stable). Cependant, il considère une population fermée, et
exclut donc la dynamique d'extinction-colonisation en tant que telle, l'avantage lié à
l'autofécondation étant exprimé en termes de persistance de la population et non de
colonisation. Dans un cadre de dynamique métapopulationnelle, Pannell et Barrett (1998)
ont construit un modèle dans lequel il explore l’effet d’une dynamique extinction-colonisation
sur l’avantage procuré par l’assurance reproductrice chez une espèce autofécondante et une
espèce allofécondante. Ils évaluent l’augmentation de productivité (graines, dispersion)
nécessaire à un allofécondant pour combler le manque d’assurance reproductrice. Ils
montrent que l’effet de la persistance diminue l’avantage de l’assurance reproductrice.
D’autre part, Massol et Cheptou (dans Massol, 2008) modélisent conjointement l’évolution de
la dispersion des graines et du taux d’autofécondation en population structurée soumise à
des variations stochastiques de disponibilité en pollen. Ils montrent une association positive
inattendue entre l’allofécondation et la dispersion, contraire à l'intuition fondée sur la loi de
Baker. Cependant, ce modèle n’autorise pas d’effet Allee, car le défaut de pollen n’est pas
relié à la densité des individus, l'avantage des autofécondants à la colonisation n'étant pas
représenté dans le modèle. Cette étude n’explore donc pas vraiment la loi de Baker.
5
Finalement, l'idée d'une coexistence possible entre types autofécondants-colonisateurs et
allofécondants-compétiteurs dans une métapopulation repose sur une intuition combinant la
loi de Baker et des modèles généraux du compromis compétition-colonisation, qui n'a pour
l'instant été ni infirmée ni confirmée par la théorie. D'un point de vue empirique l'existence de
syndromes de traits impliquant le système de reproduction est soutenue par des tendances
globales sur les plantes (telles que la fréquence élevée de l'autofécondation chez les
annuelles) mais il n'existe pas d'études reliant une différence de système de reproduction à
la coexistence de deux espèces, et aux paramètres métapopulationnels (colonisation,
extinction) et écologiques (compétition), sur le terrain.
Objectif de l’étude
Dans le cadre de cette étude, je me suis intéressée à comprendre l’implication du
système de reproduction dans le mécanisme de la coexistence d’espèces par compromis
compétition-colonisation au sein d’une même niche écologique. Nous avons choisi d'aborder
la partie empirique de cette question. Cette problématique implique l’étude d’un système
biologique approprié, tel qu’une paire (ou plus) d’espèces coexistant effectivement au sein
d’une même métacommunauté, et partageant les mêmes caractéristiques générales, bien
que divergeant par leur système de reproduction et les traits d’histoire de vie. Dans une telle
étude, les espèces choisies doivent être suffisamment proches phylogénétiquement et
écologiquement pour permettre une comparaison des traits démographiques, et pour pouvoir
supposer qu'elles partagent globalement les mêmes ressources. La dynamique des
métapopulations de ces espèces devrait, selon notre hypothèse, être conforme à l’idée du
compromis compétition-colonisation, c'est-à-dire représentant les associations entre un fort
taux de colonisation et une forte dynamique de renouvellement pour l’espèce
autofécondante, et entre une forte compétitivité et un renouvellement moins fréquent pour
l’espèce allofécondante. Dans ce travail, nous n’aborderons pas la compétition, pour nous
concentrer sur l’aspect colonisation et dynamique de renouvellement.
Avantage d’une double approche alliant la génétique à la démographie
Nous avons choisi, pour caractériser les dynamiques de colonisation et de
renouvellement, d'allier deux approches complémentaires : la démographie et la génétique
des populations.
La démographie informe sur le mouvement et la répartition des individus, soit la dynamique
des populations. L’observation directe des individus des espèces dans leur environnement
permet de réunir des données sur la présence ou l’absence des espèces dans les sites de
métapopulation au cours du temps. Sous l’hypothèse d’un équilibre de la métapopulation, on
peut extrapoler la dynamique temporelle de la métapopulation à partir de la répartition de
Figure 1 . Carte de la Guadeloupe
6
l'espèce dans l'espace à un moment donné. Cette dimension temporelle est cependant
mieux évaluée par un suivi régulier au cours du temps de l’état de la métapopulation. Ces
informations démographiques donne accès aux paramètres écologiques fondamentaux (taux
d’extinction, taux de colonisation) et aux évènements démographiques des populations
(goulot, expansion) de manière directe.
Une telle approche permet d’évaluer la dynamique immédiate de la métapopulation. Un
nombre croissant d’études utilise conjointement cette approche démographique et une
approche génétique pour estimer de deux manières les paramètres démographiques
influençant les forces stochastiques des métapopulations. En effet, une approche indirecte
basée sur la génétique des populations permet d'avoir une idée du taux de renouvellement
des gènes dans une population. Cette information permet une évaluation plus fine du taux de
renouvellement des populations, car le suivi démographique en présence/absence ignore les
évènements de goulot d’étrangement des populations (ou semi extinction) ainsi que les
extinctions suivies d’une recolonisation immédiate. Ces événements laissent au contraire
des traces dans la structure et la diversité génétique (telles que le renouvellement des
génotypes), qui enregistre les variations temporelles de la taille efficace de population.
Comme pour la démographie, une analyse de la structure génétique dans l'espace à un
moment donné donne un aperçu de l’histoire démographique de la métapopulation, mais un
suivi génétique dans le temps, bien que rarement mis en pratique, permet de déceler plus
précisément les évènements récents ou en cours. Par ailleurs, l’étude de la diversité
génétique renseigne sur le système de reproduction, point essentiel de notre étude.
Choix et présentation du modèle d’étude
Le système d’étude choisi est une paire d'espèces apparentées d'escargots d'eau douce
hermaphrodites (Physa acuta et Physa (Aplexa) marmorata) habitant l’île Grande-Terre de
Guadeloupe (Figure 1). L'habitat de ces deux espèces en Grande-Terre est en première
approximation un ensemble de quelques centaines de mares qui abrite une communauté de
25 espèces de mollusques relativement bien suivie au cours de ces dernières dizaines
d’années (Massol, 2008; Pointier, 1976; Pointier & Augustin, 1999; Pointier & David, 2004).
Ce système semble être un bon candidat pour l'étude que nous entreprenons, pour plusieurs
raisons. Premièrement, ces deux espèces sont proches de par leur phylogénie (Wethington
& Lydeard, 2007), leur morphologie ainsi que leur écologie, et sont fréquemment trouvées
ensemble dans les mêmes sites. De plus, des marqueurs microsatellites polymorphes ont
été développés récemment sur les deux espèces (Bousset et al., 2004; Dubois et al., 2008;
Sourrouille, Debain & Jarne, 2003), permettant l’analyse de leur structure génétique. Les
résultats préliminaires de génétique et d’étude du comportement suggèrent une différence
de systèmes de reproduction, P. marmorata étant préférentiellement autofécondante (Dubois
7
et al., 2008), au contraire de P acuta qui privilégie l’allofécondation (Henry et al., 2005; Jarne
et al., 2000; Wethington & Dillon, 1993). Hormis cette divergence, ces deux espèces sont a
priori comparables sur la majorité de leurs traits, notamment leur morphologie, leur taille, leur
temps de génération (en laboratoire) ainsi que leur régime alimentaire (composé de débris
végétaux et organiques). Ces deux espèces occupent une large gamme d’habitats d’eau
douce, avec une préférence pour les milieux lentiques (à faible courant), tels que les lacs et
les mares. Elles sont donc régulièrement soumises à des variations du niveau d’eau de leur
milieu, principalement dues à l’alternance de saisons sèches et de saisons des pluies en
milieu tropical. Les évènements d’extinction et de recolonisation sont donc probablement un
facteur important dans la dynamique des populations de ces espèces (Jarne & Stadler,
1995) résultant en un fort effet de dérive sur leurs populations.
Prédictions testées sur P. acuta et P. marmorata dans le cadre de ce travail
Dans le cadre de ce travail, j’ai effectué le génotypage d’individus échantillonnés
dans les populations de Grande Terre, afin décrire la structure génétique des populations
des deux espèces. Pour décrire la dynamique des deux espèces, j’ai également mis à profit
les données du suivi démographique annuel dont Grande Terre fait l’objet depuis 2001, à
l’aide d’un modèle de métapopulation.
Dans un premier temps, il s’agit de confirmer l’hypothèse sur le régime de
reproduction des deux espèces, hypothèse fondamentale de notre étude, principalement
pour P. acuta dont les populations de Guadeloupe n’ont jamais été décrites génétiquement.
Dans une deuxième partie, nous avons testé l’hypothèse d’une dynamique de
populations différentes entre les deux espèces. Notre attente est que P. marmorata présente
un taux d’extinction plus fort, compensé par une colonisation rendue plus efficace par son
système de reproduction autofécondant. Cela résulte finalement en une proportion de sites
nouvellement colonisés plus élevé pour cette espèce que pour P. acuta. Nous prédisons au
contraire que les populations de P. acuta présentent un taux d’extinction légèrement inférieur
à celui des populations de P. marmorata. En effet, nous nous attendons à ce que cette
espèce présente une bonne capacité à la compétition, et par conséquent à ce que ses
populations souffrent moins d’extinction dûes à une l’exclusion compétitive. Nous attendons
en retour un taux de colonisation moins fort que celui des populations de P. marmorata.
En conséquence des prédictions sur la dynamique des deux espèces, il est attendu
que la structure génétique des populations présentant une forte dynamique d’extinction-
recolonisation, c’est-à-dire l’espèce autofécondante P. marmorata, soit plus instable au cours
du temps que celle des populations soumises à une dynamique de renouvellement de
populations plus lente, c’est à dire P. acuta.
a) b)
Figure 2. Spécimens de a) Physa acuta, et b) Physa marmorata.
Figure 3 . Localisation des sites suivis (N=253) de 2001 à 2008 sur Grande Terre, Guadeloupe.
Les ravines (ou petites rivières) sont caractérisées par une eau courante, ce sont donc des sites
assez connectif et assez permanent. Les mangroves sont de sites côtiers à forte végétation, elles
sont de très grande taille, très connective, et généralement bordées de prairies inondées. Les
mares sont des habitats d’eau stagnante, de taille, de stabilité et d’isolement variables.
2 mm 2 mm
8
MATERIELS ET METHODES
Modèles biologiques
P. acuta et P. (Aplexa) marmorata sont deux escargots d’eau douce (Basommatophora).
P. acuta est originaire d’Amérique du Nord (Bousset et al., 2004). Son aire de répartition
s’est largement étendue ces deux derniers siècles par processus invasif. C’est l’escargot
d’eau douce le plus commun (Dillon et al. 2002), présent sur tous les continents. La
distribution d'origine de P. marmorata est néotropicale (du Brésil aux Antilles). Cette espèce
montre également une dynamique invasive en Afrique (Côte d'Ivoire), Afrique du Sud
(Appleton & Branch, 1989), mais reste cantonnée à la zone tropicale alors que P. acuta est
aussi présente en zone tempérée. Ces deux espèces occupent notamment les habitats
d’eau douce de Guadeloupe. La Guadeloupe est constituée de deux îles, Basse Terre et
Grande Terre, séparées par un mince bras de mer (Rivière Salée). P. acuta a probablement
été introduite en Basse Terre dès le début du XXème siècle, mais sa présence est restée
discrète en Grande Terre jusqu’à la fin du XXème siècle. Elle est mentionnée (en même temps
que P. marmorata) dans les inventaires aux Antilles (Guadeloupe et Martinique) depuis au
moins trente ans (Pointier, 1976; Pointier & Augustin, 1999; Pointier & David, 2004).
Ces deux espèces sont phylogénétiquement proches, probablement séparées par 15-25
millions d’années (Wethington & Lydeard, 2007). Les deux sont hermaphrodites et
autofertiles, mais P. acuta est préférentiellement allofécondante en Europe (Henry et al.,
2005; Jarne et al., 2000; Wethington & Dillon, 1993) taux d'autofécondation de 0 à 0,3). Son
système de reproduction aux Antilles (où elle était connue sous un autre nom d'espèce P.
cubensis jusqu'à une récente synonymisation) n'a pas encore été étudié. P. marmorata
semble majoritairement autofécondante, d'après les données génétiques préliminaires
obtenues par Dubois et al. (2008) lors de la mise au point des marqueurs microsatellites.
Cette suspicion est étayée par des observations comportementales. En effet, les copulations
n'ont jamais été observées, et il n'y a pas de temps d'attente, c’est-à-dire que les individus
initient la ponte au même moment qu'ils aient ou non des partenaires sexuels à disposition,
alors que les espèces allofécondantes (en particulier P. acuta) retardent leur ponte en
l'absence de partenaire (Escobar 2008). Les deux espèces ont des tailles maximales
comparables (1-2 cm). Leurs morphologies diffèrent notamment par le ratio « largeur sur
longueur », plus faible chez P. marmorata (Figure 2). Une étude récente de la guilde des
mollusques d’eau douce de Guadeloupe suggère une distribution actuelle similaire pour les
deux espèces en Grande Terre, ainsi que des relations de compétition entre elles (Massol,
2008).
Figure 4 . Localisation des populations de Physa acuta et Physa marmorata de Grande Terre
retenues pour l’analyse génétique.
9
Echantillonnage des populations, suivi démographiqu e et caractérisation écologique
Sur un total de 2059 mares recensées en Guadeloupe par la DIREN en 2001, 253
sites ont été suivis annuellement Grande Terre à partir de 2001. Les prospections ont été
conduites quelques semaines après la fin de saison des pluies (décembre à février), car les
mares sont remplies et la croissance des populations de mollusques est assez avancée.
Chaque site est caractérisé par un ensemble de variables relevé annuellement. Les sites ont
été distingués par leurs types (mare / ravine / mangrove) (figure 3), leurs tailles (diamètre
pour les mares ; largeur pour les ravines, les mangroves), leurs conditions hydrologiques
(indice intuitif à cinq niveaux: 1 = permanent, marges stables ; 2 = permanent, marges
instables ; 3 = à sec occasionnel ; 4 = à sec régulier; 5 = eau rare), leur couverture
végétale , ainsi que par leur isolement par rapport à d’autres sites (indice intuitif à quatre
niveaux : 1 = toujours connecté ; 2 = connexion saisonnière ; 3 = connexion occasionnelle ; 4
= jamais connecté). La densité spécifique été estimée visuellement sur la base de 10
minutes par 3 personnes (par catégories : <1, 1-5, 5-10, 10-50, 50-100, 100-500, 500-1000
individu/m²). A partir de l’année 2006 incluse, une fraction des sites a été prospectée une
seconde fois à un intervalle de quelques jours à quelques semaines en vue d’estimer un taux
d’erreur sur les résultats des prospections. Ce délai est supposé assez court pour les
changements liés à la dynamique des populations soient limités.
En vue d’analyses de la structure génétique spatiale et temporelle des populations,
six populations de P. acuta et cinq populations de P. marmorata ont été échantillonnées
dans des sites représentatifs de la distribution des espèces et de leur milieu de vie en
Grande Terre (figure 4, voir annexe 2 pour la description des sites). Quatre cent individus de
chaque espèce ont été collectés (soit un total de huit cent individus). Il est à noter que le site
Terrasson abrite les deux espèces en 2006 et 2007. Les individus échantillonnés ont été
plongés brièvement (30 s) dans de l’eau à environ 70°C, avant d’être fixés dans de l’alcool à
90°.
Analyse de génétique des populations
Analyses moléculaires
Chaque individu a été préalablement séché puis broyé en entier. Leur ADN a été
extrait par une méthode au Chelex ®. Les ADN génomiques extraits ont été mis à migrer sur
gel d’agarose (1%) pour vérifier le succès de l’extraction. L’extraction de nouveaux individus
a été réalisée pour remplacer les échecs. L’amplification des locus microsatellites a été
réalisée par PCR (Polymerase Chain Reaction) : 14 locus ont été retenus pour P. marmorata
(Dubois et al., 2008) et 12 pour P. acuta (Monsutti & Perrin, 1999; Sourrouille et al., 2003) ;
Goudet, comm pers.). Les amplifications ont été organisées en multiplexes (multiplexe
QiaGen ®, voir annexe 1 pour le détail des séquences et des multiplexes). Les produits
Encadré 2 : Mesure de différenciation génétique par les coefficients de Wright
Dans le but de décrire la répartition de variance génétique dans une population subdivisée,
Wright a développé une méthode statistique basée sur l’estimation de paramètres rendant compte
des différences au sein de la population, au sein de chaque sous populations et entre les sous
populations. Ces paramètres sont définis comme des coefficients de corrélations entre les gènes
de différentes sous parties :
FST : corrélation entre un gène tiré au hasard dans la population totale et un gène tiré au
hasard dans une sous population (ou entre deux sous population pour le Fst par paire). Le Fst
renseigne sur la différentiation génétique entre les sous populations.
FIS : corrélation moyenne sur toutes les sous populations entre les deux gènes homologues
d’un individu relativement aux gènes de la sous population à laquelle il appartient. Le FIS est un
indice de consanguinité qui rend compte de l’écart à l’équilibre de Hardy-Weinberg.
FIT : corrélation entre les deux gènes homologues d’un individu relativement aux gènes de
l’ensemble de la population.
Encadré 3 : Estimation du taux d’autofécondation
Une relation simple relie le taux d’autofécondation s au coefficient de consanguinité de
Wright Fis (Crow & Kimura, 1970; Hedrick, 1980) : 2
(1 )is
is
Fs
F=
+
Cette estimation est cependant très sensible aux artéfacts technique, tels que les allèles nuls,
menant à une surestimation du taux d’autofécondation.
David et al. (2007) propose une nouvelle méthode d’estimation du taux d’autofécondation
basée sur de la distribution multilocus de l’hétérozygotie. En effet, l’autofécondation génère un
déficit en hétérozygote global, mais aussi des corrélations entre l’hétérozygotie des locus (Weir &
Cockerha.Cc, 1973) : les individus tendent à être hétérozygotes à plusieurs locus en même temps
(s'ils sont allofécondés) ou homozygotes à plusieurs locus en même temps (s'ils sont
autofécondés). Sous l’hypothèse d’un équilibre de liaison et d’un équilibre du taux
d’autofécondation, l’excès en génotypes hétérozygotes à deux locus par rapport à l'attendu
d'indépendance entre les locus, g2, peut alors être relié au taux d’autofécondation s par la relation :
2 (4 )(1 )
sg
s s=
− −
David et al. (2007) proposent une estimation de s dérivée de g2, ainsi qu’une méthode d’estimation
par maximum de vraisemblance implémentée par le logiciel Rmes. Ces estimations n'utilisent que
l'hétérozygotie observée (et non l'hétérozygotie attendue déduite des fréquences alléliques). Les
artefacts techniques, s'ils affectent indépendamment les différents locus, n'affectent pas les
estimateurs donnés par Rmes, qui n'utilisent que l'information des covariances entre locus et non
l'hétérozygotie moyenne de chaque locus.
10
d’amplification ont ensuite migré sur séquenceur. Les profils de tailles des allèles ont fait
l’objet d’une double lecture indépendante à l’aide du logiciel Genemapper® (Chatterji &
Pachter, 2006). Chaque migration incluait un témoin positif et négatif. Ce protocole a été
répété pour les ADN dont les locus n’avaient pas été amplifiés avec succès, ou dont la
lecture était ambiguë. En cas de nouvel échec, ces données ont été considérées comme
manquantes. Les amplifications au locus Ama15 ont échoué dans toutes les populations de
P. marmorata. D’autre part, les populations de P. acuta présentent des allèles nuls au locus
pasu-1-7, ainsi que des patrons d’allèles de lecture ambiguë aux locus pasu-1-9 et pasu1-
12. Nous avons choisi de les retirer de l’analyse, qui a donc été effectuée sur 13 des locus
de P. marmorata et 9 de P. acuta. L’analyse a porté sur une trentaine d’individus par
populations pour chaque espèce aux deux années, soit un total de 653 individus.
Diversité génétique intra-population
La variabilité génétique des populations a été évaluée par le nombre de locus
polymorphes, le nombre moyen d’allèles par locus et par population, et l’hétérozygotie à
chaque locus pour chaque population (Genetix; Vitalis et al., 2003). L’hypothèse nulle de
fréquences de Hardy-Weinberg a été testée (contre l'alternative : déficit ou excès en
hétérozygotes) à chaque locus pour chaque population par un test exact (Raymond &
Rousset, 1995a).
Le taux d’autofécondation s de ces deux espèces a été estimé de deux manières
indépendantes. Chez les organismes présentant un système de reproduction mixte (c'est-à-
dire à la fois autofécondant et allofécondant), le taux d’autofécondation est lié, en supposant
une population à l'équilibre, au coefficient de consanguinité Fis de Wright (Crow & Kimura,
1970; Hedrick, 1980; encadré 2). Le Fis a été estimé par l'estimateur f de Weir et Cockerham
(1984) en utilisant le logiciel Genepop (Raymond & Rousset, 1995b) et nous en avons déduit
une première série d'estimateurs du taux d'autofécondation, notés ŝ(f). Le taux
d’autofécondation a ensuite été estimé par une méthode multilocus utilisant une source
d'information indépendante du Fis : les covariances d'hétérozygotie entre locus (Encadré 3).
Cette méthode est déclinée sous deux formes dans le logiciel Rmes (Robust Multilocus
Estimation of Selfing; David et al., 2007; Jarne & David, 2008) : par un estimateur ponctuel
dérivé du déséquilibre d’hétérozygotie par paires de locus (ŝ(g2)) et un estimateur par
maximum de vraisemblance (ŝML).
Structure génétique des populations
La structure génétique des populations a été évaluée par un estimateur de la
différenciation spatiale, le coefficient Fst de Wright ( voir encadré 2). Pour chacune des deux
années, on estime les Fst multilocus globaux et par paires de populations. L’hypothèse
Variables (X) Définition des variables caractéristiques des mares Transformation Prédictions
Taille Moyenne interannuelle du diamètre des mares log(1+X)
- effet négatif sur le taux d'extinction - effet positif sur le taux de colonisation
Isolement Indice intuitif d’isolement moyen du site par rapport aux autres
. effet négatif sur le taux de colonisation
Couverture végétale
Pourcentage moyen de la surface du site recouverte par de la végétation flottante
log(1+X)
- effet négatif sur le taux d'extinction - effet positif sur le taux de colonisation
Perturbation
Ensemble de variables : - indice intuitif de permanence hydrique moyenne des sites, - fréquence d’assèchement, - variance du diamètre, - variance de la couverture végétale.
Axe 1 d'une ACP
- effet positif sur le taux d'extinction - effet négatif sur le taux de colonisation
Tableau 1 . Définition des variables descriptives des sites, et leurs transformations, et les
prédictions de leurs effets globaux sur la dynamique des espèces.
11
d’isolement par la distance a été testée par un test de Mantel (Raymond & Rousset, 1995b).
Le changement temporel de structure génétique au sein des populations entre 2006 et 2007
a été estimé par un Fst multilocus entre échantillons 2006 et 2007 pour chaque site
(Raymond & Rousset, 1995b). Une analyse de variance moléculaire hiérarchisée (Amova) à
deux niveaux (population, années dans populations) a été réalisée pour chaque espèce, afin
d'obtenir des quantités synthétiques décrivant la part de différenciation génétique liée aux
effets spatiaux et temporels. Ce test a été réalisé à l’aide du logiciel Arlequin (Excoffier,
Laval & Schneider, 2005).
Analyse démographique
Estimation des paramètres démographiques
Dans l'ensemble des données du suivi démographique, nous avons choisi de nous
intéresser à l’occurrence de chaque espèce en termes de présence/absence annuelle en
chaque site. Les études de métapopulations utilisent ces informations comme variables
d’état qui, incorporées dans des fonction d’incidence, permettent d’estimer l’extinction locale
et la probabilité de colonisation (Hanski, 1999; Moilanen, 1999). La dynamique de la
métapopulation est considérée comme un processus markovien, c'est-à-dire que son état au
temps t+1 ne dépend que de son état au temps t. La fréquence d’occupation des sites est
alors donnée par la relation (1). Il est à noter que les taux de colonisation sont des
paramètres conditionnels.
(1)
avec Ψt = fréquence d’occupation des sites l’année t
γt = taux de colonisation d’un site inoccupé, sachant la fréquence de sites occupés
εt = taux d’extinction d’une population
Un des principaux biais pour estimer les variables (Ψt, γt, εt) est la détectabilité imparfaite des
espèces (Moilanen, 2002) : si l'observation d'une espèce garantit sa présence, sa non-
observation peut résulter soit de son absence soit d'une non-détection. Il est cependant
possible d’utiliser des répétitions de prospection des sites pour estimer une probabilité de
détection des espèces, et ainsi corriger les estimations, en s'inspirant des méthodes
développées en capture-recapture. Ces probabilités de détection peuvent être estimées
dans un premier temps, puis réinjectées dans le modèle (Moilanen, 2002), ou bien estimées
conjointement aux paramètres démographiques (MacKenzie et al., 2003; MacKenzie et al.,
2002). Nous avons choisi la seconde alternative, qui permet d’ajuster les paramètres
simultanément, en utilisant un modèle développé par MacKenzie et al. (2003; 2002).
Dans ce modèle, la probabilité de chaque histoire de présence/absence à un site i est
explicitée en intégrant la probabilité de détection p de l’espèce. Cette histoire est fonction
des paramètres Ψ(t), γ(t), ε(t), et p(t). Sachant l’histoire de l’occurrence de l’espèce à chaque
1 (1 ) (1 )t t t t t+ψ = ψ − ε + − ψ γ
12
site au cours du temps, le modèle calcule les vraisemblances L des valeurs des paramètres
γ, ε, Ψ, et p. La combinaison de valeurs de paramètres qui maximise la vraisemblance est
finalement retenue comme la plus probable compte tenu des données.
Ce type de modèle permet d'incorporer l'effet sur les paramètres démographiques γ(t)
et ε(t) de différentes covariables. Pour cela, les paramètres démographiques sont linéarisés
par une transformation logistique. Par exemple, pour un paramètre θ, et deux covariables,
l’effet des covariables se traduit selon l’équation (2).
logit(θ) = β0 + (β1 x covariable 1) + (β2 x covariable 2) (2)
avec β0 = ordonnée à l’origine
βk = estimateurs de la régression partielle de θ sur la covariable k
Le taux de croissance λ de la métapopulation défini par (3), et le taux de renouvellement des
populations T défini par (4) ont été dérivés des estimations de γt, εt et Ψt.
ψλψ
+= 1t
t
(3)
ψ γ ψ ε
ψ− += = (1 )populations nouvellement colonisées ou éteintes
populations totalest t
t
T (4)
Construction des modèles et choix des variables environnementales
Les traits caractéristiques des sites relevés pendant le suivi démographique ont été
utilisés pour rendre compte de l’hétérogénéité de l’habitat. Leurs effets sur les paramètres
démographiques ont été testés afin de déterminer les variables de l’habitat qui sont liés à la
dynamique des espèces. En effet, le type d’habitat joue fortement sur la composition des
communautés de mollusques en Guadeloupe (Massol, 2008). Dans une première analyse,
nous avons estimé l’effet du type d’habitat (mares, ravines ou mangroves) sur l’occurrence
des espèces. Afin de tester l’hypothèse d’un habitat préférentiel des deux espèces, nous
avons construit un modèle prenant en compte tous les sites suivis de l’île Grande-Terre, quel
que soit leur type d’habitat (N = 246). Dans un deuxième temps, nous nous sommes
restreints aux sites de type mare, qui représentent l’habitat majoritaire des deux espèces (80
à 90% des sites, N = 206 ; voir annexe 3 pour la composition en type d’habitat des sites
occupés). Nous avons ainsi pu tester l’effet des caractéristiques des sites à une échelle plus
fine. A partir des traits relevés en chaque site, nous avons extrait quatre variables
moyennées sur les années, pour rendre compte des traits globaux de chaque site. La
variation interannuelle des sites a été traduite par la variance des variables sur l’ensemble
des années. La fréquence d’assèchement, la stabilité hydrique, et les variances de diamètre
et de couverture végétale ont été résumées en une seule variable « perturbation » par une
13
analyse multivariée (ACP, voir annexe 4). La transformation de ces variables et les
prédictions sur leurs effets sont résumées dans le Tableau 1 ci-contre.
La liaison entre ces variables a été évaluée en effectuant des tests de corrélation de
Pearson deux à deux. Les variables « taille » et « isolement » sont effectivement corrélées
(Corrélation de Pearson : c=0,311, ddl = 196, p < 0,001). Il faut donc s’attendre à une
redondance partielle de ces deux variables.
Sélection de modèle :
Notre démarche a été de définir des séries de modèles construites à partir de
diverses combinaisons de variables explicatives ajoutées ou retirées du modèle de base. La
qualité de l'ajustement obtenue pour chaque modèle est quantifiée par sa log-vraisemblance
(LnL) ou sa déviance (-2LnL). Comme l'ajustement s'améliore nécessairement lors d’un ajout
de paramètres dans un modèle, nous avons utilisé le Critère d'information d'Akaike (AIC)
pour effectuer le choix de nos modèles. L’AIC est définit par :
AIC = -2LnL + 2P,
où P est le nombre de paramètres estimés.
L’AIC permet de trouver le modèle présentant le meilleur compromis entre le nombre
de variables utilisées et la qualité de l'ajustement des données. Selon cette méthode, le
meilleur modèle est celui qui a le plus petit AIC, et les autres modèles sont jugés d’autant
moins plausibles que leur AIC est supérieur. Le « poids d'AIC », calculé à partir des valeurs
d'AIC de tous les modèles d'une série, quantifie ces différences sur une échelle de 0 à 1 : il
représente la probabilité pour un modèle d’être le meilleur parmi tous les modèles testés.
Ainsi, un modèle à poids proche de 1 est bien meilleur que tous les autres, tandis que des
modèles à poids voisins sont jugés également plausibles.
D’autre part, il était en pratique impossible d'inclure toutes les variables et leurs
combinaisons possibles dans une même série de modèles. Pour pallier à ce problème, nous
avons choisi d'explorer séparément différentes séries focalisées chacune sur une catégorie
de variables. Par ailleurs nous avons fait le choix de ne pas introduire d'effet « année » sur la
probabilité de détection des espèces. Bien qu’il soit probable que ce type de variation existe
(en relation avec les conditions météorologique, les observateurs, etc.), le nombre de
réplicats dont nous disposions chaque année était trop faible (une trentaine) pour permettre
une telle analyse. D’autre part, ces réplicats sont absents des premières années. Il nous a
donc semblé que nous n’avions pas assez d'information pour ajuster les variations annuelles
de la probabilité de détection de manière assez réaliste, sans confondre ces effets avec ceux
de la colonisation ou de l'extinction. Nous ferons donc l'approximation d'une probabilité de
détection constante, tout en prenant la décision d'augmenter le nombre de sites répliqués
dans les futurs échantillonnages.
Physa acuta
populations année N Np Nall He Ho P f ŝ (f) ŝ(g2) Fst temp Descareau 2006 31 9 5 0,565 0,424 0 0,264 0,417 0,183* 0,001
2007 24 9 4,6 0,56 0,436 0 0,237 0,383 0,217* terrasson 2006 31 9 4,9 0,584 0,517 0,001 0,118 0,211 0 -0,003
2007 31 9 5,2 0,628 0,583 0 0,069 0,129 0 Gaschet 2006 31 9 4,8 0,67 0,529 0 0,226 0,368 0 -0,001
2007 31 9 5,1 0,651 0,6 0 0,095 0,174 0 Néron 2006 31 9 3,4 0,521 0,469 0,005 0,111 0,199 0,017 0,017**
2007 32 9 4 0,58 0,533 0 0,094 0,172 0 Gorot 2006 31 9 4,8 0,58 0,458 0 0,217 0,357 0,122 0,070**
2007 11 9 4,1 0,578 0,432 0 0,308 0,47 0,374* Enfer 2006 31 9 4,1 0,56 0,518 0,003 0,092 0,168 0 0,022
2007 31 9 4 0,544 0,439 0 0,206 0,342 0 4,5 0,585 0,495 0,170 0,283 0,015 0,018 Physa marmorata populations date N Np Nall He Ho P f ŝ (f) ŝ(g2) Fst temp
Caraque 2006 31 9 2,5 0,321 0 0 1 1 NA 0,195** 2007 31 8 1,8 0,219 0,017 0 0,919 0,958 0,9646
Terrasson 2006 31 10 2,5 0,394 0,005 0 0,987 0,993 NA 0,311** 2007 31 9 1,8 0,273 0,01 0 0,964 0,982 0,999
Dadoud 2006 31 9 2,3 0,281 0,077 0 0,734 0,847 NA 0,117** 2007 30 8 1,8 0,205 0,01 0 0,953 0,976 0,938
Dans fond 2006 31 12 3,2 0,491 0,077 0 0,848 0,918 NA 0,068** 2007 30 12 3,5 0,436 0,027 0 0,939 0,968 0,898
Roche 2006 31 2 1,3 0,091 0,077 0 0,089 0,163 NA 0,216** 2007 30 6 1,7 0,167 0,003 0 0,985 0,993 NA
2,2 0,288 0,030 0,842 0,880 0,951 0,181 Tableau 2. Caractéristiques de la variabilité génétique de Physa acuta et Physa marmorata, d’après respectivement six et cinq populations échantillonnées sur Grande Terre en Guadeloupe. Les moyennes sont données en bas de tableau. N : taille d’échantillon, Np : nombre de locus polymorphes, Nall : nombre moyen d’allèle par loci par populations, He : hétérozygotie attendue sous Hardy-Weinberg, Ho : hétérozygotie observée. P : p-value associée au test exact, f : estimateur du Fis de Wright, ŝ(f) : taux d’autofécondation calculé à partir de f, ŝ(g2): taux d’autofécondation calculé par Rmes. Fst temp: estimateur du Fst entre les populations échantillonnées en 2006 et en 2007. NA : donnée non calculable par Rmes pour cause d’absence d’hétérozygote ; * taux d’autofécondation significativement supérieur à zéro (Test de Chi-deux, Rmes) ; ** Fst significatif (test exact)
a) P. acuta
2006 Enfer Gaschet Gorot Néron Terrasson
Descareaux 0,141 0,165 0,124 0,136 0,197 Enfer 0,118 0,057 0,123 0,250 Gaschet 0,125 0,147 0,191 Gorot 0,147 0,196 Néron 0,247
2007 Enfer Gaschet Gorot Néron Terrasson
Descareaux 0,176 0,192 0,184 0,143 0,185 Enfer 0,161 0,137 0,154 0,211 Gaschet 0,146 0,130 0,177 Gorot 0,129 0,113 Néron 0,208
b) P. marmorata
2006 Dadoud Dans Fond Caraque Roche Terrasson 0,207 0,125 0,122 0,331 Dadoud 0,137 0,251 0,218 Dans Fond 0,141 0,264 Caraque 0,381
2007 Dadoud Dans Fond Caraque Roche Terrasson 0,604 0,337 0,502 0,608 Dadoud 0,201 0,330 0,248 Dans Fond 0,148 0,211 Caraque 0,378
Tableau 3. Valeurs de Fst par paires de populations de a) P. acuta et b) P. marmorata, pour les
années 2006 et 2007. Tous ces Fst sont significatifs (test exact, Raymond & Rousset, 1995).
Voir annexe 5 pour une représentation géographique des populations et de leurs Fst par paires.
P. marmorata P. acuta
d.f. somme
des écarts % variation d.f. somme
des écarts % variation inter-site 4 270,1 14,1 5 216,2 14,8 Intra-site (inter-années) 5 135 17,6 6 18,7 0,9 intra-population 604 969,9 68,3 680 1347,1 84,3
Tableau 4. Analyse de variance moléculaire (AMOVA) hiérarchisée sur les groupements de
populations par sites.
14
Résultats
1. Structure génétique des populations
Analyse de la diversité génétique
Les résultats d’analyse de la diversité et de la structuration génétiques des populations de P.
acuta et P. marmorata sont résumés dans le tableau 2. La diversité génique est
significativement plus forte pour P. acuta que pour P. marmorata (P. acuta : 4,5
allèles/locus/population +/-0,5, Hemoyen=0,585 ; P. marmorata : 2,3 allèles/locus/population
+/-0,7, Hemoyen =0,288 ; Test de Kruskal Wallis : chi-squared = 15,7, df = 1, p<0,001).
Toutes les populations des deux espèces montrent un déficit en hétérozygotes significatif,
mais il est en moyenne beaucoup plus fort pour P. marmorata (P.acuta : f = 0,17,
P.marmorata : f = 0,84). L’estimateur du taux d’autofécondation ŝ calculé par Rmes est
significativement supérieur à 0 seulement pour deux populations de P. acuta (0 < ŝ < 0,37) ;
chez cette espèce, les taux d’autofécondation estimés d’après le déficit en hétérozygotes
sont systématiquement un peu plus élevés (de 0,12 à 0,47). Chez P. marmorata, les déficits
en hétérozygotes sont très forts, avec des hétérozygoties observées presque nulles. Les
deux méthodes suggèrent des taux d’autofécondation proches de 1 et très significatifs pour
toutes les populations. Seul la population Roche (en 2006) semble faire exception, mais
l’estimation est dans ce cas très imprécise du fait d’une diversité génétique presque nulle
(He = 0,091). Il est à noter que la méthode utlisée par Rmes n’a pas permis d’estimer les
taux d’autofécondation pour certaines populations de P. marmorata, car elles ne
présentaient aucun locus hétérozygote. Cela témoigne néanmoins d’un taux
d’autofécondation très élevé.
Analyse de la diversité inter-population
Les valeurs de Fst spatiaux globales pour les deux années (tableau 3 et Annexe 5) sont
élevées pour chaque espèce, d’autant plus pour P. marmorata (P. acuta : Fst(2006)= 0,158 ;
Fst (2007)= 0,169 ; P. marmorata : Fst (2006)= 0,209 ; Fst (2007)= 0,386). En 2007, le Fst
global de P. marmorata augmente fortement, ce qui est majoritairement dû aux valeurs de Fst
entre la population Terrasson et les autres populations (moyenne des Fst de Terrasson en
2007 = 0,51). Au contraire, les valeurs de Fst de P. acuta restent relativement stables au
cours des deux années, accusant une légère augmentation. D’autre part, le test d’isolement
par la distance n’est pas significatif.
Les valeurs de Fst temporel (tableau 2) sont beaucoup plus élevées pour P. marmorata (de
0,07 à 0,31) que pour P. acuta (de 0 à 0,07). Au site Terrasson, qui abrite les deux espèces,
la différence entre les Fst temporels des populations de P. acuta et P. marmorata est extrême
a) P. marmorata
Notation : roch : Roche ; dad : Dadoud ; car : Pont de Caraque ; dfo : mangrove Dans Fond ; ter :
Terrasson.
b) P. acuta
Notation : enf : Porte d’enfer du moule ; ner : Néron ; gor : Gorot ; des : Descareau ; gas :
Gaschet ; Ter : Terrasson.
Figure 5 . Analyse AFC des populations de a) P. marmorata et b) P. acuta en 2006 et 2007.
-1
-0,5
0
0,5
1
-1 -0,5 0 0,5 1 1,5
dfo06
dfo07
ter07
ter06
car06 car07
dad06 roch06
dad07 roch07
-0,8
-0,6
-0,4
-0,2
0
0,2
0,4
0,6
0,8
1
1,2
-1 -0,5 0 0,5 1 1,5
des07 des06
ner06 ner07
enf06 enf07
gas07
gas06
gor07
gor06
ter06 ter07
Axe 2 (18,32%)
Axe 2 (25,05%)
Axe 1 (33,53%)
Axe 1 (36,44%)
15
(respectivement 0 et 0,31). Une AFC représente les variations génétiques observées entre
les deux années pour chaque population (figure 5). Elle confirme que la différentiation
temporelle est plus importante dans les populations de P. marmorata que dans celles de P.
acuta, notamment au site Terrasson.
Les résultats de l’Amova confirment que les différenciations génétiques sont essentiellement
dues à des effets spatiaux (c’est-à-dire variation entre populations de sites différents) et
individuels (tableau 4). L’effet spatial est d’autre part de même ordre pour les deux espèces
(P. acuta : %variationspatial = 14,8 ; P. marmorata : %variationspatial = 14,1). Ils confirment
également qu’il existe davantage de variations génétiques interannuelles pour P. marmorata
(P. acuta : %variationtemporelle = 0,9 ; P. marmorata : %variationtemporelle = 17,6).
2. Analyse démographique
Répartition et densité des populations au cours du temps en Grande-Terre
La cartographie issue du suivi démographique montre que contrairement à ce que nous
attendions, les deux espèces ne semblent pas avoir la même histoire récente en Grande-
Terre. P. marmorata semble bien établie dans les habitats d’eau douce de Grande-Terre
depuis le début du suivi, mais P. acuta montre une nette dynamique d’invasion de l’île au
cours de ces dernières années (voir annexe 6 pour la cartographie).
Fréquence d’occupation de l’île et effet du type d’habitat sur la dynamique
Seuls les paramètres démographiques donnés par les meilleurs modèles sont présentés, les
détails sur modèles construits sont résumés dans l’annexe 7.
L’analyse démographique effectuée globalement sur tous les sites suivis en Grande-Terre (N
= 246) montre que les taux de colonisation et d’extinction globaux des populations de P.
marmorata, comme celles de P. acuta, varient au cours des années. En effet, dans toutes
les séries de modèles que nous avons construit, la prise en compte d'une variation des taux
de colonisation et d’extinction entre années diminuait très fortement l'AIC. Nous avons donc
gardé un effet de l’année sur ces paramètres dans la suite de nos modèles. D’autre part, le
type d‘habitat, pris en compte dans une seconde série de modèles, n'avait pas exactement le
même effet selon l'espèce. Chez P. marmorata, le meilleur modèle (poids d'AIC=0,68)
n'incorpore pas l'effet de l'habitat, suggérant un comportement semblable dans les mares,
les ravines et les mangroves (poids d'AIC = 0,36). En revanche, le meilleur modèle pour P.
acuta incorpore un effet de l'habitat sur les taux de colonisation. La probabilité de
colonisation augmente dans le sens mangrove < mare < ravine. A la fin de la période
analysée, P. acuta semblait effectivement abondante dans les ravines et absente des
mangroves (voir annexe 3). Cependant, cet effet reste à confirmer car le modèle
0
0,1
0,2
0,3
0,4
0,5
0,6
0,7
0,8
0,9
1
1 2 3 4 5 6 7 8
Années
Fré
quen
ce d
'occ
upat
ion Ψ
0
0,1
0,2
0,3
0,4
0,5
0,6
0,7
0,8
0,9
1
1 2 3 4 5 6 7
Années
Tau
x de
col
onis
atio
n γ
0
0,1
0,2
0,3
0,4
0,5
0,6
0,7
0,8
0,9
1
1 2 3 4 5 6 7
Années
Tau
x de
col
onis
atio
n re
latif
c
0
0,1
0,2
0,3
0,4
0,5
0,6
0,7
0,8
0,9
1
1 2 3 4 5 6 7Années
Tau
x d'
extin
ctio
n ε
Figure 6 . Caractéristiques de la dynamique métapopulationnelle de P. acuta (en rouge) et P.
marmorata (en vert) : a) fréquence d’occupation des sites Ψ, b) taux de colonisation γ, c) taux de
colonisation relatif c, et d) taux d’extinction ε.
0
1
2
3
4
5
6
7
8
1 2 3 4 5 6 7 8Années
Tau
x de
cro
issa
nce λ
Figure 7 . Taux de croissance des métapopulations λ ( 1t
t
ψλψ
+= ) de P. acuta (en rouge) et P.
marmorata (en vert). Il est a noter que les premiers taux de croissance de la métapopulations de P.
acuta sont très peu précis du fait du très faible nombre de sites.
a) b)
c) d)
2001-2002
2002-2003
2003-2004
2004-2005
2005-2006
2006-2007
2007-2008
2001-2002
2002-2003
2003-2004
2004-2005
2005-2006
2006-2007
2007-2008
2001-2002
2002-2003
2003-2004
2004-2005
2005-2006
2006-2007
2007-2008
2001 2002 2003 2004 2005 2006 2007 2008
2001-2002
2002-2003
2003-2004
2004-2005
2005-2006
2006-2007
2007-2008
0
0,1
0,2
0,3
0,4
0,5
0,6
0,7
0,8
0,9
1
0 1 2 3 4 5 6 7 8Années
taux
de
reno
uvel
lem
ent T
Figure 8. Taux de renouvellement T des populations de P. acuta (en rouge) et P. marmorata (en
vert) occupant les mares.
a) P. marmorata
0,00
0,20
0,40
0,60
0,80
1,00
-2 -1 0 1 2 3 4 5 6 7perturbations
taux
de
colo
nisa
tion γ
0,00
0,20
0,40
0,60
0,80
1,00
0 0,5 1 1,5 2
log(1+couverture végétale moyenne)
taux
de
colo
nisa
tion γ
0,00
0,20
0,40
0,60
0,80
1,00
-2 -1 0 1 2 3 4 5 6 7perturbations
taux
d'e
xtin
ctio
n ε
0,00
0,20
0,40
0,60
0,80
1,00
0 0,5 1 1,5 2log(1+couverture végétale moyenne)
taux
d'e
xtin
ctio
n ε
Figure 9 . Taux de colonisation γ et taux d’extinction ε de a) P. marmorata et b) P. acuta (page
suivante) en fonction des caractéristiques des mares. Seules les caractéristiques ayant des effets
significatifs sont représentées. La gamme de valeur des caractéristiques des mares est
représentative des valeurs effectivement prisent par les mare de Grande Terre. Les différentes
courbes représentent les effets pour chaque année. Pour représenter l’effet de chaque variable
indépendamment des autres, nous avons fixé les autres effets à leurs valeurs médianes.
Légende :
2001-2002
2002-2003
2003-2004
2004-2005
2005-2006
2006-2007
2007-2008
16
n'incorporant pas l'effet habitat n'est pas beaucoup moins performant (poids d'AIC=0,21).
Ceci est peut-être lié au fait que la distribution de P. acuta n'atteint pas son état stationnaire :
les données peuvent être influencées par les aléas de la mise en place progressive de la
distribution stationnaire. Par ailleurs, les différents types d’habitats (mares, ravines,
mangroves) ne sont pas représentés équitablement sur l’île, les sites de types ravines ou
mangroves étant peu nombreux, ce qui peut affecter la puissance statistique des modèles.
Dynamique métapopulationnelle et taux de renouvellement
Nous avons ensuite restreint le jeux de données aux mares (l'essentiel des sites) pour
explorer les dynamiques d'extinction/colonisation chez les deux espèces dans cet habitat. La
série de modèles restreinte aux mares confirme dans un premier temps que les paramètres
dynamiques de colonisation et d’extinction varient significativement entre les années (voir
Annexe 7 pour les résultats des modèles). Chez P. acuta l'effet année est important surtout
sur la colonisation (forte différence d'AIC entre modèles avec et sans l'effet année sur la
colonisation ; voir Annexe 7 pour les résultats des modèles). Chez P. marmorata les deux
paramètres semblent également sensibles aux variations annuelles.
La dynamique de P. marmorata témoigne d’une métapopulation globalement
stationnaire (pas de tendance globale), bien que marquée par des variations annuelles fortes
(figure 6. a., b. et d.). Ainsi, la fréquence d’occupation des sites est globalement stabilisée
autour de 0,7, et le taux de croissance λ de la métapopulation sont proche de 1, sauf pour
les années 2002 et 2006 (figure 7). Ces années montrent une baisse de l'occupation liée à
un très faible taux de colonisation dans les intervalles qui précèdent (figure 6. a et b). De
même, le faible taux d'extinction entre 2006 et 2007 (figure 6. d) engendre une hausse de la
fréquence d'occupation jusqu'à son plus haut niveau enregistré (près de 0,9).
La dynamique de P. acuta est très différente et témoigne d’une invasion en cours.
En effet, la fréquence d’occupation des sites Ψ augmente fortement pendant ces huit années
(figure 6. a), surtout entre les années 2003 et 2004 (λ3=4,5) et les années 2006 et 2007
(λt=1,8) (figure 7). Les taux de colonisation γ augmentent aussi globalement, malgré une
baisse entre les années 2005-2006 semblable à celle observée pour P. marmorata (figure 6.
b). Les taux d'extinction fluctuent davantage que ceux de P. marmorata, accusant la même
baisse entre les années 2006 et 2007 (figure 6. d). Ils sont cependant peu précis dans les
premières années vu le faible nombre de sites occupés.
Une des caractéristiques des taux de colonisation γ estimés est qu'ils sont
dépendants du nombre de sites effectivement occupés. γ témoigne donc d’un effet global qui
est ramené au nombre de sites occupés susceptibles d'envoyer des colonisateurs. Dans un
modèle de métapopulation classique, le taux de colonisation c (que nous avons nommé taux
de colonisation relatif) est tel que la fréquence des sites nouvellement colonisés est c Ψ t (1-
b) P. acuta
0,00
0,20
0,40
0,60
0,80
1,00
1 1,5 2 2,5 3 3,5 4Isolement
Tau
x de
col
onis
atio
n γ
0,00
0,20
0,40
0,60
0,80
1,00
0 0,5 1 1,5 2 2,5
log(1+diamètre moyenne)
Tau
x de
col
onis
atio
n γ
0,00
0,20
0,40
0,60
0,80
1,00
0 0,5 1 1,5 2log(1+couverture végétale moyenne)
taux
de
colo
nisa
tion γ
0,00
0,20
0,40
0,60
0,80
1,00
0 0,5 1 1,5 2 2,5log(1+diamètre moyen)
taux
d'e
xtin
ctio
n ε
0,00
0,20
0,40
0,60
0,80
1,00
0 0,5 1 1,5 2
log(1+couverture végétale moyenne)
taux
d'e
xtin
ctio
n ε
0,00
0,20
0,40
0,60
0,80
1,00
1 1,5 2 2,5 3 3,5 4Isolement
taux
d'e
xtin
ctio
n ε
Légende :
17
Ψ t) où Ψ t est la fréquence des sites occupés. Le taux de colonisation γ que nous estimons
est alors l'équivalent de c Ψ t. Comme Ψ t change beaucoup au cours du temps pour P. acuta,
il n'est pas étonnant que γ change dans le même sens. Pour cette raison nous avons
également représenté le taux de colonisation relatif c, soit le ratio γ / Ψ t (figure 6. c). Cette
variable montre des valeurs et des variations annuelles très comparables entre les deux
espèces.
L’estimateur du renouvellement des populations T est plus important pour les populations de
P.acuta que celles de P. marmorata (figure 8). Il est à noter que les valeurs de
renouvellement des populations de P. acuta sont augmentées par le processus d’invasion.
En effet, les évènements de colonisation sont plus nombreux pendant l’invasion. En regard
des taux de croissance et la fréquence d’occupation de la métapopulation de P. acuta, les
années où le régime est le plus proche d'un état stationnaire (sans que l'on soit sûr d'avoir
atteint cet état) sont 2007 et 2008 (figure 6. a. ; figure 7).
Effet des caractéristiques de l’habitat sur la dynamique métapopulationnelle
Une série de modèles plus complexes, incluant des covariables descriptives des
mares a permis d’estimer les effets de ces variables environnementales sur les paramètres
dynamiques γ et ε des deux espèces (pour un rappel des covariables, voir matériels et
méthodes, tableau 2). Dans la série de modèles construite pour chacune des espèces, nous
avons retenu les meilleurs modèles à moins de 2 points d’AIC d’écart (voir Annexe pour les
résultats de ces modèles). Dans ces deux séries de modèles, les estimations de paramètres
étaient très proches, et nous avons donc choisi de ne présenter que le meilleur modèle de
chaque série, dont les effets sur les paramètres démographiques γ et ε sont représentés
dans la figure 9. Les gammes de valeurs des variables représentées sont représentatives
des mares de Grande Terre.
La couverture végétale a des effets significatifs, mais opposés, sur les taux d’extinction et
de colonisation des deux espèces. En effet, la couverture végétale accentue la colonisation
des sites par P. marmorata, et diminue leur risque d’extinction. Au contraire, elle semble
défavoriser la colonisation par P. acuta et augmenter l’extinction de ses populations.
L’isolement et la taille (diamètre) des sites affectent significativement la colonisation des
sites par P. acuta : la probabilité de colonisation augmente dans les grands sites et diminue
dans les sites isolés et réduisent l’extinction de ses populations. En revanche, aucun effet de
ces variables n’est mis en évidence sur les paramètres de P. marmorata.
La perturbation du milieu (quantifiée par une combinaison de mesures incluant la
fréquence d'assèchement, la variance temporelle de la taille, et l'indice semi-quantitatif
estimé sur le terrain) semble agir exclusivement sur les paramètres de P. marmorata, en
défavorisant la colonisation des sites et en accroissant le taux d’extinction des populations.
a) P. marmorata
0
0,2
0,4
0,6
0,8
1
0 2 4 6 8année
Tau
x de
col
onis
atio
n γ
0
0,2
0,4
0,6
0,8
1
0 2 4 6 8année
Tau
x d'
extin
ctio
n ε
b) P. acuta
0
0,2
0,4
0,6
0,8
1
0 2 4 6 8année
Tau
x de
col
onis
atio
n γ
0
0,2
0,4
0,6
0,8
1
0 2 4 6 8année
Tau
x d'
extin
ctio
n ε
Figure 10. Taux de colonisation γ et taux d’extinction ε des populations de a) P. marmorata et b) P.
acuta, occupant des sites ayant les caractéristiques de Gorot (ronds verts), Néron (triangles roses)
et Terrasson (losanges bleus).
18
Afin d’explorer l’effet simultané de ces variables sur la dynamique
métapopulationnelle des deux espèces, nous avons choisi de représenter les paramètres
démographiques prédits dans trois sites représentant des situations typiques de Grande
Terre : Gorot, Néron et Terrasson (voir annexe 2 pour les caractéristiques de ces sites). Les
combinaisons de caractéristiques de ces mares donnent un aperçu de la gamme des sites
rencontrés sur Grande Terre. Gorot est une petite mare (diamètre moyen=25m) s’asséchant
occasionnellement, bien que connectée au réseau hydrographique de façon saisonnière. Sa
couverture végétale est assez dense mais très variable (68% en moyenne). Néron est au
contraire une mare de grande taille (taille moyenne=130m) à la faible couverture végétale
(6% en moyenne). Elle est très isolée, mais très stable. Enfin, Terrasson est une mare
intermédiaire assez stable (taille moyenne=54m, couverture végétale moyenne=48%)
connectée saisonnièrement au réseau hydrographique.
Les taux de colonisation γ sont d’une manière générale moins affectés par l’environnement
que les taux d’extinction ε (figure 10). Le taux d’extinction des populations de P. marmorata
est en effet très sensible à l’effet de la couverture végétale. Cette effet domine l’effet de les
perturbations du milieu (taux d’extinction à Néron>Gorot). De même, on retrouve l’effet
dominant de la taille sur l’extinction des populations de P. acuta (le taux d’extinction des
populations de Gorot est maximum).
Les caractéristiques des types de mares semblent donc surtout affecter les probabilités
d'extinction. Par ailleurs, les types de site les plus sensibles sont différents pour les deux
espèces. Cependant, il faut prendre en compte ici que la dynamique de P. acuta n'est pas
arrivée à un état stationnaire. Les résultats peuvent donc être influencées par la proximité
géographique des sites par rapport aux populations déjà occupées plutôt que par les
caractéristiques des mares elles-mêmes, surtout lors des premières années.
DISCUSSION
L’objet de cette étude est d’évaluer le rôle potentiel du système de reproduction, en
lien avec le compromis compétition-colonisation, sur la coexistence de deux espèces
similaires de la communauté de mollusques de Grande Terre, en Guadeloupe. Dans ce but,
nous avons décrit et comparé leur structure génétique et leur fonctionnement dynamique
métapopulationnel. Nous discuterons l’apport de nos résultats aux différents points de notre
étude. Tout d’abord nous discuterons la justesse de nos hypothèses initiales sur le système
biologique, à commencer par les systèmes de reproduction des deux espèces étudiées.
Nous testerons ensuite l’existence d’une différence de dynamique métapopulationnellle entre
les deux espèces. Pour cela, nous confronterons les analyses d’extinctions/colonisations vu
à travers les patrons de présence / absence, aux analyses le renouvellement génétique des
19
populations d'une année sur l'autre. Nous montrerons ensuite que la prise en compte d'une
hétérogénéité entre sites modifie notre perception de la coexistence des deux espèces par
rapport à notre hypothèse initiale fondée sur le compromis colonisation-compétition.
Divergence dans les systèmes de reproduction de P. acuta et P. marmorata
L’analyse génétique des populations confirme l’existence d’un système de
reproduction différent pour les deux espèces sur Grande Terre, conformément aux études
antérieures sur la structure génétique de populations de ces espèces, en Guadeloupe pour
P. marmorata (Dubois et al., 2008) et en Europe pour P. acuta (Bousset et al., 2004). Les
taux d’autofécondation ont été estimés par l’estimation des coefficients de consanguinité Fis
et par une méthode de déséquilibre d’hétérozygotie multilocus, cette dernière étant a priori
libre des biais introduits par les artéfacts techniques. Les deux méthodes confirment que
toutes les populations de P. marmorata sont fortement autofécondantes (95%). En revanche,
les coefficients de consanguinité donnent des valeurs suggérant un système de reproduction
mixte avec une autofécondation régulière dans les population de P. acuta, contrairement à la
seconde méthode qui suggère des traces d’autofécondation uniquement dans quelques
populations de P. acuta certaines années (tableau 2). Cette différence résulte probablement
de la présence d’allèles nuls à certains des locus étudiés. Remarquons qu’un tel biais n’a
que peu d’impact sur P. marmorata, étant donné les taux d’autofécondation très élevés de
ses populations.
Il est notable que les événements d’autofécondation sont décelés dans les deux
populations de P. acuta occupant les sites les plus petits, et qui sont aussi celles dont les
effectifs passent par les densités observées les plus faibles (voir annexe 2 pour les densités
de populations). De tels événements d’autofécondation ponctuels ont déjà été observés
dans des populations de P. acuta de la région Montpelliéraine, bien que leurs études n’aient
pas permis de les associer aux plus faibles densités (Henry et al., 2005). Il a été montré pour
cette espèce qu'un individu isolé tend à attendre un partenaire avant de se reproduire par
autofécondation (ce délai caractérise le temps d'attente; Escobar et al., 2007; ce délai
caractérise le temps d'attente; Tsitrone, Jarne & David, 2003). Tout ceci suggère que P.
acuta est une espèce qui ne recourt à l'autofécondation qu'en cas d’absence ou grande
rareté de partenaires, comme assurance reproductrice. Cette pratique a un coût élevé car la
dépression de consanguinité est élevée chez cette espèce (Escobar et al., 2007).
Ces deux espèces montrent donc des systèmes de reproduction mixtes, mais très
différents. L’autofécondation systématique de P. marmorata, couplée à une faible dépression
de consanguinité (Escobar, comm. pers.) et à l’absence de temps d’attente, devrait
permettre à cette espèce de coloniser rapidement un nouveau site à partir d’un seul individu,
sans accuser une baisse de valeur sélective. L’autofécondation exceptionnelle de P. acuta
20
permettrait également ce type de recolonisation, toute fois plus lente (à cause du temps
d’attente), et accompagnée d’une baisse de valeur sélective transitoire associée à
l’autofécondation (dépression de consanguinité).
Démographie de P. acuta en Grande Terre : mise en évidence d’une invasion en cours
Au revers de nos attentes initiales, la métapopulation de P. acuta en Grande Terre
n'est pas dans un état stationnaire. En effet, elle présente une dynamique d’invasion très
prononcée au cours de ces dernières années. Cette invasion semble étonnamment tardive,
compte tenu du fait que cette espèce a été introduite en Basse Terre dès les années 1950,
et que cette île est reliée à Grande Terre par un mince bras de terre. La première description
de P. acuta sur Grande Terre date de 1974 (Pointier, 1976). Il est surprenant qu’une espèce
capable d’une invasion si rapide, telle que celle qu’on observe ici, n’ait pas présenté ce
comportement plus tôt. Cependant, une seule population avait été recensée, et les
premières colonisations lors d'une invasion en milieu fragmenté peuvent parfois présenter
des temps d’attente assez longs dus à leur nature stochastique (voir par ex. Facon & David,
2006). D’autre part, il est possible que l’invasion résulte de l’arrivée d’un nouveau génotype
plus adapté à la colonisation des sites de Grande Terre. Cette espèce possède en effet une
variabilité génétique considérable (P. Jarne, comm. pers.). De plus, de nombreuses espèces
de mollusques ont été introduites ces dernières décades aux Antilles Françaises
(Biomphalaria kuhniana, Marisa cornuarietis, melanoides tuberculata, Tarebia granifera,
Lymnaea columella), en parallèle à une augmentation de la densité de l'habitat humain en
zone rurale et des trafics automobiles (Pointier, David & Jarne, 2005). Ceci pourrait avoir
modifié le milieu pour le rendre plus favorable à l’invasion de P. acuta.
L’invasion en cours de P. acuta en Grande Terre implique que la métapopulation
n’est pas à son équilibre. Le taux de colonisation γ augmente au cours du temps, du fait de
l’accroissement du nombre de populations sources de colonisateurs. De plus, l’occurrence
de P. acuta pendant l’invasion est sans doute fonction de la position géographique des sites
plutôt que de leurs caractéristiques écologiques, les sites géographiquement proches des
populations pionnières (front d’invasion) ayant une plus forte probabilité d’être colonisés. Ce
phénomène risque donc d’introduire un biais dans notre appréhension de la dynamique
globale (c'est-à-dire à l’équilibre) de P. acuta et des effets de l’habitat sur la colonisation.
Analyse démographique : une remise en cause du compromis compétition colonisation ?
Notre hypothèse concernant les effets du système de reproduction sur la dynamique
métapopulationnelle impliquait des taux d’extinction ε et de colonisation relative c (γ/ψ) plus
élevés pour les populations de P. marmorata que pour celles de P. acuta. Cette hypothèse
supposait cependant l’équilibre des deux métapopulations, ce qui n’est finalement pas vérifié
21
pour P. acuta. La fréquence d’occupation des sites ainsi que le taux de croissance de la
métapopulation résultant de l ‘analyse démographique confirment que P. acuta montre une
dynamique d’invasion de l’île très rapide, tandis que P. marmorata serait proche d’un
équilibre métapopulationnel en Grande Terre. Par ailleurs, les dynamiques observées sont
affectées par des variations interannuelles très fortes et assez synchrones pour les deux
espèces.
Il est cependant possible de se placer le plus proche possible d'un équilibre
métapopulationnel de P. acuta en ne considérant que les dernières années (2007 et 2008).
Les taux d’extinction et de colonisation relative, et donc les taux de renouvellement des
populations, semblent alors similaires chez les deux espèces. Ces résultats ne mettent donc
pas en évidence les associations de traits autofécondation-colonisation et allofécondation-
compétition attendues, et ne nous permettent pas de valider notre hypothèse. Ils restent
cependant mitigés, du fait de l’état non-stationnaire de la métapopulation de P. acuta. De
plus, il est possible que les évènements d’extinction ne soient pas mis en évidence par le
suivie démographique du fait d’évènements d’extinction/recolonisation immédiat entre deux
visites. En outre, même si nous ne détectons pas de différences de dynamiques
démographiques entre les deux espèces en termes de présence/absence (ou
extinction/recolonisation), de telles différences peuvent s'exprimer en termes de fluctuations
de taille de populations (goulots d’étranglementet expansions). L’analyse de la structure
génétique a permis de détailler ces points.
Analyse de la structure génétique : une étude de la dynamique à une échelle inférieure
Les deux espèces montrent des disparités dans leur structure génétique.
Premièrement, P. marmorata montre une diversité génétique plus faible que P. acuta. Cette
diversité génétique est d’autre part répartie davantage entre les populations (Fst spatial
global de P. marmorata supérieur à celui de P. acuta) plutôt qu’à l’intérieur de ces
populations. De plus, la diversité génétique semble limitée par le type de site. La diversité
génétique (globalement élevée) de P. marmorata est maximale dans la population occupant
le site de mangrove, site très connectif et très permanent. En revanche, des populations
occupant des sites de petite taille ou isolés (respectivement Dadoud et Roche) sont
génétiquement très pauvres. La diversité génétique de P. acuta est assez élevée partout,
surtout dans des sites connectifs comme la retenue de Gaschet qui se situe dans une ravine
rendue large et permanente par un petit barrage. Les espèces autofécondantes présentent
typiquement une diversité génétique plus faible et une structuration spatiale Fst plus forte que
leurs congénères allofécondantes (Jarne & Stadler, 1995). Ces caractéristiques participent
au « syndrome d’autofécondation », pour lequel plusieurs hypothèses ont été avancées
(Doums et al., 1996). En effet, l’effectif efficace d’une population autofécondante est diminué
22
(par deux pour 100% d’autofécondation). D’autre part, l’autofécondation s’accompagne d’une
diminution de la recombinaison efficace. Les processus de sélection amène alors à de forts
balayages sélectifs (au voisinage de mutations favorables), ou à de la « background
selection » (liée au flux de mutations délétères), résultant en la fixation/élimination indirecte
de gènes liés au gène sélectionné. Cela diminue donc la taille efficace.
Deuxièmement, l’échantillonnage de populations en 2006 et en 2007 a permis la mise
en évidence d’une forte différenciation temporelle dans toutes les populations de P.
marmorata (Fst temporel compris entre 0,07 et 0,31). Deux populations de P. acuta (Gorot et
Néron) ont également montré des différenciations temporelles significatives, mais beaucoup
plus faibles (Fst temporel inférieur à 0,07) que celle des populations de P. marmorata. Une
différentiation temporelle peut être liée à des évènements d’extinction/colonisation, ou à des
événements de fluctuations de taille efficace des populations. Dans le premier cas, un
renouvellement complet des allèles est attendu (de nouveaux allèles proviennent des
populations sources) ; dans le deuxième cas, des variations de fréquence des allèles
existants, accompagnés de pertes de diversité, sont prédites. Entre les deux cas peuvent se
trouver des situations où la population est constituée pour une part de migrants et pour
l'autres de génotypes locaux. Compte-tenu des fréquences alléliques des populations en
2006 et en 2007, la différentiation des populations de P. marmorata semble globalement due
à une perte de diversité génétique, plutôt qu’à un renouvellement des allèles. L’AFC réalisée
montre également que les populations de P. marmorata se ressemblent davantage entre
échantillons successifs d’un même site qu’entre sites. La structure génétique des
populations de P. acuta reste quant à elle globalement stable. Il est donc probable que les
populations à différenciation temporelle significative aient subi des goulots étranglement
entre 2006 et 2007, résultant en un effet de dérive génétique important, surtout pour les
populations de P. marmorata. Un exemple intéressant est l’étude des populations des deux
espèces dans la mare Terrasson. Tandis que la population de P. acuta reste génétiquement
stable, il y a une très forte différenciation génétique temporelle pour la population de P.
marmorata (Fst temporel = 0,311) du même ordre de grandeur que le Fst spatial (en moyenne
0,29). Donc, confrontées à une même histoire environnementale, les deux espèces montrent
des réactions différentes.
Ceci nous conduit à affiner notre vision du « syndrome d'autofécondation ». Les
études de ce syndrome reposent sur des comparaisons d'espèces géographiquement et
écologiquement diverses. Notre modèle d’étude apporte l’avantage d’étudier des espèces
partageant le même environnement. La différence entre les effectifs efficaces des deux
espèces, autofécondante et allofécondante, n'est donc pas liée ici à une différence
environnementale en soi mais à une différence de perception des variations
environnementales. P. marmorata et P. acuta habitant simultanément la même mare
Prédictions Résultats Variable P. acuta P. marmorata P. acuta P. marmorata
Ext. - - - pas d'effet Taille
Col. + + + pas d'effet Ext. + + - pas d'effet
Isolement Col. - - + pas d'effet Ext. - - + - Couverture
végétale Col. + + - + Ext. + + pas d'effet +
Perturbation Col. - - pas d'effet -
Tableau 5. Prédictions et résultats sur les effets des caractéristiques des sites (mares) sur les taux
d’extinction ε (Ext.) et le taux de colonisation γ (Col.) des populations de P. acuta et P. marmorata
en Grande Terre.
23
Terrasson ont perçu les variations du milieu de façon très différente : les deux populations
montrent la même réduction importante d’effectif apparent (de 1000-5000 individus/m2 en
2006 à 10-50 individus/m2 en 2007 pour les deux espèces), mais montrent un signal
génétique témoignant d’une réduction de la taille efficace plus forte chez P. marmorata. Ce
fort effet de dérive observé sur la population de P. marmorata peut être du à un effet de type
sélection indirecte, ou bien à une sensibilité écologique plus forte qui aurait soumis la
population de P. marmorata à une plus forte réduction de taille : elle serait passée, entre nos
deux visites, par des effectifs plus bas. Elle aurait ensuite, éventuellement aidée par la
stratégie d’autofécondation (assurance reproductive), retrouvé rapidement une taille de
population similaire à celle de P. acuta. Cela suggère que la population de P. acuta serait
plus tolérante aux fluctuations écologiques (c’est-à-dire qu’elle s’éteint relativement peu
malgré l'instabilité du milieu). Finalement, la persistance des deux populations, a prioiri
similaire, pourrait être due à deux mécanismes différents : l’assurance reproductrice pour
l’espèce autofécondante, et la résistance aux perturbationx du milieu pour l’espèce
allofécondante.
Nous pouvons finalement conclure à une différence de dynamique locale des populations
des deux espèces résidant en une perception différente du milieu.
P. acuta et P. marmorata occupent-t-elle les mêmes habitats ?
Les deux espèces semblent percevoir différemment les variations du milieu. Cela
amène à l’hypothèse que différents habitats pourraient favoriser l’une ou l’autre de ces
espèces. Initialement, nous avons fait l’hypothèse que les deux espèces partageaient la
même niche écologique. Cette hypothèse, reposant sur l'intuition et l'habitude de les
observer ensemble dans les mêmes sites, a été mise à l’épreuve ici.
L’étude de la démographie des deux espèces montre une différence dans
l'exploitation des différents types de sites. En effet, si P. marmorata semble n’avoir aucun
type d’habitat privilégié, P. acuta occupe d’avantage les ravines que les mares, et n’est
jamais détectée dans les mangroves. Cependant, ces résultats doivent être interprétés avec
prudence, en raison des biais potentiels introduits par la dynamique d’invasion de P. acuta
évoquée précédemment ainsi qu’à la faible représentation des ravines et des mangroves sur
Grande Terre. Par ailleurs, les deux espèces trouvent dans l'habitat majoritaire (mares) un
habitat favorable : il n’y a donc pas de véritable spécialisation des deux espèces dans des
milieux différents. Notons par ailleurs qu’il est peu plausible que les ravines (pour P. acuta)
et les mangroves (pour P. marmorata) puissent servir d'habitat source pour entretenir les
populations de mares, vu leur faible représentation globale dans l'île.
Une étude plus détaillée au sein des mares a permis de mettre en évidence que les
deux espèces réagissent différemment aux caractéristiques de l’habitat (voir tableau 5 pour
Encadré 4 : Mécanisme « source puit », et coexistence de P. acuta et P. marmorata par effet de
masse
Dans un système « source-puit » idéalisé en deux environnements 1 (« source ») et 2
(« puit ») (schéma ci-dessous), l’équilibre est traduit par :
1 1 1 1(1 )γ ψ ε ψ− = × et 2 2 2 2(1 )γ ψ ε ψ− = × , avec 1 2ψ ψ? , soit : 1 2
1 2
γ γε ε
?
Dans le cadre de notre étude, la couverture végétale est un facteur qui conditionne l’état favorable
(bonne colonisation et faible extinction) ou défavorable (faible colonisation et forte extinction) du
site pour les deux espèces (figure 1). Pour un site riche en végétation (log(1+veg)=1,5) et un site
pauvre (log(1+veg)=0,2), les ratios à ces deux sites pour les populations de P. acuta et P.
marmorata sont opposés (P. acuta : 1 2
1 2
19,20 0,56γ γε ε
= > = ; P. marmorata: 1 2
1 2
0,18 2,96γ γε ε
= > = ).
a) P. marmorata b) P. acuta
Figure 1. Taux d’extinction ε et de colonisation γ des populations de a) P. marmorata et b) P. acuta
selon la couverture végétale de la mare.
24
un rappel des prédictions et des résultats). En effet, P. acuta est sensible à la connectivité
des sites (l’isolement a un effet négatif sur la colonisation) ainsi qu’à la taille des sites (les
grands sites sont plus facilement colonisables et s'éteignent moins). P. marmorata semble
au contraire indifférente à ces caractéristiques, mais montre une sensibilité à la stabilité des
sites (les perturbations diminuent la probabilité de colonisation et augmentent la probabilité
d'extinction des populations). Ces différentes sensibilités suggèrent que l'autofécondation est
ici associée avec une moins grande capacité à résister aux variations locales du milieu
(confirmant l’idée émise au vu des données de génétique), mais qu’elle présente une
colonisation suffisamment efficace pour que la connectivité des sites ne soit pas un facteur
limitant. En revanche, P. acuta semble être une espèce plus résistante localement, dont la
colonisation est sensible à la connectivité. Ceci suggérerait que la colonisation soit plutôt en
compromis avec la tolérance qu'avec la compétition, ce qui diffère de nos hypothèses
initiales.
Globalement, la comparaison des dynamiques métapopulationnelles ne permet pas
de confirmer notre hypothèse compétition-colonisation, mais suggère un mécanisme
complexifié par la variabilité des paramètres environnementaux entre les sites qui affectent
différemment les taux de colonisation et d’extinction des deux espèces. Bien que la majorité
de études sur la coexistence par compromis compétition-colonisation considèrent des sites
identiques dans la métapopulation, une récente étude théorique de Massol (2008) a montré
qu’un polymorphisme de dispersion pouvait être maintenu uniquement par une variation de
la taille des sites. Cela suggère que des stratégies de colonisation différentes pourraient être
maintenues par l'hétérogénéité des tailles de sites, ou d’autre facteurs tels que leur taux de
perturbation, même en l'absence de compromis fort avec de la compétition.
L’hétérogénéité spatiale est-elle à l’origine de la coexistence des deux espèces ?
D'autres facteurs que le régime de perturbation ou la connectivité des sites peuvent
également jouer. La couverture végétale de la mare semble être un facteur environnemental
très important pour les deux espèces. De façon surprenante, cet effet de la végétation est
perçu de manière opposée par les deux espèces : elle constitue un trait favorable pour les
populations de P. marmorata (effet positif sur la colonisation et négatif sur l’extinction) et
défavorable pour les populations de P. acuta (favorise la colonisation et diminue l‘extinction)
(tableau 9). Ce résultat inattendu suggèrerait une différence de préférence écologique des
deux espèces, résultant en une dynamique « source-puits » des deux
métapopulations (encadré 4) : les habitats favorables assureraient la reproduction et donc le
maintien de la métapopulation (« sites sources »), tandis que des sites moins favorables
serait alimentés par un flux de migrants en provenance des sites favorables (« sites puits »).
Dans notre système, les sites à forte couverture végétale constitueraient les sites
25
« sources » des populations de P. marmorata et les sites « puits » de celles de P. acuta,
tandis que les sites à faible couverture végétale seraient les sites « sources » des
populations de P. acuta et les sites « puits » de celles de P. marmorata.
Une structuration des métapopulations en populations sources et puits pourrait
expliquer la coexistence des deux espèces de physes sur Grande Terre par un mécanisme
associé de type effet de masse (Leibold et al., 2004, voir encadré 1 de l'introduction). En
effet, les habitats préférentiels étant opposés pour les deux espèces, la cooccurrence des
deux espèces dans les sites pourrait être le résultat de migrants en provenance des sites
plus favorables.
CONCLUSION
Notre étude confirme tout d’abord la différence de sytème de reproduction entre nos
deux espèces. Toute fois, la mise en évidence d’une dynamique d’invasion de P. acuta
simultanée à notre étude a rendue difficile l’exploration du rôle du système de reproduction
dans le compromis compétition-colonisation. Davantage de précision seront apporté par les
prochaines années de suivie démographique. Néanmoins, ces résultats préliminaires ne
mettent pas en évidence le compromis compétition-colonisation attendu entre les espèces
autofécondantes et allofécondantes. Elle témoigne plutôt d’une dynamique au niveau de la
fluctuation de la taille de population que d’une dynamique d’extinction/colonisation des sites,
et suggère notamment un compromis résistance-refondation locale, plus qu’un compromis
compétiton-colonisation. Une différence de dynamique locale des deux espèces est en effet
suggérée, en lien avec le système de reproduction et avec les conditions environnementales.
L’espèce allofécondante montre une plus grande stabilité face aux perturbations
environnementales, contrairement à l’espèce autofécondante qui est plus sensible à la
dérive mais plus apte à reconstruire sa population du fait de son assurance reproductrice.
Notre étude apporte également des éléments nouveaux sur l’écologie des espèces,
permettant de mieux appréhender leur mécanisme de coexistence régionale. En effet, les
deux espèces montreraient des préférences d’habitats partiellement différents, suggérant
une différence de niches écologiques. L’hypothèse d’un mécanisme de coexistence par effet
de masse pourrait alors être proposé.
Cette étude offre donc des perspectives nouvelles dans l’étude de la coexistence des
espèces au sein de la communauté de mollusques de Grande Terre. Une première
perspective concerne l'aspect purement génétique de notre étude : il s'agirait de préciser
l’estimation de la taille efficace des populations des deux espèces. Une méthode, proposée
par Wang et Whitlock (2003), basée sur la comparaison des structures alléliques
déterminées à des temps successifs, permettrait de l’évaluer simultanément au taux de
26
migration. Les données génétiques produites dans cette étude permettent une telle analyse
qui n'a pu être menée faute de temps. Par ailleurs, nous avons ici restreint notre analyse
génétique à des sites qui abritaient une ou deux des espèces pendant deux années
successives, ce qui a sans doute conditionné l’absence d’observation de phénomène
d’extinction/colonisation. Un travail intéressant serait d’analyser la structure génétique des
espèces à plus d’un an d’intervalle, en incluant des sites pour lesquels on observe une
extinction apparente. Cela permettrait notamment d’évaluer notre perception de l’extinction
des populations sur le terrain, ainsi que les conséquences de ces phénomènes sur la
génétique de ces espèces. De plus, il serait intéressant d’explorer davantage l’hypothèse
d’habitat « source » et « puit » opposés pour P. marmorata et P. acuta, en testant si les
populations qui occupent les habitats a priori les plus favorables selon notre étude montrent
effectivement des taux de renouvellement de population plus important.
Un autre aspect qui mériterait une approche approfondie est la compétition entre les
deux espèces étudiée, car elle constitue un aspect primordial dans ce système. Un premier
aperçu est néanmoins fourni par notre étude de la dynamique métapopulationnelle. En effet,
la dynamique d’invasion de P. acuta offre l’opportunité d’étudier l’effet de l’introduction d’un
nouveau compétiteur dans la communauté de mollusque sur P. marmorata. D’après le suivi
démographique, il n’y a pas d’augmentation du taux d’extinction de P. marmorata entre 2001
et 2008. Les fluctuations du taux d’extinction de P. marmorata semble plutôt lié à un effet
année, sans tendance particulière. Un autre effet de l’interaction entre les deux espèces
pourrait être l’hypothèse selon laquelle la présence de P. marmorata pourrait réduire la
colonisation de P. acuta par effet de préemption. Il est difficile de conclure ici, car les
variations des taux de colonisation sont fortes entre les années. Une analyse intéressante
serait de construire un modèle de dynamique métapopulationnelle traitant l’occurrence des
deux espèces simultanément (MacKenzie et al., 2003). Cela permettrait d’évaluer la
différence dans la répartition des deux espèces, et estimer ainsi l’impact d’une espèce sur
l’autre. D’autre part, d’après nos résultats, P. marmorata privilégie les zones des mares où la
végétation est présente au contraire de P. acuta qui préfère les sites dépourvus de
végétation (donc moins productifs, et sans doute moins oxygénés). La mise en évidence de
ces différences écologiques est cohérente avec les observations faites sur les élevages de
ces deux espèces en laboratoire, d’après lesquelles P. acuta serait plus sensible à l’anoxie
que P. marmorata (Escobar, comm. pers.). Cela pourrait avoir tendance à modérer la
compétition. En effet, en reliant la couverture végétale à la productivité du milieu, cela
pourrait témoigner d’une différence dans le spectre des ressources exploitées par ces deux
espèces, avec P. acuta qui serait davantage détritivore (c’est à dire se nourrissant de débris
d’animaux ou de végétaux faisant partie de la nécromasse). Ces observations restent à
préciser et quantifier. Notamment, une étude plus détaillée de l’effet de la végétation serait
27
nécessaire, car tous les végétaux n’ont pas les mêmes implications dans la productivité du
milieu. Une étude en laboratoire pourrait être envisagé, en jouant sur la végétation, pour
décrire la compétition entre les deux espèces en interaction avec les conditions
environnementales.
Enfin, la paire d’espèces étudiées ici s’inscrit dans une communauté de mollusque
riche en espèces et relativement bien suivie en Grande Terre. Cependant, notre étude se
focalise sur une unique paire d’espèces. Pour augmenter la généralité de la problématique,
des études complémentaires seraient à envisager. Par exemple, au sein du système
Guadeloupéen, la paire de planorbes Drepanotrema surinamense (autofécondante) et
Drepanotrema depressissimum (allofécondante) pourrait constituer un modèle biologique
candidat pour la suite des recherches.
Notre étude apporte donc une vision nouvelle du système biologique étudiée. Elle fournit des
éléments nouveaux sur l’écologie des deux espèces de physes, permettant de mieux
appréhender leur mécanisme de coexistence régionale au sein de la communauté de
mollusques de Guadeloupe, et offre ainsi de nombreuses pistes de recherche.
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WRIGHT, S. (1931). Evolution in mendelian populations. Genetics 16, 97-159.
31
Annexe 1 : Séquences microsatellites et multiplexes utilisés
Locus Motif Origine Amorces Tm (°C) Taille (pb)
Pasu1-02 (AC)13 Goudet comm. pers.
F : CAAATCAATTCACCACACACC R : TTGCCGGAAATGAACAGAAC 62 82-132
Pasu1-07 (GT)11(CG)4(GT)9 (GC)3
Goudet comm. pers.
F : CATCAGTGATAACATGAACTCTTCAG R : GTCGTCGATTGTTCGTGATG 60 134-352
Pasu1-09 (GT)3 AC (GTGA)2 (GT)15
Goudet comm. pers.
F : AGTTGGCGAGTTGAATGAGG R : ACACCATCCAGGTTCTAGCC 55 134-202
Pasu1-11 (GT)30 Goudet comm. pers.
F : CGATAACGGTGTCACATAGCC R : AGGGCGTGTACACACAAGG 60 128-184
Pasu1-12 (GT)2 TT (GT)2 TT (GT)9
Goudet comm. pers.
F : GAGCGAGCGTGTAAGTGAATC R : CACCCATTCACACAATCAGC 54 106-118
Pasu1-13 (GT)7 AT (GT)8 Goudet comm. pers.
F : CACTGCGGTTTAGTTTGACG R : GCCCGAATATTTTCTTGTCG 55 130-148
pac1 (TG)22 Sourouille
et al. F : TGGGAGAAGTTTGGG TTTTCC 6-FAMR : CCTCCCCCTGCCTGTACC 55 100 - 118
pac2 (TATC)15 Sourouille
et al. F : TACTAGCCAATGCTTGAACC NEDR : ACGGCGATGTGATAAGAG 55 157-181
pac5 (YGTC)20 Sourouille
et al. F : TTGGGATTCAACATCTTCTG NEDR : TCCTCAAACTCACTCAGTCC 55 241-265
AF108758 (GA)13 Monsutti et al.
F : ACAAAGATGGAGAGGGAGAGG NED OU FAM R : CAACCGGATGTGACCTTTG
60 147
AF108764 (TG)28 Monsutti et al.
F : GAGAAAAAGAAAGTCGGTGTGC HEX R : GTCCAGCCCTCACATACCAC 55 151
AF108762 (GT)18 Monsutti et al.
F : CGTCCTTTGGGTGTTGGTCA FAM R : AAAGGCTCACGTTAGTTTGAGTCC
60 161
Tableau 1. Description et origines des séquences microsatellites utilisées pour la
caractérisation génétique des populations de P. acuta. Tm= température d’hybridation
Multiplexe 1 (55°C)
Multiplexe 2 (60°C)
Multiplexe 3 (58°C)
Pac1 Pasu-1-07 Pasu-1-02 Pac2 AF108758 Pasu-1-09 Pac5 AF108762 Pasu-1-11
Pasu-1-12 Pasu-1-13 AF108764
Tableau 2. Multiplexes des séquences de P. marmorata pour l’amplification.
32
Locus
Motif
Amorces
Tm (°C)
Taille (pb)
petF : CACACACACCTGCAACCTTA Ama1 (TA)2 (TG)15 (AG)13
R: GGGTTGTTGGTGGGTTTTAC 58 226-244
vicF : TGCGTGTTTTGTGTGTATGTG Ama2 (TG)14 R: CCCCTTTCATAATCCTACGC
58 230-242
famF:TGTGCAAGTCACTCACCAAC Ama3 (TA)5 [(TG)2TA]8 (TG)23 R: TTACAGAAACAAATACAAATACATC
58 232-308
vicF :CGGAGAGATTAGATGCGTGA Ama4 (AC)16 R: TGTAGGGTGGGTTTTTCCAT
58 216-232
famf :TCCTTCATGGACGTTATTCG Ama5 (TG)16 R: TCAGCGCATTTAAATTTATTCAC
58 200-204
famf :TCATGTTTGTATGTTCATGCGTA Ama6 (TG)15 R: AAAACTAGGCTGGTCATTGGA
58 212-250
petF :CCGGCTACACACAGAAACAC Ama7 (GA)14 AAAG (AC)7 AAT (CA)6 GA (CA)4 (GA)4 (CA)4 R: CCATCTTCATTGTCGTGGTC
58 246-254
nedF :GCAGTGGAGCGTTCTACAAA Ama8 (CA)29 R: TCACCCATCTCCACACAACT
57 164-188
vicF :TTTATGAATGTGTGTGTGTTTGC Ama9 (TG)18 R: CCTCTCTTCCTTTCCCTCCT
57 155-163
petF : CAGTAGTCTGAAAGAAACCCTGA Ama10 (GT)17 R: CATTCAATGGGGAAAAGGAT
57 123-137
famF : CATTCACACTCGCATACTCG Ama11 (AC)13 (AT)4 R: TTTAGCGAGGGGAATCTGTT
57 92-96
famF : ATAAACCTAGCCATCACAACATC Ama12 (AC)14 AT (AC)6 R: ACTGTTTTAGAATCGCTTCTGGT
57 132-150
vicF: AAACCCACCTCCACAAACAC Ama13 (TGTATG)16 (TG)4 (TGTATG)5 R: CGCACATTCACATTCACATT
57 114-218
petF: GGCTGGCTATTGATTGGTCT Ama14 (CA)17 R: GCCTCATTGCGATGTAAAAA
57 184-204
nedF: CCCCGAGCATGAAAAACTTA Ama15 (TG)16 (TCTG)5 R: AAGCCCTGGTCTCAAGCTAC
55 214-290
Tableau 3. Description des séquences microsatellites mise au point par Dubois et al. (2008),
utilisées pour la caractérisation génétique des populations de P. marmorata.
Tableau 4. Multiplexes des séquences de P. marmorata pour l’amplification.
Multiplexe 1 (58°C)
Multiplexe 2 (58°C)
Multiplexe 3 (57°C)
Multiplexe 4 (57°C)
Multiplexe 5 (55°C)
Ama 1 Ama 4 Ama 9 Ama 12 Ama 15 Ama 2 Ama 5 Ama 10 Ama 13 Ama 3 Ama 6 Ama 11 Ama 14
Ama 7
33
Annexe 2 : Caractéristiques des sites occupés par les populations de a) P. acuta et b) P. marmorata échantillonnées pour l’analyse de la structure génétique. ( - : donnée manquante)
a) P. acuta
Densité de population (individu/m2) Site Année Type d'habitat Taille (m) Couverture
végétale (%)Indice
d'isolement
Indice d’instabilité
hydrique P. marmorata
P. acuta
2006 2 - - - <1 <1 Gorot 2007 Mare (annexée à une ravine) 40 35 2 3 10-50 <1
2006 80 0 4 1 <1 50-100 Néron 2007 mare 200 10 4 2 <1 10-50 2006 40 50 2 2 1000-5000 1000-5000 Terrasson 2007 mare 20 40 2 2 10-50 10-50 2006 40 50 4 2 <1 100-1000 Portes d'Enfer du Moule 2007 mare 50 60 4 2 <1 10-50 2006 100 10 1 1 0 10-50 Gaschet 2007 ravine 300 30 1 2 0 10-50 2006 20 0 2 2 <1 1000-5000 Descareaux 2007 mare 30 0 2 2 <1 5-10
b) P. marmorata
Densité de population (individu/m2) Site Année Type d'habitat Taille (m) Couverture
végétale (%)Indice
d'isolement
Indice d’instabilité
hydrique P. marmorata
P. acuta
2006 40 50 2 2 1000-5000 1000-5000 Terrasson 2007 mare 20 40 2 2 10-50 10-50 2006 30 20 2 1 <1 50-100 Caraque 2007 ravine 10 15 2 1 1-5 1-5 2006 30 100 4 1 50-100 <1 Dadoud 2007 mare 50 100 2 2 50-100 <1 2006 100 10 4 2 1000-5000 1000-5000 Roche 2007 mare 150 15 4 2 50-100 <1 2006 - - - - - - Mangrove Dans Fond 2007 mangrove - - - - - -
34
Annexe 3 : Composition des types de sites occupés par P. acuta et P. marmorata de 2001 à
2008 en Grande Terre.
a) P. marmorata
0%
20%
40%
60%
80%
100%
1 12 13 14 15 16 17 18
Campagnes
ravinemangrovemare
b) P. acuta
0%
20%
40%
60%
80%
100%
1 12 13 14 15 16 17 18Campagnes
ravine
mangrove
mare
Figure 1. Composition des types de sites occupés par a) P. marmorata et b) P. acuta de
2001 à 2008 en Grande Terre.
2001 2002 2003 2004 2005 2006 2007 2008
2001 2002 2003 2004 2005 2006 2007 2008
35
Annexe 4 : Analyse en Composante Principale réalisée sur 210 mares de Grande Terre en
Guadeloupe.
-1.0 -0.5 0.0 0.5 1.0
-1.0
-0.5
0.0
0.5
1.0
Variables factor map (PCA)
Dimension 1 (50.14%)
Dim
ensi
on 2
(20.
54%
)
varveg
varlogtaille
permcorrifreqassech
Valeurs propres % variance % variance
cumulée axe 1 2,01 50,14 50,14 axe 2 0,82 20,54 70,69 axe 3 0,77 19,25 89,94 axe 4 0,40 10,06 100,00 Contributions des variables aux axes principaux Dimension 1 Dimension 2 Dimension 3 Dimension 4 Var(couverture végétale) 17,45 37,26 43,97 1,33 Var(log(1+taille)) 16,04 62,00 21,88 0,08 Instabilité hydrique 34,74 0,70 10,25 54,31 Fréquence d’assèchement 31,78 0,04 23,90 44,28 Corrélations des variables aux axes principaux Dimension 1 Dimension 2 Dimension 3 Dimension 4 Var(couverture végétale) 0,59 -0,55 0,58 0,07 Var(log(1+taille)) 0,57 0,71 0,41 0,02 Instabilité hydrique 0,83 -0,08 -0,28 -0,47 Fréquence d’assèchement 0,80 -0,02 -0,43 0,42 Remarque : Les sites Bébian et Bétin ont été retirés de l’analyse, car ils étaient mal
représentés. (N=208 sites)
Var(log1+taille)
Fréquence d’assèchement
Instabilité hydrique
Var(1+couverture végétale)
36
Annexe 5 : Représentation graphique des Fst spatiaux par paire de P. acuta et P. marmorata a) 2006
b) 2007
Figure 1. Représentation graphique des valeurs de Fst par paires entre les populations de P.
acuta en Grande Terre en a) 2006 et b) 2007.
37
a) 2006
b) 2007
Figure 2. Représentation graphique des valeurs de Fst par paires entre les populations de
P. marmorata en Grande Terre en a) 2006 et b) 2007.
38
Annexe 6 : Cartographie de Physa marmorata et Physa acuta en Grande Terre de
Guadeloupe, de 2001 à 2008
Figure 1. Cartographie de Physa acuta. Les croix représentent les sites vides.
Légende : en densité logarithmique (voir Matériels et Méthodes pour les
catégories de densité).
2001 2002
2003 2004
2005 2006
2007 2008
39
Figure 2. Cartographie de Physa marmorata. Les croix représentent les sites vides.
Légende : en densité logarithmique (voir Matériels et Méthodes pour les
catégories de densité).
2001 2002
2003 2004
2005 2006
2007 2008
40
Annexe 7 : Modèles de dynamique des métapopulations de P. acuta et P. marmorata
Chaque modèle construit estime les paramètres :
- Ψ0: fréquence d’occupation des sites initiale;
- γ : taux de colonisation ;
- ε : taux d’extinction;
- p : probabilité de détection.
Les variables notées entre parenthèses après un de ces paramètres sont les variables dont
les effets a été testées sur ce paramètre dans le modèle. L’indication s signifie que le
modèle estime une valeur de paramètre pour chaque année.
a) P. acuta Modèles AIC delta AIC Poids d’AIC No Par Déviance Ψ0,γ(s+hab),ε(s),p() 1417,16 0 0,3575 17 1383,16 Ψ0,γ(s),ε(s+hab),p() 1417,87 0,71 0,2506 17 1383,87 Ψ0,γ(s),ε(s),p() 1418,26 1,1 0,2062 15 1388,26 Ψ0,γ(s+hab),ε(s+hab),p() 1418,47 1,31 0,1857 19 1380,47 b) P. marmorata
Modèles AIC delta AIC Poids d’AIC No Par Déviance Ψ0,γ(s),ε(s),p() 2109,32 0,00 0,6785 16 2077,32 Ψ0,γ(s),ε(s+hab),p() 2112,19 2,87 0,1616 18 2076,19 Ψ0,γ(s+hab),ε(s),p() 2112,58 3,26 0,1329 18 2076,58 Ψ0,γ(s+hab),ε(s+hab),p() 2115,77 6,45 0,0270 20 2075,77 Tableau 1. Modèles réalisés sur les populations de a) P. acuta et b) P. marmorata occupant
tous les type de sites suivis de Grande Terre avec le type d’habitat en covariable (hab =
variable modale à trois niveaux : mare, mangrove et ravine).
a) P. acuta Modèles AIC delta AIC Poids d’AIC No Par Déviance Ψ0,γ(s),ε(s) p() 1159,47 0 0,955 16 1127,47 Ψ0,γ(s),ε(),p() 1163,59 4,12 0,045 10 1143,59 Ψ0,γ(),ε(s),p() 1210,01 50,54 0 10 1190,01 Ψ0,γ(),ε(),p() 1213,33 53,86 0 4 1205,33 b) P. marmorata Modèles AIC delta AIC Poids d’AIC No Par Déviance Ψ0,γ(s),ε(s),p() 1780,91 0 0,998 16 1748,91 Ψ0,γ(s),ε(),p() 1794,06 13,15 0,001 10 1774,05 Ψ0,γ(),ε(s),p() 1800,18 19,27 0 10 1780,17 Ψ0,γ(),ε(),p() 1816,27 35,36 0 4 1808,27 Tableau 2. Modèles réalisés sur les populations de a) P. acuta et b) P. marmorata occupant
les mares.
41
a) P. acuta
Modèles AIC delta AIC Poids d’AIC No Par Déviance
Ψ0,γ(s+c+t+veg),ε(s+c+t+veg),p() 1125,25 0 0,300 21 1083,25 Ψ0,γ(s+c+t+veg),ε(,s+c+t),p() 1126,13 0,88 0,193 20 1086,13 Ψ0,γ(s+c+t+var+veg),ε(s+c+t+veg),p() 1126,49 1,24 0,161 22 1082,49 Ψ0,γ(s+c+t+veg),ε(s+t+veg),p() 1127,01 1,76 0,124 20 1087,01 Ψ0,γ(s+c+t+veg),ε(s+c+t+veg+var),p() 1127,12 1,87 0,118 22 1083,12 Ψ0,γ(s+c+t+var+veg),ε(s+c+t),p() 1127,4 2,15 0,102 21 1085,4
b) P. marmorata
Modèles AIC delta AIC Poids d’AIC No Par Déviance Ψ0 (var+veg),γ(s+veg+var+t),ε(s+veg+var),p() 1655,99 0 0,290 23 1609,99 Ψ0 (var+veg),γ(s+c+veg+var),ε(s+veg+var),p() 1656,15 0,16 0,268 23 1610,15 Ψ0 (var+veg),γ(s+veg+var),ε(s+veg+var),p() 1656,41 0,42 0,235 22 1612,41 Ψ0 (var+veg),γ(s+c+veg+var+t),ε(s+veg+var),p() 1656,67 0,68 0,206 24 1608,67 Tableau 3. Modèles réalisés sur les populations de a) P. acuta et b) P. marmorata occupant
les mares, incluant quatre covariables (veg=couverture végétale; c=isolement ; t=taille
(diamètre) ; var=perturbation du milieu, voir tableau 1 dans le chapitre matériels et méthodes
pour un rappel des variables).
42
Travaux réalisés pendant le stage
- Génotypage à partir d’échantillons collectés au préalable par l’équipe
- Lecture des profils allèliques
- Mise en forme des résultats et analyses statistiques des données génétiques
- Tri des données démographiques
- Cartographie des métapopulations des modèles biologiques
- Choix et transformations des variables à introduire dans les modèles
démographiques
- Construction et sélection des modèles démographiques (dont une tentative de
construction de modèle de coocurence des deux espèces)
- Analyse des résultats des modèles
- Interprétation des résultats et rédaction du rapport
Remerciements
Je tiens tout d’abord à remercier Patrice David et Philippe Jarne pour leurs conseils, leur
aide, et pour tout ce qu’ils m’ont enseigné au cours de ce stage. Un grand merci à Olivier
Gimenez pour sa gentillesse et sa générosité. Je remercie également Antoine et Virginie
pour m’avoir orienté et soutenue dans mes premiers pas en génétique des populations.
Merci à Aurélien pour avoir allumé la lumière du couloir obscure qui mène aux modèles de
métapopulation ! Je remercie également Sébastien, Benjamin, Juan, François, Violette et
toute l’équipe pour leur agréable compagnie et leur soutien au quotidien. Merci à Charlène
pour les pauses café « détente », ainsi qu’à tous les collègues qui se reconnaîtront. Et enfin,
merci à Clément de sa confiance et de sa patience de tous les jours, qui me font croire en
moi plus qu’il ne le pense.