RAISONNER EN VÉRITÉ · 2015. 9. 15. · œuvres de Staline et de Lénine. Une armée de...

228

Transcript of RAISONNER EN VÉRITÉ · 2015. 9. 15. · œuvres de Staline et de Lénine. Une armée de...

Page 1: RAISONNER EN VÉRITÉ · 2015. 9. 15. · œuvres de Staline et de Lénine. Une armée de rédacteurs veille à polir chaque texte, à faire respecter chaque détail du rituel de
Page 2: RAISONNER EN VÉRITÉ · 2015. 9. 15. · œuvres de Staline et de Lénine. Une armée de rédacteurs veille à polir chaque texte, à faire respecter chaque détail du rituel de

RAISONNERENVÉRITÉ

Page 3: RAISONNER EN VÉRITÉ · 2015. 9. 15. · œuvres de Staline et de Lénine. Une armée de rédacteurs veille à polir chaque texte, à faire respecter chaque détail du rituel de

Premièreédition:François-XavierdeGuibert,2003

Tousdroitsdetraduction,d’adaptationetdereproductionréservéspourtouspays.©2015,GroupeArtègeÉditionsDescléedeBrouwer10,rueMercoeur-75011Paris9,espaceMéditerranée-66000Perpignanwww.editionsddb.fr

ISBN:978-2-220-06654-7ISBNepub:978-2-220-07594-5

Page 4: RAISONNER EN VÉRITÉ · 2015. 9. 15. · œuvres de Staline et de Lénine. Une armée de rédacteurs veille à polir chaque texte, à faire respecter chaque détail du rituel de

Ces pages ne sont pas disponibles à la pré-visualisation.

Page 5: RAISONNER EN VÉRITÉ · 2015. 9. 15. · œuvres de Staline et de Lénine. Une armée de rédacteurs veille à polir chaque texte, à faire respecter chaque détail du rituel de

connaissancedumode selon lequel la raisonprocède, etde cefait elleperfectionne la raisonelle-mêmedans sesopérations :elle joue alors le rôle d’un art (cf. texte 2) permettant deraisonneravec«ordre,facilitéetsanserreur».

Texten°1:Lesquatregrandsordresobjetdelaraison

SaintThomasd’Aquin,Commentairedel’ÉthiqueàNicomaque,LivreI,leçon1,nn°1et2

1.–CommeditlePhilosophe(Aristote)audébutdelaMétaphysique,le propre du sage est d’ordonner (sapientis est ordinare).La raison decela vient de ce que la sagesse est la perfection de la raison la pluspuissante,etquelepropredecettedernièreestdeconnaîtreunordre.Car,bienque lespuissancessensiblessoientcapablesdeconnaître les réalitésparticulières en tant que telles, c’est l’apanage de l’intelligence ou de laraisondeconnaître l’ordred’unechoseàuneautre. Ilyacependantundouble ordre dans les choses. Le premier est celui qui existe entre despartiesd’un toutquelconqueoud’unemultitude,commeceluiquiexisteentrelespartiesd’unemaison,lesunesparrapportauxautres.Lesecondest l’ordre des choses par rapport à leurs fins. Et ce dernier ordre estpremierparrapportauprécédent.Eneffet,commeleditlePhilosopheaulivreXIdelaMétaphysique, l’ordredespartiesde l’arméeentreellesesten vue de l’ordremêmede toute l’armée à son chef8.Mais un ordre serapporte à la raison de quatre façons différentes. Il y a, en effet, unpremier ordre que la raison ne produit pas, mais cependant qu’elleconsidère, et c’est l’ordre des réalités naturelles. Le second est l’ordreque la raison produit dans son propre acte, alors même qu’elleconsidère quelque chose, et c’est ce qu’elle fait quand elle ordonneun concept par rapport à un autre, et les signes de ses conceptsparcequ’ils lessignifientpardessonsdevoix.Letroisièmeest l’ordrequelaraisonproduitdanssaconsidération(pratique),danslesopérationsde la volonté. Le quatrième, lui, est l’ordre que la raison, dans sa

Page 6: RAISONNER EN VÉRITÉ · 2015. 9. 15. · œuvres de Staline et de Lénine. Une armée de rédacteurs veille à polir chaque texte, à faire respecter chaque détail du rituel de

considération (pratique et même ici technique), produit dans les réalitésextérieures, dont elle même est la cause, comme dans le cas (de laconstruction)d’unearcheoud’unemaison.

2 – Et puisque la considération particulière à la raison peut êtreperfectionnéeparunhabitus,selonchacundecesdifférentsordresquelaraison considère en propre, il y aura différentes sciences. En effet, ilappartientàlaphilosophiedelanaturedeconsidérer l’ordredeschosesquelaraisonhumainechercheàconnaître,maisnefaitpas;decefaitonpeutplacerlamétaphysiquesouslaphilosophiedelanature.

L’ordrequelaraisonenconsidérantproduitdanssonpropreacteappartient, lui,à laphilosophierationnelle, la logique,dont lepropreestd’examiner l’ordreentreellesdesdifférentespartiesdudiscourset des parties toutes ensembles par rapport à la conclusion. L’ordredes actions volontaires appartient, quant à lui, à l’examen de laphilosophiemorale.L’ordrequelaraisonenconsidérantproduitdansleschoses extérieures réalisées par la raison humaine elle-même appartientauxartsmécaniques.

Texten°2:Lalogique:unescienceetunart

SaintThomasd’Aquin,CommentaireauxSecondsAnalytiques,nn°1à3

1.–CommeleditAristoteaudébutdelaMétaphysique(LivreI,ch.1,980b27), legenrehumainvitpar l’art9 («arte » (τεχνη), c’est-àdire enfait toute connaissance universelle) et par les raisonnements (« etrationibus » (λογισμοί), les discours rationnels) : on constate que lePhilosophe touche ici un propre de l’homme par lequel il diffère desautresanimaux.Eneffet, lesautresanimauxopèrentdans leursactesparuninstinctnaturel;l’hommeestdirigédanssesactionsparlejugementdelaraison.Etdelàvientqueplusieursartss’occupentdeparfairelesacteshumains avec ordre et facilité. L’art en effet n’est rien d’autre qu’uncertainordredelaraisonparlequellesacteshumainsparviennentàlafin

Page 7: RAISONNER EN VÉRITÉ · 2015. 9. 15. · œuvres de Staline et de Lénine. Une armée de rédacteurs veille à polir chaque texte, à faire respecter chaque détail du rituel de

vouluepardesmoyensdéterminés.Mais la raison peut diriger, non seulement les actes des parties

inférieures,maisaussisonactepropre.Ilestpropreàlapartieintellectivede réfléchir sur elle-même : car l’intellect s’intellige lui-même et, de lamême façon, la raison peut raisonner sur son propre acte. Si donc, laraison étant capable de raisonner sur les opérations de lamain, on a puinventerl’artdelaconstructionouceluidelaforge,parlesquelsl’hommepeutopérerfacilementetavecordredanslesactionsdecegenre,c’estparuneraisonsemblablequ’unartparticulierestnécessaire,quisoitcapablede diriger l’acte même de la raison, et par lequel l’homme, dans sesraisonnements,procèdeavecordre,facilitéetsanserreur.

2.Cetart,c’estlalogique,c’est-à-direlasciencerationnelle.Elleestrationnelleparcequ’elleprocèdede la raison,maispas seulement–celaestcommunàtoutart;ellel’estaussiparcequ’elleportesurl’actepropredelaraisoncommesursaproprematière.

3.Etc’estpourquoi il apparaît comme l’artdesarts, puisqu’il nousdirigedansl’actederaisondonttouslesartsprocèdent.Aussifaut-ildoncdiviserlalogiqueenautantdepartiesqu’ilyad’actesderaison.

1. C’est essentiellement à traversAmmonius et Boèce que lesmédiévaux accèdent aux anciens lecteurs et commentateursd’Aristote. Mais avant de parvenir à ces derniers, que peutondire de l’histoire de cette œuvre ? Elle commence par ladiffusion des œuvres mêmes d’Aristote, autant qu’on puissereconstituer une histoire assez obscure : par Strabon etPlutarque on peut suivre la transmission des ouvrages duStagirite,ouaumoinsdeceuxquiportentsonnom.Théophraste(372-288avantJ.C.),discipleetsuccesseurd’Aristoteaulycéetransmet sa bibliothèque à Nélée de Scepsis par héritage,laquelleestenfouiepar les successeursdecedernierdansune

Page 8: RAISONNER EN VÉRITÉ · 2015. 9. 15. · œuvres de Staline et de Lénine. Une armée de rédacteurs veille à polir chaque texte, à faire respecter chaque détail du rituel de

Ces pages ne sont pas disponibles à la pré-visualisation.

Page 9: RAISONNER EN VÉRITÉ · 2015. 9. 15. · œuvres de Staline et de Lénine. Une armée de rédacteurs veille à polir chaque texte, à faire respecter chaque détail du rituel de

parler.Lechleuasme:auto-ironie:Moiquin’aipasvotrevertu.Laquestionoratoire:onconnaîtlaréponse.Elleaccrocheetréveille

l’auditeur.L’apostrophe:ons’adresseàunabsent.Laprosopopée:onfaitparlerunabsent.Laprolepse:ondevancel’argumentdel’adversairepourleretourner

contrelui.L’épanorthose:rectificationdecequel’onvientdedirepourmettre

l’interlocuteur dans le coup et le faire participer à la genèse de notrepensée.

Texten°4Quelquesprocédésdelalanguedebois.

Lalanguedebois,FrançoiseThom,Julliard,Paris1987(extraits).

a)pp.46à53:

STYLE

Ilsemblepresquecomiquedeparlerdestyleàproposdelalanguedebois. Si l’on considère le style comme lamarque personnelle de chaqueindividu sur la langue, alors on peut d’emblée caractériser le discourscommunistecommeunnon-style.Aucunouvrage,aucunarticlerédigéenlangue de bois ne trahit son auteur, à l’exception peut-être de certainesœuvres de Staline et de Lénine. Une armée de rédacteurs veille à polirchaquetexte,àfairerespecterchaquedétailduritueldelalanguedebois.À côté de ce travail méthodique, la vieille censure d’autrefois paraîtartisanale :In theendweshallmake thoughtcrime literally impossible;because therewillbenowords inwhich toexpress it, affirmeSymes, legénial artisan de la Novlangue dans 1984. Une manière d’écrirevéritablementcollectives’instaure,quelquesoitlesujettraité.

Larhétorique,Aristoteetlalanguedebois

Page 10: RAISONNER EN VÉRITÉ · 2015. 9. 15. · œuvres de Staline et de Lénine. Une armée de rédacteurs veille à polir chaque texte, à faire respecter chaque détail du rituel de

La langue de bois prétend avant tout être un discours politique ;essayonsdeluiappliquerlespréceptesdel’artrhétoriqueclassique,grâceauxquels l’orateur emportait l’adhésion de son auditoire. Dans saRhétorique,Aristoteénumèrelesqualitésindispensablesdubonstyle.Dequellemanièrelalanguedeboiss’yconforme-t-elle?Prenonsauhasardquelques phrases extraites d’un discours consacré aux activités desorganisationsduparti:

«Danscetteaffairenotrepointde repèreessentiel se trouvedans lespositionsdelarésolutionrécenteduCCduPCUS:«Leperfectionnementultérieur du contrôle et de la vérificationde l’exécution à la lumière desdécisions du XXVIe congrès du PCUS ». C’est un document trèsimportant en ce qui concerne la vie des organisations du parti. À Lalumière de ses exigences nous sommes obligés d’adopter une approchedifférente,plussévère,plusrigoureuse,debiendesaspectsdel’activitéauparti.»

•LaclartéLapremièrevertudustyleselonAristoteestlaclarté,carsilediscours

nemontre pas son objet il ne remplira pas sa fonction8. Pour le lecteuroccidental,letextecitéplushautneveutpasdiregrand-chose;lelecteursoviétiqueparviendrapeut-êtreàentireruneconclusion,maisaprèsun travail d’interprétation qui n’a rien à voir avec les mécanismessémantiquesdelalangueelle-même.Ilferaladérivée.Enlui-même,lestyledebois estvague,pleind’abstractionsetde redondances ; il fuit laprécision. S’il y a quelque clarté dans le discours de bois, elle n’estcertainement pas due aux mérites du style. Il faut une longue pratiquepour distinguer ce qui fait sens : dans cette langue figée par un rituelimmuable,oùlenomappellesonadjectif,leverbeattiresoncomplémentattitré, chaque entorse au cérémonial peut indiquer quelque chose ; lechoixmêmedelaquestiontraitéeestsouventsignificatif,plusquecequienestdit.UntextequinelivresonsensquedanssesécartsparrapportàuncodeimpliciteestcertainementfortéloignédelaclartéquepréconisaitAristote.

•LaconvenanceLaconvenance constitue ladeuxièmequalitédubeau style.L’orateur

doitadaptersondiscoursausujet;ildoittenircomptedel’attitudedesonpublic et de l’impression qu’il produit. Il faut qu’il (le style) ne soit niplatnienflémaisappropriéDecettenotiondeconvenance,Cicéronavaittiré sa théorie des trois styles adaptés aux fins poursuivies par l’orateur,

Page 11: RAISONNER EN VÉRITÉ · 2015. 9. 15. · œuvres de Staline et de Lénine. Une armée de rédacteurs veille à polir chaque texte, à faire respecter chaque détail du rituel de

selonqu’ildésireprouver,plaireouémouvoir.Voici quelques textes signés par différents auteurs et consacrés à

différentssujets.« Un certain progrès dans la définition de la nature de l’objet de la

cybernétique a été accompli lors de la réunion du 14 mai 1980 de lasection philosophique du conseil Scientifique consacré au problèmecomplexe “Cybernétique”. Comme l’a souligné le président du conseilScientifiquel’académicienB.N.Pétrov,lanécessitésefaitsentiràl’heureactuelle d’une définition de la cybernétique plus précise, voire plusconséquente,etenquelquesorteplus“étroite”»9.

«L’intérêtmanifestéparl’opinionfavoriseledéveloppementrapidedelasciencedémographique,quisortdeplusenplusrésolumentdescadresétroitsdesapplications,etchercheàélaborerunevisionplusprofondedelanaturedesprocessusquil’intéressent.Latendanceenquestionestliéeàun désir croissant d’une compréhension théorique plus précise de ladifferentia specifica du domaine particulier de la réalité sociale danslaquelleontlieucesprocessus»10.

« Dans les décisions du XXVIe congrès du PCUS le lien mutuelgrandissant entre lapolitique économiqueet lapolitique socialedans lesconditionsdusocialismedéveloppéaétémisenlumièredetouslescôtés.D’unepart,c’estjustementdansledomainedel’économiequ’estposélefondementdelasolutiondesproblèmessociaux.L’objectifprincipaldelastratégieéconomiqueduparti–uneutilisationpluscomplètedesfacteursintensifs du développement de l’économie – est poursuivi avecpersévérance dans les intérêts de l’augmentation du bien-être du peuple.D’autre part, le passage à une voie essentiellement intensive dudéveloppement économique entraîne une augmentation considérable durôle des facteurs sociaux favorisant l’amélioration de l’efficacité et de laqualitédelaproductioncommune»11.

«Les sentiments esthétiques dubeau et de l’élevé, du tragique et ducomique, etc., se sont formés historiquement, au cours de l’assimilationparl’hommedanssonactivitépratiqueetdansl’artdesqualitésobjectivescorrespondantesdelaréaliténaturelleetsociale.Ceprocessusnepeutêtreconsidérécommeachevéàaucuneépoquehistorique»12.

Ilressortdecestextesquelestyleresteabsolumentidentiquequelquesoit l’auteuretquellequesoit lamatière.Cettedernièreestbroyéepar lerouleau compresseur du style de bois ; et toute personne maîtrisant la

Page 12: RAISONNER EN VÉRITÉ · 2015. 9. 15. · œuvres de Staline et de Lénine. Une armée de rédacteurs veille à polir chaque texte, à faire respecter chaque détail du rituel de

Ces pages ne sont pas disponibles à la pré-visualisation.

Page 13: RAISONNER EN VÉRITÉ · 2015. 9. 15. · œuvres de Staline et de Lénine. Une armée de rédacteurs veille à polir chaque texte, à faire respecter chaque détail du rituel de

Je me gardais de faire le moindre mouvement, mais je n’avais pasbesoindebougerpourvoir,derrière lesarbres, lescolonnesbleueset lelampadairedukiosqueàmusique,etlaVelléda,aumilieud’unmassifdelauriers. Tous ces objets… comment dire ? Ils m’incommodaient ;j’auraissouhaitéqu’ilsexistassentmoinsfort,d’unefaçonplussèche,plusabstraite, avec plus de retenue. Le marronnier se pressait contre mesyeux.Unerouilleverte lecouvrait jusqu’àmi-hauteur; l’écorce,noireetboursouflée, semblait decuirbouilli. Le petit bruit d’eau de la fontaineMasqueretsecoulaitdansmesoreillesets’yfaisaitunnid, lesemplissaitde soupirs ; mes narines débordaient d’une odeur verte et putride.Toutes choses, doucement, tendrement, se laissaient aller à l’existencecommecesfemmeslassesquis’abandonnentaurireetdisent:c’estbonderired’unevoixmouillée;elless’étalaient, lesunesenfacedesautres,ellessefaisaient l’abjecteconfidencedeleurexistence.Jecomprisqu’iln’yavaitpasdemilieuentre l’inexistenceetcetteabondancepâmée.Sil’on existait, il fallait exister jusque-là, jusqu’à la moisissure, à laboursouflure,àl’obscénité.Dansunautremonde,lescercles,lesairsdemusique gardent leurs lignes pures et rigides. Mais l’existence est unfléchissement.Desarbres,despiliersbleudenuit, le râleheureuxd’unefontaine,desodeursvivantes,depetitsbrouillardsdechaleurquiflottaientdans l’air froid, un homme roux qui digérait sur un banc : toutes cessomnolences, toutes ces digestions prises ensemble offraient un aspectvaguementcomique.Comique…,non:çan’allaitpasjusque-là,riendecequiexistenepeutêtrecomique;c’étaitcommeuneanalogieflottante,presqueinsaisissable,aveccertainessituationsdevaudeville.Nousétionsuntasd’existantsgênés,embarrassésdenous-mêmes,nousn’avionspasla moindre raison d’être là, ni les uns ni les autres, chaque existant,confus,vaguementinquiet,sesentaitdetropparrapportauxautres.Detrop : c’était le seul rapport que je puisse établir entre ces arbres, cesgrilles,cescailloux.Envainchercherais-jeàcompter lesmarronniers, etlessituerparrapportàlaVelléda,àcomparerleurhauteuraveccelledesplatanes : chacun d’eux s’échappait des relations où je cherchais àl’enfermer, s’isolait, débordait. Ces relations (que je m’obstinais àmaintenirpourretarderl’écroulementdumondehumain,desmesures,desquantités,desdirections),j’ensentaisl’arbitraire;ellesnemordaientplussur les choses.De trop, lemarronnier, là en face demoi un peu sur lagauche.Detrop,laVelléda…

Etmoi – veule, alangui, obscène, digérant, ballottant de mornespensées–moiaussij’étaisdetrop.Heureusementjenelesentaispas,je

Page 14: RAISONNER EN VÉRITÉ · 2015. 9. 15. · œuvres de Staline et de Lénine. Une armée de rédacteurs veille à polir chaque texte, à faire respecter chaque détail du rituel de

lecomprenaissurtout,maisj’étaismalàl’aiseparcequej’avaispeurdelesentir(encoreàprésentj’enaipeur–j’aipeurqueçanemeprenneparlederrièredematêteetqueçanemesoulèvecommeunelamedefond).Jerêvaisvaguementdemesupprimer,pouranéantiraumoinsunedecesexistencessuperflues.Maismamortmêmeeûtétédetrop.Detrop,moncadavre, mon sang sur ces cailloux, entre ces plantes, au fond de cejardinsouriant.Et lachairrongée eût étéde tropdans la terrequi l’eûtreçueetmesos,enfin,nettoyés,écorcés,propresetnetscommedesdentseussentencoreétédetrop:j’étaisdetroppourl’éternité.

AnalyseTexteclassique,oùl’auteurfaitsentirunaspectprincipaldesavision

del’existence:elleestinsignifiante.Decefaitlesobjetsm’incommodent,c’est-à-dire qu’au-delà des sensations qu’ils provoquent, au-delà desrelationsoùjepeuxlessituer,ilssontdetrop,c’estàdireabsurdes.Toutelaforcedutexteestdetransporterlelecteurduplanlittéraireetdescriptif,par l’utilisation d’un grand choix d’adjectifs par exemple, au plan de laréflexion et du jugement : rouille verte … noire et boursouflée… cuirbouilli…odeurverteetputride…femmeslasses…abjecteconfidence…somnolence…digestions…vaguementcomique…tasd’existantsgênés…confus…vaguementinquiet…envain…arbitraire…veule,alangui,obscène, digérant, ballottant de mornes pensées… cadavre… Etc. Sil’existence,fonddeschoses,c’estcela,autantsesupprimertoutdesuite!Ces termes ont tous une connotation péjorative forte, mais dans lasensibilité ; car on reste au plan d’une description singulière et aucunjugement universel n’est formulé ! A l’intelligence, ils suggèrentefficacementquelaperceptionpureduréelestabsurde,doncqueleréellui-mêmel’est.

Enface,ontrouvelestermesquirenvoientaumondehumain,c’est-à-direpourSartreceluide l’hommequichercheàserassurerde l’absurdedel’existenceparlasignificationillusoireetvainedanslaquelleilchercheà enfermer les choses : cercles… air de musique … lignes pures etrigides…compter..situer…mesures…quantités…directions…Touscestermessontà l’évidenceplusabstraitsà toutpointdevue,carexprimantununiversmathématisé,etdecefaitcommeétrangeràcequiexisteparcequeextérieuràlui.

Ilavraimentréussi(pourquiveutbienselaisserfaire)àséparer,parleseulpouvoirdesmots,l’existencedeschosesdeleuressenceetdeleurplace,intelligible,dansl’univers…

Page 15: RAISONNER EN VÉRITÉ · 2015. 9. 15. · œuvres de Staline et de Lénine. Une armée de rédacteurs veille à polir chaque texte, à faire respecter chaque détail du rituel de

Texten°8Lapersuasionparl’image:2

CharlesPéguy,Clio,DialoguedeL’histoireetdel’âmepaïenne,LaPléiade,T.II,pp.268à273.

Êtred’unlieu,etenmêmetempsd’unautrelieu;êtred’unlieu,etsijepuisdireenmêmelieuêtred’unautrelieu,voilàtoutemonambition,ditl’histoire. Vous voyez qu’elle est simple. (Toute mon ambitiongéographique.) (Et par suite toute mon ambition historique.) Être d’untemps et en même temps être d’un autre temps, voilà tout monprogramme,dit-elle,vousvoyezqu’iln’estpascompliqué.

En somme c’est toujours ceci : ne pas vieillir. Ne pas accepter levieillissement. Le vieillissement est tout. Le vieillissement est dans tout.Vieillirc’estprécisémentdevenird’unautretemps,d’uneautregénération.Maisilfautencorebiens’entendresurlevieillissement,dit-elle.Oncroitsavoircequec’estetonnelesaitpasdutout.

Vieillir ce n’est point être (devenu) d’une autre génération. Ce n’estpointêtrepassédans la territorialeetdans laréservede laterritoriale.Ce n’est point être d’une deuxième génération et ne plus être de lapremière. Ce n’est point être d’un deuxième temps et ne plus être dupremier.

Vieillirc’estpasser.C’estpasserd’unegénérationàl’autre,d’untempsàl’autre.C’estpasserdecettepremièregénérationàcettedeuxième,decepremier tempsàcedeuxième.C’estdevenird’uneautregénération,d’unautretemps;decettepremièregénérationàcettedeuxième,decepremiertempsàcedeuxième.

Vieillircen’estpasavoirchangéd’âge;c’estchangerd’âgeouplutôtc’estavoirtroppersévérédanslemêmeâge.

C’est pour cela qu’il faut bien faire attention, dit-elle, à ce quireprésente,àcequitraduitpournouslevieillissement,àcequil’exprime.(…)

Sidans lesBurgraves lescinqousixouseptgénérationsnedonnentaucune idéedevieillissement, ce n’est pas seulement parcequ’elles sontcinq ou six ou sept, c’est parce que ces cinq ou six ou sept sont sur lemême plan. Or le vieillissement est précisément une opération par

Page 16: RAISONNER EN VÉRITÉ · 2015. 9. 15. · œuvres de Staline et de Lénine. Une armée de rédacteurs veille à polir chaque texte, à faire respecter chaque détail du rituel de

Ces pages ne sont pas disponibles à la pré-visualisation.

Page 17: RAISONNER EN VÉRITÉ · 2015. 9. 15. · œuvres de Staline et de Lénine. Une armée de rédacteurs veille à polir chaque texte, à faire respecter chaque détail du rituel de

jamais:Cequ’ilestjaponais)Nepeuventd’ailleurspassesentir.Lepériljaunen’estpasunvainmot.Rappelons-nousqu’ilssont600millions,çanevousditrien?Onnesaitjamaiscequ’ilspensent.

Espagnols.–Trèssusceptibles.Lemoindremendiant,quellenoblessedanssesgestes!Pasdemilieu:outrèsrichesoulamisère.Déjeunentetdînentàdesheuresincroyables.Ons’yfaittrèsbien.

Finlandais. – Très courageux. Très bons coureurs. N’ont jamais pusentirlesRusses.

France.–a)Touthommeadeuxpatries,lasienneetpuislaFrance;b)Noussommesledépotoirdelaracaillecosmopolite(salétranger).–Letempérament (cartésien) du Français s’accommode parfaitement de cesdeuxidéesauxquellesilfaitprendrel’airtouràtoursuivantsonhumeur,prouvant ainsi qu’il est à l’image même de ce pays de la mesure, del’équilibreetdubonsens : ilneveutdemalàpersonne,etsabonnefoiestcontinuellementabusée.

Italiens. –Trèsversatiles.Onnepeutpas compter sur eux (coupdepoignard dans le dos). Se défilent (Caporetto). Sont moins paresseuxqu’onnedit.Exc.maçons:cesontdesbâtisseurs.Quelpays!Compareràl’Espagne.

Libanais.–Tousriches.Mexique. – (Guatemala, Venezuela, etc.). – Il y a une révolution

tousleshuitjours.Arméedegénéraux.Russes. – On ne peut jamais savoir ce qu’ils ont dans le crâne. Ne

raisonnent pas comme nous. Très doués pour les langues. S’entendronttoujours avec lesAllemands sur notre dos (Brest-Litovsk). Personnen’ajamaispulesconquérir.AutrementfinsquelesAméricainsendiplomatie.Ilyauratoujoursuncharmeslave.

Suédois.–Trèsfroids, trèsavancéssur leplansocial–maisboiventbeaucoup.

Suisse.–L’airyestincomparable(seulpaysdumondeàavoirunairàlui).C’estlecoffre-fortdel’Europe.MêmelesRussesygarentleurargent.

Texten°14Quandlapenséedoitsefaireaccepterduplusgrand

nombre!

Page 18: RAISONNER EN VÉRITÉ · 2015. 9. 15. · œuvres de Staline et de Lénine. Une armée de rédacteurs veille à polir chaque texte, à faire respecter chaque détail du rituel de

BertrandRussel,Maconceptiondumonde,Gallimard,1962,p.16à20.

Quelle est l’utilité pratique de votre philosophie à vous, pour unhommequiveutsavoircommentseconduire?

B.R.–Justement,jereçoisunegrandequantitédelettresdegensfortembarrassés, et qui cherchent quelle conduite tenir. Ces personnes ontcessé de se guider sur les signaux traditionnels qui indiquent la voie del’actioncorrecte;etellesnesaventpasquelsnouveauxrepèresadopter.Jevoisuneutilitéàlasortedephilosophiequejeprofesse,et lavoici :ellerend les gens capables d’agir résolument, alorsmêmequ’ils ne sont pasabsolumentcertainsqueleuractionestvraimentlabonne.Jepensequ’onne doit être certain de rien. Si vous êtes certains, vous vous trompezcertainement, parce que rien n’est digne de certitude ; et on devraittoujourslaisserplaceàquelquedouteauseindecequ’oncroit;etondevrait être capable d’agir avec énergie, malgré ce doute. N’est-ce pas,aprèstout,cequefaitungénéralquandilprépareunebataille?Ilnesaitpasvraimentcequel’ennemivafaire,maiss’ilestbongénéral,ildevinejuste.Mauvaisgénéral,ilnedevinepasjuste.Or,danslaviepratique,ondoit agir d’après des probabilités, et ce que j’attends de la philosophie,c’estqu’elleencourage lesgensàagirunboncoup, sansdisposerd’unecertitudetotale.

Oui,mais il yaunautreennui : c’estquandonôteauxgens leurscertitudes, sur des points qui sont tout de même pour eux affaire decroyance,defoi.Est-cequecen’estpaslestroubler?

B.R.–Surlemoment,oui,biensûr.Jepensequ’unecertainedosede trouble est essentiellement nécessaire pour l’entraînement mental ;maisunecertaineconnaissancescientifiquepeutleurservirdelest,etleurépargnerdessoubresautsquandilsdoutentcommeilssontappelésàlefaire.

Commentenvisagez-vousl’avenirdelaphilosophie?B.R.–Jenepensepasqu’ellepuisseavoirdemaincette importance

qu’elleavaitchezlesGrecs,ouauMoyenAge.Ilm’apparaîtquel’essordelascienceôteinévitablementdel’importanceàlaphilosophie.

Nousavonspeut-êtretropdephilosophes?B. R. –Vous savez, je ne crois pas que ce soit à un philosophe

d’opinersuruntelsujet.C’estplutôtauxnon-philosophesdedonnerleuravis.

Page 19: RAISONNER EN VÉRITÉ · 2015. 9. 15. · œuvres de Staline et de Lénine. Une armée de rédacteurs veille à polir chaque texte, à faire respecter chaque détail du rituel de

En quelquesmots, voulez-vous nous dire quelle valeur vous pouvezaccorderàlaphilosophie,danslemondeactuel,etdanslesannéesquiviennent?

B.R. –Ehbien, je croisbeaucoupà son importancedans lemondeactuel.D’abord,jel’aidit,parcequ’ellenoustientenéveil,nousrappellequ’il y a des questions très sérieuses que la science ne peut aborder, dumoins à ce jour, et que l’attitude scientifique et seulement scientifiquen’est pas celle qui convient. Ensuite, elle ramène les hommes à plus demodestieintellectuelle;ilsontgrâceàelleconsciencequebiendeschoses,tenuesautrefoispourcertaines,sesontrévéléesfausses,etqu’onn’atteintpasà la sciencepardes raccourcis.Leshommesdécouvrentquepour ladifficile entreprise de comprendre lemonde – ce qui devrait être le butimplicite de tout philosophe – il faut de la longueur de temps, et unespritsansdogmatisme.

AnalysePour Russel, la philosophie ne semble rien d’autre qu’une certaine

capacitéàdouterpositivementsansallerjusqu’àentraverl’actionetlavie.On pourrait dire d’une certaine façon qu’il identifie la certitude àl’assurance d’agir bien c’est-à-dire à la certitude morale c’est-à-direfinalement au jugement pratique. Mais qu’en est-il de la certitudespéculative…?Pourcelailappuiesonaffirmation«rienn’estcertain»paruneidéereçue:«lesanciensrepèrestraditionnels»n’existentplus…C’est-à-dire finalement que rien n’est nécessaire ce qui revient à unepétitiondeprincipe:rienn’estnécessairecarrienn’estcertainetrienn’estcertaincarrienn’estnécessaire!Autresidéesreçues:«seulssuffisentànous rassurer les vérités des sciences… la vérité philosophique, notionmédiévale,estsupplantéeparcelledelascience…»alorsmêmeque«lasciencenesauraitrépondreà tout», cequiest contradictoire…sachantencore«qu’ilfautdutempspourcomprendre»etque«ledogmatismeempêchel’espritdecomprendrelemonde».Uneanalyseunpeusérieusedetouscespointsmontreraitqu’ilsposentplusdeproblèmesetsontloind’êtreévidents.Toutefoiscetteargumentationde typerhétoriquedestinéeà un public de lecteurs pressés, n’a comme certitude que celle que lelecteur veut bien accorder à ces idées reçues jouant le rôle de«principes» ;on lesappelleaussi lieuxcommuns, au sens courammentdonnéàcetermeouidéesadmises,carilexistedeslieuxcommunsenunautre sens, plus précis et plus rigoureux, celui que nous utiliseront endialectique(voircechapitre).

Page 20: RAISONNER EN VÉRITÉ · 2015. 9. 15. · œuvres de Staline et de Lénine. Une armée de rédacteurs veille à polir chaque texte, à faire respecter chaque détail du rituel de

Ces pages ne sont pas disponibles à la pré-visualisation.

Page 21: RAISONNER EN VÉRITÉ · 2015. 9. 15. · œuvres de Staline et de Lénine. Une armée de rédacteurs veille à polir chaque texte, à faire respecter chaque détail du rituel de

SaintThomasd’Aquin

A.CommentaireduPerihermeneias,proemium,n°1et2.

1.CommeditAristoteau livreIIIdu traitéde l’Ame, l’opération del’intellect est double : l’une est dite intelligence des indivisibles, parlaquelle l’intellect appréhende l’essence de chaque chose en elle-même ;l’autreestl’opérationdel’intellectquicomposeetdivise.Onajouteunetroisièmeopération,leraisonnement,selonquelaraisonprocèdedepuiscequ’elle connaîtpourdécouvrir cequ’ellene connaîtpas.Lapremièredeces troisopérationsestordonnéeà la seconde :car ilnepeutyavoircomposition ou division sans ce qui a été appréhendé de simple. Lasecondeestordonnéeàlatroisième:eneffet,ilfautquedequelquechoseconnu en vérité et auquel l’intelligence adhère, on puisse progresser etrecevoirpourcertaincequ’onneconnaissaitpasencore.

2.Comme la logique est appelée science rationnelle, il est nécessairequesonétudeportesurcequiappartientauxtroisopérationsdelaraisonsusdites.Ce qui appartient à la première opération de l’intellect, c’est-à-dire ce qui est conçu par l’intellect simple est traité parAristote dans lelivredesPrédicaments.Cequiappartientàlasecondeopération,c’est-à-direl’énonciationaffirmativeetnégative,esttraitéparluidanslelivreduPeri hermeneias (de l’interprétation). Quant à ce qui appartient à latroisième opération, il en parle dans le livre des Priora (« premiers »analytiques) et dans les livres suivants, dans lesquels il s’occupe dusyllogismeen lui-même etdesdivers syllogismesetespècesd’argumentsque la raison emploie pour passer d’une chose à une autre.Ainsi selonl’ordredonnéci-dessusdestroisopérations,lelivredesprédicamentsestordonnéauPerihermeneias, lui-mêmeordonné aux livres desPremiersAnalytiquesetauxlivressuivants.

B.CommentairedesSecondsAnalytiques,proème,n°4.

4.Ilyatroisactesdelaraison:lesdeuxpremierssontdelaraisonentantqu’intellect.

Eneffet lepremier actede l’intellectest intelligencedes indivisibles,ou incomplexes, par lequel il conçoit ce qu’est la chose.Cette opérationfut appelée par certaine information (informatio) de l’intellect ouimagination par l’intellect. À cette opération est destinée la doctrine

Page 22: RAISONNER EN VÉRITÉ · 2015. 9. 15. · œuvres de Staline et de Lénine. Une armée de rédacteurs veille à polir chaque texte, à faire respecter chaque détail du rituel de

transmise par Aristote dans le livre des Prédicaments. – La secondeopérationdel’intellectestlacompositionouladivisiondel’intellect,danslequelsetrouvealorslevraioulefaux.Cetactedelaraisonestserviparla doctrine rapportée par Aristote au livre du Peri hermeneias. – Letroisièmeactedelaraisonportesurcequiestpropreàlaraison,àsavoirdiscourird’unechoseàuneautre,desortequeparcequiestconnuonaccède à la connaissance de l’inconnu. Et tous les autres livres de lalogiques’occupentdecetacte.

Texten°17Explicationsurl’abstraction

RogerVerneaux,Philosophiedel’homme,Beauchesne,Paris1956,pp.102-104.

L’intelligenceestunepuissancepassive,àl’origineelleestcommeunetablerasesurlaquellerienn’estécrit;ellenesetrouvepasenpossessiond’idées innées. Cette fonction est appelée par saint Thomas intellectuspossibilis (intellect possible, i.e. en puissance à toutes les formesconnues).

Pourquel’intellectpossiblepassedelapuissanceàl’acte,ilfautqu’unobjet intelligible lui soit présenté. C’est la species impressa (espèceimpresse),ouspeciesintelligibilis(espèceintelligible).

Laspecies nepeutprovenirquede l’expérience sensible, car iln’yariendans l’intelligencequi ne proviennedes sens.Ledegré le plus hautd’élaboration de l’objet sensible est le phantasme.C’est donc de lui quel’intelligibledoitêtretiré.

Maislephantasmeestd’ordresensible;ilresteliéàlamatière.Iln’estdonc pas intelligible tel quel, il ne peut agir sur l’intelligence qui estspirituelle.Nihilcorporeumimprimerepotestinremincorpoream(riendecorporelnepeuts’imprimerdansuneréalité incorporelle).LadifficultéquiarrêtaitDescartesadoncétéclairementreconnueetformuléeparsaintThomas. Elle est sérieuse, en effet, et la théorie de la connaissance setrouvebeaucoupsimplifiée,aumoinssurcepoint,si l’onsupprimel’undesdeuxtermes,soitlesensible,soitlespirituel.L’idéalismed’uncôté,le

Page 23: RAISONNER EN VÉRITÉ · 2015. 9. 15. · œuvres de Staline et de Lénine. Une armée de rédacteurs veille à polir chaque texte, à faire respecter chaque détail du rituel de

matérialisme de l’autre, échappent à la difficulté que nous rencontrons.Mais ils en rencontrent de plus graves ailleurs. Pour l’idéalisme, ladifficulté est d’expliquer l’apparente « réalité en soi » des chosessensibles ;pour lematérialisme,elle estd’expliquercomment le seul jeudesforcesphysiquespeutengendrerlapensée.

Pourpasserduplansensibleauplanintellectuel,l’initiativedoitvenirde l’intelligence elle-même. Il faut donc admettre en elle une fonctionactive, l’intellectagent. Son rôle est de rendre le phantasme intelligible,ouplusexactementd’actualiserlesélémentsintelligiblesquisontcontenusen puissance dans le phantasme. Cette action est comparée par saintThomas à une illumination : intellectus agens illustrat phantasmata(l’intellectagentilluminelephantasmecf.SommeContrelesGentils II,76).

Ainsideuxcausesconjuguéessontnécessairespourconstituerl’espèceimpresse : le phantasme et l’intellect agent. Or, quand deux causesconcourent au même effet, c’est qu’elles sont subordonnées l’une àl’autre, l’une étant cause instrumentale, l’autre cause principale.L’instrumentnepeutrienproduireparlui-mêmeetàluiseul,iln’agitqueparlamotiondelacauseprincipale.Maisinversementlacauseprincipalenepeutproduiresoneffetqu’enutilisant l’instrument.Àtitred’exemple,qu’onanalyselerôlerespectifdupeintreetdupinceaudanslaproductiond’untableau.Orici,lacauseprincipaledel’espèceimpresseestl’intellectagent,quiseulpeutactualiserl’intelligible,maisilnepeutrienfairesansle phantasme qui joue à son égard le rôle d’instrument (cf. QuestiondisputéeDelaVerité,10,6,ad7).

Oncomprendainsiquel’espèceimpressesoitobjective,entantqu’ellerésulteduphantasme,etqu’ellesoit intelligible,en tantqu’elle résultedel’intellectagent.

Une fois constituée l’espèce impresse, on est passé dans le planintellectueletlathéorienerencontreplusdedifficulté.

L’intellect possible reçoit l’espèce impresse et réagit. Qu’il soit unepuissance passive ne signifie pas qu’il soit purement passif et réceptif,maisqu’il nepeut agirque s’il est d’abord impressionné.Sonaction estimmanente : ilexprimeen lui-même l’essencedansunespecies expressa(espèceexpresse),verbementalouconcept.

Leconceptn’estpasl’objetqu’ilconnaît,idquodcognoscitur(cequiest connu). Il est le moyen grâce auquel l’essence est connue, id quoobjectum cognoscitur (ce par quoi l’objet est connu). Il ne devient lui-mêmeobjet,iln’estconnuqueparréflexion.

Page 24: RAISONNER EN VÉRITÉ · 2015. 9. 15. · œuvres de Staline et de Lénine. Une armée de rédacteurs veille à polir chaque texte, à faire respecter chaque détail du rituel de

Ces pages ne sont pas disponibles à la pré-visualisation.

Page 25: RAISONNER EN VÉRITÉ · 2015. 9. 15. · œuvres de Staline et de Lénine. Une armée de rédacteurs veille à polir chaque texte, à faire respecter chaque détail du rituel de

conduit ce travail s’appelledialectique pour plusieurs raisons.D’abord, parce qu’elle est uneœuvre commune au sein d’unerecherche menée par au moins deux intelligences : undemandeur qui questionne et un répondeur, au sein d’undialogue.Maisaussiparcequ’ellen’estpasrésolutive.Ellerestecomme extérieure à la chose, elle discute « autour » (dia), ets’appuiedavantage sur les relationsde raisonpar lesquelles lachoseestpensée,plutôtquesurlanaturemêmedeschoses.Cesrelations fournissent des « lieux » (topos) où la chose estpensée, ce qui explique qu’Aristote a intitulé son ouvrage dedialectique les Topiques. La conclusion n’y sera jamais queprobable,commelesprémissesdontunetelleargumentationsesert,c’est-à-direenconformitéauxénoncéspensésparlessages,tous ou la plupart, voir en conformité avec la pensée reçueduplusgrandnombre.

Ladialectiqueneconduitpasà lasciencemaisà l’opinion(doxa),«fidesvelopinio»(lacroyanceoul’opinion)ditsaintThomas (voir texte n° 23). Dans un jugement de cette nature,l’intelligence penche totalement pour une partie de lacontradictoire, mais avec une certaine crainte de l’autre.L’absenceeneffetd’uneraisondéfinitive,ladémonstrationparla cause, empêche le rejet de la contradictoire. La dialectiquen’est aucunement un terme et elle s’ouvre naturellement àl’analytiquequ’ellen’exclutnineremplace,maisàlaquelleaucontraireelleprépare.

Serattacheàladialectiquel’étudedelasophistique,c’est-à-dire des arguments fallacieux, sophismes trompeurs ouparalogismes, ces derniers n’étant pas toujours produits dansl’intention de tromper. De tels arguments réussissent en secachantsousdesapparencesderaisonnementsvalides;cesontdes ruses du débat, dont l’étude est ressuscitée de temps entemps par un « logicien-médecin », lorsque lamauvaise foi et

Page 26: RAISONNER EN VÉRITÉ · 2015. 9. 15. · œuvres de Staline et de Lénine. Une armée de rédacteurs veille à polir chaque texte, à faire respecter chaque détail du rituel de

l’impudences’emparentunpeutropdesmœursintellectuelsdeses contemporains : tel Arthur Schopenhauer qui écrivit aumilieu du XIXe siècle un opuscule au titre évocateur etalléchant,L’art d’avoir toujours raison. Ceux qui conduisentun débat doivent savoir les déceler : dans les mots d’abord,identiquesdans leur formeextérieuremaisdifférentsdans leursens;danslesrelationsderaisonensuite,commeinvoquerunecausequin’expliqueriendutoutparexemple,ouencoreposercommeprémissed’uneargumentation lapropositionmêmequiest à démontrer mais sous d’autres vocables… Le désir devaincre dans la discussion fait parfois produire desraisonnementsdecegenre,véritablesmonstresintellectuels(cf.texte n° 23, dernier §). Un interlocuteur vigilant doit lesremarquer et les exclure du débat en leur apportant unesolution:c’estlasolutiondessophismes.

3.Levraisemblableetlapersuasion

Ilyadesproblèmesquel’onnepeutaborderaveclesdeuxméthodes précédentes, et pour plusieurs raisons. Ceux à quis’adressent les discours des orateurs n’ont pas toujours étépréparésàconduireleurpenséedefaçonrigoureuseetàsuivrel’enchaînement des syllogismes et des outils de la dialectique.Deplus, bonnombrede sujets nepeuvent être traités selon lanécessitédusyllogisme,enraisondeleurcontingenceetdeleurmanque d’universalité. Ce point sera étudié au paragraphesuivant. On dit qu’on est en matière contingente, c’est-à-direfaceàdespropositionsprobables,cequ’onsaitarriverounepasarriver la plupart du temps. (Il neige en hiver, les coupablesmentent,unbon tiensvautmieuxquedeux tu l’auras…, etc.).L’orateurquichercheàpersuaderdoits’adapteràcesconditionspournepasmettreplusdecertitudedanssondiscoursquecelui-

Page 27: RAISONNER EN VÉRITÉ · 2015. 9. 15. · œuvres de Staline et de Lénine. Une armée de rédacteurs veille à polir chaque texte, à faire respecter chaque détail du rituel de

cinepeutencontenir.Ilnesecontenterapasdesuivrelesrèglesparticulièresd’uneargumentationrhétoriqueadaptéeàunetellematière,maisilexprimeraaussilesaffectionsducœurhumain,cherchantàprovoquerl’adhésiondel’intelligenceàlathèseendiscussion par la motion des passions et de la sensibilité del’auditoire.

Nous étudierons les grandes lignes de cet art rhétoriquedécouvert par les Grecs – Socrate, les sophistes, Aristote –illustré par les plus grands orateurs attiques et surtoutDémosthène, perfectionné par les orateurs et rhéteurs latin –Cicéron,Quintilien–etpratiquéetenseignéjusqu’ànosjours,avec plus ou moins de bonheur. Aujourd’hui l’école deBruxelles (C. Perelman, M. Meyer) retrouve la valeur de larhétoriqueetdesonétudecommeoutildel’argumentationàpartentière,etpasseulementcommeornementdudiscoursetpartiedel’artoratoire,plusattachéealorsàlaformelittéraire,austyle,à l’écriture, ce qu’elle était devenue, plutôt qu’à l’inventionintellectuelleetàl’artdelapreuve.

Ces moyens de persuader peuvent aussi s’illustrer dans legenre de la controverse, dont on voit des exemples dans lesdébats, tables rondes, interviews, etc. Les outils de ladialectique, mais surtout ceux de la rhétorique, y seront trèsefficaces : le facteur temps – brièveté du temps de parole,concisiondel’argumentation–exclutlerecoursàdesdiscoursconstruits et bien charpentés. L’humeur de l’orateur, soncaractère, jouera un rôle important dans la transmission dumessage.

4.Lapoésiecommeargumentation

Pour les Grecs, le poète (de poiesis, création) n’est passeulementunfaiseurdevers,maisunartisandefables,vuqu’il

Page 28: RAISONNER EN VÉRITÉ · 2015. 9. 15. · œuvres de Staline et de Lénine. Une armée de rédacteurs veille à polir chaque texte, à faire respecter chaque détail du rituel de

Ces pages ne sont pas disponibles à la pré-visualisation.

Page 29: RAISONNER EN VÉRITÉ · 2015. 9. 15. · œuvres de Staline et de Lénine. Une armée de rédacteurs veille à polir chaque texte, à faire respecter chaque détail du rituel de

universels.Àtropvouloirillustrerunepenséeuniverselleparlessignes,des exemples,des cas singuliers, onpeutpasser à côtéd’unraisonnement,d’unedéfinition,etc.,etfinalementaussidetout ce qui permettra l’activité ultime de l’intellect jusqu’à lacontemplation. Mais lutter contre ce défaut ne veut pas direqu’ilfautexcluretouteexpérience.Lesconceptsrisqueraientdedevenir des mots vides, flatus vocis : il faut savoir de quoi,réellement,onparle.

Cedéfaut, comme leprécédent, estvraimentceluidenotreépoque qui privilégie abusivement dans l’apprentissageintellectuel lesmoyensaudiovisuelsaudétrimentde la lecture.L’image, l’icône, le dessin, le logo, le clip, le schéma… neserontjamaisquedessignesconcrets,etneremplacerontjamaisle signe le plus parfait pour l’intelligence : le mot. Nous enreparleronsdansl’étudedel’énonciation.

3.D’autrespensentquerienn’estdignede leurêtreprésentésans letémoignage d’un poète (auteur de la littérature) ou d’un auteurquelconque.Soitàcaused’unehabitude,soitparundéfautdejugement,parce qu’ils ne peuvent discerner par leur propre jugement si la raisoninvoquée conclut avec certitude (ou non) ; aussi, comme ceux qui necroient pas en leur propre jugement, ils recherchent le jugement dequelqu’undeconnu.

Encore une fois, saint Thomas ne s’attaque pas au fait des’appuyersurlejugementd’unautre,cequiestunepartie,maisunepartieseulement,delaméthodedialectique,commenousleverrons.Mais ilmontre ledéfautdeceuxquinepeuvent jugerpar eux-mêmes, sans la sécurité d’une autorité. Le jugementcertainréclamelaméthodeanalytique,commenousl’avonsvu,afin de discerner si, en réalité, il en est bien ainsi et passeulementauvudeceuxquienontparlé.

Encore une fois ce n’est pas parce que untel ou untelsoutient une thèse qu’elle est vraie ; peut-être est-ce parce

Page 30: RAISONNER EN VÉRITÉ · 2015. 9. 15. · œuvres de Staline et de Lénine. Une armée de rédacteurs veille à polir chaque texte, à faire respecter chaque détail du rituel de

qu’elle est vraie qu’il l’a soutient. Voilà ce qu’il faut êtrecapable de juger.Notons qu’en philosophie comme en sciencel’argumentd’autoritéest leplusfaiblealorsqu’enthéologie, ilestindispensable,lorsqu’ils’agitdel’autoritédivineexpliciteàtraversl’Écritureoulesactesdumagistère.

Certains auteurs ressemblent davantage à des philodoxesqu’àdesphilosophes,n’enseignantjamaisquecequelesautrespensent. Rappelons ce mot de saint François de Sales,théologiencertes,maisquiéclairenéanmoinsnotresujet:Monœuvreestsanscitations,car lesdoctesn’enontpasbesoinetles autres ne s’en souviennent point.Quand j’use des parolesde l’Écriture, ce n’est pas toujours pour les expliquer, maispour m’expliquer par icelles, comme plus aimables et plusvénérables.OnconnaîtaussicettepenséedeThomasd’Aquin:l’étudedelaphilosophien’apaspourbutdesavoircequeleshommes ont pensé, mais de savoir ce qu’est la vérité deschoses9.Cettedernièreremarquenemetpasencause,biensûr,la nécessité de connaître l’histoire en général et celle de laphilosophieenparticulier,siutilepour lapartiedialectiquedetouterechercheintellectuelle.

4.Ilyenad’autresquiveulentquetoutleursoitditaveccertitude,c’està-dire par une recherche rationnelle attentive et rigoureuse. Cela seproduit en raison de l’excellence du jugement de leur intelligence, et deleurcapacitéàchercher les raisonsdeschoses.Celadit, ilne faudrapaschercherlacertitudelàoùellenepeutexister.

Nousavonsillustrécelaplushaut.Onnedoitpasavoirdescrupules intellectuels, mais chercher à résoudrescientifiquement si la matière le permet et le commande, enmatière nécessaire ; si les arguments ne sont que probables laconnaissance ne sera pas parfaite mais seulement d’opinioncomme on le verra en dialectique. Enfin on doit chercher une

Page 31: RAISONNER EN VÉRITÉ · 2015. 9. 15. · œuvres de Staline et de Lénine. Une armée de rédacteurs veille à polir chaque texte, à faire respecter chaque détail du rituel de

certitude approchée en matière pratique en s’appuyant surl’expérience, lesconseils,cequine relèvepasseulementde lalogiquemais de la vertu de prudence ; nous en reparlerons enconclusionduchapitresurlarhétorique.

5.Certainespersonness’attristentsiquelqu’uns’enquiert(delavérité)aveccertitudeparunexamenattentifet rigoureux.Celapeut seproduirepour une première raison, l’impuissance à faire des liens : ayant uneraison faible, ilsn’arriventpasàconsidérer l’ordreet ladépendancedesprincipes aux conclusions. La seconde raison est lamicrologie, c’est-à-dire le raisonnement jusqu’aux choses les plus infimes. Une certainesimilitudedecelaexistedansunerechercheconduiteaveccertitudeetquidiscutejusqu’auxpluspetiteschosessansriennégliger.Onauneimagedeceladanslesrepasoùchacunparticipeparsonécotàlatablecommuneetoù ilestcontraireà la libéralitéde toutcompter jusqu’auxpetiteschosesen ratiocinant ; pareillement il y a quelque chose d’importun et quimanque à la libéralité à ce qu’un homme veuille discuter jusqu’au plusinfimedétaildanslaconnaissancedelavérité.

Ce texte est suffisamment explicite par lui-même.Le désirduvraidoitsusciterunevertu,labienveillance,quipeutouvrirnotre intelligence même lorsque « c’est difficile » ! Il fautapprendreàsedisciplinerpourmonterlesmarchesuneàune,encommençantparlapremière,cellequiestànotreportée.

Enfin,ilnefautpasratiocinernimultiplierlesdistinctions.Nousauronsl’occasiond’enparler:lejugementesttoujoursletermede la résolutiond’unproblème ;bienencomprendre lesdonnéespermetdesavoiroùetquands’arrêter,etdediscernercequiestessentieldecequin’estqu’accessoire.

Texten°23Ladivisiondelalogique

Page 32: RAISONNER EN VÉRITÉ · 2015. 9. 15. · œuvres de Staline et de Lénine. Une armée de rédacteurs veille à polir chaque texte, à faire respecter chaque détail du rituel de

Ces pages ne sont pas disponibles à la pré-visualisation.

Page 33: RAISONNER EN VÉRITÉ · 2015. 9. 15. · œuvres de Staline et de Lénine. Une armée de rédacteurs veille à polir chaque texte, à faire respecter chaque détail du rituel de

del’un–leprédicat–jesuisamenéàconcevoirl’autredanslamesuremêmeoùcettelumièrem’yaide,parcequeantérieureetplusconnue.C’estle«génie»,pourrait-ondire,delarelationdene se situerdansaucundes corrélatifs,maisbiendans leurdépendance réciproque. La question : « Qu’est-ce qu’unlézard ? » signifie alors : « Que concevoir quand je dislézard?».Sijedis:«Lelézardestvert»,jefaisunecertaineprédication;maismaraisonmesignalealorsqu’ilnes’agitqued’un accident du lézard, car tous ne le sont pas, c’est lecaractèresingulier de ce lézard-ci ; jenepeuxdoncconcevoirtotalement«lézard»endépendancede«vert»;iln’estpas«levert », et ce n’est pas d’abord dans la similitude du lézard àl’herbe (verte), à l’émeraude (verte) que je le conçois ! Enrevanche, le concevoir comme « animal » me le ditessentiellement, etma raisonme signale que c’est songenre ;tout lézard est intrinsèquement animal, mais communémenttoutefois,cariln’estpasquecela:ilestunesorted’animal.

Leprédicatmefaitdoncconnaîtrelesujetouquelquechosedusujet.«Qu’est-cequ’unanodonte?»…jeneconçoisrien!« L’anodonte est un animal » : alors je le conçoiscommunément, grâce à cette prédication. Ce sera plus distinctpar la définition complète :mollusque bivalve d’eau douce,àcoquille mince dont la charnière est dépourvue de dents. Jeconçois anodonte grâce à toutes ces prédications. Il ne s’agitdoncpassimplementdusensd’unmot–auplangrammatical–,mais de la formation d’un concept, c’est-à-dire de l’acte deconception de l’intelligence, ordonné par la relation deprédication. La conception – formation du concept – dépenddoncdelaprédication,premièreétapedudiscoursdelaraison,etc’estpourquoil’étudedesdifférents«degrés»deprédicationet leur maîtrise par la raison orientent la formation de mesconcepts.

Page 34: RAISONNER EN VÉRITÉ · 2015. 9. 15. · œuvres de Staline et de Lénine. Une armée de rédacteurs veille à polir chaque texte, à faire respecter chaque détail du rituel de

Mais l’expérience nous apprend que l’appréhension d’unêtre est d’abord tellement liée aux aspects sensibles, les plusconnusdenousetà travers lesquels ilnousapparaît–auseindesquels je le saisis – que le concept qui en est formé, estd’abordconfus (cf. texten°27).C’estpourcelaque, faceà laquestion:«Qu’est-cequ’unlézard?»,jeledécrisvolontiers:« vert, vif, furtif, à longue queue, se chauffant entre lespierres…».Mais,décrivantainsiunlézard,jedisenfaitquelilest,commentilest,oùilest,cequ’ilfait…maisjenesaisisqueconfusémentcequ’ilest.Endisant:«C’estunanimal»,jesorsdelaconfusion.Cetteprédicationn’aplus lamêmevaleurqueles précédentes, tout en restant universelle comme « vert, vif,furtif»:elleestuniverselleessentielle,lesautresaccidentelles.C’est cet l’ordre d’universalité de tous ces prédicats qu’il fautmaintenantconnaître.

1.L’universalité

Le caractère du concept d’où nous allons dégager les cinqprédicables est son universalité, puissance d’exprimer en unereprésentationuniqueplusieurssinguliersexistants.L’universelduconceptestunepuissancedereprésentation.Lesensdumot,unus versus multa, indique que l’intelligence saisit dans lamultiplicitél’unitéd’unesimilitude.C’estd’abordentantqu’«elles sont » que les choses sont perçues. C’est leur toutepremièreressemblanceetlapluscommune,quantàl’être.C’estcequ’indiquenotrelangue:c’estceci,c’estcela…Cetêtre,telqu’il est perçu, est riche en distinctions à venir, mais pauvreencore en actualité. Il faut alors se garder de confondre ledistinctdelasensation,celuideschosessingulièresdontl’êtreestperçu, avec l’universel confusdecette intellection.Comme

Page 35: RAISONNER EN VÉRITÉ · 2015. 9. 15. · œuvres de Staline et de Lénine. Une armée de rédacteurs veille à polir chaque texte, à faire respecter chaque détail du rituel de

ditAristote :«L’enfantappellepère tous leshommesetmèretouteslesfemmes,plustardilferaladistinction»1.Saisissanteneffetl’humanité–communeàtousleshommes–ill’exprimeeffectivement par le mot signifiant sa connaissance sensible,concrète et proche, familière, et cemot c’est :papa. Il parleradonc d’un homme en disant un papa. Plus tard, il fera ladistinction des mots (homme, père) en exprimant ainsi uneconnaissance distincte. (Voir le texte n° 28). La réflexion surl’universalitéduconceptvapermettrededégagercinqdegrésdelaprédication:lesprédicables.

2.Lesprédicables

–Legenre :Réfléchissant sur lapremière similitude et laplus essentielle, celle justement qui représente le « ce quec’est » de la chose connue, la raison va choisir d’exprimer cecommun,apteàêtredistingué:c’estlegenre.Relativementauréel, il exprime l’essentiel, et relativement à l’acte deconnaissance, il exprime cette puissance à engendrer unereprésentationplusdistincte.C’estcettedernièrecaractéristiquequil’afaitnommergenre,commel’expliquePorphyre(texten°29).Endégageant legenre, la raisondégage leconcept leplusuniversel, celui qui a le pouvoir de représentation le pluspuissant – multitude des espèces – à partir duquel les autresseront engendrés. Mais le plus universel aussi en raison del’unité du point de vue commun, unité essentielle et nonextrinsèque.Legenredetoutesleschosesblanchesn’estpasungenre, car cequi fait qu’une chose est cequ’elle est n’est pasd’abord sa blancheur. En revanche, le genre des corps en estbienun,rassemblantsousluiastresetcorpscélestes,minéraux,liquides,végétaux,animaux,toussubstancesmatériellesàtrois

Page 36: RAISONNER EN VÉRITÉ · 2015. 9. 15. · œuvres de Staline et de Lénine. Une armée de rédacteurs veille à polir chaque texte, à faire respecter chaque détail du rituel de

Ces pages ne sont pas disponibles à la pré-visualisation.

Page 37: RAISONNER EN VÉRITÉ · 2015. 9. 15. · œuvres de Staline et de Lénine. Une armée de rédacteurs veille à polir chaque texte, à faire respecter chaque détail du rituel de

opinions soient aussi inconciliables qu’elle peuvent leparaître.

Sir Kenneth : Je suis heureux d’entendre cela,mêmesic’estoptimiste.Encorequejenedistinguepasnettement…

SirArthur:Aufond,c’estuntrèsbonsigne.Sir Kenneth : Que… je ne distingue pas

nettement?SirArthur:Non,non!Quecesopinionsparaissent

inconciliables.SirKenneth:Untrèsbonsigne?SirArthur:Biensûr.Sitoutlemondeiciavaitplus

oumoinspensé lamêmechose, le comité aurait torchéune définition en deux coups de cuiller à pot.Croyez-vousqu’elleauraitététrèsvalable?

SirKenneth:Pourquoipas?Letempsnefaitrienàl’affaire.

Sir Arthur : Sans doute. Mais une définition del’homme issue d’une douzaine de sujets britanniquesimmédiatementd’accordauraiteudegrandeschances,ilme semble, de n’être rien de plus qu’une définition del’homme anglo-saxon.Ce n’est pas ce qu’on attend devous.

SirKenneth:Bonsang.Vousn’avezpastort.Sir Arthur : Tandis que l’éloignement même des

conceptions de vos honorables collègues va les obligerpeu à peu, au cours de disputes orageuses peut-être, àdépouiller ces conceptions de tout ce qui les sépare,pournegarderenfindecomptequelenoyausecretdecequ’ellesontentreellesdecommun.

SirKenneth:C’estparfaitementvrai.SirArthur:Ilvousfaudradelapatience,voilàtout.

Page 38: RAISONNER EN VÉRITÉ · 2015. 9. 15. · œuvres de Staline et de Lénine. Une armée de rédacteurs veille à polir chaque texte, à faire respecter chaque détail du rituel de

SirKenneth :Oui…oui…ce n’est pasmon fort,j’enaipeur.

LecaptainThropp:Leshommesportentdesgris-gris ; les animaux n’en portent pas. Il s’ensuit deuxpropositions qui s’éclairent l’une l’autre : « Il n’existepasd’espèceanimalequimontre, fût-ceà l’état leplusrudimentaire,

dessignesd’espritmétaphysique».«Iln’existepasde race humaine qui ne montre, ne fût-ce qu’à l’étatrudimentaire, des signes d’esprit métaphysique. » Neserait-cepaslàunedistinctiondécisive?

LadyDraper :Maisn’estcepasunpeucommesil’ondisait :«Iln’existepasd’espèceanimalequiaillechez le coiffeur. Il n’existe pas de race humaine quin’aille, de façon ou d’autre, chez le coiffeur.Donc, cequidistinguel’Hommedelabête,c’estqu’ilvachezlecoiffeur?»

Sir Arthur : Ce ne serait pas aussi idiot qu’il yparaît.Sil’oncreusaitunpeuvotrehistoiredecoiffeur,ontrouveraitquel’hommeprendsoindesonapparence,labêtenon.Autrementdit,ontrouveraitlesidéesderiteoudebeauté:idéestouteslesdeuxtrèsmétaphysiques.Tout se ramèneàça,voyezvous :que l’hommese posedesquestions,quelabêtenes’enposepas…

LadyDraper:Qu’ensavons-nous?SirArthur :Disons :que l’hommeparaît seposer

desquestions,quelabêteneleparaîtpas…Ouencore,plus exactement : la présence de signes d’espritmétaphysique prouve que l’homme se pose desquestions ; leur absence sembleprouverque la bêtenes’enposepas.

Ledoyen:MaisvousparlezcommeWesley?

Page 39: RAISONNER EN VÉRITÉ · 2015. 9. 15. · œuvres de Staline et de Lénine. Une armée de rédacteurs veille à polir chaque texte, à faire respecter chaque détail du rituel de

Legentlemanélégant:Oùprenez-vouscela?Le doyen : Ce qui distingue l’homme de la bête,

c’estlaprière.Legentleman:Jen’airienentendudepareil!Ledoyen:Parcequ’iln’estpiresourd…Legentlemanélégant : J’aimême entendu tout le

contraire.Rampoleadit:«Lecerveaudel’hommesaisitlaréalitéderrièrel’apparence.Celuidel’animalnesaisitpas même l’apparence ; il ne peut dépasser lasensation.»

Le doyen : Mais Thropp l’a démenti ! Rappelez-vous lemacaquedeVerlaine : il distinguaitun triangled’un losange, un losange d’un carré, un tas de dixharicotsd’untasdeonze.

SirArthur(doucement):Jepourraispeut-êtrevousmettred’accord.

SirKenneth:Jevousenprie.Sir Arthur : En comparant l’intelligence de

l’hommeetdelabête,leprofesseurRampolenousaensommemoinsparlédequantitéquedequalité.Ilamêmeprécisé qu’il en va toujours ainsi dans la nature : unepetite différence de quantité peut provoquer unemutation brusque, un changement total de qualité. Parexemple,sil’onchauffedel’eau,onpeutluiajouterdesquantitésdecaloriessansqu’ellechanged’état.Etpuis,à un certainmoment, un seul degré suffit pour qu’ellepasse de l’état liquide à l’état gazeux. N’est-ce pas cequis’estpassépour l’intelligencedenosancêtres?Unpetitsupplémentdequantitédanslesliaisonscérébrales–peut-êtremêmeinsignifiant–luiafaitfaireundecessautsquiadéterminéunchangementtotaldequalité.Desorte…

Page 40: RAISONNER EN VÉRITÉ · 2015. 9. 15. · œuvres de Staline et de Lénine. Une armée de rédacteurs veille à polir chaque texte, à faire respecter chaque détail du rituel de

Ces pages ne sont pas disponibles à la pré-visualisation.

Page 41: RAISONNER EN VÉRITÉ · 2015. 9. 15. · œuvres de Staline et de Lénine. Une armée de rédacteurs veille à polir chaque texte, à faire respecter chaque détail du rituel de

sans que ce dernier indiquenécessairement la quiddité ouunepartiedecelle-ci.

La relation du genre à l’espèce est plus fondamentale quecetteclassificationopératoiredessciencesd’observation.C’estce qu’exprime l’étymologie du mot classe : appel des jeunesgenssouslesarmes.C’estaussicequ’exprimebienPierre-PaulGrassé quand il dit, en parlant du genre et de l’espèce de lataxinomie biologique : « Le genre réunit des espèces ayantentreellesdenombreusesressemblancesetnedifférantqueparquelques caractères. Tout de suite on comprend ce que leconceptdegenrepeutavoird’artificiel,ilfaitappel,bienplusencorequeceluidel’espèce,àdesappréciationssubjectives».Contrairementàcela,danslecasdugenrelogique,iln’yariende subjectif ni d’artificiel puisqu’il s’agit de dire ce quel’intelligence rejoint, l’être de la chose connue. Et c’est pourcelaqueLavoisierdéfinitlaclasseetnonlegenre,quoiqu’ilenpense,quandildit:«Dansl’ordrenatureldesidées,lenomdela classe ou du genre est celui qui exprime un caractèrecommunàungrandnombred’individus;aucontrairelenomd’espèceexprimeunequalitéparticulièreà certains individusseulement».Cen’estpaseneffetd’abordlenombred’individusregroupésquiferalegenreoul’espèce,maisbienlefaitdedire«cequ’est»lachose,un«quid»etnonuncaractèrepropreouaccidentel, un «quale ». L’échelle des termes qui servent à lataxinomiebiologiqueetquipartdurègne(animal,végétal)pouraller jusqu’à l’espèce (au sens de la classe) en passant parl’embranchement, la famille, etc., ne rencontrequ’imparfaitement les notions précises de genre et d’espèce,relationslogiques.Cettedistinctionneremetpasencause,biensûr,lavaleur«scientifique»delaclassificationquecestermesopèrent.

La recherche d’un genre doit donc se préoccuper du

Page 42: RAISONNER EN VÉRITÉ · 2015. 9. 15. · œuvres de Staline et de Lénine. Une armée de rédacteurs veille à polir chaque texte, à faire respecter chaque détail du rituel de

caractère essentiel que la chose possède en commun avecd’autres êtres semblables. Cette recherche sera aidée par unautreinstrumentabordéauxchapitressuivants:lescatégories.

•Enfin, legenreestrelatifà l’espèce, point sur lequel ladéfinitiondeLavoisiernepèchepas,danslacitationrapportéeplushaut:«Ilcontient lamultitudedesespècesrangéessouslui » ; il « est une sorte de principe pour toutes les espècessubordonnées » nous dit Porphyre (cf. texte n° 29 au chapitreprécédent). Il faut comprendre par là que le genre exprime lepremier concept à partir duquel les distinctions seront faites.Cette antériorité, expriméepar lanotiondepuissance, confèreaugenrelerôledeprincipedansledynamismedelaraisonversune conception plus distincte : le genre devient une sorte degénérateur.Celaexpliquel’originedesonnom,genusetγηνοςdanslaquelleonretrouvedeuxidées:unemultituded’individussemblablesentreeuxetparrapportàunseulêtred’unepart;lepointdedépartdelagénérationdechaquechosed’autrepart.Cesdeuxidéesquicaractérisentunefamilleouungenredanslagénérationphysique, celle des vivants, permettent d’étendre lemotàunegénérationconceptuelle,àunefamilleouàungenredans l’intelligence. La puissance du genre manifeste bien larichesse de la connaissance confuse et révèle enmême temps,par sa pauvreté en distinction, la nécessité du discours de laraison venant opérer cette distinction. Par le genre, la raisonexprime son enracinement dans une appréhension initiale. Legenre, distinct des quatre autres universels (cf. texte 32) estcomme une origine, il oriente le discours de la raison ; c’estdans sa lumière que les relations de raison restent enracinéesdansl’appréhensioninitialedel’être.

A titre d’exemple on peut proposer la question suivante :danslesphrasessuivantes,lemot«instrument»joue-t-illerôle

Page 43: RAISONNER EN VÉRITÉ · 2015. 9. 15. · œuvres de Staline et de Lénine. Une armée de rédacteurs veille à polir chaque texte, à faire respecter chaque détail du rituel de

d’ungenre:«Lalogiqueprocuresesinstrumentsautravailspéculatif»3.«Lamainestinstrumentd’instruments»4.L’agricultureutilisedesinstrumentsaratoires.Le baromètre, la boussole et le compas sont des instruments de

précision.L’orgueestuninstrumentàsoufflerie.Lemotestl’instrumentdelapensée.–Gluck fut l’instrument de la révolution dramatique que les

philosophespréparaientdepuisvingtans5.

La réponse n’est pas uniforme, et permet de faire ladifférenceentreunmotcommunetungenrecommun.Legenreeneffetditcequesont leschosescommunément,significationquidoit se retrouverdans toutessesespèces,uneet lamême ;est-celecasici?

Lalogiquen’apaspourgenreinstrument;elleestd’abordun art ou une science, disposition de l’esprit et, par analogieavecd’autres choses différentes dans leur êtremais qui ont cecaractèredenepasêtrevouluespourelles-mêmesmaisenvued’autrechose,elleestditeinstrument.

Demêmepourlamainquiestd’abordunepartieducorps,êtrevivant,diteinstrumentparanalogie.

Les instrumentsaratoires (charrue…etc.), comme tous lesoutils sont bien des espèces d’instruments, le mot signifiantalors une nature commune : objet matériel fabriqué pourfaciliteruneopérationhumaine,commelebaromètreettouslesinstruments de mesure, l’orgue et tous les instruments demusique,auxquelsonpourraitajouterlesustensilesdecuisine,lesarmes…etc.Lemotàlalimiteestaussiuneespècedecettesorte,mais l’œuvre qu’il facilite est une pensée, immanente etnon transitive, ce qui le fait sortir de la notion génériqueentendueausensstrict.

Page 44: RAISONNER EN VÉRITÉ · 2015. 9. 15. · œuvres de Staline et de Lénine. Une armée de rédacteurs veille à polir chaque texte, à faire respecter chaque détail du rituel de

Ces pages ne sont pas disponibles à la pré-visualisation.

Page 45: RAISONNER EN VÉRITÉ · 2015. 9. 15. · œuvres de Staline et de Lénine. Une armée de rédacteurs veille à polir chaque texte, à faire respecter chaque détail du rituel de

et à un moment donné seulement, comme blanchir appartient àl’hommedans lavieillesse.Lequatrièmepropre,à lafois,appartientàuneseuleespèce,àtoutecetteespèceettoujours,commeilappartientàl’hommed’êtrecapablederire.Carmêmes’ilneritpastoujours,ilestcependantcapablederire,nondufaitqu’ilritencemoment,maisqu’ilest naturellement apte à rire ; cela lui est toujours naturel, comme auchevaldepouvoirhennir.C’estlàlepropreausenspropre,cariladmetmême la réciprocation.En effet, tout ce qui est cheval peut hennir, ettoutcequipeuthennirestcheval.

Aristote,LesTopiques,V,1.Un propre donné est ou en soi et toujours, ou relativement à une

autrechoseetpouruntemps(…).Lepropreensoi,c’estceluiquiestdonnéd’unechoseparcomparaisonavectouteslesautreschosesetquilaséparedetoutlereste:quantondit,parexemple,del’hommequ’ilest un animalmortel susceptible de recevoir la science. –Le proprerelatif, c’est celui qui délimite le sujet, non pas de tout le reste,maisseulement de quelque chose de défini : ainsi le propre de la verturelativementàlascience,c’estquelapremièreseproduitnaturellementdansplusieurspartiesde l’âmeet la seconde, seulementdans lapartierationnelle et chez les êtres qui possèdent la raison. – Le propreperpétuel,c’estceluiquiestvraientouttempsetnefaitjamaisdéfaut:comme,parexemple,pourlevivantd’êtrecomposéd’âmeetdecorps.–Lepropretemporaire,c’estceluiquin’estvraiquepouruncertaintemps et ne découle pas nécessairement du sujet : c’est, par exemple,pourtelhommedesepromenersuruneplacepublique.

1.Contrairementàcequepense lecourant rationaliste issuducriticismekantien.2. C’est Porphyre (233-304), dans son traité Isagoge, uneintroduction au commentaire du traité des Catégoriesd’Aristote,quidonnelepremierl’étudelaplussystématiquedesprédi-cables;ilydéfinitlegenre,attributessentielapplicableà

Page 46: RAISONNER EN VÉRITÉ · 2015. 9. 15. · œuvres de Staline et de Lénine. Une armée de rédacteurs veille à polir chaque texte, à faire respecter chaque détail du rituel de

une pluralité de choses différant entre elles spécifiquement.C’estladéfinitionqu’Aristote,sixcentsansplustôt,avaitdéjàdonnéedanslesTopiques,I5,102a30.3.StThomasd’Aquin,CommentaireduDeTrinitate,Q.5,a.1,ad2.4.StThomasd’Aquin,CommentaireduDeanima,L.III,ch.8,432al.5.R.Rolland.6.Porphyre,Isagoge,8-20.7.Ibid.,12-10.8.Ibid.,11.9.Topiques,I,5.10.Porphyre,Isagoge,13-3.11.Topiques,I,5.12.CommentariainPorphyriiIsagogen,c.4,Romae,1934,p.119.

Page 47: RAISONNER EN VÉRITÉ · 2015. 9. 15. · œuvres de Staline et de Lénine. Une armée de rédacteurs veille à polir chaque texte, à faire respecter chaque détail du rituel de

CHAPITREVII

LESCATÉGORIESOUPRÉDICAMENTSPRÉSENTATIONGÉNÉRALE

A.Lesprédicaments

1.Lestermes:catégories,prédicamentsouattributions?

Plusieursmotspeuvent serviràdénommercette relationderaisonappeléeparAristotecatégorie;leslatinsontparlé,eux,de prédicaments, alors que certains traducteurs d’Aristoteproposèrentletermed’attributions.Letermecatégorieestunetranscription du mot grec dont la racine est celle du verbeκατηγορηται,s’attribueràouseprédiquerde,quiadonnésontitre à l’ouvrage κατηγοριαι. Ce terme, à l’origine, désigne lefaitd’accuserpubliquementenjustice(αγορα).L’idéeexpriméeest donc cellede faire connaître en attribuantquelque chose àunepersonneouàunechose.Letermeattribution rappelle,enfrançais, celui de la notion grammaticale voisine, l’attribut :manièred’êtreaffirméedusujetparlemoyend’unverbe.C’estpourquoionluipréfèreletermeprédicamentmoinshabituel;ilcomporte la même racine que prédicable, mais le suffixe«ment»sertàlaformationd’unnometalesensdel’action:leprédicament rejointdonc«ce »que l’onveutdireplusque le«comment»onledit.

Page 48: RAISONNER EN VÉRITÉ · 2015. 9. 15. · œuvres de Staline et de Lénine. Une armée de rédacteurs veille à polir chaque texte, à faire respecter chaque détail du rituel de

Ces pages ne sont pas disponibles à la pré-visualisation.

Page 49: RAISONNER EN VÉRITÉ · 2015. 9. 15. · œuvres de Staline et de Lénine. Une armée de rédacteurs veille à polir chaque texte, à faire respecter chaque détail du rituel de

Tableaudescatégoriesetdestermesgrecsoulatinsemployés:

Texten°36L’êtreetlesdixprédicaments

SaintThomasd’AquinCommentairedelaPhysique,L.III,l.5,n°322.

L’être se divise en dix prédicaments, mais non de façon univoquecomme le genre en espèces,mais selon les différentsmodes d’être. Lesmodesd’êtreeneffetsontproportionnésauxmodesdeprédiquer.Car,enprédiquantquelquechosed’autrechose,nousdisonsquececiestcela:decefaitlesdixgenresd’êtresontappelésdixprédicaments.

Ilyatroisfaçonsdefaireuneprédication:1.–Lapremièreestlemodeparlequelonprédiqued’unsujetcequi

appartient à son essence, comme quand je dis : Socrate est un homme,ou:l’hommeestanimal ;c’estainsiquesecomprendleprédicamentdelasubstance.

2.–Lesecondmodeestceluipar lequelonprédiqued’unechosecequin’estpasdesonessence,maisluiestcependantinhérent.

Que cela soit du côté de la matière du sujet, et on a alors leprédicamentde laquantité (la quantité en effet découle enproprede lamatière : c’est pour cela que Platon posait la grandeur du côté de lamatière).

Page 50: RAISONNER EN VÉRITÉ · 2015. 9. 15. · œuvres de Staline et de Lénine. Une armée de rédacteurs veille à polir chaque texte, à faire respecter chaque détail du rituel de

Celapeutaussidécoulerdelaformeetonaalorsleprédicamentdelaqualité (et par là les qualités sont fondées sur la quantité, comme lacouleursurlasurfaceetlesfiguressurleslignesoulessurfaces.)

Ce qui est inhérent à l’essence peut enfin venir d’une dépendance àquelquechosed’autre,etc’estainsiqu’onaleprédicamentdelarelation.Eneffetquandjedis:l’hommeestpère, jeneprédiqueriend’absoludel’homme,maisparrapportàcequiestenluirelativementàquelquechose–adaliquid–d’extrinsèque.

3. – Il existeun troisièmemode de prédiquer, quand quelque chosed’extrinsèque est prédiqué de quelque chose par le mode d’unedénomination quelconque : c’est de cette manière en effet que lesaccidents extrinsèques sont prédiqués des substances ; car on ne dit pasquel’hommeestblancheur,maisquel’hommeestblanc.Êtredénomméàpartir de quelque chose d’extrinsèque se retrouve communément pourtouteschosesetparfoisspécialementpourcequiappartientauxhommesseulement.

a)D’unefaçoncommune,unechosesetrouvedénomméeparquelquechosed’extrinsèque, soit selon la raisondecause, soit selon la raisondemesure;eneffet,c’estparquelquechosed’extérieurqu’ondénommeunechosecommecauséeoumesurée.

• Or, il y a quatre genre de causes, dont deux d’entre elles sont despartiesessentielles, lamatièreet la forme: laprédicationquiseproduiraselon ces deux causes appartiendra donc au prédicament substance,commelorsquenousdisonsquel’hommeestrationneletquel’hommeestcorporel. La cause finale, elle, n’exerce pas sa causalité en dehors del’agent:carc’estentantqu’ellemeutl’agentquelafinaraisondecause.Ilnerestealorsquelacauseefficienteparlaquelleonpeutdénommerunechosecommedel’extérieur.

C’estpourquoi, lorsqu’unechoseestdénomméeàpartird’unecauseagente,ilyaleprédicamentdelapassion;eneffet,pâtirn’estriend’autrequesubirquelquechosedelapartd’unagent;etaucontraire,lorsqu’onnomme la cause agente à partir de son effet, on a le prédicament del’action, car l’actionest l’actede l’agentdansautre chosecommeon l’aditplushaut(cf.mêmeleçonn°316).

•Lamesure, quant à elle, est tantôt extrinsèque et tantôt intrinsèque.Intrinsèque comme dans le cas de la longueur, de la largeur ou de laprofondeurd’unechose:àpartirdecesmesures,ondénommedoncunechoseàpartirdecequiluiest inhérentet intrinsèque:celaappartientauprédicamentdelaquantité.

Page 51: RAISONNER EN VÉRITÉ · 2015. 9. 15. · œuvres de Staline et de Lénine. Une armée de rédacteurs veille à polir chaque texte, à faire respecter chaque détail du rituel de

Lesmesuresextérieuressontletempsetlelieu.Quandunechoseestdénomméeàpartirdutemps,onaleprédicament

quando(quand).Selonqu’unechoseestdénomméeàpartirdulieu,onaleprédicament

ubi (où)etposition, lequelajouteauubi l’ordredespartiesdans le lieu.Cela, il n’est pas nécessaire de l’ajouter pour le temps, car l’ordre despartiesdansletempss’inscritdansladéfinitiondutemps:letempsesteneffet le nombre du mouvement selon l’avant et l’après. Ainsi, on ditquandonestouoùonestpardénominationdutempsoudulieu.

b) Il y a cependant quelque chose de particulier aux hommes. Eneffet,auxautresanimaux,lanaturedonnesuffisammentcequipermetlaconservation de la vie, comme des cornes pour se défendre, une peauépaisseetcouvertedepoilspoursevêtir,desonglesouquelquechosedesemblable pour couper sans se blesser. Et c’est ainsi qu’on dit que lesanimauxsontarmés,vêtusouchaussés,nonpardénominationàpartirdequelquechosed’extérieur,maisparl’uneoul’autredeleursparties.Celarevientpoureuxauprédicamentsubstance :commelorsque l’onditquel’hommeestpourvudemainsoudepieds.

Mais de telles choses ne pouvaient être données à l’homme par lanature, tant parce qu’elles n’étaient pas adaptées à la subtilité de saconstitution, qu’en raison des œuvres multiformes qui conviennent àl’homme du fait de sa raison, et pour lesquelles la nature ne pouvaitadapter tous les instruments déterminés : cependant, à la place de tousceux-ci, l’hommepossèdelaraisonpar laquelle ilsefabriquelesœuvresextérieures : instruments, outils, ustensiles, machines…, que les autresanimauxpossèdenteneux-mêmes.De là,direque l’hommeest arméouvêtuouchaussé,c’est ledénommerparquelquechosed’extrinsèquequin’apasraisondecausenidemesure:c’estpourquoiilyaunprédicamentspécialqu’onappellepossession.

Mais il faut faire attention à ce que, même chez certains animaux,quandceprédicamentest attribué, cen’estpasen tantqu’on les regardedansleurnaturemaisentantqu’ilsdeviennentutilesauxhommes,commelorsquenousdisonsquelechevalporteunharnaisdeparadeouestselléouarmé.

Page 52: RAISONNER EN VÉRITÉ · 2015. 9. 15. · œuvres de Staline et de Lénine. Une armée de rédacteurs veille à polir chaque texte, à faire respecter chaque détail du rituel de

Ces pages ne sont pas disponibles à la pré-visualisation.

Page 53: RAISONNER EN VÉRITÉ · 2015. 9. 15. · œuvres de Staline et de Lénine. Une armée de rédacteurs veille à polir chaque texte, à faire respecter chaque détail du rituel de

les rendmanifestes : c’est bien par une caractéristique qui luiappartientquelemielestdoux,parexemple,maisc’estparunemodification du goût que cette caractéristique est connue (cf.texten°44).

•Enfin,lesqualitésdelapremièresorte,lesdispositionsethabitus(deεξις–état)sontdesdéterminationsquiordonnentlesujet au bien de tout son être, à la perfection conforme à sanature, c’est-à-dire en définitive à sa fin. L’habitus est unedisposition durable, acquise à titre de caractère permanent,comme une science, une vertu, par exemple. La disposition(διαθησις)pouvantêtremuefacilementn’apas,elle,lastabilitéde l’habitus : elle ordonne toutefois le sujet à l’opérationconformeàsanature.L’oreillemusicaleetlajustessedelavoixsont des dispositions permettant de déceler chez un enfant untalentdemusicien;maiscetenfantadéveloppéetordonnésesdonset a acquis la facilitéde jeuqui lui assure lamaîtrisedel’œuvre : il pourra alors la donner, en acte, et atteindre, ainsiqu’onledit,laperfection.

c)Propriétésdelaqualité

• La plupart des qualités admettent des contraires :vicieux/vertueux, humide/sec ; mais certaines puissances ainsiquelesqualitésfondéessurlaquantitén’enadmettentpas:pasdecontrairesàcirculaireouàcapabledevoler.Ilfautbienvoirlaspécificitédelacontrariétéquiposeuneoppositionmaximaleentrelesextrêmesd’ungenre;elleasouventlaprivationcommefondement, mais ne se confond pas avec elle (cf. le post-prédicamentopposition).

• Les qualités, à la différence de la quantité, admettent leplus et lemoins ;mais, comme précédemment, certaines ne lepeuvent :un rythmepeutêtreplusoumoinsmarqué,maispas

Page 54: RAISONNER EN VÉRITÉ · 2015. 9. 15. · œuvres de Staline et de Lénine. Une armée de rédacteurs veille à polir chaque texte, à faire respecter chaque détail du rituel de

plus ou moins ternaire. Cette propriété ne va pas sansdifficultés,dufaitquelaqualité,lajustice,parexemple,existetoujoursdansunsujet(cf.texten°45).

•Enfin,lepropredelaqualitéestlasimilitude.Desqualitésne sont ni identiques ni égales, mais semblables oudissemblables : propriété connexe avec le plus et lemoins, etqui encore une fois la différencie de la quantité et de lasubstance:silecercle(quantité)estsemblableàl’ellipse,c’estpar sa rondeur (qualité) ; si le papillon et le canard (deuxsubstances) sont semblables, c’est par leur aptitude au vol(qualité),etc.

4.Larelation(προςτι:«adaliquid»)

Entouterigueur,larelationneditpas«quelquechose»dusujet,maisditquelesujetest«àquelquechose».Onvoitparlà sa nature difficilement saisissable : elle nécessite deuxcorrélatifs, mais ne se trouve en aucun d’eux totalement etindépendammentde l’autre : lepèreestpèred’unfilsetd’unefille ; eux-mêmes sont telspar rapport àunpèreouunemère.Mais«quepèse»cettedépendancedansl’existenceparrapportà ces êtres que sont la substance, la quantité, la qualité dusujet ? C’est dans doute ce caractère apparemment très faibleparmilescaractéristiquesinhérentesàlasubstancequiconduisitcertains à poser la relation comme un être de raison. Qu’enestil?

–Définitioncommune

La relation, ad aliquid, marque la dépendance du sujet àautrechose.Dire l’êtrerelatif,c’estdoncdire«desêtresdont

Page 55: RAISONNER EN VÉRITÉ · 2015. 9. 15. · œuvres de Staline et de Lénine. Une armée de rédacteurs veille à polir chaque texte, à faire respecter chaque détail du rituel de

tout l’être (ce qu’ils sont), on le dit l’être d’autres ou dequelqueautremanièreenrelationàunautre».Aristote,aprèsavoirdonnécettepremièredéfinitionen têteduchapitre7desCatégories,précisesapenséeautermedumêmechapitre:«lesrelatifssontplutôtlesêtresdontl’essenceconsistedanslefaitmêmedesetrouverrelatifsàautreschose»,etilajoute:«lapremièredéfinitionconvientàtouslesrelatifs,maislefaitpourune chose d’être dite d’une autre, cela ne constitue pas sonessencemêmederelatif».Toutcequ’onpeutdire relatifn’estdoncpasnécessairementrelatif.Etleprédicament,quirenvoieàl’ordre de l’être appréhendé par l’intelligence, ne peut secontenterd’unemiseendépendanceopéréeparl’intelligenceausein de sa connaissance. Certes la raison sera la cause d’ungrand nombre de relations – au premier plan desquelles lesrelations logiques, mais aussi les relations simplementnominales(secundumdici)–,maisilyaunrisqueénormeàlesidentifier à des relations réelles (cf. texte n° 46). C’est laconfusionduplanréeletdel’ordrerationnel,l’identificationdelamétaphysique et de la logique, au pire l’impossibilité ou lamort d’une métaphysique réaliste : conséquences de tous lessystèmesbaséssurunpremierprincipedetype«cogito»etnonplus«ens».Ilfautdoncconsidérerlarelationausensstrict–réelle–etausenslarge:touteslesrelationsderaison.

–Unerelationréelleestdoncunemodalitédel’être–unemanière d’être – dont l’essence est un rapport à autre chose.«Père,mère»disentunrapportde«homme»à«filsoufille»;«maître»à«serviteur»;«époux»à«épouse»etc.Larelationsefondeicisurl’action(oulapassion),premierfondement;lesujet dépend du terme de l’action qu’il pose, génération,autorité,donmutuel.L’existencedelarelationetdecorrélatifsnécessaires n’exclut pas l’antériorité dans l’action d’un

Page 56: RAISONNER EN VÉRITÉ · 2015. 9. 15. · œuvres de Staline et de Lénine. Une armée de rédacteurs veille à polir chaque texte, à faire respecter chaque détail du rituel de

Ces pages ne sont pas disponibles à la pré-visualisation.

Page 57: RAISONNER EN VÉRITÉ · 2015. 9. 15. · œuvres de Staline et de Lénine. Une armée de rédacteurs veille à polir chaque texte, à faire respecter chaque détail du rituel de

Texten°41Lespartiesdel’essencenebrisentpassonunité

SaintThomas,CommentairedelaMétaphysique,L.VII,l.IX.

1462–QuandAristoteditque,demêmequeladéfinitionserapporteà la chose, de même aussi les parties de la définition aux parties de lachose,ilsembleyavoirundoute.Ladéfinitioneneffetestidentiqueàlachose. Aussi il semblerait suivre de là que les parties de la définitionsoient identiquesauxpartiesde la chose ; à l’évidence, celaest faux.Eneffetlespartiesdeladéfinitionsontprédiquéesdudéfini,commeanimalet rationnelde l’homme ; eneffet, aucunepartied’un tout intégralne seprédiquedutout11.

1463 – Mais il faut dire pourtant que les parties de la définitionsignifient les parties de la chose, en tant qu’on les tire des parties de lachose;maisilestfauxquelespartiesdeladéfinitionsoientlespartiesdelachose.L’animaleneffetn’estpasunepartiede l’hommenirationnel ;mais l’animal se prend d’une partie et rationnel de l’autre. L’animal eneffet, c’est ce qui a unenature sensitive, rationnel ce qui a la raison.Lanaturesensitiveestcommematérielleparrapportàlaraison.Etdelàvientquelegenreseprenddelamatière,ladifférencedelaformeetl’espècede la formeetde lamatièreensemble.Eneffet, l’hommeestcequia laraisondansunenaturesensitive.

Texten°42Lesdifficultésdeparlerdelasubstance

A. Un « déplacement » prédicamental pour tenter dechangerlesconcepts.(PascalNouvel,Qu’est-cequel’embryonhumain a d’humain ? dans L’embryon humain, Economica,

Page 58: RAISONNER EN VÉRITÉ · 2015. 9. 15. · œuvres de Staline et de Lénine. Une armée de rédacteurs veille à polir chaque texte, à faire respecter chaque détail du rituel de

1996)Dans ce texte aux conséquences graves, l’auteur tente de

relativiser l’humanité de l’embryon humain. Cela touchedirectementauxprédicationsquisemblentignorerdélibérémentla substance et ses propriétés, et sont remplacées ici par desprédications de temps et d’antériorité (qui sont contraires à lasubstancequin’aniplusnimoins,nichangement),derelation(lasubstancenel’estjamais)etdelieu.

(…)Ainsi,cequelabiologieadévoilédanslesièclequis’achève–jedis bien dévoilé et non pas découvert, ce dévoilement étant en quelquesorte ce qu’une série de découvertes a rendu possible – c’estessentiellement cela : que le corps de l’homme est le résultat dudéploiementd’une longuehistoirequi estmatériellement consignéedanssongénome,etque,réciproquement,cegénomeestl’histoiredel’hommematériellement racontée. Cette histoire parle depuis le fond des âges,depuislefonddesgénérationsets’exprimedansnosorganesmêmes,dansnos nerfs, dans nosmuscles, dans nos viscères, elle est notre corps, ouplutôt notre corps est cette histoire dans son déploiement matériel.L’embryonhumain, issud’unecelluleuniqueporteusedecegénome,estce qui contient, gravé en lui, cette histoire, c’est un être en qui cettehistoireestinscriteetquienconstituelavaguelaplusavancéequiabordeauxrivagesdel’humain.

(Analyse1°§:Sihistoireditcequ’estlecorps,alorscedernierestditpar lamodalité d’un post-prédicament, qui suppose de l’antériorité, cequiestcontraireàlasubstance.Anoterlabellemétaphore«lavague…»,mais qui n’en est pasmoins fausse, car l’homme a une histoire, certes,maisest-ilunehistoire…rienn’estmoinssûr).

(…)Suffit-ilque l’histoirequi se racontedanscetembryoncontinuetoutbonnementsondéploiementjusqu’àsonterme,oubiennefaut-ilpasquelque chose de plus ? Imaginons que cet être vienne à l’être dans unmonde vide de tout humain, quelle chance aurait-il alors de devenirhumain?Nefaut-ilpasqu’undésir tirecetteformehumaineverscequiestspécifiquementhumain?Etd’oùpourraitprovenirunteldésir,sinondes êtres humains qui ont précédé cet embryon dans l’existence ? Pourque l’embryon devienne humain au sens de caractère spécifique de

Page 59: RAISONNER EN VÉRITÉ · 2015. 9. 15. · œuvres de Staline et de Lénine. Une armée de rédacteurs veille à polir chaque texte, à faire respecter chaque détail du rituel de

l’humain, ilnesuffitpasquel’histoirequis’ytrouverésuméesedéploiecommeunressort, il fautencoreque ledésird’humainsdéjàexistants letire vers l’humain. Ainsi, l’humain, c’est ce qui advient à la rencontred’unehistoirequiesten traindeseracontermatériellementetd’undésirquil’appelleàl’être.

(Analyse2°§–Sil’embryondevienthumainparledésir,l’humaindel’embryondevientdoncunrelatif,mais plus un être premier et existantparsoi.

Ilya làunsophisme,car ilestvraiquecetterelationacceptéepar lamèreestuneconditiondelaviedel’enfant,maispasuneconditiondesonêtre…!Celanechangequesondevenir).

Or, à qui échoit la responsabilité d’un tel désir ? À qui échoit laresponsabilitédesavoirsicedésiresteffectivementprésentets’ilestenmesure d’accomplir l’humanisation d’un être ? À qui d’autre qu’à lamère ?C’est-à-dire à celle qui porte cet embryon dans son corpsmême(quipeutparconséquentêtrelamèrenaturelleouunemèred’accueil).Àla mère revient, par l’affirmation de son propre désir, de décider del’humanitéfuturedecetembryon.L’hommenejoueencetteaffairequ’unrôleindirect,entantqu’ilpeutrenforcerouaffaiblir ledésirdelamère;ce rôle n’est certes pas négligeable,mais c’est toujours, en définitive, lamèrequidevraitdécider,puisquec’estdanssoncorpsqueçasepasse.

(Analyse3°§–Pourl’auteur,c’estaussidanslelieu(danssoncorps)etlarelation(humanisation)quel’êtredel’hommesedécide).

Ilimportedoncquecettehistoirequicommenceets’annoncesoussonaspectencorepurementmatérielpuisseentrerendialogueavecledésirdelamère, et que ce dialogue puisse être aussi radical que l’existence elle-même,c’est-à-direqu’ilportedirectementsurlaquestiondel’existencedecetêtre.Quecedésirsoitdéfaillantetceseralecouragedelamèredelereconnaître et demettre un terme à ce qui n’est encore qu’un bourgeonsanshumanité.

Ilestdoncessentieldedélimiterunlapsdetempsaucoursduquelledevenir de l’embryon est laissé dans l’indécision d’une délibération, carc’est la condition de sa rencontre avec un désir humain authentique. Encettedélibération,ledésirdelamèredoitêtresouverain.

(Analyse4°&5°§§–L’aspectubuesqueetterrifiantdelaconclusion,« une histoire en dialogue avec un désir », n’est que la conséquencelogiquede l’abolitionde l’êtrepremierde lasubstance,dissoutedans letemps,lelieuetlarelation).

Page 60: RAISONNER EN VÉRITÉ · 2015. 9. 15. · œuvres de Staline et de Lénine. Une armée de rédacteurs veille à polir chaque texte, à faire respecter chaque détail du rituel de

Ces pages ne sont pas disponibles à la pré-visualisation.

Page 61: RAISONNER EN VÉRITÉ · 2015. 9. 15. · œuvres de Staline et de Lénine. Une armée de rédacteurs veille à polir chaque texte, à faire respecter chaque détail du rituel de

substantiellement.3.L’aviondécolleà16h00.Quando.4.SaintLouisfutunroijuste.Vertudonchabitusc’est-à-direquatrièmesortedequalité.5.Cejournalestpliéenquatre.Ordredespartiesdu journalquelque soit le lieu : cen’estdoncpas

une position mais plus une quantité ; même si elle est causée par uneaction – celle de plier – c’est le résultat de l’action et non la passionproprementdite.

6.Lecaféestamer.Qualitéaffective(goût).7.L’hommeestcapablederire.Puissance naturelle c’est-à-dire deuxième sorte de qualité, dite

commeunpropre.8.Jeleuraijouéduviolon.Actiontransitive.9.Elleporteunsolitaire.Niactionnipassionc’estunavoir.Nepasselaissersurprendreparle

termeporterprisicidefaçonanalogique.10.Lechocolatestunantidépresseur.Qualité:puissancenaturelle.11.Lelierrepousseverslehaut.C’est bien ici la quantité du lierre qui augmente : mouvement

quantitatif(ilpousse),croissance,etverslehautindiquelapositiondesesparties,leurordredanslelieu.

12.Lesaiguillestournent.C’estuneactiondumoteurdelamontrequisetermineauxaiguilles.13.Ils’agitd’unvieuxmonsieur.Qualité,disposition;âgéauraitditlaquantité.14. Nous avonsmis lemême temps pour nous rendre à Marseille.

Simultanéité dans laquantité car c’est une durée et non directement unquando.

15.Cettecléesttroplourde.Oppositionderelationdanslaquantité.16.Jesuisavidedeleconnaître.Passiondel’âme.17.Laterretourneautourdusoleilen365jours1/4.Quantité,c’estunedurée,etlaquestionest«encombiendetemps»?

Page 62: RAISONNER EN VÉRITÉ · 2015. 9. 15. · œuvres de Staline et de Lénine. Une armée de rédacteurs veille à polir chaque texte, à faire respecter chaque détail du rituel de

18.JeanestenArgentine.Ubi.19.Lemurestprêtàêtrepeint.Disposition:unordreimmédiatàlapassion.20.C’estmonparrain.Relationparrain-filleul.

1.Aristote,Catégories,2a11.2.Aristote,Métaphysique,V,13.3.Aristote,Catégories,4b28.4.Aristote,Catégories,5b30.5.Lemètreenplatineiridiée,déposéaupavillondeBreteuilàSèvres,estlemètreétalon;ilad’abordétédéfinicommeladix-millionièmepartieduquartduméridien terrestre ;puiscommela longueur du trajet parcouru dans le vide par la lumière en1/299 792 458 seconde ; ou encore à partir de la longueurd’ondedelaraierougeducadmium;enfin,plusrécemment,àpartird’uneradiationdukrypton86.6.Catégories,§8.7.Cf.SaintThomasd’Aquin,QuestionDisputéeDe laVérité,Q.1,a.5,ad16;QuestionDisputéeDelaPuissance,Q7,a.11,etc.8.S.Weinberg,éd.duSeuil,coll.Pointssciences.9.Jean-PaulII,Redemptorhominis,§1.10.Jn13,1.11.L’hommeauncerveau,maisn’estpasuncerveau(montésurpattes).12.Descartes,PrincipiaPhilosophiæ,ParsII,art.LXIV.

Page 63: RAISONNER EN VÉRITÉ · 2015. 9. 15. · œuvres de Staline et de Lénine. Une armée de rédacteurs veille à polir chaque texte, à faire respecter chaque détail du rituel de

13.Descartes,Op.laud.,ParsII,art.414.Descartes,PrincipiaPhilosophiæ,ParsII,art.IX.

Page 64: RAISONNER EN VÉRITÉ · 2015. 9. 15. · œuvres de Staline et de Lénine. Une armée de rédacteurs veille à polir chaque texte, à faire respecter chaque détail du rituel de

Ces pages ne sont pas disponibles à la pré-visualisation.

Page 65: RAISONNER EN VÉRITÉ · 2015. 9. 15. · œuvres de Staline et de Lénine. Une armée de rédacteurs veille à polir chaque texte, à faire respecter chaque détail du rituel de

11.L’homme…estunnéantàl’égarddel’infini,untoutàl’égarddunéant,unmilieuentrerienettout.(Pascal)

12.L’hommeest undieu tombéqui se souvient des cieux.(Lamartine)

13.L’hommeest la flèchemontantede lagrandesynthèsebiologique.(TeilharddeChardin)

14.L’hommeestunbipèdeomnivorequiportedesculottes.(Carlyle)

15.L’hommeestunmiraclesansintérêt.(JeanRostand)16.L’hommec’esthomo,humus:deAdam,«terrerouge»,

celuiquivientdelaterre.(Bible)

1)Définitionréelleetdéfinitionnominale

La première distinction à faire est celle de la définitionnominaleetdeladéfinitionréelle.Eneffet,silepremiersensdumot définition est délimiter un terrain, que désignera le motlimite dans le cas de la pensée ? Ce peut être une limitesémantique,enréponseàlaquestion:quelestlesensdeteloutelmot?Onparlealorsdedéfinitionnominale:«Parhommejedésigne…»(Lireàcesujetletexten°50,Définitiondenometdéfinition de chose, et voir le rôle que Pascal fait jouer àchacune).

a)Attentionàcetteexpressiondedéfinitionnominale;ellepeutrejoindreconcrètementdesdiscourstrèsdifférents:lesunstrèsprochesdeladéfinitionréelle,lesautrespluséloignés.Carle seul but de la définition nominale est de savoir de quoi onparle : ce n’est pas le but des définitions citées cidessus quivisenttoutesàdirequelquechosedel’homme,etpasseulementà indiquer en quel sens le mot d’homme est employé. Ladéfinitionnominaleestdonclefruitd’unedivisiondumotdans

Page 66: RAISONNER EN VÉRITÉ · 2015. 9. 15. · œuvres de Staline et de Lénine. Une armée de rédacteurs veille à polir chaque texte, à faire respecter chaque détail du rituel de

sesdifférentessignifications,etd’unchoixparl’intelligencedel’uned’entre elles, dans lamesure où l’usage retient plusieurssens. Il faudrait dire, dans l’exemple que nous avons choisi :homme au sens de genre humain, pas au sens de masculin,homoetnonvir…Iciladéfinitionnominaleestquasimentunedivisionetellesesertaussidel’étymologie.

Ladéfinitionnominale,ausensde ladéfinitiondenomdePascal, est celle qui permet au philosophe, au savant ou àl’écrivain, de faire signifier à un mot un concept ancien ounouveau, selon une nouvelle convention ; on inaugure cetteconvention,quiestparfoisdéjà«dansl’air»,parunenouvelleimposition. Parfois cette nouvelle imposition est légitime,lorsqu’elle respecte l’extension analogique du mot, enconservant une proportion à la première signification,relativement au concept et à la réalité que l’on veut signifier ;c’estlecasdanscetexemple:«J’appelleformelanatured’unêtre,etpasseulementsafigureextérieure…»Enrevanche,unauteur reconnupeut affecter unmot d’une significationbien àlui mais contraire à l’usage, et parfois comme à contresens :c’estceque faitKant,parexemple,en faisantsignifieraumotdialectique cequ’il faudrait appeler sophistique, la dialectiquen’étant pas dans la tradition une logique de l’apparence, cequ’estaucontraire lasophistique.Ondiraalors :pourKant ladialectiqueestunelogiquedel’apparencetrompeuse…maisonaalorscomplètementperdulesensdumot!

La définition nominale n’utilise pas nécessairement lesconnaissances sémantiques (étymologie, dérivation,extension…). Il ne faut pas la confondre avec l’étudelinguistiquedel’originedumotoucelle,plusvasteencore,duchampsémantique.Ellepeututilisercesdernièrescommedansnotre exemple (16) : Adam, terre rouge, est une définitionnominale par l’étymologie. Elle indique aussi que la Bible

Page 67: RAISONNER EN VÉRITÉ · 2015. 9. 15. · œuvres de Staline et de Lénine. Une armée de rédacteurs veille à polir chaque texte, à faire respecter chaque détail du rituel de

révèle l’homme, le terreux, comme fait à partir d’une matièrepréexistante.C’estuneaffirmation,nonunedéfinition.

Elle peut aussi utiliser un cas particulier : quand je dis«vertu»,jeveuxdirelajusticeoulaforceparexemple;ouunaccident : « l’homme, ce bipède sans plumes », comme ditPlaton (7) ;ou,commesouventdanscertainsdictionnaires,unsynonyme:«glaive»,c’est-à-direépée.

b)La définition réelle, elle, veut exprimer l’essence de lachose et la perspective est alors très différente. Mais il fautcomprendred’abordqueladéfinitionestlediscoursquisignifiela conception distincte d’une chose ; elle signifie unincomplexe,c’est-à-direunconceptsimplesanscompositionnidivision;certeslediscoursaurabienbesoind’unemultiplicitéde mots, un terme commun et une différence, mais cettecomposition de mots n’est pas une composition de concepts.Elle n’est donc pas une proposition et, au sens strict, ladéfinitionn’estque ladeuxièmepartiede laphraseconsidéréehabituellement comme la définition : animal raisonnable (5),voilàladéfinitiond’hommeetnonpas:l’hommeestunanimalraisonnable.

Est-ce pour concevoir distinctement l’homme que Rostandforgecediscours:miraclesansintérêt(15)?Riendedistinctpar là !Pasplus,en toute rigueur,qu’avec louppour l’homme(10). Tout en restant significatives, ces expressions n’ont pasunevaleurdedéfinition,maisdavantagecelled’unjugementdel’intelligence : peut-on affirmer en effet : l’homme est unmiraclesansintérêt?C’estalorsuneénonciationdanslaquelleleprédicatposed’ailleursàluiseulunproblème:existe-t-ildesmiraclessans intérêt?Ceserait lapremièrequestionàposeràJeanRostand.

Quepenserdesautresdiscours?Roseaupensant (1) : nul

Page 68: RAISONNER EN VÉRITÉ · 2015. 9. 15. · œuvres de Staline et de Lénine. Une armée de rédacteurs veille à polir chaque texte, à faire respecter chaque détail du rituel de

Ces pages ne sont pas disponibles à la pré-visualisation.

Page 69: RAISONNER EN VÉRITÉ · 2015. 9. 15. · œuvres de Staline et de Lénine. Une armée de rédacteurs veille à polir chaque texte, à faire respecter chaque détail du rituel de

temps,onvienneàdifférerdesentimentaprèss’êtremisàypenser;carles définitions ne sont faites que pour désigner les choses que l’onnomme,etnonpaspourenmontrerlanature.

Ce n’est pas qu’il ne soit permis d’appeler du nom de temps lemouvementd’unechosecréée;car,commej’aidit tantôt,rienn’estpluslibreque lesdéfinitions.Mais,ensuitedecettedéfinition, ilyauradeuxchoses qu’on appellera du nom de temps : l’une est celle que tout lemondeentendnaturellementparcemot,etquetousceuxquiparlentnotrelangue nomment par ce terme ; l’autre sera le mouvement d’une chosecréée,caronl’appelleraaussidecenomsuivantcettedéfinition.Ilfaudradoncéviter leséquivoques,etnepasconfondre lesconséquences.Car ilnes’ensuivrapasdelàquelachosequ’onentendnaturellementparlemotde temps soit en effet lemouvementd’unechose créée. Il a été libredenommer ces deux choses de même ; mais il ne le sera pas de les faireconvenirdenatureaussibienquedenom.

Ainsi,sil’onavancecediscours:«Letempsestlemouvementd’unechose créée », il faut demander ce qu’on entend par ce mot de temps,c’est-à-diresionluilaisselesensordinaireetreçudetous,ousionl’endépouille pour lui donner en cette occasion celui de mouvement d’unechosecréée.Quesionledestituedetoutautresens,onnepeutcontredire,etceseraunedéfinitionlibre,ensuitedelaquelle,commej’aidit,ilyauradeux choses qui auront ce même nom. Mais si on lui laisse son sensordinaire, etqu’onprétendenéanmoinsque cequ’on entendpar cemotsoit lemouvement d’une chose créée, on peut contredire. Ce n’est plusune définition libre, c’est une proposition qu’il faut prouver, si ce n’estqu’elle soit très évidente d’ellemême ; et alors ce sera un principe et unaxiome,mais jamais une définition, parce que dans cette énonciation onn’entendpasquelemotdetempssignifielamêmechosequeceux-ci:lemouvementd’une chose créée ;maison entendque ceque l’onconçoitparletermedetempssoitcemouvementsupposé.

Si jenesavaiscombienilestnécessaired’entendrececiparfaitement,et combien il arrive à tout heure, dans les discours familiers et dans lesdiscoursde science,desoccasionspareilles à celle-cique j’aidonnéeenexemple, je nem’y serais pas arrêté.Mais ilme semble par l’expérienceque j’aide laconfusiondesdisputes,qu’onnepeut tropentrerdanscetesprit de netteté, pour lequel je fais tout ce traité, plus quepour le sujetquej’ytraite.

Car combien y a-t-il de personnes qui croient avoir défini le tempsquand ils ont dit que c’est la mesure du mouvement, en lui laissant

Page 70: RAISONNER EN VÉRITÉ · 2015. 9. 15. · œuvres de Staline et de Lénine. Une armée de rédacteurs veille à polir chaque texte, à faire respecter chaque détail du rituel de

cependantsonsensordinaire!Etnéanmoinsilsontfaituneproposition,etnonpasunedéfinition.Combienyena-t-ildemêmequicroientavoirdéfini lemouvementquand ilsontdit :Motusnec simpliciteractusnecmerapotentiaest,sedactusentisinpotentia.Etcependant,s’ils laissentaumotdemouvementsonsensordinairecommeilsfont,cen’estpasunedéfinition,maisuneproposition;etconfondantainsilesdéfinitionsqu’ilsappellent définitions de nom, qui sont les véritables définitions libres,permisesetgéométriques,aveccellesqu’ilsappellentdéfinitionsdechose,qui sont proprement des propositions nullement libres, mais sujettes àcontradiction, ils s’y donnent la liberté d’en former aussi bien que desautres ; et chacun définissant les mêmes choses à sa manière, par unelibertéqui est aussi défenduedans ces sortesdedéfinitionsquepermisedanslespremières,ilsembrouillenttouteschoseset,perdanttoutordreettoute lumière ils se perdent eux-mêmes et s’égarent dans des embarrasinexplicables.

AnalysePascalrecherchelaméthodedetoutedémonstration,antérieuremême

àlaméthodeproprementgéométrique.Ladéfinitionestsonpremierpoint,leseconddenes’appuyerquesurdesprincipesvraisetantérieurs.

À travers des formules parfois paradoxales, il fait la différence entredéfinitiondenometdéfinitiondechose.Ils’agitd’unedistinctiontiréedel’usagequiserafaitdesdéfinitionsdansladémonstration.

La définition de nom ne recouvre pas totalement ce que nousnommons définition nominale. Pour Pascal, elle est libre ; c’est celle dusensque l’on imposeà telmot.Elle simplifie le raisonnement : l’emploid’un seul terme remplace celui d’une multiplicité de termes. De tellesdéfinitions ne sont pas sujettes à être contredites, elles ne sont donc nivraiesnifausses.Maisildevientimpossibledetoutdéfinirdelasorte,ditPascal,car ilyades termespremierssur lesensdesquels tout lemondes’entend.Onretrouvelàuneconstantedesapensée:lecœural’intuitiondesprincipes,diraPascalàsamanière,c’est-à-direquel’intelligencesaisitsansdiscours lesprincipes évidentspar eux-mêmes, indémontrables.Onn’endonneéventuellementqu’unedéfinitionnominale.OnpeutobjecteràPascall’emploipour«homme»et«lumière»dedéfinitionsimparfaitesou redondantes. En revanche, « l’être », principe premier, estindéfinissable comme tel, on ne peut qu’indiquer dans quel sens onl’emploie.

Cequ’ilappelledéfinitiondechoseestunjugement,formuléparune

Page 71: RAISONNER EN VÉRITÉ · 2015. 9. 15. · œuvres de Staline et de Lénine. Une armée de rédacteurs veille à polir chaque texte, à faire respecter chaque détail du rituel de

propositiondanslaquelleonaffirmequetelleestlanatureoul’essencedelachose,doncpasunedéfinition,incomplexe,ausensstrict.Iciilfaudraitdistinguer : entendue comme seul prédicat d’une telle proposition, ladéfinitionresteunincomplexe,disantlanatureoul’essencedelachose;«ratioquamsignificatnomenestdefinitio»,ditsaintThomas:elleneditpas seulement l’imposition du nom,mais la nature de la chose.Mais ilreste vrai qu’on peut affirmer faussement d’un sujet une définitionmalfaiteouquine lui convientpas, alors«onpeut contredire»,ditPascal.Cela veut bien dire qu’on peut argumenter une définition au sens d’enprouver la justesse ; mais comme elle reste un principe, cetteargumentationne saurait êtreunedémonstration àpart entière,maisuneargumentation dialectique, comme nous le verrons aux chapitrescorrespondants.

Texten°51Illustration:définitiondumot«positif»AugusteComte,Discourssurl’espritpositifCarillanGœuryetVictorDalmont,Paris1844

On peut se demander si le procédé d’Auguste Comte estlogiquement acceptable ? Nous avons souligné les mots quicaractérisentlalogiquedutexte.

Chapitretroisième–Attributscorrélatifsdel’espritpositifetdubonsens–I.Dumotpositif:sesdiversesacceptionsrésumentlesattributsduvéritableespritphilosophique.

30.– Le concours spontané des diverses considérations généralesindiquées dans ce discours suffit maintenant pour caractériser ici, soustous les aspects principaux, le véritable esprit philosophique, qui, aprèsunelenteévolutionpréliminaire,atteintaujourd’huisonétatsystématique.Vul’évidenteobligationoùnoussommesplacésdésormaisdelequalifierhabituellementparunecourtedénominationspéciale,j’aidûpréférercelleàlaquellecetteuniversellepréparationaprocurédeplusenplus,pendant

Page 72: RAISONNER EN VÉRITÉ · 2015. 9. 15. · œuvres de Staline et de Lénine. Une armée de rédacteurs veille à polir chaque texte, à faire respecter chaque détail du rituel de

Ces pages ne sont pas disponibles à la pré-visualisation.

Page 73: RAISONNER EN VÉRITÉ · 2015. 9. 15. · œuvres de Staline et de Lénine. Une armée de rédacteurs veille à polir chaque texte, à faire respecter chaque détail du rituel de

DeumptyTrad.H.Parisot,Aubier-Flammarion,Paris,1971

«Jevousdemandepardon?»dit,fortintriguée,Alice.«Vousnem’avezpasoffensé»réponditHeumptyDeumpty.«Jeveuxdire:qu’est-cequ’unprésentd’an-anniversaire?»« C’est un présent que l’on vous donne lorsque ce n’est pas votre

anniversaire,bienentendu.»Aliceréfléchitunpeu.«Jepréfère,finit-ellepardéclarer,lesprésents

d’anniversaire.»« Vous ne savez pas ce que vous dites, s’écria Heumpty Deumpty.

Combiendejoursya-t-ildansl’année?»«Troiscentsoixante-cinq»,réponditAlice.«Etcombienavez-vousd’anniversaires?»«Un seul. » «Et si, de trois cent soixante-cinq, vous soustrayez un,

quereste-til?»«Troiscentsoixante-quatre,évidemment.»HeumptyDeumptyparutsceptique.«J’aimeraisvoirçaécritnoirsurblanc»,déclara-t-il.Aliceneputs’empêcherdesouriretandisqu’elletiraitdesapocheson

calepinetfaisaitpourluilasoustraction:365–1=364Heumpty Deumpty prit en main le calepin et le regarda très attenti

vement:«Cela,commença-t-ildedire,meparaîttrèsexact.»«Vousletenezàl’envers!»s’exclamaAlice.«C’est,mafoi,vrai!reconnutgaiement,tandisqu’elleluiremettaitle

carnet dans le bon sens, Heumpty Deumpty. Ça m’avait l’air un peubizarre.Commejeledisais,celameparaîtêtreexact…encorequejen’aiepas précisément le temps de vérifier de fond en comble… et cela vousmontrequ’ilyatroiscentsoixante-quatrejoursoùvouspourriezrecevoirdesprésentsd’ananniversaire…»

«Certes»,admitAlice.« Et un jour seulement réservé aux présents d’anniversaire,

évidemment.Voilàdelagloirepourvous!»« Je ne sais pas ce que vous entendez par « gloire » », dit Alice.

HeumptyDeumptysouritd’unairméprisant.«Biensûrquevousnelesavezpas,puisquejenevousl’aipasencore

expliqué. J’entendais par là : “Voilà pour vous un bel argument sansréplique!»

Page 74: RAISONNER EN VÉRITÉ · 2015. 9. 15. · œuvres de Staline et de Lénine. Une armée de rédacteurs veille à polir chaque texte, à faire respecter chaque détail du rituel de

«Mais « gloire » ne signifie pas « bel argument sans réplique » »,objectaAlice.

«Lorsquemoij’emploieunmot,répliquaHeumptyDeumptyd’untonde voix quelque peu dédaigneux, il signifie exactement ce qu’ilmeplaîtqu’ilsignifie…niplus,nimoins.»

«Laquestion,ditAlice,estdesavoirsivousavezlepouvoirdefairequelesmotssignifientautrechosequecequ’ilsveulentdire.»

« La question, riposta Heumpty Deumpty, est de savoir qui sera lemaître…unpoint,c’esttout.»

Alice était trop déconcertée pour ajouter quoi que ce fût. Au boutd’uneminute,HeumptyDeumptyreprit:«Ilsontundecescaractères!Jeparledecertainsd’entreeux–enparticulierdesverbes (cesont lesplusorgueilleux).Les adjectifs, vouspouvez en faire tout cequ’il vousplaît,maislesverbes!Néanmoinsjesuisenmesuredelesmettreaupas,tousautantqu’ilssont!Impénétrabilité:Voilàceque,moi,jedéclare!»

« Voudriez-vous, je vous prie, me dire, s’enquit Alice, ce que celasignifie?»

« Vous parlez maintenant en petite fille raisonnable, dit HeumptyDeumpty, l’air très satisfait. Par « impénétrabilité », j’entends que nousavonsassezparlésurcesujet,etquevousferiezbiendem’apprendrecequevousavezl’intentiondefaireàprésent,si,commejelesuppose,vousnetenezpasàrestericijusqu’àlafindevosjours.»

«C’estfairesignifiervraimentbeaucoupàunseulmot»,fitobserver,d’untonméditatif,Alice.

«Lorsquej’exiged’unmotpareileffort,ditHeumptyDeumpty,jeluioctroietoujoursunerémunérationsupplémentaire.»

« Oh ! » dit Alice. Elle était trop ébaubie pour faire aucune autreremarque.

«Ah ! poursuivit, en hochant gravement la tête,HeumptyDeumpty,j’aimeraisquevouslesvoyiez,lesmots,lesamedisoir,s’assemblerautourdemoi–pourtoucherleurrémunération,savez-vousbien.»

(Alicen’osa luidemanderavecquoi il lespayait ; jene sauraisdoncmoimêmevousledire.)

AnalyseDans ce texte, Lewis Carroll commente à sa manière la nature des

définitions nominales, les mots expriment ce pour quoi ils ont étéinstitués.

Maislelangagen’estpaspourautanttotalementarbitraire,ilreposesur

Page 75: RAISONNER EN VÉRITÉ · 2015. 9. 15. · œuvres de Staline et de Lénine. Une armée de rédacteurs veille à polir chaque texte, à faire respecter chaque détail du rituel de

une convention laquelle rejoint ce que l’intelligence connaît et veutexprimer du réel. Lorsque la convention ne s’appuie plus que surl’arbitrairedulocuteur,onperdtotalementlesensduréel:lemotexprimeencorelavolontémaisplusl’intelligence.C’estbienlapreuve,àcontrario,que ce qui guide l’imposition desmots par convention est une certaineconnaissanceobjectivedelaréalitédeschoses.

–Qu’est-cequ’unprésentd’an-anniversaire?laquestionporte-t-ellesurlaquidditéousurlesensdumot?

– C’est un présent que l’on vous donne lorsque ce n’est pas votreanniversairebienentendu.C’estunedéfinitionnominale.

– Je ne sais pas ce que vous entendez par « gloire », dit Alice.Pressentantunsensdérivédumotelleinterrogesurcesens…

–HeumptyDeumptysouritd’unairméprisant.«Biensûrquevousnelesavezpas,puisqueje(lesensdanslequelj’emploiecemot)nevousl’aipasencoreexpliqué.J’entendais(mêmechose)parlà:«Voilàpourvousunbelargumentsansréplique!»Définitionnominale.

– Mais « gloire » ne signifie pas « bel argument sans réplique »,objectaAlice.Objectionfondéesurlaconnaissancedelaconvention.

–Lorsquemoij’emploieunmot,répliquaHeumptyDeumptyd’untonde voix quelque peu dédaigneux, il signifie exactement ce qu’ilmeplaîtqu’il signifie… ni plus, ni moins. C’est exactement le sens de « adplacitum » mais ici la convention ne relève que de l’accord avec soi-même,c’est-à-direendehorsdetoutecommunication…

Laquestion,ditAlice,estdesavoirsivousavezlepouvoir(toutseul)defairequelesmotssignifientautrechosequecequ’ilsveulentdire.Alicecritiquel’extensiondusensendehorsdetoutusage.

La question, riposta Heumpty Deumpty, est de savoir qui sera lemaître… un point, c’est tout.L’usage est maître en matière de langue,maiscetusageest commandépar laconventionetnonpar l’arbitraired’un seul ; sinon c’est un abus de pouvoir à ranger dans le genre dutotalitarisme;lasuitedutextel’illustre:ilyadesmotsquiseplientàcetabusetd’autresnon…!

– Les adjectifs, vous pouvez en faire tout ce qu’il vous plaît… Par« impénétrabilité », j’entends que nous avons assez parlé sur ce sujet…Lorsque j’exige d’un mot pareil effort, dit Heumpty Deumpty, je luioctroie toujours une rémunération supplémentaire… j’aimerais que vousles voyiez, les mots, le samedi soir, s’assembler autour de moi – pourtoucher leur rémunération, savez-vous bien. Comme dans touttotalitarisme les sujets ne trouvent leur salut que dans une soumission

Page 76: RAISONNER EN VÉRITÉ · 2015. 9. 15. · œuvres de Staline et de Lénine. Une armée de rédacteurs veille à polir chaque texte, à faire respecter chaque détail du rituel de

Ces pages ne sont pas disponibles à la pré-visualisation.

Page 77: RAISONNER EN VÉRITÉ · 2015. 9. 15. · œuvres de Staline et de Lénine. Une armée de rédacteurs veille à polir chaque texte, à faire respecter chaque détail du rituel de

l’intellectde l’hommequiestalors, sans risquede relativisme,leurmesure.

4.Letravaildelaraisondansladeuxièmeopération

En quoi le discours de la raison est-il nécessaire à laconnaissancede lavérité,s’ilsembleque l’intelligenceparsescompositionsetsesdivisionsyparvientnaturellement?

Toute proportion gardée, on aurait pu poser la mêmequestion pour l’appréhension simple, opération naturelle etspontanée ;mais on a vuque si l’appréhension est une saisie,celle-cin’estdistinctequ’autermed’unlongtravaildelaraison,récapitulé dans un discours : la définition. Car la sympathienaissante de l’intelligence pour son objet, toute spontanéequ’elle soit, la laisse toutefois dans une confusion qui rendtoute connaissance plus profonde largement compromise sansl’œuvrededéfinition.

Spontanément aussi, l’intellect compose, tout au moinsgrâce aux concepts qu’il possède déjà. « On parle decompositionquand l’intellect compareun concept à unautre,commeensaisissantpourainsidirelaconjonctionoul’identitédeschosesdontilssontlesconcepts;d’autrepartdedivisionquand l’intellect compare un concept à un autre lorsqu’ilappréhendequeleschosessontdiverses.Etc’estparcemodeaussi que, dans les sons de voix, l’affirmation est appeléecomposition,entantqu’ellesignifiel’uniondupointdevuedela chose réelle ; la négation, elle, est appelée division en cequ’ellesignifielaséparationdeschoses»9.Laquestionquisepose est la suivante : comment dire par le discours la véritéaperçue,quasispontanément,parmacomparaisondeconcepts?

Partonsd’uneopinioncouranteetsouventcitée:«Ceque

Page 78: RAISONNER EN VÉRITÉ · 2015. 9. 15. · œuvres de Staline et de Lénine. Une armée de rédacteurs veille à polir chaque texte, à faire respecter chaque détail du rituel de

l’onconçoitbiens’énonceclairement,et lesmotspour ledirearrivent aisément », dit Boileau dans son Art poétique10.D’abord la phrase ne veut pas dire que l’auteur ici voudraiténoncerdesconcepts,cequiseraitconfondredeuxopérations.Le problème de Boileau est d’abord poétique, esthétique,dirionsnous:laclartédelapenséeentraînecelledelalangue;appliquez-vous à bien penser d’abord ! C’est un problèmepratique, un conseil de son art poétique. Il n’est pas sûrd’ailleurs que Boileau ait entièrement raison : une phrasecommecelle-ci:«C’estmoiquej’suisl’profdefrançaisqu’onvousacausé » est claire de sensmais écorche l’oreille ; c’estbien pensé, mais c’est fort mal dit. En revanche celle-ci :« l’homme évolue », n’est claire qu’en apparence, etprofondément ambiguë : parle-t-on du transformisme dansl’humanité,oud’unartistequidanse?

Maisretournonsleproblème:lesmotsnepourraient-ilspasservir à clarifier la pensée ? Et la question est maintenantlogique, et pas d’abord poétique : le mot n’est plus alorsseulement le signe extérieur d’une pensée achevée, mais lesupportintérieurd’unepenséeentraindesefaire,aumoinsdeseclarifier ;c’estunproblèmespéculatif.Et si lemot,commeoutil de la raison, signifie le concept en relation à un autre,commentconsidérerlesmotsdanslesrelationsparticulièresqueles concepts entretiennent entre eux dans cette deuxièmeopération.Autrementdit,quellessontlesrelationsderaisondeladeuxièmeopérationetcommentlesmotsvont-ilsserviràlesexprimer?

C’est dans cette perspective que va s’ordonner notre étudelogiquede ladeuxièmeopération.C’estd’aborden tantqu’ilssignifient la vérité de mes compositions et divisions que lesmotsvont rentrerdanscetteétude,carc’est toujours la finqui

Page 79: RAISONNER EN VÉRITÉ · 2015. 9. 15. · œuvres de Staline et de Lénine. Une armée de rédacteurs veille à polir chaque texte, à faire respecter chaque détail du rituel de

donne la raison d’être des instruments. Il faut donc étudierd’abordlenom, leverbe : ils sont lescomposantsdudiscoursénonciatif ou énonciation, laquelle sera définie comme lediscoursquicontientlevraietlefaux.Maisl’énonciationpeutêtre simple ou multiple : c’est le problème de son unité designification,faceàtouteslesambiguïtés.Enfinetsurtout,ellecontientdeuxpartiesopposéesetcontradictoires,l’affirmationetlanégation;commentréalisercetteoppositiondanslesmotsafin qu’elle signifie la même opposition que celle qui existedans lapensée?C’estsurtoutgrâceàcettedernièrepartiequel’onverraquel’énonciationestl’instrumentadéquatpourposerles problèmes en face desquelsmon intelligence se trouve, dufaitqu’ellecomposesesconceptspourconnaîtrelavérité.

Voici un exemple pour nous résumer. On parle « duproblème de l’euthanasie » ! Mais il n’y a pas encore deproblème, il n’y a qu’un concept à définir : « qu’est-ce quel’euthanasie ? », voire un mot ambigu à diviser : « y a-t-ilplusieursespècesd’euthanasie?»,etunconceptquin’estenluimême ni vrai ni faux. Pour qu’un problème se pose, il fautcomposercettenotionavecuneautre,parexempleladignitéoulamédecine,etc.,ets’efforcerdel’énoncer.Ilfautaussimettrel’intelligence devant l’alternative du vrai et du faux, par uneopposition,parexemple:«Aucunacted’euthanasienerespecteladignitédumalade–Certainsactesd’euthanasierespectentladignitédumalade » ou «Aucune euthanasie n’est un actemédical–certaineseuthanasiessontdesactesmédicaux».Sila première est vraie, la seconde est fausse, et réciproquement.Comment en arriver là logiquement c’est ce qu’il fautmaintenantétudier.

Page 80: RAISONNER EN VÉRITÉ · 2015. 9. 15. · œuvres de Staline et de Lénine. Une armée de rédacteurs veille à polir chaque texte, à faire respecter chaque détail du rituel de

Ces pages ne sont pas disponibles à la pré-visualisation.

Page 81: RAISONNER EN VÉRITÉ · 2015. 9. 15. · œuvres de Staline et de Lénine. Une armée de rédacteurs veille à polir chaque texte, à faire respecter chaque détail du rituel de

CHAPITREXI

L’ÉNONCIATION,ŒUVREDEL’INTERPRÉTATION

LenomdonnéparAristote à la formationde l’énonciationestceluid’interprétation(ερμηνεια)etl’ouvragedanslequelilen fait l’étude est le Peri hermenias ou traité Del’interprétation. Pour préciser le vocabulaire, notons que lalinguistique moderne distingue entre énoncé et énonciation,cettedernièreétant«l’actionindividuelledeproduireunénoncédansdescirconstancesdonnéesdecommunication»; l’énoncéest le seul « résultat de l’énonciation » ou le « segment dediscours produit par l’énonciation d’un locuteur et dont leslimites sont variables selon les critères »1. L’énonciation dontnousparleronsn’estpasuneactiontraitéed’abordcommeobjetde la science du langage,mais uneœuvre de pensée que nousallonsdéfinirenlarattachantàl’opérationlogiquequ’ellesert,l’interprétation.

1.Qu’est-cequ’interpréter?

Enquelsensentendrons-nouscetermed’interprétation.Eneffetlesenshabituelestceluid’unetraduction,dansunelanguedonnée, d’une pensée exprimée dans une autre. L’interprèterencontre d’ailleurs dans ce travail des difficultés qui ne

Page 82: RAISONNER EN VÉRITÉ · 2015. 9. 15. · œuvres de Staline et de Lénine. Une armée de rédacteurs veille à polir chaque texte, à faire respecter chaque détail du rituel de

viennentpasseulementduvocabulaireetdelagrammaire,maisde tout ce qu’une langue véhicule de culture, d’histoire,d’habitudes collectives, de traditions… qui ont participé à laformationde la langue.Ceséléments ferontpartieaussi,d’unecertaine façon, de l’étude de l’énonciation, car on ne peutdétacher l’œuvre accomplie par l’intelligence spéculative desmots,êtresmatérielsfaçonnésparl’artetlacoutumeaulongdutemps.

Maisàl’origineondésignaitparinterprétationl’expressionverbaledelapensée,etparticulièrementl’opérationdedécouvriret de donner un sens aux faits mystérieux, signes ouphénomènesdelanature,etderévélerleursensprofond.C’estainsiquel’oninterprétaitlesrêvesoulessongescommeautantdeprésages,que l’on lisaitdans levoldesoiseauxoudansdemultiples autres faits naturels l’annonce d’événements à venir(devin, augure) ou le message caché par les dieux (prêtre). Ilfallaitalorsdire cesmessages, les interpréter pour le commundesmortels.N’oublions pas queHermès était lemessager desdieux, leur interprète en quelque sorte, aussi l’herméneutiquen’estpasloin.

Tout en se démarquant de ces deux sens, l’interprétationlogiqueenconservedeséléments.Pourlacomprendre,lemieuxestd’ensuivreleprocessusàtraversunexemple,dansletravailde l’interprète par excellence, l’exégète des écrits sacrés.CommentinterpréterparexemplecettephrasedesaintPaul:Lalettretuemaisl’espritvivifie2.SuivonsencelaletravaildesaintThomas,exégèteetcommentateur.(Cf.letexten°59danslequelnotre auteur donne les différents sens de l’Écriture, divisionsdevenuesclassiques).

Écartons d’abord le sens qu’un moderne donneraitspontanémentde cettephrase : la lettre est alors le sens strict

Page 83: RAISONNER EN VÉRITÉ · 2015. 9. 15. · œuvres de Staline et de Lénine. Une armée de rédacteurs veille à polir chaque texte, à faire respecter chaque détail du rituel de

desmots qui composent un texte et s’en tenir au sens formel,c’est ne pas chercher à comprendre le sens profond ousymbolique,lesintentions;voilàcequenousditledictionnaireRobert. La lettre tue donc, car elle fait passer à côté du sensprofond,contrairementà l’esprit, celuid’une loi,par exemple,oùcomptesurtoutl’essentieletqu’ilfautsavoirdécouvrirdansl’application qu’on en fait. Formalisme et légalisme contreintelligenceetéquité,pourrait-ondire…

Eh bien, ce n’est pas du tout cela que veut dire l’auteur,nousdit saintThomas ! (cf. le texte n° 60).S’appuyant sur lecontexte de l’épître, sur d’autres passages de saint Paul, surl’Écriture, la traditiondesPèresde l’Église, la théologie, et laprière… il nous dit : la lettre, c’est la loi ancienne reçue parMoise auSinaï. Elle tue, car elle donne la lumière sur ce quis’oppose à la volonté divine, et de ce fait elle augmente laconcupiscence qui se porte avec plus d’ardeur sur la chosedéfendue;lacausedelaconcupiscencen’étantpasdétruiteparla seule connaissance de la loi. Elle ajoute aussi à latransgression, car il est plus grave de pécher contre une loiécrite. Mais si elle tue, elle ne tue qu’occasionnellement carfondamentalementcetteloiestbonneetdéfendlemal.L’esprit,c’est laLoiNouvelle, celle de la Nouvelle Alliance en Jésus-Christ,celledelacharitéquidonnelavieéternelleàceluiquireçoit l’Esprit-Saint dans la foi par le baptême. Cetteexplication est classique, mais surtout, comme interprétation,ellevadesmotsàlapensée.

Mettons-nous maintenant dans la situation de Paul lui-même,treizesièclesauparavant,rédigeantsalettreauxhabitantsde Corinthe, chrétiens récents mais de tradition et de culturejuives.Sonproblèmeestalorslesuivant:«Commentleurdirece que je comprends de mon ministère, celui de la NouvelleAlliance, et surtout pourquoi celle-ci a été donnée ? » Il doit

Page 84: RAISONNER EN VÉRITÉ · 2015. 9. 15. · œuvres de Staline et de Lénine. Une armée de rédacteurs veille à polir chaque texte, à faire respecter chaque détail du rituel de

Ces pages ne sont pas disponibles à la pré-visualisation.

Page 85: RAISONNER EN VÉRITÉ · 2015. 9. 15. · œuvres de Staline et de Lénine. Une armée de rédacteurs veille à polir chaque texte, à faire respecter chaque détail du rituel de

1.Problèmeetcontradiction

a.Pourquoiposerunproblème?

Ladifficultédevantlaquellesetrouveladeuxièmeopérationde l’intelligence est simple, et c’est la suivante : l’énonciationmepermetdedirelevraioulefauxsanstoutefoisencoresavoirsi c’est vrai ou faux. En effet, dire ou énoncer est uneœuvred’interprétation, alors que savoir, et dans le meilleur des cassavoir avec certitude, est une œuvre d’argumentation.N’oublions pas qu’argumenter a la même racine qu’argent,c’est-à-dire qu’il s’agit de « faire briller » pour moi, parl’argumentation,lacausedelavéritéd’uneénonciationqui,ensoi,estdéjàvraieoufausse,maisquejeneconnaispascommetelle(saufdanslecasdesévidencesimmédiates,commenousleverrons).C’est la raisonpour laquelle l’énonciation n’exprimepas encore un jugement mais pose un problème ! Ce mot« problème » ne signifie-t-il pas étymologiquement un cap ouunefalaise infranchissableetquifreinemaprogression?Fairevoir clairement l’obstacle, voila le rôle de l’énonciation (cf.textesn°64&66).

Or argumenter, c’est trouver des raisons d’accepter commevraiouderejetercommefauxl’uneoul’autredespartiesd’unproblème. Il faut donc, avant de se lancer dans uneargumentation, que la raison présente à l’intelligence les deuxpartiesd’unmêmeproblèmecommetotalement inconciliables :sielleacceptel’une,elledoitrejeter l’autreetréciproquement,car l’intelligence est liée par le principe qui énonce qu’unechosenepeutpasêtreetnepasêtreenmêmetempsetsouslemême rapport. Au passage, on retrouve dans l’énoncé de ceprincipe les aspects que la raison a fait passer dans son

Page 86: RAISONNER EN VÉRITÉ · 2015. 9. 15. · œuvres de Staline et de Lénine. Une armée de rédacteurs veille à polir chaque texte, à faire respecter chaque détail du rituel de

discours : l’unité d’unemêmecomposition–même rapport etmêmetempsduverbe–et l’affirmationdel’existence–êtreetnepasêtre.L’intelligencenepeutadhérerauxdeuxpartiesd’unmême problème sans tomber dans la contradiction. Est-ilpossible de poser cette contradiction ? C’est la premièrequestionàrésoudre.

b.L’oppositiondecontradiction

La contradiction se définit justement comme l’oppositionexistant entre l’affirmation et la négation : c’est l’oppositionabsolue,cellequin’admetpasd’intermédiaire.Ellesefondeendéfinitivesurlacapacitédel’intellectdecomposeretdedivisersesconcepts:ceciestcela…non!cecin’estpascela.Sinousla conjuguons avec la comparaison de l’intellect aux choses,nouspouvonsdonc,commeleditAristote:

Affirmer ce qui appartient à une chose comme ne lui appartenantpas : négation fausse (1) : Le canari n’est pas jaune ; ce qui ne luiappartientpascommeluiappartenant:affirmationfausse(2):Lecanariestbleu;cequiluiappartientcommeluiappartenant:affirmationvraie(3) : Le canari est jaune ; ce qui ne lui appartient pas comme ne luiappartenantpas»:négationvraie(4):Lecanarin’estpasbleu.

En mariant deux à deux ces quatre possibilités, (1)-(3) et(2)-(4), on s’aperçoit que la raison peut toujours mettrel’intelligence en face de l’une ou l’autre des deux alternativessuivantes : nier par une négation fausse :Le canari n’est pasjaune,cequ’elleaffirmeparuneaffirmationvraie:Lecanariestjaune ; et affirmer par une affirmation fausse : Le canari estbleu,cequ’ellenieparunenégationvraie:Lecanarin’estpasbleu.

Il restedoncàmontrercommentcettepossibilité théoriqued’opposer l’affirmation à sa négation contradictoire se réalise

Page 87: RAISONNER EN VÉRITÉ · 2015. 9. 15. · œuvres de Staline et de Lénine. Une armée de rédacteurs veille à polir chaque texte, à faire respecter chaque détail du rituel de

danstouteformed’énonciation.Eneffet,sicetteoppositionestfacile et spontanée dans le cas des énonciations singulières :Socrate parle / Socrate neparle pas ; elle estmoins évidentedanslecasdesuniverselles:Touthommement/Aucunhommenement, fausses toutes les deux !Ouparticulières :Certainsenfants obéissent / Certains enfants n’obéissent pas, vraiestoutes les deux ! La situation est encore pire pour desindéfinies :L’homme progresse / L’homme ne progresse pas.On reconnaît au passage le schéma logique des débats qui nepeuventpasconclure:toutlemondesetrompeoutoutlemondearaison…onnepeutpasdiscernerlevraidufaux,ontourneenrondsurdesrailsparallèles!

2.L’oppositiondesénonciations

C’est en considérant une par une toutes les espècesd’énonciation et leurs oppositions que l’on verra comment seréaliseleuropposition.

Les énonciations peuvent être universelles, particulièressingulièresetindéfinies.

Une énonciation est universelle lorsque le prédicat estaffirméouniéuniversellementd’unsujetuniversel:Toutenfantimite…Personnenepeutréaliserlacharitésanslavérité.

Une énonciation est particulière quand le prédicat estaffirmé ou nié non universellement d’un sujet universel :Quelque enfant imite, Certains enfants imitent, Il y a desenfantsquiimitent,Toutarrêtdetraitementmédicaln’estpasuneeuthanasiequiéquivautàcertainsarrêtsdu traitementnesontpasdeseuthanasies…

Une énonciation est singulière enfin lorsque le prédicatn’est affirmé que d’un seul individu : cet homme marche, un

Page 88: RAISONNER EN VÉRITÉ · 2015. 9. 15. · œuvres de Staline et de Lénine. Une armée de rédacteurs veille à polir chaque texte, à faire respecter chaque détail du rituel de

Ces pages ne sont pas disponibles à la pré-visualisation.

Page 89: RAISONNER EN VÉRITÉ · 2015. 9. 15. · œuvres de Staline et de Lénine. Une armée de rédacteurs veille à polir chaque texte, à faire respecter chaque détail du rituel de

Cettedistinctionn’estpastoutàfaitlamêmequecelledel’origine (aquo)delasignificationdumot,distinguéedeceque lemotsignifie:parexemple,Homme «vient de » humus et «désigne » la nature humaine,animalraisonnable,significationd’ailleursétenduejusqu’àsignifier l’êtrehumainmasculin.Carici,iln’yapastracedelapropriétédesupposition.

Avec cemême exemple, illustronsmaintenant la première distinction(celle des Sentences) :Homme signifie la forme humaine (in concreto,d’ailleurs ; humanité la signifierait in abstracto), maisHomme supposepour l’espèce logique dans : « L’homme est un inférieur du genreanimal » ; il suppose,mais différemment, pour le concept de la naturehumaine, mais séparé des singuliers, dans la phrase : « L’homme est laplusdignedescréatures»;ilsuppose,d’unetroisièmemanière,pourtousles hommes dans : « L’homme est animal » ; quatrièmement enfin, ilsupposepourunhommesingulierdans :«L’hommemarche».C’estceque saint Thomas montre dans le texte suivant (Commentaire du Perihermenieas, l. 10, n° 126) sur les différentes façons pour un universeld’êtrepriscommesujetd’uneénonciation:

126. Mais il faut voir que de l’universel on peuténoncerquelquechosedequatrefaçons.

A) L’universel peut être en effet considéréd’abordcommeséparédessinguliers,ouexistantparsoi,commePlaton l’a posé, ou relativement à l’existence qu’il adans l’intellect, comme le pense Aristote. Et de cettepremière façon, on peut lui attribuer quelque chosed’unedoublemanière.

– Parfois en effet, en le considérant ainsi, on luiattribue quelque chose qui appartient à la seuleopérationdel’intellect,commesiondisaitquel’hommeest prédicable de plusieurs, soit universel, soit espèce.C’estl’intellectquiformedesintentionsdecegenre,lesattribuant à la nature intelligée, selon qu’il la compareelle-mêmeauxchosesquiexistentendehorsdel’âme.

–Parfoiscependant,àl’universelconsidéré(decettepremière façon) on attribue ce qui est appréhendé par

Page 90: RAISONNER EN VÉRITÉ · 2015. 9. 15. · œuvres de Staline et de Lénine. Une armée de rédacteurs veille à polir chaque texte, à faire respecter chaque détail du rituel de

l’intellect comme une unité, mais cependant ce qui luiest attribué n’appartient pas à l’acte intellectuel lui-même, mais à l’existence que la nature appréhendée adans les chosesqui sont à l’extérieurde l’âme, commequand on dit que l’homme est la plus digne descréatures. Car cela convient aussi à la nature humainelorsqu’elle se trouve en chaque singulier. En effet,n’importequelhommesinguliersetrouveêtreplusdigneque n’importe quelle créature irrationnelle ; maiscependant tous les hommes singuliers ne sont pas unhomme en dehors de l’âme, mais seulement dans leslimitesdel’intellection;etc’estdecettefaçonqu’onluiattribueunprédicat,commeàunechoseunique.

B) Mais c’est d’une autre façon qu’on attribuequelquechoseàl’universel,enautantqu’ilestdanslessinguliers,etcelad’unedoublemanière.

–Parfoiseneffet,enraisondelanatureuniverselleelle-même, comme quand on lui attribue ce quiappartientàsonessence,ouquiestuneconséquencedesprincipesessentiels;commequandondit:l’hommeestanimalou:l’hommeestcapablederire.

–Parfois cependant, on lui attribue quelque choseen raison des singuliers en qui elle se trouve ; commequand on lui attribue ce qui procède de l’opérationmême de l’individu ; comme quand on dit : l’hommemarche.

126bis. – Au singulier aussi, on peut attribuerquelquechoseetd’unetriplefaçon:lapremière,entantqu’iltombedansl’appréhension;commequandondit:Socrateestunsingulier,ou:[Socrate]n’estprédicablequed’unseul.Maisparfois,c’estenraisondelanature

Page 91: RAISONNER EN VÉRITÉ · 2015. 9. 15. · œuvres de Staline et de Lénine. Une armée de rédacteurs veille à polir chaque texte, à faire respecter chaque détail du rituel de

commune, comme quand on dit : Socrate est animal.Parfois enfin, en raison du singulier lui-même, commequandondit:Socratesepromène.

Et les modes de la négation varient d’une façonidentique : car toutcequipeutêtreaffirmé,onpeut leniercommeonl’aditplushaut.

2 – Il a fallu Jean de Saint-Thomas (1589-1644) pourdistinguer dans son Cursus logicus un grand nombre desuppositio.Sansentrerdanstouteslessubtilités,notonstoutdemême:

A. La suppositio impropre : celle d’un nom qui signifieimproprement, mais qui peut tout de même être pris pour cequ’il signifie improprement, comme dans la phrase : « Il avaincu, le lion de la tribu de Juda » où le nom signifieimproprement,métaphoriquement,maisestprispourleChrist.

Lasuppositiopropre:letermeestprispourcequ’ilsignifieoureprésenteproprement.Mais,commeonvientdelevoirdansletextedesaintThomas,cettesuppositioproprepeutêtre:

–matérielle:«Hommeestunmotfrançais»;– simple : « Homme est une espèce », car homme

immédiatementdésignelanaturecommune;–personnellequandonaffirmequelquechosedesinférieurs

enlesquelscettenatureexiste:«L’hommeestraisonnable».B.Relativement au verbe, on peut distinguer la suppositio

naturelle, lorsque le terme est pris pour tous les inférieursdésignésnaturellementparlui:«L’hommeestnélibre».

Enrevanche,lasuppositioestaccidentelle lorsqueletermeest pris pour les seuls inférieurs desquels se vérifie laprédicationassuréeparleverbe:«L’hommeestpartoutdanslesfers».Elleestfausseuniversellement,carc’estentantqueprivé

Page 92: RAISONNER EN VÉRITÉ · 2015. 9. 15. · œuvres de Staline et de Lénine. Une armée de rédacteurs veille à polir chaque texte, à faire respecter chaque détail du rituel de

Ces pages ne sont pas disponibles à la pré-visualisation.

Page 93: RAISONNER EN VÉRITÉ · 2015. 9. 15. · œuvres de Staline et de Lénine. Une armée de rédacteurs veille à polir chaque texte, à faire respecter chaque détail du rituel de

mieux,lesayantdémontréesàpartirdeprémissespremières,ou,aumoins, se contentant de les rendremanifestes par unmoded’argumenterparticulier,l’induction,parexemple.

Des prémisses évidentes, on vient de le dire, sont despropositions indémontrables,per se nota, c’est-à-dire connuesde soi, où l’intelligence voit immédiatement, c’est-à-dire sansmoyenterme, lavéritéde l’inhérenceduprédicatdans lesujet,par laseuleconnaissancedecesderniers.Onverraauchapitresur lascience lesdifférentesvariétésdeprémissesdecegenre,lesquelles joueront le rôle de principes dans la démonstrationscientifique.

Onvoitdoncqu’ilnefautpasconfondrevéritéetcertitude:cequej’affirmeestpeutêtrevrai,maisjen’enaipasl’évidence,doncjenepuisvéritablementenjugeraveccertitude.C’estpourcelaquelaraisons’appuiesurd’autresconnaissancesquivont,parl’argumentation,rendremonjugementcertain.

B.Pourlabonnemarchedenotreétude,nousn’hésitonspasàapporter laprécisionsuivante : la logique,selonlemodequiest le sien, et comme on l’a vu depuis le début de ce cours,réfléchitsurl’ordrequelaraisonmetdanssonpropreactepouratteindrelavérité.L’étudedel’argumentationadoncunaspectréflexif, qui dégage la nature et les propriétés des relations deraisonquiysontengagées,c’estsonaspectscience.Par lefaitmême, elle donne la connaissance des conditions à respecterpourmettreenœuvreuneargumentationrigoureuse,ellepermetdonc de diriger le raisonnement avec ordre, facilité et sanserreur;c’estsonrôledirectif,sonaspectart.C’estpournepasavoir considéré suffisamment ces deux points de vue, leurdifférencedemodedeprocéderd’unepart,leurcomplémentaritéévidentede l’autre,quedenombreuxauteurs,etnonparmi lesmoindres, ont cru bien faire en minimisant l’utilité de cette

Page 94: RAISONNER EN VÉRITÉ · 2015. 9. 15. · œuvres de Staline et de Lénine. Une armée de rédacteurs veille à polir chaque texte, à faire respecter chaque détail du rituel de

partiedelalogique.Prenonslecasdedeuxd’entreeux.Descartes (1596-1650), fondateurdu rationalismemoderne

et«père»,pense-t-il,d’unenouvelleméthodedephilosopher,n’accorde au syllogisme qu’une valeur rhétorique, c’est-à-dire,dans son esprit, demise en ordre extérieure de la pensée afinseulement de se faire mieux comprendre ; mais le syllogismeresterait incapable de faire progresser la connaissance. StuartMill (1806-1873), empiriste anglais, auteurd’unvasteSystèmede logique inductive et déductive, n’y voit, lui, qu’unarrangement facilitant le repérage des idées,mais certainementpasuneinférence,c’est-à-direunedéductionproprementdite.

En fait, l’un et l’autre divergent fondamentalement d’avecAristote sur le rôle joué dans la logique de la troisièmeopération par l’universalité des relations de prédication etd’inhérence.Ilssontconduitsàdetellesappréciationsparleursprofondesdivergencesdevuesavec le fondateurdu syllogismeluimême,surlanaturedesconceptsetl’ordredelaconnaissanceet de l’intelligence humaines. C’est donc toute la philosophiequi est ici engagée.De ce fait, leur critique, qui porte en faitessentiellement sur les fondements de la forme du syllogisme,neportequ’indirectementsurlaformesyllogistiqueelle-même,entenduecommesimpleschémad’argumentation.Celaentraînedeuxconséquences.

D’unepartleurcritiqueaccréditel’idéed’uneséparationdel’usage de la forme d’avec son fondement ; on pourrait ainsiconserverlaforme,aumoinsàtitreéducatifoud’utilitépratique(pire, d’autres la considèrent comme l’une des pièces d’unmusée des vieux outils de la pensée) ;mais on omet alors designalerquelaformesyllogistiquen’acetteportéelimitéequesiellenereposepassurunfondementsolide,celui-làmêmequ’ilsrécusent ; de ce fait, cette forme, coupée de ses racines,rencontreeffectivementdesobjections,maisellesnes’adressent

Page 95: RAISONNER EN VÉRITÉ · 2015. 9. 15. · œuvres de Staline et de Lénine. Une armée de rédacteurs veille à polir chaque texte, à faire respecter chaque détail du rituel de

pasausyllogismetelqu’Aristotel’analyse.D’autre part, cette critique permet aussi de cultiver

l’espérance secrète d’un temps à venir, où des outils plusperformants prendraient la place de cette forme considérée enfait comme désuète. Cette façon de continuer à reconnaître lesyllogismedanssaforme,avecunecondescendanceetunméprisà peine voilés, en ne conservant en fait à celle-ci qu’un sensextrêmementappauvrietuneportéeradicalementlimitée,permetà ces auteurs, comme à d’autres, de sembler respectueuxde larenommée multiséculaire du Stagirite et de ne pas paraîtrerejetercequiaétéreconnuparlesplusgrandscommel’outilparexcellencedelaraison.Elleleurpermetdesemblertenirpourlesyllogisme–en fait aucune raisonhumainen’a jamaispus’enpasser–maissansenaccepterlesexigencestenantàsaportéeetà son principe. Il est vrai que cette portée et ce principes’enracinent,pours’entenirauxcatégorieshistoriquesausujetdes universaux, dans un réalisme modéré, position méta-physique que tous ne partagent pas. Tout cela explique ladésaffectionenlaquelleonletient.

Aussi, il fallait s’y attendre, ce ne sont pas de nouveauxoutils de raisonnement qui, depuis, ont pris la place dusyllogisme, mais de nouveaux fondements : les théoriesmathématiques principalement, qui président désormais à laconstitutiondenouveauxmodèlesformels,etquinepermettentpas à ces systèmes de négocier la connaissance de la réalitéautrement que quantitativement. Et cela même que l’on aprétenduconservercommeformedusyllogisme,dansunlangagesymbolique etmathématisé, n’est plus en fait qu’une structureextérieure,quiaperdusonvéritableprincipeformel.Onestloinalors de l’Organon d’Aristote qui ouvrait la voie auxspéculations métaphysiques les plus hautes, les nouvellesprocédures de la logique mathématiques servant surtout de

Page 96: RAISONNER EN VÉRITÉ · 2015. 9. 15. · œuvres de Staline et de Lénine. Une armée de rédacteurs veille à polir chaque texte, à faire respecter chaque détail du rituel de

Ces pages ne sont pas disponibles à la pré-visualisation.

Page 97: RAISONNER EN VÉRITÉ · 2015. 9. 15. · œuvres de Staline et de Lénine. Une armée de rédacteurs veille à polir chaque texte, à faire respecter chaque détail du rituel de

syllogisme,commeJeandeSaint-Thomas,auXVIIesiècle,danssonCursus logicus. Ilvautmieuxdireque leprincipe logiquede cette relation de raison qu’est le syllogisme est celui de lapropriété des termes dans les prémisses, donc le principe du«êtreentièrementdansleprédicat»ou«êtreprédiquédetousles inférieurs du sujet » ;mais la logique ne pouvant justifierelle-mêmedesesprincipes,puisqu’ellen’estpaslaphilosophiepremière, il est légitimed’enraciner sesprincipesdans les toutpremiers,cedontsechargelamétaphysique.

Lesdeuxexpressions :êtrecontenudans la totalitéde (lesujetestcontenutotalementdansleprédicat)etêtreprédiquédetous,ouêtreaffirméuniversellement (leprédicatseditdetoutcequiestcontenusouslesujet),disentdonclamêmechose,ousontsynonymes,etindiquentbienquecen’estpasl’universalitédes termes séparément les uns des autres qui est à prendre encompte, mais bien l’universalité de leur attribution deux àdeux,danslesprémisses(voirtexten°67)

c)Onabeaucoupdébattudesavoirsicetteuniversalitéétaità prendre enextension ou encompréhension. (Sur ces termes,voir le texte n° 68). L’interprétation de nombreux logiciensmodernes consacre le syllogisme en extension, en disantqu’Aristote l’aurait lui-même ainsi conçu. D’autres, plusprudemment,estimentqu’ilnefautpasperdredevuelepointdevue de la compréhension. Quelques précisions sur ces termesaux sens glissants feront voir que le choix d’une explicationcontrel’autrefaitperdredevuelanatureréelledusyllogisme.

Legenreaplusd’extension que l’espèce, disait-on lors del’étudedesprédicables.Eneffet,l’universalitédugenres’étendà plusieurs espèces différentes, celle de l’espèce aux seulsindividusqu’ellerenferme.L’espèceaunecompréhensionplusgrandeque celle dugenre, car elle dit plus pleinement et plus

Page 98: RAISONNER EN VÉRITÉ · 2015. 9. 15. · œuvres de Staline et de Lénine. Une armée de rédacteurs veille à polir chaque texte, à faire respecter chaque détail du rituel de

distinctement l’essence de la chose, étant convertible avec ladéfinition, le genre ne donnant qu’une partie de la définition.Parexemple«homme»est«animalrationnel»et«animal»est « corps vivant doué de sensation ». «Animal » s’étend àtous les vivants qui ont la vie sensible, depuis la paraméciejusqu’aux primates et à l’homme ; mais en disant homme jecomprend mieux Pierre ou Paul qu’en disant simplementanimal. Cette double caractéristique de l’universalité des sonsde voix, déjà présente dans l’analyse des prédicables, montrequecesdeuxpropriétéssontliéesetnepeuventsecomprendrel’unesansl’autre.

Mais, dans le syllogisme, il se trouve que les termess’affirment les uns des autres, universellement ouparticulièrement, dans des relations d’universalité qui ontcomme fondement ce qu’ils disent, puisqu’ils sont prédicat etsujet, justement. La compréhension des termes est donc aufondementdeceàquoiilss’étendent,deleurextension :«Ledomained’applicationd’unconceptdépenddescaractèresquileconstituent»11.Aussi,pasplusdans lesyllogismequedans lasimpleprédication,onnesauraitséparerlesdeuxpointsdevue.

Raisonner de façon purement extensiviste conduit donc àmécaniser le syllogisme et à identifier l’universel à une classed’éléments, ce qu’il n’est pas. Il est certain pourtant que ladéfinitionduêtreattribuéàtous,tellequ’onlatrouvedanslesPremiers Analytiques, dans l’analyse formelle du syllogisme,manifeste davantage la relation de un à tous que celle dufondementde laprédicationproprementdite,présentepourtanten arrière-plan ; de ce fait, on peut construire des syllogismesformellement valides, mais purement artificiels, avec desprémissesabsurdes,carnemanifestantaucundictum :abstraitestaffirmédetoutanimal;animalestaffirmédetoutebrique;

Page 99: RAISONNER EN VÉRITÉ · 2015. 9. 15. · œuvres de Staline et de Lénine. Une armée de rédacteurs veille à polir chaque texte, à faire respecter chaque détail du rituel de

abstraitestdonc,logiquement,affirmédetoutebrique:

Toutanimal------------------------------estabstraitToutebrique------------------------------estanimal-----------------------------------------------------------Toutebrique-----------------------------estabstrait

Abstrait,animal,briquesontbiendansunordred’extensiondécroissant;maisincomparablesdansleurcompréhension,doncinaptesàrentrerdansunordresyllogistique.

La compréhension semble s’attacher plus à la relation dusujetauprédicat.Enraisondecequ’estlesujet,leprédicatditun de ses caractères ou sa nature : la force est une vertu, unhabitus, une qualité… Ces prédicats entrent dans sacompréhension;l’extensionsemblepluscaractériserlarelationduprédicat au sujet : la force se dit de la vertudu soldat, decelle du martyre, de celle du sportif… la force, prédicat,s’étend à tous ces sujets… Aristote dira d’ailleurs que leprédicatestunconséquentetlesujetunantécédent,c’est-à-direqueleprédicatestposécommeterme«enconséquencedufait»que le sujet est posé : si je pose force, en conséquence et enraisondecequ’elleest,c’estunevertuque jepose :doncmaprémisse est la force est une vertu. Or Aristote ne cesse deparler des termes selon cette dénomination de conséquent etd’antécédent.C’est donc que la compréhension des termes estbienprésenteaufondementdusyllogisme.

Kant,auXVIIIesiècle,sembleinsistersurlacompréhensionen donnant le principe du syllogisme sous cette forme : «Lecaractère d’un caractère est un caractère de la chose même(notanotæestnota rei ipsius) » et il ajouteque ledictum deomni se fonde sur ce dernier (cf. Texte n° 68). Mais, si lecaractère du caractère peut être celui de la chosemême, c’estaussiparcequ’ils’endituniversellement;donconvoitbienque

Page 100: RAISONNER EN VÉRITÉ · 2015. 9. 15. · œuvres de Staline et de Lénine. Une armée de rédacteurs veille à polir chaque texte, à faire respecter chaque détail du rituel de

Ces pages ne sont pas disponibles à la pré-visualisation.

Page 101: RAISONNER EN VÉRITÉ · 2015. 9. 15. · œuvres de Staline et de Lénine. Une armée de rédacteurs veille à polir chaque texte, à faire respecter chaque détail du rituel de

Lemodedecommunicationdesabeilles n’estpasdialogueO nonM

----------------------------------------------------------------------------------------

Lemodedecommunicationdesabeilles n’estpasunlangageO nonN

Sinousnousrésumons,lapreuvedecemodeestdonc:1–Conversiondelamineure;2–Inversiondesprémisses(lamajeurepasseenmineureet

la mineure est convertie en majeure) ; puisque le terme A,considérécommeleplusgrandparAristote,seretrouvesujet,ilestnormalqu’iltransformelaprémissedanslaquelleilsetrouveenmajeure;

3–Onseretrouveenpremièrefigure(modecelarent, c’estpourquoicettedeuxièmefiguresenommeracamestres),donconpeutposerlaconclusion;

4–Onconvertitcetteconclusion;5–Onreplacelestermesdansleurpositionoriginelle,c’est

àdirequel’onré-inverselesprémisses(inversede2).

Cette séquence de conversion/inversion présente uncaractère assez technique, mais elle est nécessaire pourmanifesterquecettenouvellepositiondetroistermesentreeuxpeutengendrerunliensyllogistique,enserapportantàcelledela première figure. Cette conversion à la première figure n’ad’autre but que de rendre manifeste l’évidente application duprincipe être contenu… C’est la raison pour laquelle Aristoteappellecettefigureimparfaite,carelledoitêtrerendueévidenteparlafigureparfaite.

Puisquecettepositiondetroistermesn’enexistepasmoinsparellemême,elleprouvedonc l’existenced’unebiennommée

Page 102: RAISONNER EN VÉRITÉ · 2015. 9. 15. · œuvres de Staline et de Lénine. Une armée de rédacteurs veille à polir chaque texte, à faire respecter chaque détail du rituel de

deuxième figure de syllogisme. Ce point a été faussementcontesté par Kant dans son opuscule La fausse subtilité desquatrefiguresdusyllogisme17,sanscomptercommeonleverraqu’on ne peut prendre la quatrième comme une figure à partentière:ellen’estqu’unmodeindirectdesautres.

• Cette deuxième figure aura seulement quatre modes etn’acceptera aucune conséquence nécessaire si les deuxprémisses sont positives : elle trouve là une deuxième sourced’imperfection:ellen’estutilequepourconclurenégativement,dansl’universelcommedansleparticuliercependant.Autrementdit, elle est utile pour séparer deux sujets, en découvrant unmême terme s’affirmant de l’un et se niant de l’autre (cf. Letableaudesquatorzemodesvalides).

•Ilfautaborderlecasparticulierdecettepositionquin’estpas réductible de façon simple à la première figure, celle quenous nommerons BarOcO, c’est-à-dire schématiquement lafiguresuivante:

Quepeut-onconclure?Aristotevamontrerquel’onpeuttirerlaconclusionQqO–

nonNmaisparuneréductionàl’absurde,laréductionsimpleàla première figure étant ici impossible : en effet, la majeureconvertiedevientparticulièreetlamineure,particulièrenégative,n’estpasconvertible:oronnetireriendedeuxparticulières!

Voici le schéma de cette conversion spéciale : supposonsquel’onnepuissetirerQqO–nonNenaccordanttoutefoislesprémisses;c’estdoncquelacontradictoireToutO–Ndecette

Page 103: RAISONNER EN VÉRITÉ · 2015. 9. 15. · œuvres de Staline et de Lénine. Une armée de rédacteurs veille à polir chaque texte, à faire respecter chaque détail du rituel de

supposéeconclusionimpossibleestbienlabonneconclusionàtirer desprémissesoriginelles.Mais justement, si on conjuguecetteprémisseToutO–N,aveclamajeureoriginelleN–M,ontire,parbArbArA,ToutO–M;cettedernièreconclusionestlastrictecontradictoiredelamineuredusyllogismeoriginelleQqO–M;c’estdoncqu’ilfautbienposercommeconclusiondelapositionoriginelleQqO–nonN.

Schématiquement:

Les flèches indiquent une contradiction. La premièreconclusionestdoncbonne,puisquesacontradictionengendrelacontradictiondelapremièreprémisse,cqfd!

C.Latroisièmefigure

•Donnons-enladéfinition:

Maisquandàunmêmetermeprisuniversellementuntermeappartientetqu’unautre termen’appartientpas,ou si l’unet l’autre appartiennent,ou s’ils n’appartiennent ni l’un ni l’autre à ce même terme prisuniversellement,unetellefigure,jel’appellelatroisième18.

Ajoutonslàaussiquecequel’onnommemoyendanscettefigure,c’estletermedontlesdeuxextrêmessontprédicats,qu’il« est posé en dehors des extrêmes et que sa place est ladernière»,nousditAristote.

•Unetellefigureconclut toujoursenparticulier etcela secomprend intuitivement : un même terme en lequel se

Page 104: RAISONNER EN VÉRITÉ · 2015. 9. 15. · œuvres de Staline et de Lénine. Une armée de rédacteurs veille à polir chaque texte, à faire respecter chaque détail du rituel de

Ces pages ne sont pas disponibles à la pré-visualisation.

Page 105: RAISONNER EN VÉRITÉ · 2015. 9. 15. · œuvres de Staline et de Lénine. Une armée de rédacteurs veille à polir chaque texte, à faire respecter chaque détail du rituel de

Exemplesdequelquessyllogismes:

2)ReprésentationdesyllogismespardessegmentsLepremierà l’avoirutilisé fut, semble-t-il,W.G.Leibniz

(1646-1716). Il considéraitd’ailleurs, et à juste titre,quecettereprésentationétait exclusivementenextension,et il cherchaàlaperfectionnerpouryadjoindrelacompréhension.

Page 106: RAISONNER EN VÉRITÉ · 2015. 9. 15. · œuvres de Staline et de Lénine. Une armée de rédacteurs veille à polir chaque texte, à faire respecter chaque détail du rituel de

Texten°73Mémoriserlessyllogismes

1èrefigure:Barbara,Celarent,Darii,Ferio2èmefigure:Cesare,Camestres,Festino,Baroco3ème figure : Darapti, Felapton, Disamis, Datisi,

Bocardo, Ferison La signification spéciale desconsonnesdesmotsestrelativeàlaréductiondesmodesetestindiquéeparlesdeuxverssuivants:

« S commande une conversion simple, P uneaccidentelle, M veut une inversion (des prémisses), C(danslemot)uneréductionàl’impossible.»

Parexemple :Camestres, en raisonduC initial, se réduitenCelarent:

Page 107: RAISONNER EN VÉRITÉ · 2015. 9. 15. · œuvres de Staline et de Lénine. Une armée de rédacteurs veille à polir chaque texte, à faire respecter chaque détail du rituel de

Texten°74Règlesclassiquesdusyllogisme

Voici les règles classiques du syllogisme ; les quatrepremières concernent les termes, les quatre suivantes lesprémisses et la conclusion.On les trouve chezMichel Psellos(XIesiècle),auteurd’unRésumédelaLogiqued’Aristote:

1.Qu’iln’yaitquetroistermes:lemoyen,legrandetlepetit.2.Quecestermesn’aientpasplusd’extensiondanslaconclusionque

danslesprémisses.3.Laconclusionnedoitjamaiscomprendrelemoyenterme.4.Lemoyentermedoitêtreprisaumoinsunefoisuniversellement.5.Deuxaffirmativesnepeuventengendrerunenégative.6.Silesdeuxprémissessontnégatives,riennesuit.7.Laconclusionsuittoujourslapartielaplusfaible.8.Dedeuxprémissesparticulières,riennesuit.

N.B.:Lesauteurslesreprennententotalité,ouenpartie(Bossuet,parexemple,omet3.et5.),enchangeantl’ordre…Enfait,1.et3.fontpartiede la définition du syllogisme et de chaque figure. La 5., la 6. et la 7.découlent des principes du syllogisme. Les 2., 4. et 8. peuvent êtreramenéesà1.

Page 108: RAISONNER EN VÉRITÉ · 2015. 9. 15. · œuvres de Staline et de Lénine. Une armée de rédacteurs veille à polir chaque texte, à faire respecter chaque détail du rituel de

Ces pages ne sont pas disponibles à la pré-visualisation.

Page 109: RAISONNER EN VÉRITÉ · 2015. 9. 15. · œuvres de Staline et de Lénine. Une armée de rédacteurs veille à polir chaque texte, à faire respecter chaque détail du rituel de

Certainesactionssemblentmanquerdefinalité :ainsi le jeu, lacontemplationetcesactionsquineretiennentpasl’attention,quandonsefrottelabarbe,parexemple,etautreschosessemblables.Celapermettraitdepenserquecertainsagentsagissentsansfinalité.

Ilfautsavoirquelacontemplationn’estpaspouruneautrefin,elleestàelle-mêmesafin.Quantaujeu,ilestparfoislui-mêmeunefin, dans le cas de celui qui joue pour le seul plaisir de jouer ;parfois,ilauneautrefinalité,ainsijouons-nouspourmieuxétudieraprès. Enfin, quant à ces actions qui ne retiennent pas l’attention,elles n’ont pas leur principe dans l’intelligence, mais dans uneimagesubiteouquelquecausenaturelle:parexemple,undésordredans les humeurs qui est une source de démangeaisons, et nousporteànousfrotterlabarbesansfaireattention.Cesactionstendentdonc elles aussi à quelque fin, mais hors du domaine del’intelligence.

Voicidoncécartéel’erreurdesanciensphilosophesdelanaturequi affirmaient que tout relève de la nécessité de la matière,excluanttotalementlafinalitédeschoses.

Analyse : Le premier paragraphe est la mise en placed’objectionsàtouteactionestfinalisée.

Lejeu,lacontemplation,lesactionspardistraction

sontdesactionshumaines;

Lejeu,lacontemplation,lesactionspardistraction

sontfaitessansfinalité:

Certainesactions manquentdefinalitéConclusioncontradictoireàtouteactionestfinalisée!

La réponse vise à montrer que chacun des sujets échappe auprédicatmanquer de finalité ; la contemplation parce qu’elle estelle-même fin ; idem pour quelque jeu ; quelque autre jeu étantfinalisé par le travail. Les actions faites sans attention sortent dudomainedusujetcarellesnesontpasàproprementparlerdesacteshumains,maisplusdesactionsréflexesdelasensibilité.

Texten°3:MarcelClément,GeorgesMontaron,Lesocialisme,Beauchesne.

Clément. – Je vous avais apportémoi-même une définition !

Page 110: RAISONNER EN VÉRITÉ · 2015. 9. 15. · œuvres de Staline et de Lénine. Une armée de rédacteurs veille à polir chaque texte, à faire respecter chaque détail du rituel de

Pour qu’elle vous convienne, je l’avais empruntée àM.Mendès-France…

Mais j’avoue que celle de M. André Philip me satisfaitpleinement.Jelaisseraidecôté,sivouslepermettez,lesdéfinitionsduRobertetduLarousse,quicorrespondentmoinsàcequinouspréoccupe.

Ilmesemblequeladéfinitiond’AndréPhilip–quevousfaitesvôtre,sijecomprendsbien–correspondexactementàladéfinitiondonnéeparPieXIdusocialismeen1931,etsurlaquelleilafondésa critique. En effet, dans cette définition, le socialisme présentedeuxcaractères:

1°c’estuneconceptiondel’hommequidonneuneimportanceunilatérale à la vie matérielle, à la vie économique ; 2° elle estcollectiviste, c’est-à-dire qu’elle considère toute responsabilitépersonnelle comme injuste et toute direction anonyme collectivedestravailleurscommeinfaillible.Enfin,seloncettedéfinition,ilestclairquelafinalitédelaviesociale,c’estlavieéconomique.

Montaron. – Pas du tout ! La finalité du socialisme, c’est lebonheurdeshommes.Laviesocialedoitconcouriraubonheurdeshommes, c’est-à-dire à l’épanouissement des personnes humainesqui composent la société. J’entends par épanouissement ce quipermetàchaquehommed’accomplir sa finalité,d’êtrepleinementlui-même, les chrétiens disent : de tendre vers l’image du Christ,quiestparfaitementhommeetparfaitementDieu.

Les marxistes, eux, s’arrêtent à un homme tronqué, auquel ilmanque notre conception de la Création et notre conception del’au-delà.Mais il reste qu’ils ont une conception de l’homme quiressemble, au moins dans sa partie tronquée, à l’homme auquelnouscroyons.

Clément. – Je crois que vous mélangez ou, plutôt, que vousjuxtaposezdeuxréalités.

D’un côté, vous dites : le socialisme est une philosophie dubonheur. Or le bonheur, c’est finalement une chose intérieure àl’âme:celasuppose,bienentendu,quelesbesoinscorporelssoientsatisfaits ;maiscesbesoinspeuventêtre satisfaitset l’onpeutêtremalheureux…D’un autre côté, vous dites : le socialisme est uneorganisation collective de la production et de la répartition desbiens. Cela ne convient, essentiellement (à supposer que lesocialisme y arrive vraiment), qu’à la satisfaction des besoins

Page 111: RAISONNER EN VÉRITÉ · 2015. 9. 15. · œuvres de Staline et de Lénine. Une armée de rédacteurs veille à polir chaque texte, à faire respecter chaque détail du rituel de

matériels.Donc,souslerapportdecetteorganisationcollective,lessocialistes poursuivent, en fait, le bien-être physique. Pour lebonheur,jepensebienqu’ilslesouhaitent,maisilsetrouvecommeplaquépar-dessus.C’estuneaffirmationverbale,etfinalement,onsupposequecebonheurvadesoiquandlesbesoinsmatérielssontsatisfaits.

Analyse : Dans ce texte, Montaron pose une thèse : Lesocialismeviselebonheurdel’homme,thèsequeClémentattaque:l’un veut unir ces deux termes l’autre les désunir. M. Clémentconcède la définition de A. Philip, car elle est juste (raisonprofonde) et surtout parce qu’elle est donnée par G. Montaron :c’estluiquilapose;siontiredecettedéfinitionuneconclusionsurle socialisme, et conformément à ce qu’en dit G. Montaron lui-même, on ne fait que conclure à partir de ce qui est posé parl’adversaire :c’est luiqui ledit !c’estunesituationdialectiquedel’argumentationcommeonleverradanslechapitrecorrespondant.La définition est moyen terme dans la démonstration : si lesocialismeestcequ’ilest, ilnevisepas lavie intérieureà l’âme,mêmesilessocialisteslesouhaitent.

Lebonheurestsimplementanalysécommeunechoseintérieureà l’âme, selon une opinion courante. En raison de la définitionconcédée, le socialisme ne peut être sujet de cette propriété ; leschémaestdoncceluid’unmêmetermeaffirmédansuncasetniédansl’autre,c’estceluideladeuxièmefigure:

Lebonheur estintérieuràl’âmeLesocialisme nevisepasunbienintérieuràl’âmeLesocialisme netendpasaubonheur

Texte n° 4 :MaxWeber,Lemétier et la vocationd’hommepolitique(PolitikalsBeruf),Paris,Plon,coll.«10/18»,1959.

L’importance des avocats dans la politique occidentale depuisl’apparition des partis politiques n’a rien de fortuit. L’entreprisepolitiquedirigéepardespartisn’estprécisémentqu’uneentreprised’intérêts–nousverronstoutàl’heurecequ’ilfautentendreparlà.Or le métier de l’avocat spécialisé consiste justement dans ladéfense efficace des intérêts de ceux qui s’adressent à lui. En ce

Page 112: RAISONNER EN VÉRITÉ · 2015. 9. 15. · œuvres de Staline et de Lénine. Une armée de rédacteurs veille à polir chaque texte, à faire respecter chaque détail du rituel de

Ces pages ne sont pas disponibles à la pré-visualisation.

Page 113: RAISONNER EN VÉRITÉ · 2015. 9. 15. · œuvres de Staline et de Lénine. Une armée de rédacteurs veille à polir chaque texte, à faire respecter chaque détail du rituel de

cequivautpouruneparticulière,àsavoiruneénumération,nedonnera jamais une proposition universelle affirmative, commeon l’a vu dans les règles de conversion au chapitre sur lesyllogisme. Que cette conversion soit possible nécessite des’appuyer comme on va le dire plus loin sur la matière desprémisses,lerapportnécessaireounonduprédicatetdusujet,et pas seulement sur leur attribution universelle. C’est ainsiqu’ilfautcomprendrecetteexigence:quelemoyentermen’aitpasplusd’extensionquel’énumérationdesparticuliers.

On peut voir aussi que « concevoir C comme composé detous les êtres particuliers », condition adjointe à l’exigenceprécédente,soulèveuneautredifficulté:peut-onvraimentfaireuneénumérationcomplète?Prenonsunexemple:les«douze»(Pierre,Paul,André…etc…)étaientjuifs;lesmêmes«douze»étaient apôtres ; certes, on peut en conclure, après conversionparfaite que les apôtres étaient juifs, au sens de « les douzepremiers apôtres étaient juifs », mais non que la nature«apôtre»commandelacaractéristique«êtrejuif».Grandeestladifférenceentreunepropositionuniverselle«êtreapôtre…»et une proposition collective « les douze apôtres… ». Mêmedans cet autre exemple : énumérer les cinq sens externes, vue,ouïe, odorat, goût, toucher, et conclure à « tous les sensexternes », c’est conclure à rien de plus qu’à une propositioncollective ! Pour conclure universellement, il faut ajouter quel’intelligencesaisit,àl’occasiondecetteénumération,lanaturecommuneà tous cesparticuliers.Dire« les cinq sens externessontorganiques»estunepropositioncollectivequin’apas lemêmesensquelapropositionuniverselle«toutsensexterneestorganique»,mêmesi lapremièreestsouvententendueausensde la seconde. La première obtenue par énumération complèteest requise à la seconde, laquelle nécessite une saisieintellectuellesupplémentaire.

Page 114: RAISONNER EN VÉRITÉ · 2015. 9. 15. · œuvres de Staline et de Lénine. Une armée de rédacteurs veille à polir chaque texte, à faire respecter chaque détail du rituel de

Ce dernier point est au cœur de la discussion autour del’inductionqu’onpeutrésumerdelamanièresuivante:cen’estpastantlecôtécompletouincompletdel’énumérationquirendl’inductionlégitimeounon,c’estlavaleurdecetteénumérationet l’acte intellectuel qu’elle autorise. Il faut dépasser lacollectiondessinguliersqui,mêmecomplète,nedonnepasunvrai universel. Ce qui permettra aussi qu’une énumérationincomplète, assortie de conditions supplémentaires, pourradonner une conclusion universelle. Ces conditions permettent,comme on vient de le dire, de passer du seul point de vue del’extensionàceluidelacompréhension,enpassantnonpasdequelques-unsàtous,cequiseraitunparalogisme,maisduplandes faits à celui d’une sorte de loi nécessaire, du sensible àl’intelligible.Parunesorted’intuition,l’intelligencesaisitdansle sensible présenté dans l’énumération une essence et sesrelationsnécessaires.

La réduction de l’induction au syllogisme se fait donc envertudesamatièreetnondesaforme.Lesdeuxargumentationssontenfaitirréductiblesl’uneàl’autre,maislamatièrequiestsous la forme de l’induction peut être ramenée sous la formesyllogistique, pas sa forme elle-même. Tenter de réduirel’induction au syllogisme est une position rationaliste qui neveut voir de certitude dans la connaissance que par déductionnécessaire. Comme pour les instruments manuels, scie oumarteauparexemple, les instruments rationnelsnesontpasdemême forme ; de même pour les instruments donnés par lanature:lamainetlepied…!

Cela permet àThomas de dire : «Celui qui induit par lessinguliers à l’universel, ne démontre pas ni ne syllogize5 avecnécessité»6;etenmêmetemps:«Ilestimpossiblederéfléchirsur des universels sans l’induction. Certes cela est davantage

Page 115: RAISONNER EN VÉRITÉ · 2015. 9. 15. · œuvres de Staline et de Lénine. Une armée de rédacteurs veille à polir chaque texte, à faire respecter chaque détail du rituel de

manifestedans les choses sensibles,parcequenousacquéronsde celles-ci une connaissance universelle par l’expérience quenousavonsdessingulierssensibles»7.

Cela dit, il faut préciser maintenant comment l’inductiondoitêtreconduitepourpermettrecepassageàl’universel.Carilreste que certaines inductions seront certaines et d’autresseulementprobables.

3.Conclusioncertaineouprobable

L’induction par énumération complète peut être considéréecomme parfaite aux conditions que nous avons ditesprécédemment,c’est-à-diredesolliciterunesaisiedel’intellectpourpasserdu« tous»collectifàun« tout»universel ;maisl’induction par énumération incomplète n’est pas toujoursimparfaite, c’est-à-dire seulement probable comme le pensentnombred’empiristes.

Pour être parfaite il suffit que l’énumération permette àl’intelligencedeformerunprincipeuniverselqu’elleatteintaveccertitude.Si quelques cas singuliers ne peuvent suffire à avoirl’évidence de l’universel, elle est alors imparfaite. Aristote nepeutpasparlerdel’énumérationexplicitedetouslessinguliers,cequi est impossibledans laplupartdes cas. Il faut justequel’énumération permette de considérer qu’il en est ainsi desautrescas.

Lacertitudenevientpasdelaformecommenousl’avonsvu,mais de la matière sur laquelle elle porte. En présence d’unematière nécessaire, c’est-à-dire d’un lien nécessaire entre unattribut et son sujet, on peut dire qu’il en est ainsi dans lesautres cas. En matière contingente en revanche, on ne peutaccéder à autre chosequ’àuneprobabilité, cequi appartient à

Page 116: RAISONNER EN VÉRITÉ · 2015. 9. 15. · œuvres de Staline et de Lénine. Une armée de rédacteurs veille à polir chaque texte, à faire respecter chaque détail du rituel de

Ces pages ne sont pas disponibles à la pré-visualisation.

Page 117: RAISONNER EN VÉRITÉ · 2015. 9. 15. · œuvres de Staline et de Lénine. Une armée de rédacteurs veille à polir chaque texte, à faire respecter chaque détail du rituel de

•Premièresetimmédiates,c’est-à-direindémontrables,sansquoionauraitlasciencecommeparaccident,puisqu’ilfaudraitencoredémontrerlesprémisses.

Cette propriété pose le problème de l’acquisition de cesprémissesindémontrablesdontlasciencedépendetquinesontobjetd’aucunescience.Iciilyauraitàdistinguer:unesciencene démontre pas ses prémisses, soit, mais ils peuvent êtredémontrésdansuneautrescienceàlaquellelapremièreestalorssubalternée, caractère d’une science dont les principes sontdémontrés par une autre ; la perspective par exemple nedémontre pas les proportions géométriques mais s’appuie surleur démonstration établie par la géométrie. Au principe dessciencestoutefois,ilesteffectivementbesoind’uneautreformede connaissance, de type intuitif et non de type déductif,permettant d’accéder aux principes premiers par excellence ;c’est ce point qui devra être discuté au terme de cetteprésentationdelascience.

•Causesdelaconclusion,doncantérieuresetplusconnues,parce que toute cause est naturellement antérieure et plusconnuequesoneffet. Ilnes’agitpas icid’êtreplusfacilementconnu simplement par rapport à nous, comme le sont lessinguliersoffertsenpremierànotreconnaissancecariln’yapasdedémonstrationàpartirdeschosessingulièresmaisseulementàpartirdel’universelreçudansl’intelligence.Ondoitdoncdireque,dansunedémonstrationoù l’onprocèdedeprémissesquisontplusconnuesquantànous,cesdernièresnesauraientêtresingulièresmaisuniverselles.

Parfoiscependant,cequiestplusconnudenousestaussicequipossèdeenlui-mêmeetenraisondecequ’ilestparnature,le plus d’intelligibilité, comme cela se voit par exemple enmathématiques;danscettescienceeneffet, lesdémonstrations

Page 118: RAISONNER EN VÉRITÉ · 2015. 9. 15. · œuvres de Staline et de Lénine. Une armée de rédacteurs veille à polir chaque texte, à faire respecter chaque détail du rituel de

ne se font que par des principes formels, abstraction faite detoutematièresensible,etlesdéfinitionsdupoint,delaligne…etc.,sontévidentesenelles-mêmesetrenvoientàcequipossèdelemaximumd’intelligibilité.

Maisilarrivequecequiestplusconnudenousnesoitpaspurement le plus intelligible : cela se produit dans laconnaissance des êtres naturels dont les essences sont cachéesparceque«enfouies»dans lamatièreetne sontconnuesquepar leurs seules propriétés extérieures. Les démonstrations sefontalorsplusparleseffets,lesquelssontplusconnusdenous,maisrenfermentmoinsd’intelligibilitéquelesêtreseux-mêmes,dansleursprincipesetleurcauses.

Des démonstrations partant de ce qui est plus intelligiblenaturellement restent possibles dans un certain degréd’universalité, celui des aspects communs à toutes les chosesnaturelles,commeonpeutlevoirenphilosophiedelanature.

b. Les termes des prémisses démonstratives entretiennententre eux des liens qui rendent ces prémisses nécessaires : larelation sujet/prédicat est telle qu’ils sont dits de tous (deomni), par soi (per se) et premièrement (primo). Commentcomprendrecelalogiquement?

•Unprédicatditdetous

Ilfautd’abordqueleprédicatsoitditdetouslesinférieurscontenussouslesujet.N’est-cepaslàuneexigencecommuneàtout syllogisme et en quoi est-ce alors propre à la science ?Formellement ilestvrai,en toutsyllogisme,unedesprémissesest universelle. Mais il s’agit désormais d’un caractère quidépasse la seule analyse formelle de la proposition et laparachèveen tenantcomptede la réalitéconsidérée :qu’aucun

Page 119: RAISONNER EN VÉRITÉ · 2015. 9. 15. · œuvres de Staline et de Lénine. Une armée de rédacteurs veille à polir chaque texte, à faire respecter chaque détail du rituel de

des inférieursn’échappeà laprédicationetcelaen tout temps,c’est-à-dire en conformité à la nature profonde de la chose.Certaines argumentations syllogistiques peuvent admettre desprémisses universelles, mais dont l’universalité dépend de lafaçondontleschosessontpensées,àunecertaineépoqueetparcertains;c’estlecasdessyllogismesdialectiquesparexemple,oùonneraisonnepasenfonctiondecequeleschosessontenelles-mêmesetentouttemps.

•Unprédicatditparsoi

Il fautensuiteque le liendes termesdans lesprémisses, lelienprédicat/sujet,soitunlienparsoietnonparaccident.

Comprenonsd’abordlesensdelaparticulepar (per) :elledésigneunrapportdecauseàeffet.Cepeutêtreunrapportdecauseformelle,commelorsqu’onditquelecorpsvitparl’âme;unrapportdecausematérielle,sionditquec’estparsasurfacequ’uncorpsestcoloré;unrapportdecauseefficienteoufinalelorsqu’on dit que c’est par le feu que l’eau est chauffée. Desorteque,quandlesujetouquelquechoseluiappartenantestlacausedecequ’onluiattribue,laprédicationestparsoi,c’est-à-dire en raison du sujet lui-même et non d’autre chose13.L’expressionpar soi est donc réservée aux prédicats qui sontavecleursujetdansunerelationdecauseàeffet,selonlaforme,lamatièreoulacauseefficiente.

–Leprédicatpeut êtrevud’abordcommeappartenant à laformedusujet,c’est-à-direàsadéfinitionouàunepartiedesadéfinition.Onneforgepasalorsn’importequelleprémissemaisuneprémisseparsoi.Parexemple,lecorpsrentrecommepartiedeladéfinitiondel’homme: l’hommeestunêtrecorporel estuneprémisseparsoidecettepremièremanière.

–D’unedeuxième façon, le sujet peut être nécessaire à ce

Page 120: RAISONNER EN VÉRITÉ · 2015. 9. 15. · œuvres de Staline et de Lénine. Une armée de rédacteurs veille à polir chaque texte, à faire respecter chaque détail du rituel de

Ces pages ne sont pas disponibles à la pré-visualisation.

Page 121: RAISONNER EN VÉRITÉ · 2015. 9. 15. · œuvres de Staline et de Lénine. Une armée de rédacteurs veille à polir chaque texte, à faire respecter chaque détail du rituel de

Comme les hypothèses et les postulats précédents, ils sontimmédiatement évidents, c’est-à-dire que leur vérité estappréhendée avec certitude sans démonstration. La raison del’évidence d’une proposition vient de ce que le prédicat estinclusdanslanotiondusujet.Lestermesdesthèsescependant,qui ne sont pas nécessairement possédées par tousindifféremment, sont autres que ceux des axiomes qui sontconnusdetouthomme,commeceuxd’être,d’unetdetousceuxqui se rapportent à l’être, car l’être est la première chose queconçoit l’intelligence. Ainsi la proposition : « tous les anglesdroits sont égaux » est, en elle-même, évidente ou immédiate,étant donné que l’égalité est comprise dans la définition del’angle droit,mais à la condition de connaître la définition del’angledroit,cequin’estpasconnudetousmaisseulementdesmathématiciens. En revanche les axiomes sont évidents nonseulement en eux-mêmes mais encore pour tous : ainsi duprincipemoral«ilfautfairelebienetéviterlemal»appréhendépar l’intelligence pratique pour éclairer toute action ; duprincipe de non contradiction « l’affirmation et la négation nesont pas simultanément vraies », du principe d’identité, etc.Aussi toutes lessciences tiennent-ellescettesortedeprincipesde la métaphysique, à laquelle il revient de scruter l’êtrepurement et simplement et tout ce qui s’y rapporte. Lemétaphysicien ne saurait pourtant les démontrer puisqu’ilsrestent indémontrables,mais il peut réfuter ceux qui semblentlesnier,àconditionqu’ilsparlent,caronnepeut réfuterceluiquisetait!AristoteconsacreunlivreentierdesaMétaphysique(livre4)àcetravail.

C’estencesensqu’ilssontconnusintuitivement,oucommepréfère ledire saintThomas,parunautrehabitusqueceluidescience, l’habitus d’intelligence des principes (cf. texte 85).Aucun moyen terme n’est alors requis, à la différence de la

Page 122: RAISONNER EN VÉRITÉ · 2015. 9. 15. · œuvres de Staline et de Lénine. Une armée de rédacteurs veille à polir chaque texte, à faire respecter chaque détail du rituel de

science, et cet habitus est formé naturellement à partir del’expérience intellectuelle la plus commune, comme on l’a vuplushautpourl’induction.

Autredifférenceencore, lesaxiomessontcommunsà toutescience, mais les autres, thèses, hypothèses et postulats sontpropresàchaquescience.

Enfin, hypothèses et postulats peuvent être confirmés ouargumentésparune raisonextérieureetéventuellementniésoudiscutés, alors que les axiomes, formés pas les conceptionscommunesdel’âme,sontimmédiatementconnusparlalumièrenaturelle de la raison : on peut toujours les nier oralement,comme certains l’ont fait, mais c’est une négation purementapparente,«onnepeutyadhérerenpenséemêmesionlesnieenparole»ditAristote!

Texten°80Inductionetsyllogisme

SaintThomasd’Aquin,Commentairedel’Éthique,VI,3,1148

Toute science semble pouvoir être l’objet d’un enseignement. Aupremier livre de laMétaphysique en effet, Aristote dit que le signe dusavant est son aptitude à enseigner. Car c’est par ce qui le rend en actequ’ilpeutfairepasserunautredelapuissanceàl’acte.Delamêmefaçon,tout connaissable est acquis par celui qui est en puissance à le recevoir.Mais il est nécessaire que toute doctrine et toute discipline procède dechoses connues antérieurement, comme cela a été dit au début desSeconds Analytiques. En effet nous ne pouvons parvenir à laconnaissancedequelquechosequ’àpartirdechosesdéjàconnues.

Cependant un enseignement transmis procède de deux manières àpartirdecequiestconnu:par inductionouparsyllogisme.L’induction,elle,mèneà laconnaissanced’unprincipeetd’ununiverselauquelnous

Page 123: RAISONNER EN VÉRITÉ · 2015. 9. 15. · œuvres de Staline et de Lénine. Une armée de rédacteurs veille à polir chaque texte, à faire respecter chaque détail du rituel de

parvenonspar l’expériencedessinguliers,commecelaestditaupremierlivre de la Métaphysique (chapitre1). Puis, à partir des principesuniverselsconnusdecettefaçonprocèdelesyllogisme.Onvoitdoncqu’ilexiste certains principes d’où procède le syllogisme et qui ne sont pasrenduscertainspar syllogisme : autrement,onprocéderait à l’infinidanslesprincipesdessyllogismes,cequiest impossible,commeilestprouvéau premier livre des Seconds Analytiques. Il reste donc que c’estl’induction qui est au principe du syllogisme. Toutefois, n’importe quelsyllogisme ne fonde pas une discipline, c’est-à-dire ne procure pas uneconnaissancedescience,maisseullesyllogismedémonstratif,quiconclutdunécessaireàpartirdunécessaire.

Texten°8121L’inductioncheztroisempiristes

F.Bacon,JohnStuartMilletB.Russel(Citationsetcommentaires)

1)FrancisBacon (1561-1626),NovumOrganum (trad.A.LasalleÉd.Frantin,Dijon).

Danscetouvrage,ilproposesesfameusestables:–deprésence,–d’absence,–dedegrés.Ils’agitdeclasserlesobservations,delesfairedialoguerles

uneaveclesautrespourentireruneloigénéraleparunprocédéd’inductionamplifiante.

Sacritiquedusyllogismereposesurlesabusqu’enontfaitscertainsmais non sur une bonne conception de l’universel, saconception étant nominaliste. D’où une hypertrophie despouvoirsdel’induction,inopéranteàriendémontrersionnela

Page 124: RAISONNER EN VÉRITÉ · 2015. 9. 15. · œuvres de Staline et de Lénine. Une armée de rédacteurs veille à polir chaque texte, à faire respecter chaque détail du rituel de

Ces pages ne sont pas disponibles à la pré-visualisation.

Page 125: RAISONNER EN VÉRITÉ · 2015. 9. 15. · œuvres de Staline et de Lénine. Une armée de rédacteurs veille à polir chaque texte, à faire respecter chaque détail du rituel de

(…) Il explique d’abord comment se produit l’expérience et ensuite,comment se produit l’art… Il dit donc d’abord que pour les hommes,l’expérience vient de la mémoire. Cela se produit ainsi : à partir denombreuses mémorisations, l’homme acquiert l’expérience de quelquechosegrâceàquoiilpeutagiravecfacilitéetjustesse.Ainsi,parcequelapuissanced’agir justement et facilement naît de l’expérience, il sembleyavoir presque une similitude entre l’art et la science, des deux côtés eneffet, on obtient une connaissance unique à partir de multiplesobservations,maisilyadissemblance,encequeparl’artonobtientdesvues universelles, tandis que par l’expérience on obtient des vuesparticulièrescommeonlediraplusloin.

§18 – Ensuite (…) Il expose comment se produit l’art, et il dit quec’estparl’expériencequeleshommesacquièrentlascienceetl’art;(…)Mais lemode selon lequel l’art estproduitpar l’expérienceest identiqueau mode précédent, celui par lequel l’expérience est produite par lamémoire.Car,demêmequepardemultiplesmémorisationsseformeuneconnaissance expérimentale, demême c’est par demultiples expériencesappréhendées qu’on obtient une vue universelle de tous les semblables.Aussi ceci se vérifie davantage dans l’art que dans l’expérience, carl’expérienceconsidèrelesingulieralorsquel’artconsidèrel’universel.

§19–Parexemple,quandunhommeserendcomptequ’unremèdeaétéutileàSocrateouàPlatonsouffrantdetellemaladie,etpourbeaucoupd’autressinguliersquelsqu’ilssoient,celaprocèdedel’expérience;maisque quelqu’un estime ce remède est utile à tous pour telle espècedéterminée demaladie, pour les fiévreux par exemple ou ceux qui sontatteintsdecholéra,celarelèvealorsdel’art.

3)Comparaisondelaconnaissanceuniverselleetdel’expériencea)Danslaviepratique.§20–Ensuiteilcomparel’artàl’expérienceselonleursrapportsde

prééminence.Etillefaitselondeuxpointsdevue.D’abord selon l’action, et ensuite selon la connaissance. Il dit donc

que dans l’action, l’expérience ne semble pas être différente de l’art. Eneffetquandonagit,ladifférenceentrel’expérienceetl’artquiprovientdel’universel et du singulier est supprimée, car l’art comme l’expériences’occupe du singulier. C’est pourquoi la différence mentionnéeprécédemment intervient sur le plan de la connaissance seulement.Maisbienquel’artetl’expériencenediffèrentpasselonleurmoded’opération,parcequel’unetl’autreenvisagentlesingulier,ilssontdifférentstoutefois

Page 126: RAISONNER EN VÉRITÉ · 2015. 9. 15. · œuvres de Staline et de Lénine. Une armée de rédacteurs veille à polir chaque texte, à faire respecter chaque détail du rituel de

au plan de l’efficacité de l’action. Car l’expérimenté est plus efficacedansl’actionqueceluiquipossèdelesprincipesuniverselsdesonartsansavoirl’expérience.

§21 – La raison en est que les actions portent sur des chosessingulièresetquetouteproductionestproductiond’uneréalitésingulière.Eneffet, les réalitésuniversellesne sontniproduitesnimues, sinonparaccident,danslamesureoùellesconviennentàdesréalitéssingulières.Eneffet,ilyagénérationd’hommequandtelhommeindividuelestengendré.Ainsi lemédecinne soigne l’hommequepar accident ; il soignepar soiSocrate ou Platon, ou tel homme singulièrement considéré à qui ilconvientouàquiilarrive,entantqu’ilestsoigné,d’êtrehomme.Eneffet,bienqu’êtreunhommeconvienneàSocrateàtitredeprédicatparsoi,celaneconvientqueparaccidentàcequiestobjetdesoinsetderemèdes.Eneffet«Socrateestunhomme»estunepropositiondetypeparsoi,carsiSocrate pouvait être défini, le mot homme ferait partie de sa définition(commeonlediraaulivreIV)tandisque«celuiquiaétésoignéouguériestunhomme»estunepropositionaccidentelle.

§22 – Ainsi puisque l’art concerne l’universel et l’expérience lesingulier, si quelqu’un possède la raison de son art sans l’expérience, ilseraréellementparfaitdanslefaitdeconnaîtrel’universel;maisignorantle singulier en raison de son manque d’expérience, il commettra denombreuses fautes comme médecin, car les soins sont davantage del’ordredusingulierquedel’universel,puisqueàl’unilsappartiennentparsoi,àl’autreparaccident.

b)Danslaviespéculative§23 – Ensuite il compare l’expérience et l’art quant à la

connaissance.Ilproposelasupérioritédel’artetdelasciencepourtroisraisons:

d’abordquantausavoir:nousestimonssavoirdavantageparl’artqueparl’expérience.

Également,quantaufaitdepouvoirrépondreauxobjections,cequialieudanslesdiscussions,carceluiquipossèdesonartpeutrépondre,danslesdisputes,àceuxquicontestentsonart,maisnonceluiquiaseulementl’expérience.

Enfin,quantaufaitqueleshommesd’arts’approchentdavantagequeleshommesde simple expériencedubut atteintpar la sagesse,« en tantqu’il leur appartient », c’est à dire qu’il leur arrive de « connaître lasagesse qui suit toutes choses « , à savoir en considérant les principes

Page 127: RAISONNER EN VÉRITÉ · 2015. 9. 15. · œuvres de Staline et de Lénine. Une armée de rédacteurs veille à polir chaque texte, à faire respecter chaque détail du rituel de

universels. En effet, on juge l’homme d’art plus sage que l’hommed’expérienceparcequ’ilconsidèrel’universel.Ouuneautreinterprétationdutexte:«entantqueprocédantd’unsavoirparmodedesagessequisuittoutes choses », c’est-à-dire les principes universels.Une autre version :«en tantqu’approchantdavantaged’unsavoirdesagessequi suit touteschoses»commes’ildisait:«entantqueprocédantd’unesagessequisuittoutes choses » c’est-à-dire atteignant tout et qui est davantage dans lalignedusavoirquedanscelledel’agir,encesensqu’ondénommesagesplutôtceuxquisaventdavantage,queceuxquisontplusactifs.D’ailleursuneautreversionprésenteunsensplusclair:«entantqu’ilsrecherchentunplushautsavoir,touspoursuiventlasagesse.»

c) Trois preuves de la prééminence de la vie spéculative sur la viepratique

§24 – Ensuite il prouve de trois manières cette prééminence dont ilvientdeparler.

•Lapremièrepreuveest lasuivante :ceuxquisavent lacauseet lepourquoi sont plus savants et plus sages que ceux qui l’ignorent, maisconnaissent seulement le fait.Et leshommesd’expérienceconnaissent lefait,mais ignorent la cause, les hommes d’art connaissent la cause et lepourquoi,etnonpassimplementlefait;doncleshommesd’artssontplussagesetplussavantsqueleshommesd’expérience.

§25 – Il prouve d’abord la première proposition. Cette preuve seformule ainsi : ceux qui connaissent la cause et le pourquoi sont, parrapportàceuxquiconnaissentseulementlefait,commeceuxquiexercentdes arts architectoniques par rapport à des arts manuels. Or les artsarchitectoniquessontplusnobles,doncceuxquiconnaissentlacauseetlepourquoi sont plus savants et plus sages que ceux qui connaissentseulementlefait.

§26–Lapremièrepartiedecettepreuvesetiredufaitquelesartisansdes arts architectoniques connaissent les causes des œuvres fabriquées.Pourlecomprendre,ondoitsavoirqu’unhommed’artarchitectoniqueestainsi nommé comme étant le principal artisan : le mot est composé de«archos»,quisignifieprincipe,etde«techné»quisignifieart.Ornousdisonsque l’artquicomporte l’opération laplusnobleest leplusnoble.Onpeutdistinguerlesactesdesdifférentsartisansdelamanièresuivante:certainsdisposentlamatièredel’œuvrecommelecharpentierquicoupeetrabote le bois, préparant ainsi la matière pour la forme du navire. Undeuxièmeacteestl’introductiondelaforme:commelorsque,àpartirdu

Page 128: RAISONNER EN VÉRITÉ · 2015. 9. 15. · œuvres de Staline et de Lénine. Une armée de rédacteurs veille à polir chaque texte, à faire respecter chaque détail du rituel de

Ces pages ne sont pas disponibles à la pré-visualisation.

Page 129: RAISONNER EN VÉRITÉ · 2015. 9. 15. · œuvres de Staline et de Lénine. Une armée de rédacteurs veille à polir chaque texte, à faire respecter chaque détail du rituel de

c’est son sens étymologique. Il y tente par des questionshabilement agencées d’éprouver les opinions des gens qu’ilrencontre, etdedécouvrir et fairedécouvrirprogressivement lavéritédanssapremièreébauche,lesdéfinitionsuniversellesdeschoses.(Cf.texten°87)1

Platon écrit les dialogues de son maître et pratique donccetteméthode,mais il l’élargit, l’anoblit pourrait-ondire et enfait la voie d’ascension par laquelle l’âme du philosopheremonte à la vérité entière. Elle renferme une exigence depurificationpoursedégagerdusensible.Élévationàpartirdesconnaissances particulières, elle est une discipline de l’espritpour se dégager de l’opinion, laquelle ne considère que lemondemouvantetinstable.Elleviseàatteindrelascienceparlaconnaissance raisonnée et enfin la sagesse par l’intuition et lacontemplation des idées, sous la lumière du Bien en soi quiexerceunattraitirrésistiblesurl’âme2.

PourAristote commeonva le voir dans ce chapitre, seulel’intelligence, lascienceet lasagesse, les troisvertusde l’âmedanssaviespéculative,peuventprétendreatteindrelavéritédel’être.Eneffet,lorsquelesyllogisme(étudiéauparavantdanssaforme seule aux Premiers Analytiques) s’appuie sur desprémisses nécessaires et aux conditions étudiées aux SecondsAnalytiques, on effectue une démonstration, et cette voie estrésolutive (ouanalytique,c’est lemêmemot) ; laconnaissancequ’elleengendreestunsavoirvéritableetcertain,unescience.

Mais il n’en est pas toujours ainsi et lemoyen termed’unsyllogismepeutêtreseulementprobable;lavoieestalorscellede la recherche et c’est la partie inventive (inventio), ladeuxièmepartiedelalogique;onydistinguetroisdispositionsdifférentesde laraisonvis-à-visd’uneconclusion.Lapremièreest cellede la foioude l’opinion (fidesvelopinio – les deux

Page 130: RAISONNER EN VÉRITÉ · 2015. 9. 15. · œuvres de Staline et de Lénine. Une armée de rédacteurs veille à polir chaque texte, à faire respecter chaque détail du rituel de

suivantes étant la persuasion rhétorique et l’estimation ouappréciationpoétique)danslaquellelaraisonadhèretotalementà l’une des parties du problème posé, mais avec une certainecraintedel’autre:eneffet,cettedémarchedialectique,menéeaumoyen d’arguments probables au cours d’une recherchedialoguéeentredeux interlocuteurs,gardeencore lapossibilitéde porter contre la thèse un nouvel argument et la conclusionn’esttenue«qu’aveccrainte».

AristoteaconsacréleshuitlivresdesesTopiquesà l’étudedelaméthodedialectique.Elleorganiseetguidelarecherchedelavérité jusqu’à forger l’opinion laplusprobable, à partir desidées admises, lesendoxes ; elle atteint alors les limites de lascience en préparant la véritable démonstration qui serascientifique;elleestlalogiqueduprobable.

b.Deuxtraditions

Deux courants différents émanent de ces significationsfondatrices : un courant positif où la dialectique a fini pardésigner la logique dans son ensemble ou dans sa partieprincipale;uncourantpéjoratifquiladéprécieenraisondesonaspect seulement probable, mais aussi, sans doute, de satransmissionexcessivementformelle.

–Aupremiersens,ladialectiqueestletoutdelalogiqueousa partie formelle,mise enœuvre spécialement au cours d’unediscussionserrée.C’estcesensqu’elleaurasouventauMoyenAge, et jusqu’au XIIIe siècle : on appelait parfois la mêmedisciplineindifféremmentdunomdelogiqueoudedialectique,parfoismêmelogicadisparaissantauprofitdedialectica.SaintAnselme (XIe siècle) par exemple, dans sa critique desphilosophes, s’enprend auxdialecticiens qui font usage de la

Page 131: RAISONNER EN VÉRITÉ · 2015. 9. 15. · œuvres de Staline et de Lénine. Une armée de rédacteurs veille à polir chaque texte, à faire respecter chaque détail du rituel de

seuleraisonetnégligentlasciencedivine.Aux siècles antérieurs déjà, les arts libéraux rassemblaient

auseindutriviumlagrammaire,ladialectiqueetlarhétorique.Cette tradition médiévale remonte à Boèce (Ve siècle) et serareprise par Hugues de Saint Victor (XIe siècle) dans sonDidascalicon (1, 11) : au sein de la logica se trouve ladialectique. C’est cette tradition que reprendront Albert LeGrand et Thomas d’Aquin. Mais c’est en fait la penséed’Aristote lui-même et c’est bien chez lui que Boèce a pureprendreladivisiondelalogiqueendémonstrative,probableetsophistique, la partie probable se divisant à son tour endialectique et en rhétorique. C’est une division pleinementconformeauxtraitésaristotéliciens;pourleStagirite,l’étudeduraisonnement dans sa partie matérielle dégage des degrés decertitudeduplusaumoinsparfait,enraisondurapportplusoumoins nécessaire des termes dans les prémisses, et donc troispartiesdelalogique.

–L’autrecourant,pluspéjoratif,désignepardialectiquelessubtilités du raisonnement, au pire les excès de la discussionvoirelesdistinctionslourdesetinutilesauxlimitesparfoisdelasophistique.

Descartes,parsa règled’évidence, rejette toutcequin’estpasclairetdistinctetexclutdonccedontonpeutdouter.Encesens,ilprétexteradelafaiblessedelalogiqueduprobable:«jeréputais presque pour faux tout ce qui n’était quevraisemblable » (Discours de la méthode, Ière partie) pour semontrertrèscritiquedelalogiqued’Aristoteengénéral:«cettetechniquedel’argumentationn’apporteaucunecontributionàlaconnaissancedelavérité»(RègleX)

PourKant, la dialectique en général reste une logique de

Page 132: RAISONNER EN VÉRITÉ · 2015. 9. 15. · œuvres de Staline et de Lénine. Une armée de rédacteurs veille à polir chaque texte, à faire respecter chaque détail du rituel de

Ces pages ne sont pas disponibles à la pré-visualisation.

Page 133: RAISONNER EN VÉRITÉ · 2015. 9. 15. · œuvres de Staline et de Lénine. Une armée de rédacteurs veille à polir chaque texte, à faire respecter chaque détail du rituel de

la valeur de l’intuition sensible ; mais est-il passé ou futur,dépend-il d’un grand nombre de causes dont les unes peuventêtre cachées aux sens, il n’y en a ni évidence, ni sciencemaisbienseulementopinion.

C’est cette contingence objective (contingence de l’objet)quiestlasourcedel’incertitudedelaconnaissanceetdonccetétat d’inachèvement de la pensée appelé opinion. Mais alors,dira-t-on, si la dialectique comme la rhétorique porte sur lesréalitéssingulières,commentunerecherchedialectiquepeut-elleencoregarderlesceaudel’universalité?Larhétoriqueeneffet,portevéritablementsur ladiscussiond’unévénementsingulier,passé,présentou futur :Pierre fut-ilheureux?…Cette statueest-elle belle ?…Faut-il conduire cette guerre ?Alors que ladialectique, elle, se déploie dans la discussion d’une thèseuniversellementposée:Qu’est-cequelebonheur?…Laguerrepeut-elle être juste ?… etc. Pourtant c’est bien l’existencesingulièredeschosesquiestgénératricedeladifficultéàsaisirparfaitementleurvéritableessenceetleurpropriétéetc’estellequi fonde l’incertitude génératrice d’opinion. Si la nature etl’agir nous apparaissaient comme le font les réalitésmathématiques, dans la clarté et l’évidence de leur réalitéabstraite, il n’y aurait aucune incertitude à leur égard ! Aussil’incertitudedel’opinionvient-elleendéfinitive,deladifficultéoùnoussommesàdégagerduréel lenécessaireducontingent,l’essentieldel’accidenteletdubesoinderecourirpourcelaauxconceptionslespluscommunes,lesnôtresetcellesdetousnossemblables, devanciers ou contemporains. Que certains de cesderniers au moins soient déjà assez avancés dans laconnaissanceetenpossessiondelasciencevéritable,etsic’està travers leur témoignage que se forme notre jugement, nousrestons encore incapables d’apercevoir scientifiquement ce quiestensoicertain,etnotrejugementresteuneopinion.Ainsila

Page 134: RAISONNER EN VÉRITÉ · 2015. 9. 15. · œuvres de Staline et de Lénine. Une armée de rédacteurs veille à polir chaque texte, à faire respecter chaque détail du rituel de

dialectiquepeutnousmettreauxfrangesdelasciencevéritable,mais il y aura encorebesoinde la démonstrationpournous laprocurer.AcetitrelejugementdeKantestpleindesagesse:

L’opinion ou l’assentiment fondé sur une connaissance qui n’estsuffisantenisubjectivementniobjectivementpeutêtreconsidéréecommeunjugementprovisionnel(…)dontiln’estpasfaciledesepasser18.

A la probabilité qui dépend directement de la matièrecontingente comme nous venons de le voir on peut en ajouterune autre, plus subjective, qui peut même atteindre desconnaissances en matière nécessaire. En effet lorsque lesprincipes d’où ces connaissances sont conclues ne sont pasnécessaires, c’est-à-dire lorsque la preuve elle-même n’en estpasnécessaire,l’énoncéabeauêtrescientifique,danslapenséed’unautreparexemple,ilnesauraitêtrequeprobablepourceluiquiyadhèrepardesraisonsinsuffisantes.

Enfin, dans un dernier cas, on peut même imaginer unevéritéscientifique,démontréeparlesargumentspertinents,maistransmise à des esprits qui ne perçoivent qu’imparfaitement lasoliditéet la rigueurdesraisons : l’assentimentde tels espritsresteuneopinion.

•L’opinionfaitsortirdudoute

Ilfautpréciserquel’assentimentd’opinionestpositifetnesaurait être apparenté au doute. Certes, si ce qui est estiméprobableestobjetseulementd’uneopinion,ilestnécessairedeposer dans sa définition qu’il peut être autrement. Sans quoil’adhésion serait totale. Cela vient justement de ce qu’aucunepreuvedéfinitivenevientdéterminerlejugement.Ya-t-ilalorsdes probabilités en sens contraires ? C’est la question :l’opinionest-ilunesortedemoyennestatistique?

Page 135: RAISONNER EN VÉRITÉ · 2015. 9. 15. · œuvres de Staline et de Lénine. Une armée de rédacteurs veille à polir chaque texte, à faire respecter chaque détail du rituel de

Il y a une possibilité logique à ces opposés mais pasnécessairement des possibilités réelles. Mais, dira-t-on, desopinions rejetées se substituent bien à des opinions réelles etl’histoirenousendonnemaintsexemples.C’estquecequ’onaprispourprobableetmêmedanscertainscas,avecprécipitation,nel’étaitpasvraimentouseulementenapparence,etrelevaitenfaitdel’erreur,c’est-à-diredel’opinionfausse.Laprobabilitéetl’opinion ne sont pas un état de balancement entre le plusprobable et le moins probable ; un usage irraisonné desstatistiquesnoushabitueàtortàlesconcevoircommeunesortede bissectrice entre deux tendances également probable ; unetelle conception décrit le doute et non l’opinion, et si uneopinion longtemps tenue pour vraie, fait place un jour à uneautre, c’est que la première était erronée. Celui qui opine esttiraillécertes,cequesignifiebienlaformuleselonlaquellesonassentimentconserveunecertainecraintedelacontradictoire.Maiss’ildoute,cen’estpasdecequ’il tientassezfermement,sonopinion,maisbiendelapartieadverse:l’incertitudeportesur la partie opposée qui pourrait être vraie, pendant quel’opinion, certitude probable, fait adhérer à une partiedéterminée de la contradiction. Alors que le doute chasse lacertitude comme il chasse l’opinion, puisqu’il est unesuspensiondujugement,l’opinionestunassentiment19.

b.Lesinstrumentsdialectiques

–Lesensdesmots

Toute discussion, tout débat achoppe sur ce qu’on appelleaujourd’hui la polysémie du langage, c’est-à-dire les sensdifférentsaccordéspar l’usageàunmêmemot. Ilestd’unbondialecticiendedégagercesdifférences,dedonnerlesdéfinitions

Page 136: RAISONNER EN VÉRITÉ · 2015. 9. 15. · œuvres de Staline et de Lénine. Une armée de rédacteurs veille à polir chaque texte, à faire respecter chaque détail du rituel de

Ces pages ne sont pas disponibles à la pré-visualisation.

Page 137: RAISONNER EN VÉRITÉ · 2015. 9. 15. · œuvres de Staline et de Lénine. Une armée de rédacteurs veille à polir chaque texte, à faire respecter chaque détail du rituel de

10)Rassurerl’interlocuteur.11)Demander en dernier ce qu’on veut le plus obtenir car ceux qui

répondent sont particulièrement portés à repousser les premièresquestions,dufaitquelaplupartdeceuxquiinterrogentparlentd’aborddece qui leur tient le plus à cœur. Faire le contraire avec des adversairespointilleuxouquisepiquentd’êtrefinsdansleurréponsecaraprèsavoiradmisleschosesproposéesenpremierlieu,ilssoulèventdesargutiesverslafin.

D’unemanièregénérale,quandonveutdanssonenquêteseservirdeladissimulation,ilfautinterrogerdefaçonque,l’interrogationayantportésurlatotalitédel’argument,etlaconclusionunefoisétablie(nepasfairedelaconclusionunedemande),l’interlocuteurensoitencoreàrechercherlepour-quoi29.

Ce dernier passage et les conseils qui le précèdent nedoivent pas être mis sur le même plan que les procédéstrompeurs de la sophistique (cf. texte 91). S’il est parfoisdifficilededistinguerlesunsdesautres,disonssimplementquelafindespremiersest laclarificationdudébatet l’impartialitédu jeudes interlocuteurs faceà l’opinion,alorsque lebutdessecondsestlavictoiredansladiscussion,àtoutprixetpartouslesmoyens,perfasetnefas,qu’onsetrompeouqu’onaitraisoncommeleditArthurSchopenhauerdanssonopusculequenousciteronsabondammentdanslechapitresurlaSophistique.

–Investigatoireetprobatoire–Commecertainsl’ontbienmisenvaleur,ontrouveàcôtédudialoguederecherche,appeléinvestigatoire,undialogueparticuliervisantdavantagel’attitudedes interlocuteurs que le contenuobjectif de la recherche : onpeut l’appeler probatoire car il vise à éprouver, à tester laqualitédu travail intellectuel.L’investigatoire, sansdéfaillanceniambiguïtéd’intentiondelapartdesinterlocuteurs,estidéalemais en fait rare. Il est plus courant d’avoir à ramener soninterlocuteur à des dispositions adéquates, pour une raison

Page 138: RAISONNER EN VÉRITÉ · 2015. 9. 15. · œuvres de Staline et de Lénine. Une armée de rédacteurs veille à polir chaque texte, à faire respecter chaque détail du rituel de

simple, la honte de ne pas savoir.Cette attitude bien humainecommandeunemiseà l’épreuve,ausensd’unevérificationdesqualitésdeceluiquidialogueetporte lenomchezAristotedeprobatoire30 (cette dialectique qualifiée est présentée plusprécisémentautexten°92).

b.Évaluerunethèse:réfuter,réduireetobjecter

–Quelconflit?Ilestinévitablecommeonl’aditplusieursfoisqueladialectiqueaitunaspectagressif.Cetaspect,celuiduconflit père de toutes choses et cher à Héraclite, a été retenucomme un conflit dans l’être même des choses, par ceux quivoient ladialectiquedans la réalitémême.C’estuneextensionabusive mais elle est dans la logique d’une méthode qui estessentiellement conflictuelle ! On va soumettre une position àdesattaquesetvoirsiellerésiste;souventlevainqueurouceluiqu’ondéclareteln’estpasceluiquiagagnémaisceluiquiasurésistervictorieusementauxassauts.

La première raison de ce caractère conflictuel vient de lamatièreendoxaleelle-même.L’opinionn’estpasinattaquableetmêmesiellenousfaitpencherdeplusenplussûrementversunepartie de la contradiction au détriment de l’autre, elle rendcapabledetravaillerdanslesdeuxsens.Carcequiestprobableettenupourvraiestparfoispartiellementfauxet«lapossibilitéd’apporter aux problèmes des arguments dans les deux sensnous fera découvrir plus facilement la vérité et l’erreur danschaquecas»31.Toutefoiscommeonl’adit,leconflitn’estpasunconflitdepersonnes,commelesdébatsmodernesendonnenttropsouventlespectacle,carl’intentiongénéraledutravaildesprotagonistesestlamême:lasolutiond’unproblèmeetnonlavictoiresurl’adversaire.Ilsgagnentouilsperdentensemble.

Uneautreraisonducaractèreagressifdelaméthodevientde

Page 139: RAISONNER EN VÉRITÉ · 2015. 9. 15. · œuvres de Staline et de Lénine. Une armée de rédacteurs veille à polir chaque texte, à faire respecter chaque détail du rituel de

lanaturedelapreuve:ellenedécoulepasdesprincipesmêmesdelachoseétudiée,maisdel’accorddesespritsàsonsujetetdelacohérencede lapositionexaminéeavec l’opinion ; sionnepossèdepaslesprincipesévidentsquipermettentdefonderuneposition,ilseranéanmoinspossibleetplusfaciledevoirsiellerésiste aux attaques visant à la détruire. Une comparaisonpermettra de comprendre cela, c’est la méthode utilisée parcertaines firmes industrielles pour évaluer la solidité de leursproduits.Nepouvantdémontreraprioriquetelmeublerésisteravictorieusementà l’usured’ungrandnombredemanipulations,oncréeunemachinequiva les reproduireen laboratoire selonlesconditionsd’uneutilisationnormaleetconstateraposteriorile seuil de résistance de l’objet à l’étude. On ne saura pasparfaitement pourquoi le modèle a résisté mais on aural’assurancequ’ilest suffisamment résistant pour donner lieu àune production en série. N’est-ce pas aussi dans les « coupsdurs » que se vérifie la solidité d’une amitié ? Toutnaturellement donc, le dialecticien va préférer utiliser unsyllogismed’attaque, visant à détruire unepartie duproblème,l’affirmativeoulanégative,afindeconcluredesavaleur,siellerésisteà l’attaqueouà lavaleurdesacontradictoireousiellen’y résiste pas. Cet arrangement particulier du syllogismedialectique sera tantôt une réfutation tantôt une preuve parl’absurde.Lerépondeurquichercheàfreinerl’établissementdela réfutationoude la réduction cherchera lui à contre-attaquerparuneobjection.Voyons la natureparticulièrede chacunedecesformesd’argumentation.

–Lesfiguresdel’attaque

– En situation dialectique, c’est-à-dire de débat ou derecherche,ontentedeconstruireunsyllogismepourconclurela

Page 140: RAISONNER EN VÉRITÉ · 2015. 9. 15. · œuvres de Staline et de Lénine. Une armée de rédacteurs veille à polir chaque texte, à faire respecter chaque détail du rituel de

Ces pages ne sont pas disponibles à la pré-visualisation.

Page 141: RAISONNER EN VÉRITÉ · 2015. 9. 15. · œuvres de Staline et de Lénine. Une armée de rédacteurs veille à polir chaque texte, à faire respecter chaque détail du rituel de

accident d’une autre chose, il faut au moins qu’il y aitattribution.

Onutilisedoncl’accidentpourmontrerquecequiestdonnécommegenre,oudéfinitionoupropre,doitappartenirausujetcommeaccident ou ce qui est donné commeaccident doit luiappartenir comme genre ou comme propre ou commedéfinition.

Voiciquelques-unsdeceslieux:Len°1(LivreII,c.2):L’accidentn’estpasungenre.Regarder«sil’adversaireaassignéàunsujetpouraccident

unprédicatqui luiappartientd’uneautrefaçon(…)erreurquise commet surtout à l’égard des genres » : Par exemple cetteproposition : « certaines euthanasies sont criminelles » d’oùl’onpeutconclure,tellequ’elleestposée,quel’euthanasien’estpas essentiellement criminellemais accidentellementalors quec’est toute euthanasie qui semble l’être, et non seulementcertaines.

Ou « a-t-on une manière de parler dérivée convenant àl’accident mais pas au genre » : « l’homme est désir » veutmarquerunequasidéfinition;désirant,ouêtrededésirpeuventêtrevucommeaccidentelsetnongénériques,cardérivés.

Len°6(LivreII,c.4):Cequiappartientaugenreappartientà l’espèce ; réciproquement ce qui appartient à l’espèceappartient,particulièrement,augenre.

Acelieupeuventserattacherlessuivants:6’:Cequiappartientaugenredoitposséderquelqu’unedes

espèces.Si l’homme est un ange déchu, hérésie chrétienne du

manichéisme,ilestnécessairementunchérubinouunséraphin(l’une des espèces d’anges) ou, etc., ce qui ne se trouve enaucuntextedel’Écriture.

6’’Regarderlesantécédentsetlesconséquentsdugenre

Page 142: RAISONNER EN VÉRITÉ · 2015. 9. 15. · œuvres de Staline et de Lénine. Une armée de rédacteurs veille à polir chaque texte, à faire respecter chaque détail du rituel de

6’’’ Regarder si ce qui appartient au genre lui appartienttoujours,ouaumêmetemps,relativementauprésentaupasséetaufutur.

Etc.(Cf.texte94).

•Lelivre3desTopiquesrépertorieleslieuxdesproblèmesmoraux:cequiestleplusetlemoinsdansl’ordredubien,del’utile etc., qui permet de conclure qu’une chose estPRÉFÉRABLE ou MEILLEURE qu’une autre. On diraitaujourd’hui que ces lieux concernent les « jugements devaleur », pour lesquels l’esprit moderne a beaucoup de mal àtrouver une mesure objective et réelle ; c’est dire leurimportance.Parmilaquarantaineprésentedanscelivrevoiciparexempleleshuitpremiers:

Estmeilleuretpréférable:1–Cequi est plus stable, plusdurable :La forcemorale

parrapportàlaforcephysique,laquelleestfaillibleetdiminueavecl’âge.

2 –Ce que choisirait un homme prudent, bon, ou une loijuste,oudesexperts,desspécialistes,ouencorelamajoritéoul’unanimitéde«ceuxquisavent»ditAristote(etparexcellencedanscequirelèvedelameilleurescience);cequechoisiraienttousleshommes,voiretoutesleschoses,cartouttendaubien.

3–Cequiestessentiellement–endépendancedesongenre– une chose déterminée par rapport à celle qui ne l’estqu’accidentellement. La défense de l’autorité éducative desparents(autoritéattachéeessentiellementàleurrôledeparent)plutôt que celle des maîtres (autorité par délégation desparents).

4 –Ce qui est désirable en lui-même et non en vue d’uneautrechose.Larichessed’unbanquet(vouluepoursonsuccès)ou la joiede l’amitié (lesuccès lui-même).Unevariantedece

Page 143: RAISONNER EN VÉRITÉ · 2015. 9. 15. · œuvres de Staline et de Lénine. Une armée de rédacteurs veille à polir chaque texte, à faire respecter chaque détail du rituel de

lieuestdetrouverpréférablecequiestparsoiplutôtquecequiest par accident : l’un est voulu pour lui-même, l’autre pourautrechose:Vouloirquesesenfantssoientheureuxc’estcequelesparents veulent spontanémentpour les enfants eux-mêmes,c’est par soi ; vouloir lamême chose pour ses salariés c’est,pour beaucoup de chefs d’entreprise, davantage pour laprospéritédeleurentrepriseoupourleurtranquillité,quepourlessalariéseux-mêmes.

5–Cequi est causedubienpar soiplutôtque cequi estcause accidentelle : la vertu préférable à la chance, celle-cin’étantquecauseaccidentelle.C’est l’inversepour lemal : leviceplusàéviterquelamauvaisefortune.

6–Cequiestbonabsolumentparrapportàcequil’estpourun individudéterminé :recouvrer lasanté (bonabsolument)àsubiruneamputation (bonseulementpourceluiquecelapeutsauver).

7 – Ce qui est bon par nature par rapport à ce qui estacquis:lecombatpourladéfensedelavie(biendonnéparlanature et qui est à sauvegarder) est plus important que lecombatpourl’Europe(instituéeparleshommes).

8–L’attributquiappartientàunsujetmeilleurestmeilleur:ce qui appartient à l’âme par rapport à ce qui appartient aucorps.Lepropred’unmeilleur sujet estmeilleurque l’attributpropreàunmoinsbon : l’indissolubilitédumariagereligieuxest meilleure que la stabilité du mariage républicain. Ce quiréside dans des choses, meilleures, ou antérieurs, ou plusestimables:lasantéquelabeauté.

Etc.

•Le livre 4 desTopiques contient les lieux du GENRE.Comme le propre, il est un « des éléments des lieux qui serapportent aux définitions, mais rarement recherchés en eux-

Page 144: RAISONNER EN VÉRITÉ · 2015. 9. 15. · œuvres de Staline et de Lénine. Une armée de rédacteurs veille à polir chaque texte, à faire respecter chaque détail du rituel de

Ces pages ne sont pas disponibles à la pré-visualisation.

Page 145: RAISONNER EN VÉRITÉ · 2015. 9. 15. · œuvres de Staline et de Lénine. Une armée de rédacteurs veille à polir chaque texte, à faire respecter chaque détail du rituel de

motestéquivoque.Aigus’opposeàgravedanslegenrevoixetàlourddanslegenre

dessolides.Mais voix et solide ne sont pas subordonnés, aigu est donc

équivoque.

13–Silesdifférencesportéesauseind’unmêmeterme(«mot»)sontdifférentes(neserecoupentpas),letermeesthomonyme.

– Les mots (du langage humain) sont soit univoques soitéquivoques.

–Lesmots(dulangageanimal)sontsoitvisuelssoitsonores.Cenesontaucunementdes«mots»delamêmemanière.

14 – Si un même mot (droit) peut-être pris commedifférenceoucommeespèce,cen’estpasdanslemêmesens.

–Unangleestaigu,obtusoudroit:c’estunedifférence.–Ledroitestuneespècedenormejuridique.

Texten°90L’opiniondesanciens

TextesdesaintThomasd’Aquin

–Dialectiqueetvérité« Tandis que chacun des prédécesseurs a découvert quelques

éléments de vérité, les produits de tous les efforts rassemblés dans unsavoir conduiront la postérité à une plus grande connaissance de lavérité.»CommentairedelaMétaphysique,II,1,287.

«Lesopinionsdesanciensdoiventtoujoursêtreconsidérées.Eneffet,selon la voie naturelle de l’intelligence, la connaissance de l’opinionamène laconnaissancede ladoctrine,etcelapour trois raisons.D’abordparcequeladialectiquepréparel’intelligenceàlascience.Orlesanciensontdéjàaccédéà (uneconnaissancede) lamatière ; laconsidérationdesopinionspréparedonc l’intellect àunebonne intelligencede ladoctrine.

Page 146: RAISONNER EN VÉRITÉ · 2015. 9. 15. · œuvres de Staline et de Lénine. Une armée de rédacteurs veille à polir chaque texte, à faire respecter chaque détail du rituel de

Ensuite parce que la connaissance des opinions rend prudent ; ellemanifeste les doutes qu’il faut étudier. Or la vérité est la solution desdoutes.Enfin(parelle)nousconnaissonsleserreursàéviter,etdecettefaçonnoussommesencorerendusprudents.»

«Aucunhommen’estprivédelavéritéaupointqu’iln’enconnaisserien… mais nul ne peut atteindre à une connaissance parfaite de lavérité.»CommentairedelaMétaphysique,II,1,275.

–Rôledutemps«Siavecletemps,quelqu’unapportesapierreàl’œuvrederecherche

de la vérité, on peut dire que le temps l’aide dans sa recherche, qu’ils’agissed’unseuletmêmehommequivoitcequ’avantilnevoyaitpas,ou qu’il s’agisse d’homme différents où l’un a l’intuition de ce que sesprédécesseurs ont découvert et y ajoutequelque chose. »Commentairedel’Éthique,I,11,132,133.

–Respectdelarecherche«Ilnous fautaimeraussibienceuxdontonsuit l’opinion,queceux

dontonn’approuvepasl’opinion.Eneffet,l’unetl’autreonttravailléàlarecherchede lavérité,etenceci ilsnousaideront.»Commentairede laMétaphysique,12,9,2566.

«Dans lamesureoù lespremiersphilosophessesont trompéssur lavérité, ils ont donné l’occasion à leurs successeurs de s’exercer à lesdiscuter soigneusement, de telle sorte que la vérité apparaisse de façonplusclaire.»CommentairedelaMétaphysique,2,1,287.

«Ilfautcomprendrequ’Aristote,ens’enprenantàPlatonetàceuxquiont transmissadoctrineen lacachantsousunecertaineformulation, nes’en prend pas à la vérité cachée, mais à sa formulation extérieure. »CommentairedelaMétaphysique,III,11,471.

Texten°91Quinzeprocédésderuseutilisésparlesophisteoulechicanierdanslecombatdialectique.Aristote,Réfutationssophistiques,chapitre15

Page 147: RAISONNER EN VÉRITÉ · 2015. 9. 15. · œuvres de Staline et de Lénine. Une armée de rédacteurs veille à polir chaque texte, à faire respecter chaque détail du rituel de

A.SchopenhauerlesreprendraparfoismotpourmotdansL’artd’avoirtoujoursraison,quenousexploiteronsdansnotre

chapitresurlasophistique.

1)Laprolixitédel’argumentation.2)Augmenterlarapiditédudiscours.3)Provoquerlacolèreetl’amourdeladispute,l’autres’agiteetn’est

plusengarde.4)Changerl’ordredesinterrogations.5)Cachersapensée.6)Al’égarddesrétifs,poserlaquestionnégativementpourtromper

surlaréponsequ’onattend.7)L’individuel concédé prendre l’universel pour accordé et s’en

servir.8)Seservirdelasimilitude(analogie)quandiln’yapasdenompour

indiquerl’universel.9) Pour obtenir la prémisse qu’on désire,poser la question côte à

côteavecsoncontrairequiplacétoutprèsparaîtrelativementpluspetitetplusgrand,pireoumeilleur.

10) La plus sophistique de toutes les chicanes : sans avoir rienprouvé,aulieudeposerlapropositionfinalecommequestion,l’établircommeconclusioncommesionl’avaitprouvé.

10bis) Tirer parti d’une proposition simplement vraisemblable danstouslessens:contreluioupoursoi.

11)Mettreencontradictionl’interlocuteuravecluiousesamisquipensentcommelui,ouleursamis,oulaplupartdeshommes,outous.

12)Faireunedistinctiondèsquelaréfutation,ouuneobjection,estsurlepointdenousatteindre.

13)Sedéroberpournepas tombersous lecoupd’uneobjection,eninterrompantbrusquementsonargumentetcoupercourtaurestedesattaques ; faire l’inversesion répond,etpourpareràcettedérobade,enprenantlesdevant.

14)Dirigersesattaquessurautrechose,pourégarer.15)Nepasdemandersapropreconclusioncommeprémissemaiss’en

servircommeconcédée.

Page 148: RAISONNER EN VÉRITÉ · 2015. 9. 15. · œuvres de Staline et de Lénine. Une armée de rédacteurs veille à polir chaque texte, à faire respecter chaque détail du rituel de

Ces pages ne sont pas disponibles à la pré-visualisation.

Page 149: RAISONNER EN VÉRITÉ · 2015. 9. 15. · œuvres de Staline et de Lénine. Une armée de rédacteurs veille à polir chaque texte, à faire respecter chaque détail du rituel de

D–EtAlaindit,lui:«laloisuprêmedel’inventionhumaineestquel’on invente qu’en travaillant » ; ce travail, n’est-ce pas ce que veutdireMichel-Angeenparlantd’intelligence?

R–Oui.D–N’est-cepasellequirègle l’art,avec lemétier, et finalement

permetlaproductiondel’œuvre?R–Oui.D–EtsiAlainlui-mêmequenouscitionstoutàl’heuredisait«la

règle du beau n’apparaît que dans l’œuvre, et y reste prise, en sortequ’ellenepeutservir jamais,d’aucunemanièreà faireuneautreœuvre(Systèmedesbeaux-arts)»,celaportesurlanatureetlaconnaissancedesrègles,maiscelaneniepas,bienaucontraire,leurexistence?

R–C’estlavérité.D – Y a-t-il quelque chose dans l’œuvre qui échappe à sa

régulation?R–Non.

PremièresimilitudeD–Quedis-tudecelaàprésent:lalogiquen’est-ellepasunart,

L’artdesartscommedisaientlesanciens?R–Ouiilmesembleavoirlucelaquelquepart.D – Si elle est un art, elle a donc une fin et quelle est cette fin,

pour-rais-tumeledire?R–Jenesauraisledire.D – Si logique vient de logos, le discours, la pensée, l’art du

discoursetdelapenséec’estdebienpenser,n’est-cepas?R–J’accepte.D–Uneautoritéenlamatièreditmêmederaisonner«avecordre,

facilitéetsanserreur».R–Jetesuis;celamesembledubonsens.D–Maisdis-moimaintenant,bienraisonnerest-ceunbutensoi?R–Queveux-tudire?D–N’est-cepasparexemple tirer lesbonnesconséquencesque

permetlalogique?R–Oui.D–Maistirerlesbonnesconséquencesest-ceunbutensoi?R–Jenesaispasmaisc’estlebutdelalogiqueentoutcas.

Deuxièmesimilitude

Page 150: RAISONNER EN VÉRITÉ · 2015. 9. 15. · œuvres de Staline et de Lénine. Une armée de rédacteurs veille à polir chaque texte, à faire respecter chaque détail du rituel de

D–Dismoimaintenant,et-cequecuisinerestunart?R–Al’évidence.D – Comme tout art, il a une fin, et ne reconnaît-on pas qu’il

s’agitdeflatterlegoût?R–Oui,maispasuniquement,c’estaussiéquilibrerlesmetsaucours

d’unrepasetfavoriserunebonnedigestion…D–Jenete lefaispasdiremaisquelleest lafin laplusfin,celle

quiguidelesautres,qu’auraitditBrillatSavarin?R – Je n’ai pas lu Brillat Savarin, pardon, et là… je sèche,mais en

revanche jemesouviensdemaclassedephilooùPlatonnousavait faitréfléchir à la chose suivante : est-ce la cuisine qui gouverne la santé oul’inverse(Lieudupréférable)

D–Etquepeux-turépondre?R–LebonsensvadanslesensdePlaton:lesbutsdelacuisinesont

dépendantsdeceuxdelasantéetnonl’inverse.D – Tu te ranges à l’avis de Platon parce que c’est Platon ou

parcequ’iltesembledirevrai?R–Acequisembletoutlemondediraitlamêmechose.Ondiraitle

contraire à mon avis mais en souriant, en douce, dans le dos de sonmédecin,maissansêtredupe.

D–Est-cequecequisertdesfinsplusélevéesnejouepaslerôled’uninstrument?

R–Jenevoispasoùtuveuxenvenir?D–Dismois’ilyaconflitentrelacuisineetlamédecine,est-cele

médecinquireçoitsesordresducuisinieroul’inverse?R– Je ne te suis pas on peut être un excellentmédecin et un piètre

cuisinier!D–Biensûrmaissiunenfantnedigèrepaslescéréalescommele

blé l’orge etc. il faudra bien que la mère de famille s’efforced’imaginertouteslesfaçonsd’accommoderlerizparexempleetcelaorientetouteunenouvellefaçondecuisiner,non?

R–Jecomprends.D–Donctumeconcèdesquequelquechosedanslacuisineserait

commeuninstrumentpourlasanté?R–Concedo!D–Tiens,tuparleslatinmaintenant?R–Ouic’estunmeilleurinstrumentpourphilosopherparait-il!

Troisième,quatrièmeetcinquièmesimilitudes

Page 151: RAISONNER EN VÉRITÉ · 2015. 9. 15. · œuvres de Staline et de Lénine. Une armée de rédacteurs veille à polir chaque texte, à faire respecter chaque détail du rituel de

D–Prenonsunautreexemplesituveux:Est-celepeintreou lepinceauquipeintletableau?

R–Lesdeuxàcequisemble.D – Est-ce le ciseau du sculpteur ou le sculpteur lui-même qui

produitlastatue?R–…Queveux-tume faire dire, je vois bien là aussi que c’est les

deux.D–Leciseaudirige-t-illamaindusculpteuroul’inverse?R–Jenesaispasjen’aijamaissculpté.D – Mais c’est toi qui conduit ta voiture ou ta voiture qui te

conduit?R–Ah!maisc’estmavoiturequimeconduitoùjeluidisd’aller!D–Sophismecherami : tudiriges tavoiturequi te transporte là

où tu veux aller, au moins c’est encore comme cela et cela le seraencorelong-temps.Sinontun’auraismêmepastonpermis,réfléchisunpeuest-ceunpermisdeconduireouunpermisd’êtreconduit?

R–…D–Tonsilenceestéloquent?R – Attention, ami, c’est toi qui deviens sophiste là… un silence

éloquent!D–Alorsrevenonsànosartistes:lepinceauetlepeintre;n’yen

a til pas un qui joue le rôle d’instrument et l’autre de principedirecteur?

R–VapourleprincipedirecteurD – Mais l’un détruit-il l’action de l’autre, ou leurs actions se

conjuguent-elles?R–Probablementellesseconjuguent,maissonttoutaussiimportantes

l’unequel’autre.D–Ah!Tunepeuxpasdirequel’uneestprincipaleetl’autreun

instrumentetlesrendrel’uneetl’autred’égaleimportance.(lieu)R–Etpourquoipas?D – As-tu jamais assisté à un concert sansmusiciens, alors que

touslesinstrumentssontàleurplacedanslafossed’orchestre?R–As-tu toiaussi jamaisassistéàunconcert sans instruments, tous

les musiciens étant arrivés…mais on a perdu les instruments… tout lemondecrie«remboursez,remboursez…»!

D – Et bien laisse-moi, s’il te plait, imaginer une suite :« Messieurs, Mesdames… nous allons vous faire patienter enchantant, pour vous mon-trer qu’un musicien peut imiter son

Page 152: RAISONNER EN VÉRITÉ · 2015. 9. 15. · œuvres de Staline et de Lénine. Une armée de rédacteurs veille à polir chaque texte, à faire respecter chaque détail du rituel de

Ces pages ne sont pas disponibles à la pré-visualisation.

Page 153: RAISONNER EN VÉRITÉ · 2015. 9. 15. · œuvres de Staline et de Lénine. Une armée de rédacteurs veille à polir chaque texte, à faire respecter chaque détail du rituel de

En revanche, le rhéteur est dit tel en raisonnonde son actiond’orateur,maisbeaucoupplusdesonartetdesaconnaissancedes instruments du discours. La rhétorique dans un cas estactive, pour Nestor ou Ulysse chez Homère, pour Périclès,LysiasouDémosthèneàAthènes.Dansunautre cas, ellepeutêtrespéculative,etestenseignéecommeunetechnique,cequefitAristoteetplustardQuintilien;IsocrateetCicéron,quantàeux, furent à la fois des orateurs et desmaîtres de rhétorique.Maispourlessophistes,GorgiasetProtagorasparexemple,elleestplusproched’uneméthodederaisonnement,d’uninstrumentdelapenséequed’unartoratoireproprementdit.Laguerrequeluifirentlesphilosophesprendalorstoutsonsens:aucentredelaluttequemenèrentSocrateetPlatoncontrelessophistesilyavait la condamnation de la rhétorique considérée commeméthode intellectuelle fallacieuse. Mais cette guerre est-elleentièrement légitime ? Décrivons-la puis nous verronsqu’Aristoteapportedesdistinctionsquipermettentde«sauver»larhétorique.

2.LalutteduPhilosophecontreleSophiste:véritécontrerhétorique

Lessophistes

L’action des sophistes, la plupart maîtres de rhétorique etorateurs talentueux, explique pourquoi cet instrument aussiprometteur que fut la rhétorique judiciaire, ne se relèvera quetrès difficilement du procès formulé à l’encontre de lasophistique. Pourtant leur apport fut important : la languegrecqueavantGorgiasetProtagorasparexemple,étaitpauvreentermesetentournuresappropriéesàladiscussionetàl’analyse.

Page 154: RAISONNER EN VÉRITÉ · 2015. 9. 15. · œuvres de Staline et de Lénine. Une armée de rédacteurs veille à polir chaque texte, à faire respecter chaque détail du rituel de

Aveceux,elleseformepourlapremièrefoisàl’expressiondesidées abstraites etmorales ;Aristote lui-même encouragera desesvœuxuneprosetranchantdelabanalité17.

Maislesaccusationsportéesàleurencontreviennentdeceque leurenseignement touchant l’artde s’exprimer,deprendrela parole et de convaincre, supposait en même temps un artd’argumenter et donc finalement de penser. On voit làl’influence de la dialectique de Zénon d’Élée. Mais avecProtagorascettedialectiqueestmiseauservicedurelativismedelapensée,etn’estplusappliquéeàlarecherched’unevéritésurl’êtredeschoses.Personnen’a ledroitdecontredireautrui,nide dire qu’autrui se trompe, car il est impossible de parlerfaussement ; cela reviendrait à dire ce qui n’est pas, et ce quin’estpasnepeutêtredit18.Cerelativismevafixerladoctrineduvraisemblablesur lesprincipessuivants :ceque jeconnaisestrelatifàmoidoncestvraipourmoimaispeutêtredifférentpourun autre. La vérité est donc relative à l’individu et levraisemblabledevientdecefaitopposéauvrai : il l’exclut.Levraisemblableainsiconçuvadepairavecunscepticismeportantsurl’intelligencerendanttoutepropositionprobable,àpartirdumoment où l’on peut toujours faire un raisonnement pour laprouver.Lamise au point d’une technique de raisonnement seservantdetouslesressortsdudiscours,delagrammaireetdeséléments logiques – oppositions, conséquences – dont latechnique est encore peu élaborée, est alors un instrumentredoutable aux mains de celui qui, la passion et la flammecommunicatrice aidant, saura par son discours plaire, charmer,convaincre,persuader.C’estdansceclimatquelaRhétoriqueseconstitue petit à petit, de Protagoras jusqu’à Antiphon, enpassantparletalentueuxGorgias,commeunartdepersuader.

Constituésenécole,etsefaisantpayerfortcher,lesrhéteurs

Page 155: RAISONNER EN VÉRITÉ · 2015. 9. 15. · œuvres de Staline et de Lénine. Une armée de rédacteurs veille à polir chaque texte, à faire respecter chaque détail du rituel de

acquirentuneréputationentretenuepardesvoyages,descerclesrestreintsetdesexhibitionspubliquesquiattiraient les jeunes,motivésparlesprixdeconcours.C’estlecaractèreagonistique(propre à attaquer et se défendre par la parole) de cetterhétorique qui fit de ces maîtres des « chasseurs rétribués dejeunes gens riches »19. L’ambition des jeunes athéniens étaitflattée et nourrie par ces méthodes présentées comme desenseignementsdepolitiqueaptesàfaireprogresserl’élèvedansles affaires publiques et à lui acquérir la réputation del’efficacité et de la réussite.Mais un tel programme, dont lessophistes euxmêmes n’ont sans doute pas vu que la théorieconduisaitàl’anarchie,neputdurer.EneffetnousditGuthrie:

«LaconclusionlogiquedusubjectivismedeProtagorasestl’anarchiemoraleetpolitique,maisceciesttrèséloignédesespensées,etlamoraleet l’ordre social furent sauvés par cette curieuse doctrine, caractéristiquedel’époque,oùlanormeduvraietdufauxestabandonnéeetremplacéeparlanormepragmatiquedumeilleuroudupire…certainesapparencessontmeilleuresqued’autresbienqu’aucunenesoitplusvraie.»20

Laluttecontrelestaresdelasophistique

Cette lutte estmenée par Socrate et l’on peut la lire chezPlaton,enparticulierdansleGorgias.Maisellevaemporterlebébé rhétorique, avec l’eau du bain. Considérée dorénavantcomme«unartrendanthabileàparlersurtoutsujet»etparfois« mieux que les spécialistes eux-mêmes »21, la rhétoriquedécouvre « un certain procédé de persuasion qui permet dedonneràceuxquinesaventpas,l’impressionqu’ilsontplusdesavoirqueceuxqui savent»22.Le sophisten’estplus, et c’estdéfinitif, celui qui sait mais celui qui feint de savoir. Plusencore : «l’art oratoire est un simulacre d’une espèce de l’artpolitique»23.

Page 156: RAISONNER EN VÉRITÉ · 2015. 9. 15. · œuvres de Staline et de Lénine. Une armée de rédacteurs veille à polir chaque texte, à faire respecter chaque détail du rituel de

Ces pages ne sont pas disponibles à la pré-visualisation.

Page 157: RAISONNER EN VÉRITÉ · 2015. 9. 15. · œuvres de Staline et de Lénine. Une armée de rédacteurs veille à polir chaque texte, à faire respecter chaque détail du rituel de

plusprompte sur toutes lesquestionsengénéral… ; il ne fautdonc pas admettre (…) que l’honnêteté même de l’orateur necontribueenrienàlapersuasion;c’estlecaractèrequi,peut-ondire,constituepresquelaplusefficacedespreuves»65.

– Enfin l’invention se penche sur les dispositions del’auditoireetprincipalementlespassions,c’estlepathos,«caronnerendpas les jugementsde lamêmefaçonselonque l’onressent peine ou plaisir, amitié ou haine »66. Il reste que lediscourscomprendraaussiensonseinlesélémentsliésàl’ethoset aupathos, car ces deux registres doivent apparaître dans lediscourslui-même.

Pour chacun de ces domaines de recherche la rhétoriquefournitunegrandeabondancedelieuxselonquelediscourssesituedansundestroisgrandsgenres:délibératif,c’estlegenretype des discours d’assemblée ; épidictique, ou démonstratifcomme on le traduit parfois, c’est le genre des discoursd’apparat;judiciaire,c’estbiensûrlegenredesprocès.

L’inventioncouvrelesdeuxpremierslivres:LivreI:Histoireetdéfinitiondelarhétorique(ch.1&2)–

Présentationdestroisgenres(ch.3)–Genredélibératif(ch.4à8)–Genreépidictique(ch.9)–Genrejudiciaire(ch.10à15).

LivreII:Présentation(ch.1)–Lespassions(ch.2à11)–Lescaractères(ch.12à20)–L’exemple(ch.20)–L’enthymème(ch.21à24)–Laréfutationrhétoriqueoucontreargumentation(ch.25)–Erreursàéviter(ch.26).

2)Ladisposition(Dispositio–Taxis)revientàorganiseretrépartirlesmatériauxendespartiesbienrepéréesauxfonctions,dimensionset finalitésdifférentes : l’exorde, l’accusationdansun discours judiciaire, la narration, l’argumentation et lespreuves, l’interrogation et enfin la péroraison. Elle est en lien

Page 158: RAISONNER EN VÉRITÉ · 2015. 9. 15. · œuvres de Staline et de Lénine. Une armée de rédacteurs veille à polir chaque texte, à faire respecter chaque détail du rituel de

directaveclatroisièmepartiequiconcernel’expressionparlesmotsdesidéesàtransmettre.

3)L’élocution(Elocutio–Lexis)est la traductionlatinedutermeλεξισlestyle,l’expressionparlelangage.Ellenedésignepas la manière de s’ex-primer oralement, sens actuel et quireviendrait plutôt à l’action, la dernière partie. Elle est unensemble de règles et de conseils, extrêmement variés, quitouchent à l’emploi des mots, aux figures, à l’humour, à laconvenanceetàlaclarté…etc.

4) Le discours effectivement prononcé est la partie«émergée»del’artoratoireetl’action(Actio–Hypocrisis)estsamise enœuvre.Aristote qui estmalheureusement très courtsur cette partie, constatequ’elle a à voir avec le théâtre car cen’estpasn’importequelleactionmaiscelled’unacteur.Ilavoued’ailleurs que cette partie est « celle qui a la plus grandeefficacitéetdontonajamaisencoreabordél’étude».Onverraqu’il l’arattacheà l’élocutioncar«elleestundondenature;elle est plutôt étrangère à la technique mais appliquée àl’élocution,elleestunetechnique»67.

Une attention particulière enfin doit être portée à lamémorisationdudiscours, dontAristote neparle pasmais quirentrera après lui comme une partie à part entière de l’artoratoire, avecdes indications et des exercices àpratiquerpourfixerlediscoursdansl’espritafindes’ensouvenir.

LivreIII :Présentationdes troispartiesrestantesetaction(ch. 1) – L’élocution (expression, style) (ch. 2 à 12) –Présentation de la disposition (ch. 13) –L’exorde (προοιμιον)(ch. 14) –L’accusation (ch. 15) –La narration (ch. 16) –Lespreuves(ch.17)–L’interrogation(ch.18)–Lapéroraison(ch.19).

Page 159: RAISONNER EN VÉRITÉ · 2015. 9. 15. · œuvres de Staline et de Lénine. Une armée de rédacteurs veille à polir chaque texte, à faire respecter chaque détail du rituel de

4.Lestroisgenres

Nous présentons dans ce tableau aisément compréhensibleles éléments propres à chaque genre. Car quand on prend laparole c’est dans un cadre et pour un but précis. La finpoursuivieparl’orateurdanssondiscourspermetdedistinguertrois espèces ougenres oratoires, en effet « l’auditeur est soitspectateur ou juge, et le juge prononce ou sur le passé ou surl’avenir »68. Un membre d’une assemblée, un député parexemple, doit se prononcer sur un futur texte de loi, ou unedécisionbudgétaireàprendre:iljugesurl’avenir.Lejuge,lui,se prononce sur des faits passés dont un accusé doit répondredevantuntribunal.Lespectateurenfinestceluiquiseprononcesur le talentmispar l’orateurà louer telpersonnage :pensonspar exemple au discours de nos Académiciens lors de leurréception,«remerciement»ou«éloge»etvariétéacadémiquede l’oraison funèbre selon l’expression de RenéDoumic ; ils

Page 160: RAISONNER EN VÉRITÉ · 2015. 9. 15. · œuvres de Staline et de Lénine. Une armée de rédacteurs veille à polir chaque texte, à faire respecter chaque détail du rituel de

Ces pages ne sont pas disponibles à la pré-visualisation.

Page 161: RAISONNER EN VÉRITÉ · 2015. 9. 15. · œuvres de Staline et de Lénine. Une armée de rédacteurs veille à polir chaque texte, à faire respecter chaque détail du rituel de

Onaimevoirqu’ils’agitd’évidence!S’ils’agitd’exposeràquellesfins,enquelshabitusoncommet l’injustice,onvoitsedévelopperl’artmajestueuxdeladivision:

Distinguonsd’abord les impulsions et les répulsions auxquellesnousobéissons,quandnousentreprenonsd’êtreinjustes…

Or,lescausesdetouteslesactionshumainessontlesunesextérieures(a);lesautresintérieuresàl’agent(b).

(a)Quandl’agentn’estpaslui-mêmelacause,l’actionestduetantôtàla fortune, tantôt à la nécessité ; et cette nécessité est tantôt la violence,tantôt la nature ; par conséquent, toutes les actions dont la cause estextérieure à l’agent proviennent les unes de la chance, les autres de lanature,d’autresdelacontrainte.

Sont dus à la chance tous les faits tels que la cause en estindéterminée,quineseproduisentpasenvued’unefin,nitoujours,nilaplupartdutemps,nirégulièrement,caractèresquirésultentàl’évidencedeladéfinitiondelachance.

Sontnaturels ceux dont la cause est interne et régulière ; car ils seproduisent toujours ou la plupart du temps de lamême façon. Pour lesactes contraires à la nature, nul besoin de préciser s’ils se produisentconformément à une certaine cause naturelle ou à une autre ; la chancepeutaussiparaîtrelacausedetelsactes.

Sont dus à la contrainte ceux que les agents accomplissent eux-mêmes,maiscontreleurdésirouleurscalculs».

(b)Lesactionsdontlacauseestintérieureàl’agentetdontlesagentssont responsables sont dues les unes à l’habitude ; les autres àl’impulsion, celleci tantôt réfléchie, tantôt irréfléchie. La volonté estl’impulsionversunbien(caronneveutquecequ’oncroitêtreunbien);lesimpulsionsirréfléchiessontlacolèreetledésir;touteslesactionsontdonc nécessairement sept causes : la chance, la nature, la contrainte,l’habitude,laréflexion,lacolère,ledésir.

(…)–Estdûàl’habitudetoutcequel’onfaitpourl’avoirfaitsouvent.–

Sontdusaucalcul(volontéréfléchie)ceuxdesbiensénumérésplushautqui semblent être utiles ou comme fins ou commemoyens d’atteindre àunefin,quandonlesaccomplitparcequ’ilssontutiles;carilyacertainsactes que l’intempérant accomplit à cause de leur utilité, non pour cetteutilité,maispoursonplaisir.

Page 162: RAISONNER EN VÉRITÉ · 2015. 9. 15. · œuvres de Staline et de Lénine. Une armée de rédacteurs veille à polir chaque texte, à faire respecter chaque détail du rituel de

–Ontpourcausesl’emportementetlacolèrelesactesdevengeance.Ilyaunedifférenceentrelavengeanceetlechâtiment;lechâtimentapourfin lepatient ; lavengeance, l’agent,quicherchesa satisfaction.Enquoiconsistelacolère,onleverra,quandnoustraiteronsdespassions.

– L’on fait par désir tout ce qui est manifestement agréable.L’accoutumé et l’habituel comptent parmi les choses agréables ; carbeaucoup d’actes, qui ne sont pas naturellement agréables, se font avecplaisir,quandons’yestaccoutumé.

Donc, en résumé, tous les actes qui ont leur cause en nous sont ouparaissent bons, sont ou paraissent agréables. Et, comme nous faisonsvolontairementtousceuxquiontleurcauseennous,et involontairementceux qui ont leur cause hors de nous, on peut dire que tous les actesvolontaires sontbons en réalité ou en apparence, ou agréables en réalitéouenapparence;jecompteaunombredesbiensladélivrancedesmauxréelsouapparents,oul’échanged’unmalplusgrandcontreunpluspetit(carcesontlàchosespréférables);etpareillementaunombredeschosesagréablesladélivrancedeschosespéniblesenréalitéouenapparence,oul’échangedespeinesplusgrandescontrelesmoindres»86.

•Leslieuxcommunsauxtroisgenresontuneconnotationplusdialectique ; il est faciledecomprendreparexemple,quede l’argumentduplus et dumoinsonpeut tirerdesprémissesdans les trois genres.Nous en donnons un résumé complet autexte99.

–Lesinstrumentsdulogos:prouver

•L’enthymème

Définition – L’enthymème est le syllogisme oratoire, le« syllogisme de la rhétorique » dit Aristote. Syllogisme cardéductif,maisilneprocèdepasàpartird’ununiverselcompletmaisdeprémissesvraisemblablesoudesignes,deuxaspectsquipeuvent se superposer comme on va le voir. De ενθυμεματαconstruitàpartirdeθυμοσ(lecœur),l’étymologiesuggèredeux

Page 163: RAISONNER EN VÉRITÉ · 2015. 9. 15. · œuvres de Staline et de Lénine. Une armée de rédacteurs veille à polir chaque texte, à faire respecter chaque détail du rituel de

hypothèses : soit parce qu’effectivement une prémisse del’enthymèmeesteffectivementgardée«audedans»;soitparcequelecœur,volontéetaffectivité,estsollicité.

La conception de l’enthymème comme syllogisme tronquéest valablemais un peu réductrice et nous vient deQuintilienquiparled’unargument«quinecomportequ’unepropositionetunepreuve…c’estdoncunsyllogisme imparfait» ;c’est-à-direquec’estunsyllogismedontuneprémissemanqueou,toutaumoins,n’estpasénoncée.Ildonneensuitequelquesraisons:unorateurn’apasàavoirde«scrupulesminutieux»niàfairedes « raisonnements qui fatiguent par la chute fréquente etuniformedeleurconclusions»;ilnedoitpas«s’enfermerdansunesèchedialectique»87.C’estuneconceptionqu’ontsuivielesmodernes mais elle est trop sommaire. On parle d’une« argumentation quotidienne » et aussi de « syllogisme enabrégé »88, conformément à ce que dit Aristote lui-même,«quanduneprémisseestévidentepourtousiln’estpasbesoinde l’énoncer »89. Mais si on la tait ce n’est pas qu’elle soitinutile, mais plutôt parce que l’auditoire la connaît déjà, car«onpeutconvaincre lesautresparsespropres raisons ;onnelespersuadequeparlesleurs»90.

La difficulté à bien comprendre l’enthymème vient de ladéfinitiondonnéeauxAnalytiques:

« Le vraisemblable (εικοσ) est une prémisse endoxale, ce qu’on saitarriverdanslaplupartdescas,ounepasarriver…Lesigne(σημειον)aucontraire veut être une prémisse apodictique (démonstrative) soitnécessaire soit endoxale, la chose dont l’existence ou la productionentraîne l’existence ou la production d’autre chose, soit antérieure soitpostérieure91, c’est là le signede laproductionoude l’existenced’autrechose. L’enthymème est le syllogisme qui procède de prémissesvraisemblablesoudesignes»92.

Page 164: RAISONNER EN VÉRITÉ · 2015. 9. 15. · œuvres de Staline et de Lénine. Une armée de rédacteurs veille à polir chaque texte, à faire respecter chaque détail du rituel de

Ces pages ne sont pas disponibles à la pré-visualisation.

Page 165: RAISONNER EN VÉRITÉ · 2015. 9. 15. · œuvres de Staline et de Lénine. Une armée de rédacteurs veille à polir chaque texte, à faire respecter chaque détail du rituel de

ostentation, ses compétences techniques ou culturelles est denatureàraviverlaconfiance.Onnesaitpastoutmaiscequ’onsaitonlesait.Rappelonsaussique«Ilestassezéloquentceluiquiditlavérité»104.

Pour les qualités morales, comme on vient de le dire, lepoint est délicat : on doit éviter de « se faire mousser » parvantardiseoude feindreune faussehumilité.L’ethos, ici, viseplusàêtrequ’àparaîtrebiensûr.Celaditunephrasecomme:« je ne crois pas être injuste en faisant cette remarque »(Justice), ou cette autre « ilm’a fallu une rallonge de couragepour faire ceci ou cela » (Force), ou encore « je respecte maparole » (Loyauté), etc., sont autant de moyen de signaler, sic’est vrai (sinon c’est l’hypocrisie en acte), la valeur moraled’unedécisiond’unavisd’unjugement.

Quantàlabienveillanceetàl’amitié,iln’yapasderecettepour aimer et la clé est d’aimer son auditoire, de s’y donner ;d’autantque«l’amourvraituelacrainte»(paroledel’Écriture)et donc le trac ! Toutefois des moyens se trouvent dans cequ’Aristoteditde l’amitié lorsqu’il la traitecommepassion.Atitre d’exemple nous donnons ici une liste des actions,rappelées,décritesparcequevécues,etc.,parceluiquiparleetquiprovoquentlemouvementd’amitiédel’auditoireenverslui.Plus généralement l’amitié est la clé d’un managementrespectueuxdelapersonne:«obéird’amitié»étaitladevisedugénéralFrère.(Voirtexten°101)

Rappelonsenfinque lesmaximesconfèrentaudiscoursuncaractère éthique, elles renforcent l’ethos de l’orateur car sespréférences sont évidentes dans les maximes qu’il énonce, ensorteque si elles sonthonnêtesouprudentesou sageselles lefontparaîtretel!

–Lepathos:mouvoir

Page 166: RAISONNER EN VÉRITÉ · 2015. 9. 15. · œuvres de Staline et de Lénine. Une armée de rédacteurs veille à polir chaque texte, à faire respecter chaque détail du rituel de

On se méprend parfois sur les passions oratoires ou, dumoins, on en limite la portée ; voici par exemple ce qu’en ditSuberville:

«Lespassionsoratoiresnedoiventpasêtreprisesausensmoral ;cesontlesémotionsquel’orateurreçoitdesonsujet,etqu’ilcommuniqueàses auditeurs. Elles sont la source du pathétique (du grec pathètikos :propre à émouvoir). Tous les mouvements de l’âme humaine : joie,tristesse, douleur, angoisse, espérance, crainte, audace, désir, convoitise,envie, jalousie, émulation, honte, pitié, admiration, enthousiasme,indignation,colère,ambition,cupidité,etc.,ontdeuxmoteursessentiels :l’amouret lahaine.C’est sous l’impulsiondecespassionsvivantesquel’orateur s’anime se lance et entraîne son auditoire. Il va sans dire quel’uniquemoyend’atteindreàcepathétiquevictorieuxc’est,répétons-le,desentirréellementsoi-mêmecequ’onveutfaireressentirauxautres.Dansle domaine de l’éloquence comme dans celui de la radio, le récepteurn’enregistreraquelesvibrationsprovoquéesparl’émetteur.Lesecretd’unBossuetetd’unLacordaire,d’unDantonetd’unJaurès,c’estprécisémentcefoyerquirayonnaiteneux»105.

Toutcelaest très juste s’il estvraique«c’est lecœurquifaitl’éloquence»106maisceseraitavoiruneconceptionlimitéedu pathos que de le restreindre aux passions éprouvées parl’orateur. Cette analyse serait à ranger plutôt dans l’actionoratoire et non directement dans l’invention des preuves. Lespassions sont à considérerd’aborddans l’auditoire etdans lesmoyensde lesprovoquerpar lediscours.Aristoteest trèsclairlà-dessus,toutaulongdulivreII:

L’orateurdoit,par lemoyendudiscours,mettresesauditeursdansladisposition favorable à la colère, représenter ses adversaires commecoupablesdeparolesoud’actespropres à l’exciter, et commeayant l’undescaractèresquipeuventl’émouvoir…

Lesorateursquiveulentramenerleursauditeursaucalmedoiventtirerleursargumentsdeceslieux;ilsdoiventlesameneràcesdispositions,enreprésentantceuxcontrequis’émeut leurcolèreoucommepouvant leur

Page 167: RAISONNER EN VÉRITÉ · 2015. 9. 15. · œuvres de Staline et de Lénine. Une armée de rédacteurs veille à polir chaque texte, à faire respecter chaque détail du rituel de

inspirerdelacrainte…Quand il est préférable que les auditeurs ressentent de la crainte, il

faut lesmettreenétatde l’éprouver, en leurdisantqu’ils sont exposésàsouffrir ;cardeplusgrandsqu’euxontsouffert, leurmontrerleurspairssouffrant ou ayant souffert, et cela de la part de gens, de lamanière, etdansletempsoùilsnepouvaients’yattendre…

Si le discours met ceux qui ont à décider en de telles dispositionsd’esprit (indignation) et démontre que ceux qui demandent leurpitié etque les objets pour lesquels ils la sollicitent ne leméritent pas,mais aucontraireméritequ’onlaleurrefuse,ilestimpossiblequ’ilss’apitoient…

Sidonclesauditeurssontmisendetellesdispositions(d’éprouverdel’envie)etsiceuxquiprétendentêtredignesd’exciterlapitiéoud’obtenirquelquebiensontreprésentésaveclescaractèressusdits(ceuxdel’envie),il est clair qu’ils n’obtiendront pas la pitié de ceux qui sont maîtres del’accorder107.

•Maisqu’est-cequ’unepassion? Fondamentalement unmouvement de l’appétit sensible, causé par la représentationd’unechosebonneoud’unemauvaise:c’estparl’évocationetladescriptiondetellesréalitésparlaparolequel’orateuraaccèsà l’imaginationde l’auditoire, donc à ses passions.Décrire uncrime provoque la pitié. Annoncer une tempête déclenche lapeur. Relater les hauts faits d’un héros provoque le zèle oul’admiration.Ilyadoncplusieurssortesdepassionsenraisondesfacteursbienoumalquicausentsurl’appétitunmouvementspécifique,puisdurapportautemps,selonquelebienoulemalsont considérés comme présents, lointains ou possédés. Nousindiquonsengrascellesquisont traitéesexplicitementdans laRhétorique.

Pour l’appétit concupiscible, lebien présent engendre unepassion qui s’appelle l’amour, dont on parle en rhétorique entraitant l’amitié (Φιλια) et l’obligeance (χαρισ) ainsi que soncontraireladésobligeance.Lebienseulementfutur,engendreledésir, assimilable en rhétorique aux éléments de l’émulation

Page 168: RAISONNER EN VÉRITÉ · 2015. 9. 15. · œuvres de Staline et de Lénine. Une armée de rédacteurs veille à polir chaque texte, à faire respecter chaque détail du rituel de

Ces pages ne sont pas disponibles à la pré-visualisation.

Page 169: RAISONNER EN VÉRITÉ · 2015. 9. 15. · œuvres de Staline et de Lénine. Une armée de rédacteurs veille à polir chaque texte, à faire respecter chaque détail du rituel de

commelafeuilles’échappebrusquementdubourgeon, lentementforméepar la sève accumulée : sans quoi elle n’est que le vide assemblage deparolessonores,etlaconfuseexpressiondepenséesimprécises118.

On le voit, l’improvisation lamieux réussie est celle qui aétépréparéeparunlongtravailetsurtoutuntravaild’écriture.Ilfaut écrire en styleparlé et cen’est pas facile.Écoutonsnotrespécialistedesgenreslittéraires:

« Le texte écrit pour être lu est volontiers indirect, subjectif,esthétique ; le texte parlé doit être direct, objectif, pratique. Le genreoratoire ressemble sur ce point au genre dramatique : il doit passer larampe…Voilàpourquoilestyleoratoirenesauraitavoirlesraffinementsde fond et de forme du style littéraire proprement dit. Ce n’est passeulement une œuvre d’art, c’est aussi, c’est surtout un instrument deconquête.L’orateuruseradoncdesprincipesetdesprocédésdulangageetdu style d’une manière plus commune et plus utile que l’écrivain.Périodique et ample chez les classiques (comme Bossuet) et chez lesromantiques(Lacordaire,Montalembert),plusintellectuelleetpluslogiquechezlespremiers,plussensibleetpluslyriquechezlesseconds;coupéeetrapide chez lesmodernes, plus étoffée cependant avecAlbert deMunetJaurès, plus hachée avec Clémenceau, la phrase de l’orateur doit êtresolidementconstruite,parfaitementponctuée,nettementdétachée.Massiveou lapidaire,puissanteou incisive,c’estunearmedebonaloi,projectilepar définition, qui doit porter loin, frapper vite, juste et fort. D’oùnécessitéd’unstyleclair,résultantdelasimplicitédulangage,desapuretéaussi,delapropriétédesmots,deleurprécision,deleurabondancevariéeet mesurée. L’orateur doit être avant tout compris. Le mouvement dustyle est aussi nécessaire, par l’absence de répétition, et l’emploi d’uneponctuation variée, qui aide à la variété des tours : en premier lieu lespointsd’interrogationetd’exclamation.Nécessitéencoredel’harmoniedustyle : harmoniedesmots,qui écarte les sons ingratsoudifficiles, et lescacophonies, et recherche des sons nets et vibrants, ou coulants et liés ;harmonie de la phrase aux cadences musicales ; bref, l’usage à la foisinstinctif et volontaire des sonorités et des rythmes propices audéploiement de l’éloquence. Cicéron et Bossuet sont ici des maîtressouverains»119.

Page 170: RAISONNER EN VÉRITÉ · 2015. 9. 15. · œuvres de Staline et de Lénine. Une armée de rédacteurs veille à polir chaque texte, à faire respecter chaque détail du rituel de

OnsereporteraauchapitreIIdecetouvragepourquelquesexemples de figures de style : figures de mots, de sens, deconstructionetdepensée,ellespermettentdetravailler lestyleselon les trois registres possibles : simple ou humble,moyen,élevé ou noble. Elles l’enrichissent de tous cesmirabilia afinquelavéritéplaise,selonlemotdeSt.Augustinausujetdelarhétorique : « ut veritas pateat, ut veritas moveat, ut veritasplaceat»120 reprissansdouteàCicéron :« l’orateurquenouscherchonsdoit savoirparlerdevant les jugeset à la tribunedemanière à instruire (docendum), à plaire (delectandum), et àémouvoir (permovendum) »121. Mais là, plus qu’ailleurs, toutestaffairededosageet,denosjourssurtoutoùprédominentlasincérité, l’authenticité et la simplicité, ce conseil de Pascalsemble prévaloir : « la vraie éloquence se moque del’éloquence»122.

Lestyleetl’actionquilesuivraserépondentetdoiventêtreadaptés l’un à l’autre, mais aussi au sujet, à l’auditoire et àl’orateur,ainsiqu’auxcirconstancesdetempsetdelieu;touteschoses qu’on appelait autrefois les bienséances oratoires.L’orateur doit considérer son âge et son état, il pourra direcertaines choses, mais devra glisser sur d’autres ou devrapréférer se taireparfois. Ilneparlerapasàdes jugescommeàdes enfants, dans une chaire d’enseignement comme à unetribune politique ou une table de conférencier, dans unecérémonie officielle comme dans une réunion privée.Mais leslois ne sont pas fixes, il y va des qualités intellectuelles del’orateur, de son sens de l’adaptation, de son flairpsychologique : esprit, intelligence du cœur, finesse, ironie,bonnehumeur,humour,tact,etc.

«Existentaussilesprécautionsoratoires,ouménagementsqueprendl’orateur pour ne pas choquer ou même blesser ses auditeurs. Enfin,

Page 171: RAISONNER EN VÉRITÉ · 2015. 9. 15. · œuvres de Staline et de Lénine. Une armée de rédacteurs veille à polir chaque texte, à faire respecter chaque détail du rituel de

l’orateur devra connaître les façons de penser, de sentir et d’être de sesauditeurs,pourleurtenirlelangagequileurconvient.Devantunauditoirede soldats, on se gardera bien d’employer les grands mots, qu’il fautlaisserauxhymnesguerriersofficiels.Onne lesharanguerapasavant labatailleenproclamant,lamainsurlecœur:«Mourirpourlapatrieestlesort le plus beau, le plus digne d’envie ! » On leur dira simplement,commeLéonidasauxThermopyles :«Camarades,déjeunezmaintenant ;vous dînerez aux enfers. » Ou comme ce général romain à des soldatsqu’ilenvoyaitoccuperunterraindifficile:«Camarades,ilestnécessaired’yaller:iln’estpasnécessaired’enrevenir»123.

8.L’action(hypocrisis)etlamémoire

Ici encore il y aurait beaucoup à dire : l’action, cette« éloquence du corps »124 selon Cicéron, recouvre toutes lesattitudesdepuisl’instantoùl’onseprépareàparaîtreauregarddel’auditoire,jusqu’aumomentoùilfaudrabienlequitter.Toutcompte et l’on a dit : « C’est parce que les premiers évêquesavaientunecrossedeboisetmarchaientpiedsnus,qu’ils sontalléssi loin»125.Toutdoitêtrepenséet travaillépouraider lenaturel, mais en ayant soin de faire oublier l’art : vêtement,attitude et positions du corps,mimiques du visage, gestes desbrasetdesmains,marcheetbalancements, regards.Par-dessustout, la voix : respiration, diction, articulation, prononciation,puissance, timbre, rythme, silences, ruptures…Une suggestioniciafind’éviter l’artifice :bienseconnaître,accepter le regardd’autruiafindeguiderletravailetlesprogrès;l’idéeprincipalen’estpas tantdedévelopper lesqualités etde lutter contre lesdéfauts, même si c’est nécessaire, que de libérer la personnepourqu’ellenecèdepasauxfacilitésdupersonnaged’emprunt.Rester soi-même,mieux,devenir cequenous sommes !A toutcelalesanciensajoutaientlamémorisation,ettoutunepanoplie

Page 172: RAISONNER EN VÉRITÉ · 2015. 9. 15. · œuvres de Staline et de Lénine. Une armée de rédacteurs veille à polir chaque texte, à faire respecter chaque détail du rituel de

Ces pages ne sont pas disponibles à la pré-visualisation.

Page 173: RAISONNER EN VÉRITÉ · 2015. 9. 15. · œuvres de Staline et de Lénine. Une armée de rédacteurs veille à polir chaque texte, à faire respecter chaque détail du rituel de

On commence par définir et donner la définition essentielle et l’onraisonneensuitesurlesujettraité.

8–Différentssensd’unmot.Je vous demande de l’audace ! du courage, oui, pas de la témérité

dangereuse!Endémonstratifonassimile,enréfutatifondistingue.

9–Ladivision.L’injustice est toujours commise à trois fins… pour deux raisons le

délitétaitimpossibleetpourlatroisièmeiln’enestpasaccusé.Diviser le prédicat et voir qu’aucune de ses parties ne s’affirme du

sujet ; ou diviser le sujet et voir qu’aucune de ses parties ne reçoit leprédicat.

10–L’induction.Ceux qui ont mal soigné les chevaux d’autrui, on ne va pas leur

confierlessiens,ceuxquiontfaitchavirerlesvaisseauxd’autrui,onnevapasleurconfierlessiens,ainsiceuxquiontmaldéfenduleterritoired’autrui,onnevapasleurconfierladéfensedusien!

Maisn’est-cepasl’induction!Elleestmiseicien«lieucommun»carpar nature elle est plus dialectique que rhétorique. Même raison pourl’argumentsuivant.

11–Jugementantérieur…IsocrateditqueHélèneestunehonnête femmepuisqueThéséeena

jugéainsi.… prononcé sur ce cas ou sur un cas identique ou semblable ou

contraire.detousleshommesetentouslestempsdetousleshommesouduplusgrandnombredessagesdetousoulaplupartdeshommesvertueuxdesjugeseux-mêmesoudeceuxdontilsreconnaissentl’autorité(c’est

lajurisprudence)deceuxàquinousnepouvonsopposerde jugementcontraire (ceux

quiontlepouvoirsouverain)de ceux à qui il messied d’opposer un jugement contraire : dieux,

parents,précepteurs.

Page 174: RAISONNER EN VÉRITÉ · 2015. 9. 15. · œuvres de Staline et de Lénine. Une armée de rédacteurs veille à polir chaque texte, à faire respecter chaque détail du rituel de

12–L’énumérationdesparties.Socrateestaccusédemépriserlesdieux,maisquelssanctuairesa-t-il

profané,quelsdieuxdelaCitén’a-t-ilpashonoré.Ressembleau9saufqu’ici ils’agitdedétailler lespartiesdusujetou

duprédicat.

13–Laconséquencebonned’unechosepeutêtreunargumentpourprouversabontéquandontientqu’elleestmauvaiseparuneconséquencemauvaise,etréciproquement.

L’éducationquiexposeàl’envie,c’estunmalmaisellerendsavant,c’estunbien; il fautêtreéduquépourêtresavantet ilnefautpasêtrecultivépournepasexposeràl’envie.

Beaucoupdechosesontuneconséquencebonneetunemauvaise.

14–Dansleschosesayantdesconséquencesbonnesetmauvaises,il arrivequecelles-cine soientpasquelconque (commeau-dessus)maiscontraires l’uneà l’autre :utiliser cettecontrariété–varianteduchiasme(argumentcagneux).

Parler devant les hommes ?Attention, si tu défends la justice tu teferas haïr des hommes et si tu soutiens l’injustice tu te feras haïr desdieux ; il faut donc devant le peuple parler pour la justice et se faireaimerdesdieuxouparlercontrelajusticeetsefaireaimerdeshommes.

Varianteduchiasme(«Ilfautmangerpourvivreetnonpasvivrepourmanger », « qui s’élève sera abaissé et qui s’abaisse sera élevé ») :quanddeuxcontraires(défendrelajusticeetsoutenirl’injustice)ayantuneconséquencebonneetmauvaise(aimerdeshommes–haïrdesdieux,haïrdes hommes – aimer des dieux), on attribue ces conséquences en croixaux deux contraires ; argument « aux pieds tournés en dehors », demanière à rétorquer les termes d’un dilemme en opposant des termescontraires.

15–Enpublic…enprivé.Devant tout lemonde, tu fais le fiermais tout seul tun’enmèneras

paslarge!Onn’y louepas lamêmechose,unargument se tiredoncdu faitde

donner de l’une ou l’autre prémisse la conclusion opposée ; le plusefficacedeslieuxdesparadoxes,ditAristote.

16–Analogie.

Page 175: RAISONNER EN VÉRITÉ · 2015. 9. 15. · œuvres de Staline et de Lénine. Une armée de rédacteurs veille à polir chaque texte, à faire respecter chaque détail du rituel de

Astreindremon filsaux liturgiesalorsqu’iln’apas l’agemaissousprétextequ’il estgrandc’estcomme si ondisait que les hommespetitssont des enfants, sous prétexte que les enfants grands sont considéréscommedeshommes!

On s’appuie sur des proportions égales et l’on tire argument d’unrapportsurunautre.

17–Lesconséquencesdedeuxchosesétantidentiques,ceschoseslesontaussi.

C’est faire également preuve d’impiété que d’affirmer la naissancedesdieuxouleurmort,puisque,danslesdeuxcas,ilrésultequ’ilyauntempsoùlesdieuxn’existentpas.

18–Lesmêmespersonnesnechoisissentpaslesmêmeschosesavantetaprèsmaisàl’inverse.

Juste avant le saut en parachute, on préfèrerait en être dispensé etredescendre en avion. Mais après le saut, on veut vite remonter dansl’avionpoursauterànouveau!

19–Affirmerquelafinpossibled’uneactionoud’unfaitenestlafinréelle(lavraiefin,etnonpascelleinvoquée).

Diomède a choisi Ulysse non pour l’honorer, mais pour avoir uncompagnonquiluifûtinférieur.

20–Examinerlesmotifsquipoussentàfairetellechoseouquinousendétournent,lesfinspourlesquellesonagitoul’onévited’agir.

La chose est possible, utile, facile… pour nous, pour nos amis…nuisible à nos ennemis… dommageable certes mais au dommagemoindrequeleprofit,etc.

La présence des mobiles pousse à agir, leur absence à ne pas agir ;idempourlesfins.(Enfaitils’agitdeceux,mobilesoufins,quel’ondit,pastantdeceuxquiexistent).

21 – On croit aux faits… d’autant plus qu’ils paraissaientincroyables.

Lesloisontbesoind’uneloipourlescorriger;carlespoissonsontbesoindeselpourseconserveretpourtantiln’estpasvraisemblableniplausibleque,nourrisdansl’eausalée,ilsaientbesoindesel;demêmelemarcd’olivesabesoind’huilepourseconserver,si incroyablesoit-ilque les fruits qui produisent de l’huile aient besoin d’huile. (Très bel

Page 176: RAISONNER EN VÉRITÉ · 2015. 9. 15. · œuvres de Staline et de Lénine. Une armée de rédacteurs veille à polir chaque texte, à faire respecter chaque détail du rituel de

Ces pages ne sont pas disponibles à la pré-visualisation.

Page 177: RAISONNER EN VÉRITÉ · 2015. 9. 15. · œuvres de Staline et de Lénine. Une armée de rédacteurs veille à polir chaque texte, à faire respecter chaque détail du rituel de

RHÉTORIQUE ÉLOQUENCE

GRÈCECORAX, TISIAS, siciliens –ManueldeCorax(vers460)GORGIAS (né au début du 5°siecle,élèvedeTisias–Traité de l’art oratoire)ANTIPHON(judiciaire–480-411)PROTAGORAS (début Vesiècle-411)SOCRATE(470-399)ISOCRATE (436-338) (Surl’échange)PLATON (427-347) (Gorgias–Phèdre)ARISTOTE (384-322) –(«Technérhétoriké»entroislivres)

ROMECICÉRON (Arpinium 106 –assassinéle71243)–(Del’invention–Del’orateur–Brutus–L’orateur– Topiques – Partitionsoratoires–Dumeilleurgenred’éloquence)RhétoriqueàHerreniusQUINTILIEN (35av. J.-C.-40ap. J.-C.) – (L’Institutionoratoire)

PÉRIODECHRÉTIENNE

Le christianisme n’est pasresponsable de son déclin ;grand essor de l’éloquencesacrée. L’ÉCRITURE estparfois extrêmement oratoire,commeaussipoétique.

PÉRICLÈS(495-429)dansThucydideLYSIAS–ESCHINE–HYPÉRIDE–ISÉEISOCRATE

DÉMOSTHÈNE(384-422)(entoutunesoixantainedediscoursparmi lesquelslesPilippiques)

CICÉRON (nombreux plaidoyers etdiscours politiques : Contre Verres ;Pro Milone ; Contre Catilina ; ProMurena,etc.)PLINE LE JEUNE (Pané-gy rique deTrajan) – HOR-TENSIUS (rival deCicéron)

A) Éloquence sacrée Apôtres : St.PIERRE aux juifs ; St PAUL – Bienqu’il avoue, après l’échec d’Athènes,neplusposséder la«sophia logou»ICor, 1, 17. Pères de l’Église :IRÉNÉE, ORIGÈNE, GRÉGOIRE DENAZIANZE (oraison funèbre deCésaire et de Basile), BASILE,GRÉGOIRE DE NYSSE, JEANCHRYSOSTOME (homélie en faveurd’Eutrope), HILAIRE, AM-BROISE(oraison funèbre de Théodose),JÉRÔME,AUGUSTIN;Moyen Age : St BERNARD –GERSON–OLIVIERMAILLARDXVIe siècle : J. CALVIN XVIIesiècle:A. ARNAULD – FRANCOIS DESALES–VINCENTDEPAUL – MASCARON –BOURDALOUE – BOSSUET –FLÉCHIER – FÉNELON – MAS SIL

Page 178: RAISONNER EN VÉRITÉ · 2015. 9. 15. · œuvres de Staline et de Lénine. Une armée de rédacteurs veille à polir chaque texte, à faire respecter chaque détail du rituel de

Au Moyen Age, à laRenaissance elle estenseignée.Le déclin commence auXVIesiècle : RAMUS (1515-1572)la réduit à l’élocution.DESCARTES rejette ladialectique, l’un de ses deuxpiliers,pourprônerlaclartéetla méthode mathématique –PASCAL, qui sait l’utiliserlittérairement, dit : « la vraieéloquence se moque del’éloquence»– lesempiristes(LOCKEenfaitl’artdumensonge) méprisent lerecours au discours audétriment de l’expérience ; lePOSITIVISME la rejette aunomde lavérité scientifique ;le ROMANTISME au nom delasincérité;Hugo,quines’enprivepas,déclare:«paixàlasyntaxe, guerre à larhétorique».« En 1885 elle disparaît del’enseignement français,remplacéepar« l’histoiredeslittératures, grecque, latine etfrançaise ». Fin » (cf. O.Reboul, Introduction à larhétorique,p.91).Aujourd’hui elle déborde lechamp qui lui était impartiautrefois, l’assemblée, leprétoire… pour investir parles médias (radio, télévision)le champ beaucoup plus vastede la société dans sonensemble ; il y aura une« rhétorique » de l’image, delapropagande,delapublicité,qui ne sont pas toujours à la

LON – les pasteurs CLAUDE –JURIEU–SAURINXIXe siècle : PèreDERAVIGNAN–LACORDAIRE–MgrDUPANLOUP–Mgr FREPPEL – le CardinalPERRAUD – Les pères FÉLIX etMONSABRÉ –Mgr D’HULST – LespasteursCOQUEREL–A.MONOD–XXe siècle : les pères JANVIER –COUBÉ – COURTOIS – SANSON –RIQUET – Le pasteur BOEGNER –JEAN-PAULII.

B) Après sa fondation parRICHELIEU,cesera1)lesdiscoursderéception à l’Académie Française, 2)les notices sur les défunts, 3) lessujetsmisauconcours,4)lesdiscourspour les prix de vertu : – BUFFONdiscours sur le style – RACINE –FONTENELLE(éloges)–LAHARPE– L’ABBE MAURY – SUARD – Onpeut y rattacher l’invention de laconférence ou causerie, inaugurée aucoursduXIXesiècle:BRUNETIÈRE,F.SARCEY,LARROUMET…MADAME DE MAINTENON :éloquence«mixte»,semiprivée,pourles élèves de la maison royale de St.Cyr

C) Ancien régime : ARNAULD(plaidoyer contre les jésuites) –D’AGUESSEAU – SEGUIER –TRONCHET–MALESHERBES–DESÈZE (trois défenseurs deLouisXVI)–

Depuis la Révolution : CHAIX-D’EST-ANGE – DUFAURE –LACHAUD–BERRYER–CHENU–HENRIROBERT–M.GARÇON–

Page 179: RAISONNER EN VÉRITÉ · 2015. 9. 15. · œuvres de Staline et de Lénine. Une armée de rédacteurs veille à polir chaque texte, à faire respecter chaque détail du rituel de

gloire de l’utilisateur ni auprofitdudestinataire.La « nouvelle rhétorique » enFrance (J. COHEN, LEGROUPEMU,G.GENETTE,R. BARTHES) est surtout uneétudedesprocédésdelangagecaractéristiques de lalittérature, dans la ligne dutraité des tropes de DUMARSAIS (XVIIe) et del’ouvrage de FONTANIER(1830)lesfiguresdudiscours.Notons toutefois avec l’écoledeBruxelles (C. PERELMANle traité de l’argumentation,M. MEYER…) le retour del’étudedelarhétoriquedanslaligne de la grande rhétoriqueclassique, commeargumentationdansledomaineduvraisemblable

On peut aussi considérer lamêmepériodedupointdevuede:

B) L’éloquenceACADÉMIQUE c’est-à-direl’équivalent de ce quiappartient au genreépidictique

C)l’éloquenceJUDICIAIRE

D) l’éloquencePOLITI-QUE(ex. MICHEL DE L’HÔPITAL) et MILITAIRE (ex.BLAISEDEMONLUC)

De nos jours : J.-L. TIXIERVIGNANCOUR–

R.BADINTER– J.-M.VARAUT– J.TRÉMOLET DE VILLERS – P.LOMBARD…

D)XVIe:MICHELDEL’HÔPITAL–BLAISEDEMONLUC–HENRIIV–

Révolution :MIRABEAU–BARNAVE– VERGNIAUD – LANJUINAIS –DANTON – MARAT – SAINT-JUST –ROBESPIERRE – LUCIENBONAPARTE – NAPOLÉONBONAPARTE–

XIX° : ROYER-COLLARD –CHATEAUBRIAND – LAMARTINE –HUGO – BERRYER – BLANQUI –THIERS – GUIZOT –MONTALEMBERT – GAMBETTA –ZOLA–DEMUN–JULESFAVRE–

XX°:J.JAURES–G.CLÉMENCEAU–A.BRIAND–

L. BLUM – Ch.DE GAULLE –P.PÉTAIN

– M. THOREZ – E. HERRIOT – P.MENDÈS-FRANCE–J.DELATTRE–A.MALRAUX–F.MITTERRAND–G.POMPIDOU–

M. DEBRÉ – J.-M. LE PEN – G.MARCHAIS…

1.«Lesdieuxnousontdonnéaussilaparole,grâceàlaquelle,

Page 180: RAISONNER EN VÉRITÉ · 2015. 9. 15. · œuvres de Staline et de Lénine. Une armée de rédacteurs veille à polir chaque texte, à faire respecter chaque détail du rituel de

Ces pages ne sont pas disponibles à la pré-visualisation.

Page 181: RAISONNER EN VÉRITÉ · 2015. 9. 15. · œuvres de Staline et de Lénine. Une armée de rédacteurs veille à polir chaque texte, à faire respecter chaque détail du rituel de

mêmedéfinitionetparun seuletmêmenom.Parconséquent,demêmeque, dans l’exemple cidessus, ceux qui ne sont pas habiles àmanipulerleurscaillouxsonttrompésparceuxquisavents’enservir,ainsienest-ilpour les arguments : ceux qui n’ont aucune expérience de la vertusignificativedesnoms fontde faux raisonnements, à la fois endiscutanteux-mêmesetenécoutantlesautres12.

C’estdonclemanquedemaîtrisedansl’usagedesmotsquiestlagrandesourcedeconfusiondontlesophisteprofite.C’estla raison pour laquelle « l’erreur se produit plus facilementquandnousexaminonsleproblèmeavecd’autrespersonnesquequand nous l’examinons par nous-mêmes dit Aristote, carl’examen qui se poursuit avec autrui se fait par lemoyen desdiscours, tandis que l’examen personnel se fait autant, sinonplus,parlaconsidérationdelachoseelle-même»13.

Mais pourquoi parle-t-on de réfutations sophistiques ?Parce que le sophiste intervient dans un débat dialectique etcherche donc à réfuter une position. Mais sa réfutation estseulement apparente.En fait, les réfutations sophistiquesdoncfallacieusesétudiéesparAristotedans l’ouvragedumêmenomdégagentdesprocédésquipeuvents’étendreàtouteslesformesd’argumentations : réfutations, syllogismes, preuves parl’absurde,objections,enthymèmes…etc.Onlesappelleradonccouramment des sophismes et l’on conservera le nom deparalogismeàunraisonnementfauxmaisfaitdebonnefoi.

En analysant on peut distinguer dans un sophisme deuxélémentsquicontribuentànousinduireenerreurcar«oncroitvoir» ,«cequin’estpas» .Le estlacaused’apparence:l’argumentparaît juste.Ceprincipejouelerôledemoteur, carc’estgrâceàluiquel’assentimentdel’auditeurestacquis;lesmots qui remplacent les choses dans les débats…, et surtoutleurs variétés de sens (polysémie), auront là une grandeimportance.Le est lacaused’erreur,unprincipepardéfaut,

Page 182: RAISONNER EN VÉRITÉ · 2015. 9. 15. · œuvres de Staline et de Lénine. Une armée de rédacteurs veille à polir chaque texte, à faire respecter chaque détail du rituel de

c’est-à-dire celamême quimanque à ce qui serait requis pourqu’ilyaitargumentation.(Cf.Texte120).C’estdecettemanièrequ’il faut analyser un sophisme si l’on veut y voir clair, endégageantlacaused’apparenceetlacaused’erreur.

-Divisiondessophismes

Tout mot est un matériellement (cause d’apparence) maispeut désigner plusieurs choses ou plusieurs concepts (caused’erreur) : la tromperie vient alors de ce qu’un mot qui aplusieurs sens est pris commen’en ayant qu’un seul. Il y auradonc des sophismes « in dictione », dans le discours, on lesappelleparfois sophismesdemotsouverbaux. 1)L’équivocitéd’un terme, 2) l’amphibologie d’une expression, 3) lacomposition d’une expression ou 4) sa division, 5)l’accentuationphonique,6)lafiguredudiscoursenfin.

Mais les choses elles-mêmes semblent unes, quand ellesparaissent identiques ou de même nature (ou inversement,semblent multiples et semblent ne pas convenir l’une avecl’autre):c’estlacaused’apparence;alorsque,enréalité,l’unen’estpasl’autre(ou,inversement,alorsqu’ellessontidentiques)et c’est la cause d’erreur. Il y aura donc aussi des sophismes«extradictionem»,nondansleschoseselles-mêmes,caronesten logique,mais des choses telles qu’elles sont pensées, dansleurrelationmutuelleetdansleslieuxdecetterelation(cf.texte120) : 1) le sujet et l’accident, 2) l’absolu (simpliciter) et lerelatif (secundum quid), 3) l’ignorance de ce qui produit laréfutation, 4) la pétition de principe (preuve d’une chose parelle-même),5)l’antécédentetleconséquent,6)lafaussecause,enfin7)lesdeuxquestionsenuneseule.

Nous les examinerons tous, en donnant à chaque fois lacaused’apparence et la caused’erreur : c’ est cet exercicequi

Page 183: RAISONNER EN VÉRITÉ · 2015. 9. 15. · œuvres de Staline et de Lénine. Une armée de rédacteurs veille à polir chaque texte, à faire respecter chaque détail du rituel de

permetde connaître lanaturedu sophismeetd’yapporterunesolution. Car on ne réfute pas un sophiste ; puisqu’il y atromperie, on rend manifestes les fausses apparences. Nousprésenterons les sophismes eux-mêmes par de courtesillustrations puis par un exemple plus substantiel, analysé etsolutionné.

C’estunexerciceparfoisardumaistrèsbénéfique,selonlapenséedeSt IgnacedeLoyola :« Il fautprésupposerque toutbon chrétien doit être plus prompt à sauver la proposition duprochainqu’àlacondamner.Sil’onnepeutlasauverqu’onluidemande comment il la comprend ; et s’il la comprend malqu’on le corrige avec amour ; et si cela ne suffit pas, qu’oncherchetouslesmoyensadaptéspourqu’enlacomprenantbienonlasauve».

2.Sophismesverbauxouindictione

a.L’équivocité (encore appeléhomonymie) ; stratagème n° 2de Schopenhauer dansL’art d’avoir toujours raison, cf. texte121.

Caused’apparence Mêmemot

Causedenon-existenceoud’erreur

Diversitédeschosessignifiées

Le sophisme provient de ce qu’un nom unique signifieplusieurschosesquin’ontpasmêmenaturevoiredesnaturesetdes définitions opposées. Lemot peut être équivoque au sensstrictetpeuttrompercommedansleplurielde«lafêtebatsonplein»n’estpas«lesfêtesbattentleurplein»,maisbien«lesfêtesbattentsonplein»;oulemotpeutêtremétaphorique:le

Page 184: RAISONNER EN VÉRITÉ · 2015. 9. 15. · œuvres de Staline et de Lénine. Une armée de rédacteurs veille à polir chaque texte, à faire respecter chaque détail du rituel de

Ces pages ne sont pas disponibles à la pré-visualisation.

Page 185: RAISONNER EN VÉRITÉ · 2015. 9. 15. · œuvres de Staline et de Lénine. Une armée de rédacteurs veille à polir chaque texte, à faire respecter chaque détail du rituel de

avoirunautre.Exemples simples : Paul se porte bien donc il peut bien

portermoinslourdquelui.Porteretseporter,similitudeentrelemode actif et lemode pronominal, mais pas lemême sens.Plus précisément ce paralogisme tient au fait qu’une mêmeformeverbale peut renvoyer selon son emploi à des catégoriesdifférentes.Ungrandhommepeutrenvoyeràlavaleur(qualité)ouàlataille(quantité).L’embryonpeutdésignerunétat(qualitéd’uncorpsdanssonmouvement)ouunindividuàpartentière,simplementplus jeunequ’unadulte (substance).Autre typedesophisme dans cette espèce : un mot qui signifie la sorte, ladifférence essentielle constitutive du genre ou de l’espèce parexemple,paraîtsignifierl’individu,lasubstanceparticulière.St.Augustin en donne un exemple célèbre : « Ce que je suis(substance individuelle), tu ne l’es pas ; je suis (natureuniverselle)homme;donctun’espashomme»20;c’estenfaitune différence de suppositio plus que de significationfondamentale.

Exemple6(Texte110)Figuredumot

Jean-PaulIIaimelavie;toussesproposrécentssontponctuésdevigoureusesexhortationsàla«défense»età« l’amour de celle-ci ». N’en déduisons pas troplégèrement qu’il se targuerait ainsi d’être un bonvivant21.

Analyse:Caused’apparence:lemotviedansaimerlavieetbon

Page 186: RAISONNER EN VÉRITÉ · 2015. 9. 15. · œuvres de Staline et de Lénine. Une armée de rédacteurs veille à polir chaque texte, à faire respecter chaque détail du rituel de

vivant, la première expression étant d’ailleurs équivoque(aimer vivre, c’est positif ; brûler la vie par les deuxbouts,c’estautrechose).

Caused’erreur :promouvoiruneculturedevie (vie estalorsuneespèced’êtredanslacréation:c’estleprédicamentsubstance)n’estpaslamêmechosequeprofiterenépicuriendes joies de la vie (vie s’entend de la manière particulièreselonlaquelleonmènelasienne:prédicamentqualité)

Solution:Arrêtonsdeparlerparallusion!Ilestbondansdescasde

cegenreoùl’onaffecteunstylelégerpourdireetfairepasserdeschosesgraves,dechangerderegistreetd’adopteruntongraveetdedire:«Jean-PaulIIaimelavieparcequ’ilrefuseAuschwitz et le Goulag : il refuse la mise à mort desinnocents».

Exemple7(Texte111)Figuredumot

Lacampagne (pour se préserver du sida)a étémoinspudique, plus didactique que les précédentes. Certainsm’en ont fait le reproche etm’ont dit : « pourquoi, aulieu de parler du préservatif, ne parlez-vous pas auxjeunesde la fidélité dans le couple oude l’abstinence »Maismoi,entantqueministredelasantéetentantquemédecin,j’ailedevoirdem’attaqueraurisquesanitaire,etnonpasd’avoiruneattitudemoralisatrice.Çac’estletravaildel’Église22.

Page 187: RAISONNER EN VÉRITÉ · 2015. 9. 15. · œuvres de Staline et de Lénine. Une armée de rédacteurs veille à polir chaque texte, à faire respecter chaque détail du rituel de

Analyse:Unmême terme,moralisatrice (cause d’apparence), est

iciemployé(caused’erreur)dansunsensquasipéjoratifenraison de l’usage et de sa désinence – moralisatrice –, etpourraitl’êtredansunsensnoble,enraisondesonradical–moralisatrice.

Solution:On ne demande pas à un ministre d’avoir une attitude

« moralisatrice » mais morale et politique, c’est-à-direconformeaubienhumain.Unministrede la santén’estpasun ministre de l’agriculture ; il lui reviendrait alorseffectivement de s’occuper de la santé des animaux et desvégétauxetnondecelledesêtreshumains,dont ilconvientdeprendreencomptelatotalitéducomportement,corporeletmental,physiqueetmoral,sanss’immiscerbiensûrdanslesdécisions personnelles, mais en montrant les risques decertains choix et en faisant la promotion de certains autres.Notons au passage la suggestion d’un jugement négatif surl’attitudede l’Église,par l’emploidumot«moralisatrice»,péjoratif selon l’usage actuel ! Et si l’Église, en faisant lapromotion de la fidélité, faisait preuve, en fait, d’uncomportement vraiment démocratique, promouvant uneattitude éthique et citoyenne, quand les pouvoir public nel’osentpas!

3.Sophismesextradictionem,oudepensée

Danslessophismesdemots,leprincipemoteur,oulacausede l’apparence, est issu de la parole, tandis que, dans lessophismesdits de pensée, il est issu de la chose elle-même. Il

Page 188: RAISONNER EN VÉRITÉ · 2015. 9. 15. · œuvres de Staline et de Lénine. Une armée de rédacteurs veille à polir chaque texte, à faire respecter chaque détail du rituel de

Ces pages ne sont pas disponibles à la pré-visualisation.

Page 189: RAISONNER EN VÉRITÉ · 2015. 9. 15. · œuvres de Staline et de Lénine. Une armée de rédacteurs veille à polir chaque texte, à faire respecter chaque détail du rituel de

pèse environ 2 suivi de 27 zéros (tonnes)… La VoieLactéepèse160000foisautantquelesoleil;elleestunegalaxie parmi une collection d’autres dont environ 30millionssontconnues.Cen’estpas très facilederetenirune croyance à sa propre importance en regard destatistiquesaussiaccablantes30.

Analyse:Cause d’apparence : ce qui est important ce sont les

dimensionsetlaquantitédel’Univers,l’hommen’enpossèdeaucune,iln’estdoncpasimportant.

Cause d’erreur : le sujet est différent : l’importancehumaine, morale et spirituelle, n’est pas l’importancephysiqueetmatérielle.

Solution:La réponse est dans la transcendance de l’esprit sur la

matière, la spiritualité de l’âme humaine. Pascal la donnedanssanotiondestroisordres(matière,esprit,charité)etdeleursrapportsquel’onpeuttraduireainsi:l’espritestàunedistanceinfiniedescorpsettouteslesrichessesdumondenevalent pas la moindre pensée ; de plus toutes les richessesd’esprit ensemble ne valent pas le moindre mouvement decharité!

d.Lapétitiondeprincipes

Cf.lesstratagèmesn°6,n°12et22deSchopenhauerdansl’artd’avoirtoujoursraison.

Caused’apparence Diversitéapparentedelaconclusionetdelaprémisse

Page 190: RAISONNER EN VÉRITÉ · 2015. 9. 15. · œuvres de Staline et de Lénine. Une armée de rédacteurs veille à polir chaque texte, à faire respecter chaque détail du rituel de

Causedenon-existenceoud’erreur

Leuridentité

Unepétitionestunedemandeetcequ’onappelleprincipe,ici,c’estlapropositionquel’ondoitprouver:ondemandequel’interlocuteurnous la concèdeouon laposecommeprémissedenotreargumentationsansmêmelademander.Maisilnefautpaslademandersouslaformemêmeoùelles’énoncecarellenenousserapasaccordée,c’esttropévident;sousuneautreformeenrevanche, ilpourrayavoirsophismeoutromperie.Lacausedel’erreurprovientdecequel’onfournitlamêmechosecommepreuved’elle-mêmeet, sousdeux formulationsdifférentes, ilyidentité entre prémisse et conclusion ; mais la cause del’apparenceestladifférenceapparentedelaconclusionaveclesprémisses.

Curieusement, ce sophisme n’atteint pas l’inférence ellemêmeparcequelaconclusionestbientiréedesprémissesmaisil pèche contre l’aspect preuve de l’argument, car une preuvedoitvenirdecequiestplusmanifesteetplusconnu,cequin’estpas lecas sielleestexactementceque l’ondemande, formulésimplementdifféremment.

Tirer argument de ce qui est à prouver peut se faire dedifférentes façons.Onpeutd’aborddemander ledéfini commepreuve de la définition, ou inversement, c’est-à-dire qu’onpostulelachosemêmequiestàdémontrer.Commesil’ondoitprouverque«lavolontéhumaineestdouéedelibrearbitre»,etqu’on demande que soit concédé que « l’appétit rationnel estdoué de librearbitre » ; on doute de la prémisse comme de laconclusion,cen’estdoncpasunepreuve.

On peut ensuite demander l’universel comme preuve duparticulier,outouslesparticulierscommepreuvedel’universel.Cette remarque est invoquée par certains pour faire du

Page 191: RAISONNER EN VÉRITÉ · 2015. 9. 15. · œuvres de Staline et de Lénine. Une armée de rédacteurs veille à polir chaque texte, à faire respecter chaque détail du rituel de

syllogisme qui est une déduction de l’universel au moinsuniversel,unepétitiondeprincipes.Maiscelanetientpascarlesyllogisme pose trois termes, et pas seulement deux dont l’unseraitdupliquésousunautrenompourenfaireartificiellementuntroisième.Dire«touteslesvertusnécessitentlarépétition»parceque«touthabitusnécessitelarépétition»sansconnaîtrebien sûr la définition propre de la vertu ni celle de l’habitus,maisenprenantsimplementlenomdel’unpourl’autre,estunepétitiondeprincipeetnonunsyllogisme.Enrevanchedéduiresurlavertucequ’onsaitdel’habitusestbienunsyllogismeetunprogrèsdanslaconnaissance.

Onpeutencoredemanderendeuxinterrogationséparéesceque l’on doit prouver dans une seule proposition ou encoredemander l’undescorrélatifs, commepreuvede l’autre, cequirevientàpostuler l’unedesdeuxpropositionsquis’impliquententreellesnécessairement.

Exemple11(Texte116)Pétitiondeprincipeetautressophismes

Q. - Comment pouvez-vous être contre la peine demortetfavorableàl’IVG?

L. Schwartzenberg. - L’in… Il faut être très clair.Lorsqu’un enfant est conçu, il est conçu par deuxpersonnesetdèsquelefœtuscommenceàsedévelopper,cefœtusdoitsonexistenceàdeuxpersonnes.

D’unepartlephénomènebiologiquequiluiadonnénaissanceetquifaitqu’auboutdeneufmoisilvadonnernaissanceàunenfant.

D’autrepartlamèrequilaporteetquiacceptecetteviequisedéveloppeenelle.

Page 192: RAISONNER EN VÉRITÉ · 2015. 9. 15. · œuvres de Staline et de Lénine. Une armée de rédacteurs veille à polir chaque texte, à faire respecter chaque détail du rituel de

Ces pages ne sont pas disponibles à la pré-visualisation.

Page 193: RAISONNER EN VÉRITÉ · 2015. 9. 15. · œuvres de Staline et de Lénine. Une armée de rédacteurs veille à polir chaque texte, à faire respecter chaque détail du rituel de

644. – (…) On doit savoir que, de même quel’argumentationdialectique tientsa fermetéd’un lieuvéritable,de même l’argumentation sophistique tient sa fermetéapparented’unlieuapparent.Orlelieuvéritable,quigarantitla fermeté de l’argumentation dialectique, c’est la relation del’inférant à l’inféré ; on l’appellemaxime, ou différence de lamaxime,parexemple:genre,espèce,toutetpartie.C’estdeleurrelationentreeuxquelavéritédelapropositionmaximeressort,etlavéritédel’argumentdialectiquesefondesurcettedernière.Par exemple, de la relation de l’espèce au genre, on tire cettemaxime : « ce à quoi s’attribue l’espèce, le genre s’y attribueaussi », de laquelle on forme cet argument : « Socrate esthomme;donc,Socrateestanimal.»

Pareillement,le lieusophistiqueconsisteenunerelationd’inférant à inféré, de laquelle on tire une propositionfausse, mais en apparence vraie, avec laquelle procèdel’argumentsophistique, comme lorsque l’on dit : «Coriscoss’en vient, et je connais qu’il s’en vient ; donc, je connaisCoriscos ». Ici, en effet, onprocèdede l’accident au sujet, dufait qu’il appartient àCoriscos, sur la force de cettemaxime :«Toutcequiestvraidel’accidentl’estaussidusujet.»Orcettemaxime est fausse, à cause de la différence entre accident etsujet;maiselleparaîtvraie,àcausedulienentrel’unetl’autre.

645.–Ainsi,aulieusophistiquedontnousavonsparlé,deux[éléments]concourent.

L’un,cequiestlacausedel’apparence,cequifaitquel’argumentparaîtbon ; on l’appelle aussiprincipemoteur,car il pousse à ce que l’on adhère à l’argument sophistique.Dans l’argument que nous avons présenté, c’est l’union del’accidentetdusujet.

L’autre, c’est le principe du défaut, car il produit undéfautdenécessitédansl’argument;onl’appelleaussicause

Page 194: RAISONNER EN VÉRITÉ · 2015. 9. 15. · œuvres de Staline et de Lénine. Une armée de rédacteurs veille à polir chaque texte, à faire respecter chaque détail du rituel de

de la non-existence, et, dans l’argument que nous avonsprésenté,c’estladifférenceentresujetetaccident.

C’est à partir de ces deux [éléments] que l’on peut setromper:unechoseparaîtêtreetellen’estpas.Aussilelieusophistique est-il appelé d’un autre nom, tromperie, car ilest en lui-même une cause de tromperie, bien qu’on ne setrompeenfaitàcausedeluiqu’encasd’ignorance.

646. – En outre, de même que les lieux dialectiques sedistinguent en regard de différentes relations dont, surtout, lafermetéde l’argument tire sa cause et dont les arguments eux-mêmes sont tirés, de même aussi les lieux sophistiques outromperies se distinguent en regard de principes moteursdont paraît procéder la fermeté dans les argumentssophistiques.

Celapeutsefairededeuxmanières,cependant.–D’unepremière,àpartirdelaparole,quand,àcausede

l’unité de la parole, on croit qu’il y a unité de la chosesignifiéeparlaparole.Parexemple,cequel’onsignifieparlenomchienparaîtêtreunique,carlenomchienestunique.

–D’une autremanière,àpartir de la chose, du fait quecertaineschosesqui seressemblentd’unecertainemanièreparaissent être unes demanière absolue, comme on l’a ditplushautdusujetetdesonaccident.

Texten°121Les38stratagèmesdeSchopenhauer

SynthèseB.C.deL’artd’avoirtoujoursraison,ouladialectiqueéristiqueCircé,1990

Page 195: RAISONNER EN VÉRITÉ · 2015. 9. 15. · œuvres de Staline et de Lénine. Une armée de rédacteurs veille à polir chaque texte, à faire respecter chaque détail du rituel de

Il s’agit en fait de ce qu’Aristote appelle la chicane oul’éristiqueetaussidelastrictesophistique.ChezAristote,elleest un peu différente en ce sens qu’elle consiste à raisonnereffectivement pour avoir la victoire, le sophiste visant unesagesseapparente,doncpour«avoir toujours raison»,commediraitSchopenhauer,maispardesparalogismes.TandisquechezSchopenhauer, cette dialectiquevise aussi à avoir raisonmaisque le raisonnement soit juste ou non. L’angle d’attaque n’estpastoutàfaitlemême,enraisonsansdoutedupessimismedeSchopenhauer, présenté comme un réalisme sur la naturehumaine, comme le montrent les raisons invoquées par lui àl’existencedecetteméthode.

Illadéfiniteneffetcomme«uneescrimeintellectuelle…unartde la controverse,menéede tellemanièrequ’onaittoujours raison, doncper fas et nefas [qu’on ait raison outort]…Ilfautdoncmettreàjouretanalysercesstratagèmesde la déloyauté dans la controverse, afin qu’on puisse lesdémasquer tout de suite et les pulvériser dans les débatsréels ». Les causes invoquées à l’usage de cette méthodeviennent de la « nature humaine » telle que Schopenhauer laconstate : 1) perversité naturelle du genre humain ; 2) vanitéinnée;3)incontinencedelangageetmalhonnêteténative.Decefait nous sommes excusable de l’utiliser car il ne faut pasprésumer que les autres agiront dans la discussion avechonnêteté !Parfoisd’ailleurs«nousdécouvrons souventaprèscoup que nous avions néanmoins raison… Alors se forme ennous la maxime selon laquelle, même lorsque l’argument del’adversaire apparaît exact et concluant, nous n’en devons pasmoins l’attaquer », car il pourrait plus tard se révéler faux ! !Cette dialectique éristique (sorte de real-dialectique) est unetransposition dans le débat de la tactique de Machiavel pourconserverautyransonpouvoir(décriteparlesmodernessousle

Page 196: RAISONNER EN VÉRITÉ · 2015. 9. 15. · œuvres de Staline et de Lénine. Une armée de rédacteurs veille à polir chaque texte, à faire respecter chaque détail du rituel de

Ces pages ne sont pas disponibles à la pré-visualisation.

Page 197: RAISONNER EN VÉRITÉ · 2015. 9. 15. · œuvres de Staline et de Lénine. Une armée de rédacteurs veille à polir chaque texte, à faire respecter chaque détail du rituel de

national brut dans les pays en voie de développement étaientannulés systématiquement par, malheureusement, la féconditéhumainemal contrôlée.Donnons aux femmes d’abord le droitderépondre,nonpasnécessairementàquelqu’unquicommetoiacertainementbeaucoupdesincérité…

Pr Lejeune : Mais quelqu’un qui s’occupe aussi desfemmes.

PrBaulieu:…maisquifaitdelathéologiesansvouloirledire…

Pr Lejeune : Mais pardon, je suis président d’uneassociationquis’appelle«Secoursauxfuturesmères»,quiaideles femmes à mettre leurs enfants au monde, au lieu de fairepartied’uneassociationquilesaideàlestuer.

Pr Baulieu : Mais, on ne tue pas d’enfants…heureusement!

PrLejeune:Jetiensqu’ontuedesêtreshumains,quetuleveuillesounonc’estlavérité…

PrBaulieu:Non.Nousaimonstouslesenfants.Pr Lejeune : Si je disais le contraire mes étudiants me

siffleraientpendantlecoursdegénétique.PrBaulieu:Ehbien,sitesétudiantsétaient…ontPrLejeune:Cesontdesêtreshumains.PrBaulieu:…suiviunautrecours…Pr Lejeune : Ce sont des êtres humains, si c’étaient des

animaux,ilslesauraient,ilsnesontpassotsàcepoint.PrBaulieu: Ilsécouteront…s’ilyavaitunautrecours…

ilssauront…PrLejeune:Etmaintenantjevoudraisdireunechosetrès

importantepourlesfemmes…PrBaulieu :Ah bien ! Tu neme laisses pas parler, alors

évidemment…PrLejeune:Ahoui!Parcequej’aibesoindefinirça,et

Page 198: RAISONNER EN VÉRITÉ · 2015. 9. 15. · œuvres de Staline et de Lénine. Une armée de rédacteurs veille à polir chaque texte, à faire respecter chaque détail du rituel de

aprèsjetelaisseraiparler.C’estque,lorsquecettepilulevaêtrefabriquée industriellement, toutes les règles d’utilisation dontonparleaujourd’huipasserontcommetotalementinappliquées.Etcequivasepasser,etcequiestledangerredoutable,c’estque des femmes qui se portent bien, qui sont enceintes, aientdans leur table de nuit trois comprimés. Et le jour où ellesaurontunpeudedéprime,oùellesaurontvomiparcequec’estledébutdelagrossesse,oùellesserontangoisséesparcequ’ily a des difficultés, qui sera là ? Personne. Elles ouvriront letiroir, prendront les trois comprimés dans la table de nuit etl’enfantseraperdu.Jedisquedeproposerdemettre«l’aiguilleà tricoter chimique dans la table de nuit », de mettre«l’avorteurdisponibleàtoutmoment»estundangerredoutablepournoscivilisations.Etqu’onn’apas ledroitde le faire, cen’estpasdelamédecine.

PrBaulieu:Bien.Alorsmoijedistoutàfaitlecontraire.D’abordj’ailerespectdelavieparcequelavieestdonnéeparlesunsetlesautresquisommesnous-mêmedesêtresvivantsetvoulons voir cela continuer. Et la responsabilité, l’esprit desérieuxdes femmesdevant la grossessepossible est une chosedont il faut quand même tenir compte. C’est pour ça que jedisaisquejepréféreraisplutôtqueceverbalismefroid,glacéet–jenesaispaspourquoi–passionnésurcesquestions,peut-êtrequandmêmethéologiques…

PrLejeune:Parcequec’est lasurviedenotreespècequiestenjeu.

PrBaulieu:Maiscen’estpasvrai!Notreespèceabesoin,je le disais tout à l’heure, dans les pays en voie dedéveloppementcommecheznous,devieraisonnablementbonnepournosenfants.

PrLejeune:Tuveuxdiminuerlenombredegensdespaysensous-développement…

Page 199: RAISONNER EN VÉRITÉ · 2015. 9. 15. · œuvres de Staline et de Lénine. Une armée de rédacteurs veille à polir chaque texte, à faire respecter chaque détail du rituel de

Pr Baulieu : Je croyais que j’avais droit à la parole unmoment.

PrLejeune:D’accord!PrBaulieu:Bon,jevoudrais…PrLejeune:C’estpascorrectça…PrBaulieu:…Jevoudraisquenosenfantsaient ledroit

d’avoirunevieheureuse, sansguerre, sans famine.Et jepenseque, ici, la science permet aux femmes une certaine maîtrise,mais pas n’importe comment. C’est bien véritablement sousestimer, pour ne pas dire injurier les femmes que de dire : latabledenuit,lamoindrepetitehumeurethop!

PrLejeune:Cen’estpasuneinjure…PrBaulieu : Je ne considère pas nos compagnes de cette

façon.Jen’acceptepas,commemédecin,aprèsenavoir soignédans les douleurs, et je voudrais qu’elles parlent… Oh, à cepropos,danslesdouleursetaprèsl’aiguilleàtricotercommetudisais,–carj’aivudesperforationsutérinesàcausedel’aiguilleàtricoter–etleproblèmequiseposemaintenantc’estdesavoirquemalheureusementleproblèmedel’avortement,tunel’aspasinventé,moinonplus.Jenesuispaspourl’avortement,jesuispourletraitementlemieuxpossible…

Jean-ClaudeBourret:Lejeunevousrépondparcequ’onadépasséletemps.

PrBaulieu:…Jesuispoursoulagerlamisèrehumaine.PrLejeune:Alorsjevoudraisredire…surunpoint…Pr Baulieu : D’ailleurs mêmeMgr Villot disait qu’après

tout,surunplanmédical,c’étaittrèsbien.PrLejeune:…Surunpoint, jesuisd’accordavectoi, je

voudraisquenosenfantsneconnaissentpas laguerre.Mais jene voudrais pas qu’ils connaissent la guerre chimique. Jeprétends,carc’estlavéritéabsolue,qu’ils’agitpourlapremièrefois d’un pesticide contre les petits êtres humains. C’est la

Page 200: RAISONNER EN VÉRITÉ · 2015. 9. 15. · œuvres de Staline et de Lénine. Une armée de rédacteurs veille à polir chaque texte, à faire respecter chaque détail du rituel de

Ces pages ne sont pas disponibles à la pré-visualisation.

Page 201: RAISONNER EN VÉRITÉ · 2015. 9. 15. · œuvres de Staline et de Lénine. Une armée de rédacteurs veille à polir chaque texte, à faire respecter chaque détail du rituel de

(opposé à prédication modale*) ; une énonciation* estcatégorique* quand elle signifie une inhérence simple duprédicatdans le sujet* (etnonmodale) ;un syllogisme*estcatégorique quand ses prémisses* sont catégoriques et nonmodales.

Cause:Cedontunechosedépenddanssonêtreetsondevenir:finale, ce envuedequoi la chose existe ; formelle*, cequidonne la raison* de l’être de la chose et par quoi nous laconnaissons ; matérielle, ce en quoi ou à partir de quoi lachose est faite ; efficiente*, ce àpartir dequoi la chose estréaliséeoumue.

Certitude : Adhésion ferme de l’intelligence* à uneproposition* en vertu d’une évidence* immédiate ou d’unedémonstration*,etquiimpliquelerejetdesacontradictoire.

Chose(res):L’undestranscendantaux,cetermeexprimel’étant(ens) en tant qu’il a une quiddité* ou une essence* et ditproprementqu’unêtreesttoujoursquelquechose.

Cogitative : Faculté humaine de juger du bien* et du malsensible* en rapprochant et comparant les sensationsparticulières selon qu’elles se conviennent ; appelée aussiraison* particulière, elle préside à la formation del’expérience*.Voirestimative*,chezl’animal.

Complexe : Son de voix* significatif de plusieurs concepts*composés (ou divisés) effectivement ou virtuellement(l’homme est blanc, ou homme blanc). Opposé àincomplexe*.

Compositionetdivision:Lorsqu’ellecomparedeuxconcepts*et appréhende une identité ou une conjonction des chosesdontcesconceptssontlesreprésentations,l’intelligence*lescompose;sinonellelesdivise(cf.division*).

Concept : Représentation abstraite et universelle*, dansl’intelligence*,del’essence*d’unechose.

Page 202: RAISONNER EN VÉRITÉ · 2015. 9. 15. · œuvres de Staline et de Lénine. Une armée de rédacteurs veille à polir chaque texte, à faire respecter chaque détail du rituel de

Conceptualisme:Doctrine*de ceuxpourqui riende réel necorrespondà l’essence*pensée, l’universalitén’existantquedans les représentations intellectuelles. Rouage essentiel del’idéalisme.

Concupiscible : Appétit qui nous fait tendre au bien*délectable.

Confus(e) (connaissance*) : Opposé à distinct. Un concept*est confus quand il est en puissance* à des distinctionsultérieures. C’est la prédication*, la division* et ladéfinition* qui font sortir de la confusion. «Connaître unechoseenlaquelleplusieurssontcontenuessansavoirlasaisiedistincte d’une de ces choses qui y sont contenues, c’est laconnaîtresousunecertaineconfusion»(Thomasd’Aquin,Ia,q.85,a.3,c.).

Connaissance:Acte*immanentparlequelunepuissance*(deconnaître) se rend intentionnellement* présente la forme*intelligible*ousensible*d’unechose.

Conseil:Acte*parlequell’intelligence*pratique*inventelesmoyens* d’agir, en les recueillant de la mémoire* et del’expérience*, la sienne ou les autres, et en délibère avantd’enjuger.

Consignifier (ou co-signifier) : Signifier avec, ajouter à sapropre* signification ; le verbe* consignifie (ou co-signifie)letemps*.

Contingent:Cequipeutnepasseproduire;endépendancedelamatière*deschosessensibles*(contingenceintrinsèque*)ouendépendancedulibrearbitrehumainquipeutchoisirdefaire ou non une chose, d’une manière ou d’une autre(contingenceextrinsèque*).

Contradiction:Opposition*absolue,celledel’affirmation*etdelanégation*;sansintermédiaires.

Contrariété : Opposition* entre les extrêmes d’un même

Page 203: RAISONNER EN VÉRITÉ · 2015. 9. 15. · œuvres de Staline et de Lénine. Une armée de rédacteurs veille à polir chaque texte, à faire respecter chaque détail du rituel de

genre* ; elle possède des intermédiaires si le genre* enpossède.

Conversion : Inversion du sujet* et du prédicat* dans uneprémisse*danslerespectdesrèglesd’universalité*.

Convertibilité : Propriété de certaines prédications* : lepropre* et la différence* spécifique se convertissent avecl’espèce*.–Ladéfinition*parfaitedoitêtreconvertibleavecledéfini.

Criticisme:Courantphilosophiquequifaitduproblème*delaconnaissance*lepremieràrésoudreenphilosophie,«préfaceobligéedelaméta-physique»chezKant.LerisqueestgranddepuisDescartesdechercherdans l’esprit seul l’explicationdelaconnaissance*,cequiestprésupposerl’idéalisme.

Critique : Partie de la philosophie qui discerne la valeur desdiversesformes*delaconnaissance*humaine.

D

Déduction : Désigne* une argumentation* (syllogisme*,enthymème*) qui passe de l’universel* au moins universel,paropposition*àunmodeinductifquiremontedusingulier*à l’universel (induction*)oupassed’unsingulieràunautresingulier(exemple*).

Définition : Discours* par lequel la raison* exprimedistinctementl’essence*d’unechose:ladéfinitionestréelle(notion signifiant la quiddité* elle-même). Lorsque lediscours*nevisequ’àexposercedontonparleils’agitd’unedéfinition nominale (notion exposant la signification dunom*,ounotionaccidentelle*delachosenommée).

Démonstration : Argumentation* de type syllogistique maisprocédantdeprémisses*vraies,par soietnécessaires*.Elleprocure la certitude* de science*. La démonstration la plus

Page 204: RAISONNER EN VÉRITÉ · 2015. 9. 15. · œuvres de Staline et de Lénine. Une armée de rédacteurs veille à polir chaque texte, à faire respecter chaque détail du rituel de

Ces pages ne sont pas disponibles à la pré-visualisation.

Page 205: RAISONNER EN VÉRITÉ · 2015. 9. 15. · œuvres de Staline et de Lénine. Une armée de rédacteurs veille à polir chaque texte, à faire respecter chaque détail du rituel de

mêmeledicideomni,principedusyllogisme.Matière : En logique* on désigne par matière le rapport duprédicat* au sujet* dans une proposition* : rapportnécessaire*ounon,parsoiouparaccident*,etc.Cerapportconditionne le type d’argumentation* utilisée ainsi que ledegré de certitude* qu’elle peut atteindre : la science parexemple nécessite une matière nécessaire. Ce n’est que demanièresecondairequ’onentendparlàlesujet*d’étudedansunescience*.

Mémoire:Facultédelasensibilité internequiconnaîtcommepassées les sensations conservées et reproduites parl’imagination.

Métaphore : Emploi d’unmot* en dehors de sa significationpropre, en vertu d’un aspect auquel est sensible*l’imagination, et qui peut s’appeler sens figuré.Nedoit pasêtreconfondueavecl’analogie*.

Méthode : Étymologiquement, le « chemin à suivre » ; enphilosophie, on parle de mode de procéder : la logique*donnelemodecommunàtoutedémarcherationnelle;chaquediscipline* particulière possède ensuite son mode propre,relatif à son objet. Le mode est soit spéculatif* (enphilosophiede lanature*etmétaphysiqueparexemple)soitpratique*(enmorale,politiqueetéconomiqueparexemple).

Le mineur – la mineure : Celui des trois termes* dusyllogisme*quiestlemoinsuniversel*estappelélemineur;laprémisse*quilecontientestlamineure.

Modalité–modale:Lamodalitéd’uneprédication*estcequis’ajoute à sa catégorie : il y en a cinq, les cinq post-prédicaments*. La modalité d’une énonciation* estl’expression du rapport du prédicat* au sujet*, il y en aquatre : le nécessaire*, l’impossible*, le contingent* et lepossible*.Lamodalité d’un syllogisme* provient de ce que

Page 206: RAISONNER EN VÉRITÉ · 2015. 9. 15. · œuvres de Staline et de Lénine. Une armée de rédacteurs veille à polir chaque texte, à faire respecter chaque détail du rituel de

ses prémisses* énoncent l’une des modalités susdites,nécessaire* ou possible* ; la modalité de la conclusionrépond alors à des règles précises. La modalité d’unsyllogismeprovientdecequesesprémissesénoncentl’unedemodalitéssusdites,nécessaireoupossible;lamodalitédelaconclusionrépondalorsàdesrèglesprécises.

Mot:«Chacundessonsougroupedesonscorrespondantàunsens, entre lesquels se distribue le langage » (Robert). Voirvox:sondevoix.

Mouvement : L’un des cinq post-prédicaments*. Étudié enphilosophiedelanature*,ilyestdéfiniparAristotecomme«l’acte*decequiestenpuissance*entantmêmequ’ilestenpuissance*».Parmileschangements, ilfautdistinguerceluiquiestaccidentel*,mouvementd’unsujet*selonlaquantité*(croissance), la qualité* (altération) ou le lieu*(déplacement) ; de celui qui est substantiel : apparition àl’existence* d’un nouveau sujet* (génération) ou sadisparition(corruption).

Moyen terme : Celui des trois termes du syllogisme* qui estintermédiairedans l’ordre*d’universalité, sujet*dumajeur*et prédicat* du mineur*. Cette définition n’est stricte quedanslapremièrefigure*dusyllogisme*;dansladeuxièmelegrand terme jouera le rôle de moyen terme lors de laréduction*;danslatroisièmefigure,cerôleseratenuparlepetit.

Multiple:Seditd’uneénonciation*quin’estpasune,c’est-à-dire qui ne possède pas une unicité de sens* : par exempleuneamphibologie*.

N

Nature:Principe*demouvement*etdereposintrinsèque*àla

Page 207: RAISONNER EN VÉRITÉ · 2015. 9. 15. · œuvres de Staline et de Lénine. Une armée de rédacteurs veille à polir chaque texte, à faire respecter chaque détail du rituel de

chosedanslaquelleilest,premièrementetparsoietnonparaccident*.Lanatureseditdelamatière*,delaforme*,delafin, et fondamentalement de l’essence* comme cause* desopérations*etdespropriétés*d’unechose.

Nécessaire : Ce qui ne peut pas ne pas être. Caractère desprémisses* d’une argumentation scientifique et, d’une autremanière, des prédications* essentielles. La conséquencesyllogistiqueest,elleaussi,nécessaire.

Négation–négative:Énonciationuneparlaquelleonsignifiequ’unechoseestséparéed’uneautreetnesauraitexisterenelle.Contradictoiredel’affirmation*.

Nom (ονομα) : En grammaire, l’une des neuf parties dudiscours* (nom, pronom, article, adjectif, verbe, adverbe,conjonction,préposition,interjection).Enlogique*,l’unedesdeux parties de l’énonciation* : son de voix* significatifselon la convention, ne consignifiant pas le temps*, dontaucune partie n’est significative séparément ; corrélatif duverbe*. Sa fonction propre est la supposition*, il tient laplacedusujet*réeldontonaffirmeouniequelquechose.

Nominalisme:Théoriedeceuxquinientquelessonsdevoix*signifientdes concepts*universels*de l’essence*des êtres,concepts que l’intelligence* forme par abstraction* ; ils neseraient que des termes ou des noms, dont tout le sens*reviendrait à désigner des individus* donnés dansl’expérience*.

Noumène : Terme kantien désignant « l’en soi » des choses,inconnaissable,àladifférence*duphénomène*.

Numérique : Différence* entre les individus* d’une espèce ;cettedifférencepermetseulementdelesdénombrer.

O

Page 208: RAISONNER EN VÉRITÉ · 2015. 9. 15. · œuvres de Staline et de Lénine. Une armée de rédacteurs veille à polir chaque texte, à faire respecter chaque détail du rituel de

Ces pages ne sont pas disponibles à la pré-visualisation.

Page 209: RAISONNER EN VÉRITÉ · 2015. 9. 15. · œuvres de Staline et de Lénine. Une armée de rédacteurs veille à polir chaque texte, à faire respecter chaque détail du rituel de

Syllogisme : Discours* dans lequel certaines choses étantposées (les termes* dans les prémisses*), autre chose (laconclusion)endécoulenécessairementduseulfaitdecequiaétéposé.

Symbole : À l’origine, deux éléments sans valeur isolée(morceauxd’unepoteriecassée,parex.),maisdontlaréunionou l’ajustement réciproque permet à deux alliés de se fairereconnaîtrecommetels.Réalitéparlaquelleseconstitueuneconvention:langage,credoreligieux,pacte*social,alliance,loi* de fidélité, convention ; preuve* de reconnaissancemutuelle,lesymbolerequiertl’adhésionlibreàunerègle(làoù le signal commande un automatisme d’exécution). Lesmots* sont des symboles dans leur aptitude à réaliser unecommunication,opérateursd’unrapportentreunsignifiantetd’autressignifiants;maisilssontsurtoutdessignes*carilsréalisentl’uniond’unsignifiantetd’unsignifié.

Synonyme : En grammaire, mot* dont l’idée* exprimée estvoisined’unautre.Enlogique*,mot*univoque*.

Synthèse:Recompositiondutout*àpartirdesparties*,quandl’analysecorrespondàleurséparation.

Système:Tout*organiséenunréseaud’interdépendanceetderelations fonctionnelles. Pour la pensée, il y a un risque debâtirunsystème : la logique*nedoitpasprécéder lavienil’ôter.

T

Tautologie:Proposition*danslaquelleleprédicat*,mêmesousunautrenomestcensédirelamêmechosequelesujet*.

Taxis(disposition):Voirdisposition*.Téléologique:Processusfinalisé(detelos:fin,engrec).Chezcertains penseurs modernes (sociologues, biologistes) la

Page 210: RAISONNER EN VÉRITÉ · 2015. 9. 15. · œuvres de Staline et de Lénine. Une armée de rédacteurs veille à polir chaque texte, à faire respecter chaque détail du rituel de

téléologieréintroduitunecertaineforme*definalité*quelemécanicismeetlerationalismeavaientexcluedelanature*;maiscettetéléonomie,outéléologie,étantdégagéeseulementa posteriori, elle ne recouvre pas pleinement le sens de lacause* finale, première dans l’intention* et dernière dansl’exécution.

Temps : Comme le dit Aristote, « le nombre dumouvement*selon l’avant et l’après » ; c’est donc une mesure dumouvementdanssaquantité*.

Terme : C’est un mot* analogue où l’on retrouve l’idée delimite:

1)ceenquoiserésoutuneprémisse*,savoir leprédicat*et lesujet*etqui«limite»unsyllogisme*:petitterme*,moyenterme*etgrandterme*(voircesmots);2)vocable«limité»par aumoins une définition* (terminologie) ; 3) « limite »d’unprocessusoud’unmouvement* : sonorigine (pointdedépart)etsonaboutissementousafin.

Tout:Cequiestcomposédeparties:toutintégraloumatériel;tout universel* ; tout d’ordre* ; tout potestatif ou potentiel(voirpuissance*).

Transcendantal(-aux):1)(-aux)L’être(ouétant,ens)etceavecquoiilestconvertible,la chose (res), l’autre (aliquid), l’un, le vrai et le bien* ;comme prédicats* ils sont au-delà (transcendent) les dixgenres*premiers.Certains ajoutent lebeau (la splendeurdela forme, dont la connaissance s’accompagne de plaisir). 2)Sens*moderne(équivoque*dupremier)depuisKant:cequiest indépendant de l’expérience* et condition a priori del’expérience*.

Tropes:Procédéparlequelunmot*estprisdanslesens*d’unautre,danssonusagerhétorique*etpoétique*(voirfigure*):par ex. lamétaphore*, lamétonymie (on désigne une chose

Page 211: RAISONNER EN VÉRITÉ · 2015. 9. 15. · œuvres de Staline et de Lénine. Une armée de rédacteurs veille à polir chaque texte, à faire respecter chaque détail du rituel de

par le nom d’une autre qui lui est habituellement liée), lasynecdoque(ondésigneunechoseparlenomd’uneautrequiluiestlogiquementrelative),etc.

U

Ubi : 5e catégorie : tout ce qui dit « où » est le sujet*, endépendancedesonlieu*.

Un – Unité : L’un des transcendantaux, donc un terme trèsanalogue dont le sens* commun est l’indivisibilité de toutétant.

Universaux:Lescinqprédicables*dePorphyre.Leréalisme*modéré, le réalisme absolu, le nominalisme* et leconceptualisme* (voir ces mots) s’affrontent sur le fait del’existence*,réelleounon,desuniversaux.Celaafavorisédetouttempslesoppositionsdesphilosophes(Porphyre,auIIIesiècle après J.-C., en parle déjà dans son Isagoge),spécialement au Moyen Age dans ce qu’on a appelé la«querelledesuniversaux».

Universel(le) :Pourunconcept*, c’est sapuissance*nativeàexprimer un point de vue commun à plusieurs êtressingulièrement existant, état qui résulte de son caractèreabstrait,etdoncd’êtreapteàêtreprédiquédeplusieurs.Uneénonciation*(commeuneprémisse*)estuniversellequandleprédicat* est affirmé ou nié universellement d’un sujet*universel(tousles,tout,aucun,pasun…).

Univocité–Univoque:Mot*dontlasignificationestuneetlamême et ne comporte qu’une définition* pour tous lesinférieursqu’ildésigne.

NB:unmotestrarementunivoque:larelation*d’univocitéseprenddoncentreunmot*etlesinférieursqu’ildésigne*dansdescirconstancesprécises.

Page 212: RAISONNER EN VÉRITÉ · 2015. 9. 15. · œuvres de Staline et de Lénine. Une armée de rédacteurs veille à polir chaque texte, à faire respecter chaque détail du rituel de

Ces pages ne sont pas disponibles à la pré-visualisation.

Page 213: RAISONNER EN VÉRITÉ · 2015. 9. 15. · œuvres de Staline et de Lénine. Une armée de rédacteurs veille à polir chaque texte, à faire respecter chaque détail du rituel de

Texten°60Unexempled’interprétationThomasd’Aquin,CommentairedeICor,III,5.

Texten°61Le verbe intérieur, cause finale et efficiente du mot,verbeextérieur.

Thomasd’aquin,QuestionsDisputéesdelaVérité,Q.4,a.1,Duverbe.

Texten°62La fonction de suppositio du nom et les différentessuppositio.

Texten°63L’énonciation,seuldiscoursapteàdirelevraietlefaux.Thomasd’Aquin,CommentaireduPerihermeneias,l.7,n°87.

Texten°64Pourquoifaut-ilposerdesproblèmes?Thomasd’Aquin,CommentairedelaMétaphysique,L.3,l.1,n°338-342.

Texten°65L’oppositiondesénonciations.

Texten°66RôleessentieldelaproblématiqueRVerneaux,La notion de problème, Revue philosophiquedeLouvain,février1951.

Texten°67Quelques illustrations de la logique de l’énonciation(Verlaine,B.Russel,

M.Heidegger,M.deRobespierre,J.Fabre,J.Derrida).

CHAPITRE12

Page 214: RAISONNER EN VÉRITÉ · 2015. 9. 15. · œuvres de Staline et de Lénine. Une armée de rédacteurs veille à polir chaque texte, à faire respecter chaque détail du rituel de

Texten°68Prémissesfausseconclusionvraie…?RogerVerneaux,Introductiongénéraleetlogique,p.91.

Texten°69Le principe du syllogisme 1) – Aristote, PremiersAnalytiques, I, 1, 24 b 28. 2) – Albert le Grand, L. IPriorumAnalyticorum,tract.I,caput7.

Texten°70Compréhension ou extension ? a) – Roger Verneaux,Introductiongénéraleetlogique,pp.67-68.b)–JacquesMaritain,PetiteLogique,pp.209-215.

Texten°71LeprincipedusyllogismeselonE.KantEmmanuelKant,Logique,§63,Vrin,1966,p.134.

Texten°72Les«images»dusyllogisme…

Texten°73Mémoriserlessyllogismes

Texten°74Règlesclassiquesdusyllogisme

Texten°75VerseetcontroversesurlesyllogismeLeibniz,Descartes,Kant,V.Cousin,Omnes,J.StuartMill.

Texten°76Quelquesexemples«techniques»

Texten°77Examensyllogistiquedequelquestextes

Texte n° 1 : Henri Bergson, La Pensée et le mouvant, PUF,Paris,1934.Texten°2:SaintThomasd’Aquin,SummaContraGentes,III,2.trad.Bernieret

Correz,Lethielleux.

Page 215: RAISONNER EN VÉRITÉ · 2015. 9. 15. · œuvres de Staline et de Lénine. Une armée de rédacteurs veille à polir chaque texte, à faire respecter chaque détail du rituel de

Texten°3:MarcelClément,GeorgesMontaron,Lesocialisme,Beauchesne.Texte n° 4 : MaxWeber, Le métier et la vocation d’hommepolitique(Politikals

Beruf),Paris,Plon,coll.«10/18»,1959.Texte n° 5 : E. Dahler, Des bords du Gange aux bords duJourdain,Saint-Paul,1983.Texten°78

Comment corriger – logiquement – FrançoisMitterrand?

JacquesFaizant,LeFigaro,25/4/1985.Texten°79

Les14modesdesyllogismescatégoriques

CHAPITRE13

Texten°80InductionetsyllogismeThomasd’Aquin,Commentairedel’Éthique,VI,3,1148.

Texten°81L’inductioncheztroisempiristesF.Bacon,JohnStuartMilletB.Russel(Citationsetcommentaires)

1) Francis Bacon (1561-1626),NovumOrganum (trad. A.Lasalle Éd. Frantin, Dijon). 2) John StuartMill (1806-1873),Systèmedelogiqueinductiveetdéductive(1843),(trad. Louis Peisse, Paris, Librairie philosophique deLadrange,1866– rééd.PierreMardaga, éditeur,1988)3) Bertrand Russel (1872-1970) Problèmes dephilosophie(1912).

Texten°82L’expériencedécriteparunempiristeJohnStuartMill,Systèmedelogiqueinductiveetdéductive,

Page 216: RAISONNER EN VÉRITÉ · 2015. 9. 15. · œuvres de Staline et de Lénine. Une armée de rédacteurs veille à polir chaque texte, à faire respecter chaque détail du rituel de

Ces pages ne sont pas disponibles à la pré-visualisation.

Page 217: RAISONNER EN VÉRITÉ · 2015. 9. 15. · œuvres de Staline et de Lénine. Une armée de rédacteurs veille à polir chaque texte, à faire respecter chaque détail du rituel de

Heidegger,Martin:167,170/236.Hélène:432.HenriIV:45/401,428,444.Héraclite:330,343.Hergé(GeorgeRemy):216.Hésiode:381,Hippocrate:207/482.Hiro-Hito:206.Hitler,Adolf:483.Hobbes,Thomas:166/462.Homère:49/379,381.Horace:203.Hortensius:428.Hubert,Élisabeth:459.Hughes,R.:536.Hugo,Victor:23,41,46/83/217,444/472.HuguesdeSaintVictor:325.Husserl,Edmund:330.Huxley,Aldous:449.Huyghes,François-Bernard:449.Hypéride:381,443.

IIgnacedeLoyola(saint):452.IséedeChalcis:381,428,443.Isaac,J.(O.P.):536.Isocrate:380,381,400,428,428,432,443.

JJacob:142.

Page 218: RAISONNER EN VÉRITÉ · 2015. 9. 15. · œuvres de Staline et de Lénine. Une armée de rédacteurs veille à polir chaque texte, à faire respecter chaque détail du rituel de

Jacob,Pierre:9,537.Jason:434.Jaures,Jean:413,422,428,444.Jawien,Andrzej(K.Wojtyla):441.JeandeSaint-Thomas(Poinsot):230/248.JeandeSalisbury:340.Jeanl’Évangéliste(saint):144/442.JeanXXIII(Pape):166.Jean-PaulII(cf.K.Wojtyla):10/144/423,441,442,444/459.Jésus-Christ:142/212,216/277,415,436.Jolivet,Régis:472.Joubert,Joseph:404.Juvénal,436.

K

Kant, Emmanuel :121/168 /250, 258, 266, 269, 271 / 325,331.

Keaton,Buster:37.Kierkegaard,Sören:62/472.Kipling,Rudyard:198.Kotlarczyk:441.Krutous,V.P.:29.

LLaBruyère,Jeande:22,24,38,47/435.Lachaud,CharlesAlexandre:428,

Page 219: RAISONNER EN VÉRITÉ · 2015. 9. 15. · œuvres de Staline et de Lénine. Une armée de rédacteurs veille à polir chaque texte, à faire respecter chaque détail du rituel de

444.Lachelier,Jules:535.Lacordaire,Henri(o.p.):413,421,429,444.Ladrière,Jean:157.Lamartine,Alphonsede:166/444.Lanjuinais,JeanDenis:428,444.Largeault,Jean:8.LaRochefoucauld,Françoisde:416,435/471.Larroumet:428,444.Laurent,Alain:459.Lavoisier,AntoineLaurentde:109.LeBlond,J-M:533.Leibniz,WilhelmGottfried:7/268,269,330,331.Legris,Michel:457.Lejeune,Jérôme:150à153/337/449,465,480à485.Lénine,W.I.Oulianov,dit:28/326.LéonardDeVinci:472.Léonidas:423.Lesourne,Jacques:157.Leucotée:434.L’Hopital,Michelde:428,444.Libera,Alainde:535.Linné,Carlvon:109.Livry,Hypolitede:436.Lizotte,Aline:533.Lombroso,Cesare:472.Lortat-Jacob,(Pr.):337.

Page 220: RAISONNER EN VÉRITÉ · 2015. 9. 15. · œuvres de Staline et de Lénine. Une armée de rédacteurs veille à polir chaque texte, à faire respecter chaque détail du rituel de

Ces pages ne sont pas disponibles à la pré-visualisation.

Page 221: RAISONNER EN VÉRITÉ · 2015. 9. 15. · œuvres de Staline et de Lénine. Une armée de rédacteurs veille à polir chaque texte, à faire respecter chaque détail du rituel de

PointEssais,Éd.duSeuil,1996.–Compendiumdethéologie–Brefrésumédelafoichrétienne,traductiondu

R.P.J.Kreit,CollectionDocteurAngélique,NEL,Paris,1985– Commentaire de 1a Seconde Épître aux Corinthiens,introduction, traduction et notes par A. Charlier, collectionDocteurCommun,NEL,Paris,1979.

–Du Royaume (De Regno), traduction par D. Sureau, Téqui,1997.

–ExpositionsurleDeTrinitatedeBoèce, trad.P.Dominique-MariedeSaint

Laumer,FacultélibredePhilosophieComparée,1999.–Commentaire de l’Éthique à Nicomaque, trad. Y. Pelletier,«http:

//www.fp.ulaval » ; sinon In Ethicorum ad NicomacumExpositio,Marietti,1964.

2.Ouvragessur,ouautour,delalogiquearistotélicienne.Nousnoussommespermisicidesappréciationsindicatives.J. B.Bossuet,Logique duDauphin, Éd.Universitaires, 1990.(Unpeusommaireetéclectique,maisdespointsdevue trèsoriginaux;certainsfondementssontaugustiniens).

E. Boutroux, Leçons sur Aristote, Éd. Universitaires, Paris,1990. (Par un auteur spiritualiste en réaction contre lescientismedesonépoque)

Cajetan(ThomasdeVio),Commentaria inPorphyrii IsagogenadPraedicamentaAristotelis,Rome,1934.

Mgr M. Dionne, Initiation à la logique – Les Réfutationssophistiques – Les principes de vérité de la logique – Lanécessité de la logique en regard de chacune des vertusintellectuelles–Logiqueetmot–Leproblèmedel’analogie– Le sujet de la logique – Cours dactylographiés par ses

Page 222: RAISONNER EN VÉRITÉ · 2015. 9. 15. · œuvres de Staline et de Lénine. Une armée de rédacteurs veille à polir chaque texte, à faire respecter chaque détail du rituel de

élèves,publiéspar InstitutApostoliqueRenaissance,Sainte-Foy, Québec, ou la Société d’études aristotéliciennes,Québec.

J.R.Gallup(sous ladir.de),Principesdelogique,FacultédePhilosophiedel’UniversitéLaval,Quebec,1990.

G.-G. Granger, La Théorie Aristotélicienne de la science,Aubier Montaigne, Paris, 1976.(Notes de lectures trèsfouillées sur les Seconds Analytiques et la science chezAristote,parunépistémologueetphilosophedessciences.)

J.-M.LeBlond,LogiqueetméthodechezAristote,Vrin,Paris,1939.(Surdesquestionsparticulières.)

A. Lizotte, Traité de l’argumentation, cours de la Faculté dePhilosophieComparée,Paris,1989-1991.

J. Lukasiewicz, La Syllogistique d’Aristote, Armand Colin,Paris, 1972. (Interprétée dans la conception de la logiquesymboliqueetmathématique)

J. Maritain, Éléments de philosophie, II, La petite logique,l’ordre des concepts, Téqui, 1963. (La première partie dumanuel de logique « thomiste » de toute une génération, aucœurduXXesiècle;seulleplandela«grandelogique»aétépublié).

Y. Pelletier, La dialectique aristotélicienne, Bellarmin,Montréal, 1991. (Excellent, exigeant, sûr, le meilleuractuellement)

O.Reboul–IntroductionàlaRhétorique,PUF,Paris,1984.(Plusqu’uneintroduction,c’estuneprésentationcomplètedelarhétoriquedans une perspective philosophique et non seulementlittéraire ou stylistique comme trop souvent et par unphilosophe de l’éducation, ce qui n’aurait pas déplu àAristote.)

Page 223: RAISONNER EN VÉRITÉ · 2015. 9. 15. · œuvres de Staline et de Lénine. Une armée de rédacteurs veille à polir chaque texte, à faire respecter chaque détail du rituel de

– La Rhétorique, PUF, 1986. (Par le même auteur maiscomplémentaireduprécédent.)

JeandeSaintThomas,CursusPhilosophicusThomisticus,tomeI,arslogica,Marietti,Turin1930.(Unmanuelquiajouéungrandrôleensontemps,maisauxdivisions«scolastiques»tropabondantes ; c’est à luique l’ondoitunedivision tropexclusiveentrelogiqueformelleetlogiquematérielle).

V.E.Smith,Élémentsdelogique,Centredepsychologieetdepédagogie de Montréal, Ottawa, 1966. (Un manuel trèsaccessibleproposantdesexercicesnoncorrigés.)

V. Thibaudeau,Principes de logique. Définition, énonciation,raisonnement, Presses Universitaires de Laval, collectionZêtêsis,Québec,2006.

R. Verneaux. (Auteur de référence et qui ne vieillit pas,synthétique,clair,connaissantparfaitementlapenséedesaintThomas qu’il cite abondamment, et qu’il a assumée pourapporterlalumièreréalistedanscemouvementpendulairedescourants de la philosophie moderne qui oscillent entrescepticisme,idéalisme,empirismeetrationalisme).

–Introductiongénéraleetlogique,Beauschesne,Paris,1964.–Philosophiedel’homme,Beauschesne,Paris,1956.– Épistémologie générale ou critique de la connaissance,Beauschesne,Paris,1959.

Parmisesnombreuxarticles:– La notion de problème, Revue philosophique de Louvain,février1951

–Note sur le principe de raison suffisante, inLa crise de laraison dans la pensée contemporaine, ouvrage collectif,DescléedeBrouwer.

– Réflexions sur le principe de causalité, in SciencesEcclésiastiques,Revue

Philosophiqueetthéologique,vol.XIII,déc.1961.

Page 224: RAISONNER EN VÉRITÉ · 2015. 9. 15. · œuvres de Staline et de Lénine. Une armée de rédacteurs veille à polir chaque texte, à faire respecter chaque détail du rituel de

Ces pages ne sont pas disponibles à la pré-visualisation.

Page 225: RAISONNER EN VÉRITÉ · 2015. 9. 15. · œuvres de Staline et de Lénine. Une armée de rédacteurs veille à polir chaque texte, à faire respecter chaque détail du rituel de

–Larhétorique:δυναμισpuissanceoufaculté,τεχνηart?•Cettedéfinition:untournantparrapportauxconceptionsrhétoriquesanciennes

•«Danschaquecas»:larhétoriques’appliqueraàtoutsujetàconditionquecelui-cisoitcontingent

•«Propreàlapersuasion»–Plandelarhétorique

4.Lestroisgenres–Legenredélibératif–L’épidictique–Lejudiciaire–Ungenreparticulier,celuidesdiscoursreligieux

5)L’invention(heuresis)–Lapersuasion:cequ’elleest–Lapersuasion:commentelleopère–Larecherchedesarguments:leslieuxpropresetleslieuxcommuns•Danslegenredélibératif•Danslegenreépidictique•Danslegenrejudiciaire•Leslieuxcommuns

–Lesinstrumentsdulogos:prouver•L’enthymèmeDéfinitionLesfiguresEntroisièmefigureL’enthymème,unsyllogisme?L’enthymèmes’appuiesurl’expérience

•L’exemple–L’ethos,oulespreuvestiréesdel’orateur:plaire•«L’ethos»qu’est-ce?

Page 226: RAISONNER EN VÉRITÉ · 2015. 9. 15. · œuvres de Staline et de Lénine. Une armée de rédacteurs veille à polir chaque texte, à faire respecter chaque détail du rituel de

•Lesmoyensd’inspirerlaconfiancesonttriples:qualitésintellectuelles,moralesetdecœur

•Lesoutilsdel’ethosLasagessepratiqueLesqualitésmoralesLabienveillanceetl’amitié–Lepathos:mouvoir

•Maisqu’est-cequ’unpassion?•La«logique»despassions•Lepathosest-ilmanipulatoire?

6.Ladisposition(taxis)despartiesdudiscours–L’exorde–Lanarration–laproposition–L’argumentationestuneconfirmationouuneréfutation–LaPéroraison

7.L’élocution(lexis)8.L’action(hypocrisis)etlamémoire9.Conclusion:rhétoriqueetvéritéLejugementrhétoriqueLeJugementprudentiel

Texten°96:LeparadoxedeCoraxTexten°97:LesgenresoratoiresJeanSuberville

Texten°98:RhétoriqueetcitéJeanPierreVernant

Texten°99:Leslieuxcommuns«dialectiques»enrhétoriqueAristote

Texten°100:LasagessepopulaireetlarhétoriqueM.Maloux

Texten°101:Lesinstruments(lieux)poursusciterl’amitiéAristoteetDaleCarnegie.

Page 227: RAISONNER EN VÉRITÉ · 2015. 9. 15. · œuvres de Staline et de Lénine. Une armée de rédacteurs veille à polir chaque texte, à faire respecter chaque détail du rituel de

Texten°102:Lesinstruments(lieux)poursusciterlespassions,exemplesdelacrainteetdelaconfianceAristote

Texten°103:Lemystèredelaparole1)DialoguedeMalinskietK.Wojtyla2)Ledramedelaparoleetdugeste,AndrzejJawien(K.Wojtyla)

3)Jean-PaulIITexte104:Repèreshistoriquessurlarhétoriqueetl’éloquence

XVI.Lasophistique

1.Paralogismesetsophismes–Lessophistes,çaexiste!–Les«raisons»d’unsophiste–Lessophismescommentçamarche?–Divisiondessophismes

2.Sophismesverbauxouindictionea.L’équivocité(homonymie)–Exemple1(texte105):RéponsedeM.E.,maired’unegrandeville,auGénéralC.

b.L’amphibologie(ouamphibolie)–Exemple2:(Texte106)–Exemple3:(texte107)St.Thomas

c&d)–Lacompositionouladivision–Exemple4:(texte108)FigaroMagazine

e.L’accentuation–Exemple5:(Texte109)MichelLegrisf.Lafiguredumot–Exemple6(Texte110)A.Laurent–Exemple7(Texte111)ElizabethHubert

3.Sophismesextradictionem,oudepenséea.L’accident–Exemple8:(Texte112)T.Hobbesb.L’absoluetlerelatif–Exemple9:(Texte113)Épicure

Page 228: RAISONNER EN VÉRITÉ · 2015. 9. 15. · œuvres de Staline et de Lénine. Une armée de rédacteurs veille à polir chaque texte, à faire respecter chaque détail du rituel de

c.L’ignorancedelaréfutation–Exemple10:(Texte114)J.LejeuneetÉ.Baulieu–Exemple10:(Texte115)BertrandRussel

d.Lapétitiondeprincipes–Exemple11:(Texte116)LéonSchwartzenberg

e.Leconséquent–Exemple12:(Texte117)F.Nietszchef.Lafaussecause–Exemple13:(Texte118)ChristinePasquet

g.Deuxquestionsenuneseule–Exemple14:(Texte119)GuySorbet

Texten°120:Lessophismessontdes«tromperies»!Thomasd’Aquin

Texten°121:Les38stratagemesdeSchopenhauerTexten°122:Dialectique,sophistique,rhétoriqueetstratagèmesdansundébatJ.LejeuneetÉ.Baulieu

Texten°123:LaDialectiqueSelonMauriceFouquet

Glossaire

Listecomplètedetouslestextes

Indexdesnomspropres

Bibliographie

Plandétaillé