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r ESPIONNAGE ALLEMAND AVANT 1914 Jean TORDOIT JUIN1911: C’était un jeudi de juin 1911. Ma mère m’avait envoyé chercher un pain pour le dîner en passant près de La grand-place (place du Quesnoy), des petits copains jouaient aux billes et me demandèrent de faire une partie. Je posai mon pain au pied d’un tilleul et jouai avec eux. A peine la partie commencée nous vïmes arriver quatre voitures, trois grandes et une petite. Elles descendirent jusqu’en bas de la place, passèrent entre les deux derniers marronniers et se rangèrent. Puis les personnes descendirent tables et bancs, les femmes nous demandèrent il y avait une boulangerie et une charcuterie, un copain plus âgé leur fournit les indications. Quant â moi je pris mon pain et rentrai. Pour un petit village comme Ligny, quatre voitures qui viennent s’installer sur la place en dehors des fêtes, c’est un événement. Aussi le soir il y avait du monde sur la place du Quesnoy. Puis les cinq hommes installèrent un banc, ils avaient sorti leurs instruments de musique accordéon, piston... et voilà qu’ils nous donnent une sacrée aubade. D’après les musiciens du village qui étaient présents, c’était de la belle musique. [ls nous amusèrent toute la soirée puis chacun rentra chez soi. Voilà une dizaine de jours que ces étrangers sont à Ligny et on ne sait rien d’eux. Tous Les matins de bonne heure la petite voiture part avec les hommes et rentre vers six heures, c’est toujours la même femme qui fait les courses, à la boulangerie et â la charcuterie, et pour L’épicerie chez Elvire au coin de la place, â la ferme pour les besoins des grands et des petits car il y a des enfants, c’est toujours le même homme qui va aux provisions. Comme le disait un vieux de la place ils sont réglés comme un papier â musique, expression courante â l’époque. Voilà bientôt un mois qu’ils sont ici et on n’en sait pas plus que le premier jour de leur arrivée. Malgré cela, les conversations vont bon train dans le quartier on invente, on suppose, mais ce qui est vrai c’est que ce sont d’excellents musiciens, Maintenant le dimanche après l’aubade une femme passe parmi la foule avec-une corbeille. Juin passe un beau matin les oiseaux se sont envolés, on en parla un peu ici et là puis ce hit Le silence à leur sujet. JUIN 1912: Un beau jour de juin je faisais mes devoirs. Voilà que mon petit copain entre et me dit tu sais, les voyageurs viennent d’arriver, ils sont placés au même endroit que l’année dernière. Aussitôt je range mes livres et je vais voir avec lui. C’était les mêmes voitures et les mêmes personnes, la femme qui faisait les courses a repris ses habitudes, et les hommes que l’on ne voyait que le soir firent de même, une aubade le soir et un beau concert le dimanche soir. Un soir ils jouèrent “Valse de Vienne” et les jeunes purent valser sur la place. Ce fut un régal pour tout le monde. Juin se passa ainsi et un beau matin ils repartirent. Personne ne s’en inquiéta, on disait c’est sûrement des représentants de commerce, et le village se replia sur ces explications. Puis VINT 1913: Nos voyageurs arrivèrent un jour qu’il pluvinait on n’y prêta pas attention. Dès qu’ils furent en place ils plantèrent quelques piquets de fer et dessus disposèrent une longue toile tout le monde, petits et grands, mangea sous la LPGHY 45

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ESPIONNAGE ALLEMAND

AVANT 1914

Jean TORDOIT

JUIN1911:C’était un jeudi de juin 1911. Ma mèrem’avait envoyé chercher un pain pour ledîner en passant près de La grand-place(place du Quesnoy), des petits copainsjouaient aux billes et me demandèrent defaire une partie. Je posai mon pain au piedd’un tilleul et jouai avec eux. A peine lapartie commencée nous vïmes arriverquatre voitures, trois grandes et une petite.Elles descendirent jusqu’en bas de la place,passèrent entre les deux derniersmarronniers et se rangèrent. Puis lespersonnes descendirent tables et bancs, lesfemmes nous demandèrent où il y avait uneboulangerie et une charcuterie, un copainplus âgé leur fournit les indications. Quantâ moi je pris mon pain et rentrai.Pour un petit village comme Ligny, quatrevoitures qui viennent s’installer sur la placeen dehors des fêtes, c’est un événement.Aussi le soir il y avait du monde sur laplace du Quesnoy. Puis les cinq hommesinstallèrent un banc, ils avaient sorti leursinstruments de musique accordéon,piston... et voilà qu’ils nous donnent unesacrée aubade. D’après les musiciens duvillage qui étaient présents, c’était de labelle musique. [ls nous amusèrent toute lasoirée puis chacun rentra chez soi.Voilà une dizaine de jours que cesétrangers sont à Ligny et on ne sait riend’eux. Tous Les matins de bonne heure lapetite voiture part avec les hommes etrentre vers six heures, c’est toujours lamême femme qui fait les courses, à laboulangerie et â la charcuterie, et pourL’épicerie chez Elvire au coin de la place, âla ferme pour les besoins des grands et despetits car il y a des enfants, c’est toujours lemême homme qui va aux provisions.Comme le disait un vieux de la place ils

sont réglés comme un papier â musique,expression courante â l’époque.Voilà bientôt un mois qu’ils sont ici et onn’en sait pas plus que le premier jour deleur arrivée.Malgré cela, les conversations vont bontrain dans le quartier on invente, onsuppose, mais ce qui est vrai c’est que cesont d’excellents musiciens, Maintenant ledimanche après l’aubade une femme passeparmi la foule avec-une corbeille. Juinpasse un beau matin les oiseaux se sontenvolés, on en parla un peu ici et là puis cehit Le silence à leur sujet.

JUIN 1912:Un beau jour de juin je faisais mes devoirs.Voilà que mon petit copain entre et me dittu sais, les voyageurs viennent d’arriver, ilssont placés au même endroit que l’annéedernière. Aussitôt je range mes livres et jevais voir avec lui. C’était les mêmesvoitures et les mêmes personnes, la femmequi faisait les courses a repris seshabitudes, et les hommes que l’on ne voyaitque le soir firent de même, une aubade lesoir et un beau concert le dimanche soir.Un soir ils jouèrent “Valse de Vienne” etles jeunes purent valser sur la place. Ce futun régal pour tout le monde. Juin se passaainsi et un beau matin ils repartirent.Personne ne s’en inquiéta, on disait c’estsûrement des représentants de commerce,et le village se replia sur ces explications.

Puis VINT 1913:Nos voyageurs arrivèrent un jour qu’ilpluvinait on n’y prêta pas attention. Dèsqu’ils furent en place ils plantèrentquelques piquets de fer et dessusdisposèrent une longue toile tout lemonde, petits et grands, mangea sous la

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tente. Le temps resta maussade assezlongtemps et les soirs il n’y avait plus demonde sur la place. Vers les derniers joursde juin le soleil se montra et nous eûmesdroit à quelques concerts.Désormais la femme qui fait les coursesconnaît bien son monde, Elise, Laetitia,Elvire c’est par leur prénom qu’elle lesappelle. Ii est vrai que cela fait trois annéesqu’elle vient au village.

1914:Tiens, c’est drôle, cette année on n’a pas vules voyageurs. C’est tout ce que l’on en dit.Puis arrive aoùt, c’est la moisson, beaucoupsont aux champs lorsque les clochessonnent à toute volée. Le garde-champêtreparcourt le village et avec sa clocheannonce que c’est la mobilisation générale.Nous voilà en guerre avec l’Allemagne, quiaurait pensé â cela?Les troupes allemandes ont violé laBelgique, on se bat à Namur, liège,Charleroi. Noire cavalerie donne unsérieux coup de main mais devant lenombre elle bat en retraite. Nous sommesle 25 août. Comme les événements vontvite au village, nous voyons passer le 4eCuirassiers qui tenait avant cela garnison àCambrai. Ces cavaliers sont à chevaldepuis des jours sans desseller leurschevaux. Quelques heures de repos la nuitet le lendemain on repart. TIs sont exténuésde fatigue. Soudain un cavalier tombe decheval ; mon oncle qui est sur la côte luiprête la main pour le relever. Il lui donneune bonne goutte. Avant de remonter âcheval iL lui dit : “Monsieur, demain lesAllemands seront chez vous”. C’étaitmalheureusement vrai Le 26 au matin lesAllemands arrivent de par Haucourt sur laroute, d’autres avancent à travers champscar les Anglais sont en ligne le Long duchemin. La bataille est engagée maisdevant le nombre les Anglais rentrent dansle village et cela dure jusque midi. LesAnglais ont résisté au mieux mais devant lenombre il n’y avait rien à faire. 32 soldats

anglais sont tués, le lieutenant Chisholmmeurt de ses blessures, les autres sontblessés et prisonniers sont soignés à l’écoledes filles , plus tard on Les transféra enAil em agne.La place du Quesnoy est pleined’Allemands et la pâture située rue Curieest remplie de pièces d’artillerie et deuhlans on les reconnait à leur casque etleur lance. A part quelques vieux et unepoignée de gamins qui regardent ici et b,les gens restent dans leurs maisons. Nousvenons d’apprendre par une personne deHaucourt que les Allemands avaient fusilléle curé parce qu’il donnait à boire i unsoldat anglais blessé.Marie vient de rentrer dans sa cuisine avecle lait de la traite. Elle voit passer sous sesdeux fenêtres deux casques à pointe, elle sedemande ce qui se passe. Puis la porte&ouvre, l’un des deux lui dit “bonjourMarie”, elle le regarde un instant puis ellecrie plutôt qu’elle ne dit “Jou qu’eusse népé ti Albert Mais si, te n’es qu’unpourcheu, un espion. Vo avez violé laBelgique, assassin, crapule”. Mais l’autre&énerve et lui dit “Assez ou jeréquisitionne vos vaches et vos chevaux”.Marie pleure. “Allez, donnez-nous dubeurre, des oeufs et du lait”. Marie préparetout ce qu’il demande. L’ordonnance prendle tout et ils sen vont. Albert avant de sortirdit à Marie “A demain”. Cette fois Mariea peur pour les jours qui viennent. Maisdans la nuit un ordre a dû arriver et lematin de bonne heure il n’y avait plus unAllemand au village. Tout le monde a sul’histoire de Marie et longtemps après laguerre on en parlait encore.Ces gens-là étaient des Allemands et ilssont venus plusieurs années dans la régionsans jamais être inquiétés. Ils travaillaientpour l’Etat-major allemand et établissaientles cartes des lieux qu’ils devaient occuper.Ces lïeux étaient balisés par une réclamefaite en fine tôle placée aux endroitsdésignés, avec la forme anodine d’uneréclame de cirage.

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LEGENDES ET TRADITIONS

4. iJL

La valsedes brouettes

LES origines du tissage dansle Canibrésis sont très anciennes. Déjà vers le XIIP

siècle on tissait le lin mais d’unefaçon rudimentaire le passagede la trame à travers la chaîne sefaisait à la main au moyen d’unfuseau sur lequel était enroulé lefil.

Lorsque la culture du lin fitsou apparition dans lesFlandres, il y avait des sièclesque cette plante était cultivéedans d’autre pays. Les régionsdu Cambrésis et de l’Aisneconvenaient très bien à cetteculture et les rivières qui les arrosent facilitaient le rouissage.

La fibre de lin apporta à notrerégion une extraordinaire activité. Les tisseurs à la main demême que les fileuses, dont incompétence était grande, furentcomptés par centaines. C’est quela toile dont elle était faite etdans laquelle on coupait desdraps, des nappes et des clic-mises, était très prisée des populations qui, au XV’ siècle déjàétaient sensibles au beau, Tantôtrugueuse, tantôt d’une extrêmefinesse, selon la nature du filage,elle pouvait satisfaire aux besoins sinon au goût des riches etdes pauvres;

Cette industrie employait surCambrai et Valenciennes descentaines de tisseurs tandis quedans chaque village on trouvaitdes fileuses. Puis les ateliers sevidèrent. Il y avait tant à faire

que même chez les paysans l’idéevint de posséder un métier à tisser.

A la fin du siècle dernier laculture du lin avait diminuéconsidérablement et cela alla ens’accentuant. De nos jours, laproduction est négligeable et lesquelques filatures qui traitentencore cette fibre ont abandonnéla finesse des fils qui servaient àla confection des mouchoirs

fantaisie pour la fabricationdesquels U est désormais fait appel aux fils synthétiques.

J’ai, au cours de mon enfance,entendu les enfants des tisseursparler de leurs maisons et de cequ’elles contenaient, Puis, plustard, j’ai eu l’occasion d’entrerdans ces vieilles masures qui seressemblaient toutes extérieure-tuent et j itté rieti remeil t pet lies

Js;mêtres. ,.iefltes portes. deuxpièces et un reculé - commel’oit disait alors et qui n’étaitautre qu’un appentis.

Le métier à tisser était tou

jours placé près d’une fe:iêLrc et.à proxinuté, le rouet avec lequelon confectionnait les traziies.Une table, des bancs, plus Larddes chaises, et une armoire coin-posaient tout le mobilier. Lagrande garde-robe w ne fit sonapparition que lorsque l’onconstruisit des maisons plushautes. On se chauffait alors aumoyen d’un poêle à trois pattesxnais dans certaines demeures ontrouvait un « Gadin s ou un« Sougland s.

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LEGENDESET TRADITIONS

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LEGENDES ET TRADITIONS

C’est dans cette pièce que lafamille prenait ses repas, parfois

mais beaucoup plus rarement— dans l’autre pièce où se trouvait le lit haut sur pied, sous lequel on glissait celui des enfantsen bas âge. Ce dernier n’était enréalité qu’une caisse contenantune parnasse en paille d’avoine.

Lorsqu’ils étaient un peu plusgrands, les enfants allaient dormir .. en haut n, c’est-à-dire sousle toit de la maison.

Eeaucoup de ces maisons,construjtes.yers les années 1850,disposaient d’un four où !‘on cuisait le pain pour quinze jours.On débarrassait la « maie n quiservait aussi pour le rangementet l’on préparait la pâte sansomettre la « flamîche » qui faisait les délices du soir.

Aux dires des anciens, le painétait aussi bon le dernier jourlorsqu’il sortait du four. Sansdoute la qualité de la farine quel’on se procurait généralementchez le meunier du village (il yavait à l’époque des moulins àvent un peu partout) n’y était-elle pas étrangère.

Parfois, près de la maison ontrouvait un puits d’eau potable.C’était une garantie contre lasoif, car l’eau était la boissoncourante du tisseur.

II arrivait pourtant à celui-cide faire une bonne guinsse, autrement dit de prendre unebonne cuite mais uniquementavec de la bière — suivie d’ungrand genièvre — qu’il ingurgitait à coups de grandes pintes,chacune d’elles contenant un demi-litre de boisson. Une grandepinte coûtait alors deux sous et iln’était pas rare que notre buveurde bière dépensât quarante souspour.s’enivrer de la sorte.

En dépit de cette absence totale de confort et d’hygiène.d’une nourriture plu5 que frugale, d’un travail harassant,hommes et 1es femmes que j’aiconnus dans mon enfance étaientgénéralement forts et. vigoureuxet certains d’entre eux —. tel cevieil ami de ma jeunesse qui meparlait avec passion de toutesceschoses qu’il avait pourtant subies — vécurent jusqu’à plus dequatre-vingts ans:

Tel était, brièvement résumée,

la façon dont nos anciens vécurent jusqu’à la fin de la PremièreGuerre mondiale.

Se pencher sur les conditionsde vie et de travail qui étaientcelles de nos ancêtres et les relater, c’est donner aux générationsqui nous suivent la possibilité dese faire une opinion sur le passéet d’en tirer les leçons pour unevie meilleure,

Si je m’intéresse plus particulièrement aux tisseurs à la main,c’est que je les ai bien connus,tout d’abord pour avoir beaucoup entendu parler d’eux dèsmon plus jeune âge, puis pour lesavoir cotoyés journellement et,enfin, pour m’être mis pendanttoute une vie active à leur serviceen ma qualité de navettier.

Je me souviens tout spécialement de ceux qui parcouraientles rues de Ligny avec leurbrouette, aux brancards desquels était attachée une courroiefaite de coton tressé qui leur passait sur les épaules, soulageantainsi leurs bras de leur fardeau.

Il y avait notamment ceux quivenaient de Lesdaius, un villagedistant d’une dizaine de kilomètres, ou d’Esnes, un peumoins éloigné, et qui s’arrêtaientà Ligny, centre de tissage relativement important qui comptaitplusieurs magasins, où ils venaient s’approvisionner entrames et en fils de chaîne qu’ils.tissaient ensuite, pour le comptedu patron, auquel ils remettaient, une fois terminé, le tissupar le même moyen de transport.

D’autres poursuivaient leurchemin jusqu’à l3ertry ou unautre centre de tissage, et c’estainsi qu’ils parcouraient parfoisjusqu’à 30 kilomimèt res, tenantcompte du retour, une vieilletoile virée protégeant, les joursde pluie, le précieux chargement.

Lorsque la mauvaise saisonrivait, ils renonçaient à ces longsdéplacements. Seuls ceux d’entreeux qui habitaient à proximitédes magasins continuaient de tisser. Les autres, momentanémentprivés de leur gagne-pain, cherchaient à s’employer dans lesfermes. Mais les travaux yétaient limités, Il n’y avait guèreque le battage en grange ou, lorsque le sol était gelé, le charroi dufumier qui pouvaient occuper les

hommes et celanc durait qu’unecourte période.

Alors ii fallait, pour vivre,prélever sur les maigres économies et, bientôt, recourir au crédit. Le premier sollicité était,bien sûr, le boulanger. Quant àla viande, on s’en privait.

U n’4st pas encore huit heureset ils sont déjà là, après avoirparcouru onze kilomètres. Leursbrouettes sont rangées sur le bas.côté de la chaussée, en face ducabaret, tandis qu’ils ont,comme d’habitude, fait unepause . Citez Alphonse ». Tousles trois viennent de Lesdains,petit village sans industrie, dontles habitants, pour la plupart,vivent de l’agriculture. Lesdainscompte néanmoins une trentainede tisseurs à la main, mais, pourtrouver du travail, il faut, nousl’avons vu, se déplacer jusquedans le,s agglomérations où le tissage s’est implanté Bohain, parexemple, qui est un centre detextile avancé ; Bertry petit vil—lage alors en voie de développement et puis Ligny, où les petitsmagasins en sont à leurs débutsmais où il y n déjà de quoi satisfaire une bonne partie de la maind’oeuvre des localités voisines.

Nos trois hommes se reposentun peu tout en cassant une petitecroûte. Ils ne s’attarderont p5%,car lis ne sont pas seuls à serendre au magasin et il faudraattendre son tour.. Celui-ci arrivé, le travail était vérifié et si,par malheur, la toile contenaitdes défauts de fabrication, le patron ne manquait pas d’en faireLa renmozitramtce à l’ouvrier. C’està partir de cette constatation ques’opérait utie sorte de sélectionparmi les tisseurs. Les matièrespremières étaient préparéespour être emportées, les tramespesées, les ensouples portant lachaîne ou les fila pour la proçhaine chaîne soigneusementprotégés, tandis qu’était régléeau tisseur sa fachon (façon),c’est-à-dire le prix de son travailau moyen duquel il lui fallaitvivre, fais-e vivre sa famille et régler les dettes qu’il avait contractées.

Mais le travail n’était pas régulïer ou devenait impossiblel’hiver. Mors il fallait bientôtemprunter de nouveau, malgré

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cuter le prix de son travail, maiscelui-ci était fixé unilatéralementpar les patrons, petits ou grands,au mètre de tissu réalisé, et ilétait bien rare que l’ouvrier obtint satisfaction.

Lorsque toutes les formalitésétaient terminées et que labrouette était ànouveau chargée, le premier libéré attendaitses camarades pour reprendre laroute. Celle-ci paraissait moinslongue, les montées moins raides,sans doute grâce à la paie quel’on emportait et qui était bienméritée. A mi-chemin, nos voyageurs faisaient une courte haltepour boire une pinte et ils repartaient avec leur chargç.

Ceux qui allaient jusqu’à Bobain, la localité encore plus éloignée que Bertry préféraient lahotte à k brouette. C’était une

brouette et la itiarclie peut ûLremoins fatigutite niais la rutileétait bien longue pour uise paiebien maigre un ouvrier qui netissait que de la mousseline negagnait guère, en moyenne, plusde quarante-cinq sous par journée de travail et c’est avec un telsalaire,qu’il devait faire vivre généralement les cinq ou six personnes qui composaient sonfoyer

Il y avait aussi, en ce temps-là— c’était, rappelons-le, vers lafin du siècle dernier — des abuscomme il en existe encore hélasde nos jours, à cette différenceprè5 qu’aucune législation sociale ne protégeait alors le travailleur. Lorsque celui-ci étaitsans travail et qu’à force dechercher il trouvait un nouvelemployeur, il arrivait que ce der

superprofit comme l’on diraitaujourd’hui les quelques sousgrignotés sur un salaire déjà calculé au plus bas, venant grossird’autant son bénéfice au détriment et, de surcroît, à l’insu dutisseur.

Lorsque, par la suite, il lui arrivait d’en avoir connaissance,

ce dernier en faisait géiirdement le reproche à sor erp

ployeur qui, après bien des réticences, fmissait parfois par couper la poire en deux pour le travail futur.

Ces pratiques n’étaient certespas le fait de tous les employeurs. Elles avaient surtoutcours chez certains petits patrons cependant issus de la classeouvrière mais elles étaient suffisamment fréquentes pour créerdada les milieux du tissage un cli-

les restrictions que l’on s’iznpo

sait jutque sur la nourriture, etc’est ce qui tracassait le plus letisseur, lorsqu’il savait que cequ’il venait de boire ou de mariger était encore dû aux fournis-semirs.

Aussi essayait-il parfois de dis-

sorte de grand panier d’osier retenu sur le dos par deux bretelleset dans lequel le tisseur plaçaitles matières premières destinéesà être tissées ou bien la toile,lorsque celle-ci était achevée.

La hotte était évidemmentmoins encombrante que la

nier, profitant de la circonstance, lui propose un salaire inférieur à celui pratiqué couramment. Peut-être le simple fait dedonner du travail à un hommeaux abois lui donnait-il bonneconscience. Mais en réalité,c’était une façon de réaliser un

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mat de mésentente, voire d’hostilité.

Politiquement ces hommes sesituaient d’ailleurs à droite et ilne semble pas que leur assiduitéà la messe du dimanche ait eu lamoindre incidence sur leur coinportement social I Les ouvrierstisseurs du Cambrésis étaient,pour la plupart, conscients decette exploitation qui hélas In’était pas propre à leur corporation. En 1889, des grèvesavaient éclaté à Roubaix et ils enavaient eu connaissance par lapresse. Mais que pouvaient-ilsfaire ? Au demeurant, leur situation d’endettés permanentsconstituait pour eux un sérieuxhandicap pour engager toute action revendicative qui aurait puaggraver, dans l’immédiat etsans doute pour de longs mois,leurs conditions matériellesd’existence, alors ‘qu’ils mettaient toujours un point d’honneur— dès qu’ils avaient touchéun peu d’argent — à rembourserles créanciers qui leur avaientfait confiance.

Comme me le disait souvcntmon vieil ami tisseur « le plushonnête, c’est encore l’ouvrier,lui ne vole personne t..

Mais revenons à nos voyageurs. Après une nuit de repos, ilfallait bien, malgré la fatigue quise faisait sentir dans les jambeset les bras, se remettre à l’ouvrage et cela de bon matin.

La préparation du métier à tisser nécessitait divers travaux etpour certains d’entre eux — tel« retourner dessus t. c’est-à-direenrouler le fil de la chaîne autour d’une ensouple (sorte de cylindre en bois), l’aide d’autrestisseurs était indispensable. Bienentendu nos trois compèresétaient toujours disponibles pours’aider mutuellenient. Généralement on « retournait dessus »

dans la rue en raison de la placequ’exigeait cette opération et cen’est que par temps de pluie quel’on se résignait à effectuer cetravail à l’intérieur de la maison.Le soir, tout était terminé et déjàle tisseur songeait à rattraper dèsle lendemain, à l’aube et jusquetard dans la soirée, le temps qu’ilavait perdu sur la route.

Mon vieil ami m’a souvent citél’exemple de ce tisseur comme lui

qui, pour nourrir sa nombreusefamille, prenait ses repas sans interroinpre son travail. Sa feizituelui avançait sa nourriture et c’esten « tirant la sonnette » qu’il absorbait ses aliments

Le tisseur à la iiiuiii travaillaitgénéralement assis sur uneplanche niainteziue à une extrémité pr une corde reliée à l’undes montants du métier de tellesorte qu’elle puisse osciller enfonction des mouvements quel’ouvrier devait faire pour acdonner ce métier. Certes, le travail du e’ Merquingnier » (tisseur) — du moins lorsqu’ilconsistait à fabriquer de la toile— ne nécessitait guère deconnaissances techniques particulières. Mais il fallait à l’ouvrierune bien grande dose de volontépour mener à son terme le travailentrepris.

Ce dernier achevé il reprenaitla route, avec la brouette, pourle remettre à l’employeur, sansavoir d’ailleurs la certitude d’obtenir à nouveau du travail.

A défaut, ou si notre hommeavait, entre temps, eu connaissance d’un et article t., c’est-à-dire d’un tissu dont la fabrication était mieux rémunérée, iln’hésitait pas à parcourir encoremaints kilomètres pour se mettreau service d’un nouvel em

ployeur.

Un de ceux-ci, un juif dont larenommée, cii ces teiiips (l’antisémitisme forcené, était, cela vade soi celle d’un patron cupide,payait généralement mieux sesouvriers qui parvenaient ainsi àgagner jusqu’à trois francs purjournée de travail.

Quoi qu’il en suit, il est notoireijti’à cette époque 1e tissage permit à certaines familles du Gainbrésis comme du Verinandois,sans parler de celles de Iloubaixet Tourcoing, d’édifier des fortunes colossales, tandis que lacondition des ouvriers tisseursdemeurait tout simplement misérable.

Les tisseurs, en général, se levaient très tôt niuis, avant de semettre au travail, ils allaientdans leur cabaret préféré boirela gorgère ou le genièvre.

Ensemble ils discutaient deleur métier, rarement des potinsdu village, puis ils allaient et tirer

• la sonnette ». Ce spectacle se renouvelait chaque jour sans queles femmes, qui étaient résignées,osent les réprimander.

Certains « faisaient le lundi t,.

Ce jour là il n’était pas questionde tisser la moindre trame. Seulsou avec un ami, ils passaient leurtemps 4 boire force pintes au cabaret entre deux parties de billons lorsque la saison s’y prêtaitou, l’hiver, au cours d’interminables parties de piquet. Le soirils rentraient ivres-morts en proférant maintes injures au moyend’un vocabulaire de circonstanceet, après une bonne nuit de repos, ils se retrouvaient de bonneheure avec les autres pour boireune gorgère et un genièvre. Etpuis, ils se remettaient au travailavec acharnement, jusqu’au samedi soir.

D’autres faisaient des « neuvaines ». Cela consistait à boiretoute une semaine sans régler lesconsommations. Les cabaretiersqui les connaissaient bien, leurfaisaient confiance. Ils savaientqu’une fois le travail repris, ilshonoreraient leurs dates,

Les uns avaient le et vin mauvais t.. Lorsqu’ils regagnaientleur foyer, pour un oui ou pourun non, toute la famille se retrouvait dehors.

Les autres, au contraïPè,avaient hâte de se mettre au litpour récupérer.

Il est permis de se demanderpourquoi ils éprouvaient le besoin 4e s’énivrer ainsi. Ilsavaient, certes, coutume dedire ; et Corps tu l’as gagné,corps tu l’auras t.. Mais il estcertain que dans la plupart descas, ce n’était pas par vice maispar désespoir. Leur dénuementétait tel qu’ils ne pouvaient entrevoir la moindre améliorationde leur sort et c’est seulementdans l’ivresse qu’ils oubliaientleurs maux.

Il ne semble pas, en tout cas,que ces excès — aussi bien dansla boissons que dans le travail —

aient nui à leur santé. Je votsencore ce petit bonhomme, frêled’apparence mais doté d’une volonté du tonnerre, qui, malgréses et lundis et ses innornbrables neuvaines n, vécut trèsvieux. (.4 suivre)

Jean TORDOIT

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/ LEGENOES ET TRADITIONS

f. — A

fÂDERSITÉ

n’épargnait pasles tisseurs. Lorsque la maladie s’abattait sur l’un

des membres de la famille c’était‘un véritable drame.. Sans doutene consultait-on pas le médecinpour un mal de gorge ou une migraine les pldntes ou les fleursramassées à la belle saisonétaient là pour combattre cessortes de malaise. Parfois l’onfaisait appel à des guérisseusesmais il arrivait aussi qu’il fallaitavoir recours aux médecins quiétaient — au demeurant — infi

niment moins nombreux qu’au

jourd’hui.Un vieux tisseur m’a raconté,

jadis, l’aventure qui lui était ar• rivée dans sa jeunesse un soir,

alors’ qu’il rentrait de Bohain• après avoir parcouru une quin

zaine de kilomètres avec, sur le• :do, une hotte bourrée de ma

tières à tisser, il trouve sa femmealitée, en proie à une fortefièvre. Alors, sans hésiter, il reprend la route pour quérir le mé.decin qui habite Ligny distant de.7 kilomètkes. Ce dernier le ramène aussitôt dans son cabriolet;ausculte la patiente et demande àl’homme de le raccompagner jusqu’à sôn cabinet pour lui remettre les médicaments dont sa

- femme a un urgent besoin. -

i que le praticien dose• ses préparations, sa gouvernanteinvite notre voyageur à passer àla cuisine et lui sert une tasse decafé. Avant de prendre congé,l’homme veut régler son hôte,mais celui-ci n’accepte pas

Nous parlerons de cela plus• tard. Pour le moment dépêche-• toi de rentrer, ta femme t’at

tend .. Et il repâ’rt, en pressant• le pas. Au zedt matin; il est auchevet de la malade et commeelle aemble se détendre après

avoir absorbé quelques potions,il s’assied sur le banc et s’endort,exténué, la tête reposant sur lebord de la table, II avait parcouru dans sa journée et au coursd’une partie de la nuit, plus dequarante kilomètres à pied t

Ce sont ses en.fants.qui doiventle réveiller et son premier souciest alors de s’aisurer que la malade va mieux. Le lendemain, lemédecin revient. Les médicaments ont eu un effet salutaire cequi n’empêche pas le praticien de

prscrire quelques nouvellestions de sa préparation qu’il apris . soin d’emporter avec lui.Mais il refuse tout dédommagement. et à l’homme qui insiste ilréplique .c Je. suis cntentd’être arrivé à temps pour sauver ta femme ; cela me suffit .

Ce docteur s’appelait Hyppolite Robert. Libre penseur,c’était un homme de coeur quisacrifia une partie de ses bienspour soigner ses malades. Lacommune de Ligny a d’ailleurs

Cc

*L “:des brouette

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LEGENDES ET TRADEIONS

tenu à honorer sa mémoire endonnant son nom à l’une des plusbelles rues du village.

Il n’était pas rare que les tisseurs du Nord aient trois ouquatre enfants et c’est avec deuxfrancs cinquante environ parjournée d’un travail acharné,auquel participait toujours lafemme astreinte à faire lestrames et quelquefois même, è

remplacer sur le métier le marilorsque celui-ci prenait un peude repos, qu’il fallait faire vivretoute la famille.

Le prix de location d’une maison de deux pièces, sans lemoindre confort, variait entrecinq et sept francs par mois, unpeu plus lorsqu’elle comportaitun reculé », petite pièce sanslumière qui servait de débarras.Le pain qui, avec les légumes,constituait l’essentiel de la nourriture, se présentait généralement sous forme de boules de dixlivresque l’on payait douze sous.Ce pain n’était certes pas mauvais, mais la baguette que nousconnaissons de nos jours auraitsans doute été considérée par nosaînés conùie du gâteau- Ils enétaient bien sûr, économes, et jamais il ne leur serait venu à l’esprit de jeter le moindre croûton,comme nous avons trop tendanceà le faire aujourd’hui.

La viande, au contraire, étaitréservée pour les grandes occasions. Quant à la boisson, on neconnaissait à la maison que l’eauprovenant des puits alors relativement nombreux. Il y avait nus-ai la bière, mais on la trouvaitsurtout au cabaret.

Avec un tel régime aliinentaire, le tisseur aurait pu, à larigueur; s’en sortir, si le travaillui avait été constamment assuré.Mais ce n’était pas souvent lecas, et il lui fallait parfois employer ses bras à d’autres tâches.D’ailleurs, à l’époque où tous lestravaux des champs se faisaient àla main, c’est aux tisseurs que lescultivateurs avaient recourspour la récolte des foins, la moisson et les betteraves. Payés à latâche, le prix en était d’aborddébattu entre l’employeur et lesouvriers occaiionnels, et lorsquel’accord était conclu, ils se mettaient à l’ouvrage.

Ce n’était pas un travail de

tout repos, mais cela changeaitles habitudes et rapportait unpeu plus que le Lissage. Pour.tant, lorsque le dernier chariotrentrait à la ferme et que le bouquet perché bien haut marquaitla fm des travaux champêtres,tout le monde était heureux d’enavoir terminé, Après une journée de repos, les tisseurs préparaient à nouveau leur métierpour les prochaines toiles.

Les distractions n’étaientguère variées. Le seul amusement que l’on pouvait trouver,c’était au cabaret et seulement ledimanche ou les jours de fête. Celieu de rencontre permettait auxtisseurs de se lancer dans desparties de « piquet » fort aniniées ou, par beau temps, de seconsacrer au jeu. Entre deuxparties l’on parlait surtout dumétier. Lorsque l’un d’eux avaitréussi un travail compliqué,c’était toute une affaire et on netarissait pas d’éloges à son égard.

J’ai souvent entendu raconterqu’un employeur avait, un jour,demandé à un tisseur s’il se sentait capable de faire un articledont ii lui avait montré l’échantillon. L’homme accepta. Il passaplus de dix jours pour disposerson métier puis fit venir le patron et tissa devant lui sa nreile’.Tout était parfait malgré les difficultés techniques.

J’ai vaguement connu cet ouvrier dont les capacités étaientgrandes. Il n’en retira pourtantpas le moindre profit et vécut petitement tout comme ses camarades de travail. Mais c’est cegenre d’exploits qui, au cabaret,faisait surtout l’objet des conversations.

En fin de soirée, un se mettaità chanter. Certains, en dépit dcleur pauvre culture, faisaientpreuve en ce domaine de beaucoup de qualités et attiraientmême la clientèle au même titreque les filles du cabaretier. Aforce d’entendre leurs chansons,l’assistance tout entière finissaitpar les connaître et les reprenaitau refrain, q Malgré tes sermnents ». « Non, tu ne sauras jamais si je t’aime s, Mireille etses amours .. étaient alors leschansons les plus en vogue. Maissouvent, après elles, venaient leschants patriotiques tel « Vous

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n’aurez pas l’Aisaceet la Lorraine .., et chacun s’en donnait àcoeur joie, stimulé par cettebonne bière du Nord au goût dehoublon fortement accusé et sansdoute aussi par l’odeur du tabacdont il était fait grand usage.

La plupart des tisseurs fumaient, en effet, la pipe et, àcette heure tardive., la salle ducabaret était littéralement noyéedans un nuage de fumée qui sedéplaçait chaque fois qu’unclient entrait ou sortait, tandisque le sol, constitué de carreauxrouges en terre cuite que la cabaretière avait, le matin, saupoudré de sable, laissait apparaître de multiples traces de jetsde salive provoqués par la pipe.

Souvent, dans le feu de l’action, on laissait passer l’heure dela retraite et tout à coup quelqu’un criait u V’là lesgendarmes » Mors, la salle sevidait comme par enchantement.Mais parfois un retardataire selaissait prendre, et c’était alorsun nouveau sujet de conversations pour les veillées ou les futures rencontres.

Lorsque le moment était venude marier un garçon ou une filleet que les parents n’avaient pasla possibilité d’envoyer les futursépoux chez le tailleur, alors ncherchait parmi les relations àemprunter un costume. Le prêteur s’empressait toujours d’obtenir la promesse que son bienlui serait rendu aussitôt la cérémonie achevée.

Souvent l’habit était tropgrand ou trop petit Bahpour aller jusqu’à la mairie etl’église, ça ira quand même » faisait la mère. S’il était un peujuste, on ne boutonnait pas laveste et on allongeait les jambesdu pantalon en baissant les bretelles. U en était de même pour lecostume ou la robe de la mariéeet, une fois à table, on oubliaitvite ces petits détails vestixnentaises.

Quant au menu, il était toujours à peu près le même dubouilkn de boeuf avec beaucoupde légumes et, bien sûr, du lapinaux pruneaux, grande spécialitéde la région. Quelques flamichesconstituaient le dessert.

Pour une occasion commecelle-là, on avait fait rentrer un

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LEGENDES ET TRADITIONS

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/ LEGENDES ET TRADITIONS

lietit fût de bière dont un savaitqu’elie ne serait pas boudée parles convives et que — le genièvreaidant — elle contribuerait à leségayer. Ce jour-là, on oubliaitque la viande et le reste avaientété livrés à crédit. Demain on aurait tout son temps pour y penser.

Quelques chansons de circonstance, une dernière rincette et lanoce était terminée.

Est-il besoin de dire que lorsqu’un employeur mariait l’un deses enfants, les choses se passaient tout autrement ici, pasde costumes d’emprunt, ni dedenrées achetées à crédit, Lesnoces ou les événements analogues étaient toujours, dans lesmilieux patronaux, l’occasion rêvée d’exposer au grand jour lesrichesses accumulées et c74ncontrastait terriblement avec lafaçon de faire des pauvres.

De nos jours, ces différencesse sont atténuées et l’on ne peutque s’en réjouir.

Ainsi que nous l’avons dit, letissage à la main, dans sa formerudimentaire, était déjà connudans notre région au XIII’ siècle,puisque la toile « Baptiste » deCambrai remonte à la fin de cesiècle. Le tissage à domicile, pratiquement limité à celui de latoile, se répandit surtout vers lesannées 1850, Il intéressaitnombre de gens du fait qu’iln’exigeait pas de connaissancesspéciales et offrait une certaineindépendance. L’absence demoyens de communications, uncommerce sans structures véritables le rendait, par contre, trèsaléatoire et ce n’est qu’à partirde 1880, avec les premiers chenains de fer, que l’on assista àune certaine amélioration duurarché. Parallèlement, les salaires des tisseurs, toujourscondamnés à d’interminablesjournées de labeur, subirent unelégère augmentation favorisée,sans nui doute, par divers mouvements de contestation qui —

pour n’être que limités — inquiétèrent néanmoins le patronat etle conduisirent à quelquesconcessions sur le plan de la ré‘munération.

II y avait entre 1880 et 1914,dans les seuls secteurs du Cambrésis et du Vermandois, environ

3.000 tisseurs à la main travaillant à domicile.

On trouvait des fabricants des:sétïers à tisser et surtout de navettes dans les villages où les tisseurs étaient nombreux. C’estainsi qu’il y avait plusieurs navetiers à Bohain, Villers-Outréaux,Joncourt, Villers-Cuislain, Bertry, Ligny et Avesnes-les-Aubert.

Tous ces artisans, et notam-tuent les navetiers, s’étaientformés seuls et leur mérite étaitgrand, car fabriquer une navetteavec les moyens dont ils disposaient, c’est-à-dire sans lamoindre machine, n’était pasune mince affaire. Chacun fabriquait un modèle différent suivant les fils utilisés. Une navettecoûtait alors trois francs ce quicorrespondait pour le tisseur àplus d’une journée de travail.

Au lendemain de la PremièreGucrre mondiale, devant les besoins accrus de tissus de toutgenre, le sort de l’ouvrier tisseurse modifia. Les salaires n’avaientplus rien de commun avec ceuxpratiqués avant la tragédie. Maiscela ne dura que quelques années et puis ce fut la disparitionbrutale et presque totale du métier à la main. Seuls quelques ouvriers, qui avaient obstinémentrefusé de se rendre à l’usine,continuèrent à tisser chez euxjusqu’à la veille de la SecondeGuerre mondiale.

Désormais on ne trouve plusguère de ces machines que dansde rares centres touristiques etdans quelques musées.

Ainsi le métier, à tisser tel queje l’ai connu et qui ne ressemblait que de très loin à celui quenos ancêtres utilisaient dans lescaves, n’avait-il vécu qu’une cinquantaine d’années.

Revenons une fois encore ànos trois inséparables pour lesquels la vie continuait, monotone, sans le moindre espoir desortir un jour de cette misérablecondition qui était la leur.

L’idée de faire autre chose,parfois, effleurait l’un d’eux. Ils’en confiait aux deux autresmais ceux-ci, sceptiques, ne répondaient pas et on en retait là.Pourtant leur plus vif désir étaitd’avoir un jour leur petite maison. Celles qu’ils habitaient et oùils avaient toujours vécu com

portaient deux pièces avec un assez grand jardin qui constituaitpour eux un avantage non négligeable. Mais rien de cela ne leurappartenait.

Les années avaient passé et leslongs déplacements devenaientde plus en plus pénibles. Alors ilss’étaient mis en quête d’un nouveau patron installé plus près deleur demeure et ils avaient finipar en trouver un à Ligny. Quelsoulagement l Cela faisait une dizaine de kilomètres de moins àparcourir pour aller chercher lesmatières à tisser et pour transporter la toile, une fois celle-ciachevée. Alors l’espoir était revenu. Chacun tirait la sonnetteavec un peu plus d’ardeur et,parfois, y allait de sa chanson.

Et puis arrive l’été 1914. Nostrois amis ont engagé la conversation. L’un d’eux revient deCambrai où il est allé acheterune paire de chaussures. Maisdans la capitale du Cambrésisdes rumeurs de guerre circulentet il s’en confie à ses deux interlocuteurs qui ne comprennentpas très bien ce qui se passe. lispensent, en tout cas, que lemieux est de terminer au plusvite ce qu’il y a sur le métier.Sait-on jamais ?

La toile remise, le patron flglela façon mais ne leur confie pasde nouvelles matières. ils rentrent chez eux la mort dans l’âmeet les brouettes vides, avec lepressentiment qu’elles ne serviront plus jamais aux mêmestâches. R

(4 suivre)Jean TORDOIT

—9---

Voir Plein-Nord n’ 93.

1. TircUe prcmkr morceau de tissu,

conforme aux norme, txig&*.2. A ceLte époque, ici gendarmes ne se dé

pincaient qu’à cheval, cc qui permettaIent deles entendit venir de loin.

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62G’

LEGENDES ET TRADITIONS

L— ‘

anLcc

La valsedes brouettes

Quelques jours après, c’est laguerre. Nos trois tisseurs quittent le village qui les a vus naître,pour rejoindre leur fnrmationmilitaire. Leur absence dureraplus de quatre ans.

Sur les trois, deux appartiennent au même régiment. Le troi5ième a été affecté dans un autresecteur. Artilleurs, ils participent à différentes offensives maisla chance est avec eux : six moisplus tard, un jour de févrie-,pour leur première permission,ils se retrouvent par un heureuxconcours de circonstances à Châteaurouzc, ville qu’ils ont — à dé-

faut de pouvoir revenir dans leurpays natal — choisie, parcequ’ils ont appris qu’on y tisse.

De fait, je Directeur d’unegrande fabrique de tissage propose de les employer pendantleur permission, et c’est avec empressement qu’ils acceptent dereprendre pour un temps leurmétier de toujours, tandis que iesoir ils parcourent la cité et, enl’absence de leur bonne bière duNord, dégustent de temps à autreune chopine devin qui est, ici, laboisson préférée.

Pendant toute la durée de laguerre Châteauroux restera l’en-

droit où, lotis les quatre ou cinqmois au cours desquels ilsconnaîtront bien souvent le déluge, ils viendront se retremperdans la vie civile et professionnelle, toujours accueillis avecsympathie par leurs hôtes.

Mais cet accueil ne pouvaitleur faire oublier leur famillerestée en pays envahi et dont ilsétaient sans la moindre nouvelle.

Lorsque les troupes alliéescommencèrent à reprendre lesvilles et les villages que les Allemands occupaient depuis bientôtquatre ans, ceux-ci contraignirent toute la population —

_io —

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LEGENDES ET TRADITIONS

jeunes et vieux — à évacuer.Celle de Lesdains n’y échappapas et Je temps pressait. Lesfemmes sortirent les broùettes dcleurs remises afin d’emporterquelques couvertures, quelquesvétements, un peu de linge, letout entassé dans de grands sacsde toile, et tous prirent la route,sans savoir le moins du monde oùils aildient.

Dans chaque village traversé,les mêmes scènes se reproduisaient. Le flot des réfugiés grossissait, la colonne s’allongeaitniais, à la nuit tombante, cen’était que des groupes plus oumoins espacés qui avançaient péniblement sur la route et chacunavait hâte de se reposer.

Les plus harassés s’arrêtèrentà Hon-Hergies, petit village desenvirons de Bavay. près de lafrontière belge. L’église leur servit d’abri pour la nuit. Lesautres allèrent jusqu’à Bavay.Le lendemain certains poursuivirent leur chemin à travers la Bel-gigue, voire la Hollande, et nefurent rapatriés que de longsmois après par les gouvernements de ces deux pays.

Mais, la fatigue aidant, la plupart des familles prirent le chemin du retour, Celles de nos troistisseurs étaient au nombre de cesfamilles qui avaient décidé deréintégrer leur foyer. Plusieursfois arrêtées par les Allemands, ilne leur fallut pas moins de huitjours pour retrouver leur maisonqui avait, entre temps, servi derefuge aux troupes ennemies puisalliées.

Les intérieurs avaient grandement souffert de cette occupation, Le mobilier et les métiers àtisser avaient, en effet, servi dccombustible pour chauffer lespièces. Mais on était là, sains etsaufs, après avoir échappé àtoutes sortes de danger, y compris cette terrible grippe espagnole » qui fit des milliers et dèsmilliers de victimes à traverstoute la France.

La plus grande tragédie de cedébut du siècle prit fin un matind’automne. Deux de nos amis setrouvaient alors dans la Sommeet, une semaine après l’armistice, ils étaient de retour au village. Ce fut la joie parmi lesfemmes et les enfants. L-es voisins

étaient là aussi pour accueillir lesdeux artilleurs, et ils eurent leurpart de tabac, de conserves et debiscuits que contenait la musettede chacun. Ils eurent aussi ledroit de boire au bidon une gorgée de leur vin et de 1es entendrerelater certains faits d’armesauxquels ils avaient participé.Puis ce fût au tour des femmes de --

raconter leur exode qui, pourpeu qu’il se soit prolongé, ne leuraurait pas permis d’être présentes au retour de leur mari

Pendant ce temps, les revenants observaient les dégâtscausés aux meubles et aux métiers en partie brûlés. « Bah çan’a pas d’importance », fit l’und’eux. « De toute façon, je netisserai plus. J’ai beaucoup appris durant ces quatre ans, maisnous reparlerons de tout ça,lorsque nous serons tous lestrois

Le troisième inséparable netarda pas à réapparaitre. Alorsla joie fut à son comble et l’onfêta ce retour avec les moyens dubord qui étaient, certes, plus quemodestes, mais que compensaitbien la longue et profonde amitiéqui unissait les trois hommes.

Et puis il fallut revenir auxréalités. Ils se rendirent au Dépôt pour se faire démobiliser etpercevoir, du même coup, laprime de deux cent cinquantefrancs qui était allouée à tous lescombattants. Ce fut, pour quelques jours, le temps que soientaccomplies les formalités nécessaires, l’occâsion de revoir biendes camarades. Mais déjà onparlait au passé de tout ce quel’on venait de subir.

La prime — même en comptant bien — ne pouvait les fairevivre bien longtemps. Démunisde toutes économies, il leur fallait songer à l’avenir.

« Tisser à la main, poui moic’est fini dit l’aîné des trois.

J’ai appris que la reconstruction allait commencer dans leszones sinistrées. Je pense qu’onpourrait trouver là du travailpour nous trois et pour longtemps » ajouta-t-il. Les deuxautres acquiescèrent et c’est ainsi qu’on les trouva peu après surdes chantiers de construction, oùils s’efforçaient d’acquérir assezde connaissances pour ne plus

jamais se retrouver en face deleur métier à tisser,

Il leur arrivait d’évoquer ietemps passé, les longues journéesde travail, les kilomètres parcourus avec leur brouette et tout cela pour gagner si peu. Et commele soulignait l’un d’eux, il avaitfallu la guerre pour en arriverlà.

Le vieil ami auquel j’ai fait allusion dans les pages qui précèdent était né à Ligny vers 1855.Comme il le disait lui-méme, ileut dans son enfance la chancede fréquenter un peu l’école etainsi d’apprendre à lire et àécrire, ce qui n’était pas courantà l’époque. Mais chez lui commedans toutes les familles ouvrières, il fallait travailler dèsl’âge de onze ans et parfois mêmeavant cet âge. Tout d’abord employé dans une brasserie il y resta jusqu’au moment où il lui fallut « tirer au sort ». C’est en effet par ce moyen que l’on procédait au recrutement militaire. Lehasard fit qu’il tira un bon numéro et fut, de ce fait dispensédu service militaire. Un peu plustard, il se maria et choisit alors lemétier de tisseur, dans lequel iltrouvait une certaine indépendance qui correspondait à sontempérament. Mais il ne pozwaitsouffrir la moindre injustice etchaque fois que quelqu’un dansson entourage ou lui-même étaitvictime d’un quelconque abus, ille manifestait bruyamment. Celalui valut, dans son travail enparticulier, bien des déboires.Peut-être le nom qu’il portait,tiré de la Bible, n’était-il pasétranger à cette soif de justicequi l’animait.. \‘ ZtttC.4fly

J’étais tout jeune lorsquej’eus, pour la première fois, l’occasion de le rencontrer. Lui, déjà très âgé, ne travaillait plus depuis longtemps. Sa vue était devenue mauvaise et c’est en permanence qu’il portait des lunettes faites d’une armature enfer, dont les branches avaient étérafisiolées avec du fil de coton- flse déplaçait d’un quartier àl’autre et se rendait de temps entemps dans le petit cabaret où jem’approvisionnais en cigarettes.fl y buvait une chope et lisait lejournal en s’aidant d’une grosseloupe.

(r

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LEGENDES ET TRADITIONS

Ce jour-là, je le trouvai assisdans un coin de la grande salle,tout près d’unr fenêtre, ic journal à la main. Lorsqu’il nie vit, ilm’appela et inc demanda de luilire un article, précédé d’un grostitre, et dont l’auteur était undirigeant du parti ouvrier del’époque. A peine avais-je terminé la lecture, qu’il me pritamicalement par le liras et medit Tu vois, le socialisme ça stoujours été mon espérance.C’est par lui que les hommesconnaîtront ic bonheur. Mais encore faudra-t-il les convaincreque, sans lui, il ne peut Y avoir nijustice, ni égalité

Je le regardai sans mot dire,mais à partir de ce jour, il m’interpellait chaque fois que nousnous rencontrions, pour me parler de ce qu’avait été sa vie, sontravail, ses ennuis avec ses employeurs, L’un de ceux-ci nel’avait-il pas, un jour, prévenusèchement, alors qu’il lui remettait sa toile « A partir d’aujourd’hui, je ne te donnerai plusde travail. Tu iras en demanderà tes amis socialistes ». Cette foislà, l’homme avait préféré se taireplutôt que de se rebiffer. Et cettescène s’était renouvelée bien desfois au cours de sa vie de labeuret bien souvent, il avait encoredû se taire. 5e taire, c’était leseul droit que nous avions », disait-il avec une pointe d’amertume.

J’ai bien connu aussi, dans majeunesse, un autre vieux tisseur àla main prénommé Louis et qui,pour être très différent du précédent, n’était pas pour autant antipathique.

U habitait à quelques kilomètres de toute agglomération,en bordure d’un chemin de terreque seuls les paysans empruntaient pour ‘es besoins de leurculture, et il n’avait pour toutvoisin qu’un vieux cultivateurqui, avec ses enfants,exploitaitencore quelques champs.

C’était un travailleur acharné,dur à la tâche, mais qui ne pouvait, après avoir remis sa toile,rentrer chez lai sans avoir fait lanoce. Rien ne pouvait l’en empêcher et ses camarades de travailne l’ignoraient pas. Ce jour-là,les copains étaient nombreux autour de lui, car il se montrait

route, assuré de n’êire gêné parpersonne à cette heure tardive,

Le lendemain, rien n’y paraissait et très vite il reprenait lasonnette sans désemparer jusqu’à la prochaine toile.

De temps à autre, pourtant, ilaidait son voisin aux travaux dela ferme, mais c’était surtoutpour lui rendre service, et celane durait jamais bien longtemps,car l’occasion ne lui était plusofferte de descendre au village.

Louis était également un braconnier impénitent. Tout en tissant, à travers la fenêtre de sonatelier, il épiait le passage du gibien fl n’avait plus de secretspour, le jour, repérer le « cou-

temps, et aussi, sans doute, l’alcool inaurgité, lui avaient rendules articulations par trop douloureuses. U souffrait de romatiques(rhumatismes) comme il disait, etdésormais son métier à tisser luisuffisait largement.

Ainsi vivaient les tisseurs dechez nous à la fin du siècle dernier.

Était-ce différent ailleurs ?Ce que j’avais entendu dire,

voici bien longtemps déjà, de labouche même d’un vieux tisseurde la région lyonnaise, dont le

rand père avait été le témoin dela révolte des canuts en 1831 et1834, m’incitait à croire que cestravailleurs de la soie connais-

avec eux d’une extrême géziérosité. Louis commandait jespintes, et les pintes se vidaient ennlême temps que je porte-monnaie, et. lorsque celui-ciétait tout à fait vide, il lui arrivait de demander au cabaretierd’inscrire sa dette sur l’ardoise,ce qu’il obtenait toujours, car letenancier était sûr d’être payé.La fête terminée, il repartaitavec sa brouette lourdementchargée, en zigzaguant sur lu

lage » ou le gite du lièvre et, lesoir, poser les collets qu’il relevait de très bon matin, afin d’échapper aux regards indiscretsdes ouvriers des champs et surtout du garde-chasse qui, tout enle soupçonnant, ne peut jamais leprendre en défaut.

Les quelques sous qu’il retiraitdc ce braconnage, il les employait à faire la noce- Mais iifailut un jour y mettre un terme.Les sorties de nuit, par tous les

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LEGENDES ET TRADfl1ONS

saient ‘es mêmes difficultés quenos compatriotes.

L’émission télévisée que n Lesdossiers de l’écran » ont consacrée à la (in de 197g à cette révolte, a montré que, malgré leurqualification généralement supérieure à celle des tisseurs duNord à la même époque (presquetous connaissaient déjà le Jacquard), leur condition était toutaussi misérable.

L’image qui montrait la femmed’un canut, vidant son porte-monnaie sur la table pour solderquelques dettes et, une fois lecréancier sorti, demander à sonmari « Qu’allons-nous faire n, me rappelait étrangementles scènes du même genre quim’avaient été racontées dans majeunesse par ceux qui les avaientvécues.

Et cet ouvrier à qui le patronfait subir un rabais sur le prix desa façon, sous prétexte que soncoupon présente quelques dé.fauts, cela aussi m’a été conté.Mais à Lyon la victime avait prisalors ses collègues à témoin afinde prouver que son travail étaitparfait. La discussion s’était envenimée et le patron avait braqué son révolver sur les ouvrier.Cette fois, c’en était trop et cegeste, incroyable de nos jours,avait déclenché la révolte dont larépression fit tant de victimesparmi les canuts.

Les pouvoirs publics se désintéressaient d’ailleurs du sort deces malheureux, quand ils ne serendaient pas complices des patrons, ainsi qu’en témoignent lesrapports préfectoraux de l’époque.

La révolte des canuts ne futcependant pas sans lendemain.En 1889 des grèves éclatèrent àRoubaix, mais il fallut encorebien des décennies, pour qu’enfin 1es travailleurs et les tisseurs,en particttlier ne soient plusconsidérés comme des bêtes desomme mais comme des hommes.

Que reste-t-il aujourd’hui deces milliers de métiers k tisser àla main, fabriqués dans un boisnoble, tel le chêne, souvent aussile sapin rouge parce que moinscher ?

Après la disparition des tisseurs, ces métiers furent remisésdans les greniers. Sait-on ja

niais ? Et puis, cc fut l’oubli, lupoussière.

Un jour pourtant, pour unequelconque réparation, unepièce o été prélevée, puis uneautré. Pour parer au froid deslongs hivers, on s’est mis à brûlerle bâti. le battant, les bricoteaux,les ensouples. Bref, tout y passaet ainsi disparurent tous cesbeaux métiers dont, seul, le souvenir. reste dans la mémoire desplus âgés d’entre nous.

Quelques-uns ont néanmoinséchappé à cette destruction etsont à l’honneur dans des expositions culturelles ou sont l’objetde soins minutieux de la part dequelques amateurs.

Enfin, les touristes peuventencore en trouver dans certainesrégions de France. A Grenoble,par exemple, une femme originaire du Nord tisse à la main lalaine des moutons qu’élève sonmari, berger de profession. AVallauris dans les AlpesMaritimes, un Cambrésien —

mutilé de la guerre d’Algérie —

tisse en compagnie de quelquesouvriers et ce spectacle fait lacuriosité des estivants. Mais aucun de ces tisseurs occasionnelsne connaît la chanson de nosmulquiniers

« Et roulons la,et roulons la navette

Et k beau temps viendra ».

Le 7janvier 1980, c’est-à-direle premier lundi après l’Epiphanie, on fêtait à Ligny le n Parjuré » conformément à la tradition.

Seule une trentaine de personnes participaient à la messequi est célébrée à l’occasion decette manifestation.

Mais où sont les Parjurésd’autrefois qui rassemblaienttous les tisseurs et leurs patrons,accompagnés de leurs épouses. Ala sortie de la messe — au demeurant contestée par quelquesuns — un patron se tenait sous leclocher pour recueillir l’obole dechacun un sou, deux sous.L’argent ainsi collecté était remisau prêtre. Puis, les ouvriers seréunissaient par groupes autourde leurs patrons respectifs quiles emmenaient dans les cabaretsdu village où ils payaient lesconsommations. Les chopes se vi

3

claient tandis que les chanteursamateurs s’en donnaient à coeurjoic. L’heure du dîner passait,on changeait de cabaret maisc’était toujours le méme décorvaste salle meublée de tables enbois, de chaises empaillées etl’inévitable carrelage rouge saupoudré de sable blanc.

La fête se prolongeait souventtrès tard dans la nuit et l’on pouvait entendre, ici et là, cette fameuse chanson du tisseur, désormais tombée dans l’oubli

Le lundi on n mal à la tête,Et roulons la navette

Et roulons in.Et roulons la navette

Et le beau temps viendra

Voir Plein Nord ,i 94.

Jean TORDOIT

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LEGENDES ET TRADITIONS

LA VALSE DES BROUETTES

Aussitôt la guerre terminée, il fallut penser àreconstruire et vite, pourredonner vie à ces villes etvillages. Il hit nommé unMinistre des dommagesde guerre. Ce hit un travail de longue haleine, ilfallait voir ces villes dé-molles et ces villages où ilne restait que les fondations des maisons. Lescaves étaient pleines degravats de toute sorte.Quinze années plus tard, ilrestait encore des dommages à réparer. Il fallutpour commencer ce gigantesque travail faire appel aux compétences desentrepreneurs qui connaissaient bien la partie. fl futalors décidé de reconstmire d’abord les villagesqui avaient le moins souffert de façon à faire réintégrer leur village à ceuxqui avaient dûl’abandonner lors descombats (pour ceux quin’avaient pas voulu quitterleur maison ce fin à leursrisques et périls).

Nos deux amis,puisque le troisième préféra entrer dans une fermepour se refaire une santé,trouvèrent à se faire embaucher comme manoeuvres car ils neconnaissaient rien à laconstruction. Cela duraune année, mais leur suffitpour obtenir sur un autrechantier une place de maçon. Ils s’en tirèrent trèsbien et cela dura plus dedix années, ils s’étaientmariés et désormaisétaient beaux-frères.

Le temps passe vite etnous sommes en 1932.

Pour les vieux qui avaienttant bourlingué avec lesbrouettes, la situation n’estplus la même. Les patronsde Ligny et Bertry se sontun peu modernisé, ils onttous des camionnettes, cequi leur permet de se déplacer rapidement, etcomme le tissage bat sonplein, ce sont eux quitransportent la matièrepremière et qui ensuitevont reprendre les piècesfinies. Cela arrange pourle mieux nos vieux tisseurs et durera jusque1950.

Pour en revenir à nosdeux beaux-frères, ils sontrevenus à Lesdain et onttrouvé du travail pour unentrepreneur de Cambrai àquelques kilomètres. Poureux ce fut un vrai changement, ils pouvaient revenir tous les soirs à lamaison. Cela durajusqu’aux grèves de 1936.Les congés payés et les 40heures, jamais on avait vucela. Ils en profitèrentpour aller voir la mer àMalo-les-bains. Le travailétait toujours au rendez-vous et ce fut ainsijusqu’en 1938, La presseannonçait de mauvaisesnouvelles, de l’autre côtédu Rhin on travaillait pourla guerre, et en 1939 elleétait bien là.

Nos deux amis durentse séparer, celui qui avaitquatre enfants ne fUt pasappelé, l’autre dut serendre à Landrecies au18ème Régiment de travailleurs, puis ce fut lecalme plat. “Rien â signa-1er’ annonçait la Radio,cela dura de longs mois.

Puis en mai, ce fut le tonnerre, en quelques joursles Allemands étaientpartout et ce fin la débâcle, les brouettes étaientprêtes pour reprendre laroute, mais pour aller où?Les vieux n’étaient pluscapables de faire un tel effort; ils restèrent chez eux.Notre ami mobilisé étaiten permission â Lesdainpetit village sans importance, il ne fut jamais inquiété, il travailla auchamp d’aviation à Epinoyjusquà la fin des hostilités. L’arrivée des Alliésmit fin à cette tragédiedans nos régions maisplus haut dans les Asdennes, la guerre continuait. A plusieurs repriseson avait sorti les brouettescar les nouvellesn’annonçaient rien de bon.Puis l’aviation alliéel’emporta, la guerre continua au delà du Rhinjusqu’en mai 1945. Ledestin l’avait voulu ainsi.

Jean TORDOIT

Fin

14

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JL.UV.LNLH 1 !Iod! aL Iàie lGCLdr

L’un clos habitants, de fi;ny—Iaucourb, .1. Jean C aLIf, retraiL, an—MVckiw W* - ‘

cien ouvetier (artisan ou ouvrier qui fabrx4uait des navettes de bois) est

l’auteur d’un manuscrit do souvenirs sur la localité de son enfance. doue

en c::trn -une qiteiciuos pares, qu’il n bien voulu fluas co,n:ientor

Vers itu), la bob L 3ravc suc:irJ Lit ociz anarii;ion cane le audrùsis,

et cotte culture toute nouvel:Le rit tout de suite une qrande extension.

Des sucr:ries furent construites, dans des structurer de P &‘oc’ue nui, vet

quelque di.’ic:tions, dc:’rent jue u’1 nos jours.

sans le Canbr6sis, on sonta ainsi si:: sucreries, ce qui ‘>exnit à la

main—d’ oeuvr disponible Ce hi’ ouve: du travail, soit tente cciu1et , soit

tour la dur’e de la fabrication, loreuuc revenait chu Lflll6) :La’ison

anc leu fez’.Lee, il f.’:Lait aussi des équipes noux’ le binage et 1’

arrachage. mon seulement dans le Canhrcs is, niais uns t). an a’aucr regions

de France où on avait iripianté la culture nouvelle. )ane le loirut, par ex

snob. tn fit aussi aï. al à la main—ri’ oeuvre belge, le 3)l0 étant réuté

dur à i’ouvru,c et trz:ail aur. ai: do u ny arta1snt “en “rance”.

I :oare.’;scn’iiuioj:a CUt’ cen:: qui allaient faire lc binages, les

foins et l’arzacha,,e dans 13. 01330k1ï.a±S Ou ans loin.

Goaroc ils ;tai’ent nourrit-na’: le de’ aneur, ! ‘ ara1!t ;uT ils avai est

cné reurésentait un znlai:o suoé:.’ierr celui ou’ils auraient gagné au viir

lar;o . }‘ jri’1t’nteb ‘‘ lo c-ulur - du -a. c- av.:’ re-:’:-sent,u donc une

petite aciélioration. te lei.ut’e oencliti ‘no do vie, nui r .‘:tcient néttnnoifis

acces ‘;i1rnblo3.

Leu nuis d’ tlVCJi’ un :Cuimait. le ‘.rttae en ;o’ange, au léuu, ou au

tres travaux qui et. I’CSCIIGCLOOfiLe u’Ltaient surtout ces sois d’hiver qui

trient lac ‘ilac dur.;, car il Laliait vivre sur les petites éconorn3 quo

l’on avait gagnées pozi.tant la bonne saison.

invention de Jacquard, vers IEOÔ, ‘vaut aie .ort& nue: Lyonnais une

industrie toe:tile .Iui fit la riche-:’n (je leur ;rnnd centre. Par la suite,

les ieà tisser se multi’li.’reat en ranca, et auto. eut à 2o:’.bai:-: eh

Lourcoin’-.

Ligny, un tissage fut construit nar une fasille fortunée d’origi,nt

juive les flevy.

Du coup, la population trouva du travail, avec des salaires qui cor

respondaient avec la via de l’époque. Lu tisseur ga:nait Ceux :ranou par

jour.

Les tissages étaient surtout r:uipéz do :tier; en soie. ±1 fallut

dbuLor peu-dos articles de siquas: la toile, luc tard, avec ui peu do

foreation, le tisseur.; plus qalifiés en vinrent à fuira e p]aie beaux

articles, plus corn:laques. !t heen entendu, les salaires ug.nent±rent.

-iaaucoup de uaysans, n’ayant plus de travaux à faite sondant l’hiver

inctailr:nt chea eu;: un métier e bois, et ils travaillaient pour le comp_

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LE DERNIER NAVETIER

tout ce qu’on lui demanda ce n’est plus aussiJe vais vous raconter cette histoire à ma

grand père Léon Tordoit qui était son frère.

Jean TORDOIT

A cette époque, les tisseurs travaillaientavec des moyens archaïques, chacun avaitson type de métiei c’était toujours quatrepieds plus ou moins bien équarris, pour lereste chacun y allait de son idée, leprincipal était de pouvoir faire de la toile.Pour ce faire, ils disposaient de peu demoyens et le rendement en fin de journéen’était pas énorme quelques mètres et biensûr un peu d’argent. C’était le début dutissage dans nos régions mais uniquementde la toile qui se faisait avec deux ou troislames, le tisseur enroulait son fil de tramesur une planchette bien polie et arrangéepar ses soins et la lançait à la main, tantôtde la main droite tantôt de la main gauche,puis il tirait son battant sur le fil de chaîne.

Vous tous qui avez vu des métiers, vouspouvez vous faire une idée de ce quereprésentait ce genre de travail. Et mieuxc’est que parfois il fallait attendre car lesmoyens de communication étaient nuls, desgens sont nés dans un village sans jamaisen sortir. Cette façon de tisser dura jusqu’àl’arrivée de la navette â roulettes.

L’Ir4vENTION DE LA NAVETTE À ROULETTES

Jean-Baptiste avait deux amis, l’untravaillait chez un artisan menuisier, l’autrec’était Monsieur Rousseau l’horloger duvillage. Ils se voyaient le dimanche soirpour une partie de carte. Ce dimanche là,Jean-Baptiste raconta ses tribulations àl’horloger, celui-ci compris tout de suite cequi l’arrêtait, il lui manquait un tour àroulettes. Monsieur Rousseau lui dit “jesuis en relation avec le représentant de lamaison Japy, c’est un camarade derégïment. Je vais en toucher deux mots, ildoit venir ces jours-ci en allant àMaubeuge chez Sculfort, une maison où

l’on fait la grosse et la petite mécanique.Quand il sera là, je t’enverrai chercher parun gamin.”

Quelques jours après, Jean-Baptisterencontrait le représentant, il lui expliquadans tous les détails ce qu’il voulait faire.Quand il eut terminé, le représentant lui dit

“je vous apporterai un petit tour pour fairevos deux roulettes, des axes pour cesroulettes et des vïs, cela entre dans notrefabrication pour la petite horlogerie,” (Letour, je l’ai toujours gardé).

Jean-Baptiste tâtonna toute la journéepour avoir son tour bien en mains, mais dèsle lendemain matin il était au travail etpour le soir il avait dans ses mains lanavette à roulettes qu’il avait dans les yeuxdepuis des années. Aussitôt il invita sesvoisins tisseurs, ils vinrent voir et furentsurpris du résultat. La navette filait d’unebo?te à l’autre sans casser un seul fil. Celase passait en mai 1848 et, pour la fin del’année, la moitié des tisseurs du villageavait sa navette à roulettes. Le succès futtel que le père et un frère de Jean-Baptistecessèrent de tisser pour l’aider dans sontravail de navetier.

UN NOUVEAU MÉTIER: NAVETIER

La navette avait fait son chemin mais unseul navetier n’aurait jamais suffit, alors unjour un ouvrier qui avait travaillé le boisdécida de faire des navettes, c’était M.Legras d’Avesnes-les-Aubert. Dans cevillage, il y avait 1200 tisseurs travaillanten cave. M. Legras devint un très bonnavetier, sa navette était bien faite maismoins effilée que la nôtre. J’ai beaucouptravaillé avec lui plus tard, il venait cheznous se ravitailler en vis et en axes pour lesroulettes, la maison Japy nous avait donné

En mai 1848, mon grand oncle Jean-Baptiste Tordoit décida de se faire inscrire à la Mairiecomme artisan navetier. Le secrétaire fit le nécessaire et lui demanda une signature et ce fut

simple aujourd’hui..façon d’après les souvenirs que je tiens de mon

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le monopole de cette Fabrication ensouvenir du passé.

Puis il y eu un second navetier M.Lacroix, niais il avait un autre commerce, ilfaisait cela entre deux, il ne valait pas M.Legras. Puis il y eu M. Lefebvre de VillersGuislain, un très bon navetier, lui n’avaitpas fait que copier il avait fait unchangement la brèche levante Cethomme avait une maladie je suis arrivéchez lui un midi à l’heure de la soupe, je levoyais prendre sa cuillère de soupe, il enépanchait plus de la moitié mais une foisqu’il avait ses outils en main il ne tremblaitplus, allez comprendre. J’ai connu le pèreBourlet de Clary, c’était un brave homme,il avait un modèle à lui un peu grossier cardans ce village on tissait plutôt la laine. Jeme souviens de Guyat de Bohain, il aimaitle canon, il n’a jamais fait que réparer, unechique et son canon lui suffisaient. J’aisouvenance du navetier de Joncourt du côtéde Villerct-Flargicourt, il ne se débrouillaitpas trop ma]. Puis il y avait celui deReumont, je l’ai connu assez vieux mais ildépannait encore les tisseurs de sonsecteur. Puis il y avait la Maison Gadel,c’était plutôt l’industriel.

Tous ont copié sur la navette de Jean-y Baptiste mais ne l’on tjarnais égalée. Il

fallait pas mal de navetiers car il fut un jourdénombré 35.000 tisseurs dans une régionallant de Fourmies à Saint-Quentin et deCambrai à Avesnes-les-Aubert et il paraitmême qu’il y en avait plus mais soyonsmodestes.

LÉ0N SUCCÈDE À JEAN-BAPTISTE

A la mort de Jean-Baptiste, ce fut sonfrère Léon qui lui succéda, c’était pour sontemps un bon mécanicien, il fabriquait lui-même ses outils. A cette époque vers 1880,les ouvriers tisseurs sont obligés par laforce des choses de se déplacer parfois detrès loin lorsqu’ils sont en panne et de cefait ils viennent voir le navetier de Ligny. Ilarriva parfois qu’ils se trouvaient ]à à unedizaine et bien sûr ils tenaient à repartiravec le travail fini pour éviter de refaireune dizaine de kilomètres car il en venaitde Lesdain distant de Il kilomètres, deMalincourt, de Villers, de Montigny, deBertry et toujours à pieds. Alors mon oncleet mon père qui avait appris le métier sedécarcassaient pour faire les réparations,

l’ouvrier entre temps allait manger sonchiquet au petit cabaret juste en face.

Léon avait toujours une ou deuxnavettes faites d’avance pour satisfaire unouvrier venant de loin, et tous ces gensvenaient à pied, quand un ouvrier venait deLesdain cela faisait 22 kms aller et retour.Ce ne fut que bien des années après qu’il yeut le vélo, et encore on recherchaitl’occasion pour payer moins cher et cemode de transport ne servait que pour letravail. Quand je fais la comparaison avecles conditions de vie actuelles, quelchangement!

LA COMMANDE DE MONSIEUR DEL1MÀRE

Les années passent, nous voici en 1919du fait que l’électricité n’est pas encorerétablie, les patrons ont recours aux tisseursà main, et le travail ne manque pas mêmepour nous. Ce fut pour nous un faitextraordinaire de voir ce matin d’hiver

,é d’arrêter devant nos fenêtres uneautomobile , un monsieur en sortit quientra dans la cour et se présenta à mononcle. ‘Vous êtes Monsieur Tordoit! Je suisMonsieur Delamare, Ingénieur des Arts etMétiers, désigné par le Ministère desdommages de guerre. Je viens vous voir dufait qu’un délégué de votre région ademandé que ce soit vous qui fassiez lematériel du tissage à main. D’après mesdossiers, il y aurait à faire des mécaniquesarmures, des navettes et d’autresaccessoires de tissage, ce qui représente dutravail pour plusieurs années et uneorganisation à mettre au point. Mon oncledemanda quelques jours de réflexion.Monsieur Deiamare revint troisjours après,mon oncle lui dit “Nous sommesd’accord”. Ils entrèrent dans la pièce à côtéet discutèrent plusieurs heures. Cetteavalanche de travail dura quatre années.

Comme nous devions faire les livraisonsdes mécaniques armures, j’ai eu l’occasionde voir des villages détruits, des maisonsdémolies, là on rebouchait les caves avantde reconstruire, il ne restait par endroitqu’un bout de rue car les obus passaientpartout. J’y suis retourné plus tard, les gensvivaient sous des tôles ondulées. Cestisseurs-là furent les derniers à êtrelivrésquand les maisons furent refaites.Léon n’a pas eua chance de voir tout cetravail fini, il déctéda en 1922, ce fut moi en

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1924 lors de ma première permission quitermina les derniers dossiers.

JEAN TORDOIT DERNIER NAVETIER

Ce fut mon père qui succéda à Léon.Ayant fait une partie de la guerre dans unrégiment de coloniaux, il avait contractéune maladie. Il ne s’en remit jamais. tantôtbien, tantôt mal, au travail il faisait ce qu’ilpouvait. Pour moi, du travailj’en avais plusque je ne pouvais faire. Ces années-làfurent terribles. Mon père, après beaucoupde souffrances, décéda en 1934. J’avais 30ans.

Je dois faire un retour en arrière. J’avaisrêvé d’être marin. Pour ce faire, après montravail, je reprenais livres et compas, jevoulais être ajusteur, à cette époqueajusteur et tourneur étaient de bons métiers.Cela m’a bien réussi. A 19 ans, ayant faitune demande pour la marine, j’ai dû aller âDouai à l’Arsenal militaire pour faire unessai. Je fus reçu comme ajusteur, jepensais avec cela aller dans un arsenalmaritime, mais je fus embarqué sur le JeanBart à Toulon.

Le service terminé, j’ai repris montravail avec mon père, à cette époque iln’allait ni bien ni trop mal. Plus tard en

* 1928 il y euCune petite crise, je décidaisd’aller travailler ailleurs. Je lui avait dit queje viendrais l’aider. Je partis travaillercomme ajusteur dans une sucrerie, puis je

j revinà l’atelier en 1931. En l934mon pèredécède et je lui succède. Cela se passaassez bien jusqu’en 1936.

En 1936 fut décrété la grève générale,les communistes avaient bien choisi lemoment, et tout était bien organisé un lundimatin à l’heure de la rentrée des ateliers. li

,c y eutpartout des piquets de grève , mêmechez les petits patrons, et cela dura environtrois semaines. Les ouvriers rentrèrent dansleurs ateliers sans avoir obtenud’augmentation mais Léon Blum décréta lasemaine de 40 heures et les congés payés.Jamais on avait vu cela, mais la reprise futdifficile et puis petit à petit, les affairesreprirentjusqu’en 1939.

Là ce fut un autre son de cloche, c’étaitla guerre et pour moi c’était la seconde.Tout s’arrêta, plus rien à faire au village.Puis un jour que je me promenais àCaudrv, je rencontrais un ami, on causa unpeu et il me demanda ce que je faisais. Jelui répondis: “rien!”. “Si tu veux du travail,toi qui est ajusteur, va au dépôt de Caudry

tu auras du travail. Le lendemain était unsamedi, je me présentais et, le lundij’entrais au dépôt des machines, j’y suisresté jusqu’en 1945. J’ai ainsi passé laguerre en travaillant, j’étais là très bien.

Tout a une fin, je rentrais dans monatelier, et au lieu de faire des navettes àroulettes, je me suis lancé dans lesaccessoires pour métier mécanique et j’aibien fait car des tisseurs à la main il enrestait peu, cela m’a permis d’aller jusqu’àta retraite, La dernière navette à la mainque j’ai faite, ce fut en 1950, la navette â lamain de Jean-Baptiste avait juste 100 ans.J’en ai encore fait qulques-unes mais pouren faire des souvenirs.

DES NAVEfl’ES DE LIGNY POUR ISPAHAN

Je connaissais déjà Fernand Jacqueminquand il travaillait dans un tissage à Bohain

un jour, il vint à l’atelier et il me dit qu’ilallait partir en Perse, à Ispahan, pourinstaller un genre de petit tissage. Il mecommanda du matériel pour équiper unedizaine de métiers, son père réglerait sesfactures. Je fis faire deux caisses enplanches épaisses avec les dessins qu’ilm’avait laissés, le tout expédié de Marseillearriva là-bas sans casse. Il installa sonatelier, forma lui-même des ouvriers et sonaffaire marcha très bien. Deux allemandsinstallés là-bas, jaloux de son succès, medemandèrent par plusieurs courriers de leurfaire parvenir le même matériel. Je leur airépondu que Jacquemin était français et deplus un ami et que je ne voulais pas luifaire le moindre tort. Affaire classée.

Qui aurait jamais pensé que la navettede Ligny aurait voyagé jusqu’en Perse.

En cejozir par le dernier navelier.