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Le Verfügbar aux Enfers Une Operette a Ravensbrück GERMAINE TILLION COLLECTIF 12 / ENM DOSSIER DACCOMPAGNEMENT

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Le Verfügbar aux Enfers

Une Operette a Ravensbrück

germaine tillion

collectif 12 / enmdossier d’accompagnement’

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sommaire

I - Le Verfügbar aux Enfers Présentation du spectacle

II - Pistes de préparation à la séanceLe texte•Les intentions de mise en scène•Mise en scène, scénographie, costume, lumière•Note d’intention musicale•

III - Pour aller plus loinCourte biographie de Germaine Tillion•Le camp de Ravensbrück•Le vocabulaire spécifique à la pièce•

IV - Infos pratiques

théâtre musical

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cyrano de bergerac

Le Verfügbar aux Enfers est un texte écrit en 1944 par l’ethnologue et résistante Germaine

Tillion, en captivité à Ravensbrück.

Affectée à l’atelier de tri de butin nazi, elle fut ca-chée par ses compagnes dans une caisse d’em-ballage et y rédigea clandestinement l’oeuvre en une quinzaine de jours. C’est un texte de résis-tance qui ne pouvait être joué à Ravensbrück et qui porte dans son écriture et sa construction mêmes l’écho des conditions de sa rédaction.Un improbable "naturaliste" nous y présente de façon fantaisiste et grinçante les caracté-ristiques du Verfügbar, catégorie particulière de prisonnières du camp de Ravensbrück. Un groupe de ces Verfügbar s’étonne de ses conclu-sions "scientifiques" et complète ou contredit en chantant sa vision pour le moins naturalisante justement. Les Verfügbar finissent par prendre définitivement la parole et nous font entendre invraisemblables espoirs et insondables déses-poirs à travers une description cocasse de leur vie.

Un orchestre accompagne cette "opérette / re-vue" inspirée des formes de théâtre musical

populaire dans les années 30. La partition musi-cale du Verfügbar aux Enfers est principalement constituée d’airs et de chants célèbres avant-guerre et qui constituaient la mémoire musicale de Germaine Tillion et de ses compagnes, dont elles ont réécrit les textes pour dépeindre la vie du camp.

De la distance entre la forme, l’opérette, et l’uni-vers, le camp de Ravensbrück, naît cette jubi-lation du spectateur, son rire, non de moquerie mais de complicité, son empathie, non pour la victime mais pour l’être debout, qui renverse l’ordre de l’oppresseur d’un seul trait d’ironie. Le Verfügbar aux enfers est une oeuvre unique dans la littérature concentrationnaire. Oeuvre de résistance, écrite sur les lieux mêmes de l’horreur, elle permet l’évocation de la vie dans un camp de concentration sans entreprendre sa représentation réaliste, bien hasardeuse. Elle met en scène des femmes revendiquant, par le rire, le chant et l’imaginaire, leur humanité pleine et entière, réfutant la fatalité de leur condition d’êtres sans destin.

Presentation du spectacle

3Dès

12 ansDurée1h30

Le Verfügbar aux Enfers

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Piste de preparation a la seance.

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le texte

Le texte a été écrit à l’automne 44 au moment où les détenues françaises disponibles pour le travail (Verfügbaren) furent affectées au Bekleidung, le kommando de déchargement et de tri de butin de Ravensbrück.Ecrite sur un cahier de papier volé par une détenue Tchèque, le texte se présente sous la forme d’un petit carnet d’une centaine de pages. Il fut sorti de Ravensbrück par une codétenue de Germaine Tillion à la Libération et demeura inédit jusqu’en 2007 (création au Théâtre du Châtelet, Paris).Le titre fait allusion à Orphée aux Enfers, opérette d’Offenbach, étant elle-même une parodie de l’opéra de Glück, Orphée et Eurydice. Germaine Tillion inscrit directement son projet dans une intention satyrique et légère, comme le confirme le sous-titre : « opérette-revue en trois actes ».C’est un regard décalé et distancié sur les

conditions de vie au camp que veut produire Germaine Tillion, qui fait partie de son combat quotidien pour refuser la déshumanisation systématique organisée par les Nazis. Pour cela elle utilise l’humour, la fantaisie, l’absurdité des situations et des discours, et la forme chantée. Elle pastiche des airs célèbres de l’époque avant-guerre, qui sont chantés alors quotidiennement par les détenues françaises. Elle construit ainsi une revendication identitaire forte à partir d’une culture commune, qui devient le support à un regard libre et lucide sur la vie à Ravensbrück, une célébration de la résistance quotidienne.Le texte est construit en trois actes précédé d’un prologue et est resté inachevé. Il commence comme une "revue" drôle et vive, prenant à partie le public (Acte 1). Le rapport au public disparaît dans l’acte 2 et l’acte 3 et c’est l’évocation des espoirs et des désespoirs qui devient le moteur de la pièce.

Sans souci de représentation scénique réelle, Germaine Tillion introduit un grand nombre de personnages de détenues inspirées par ces compagnes, de groupes de personnages caractéristiques du camp, et un personnage imaginaire de conférencier, savant ridicule :- Le Choeur des Verfügbar, principal personnage de la pièce, détenues françaises- Le Choeur des Julots, détenues de droit commun et "lesbiennes"- Le Choeur des Cartes Roses, détenues dispensées de travail pour infirmité ou maladie

Acte 1 : PrintempsC’est la revue. Le Naturaliste en est le centre, essayant d’imposer sa vision du Verfügbar comme nouvelle espèce naturelle, issue du croisement entre "un gestapiste et une résistance femelle".Les Verfügbar, plutôt à l’écoute au début, manifestent peu à peu leur opposition à sa vision absurde, caricature du scientisme avec lequel Germaine Tillion était très sévère en tant qu’ethnologue. Chaque proposition du Naturaliste est interrompue, illustrée ou contestée, par des chants. Au milieu de l’Acte apparaissent les Julots, qui manifestent la différence des conditions au sein même du camp. L’Acte se finit sur le ballet des Cartes Roses, dansé sur La danse macabre de Camille Saint-Saens.

Acte 2 : EtéLes Verfügbar travaillent au terrassement (Planierung). Le Naturaliste disparaît peu à peu, dans cet acte marqué par les chants de route et mélancoliques et les descriptions fantastiques de repas. La revue est devenue évocation des conversations et des échappées imaginaires.

Acte 3La scène se tient au Bekleidung, où les Verfügbar trient le butin, et où Germaine Tillion a en réalité écrit le texte. L’atmosphère est toujours à la Résistance, mais plus sombre marquée de façon plus concrète par les horreurs du camp et le risque de renoncement et de mort qui guette chaque prisonnière.

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les intentions de mise en scene

Il y a quelque chose d’intimidant à monter une oeuvre telle que Le Verfügbar aux enfers. Écrit clandestinement, c’est à dire en risquant la torture et la mort, par celle qui sera une des grandes figures de la scène intellectuelle française, décrivant avec humour et ironie une réalité devant laquelle nous ne savons souvent aujourd’hui que nous incliner avec respect ou conformisme, le texte a été gardé dans un tiroir par Germaine Tillion, qui en craignait probablement les interprétations révisionnistes.Il nous a semblé tout de suite pourtant que, par sa dimension archéologique plus qu’historique,ironique plus que dramatique, Le Verfügbar aux Enfers était bien plus qu’un témoignage étonnant — exotique ? — sur la vie des camps, qu’il ouvrait une voie entre l’hommage obligé, la compassion mélodramatique et la reconstitution inutile ou scandaleuse. Construisant en fiction, l’opérette-revue, la description d’une réalité inatteignable pour nous, inventant une compréhension absurde, le discours réïficateur du naturaliste, de cette réalité, utilisant une mémoire musicale la plus accessible pour y glisser cette réalité,

Germaine Tillion met l’imaginaire des Verfügbar en partage.Cet imaginaire est ancré dans notre monde, il provient de la "vie d’avant", il nous est, lui, accessible, quand la réalité quotidienne des "concentrationnaires" reste lointaine, refroidie par le discours historique, insaisissable par notre seule empathie.Nous montons donc le texte comme un rêve, parfois cauchemar : nous projetons les comédiennes-chanteuses dans le rêve, la fiction, des Verfügbar, où dans l’entrelacs de signes et de sensations surgiraient à la fois la violence indescriptible du camp et l’appel à la résistance. C’est ce qui nous a conduit à demander à réarranger l’ensemble des chants pour des chanteuses lyriques : le rêve provocateur des Verfügbar est d’abord de faire de leur vie au camp une opérette !Nous avons aussi imaginé un univers scénique où les signes réalistes, les symboles ambigus, les événements a priori absurdes, se mêlent et s’enchaînent pour notre plaisir de spectateur. Mais aussi pour inquiéter nos certitudes humaines et politiques, pour ne pas oublier que les camps, ce n’est pas qu’une question de mémoire consensuelle, c’est d’abord une possibilité toujours actuelle.

Vous, qui lisez ceci, vous devez faire l’effort d’imaginer des scènes d’épouvante, mais nous qui les vivions, c’est le monde des vivants qu’il nous fallait imaginer pour entretenir cette indignation brûlante qui était notre seule force, juste milieu entre la haine aveugle et

l’aveugle abandon de soi, cet assoupissement qu’on appelle résignation, auquel l’extrême faiblesse physique n’incline que trop.Ravensbrück, Germaine Tillion

Il ne faut pas oublier quelle fut la première et inoubliable vision d’un camp de concentration pour celui qui arrivait. Je ne veux me souvenir que de celle du camp de Mauthausen, la nuit, surgissant d’une colline sous l’éclatante lueur des projecteurs. […] Il y avait le

côté « frappant « du décor révélé par une mise en scène très « expressionniste «, et surtout cette tournure cataleptique que prenait soudain ce monde absent et retiré. Dans nos rencontres avec les camps tout paraissait beaucoup plus imaginé que vécu ; on mourait

sans savoir d’où venait le coup. [...] De la vie qu’on voulait bien nous laisser, on ne nous faisait vivre qu’une certaine hallucination, un dépaysement savamment entretenu soit par les appels, soit par les cérémonies expiatoires, soit par les scènes de désinfection où le

grotesque, l’effrayant, l’absurde se mêlaient ; nous entrions dans une féérie noire et nous portions en nous la seule réalité rayonnante : la réalité de nos rêves.

Les rêves lazaréens, Jean Cayrol

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Le texte comme un rêve/un cauchemar. Nous rentrons dans le rêve de Germaine Tillion et ses compagnes. Le rêve, ce n’est pas l’onirisme, c’est le réel qui se réorganise, les signes qui sedécalent, les sens qui s’additionnent. A travers le rêve on perçoit le réel repassé au filtre de la perception. C’est la perception des Verfügbar, c’est la perception des comédiennes-chanteuses.Il ne s’agit pas de faire un spectacle sur l’expérience concentrationnaire, il s’agit de rendre compte de l’effort d’une communauté pour arracher un espace de vie alors que tout autour condamne à la survie.Pour les comédiennes, ne pas chercher à ressentir a priori, ne pas tenter de se glisser dans une peau, aucune préparation dramaturgique ou physique ne permet d’appréhender la situation originelle.Suivre le texte à la trace, tourner autour du personnage avec délicatesse, comme un archéologue manipule un fragment de poterie pour avoir une idée du tout.Les comédiennes rentrent dans l’univers de Ravensbrück à travers l’ironie, le chant, la confrontation au naturaliste et à son discours suffisant et absurde.Les comédiennes incarnent les Verfügbar qui se rêvent actrices et chanteuses. Elles se laissent traverser par le texte qui donne les images de la réalité du camp, elles prêtent leur corps, leur voix, leur savoir-faire au spectacle imaginé par Germaine Tillion.

Leur costume est coloré, bien coupé, qui convient à la représentation d’une opérette, il s’enrichit au cours du spectacle, respectant la didascalie de Germaine Tillion, mais il porte dans le dos lacroix tracée au minium qui en fait immédiatement une tenue du camp.

Le Naturaliste est une incarnation née du rêve/cauchemar des prisonnières. Il leur explique leur propre vie, mais tient un discours absurde et réifiant à la fois. Il s’agite, tire la couverture à lui, veut toute la lumière. Sa conférence se transforme en un numéro de transformiste, où chacun de ses costumes (Monsieur Loyal, Obstétricien, Médecin, Blokova, Officier en casque colonial, Guide touristique...) porte une dimension du personnage tel qu’il apparaît aux Verfügbar.

La scénographie est simple, un petit théâtre dans le théâtre, des caisses de l’atelier de tri de costumes de Ravensbrück, des rideaux. Mais les signes, les détails sont interpolés,

décalés, comme dans le rêve. L’univers de la revue et l’univers du camp se télescopent, s’additionnent, ouvrent aux interprétations, renvoient au sens par le symptôme ou le détail disproportionné. On cherche le sens par la

mise en scene, scenographie, costumes, lumiere

Les Filles

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sensation, par le rapport ou l’écart entre les signes.

La lumière accompagne ce télescopage, transformant sans cesse l’espace du plateau, tantôt scène illuminée d’opérette, tantôt scène expressionniste traversée de faisceaux qui renvoie à la mise en scène des camps par les Nazis eux-mêmes. Elle renforce la dimension mouvante et inquiétante du rêve.Le prologue se fait devant un rideau fermé. Rideau en voile qui laisse deviner le mouvement sur le plateau, la présence des musiciens, du choeur. Rideau-écran devant lequel les comédiennes- chanteuses arrivent par la salle, sur lequel elles projettent quelques photos du camp. Partir de la représentation documentaire qui renvoie à l’horrible réalité. Mais cette représentation ne donne pas accès au réel. Le Verfügbar aux Enfers est un acte de résistance écrit comme un rêve.Décoloniser ses rêves. En franchissant le rideau-écran, qui masque en montrant, les chanteuses se glissent dans l’imaginaire de Tillion et des Verfügbar. Interpréter le rêve, en actes et en chants, en faire entendre la douleur et l’énergie, en chercher la trace dans l’imaginaire d’aujourd’hui.

L’espace de l’Acte 1 est celui d’une revue des années 20/30 : peu de profondeur, on joue devant un rideau qui peut-être s’ouvrira pour l’entrée des Julots ou des Cartes roses. A jardin les musiciens, sur une moquette rouge, comme extraits d’une fosse d’orchestre, et derrière eux une petite scène dont les deux rideaux rouges encadrent peut-être la sortie des Enfers...Le rideau de fond est à rayures noires et bleues, comme le tissu des premiers uniformes de

détenues à Ravensbrück, un triangle rouge immense y est cousu, celui des prisonnières politiques du camp. Le reste de la scène est presque vide, sauf quelques caisses, celles de l’atelier de tri de butin où a été écrite la pièce, elles viennent de paris, Varsovie, Prague... Dans ces caisses le naturaliste piochera des accessoires, des décors, des costumes...

L’Acte 2 continue la revue en théâtre, en opérette. L’espace se transforme. Les mouvements de machinerie, de rideaux, l’apparition du ciel bleu sur un cyclo, reconfigurent l’espace du rêve. Ilsmanifestent l’apparent arbitraire tout en instillant de nouvelles sensations : l’espace de la scène qui s’approfondit, comme un travelling dans les méandres de la mémoire, les éléments de l’Acte 1 suspendus maintenant ou effondrés au sol, comme la possibilité que tout retombe, que le spectacle lui-même s’effondre ? Ou comme

Les Julots

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la menace de l’écrasement par le système du camp de concentration, le dispositif destructeur et volontairement absurde de l’oppression nazie ? Derrière les musiciens, plus de théâtre mais une image documentaire : photo générale du camp de Ravensbrück. Notre rêve n’est pas révisionniste, il est ancré dans l’histoire et le témoignage..

Pour l’Acte 3, c’est l’atelier de tri de butin qu’évoque soudain notre espace, c’est l’atmosphère de clandestinité qui s’installe dans le théâtre épuisé du rêve d’opérette. Le ciel bleu du lointain est une toile peinte qui ne fait plus illusion, presque entièrement détachée de sa perche et qui révèle le mur de fond du théâtre. La caisse en suspension est devenue un surréaliste appareil d’éclairage, diffusant sa lumière de tube fluorescent sur une petite partie du plateau à cour, où sont rassemblées les Verfügbar.Les autres caisses sont ouvertes, et s’en est échappé un bric à brac d’objets personnels et de vêtements, butin ramené quotidiennement de toute l’Europe par la machine économique SS.L’écran derrière les musiciens n’est plus qu’une fenêtre laissant passer une faible lumière extérieure, et les musiciens eux-mêmes sont dans une demie-obscurité, fantômes du rêve, et possible orchestre de jazz qui accompagnera le libérateur américain, désespérément attendu par les prisonnières.

Laurent Vergnaud et Frédéric Fachéna, directeurs artistiques

Le naturaliste

Le Choeur

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note d’intention musicale

Un directeur musical face à une partition telle que le Verfügbar aux enfers ne peut que s’interrogersur la place qu’il a à prendre. En effet, pour donner un corps solide à ce patchwork d’airs classiques connus et de chants populaires de l’époque, dont on a effacé les textes d’origine pour y associer les paroles de Germaine Tillion et de ses compagnes, il faut à la fois une culture musicale solide et quelques références mais aussi l’ouverture d’esprit du néophyte qui découvre, par exemple, l’air de « la chicorée Villot «, composé en 1932 par un illustre inconnu. Mon principal souci est de rendre à chaque extrait son authenticité, sa couleur originelle afin que le processus de « citation « fonctionne, même auprès d’un public d’aujourd’hui ne possédant pas les mêmes références qu’à l’époque. C’est pourquoi j’ai proposé à Pierre Feyler, compositeur et contrebassiste de repartir avec moi du matériau thématique original de chaque extrait et d’en faire naître des tranches de musique contrastées mais fidèles.Le choix de réécrire l’ensemble pour six instruments très « caractérisés « nous permet, avec un effectif scénique restreint, de disposer de toutes les familles d’instruments et de leurs spécificités.Ainsi la harpe et l’accordéon assurent en alternance un rôle polyphonique primordial ; le folklore allemand trouve son timbre particulier avec le tuba, l’influence de la musique outre-atlantique s’éprouve avec la clarinette et ses utilisations plurielles (flatterzunge, bruits de clés, usage de la clarinette basse) et enfin les deux instruments à cordes (violon et contrebasse) assurent à la fois la base « classique « nécessaire à certaines pièces mais aussi parfois le côté populaire, lorsqu’utilisés en pizzicati, en glissandi, en sons écrasés ou encore en saltati.Ces musiciens, intégrés au dispositif scénique, joueront sans chef afin de développer entre eux et le plateau une écoute optimale et une meilleure communion d’intentions. Contrairement à l’opéra où, la scène orchestre, à une semaine de la première, peut venir perturber le chanteur, les six musiciens seront présents dès le début des répétitions, mêlés à la réflexion, et parcourront ainsi avec toute l’équipe l’aventure de création.

Recrutées à la fois pour leurs qualités vocales et leur solide expérience du théâtre, les six chanteuses solistes auront comme premier objectif de porter un texte intelligible, passant de la voix chantée à la voix parlée comme deux moyens d’expression complémentaires et indissociables.La collaboration avec le Conservatoire à Rayonnement Départemental de Mantes-en-Yvelines nous permettra de leur adjoindre un choeur de six élèves chanteuses avancées, qui viendra gonfler par moments l’effectif de ces femmes résistant par la musique.Le lien étroit, voire indissociable, de la musique et du texte réécrit par Germaine Tillion m’a mis en immersion immédiate dans la réflexion de mise en scène et c’est dans un échange constant avec Frédéric Fachena et Laurent Vergnaud que la « mise en musique « a pris forme. En filigrane, tout au long de l’oeuvre, l’empreinte musicale de Pierre Feyler aura pour effet principal d’accentuer les formes originelles en les poussant plus loin (ajout de polyphonies, complexifications rythmiques, jeux sur les textes) et de développer ainsi davantage le pur plaisir vocal et musical. Les chants prendront ainsi encore plus le contre-pied des mots et de la situation d’écriture de Germaine Tillion et de ses compagnes de camp : inventer une véritable « opérette» pour recréer la vie, là où on s’efforce de l’étouffer.

Frédéric Rubay, directeur musical

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Pour aller plus loin

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courte biographie de germaine tillion

Germaine Tillion est née en Haute Loire en 1907, elle est décédée le 19 avril 2008.

Issue d’un milieu intellectuel catholique, elle fait des étude de sociologie et d’ethnologie, suivant l’enseignement notamment de Marcel Mauss. Entre 1934 et 1940, elle effectue quatre très longues missions d’ethnographie dans le massif de l’Aurès, dans le sud algérien, auprès des populations Berbères Chaouies.

En 1940, de retour à Paris en juin, elle partcipe aussitôt à la fondation du "Réseau de résistance du Musée de l’Homme", l’un des tous premiers mouvements de la Résistance. De 1941 elle dirige le réseau, avec le grade de commandant,

jusqu’à son arrestation sur dénonciation, le 13 Août 1942. Elle est emprisonnée à Fresnes puis déportée à Ravensbrück en Octobre 1943.Au camp, où sa mère sera gazée en mars 1945, elle décide d’emblée de maintenir sa ligne de conduite : "ester partout l’ennemi de ses ennemis". Elle est Verfügbar (disponible), évitant d’être affectée à des ateliers, même si cela lui vaut d’être très souvent attelée au "Rouleau" des équipes de terrassement. Elle utilise ses techniques d’ethnologue pour observer la vie du camp, et en décrypter le fonctionnement idéologique et économique. Elle encourage ses compagnes de détention à préserver le plus possible leur esprit, organisant des conférences ou des récits de ses voyages.

Le Verfügbar aux Enfers, seul texte de fiction de l’auteure, est écrit dans ces conditions et avec cet objectif : résister c’est refuser de participer à l’effort de guerre allemand, c’est saboter le travail dans les ateliers, c’est étudier et maîtriser le fonctionnement du camp, mais c’est aussi préserver sa liberté de pensée, sa mémoire culturelle, et sa capacité à rire. Après-guerre Germaine Tillion publie son étude sur le camp, réactualisée deux fois en 1973 et 1988 et connue sous le titre Ravensbrück.

En 1955, elle retourne en Algérie ou elle fonde les centres Sociaux, dénonce la misère de la population, analyse les dysfonctionnements de la société coloniale, proteste contre l’usage de la torture.

Germaine Tillion a consacré une bonne part de sa vie à étudier le système concentrationnaire et à s’élever contre toutes les violences politiques. Elle obtient ainsi la mise en place d’un système d’études en prison, dont elle est visiteuse, elle signe une protestation contre la deuxième guerre d’Irak,... Mais elle n’a publié qu’en 2005 le texte du Verfügbar aux Enfers.

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le camp de ravensbrück

C’est au nord de Berlin, dans le Mecklembourg près de la petite ville de Fürstenberg et du lac du même nom que les nazis ont construit le camp de concentration de Ravensbrück. Celui-ci ouvre ses portes dès le mois de mai 1939 pour accueillir ses premières prisonnières, d’abord allemandes et autrichiennes, témoins de Jehova, politiques, asociales ou droit commun. Ce camp de femmesrecevra jusqu’au mois d’avril 1945 près de 110 000 personnes de toute l’Europe occupée par les nazis, en majorité résistantes mais aussi personnes à éliminer : juives, femme-soldats de l’armée Rouge.Outre les administrateurs nazis masculins, le personnel du camp comprenait plus de 150 gardiennes SS. Ravensbrück fut également un des premiers camps d’entraînement pour les gardiennes SS.Les autorités SS soumettaient périodiquement les prisonniers du camp à des «sélections» au cours desquelles les détenues considérées comme trop faibles pour travailler étaient isolées puis assassinées. Au début, les prisonnières «sélectionnées» étaient abattues. À partir de 1942, elles furent transférées dans des centres de mort par «euthanasie» au camp d’extermination d’Auschwitz-Birkenau. Le personnel SS assassina également quelques prisonnières dans l’infirmerie du camp par injection mortelle. Les cadavres de celles qui avaient été tuées dans le camp étaient brûlés, jusqu’en 1943, dans un four crématoire proche de Fürstenberg. Cette année-là, les autorités SS construisirent un crématoire à proximité de la prison du camp. À l’automne 1944, les SS ajoutèrent une chambre à gaz à côté du crématoire. Les Allemands ont gazé plusieurs milliers de prisonnières à Ravensbrück avant la libération du camp en avril 1945.À partir de l’été 1942, les médecins SS soumirent les prisonnières du camp de concentration de Ravensbrück à des pseudo expériences médicales. Les médecins SS expérimentèrent des traitements contre les blessures avec différentes substances chimiques (telles que le sulfanilamide) pour prévenir les infections. Ils testèrent également différentes méthodes de fixation et de transplantation des os ; de telles expériences comprenaient des amputations. Les SS sélectionnèrent près de 80 femmes, dont des Polonaises et des Françaises, pour ces expériences.La plupart en moururent. Les survivantes souffrirent de dommages corporels permanents. Les médecins SS procédèrent également à des

expériences de stérilisation sur des femmes et des enfants, dont de nombreux Tziganes, pour mettre au point une méthode efficace de stérilisation.

LES KOMMANDOS DE RAVENSBRÜCKLes SS soumirent les détenues de Ravensbrück au travail forcé, principalement dans des projets agricoles ou dans l’industrie locale. Vers 1944, l’Allemagne s’appuyait de plus en plus sur le travail forcé pour la production d’armement. Ravensbrück devint le centre administratif d’un réseau de plus de 40 sous-camps avec près de 70 000 détenus, pour l’essentiel des femmes. Ces sous-camps, dont beaucoup étaient installés à côté des fabriques d’armements, étaient répartis à travers toute l’Allemagne, de l’Autriche, au sud, à la Mer Baltique, au nord. Certains camps fournissaient également des prisonniers pour le travail sur des chantiers de construction ou pour déblayer les décombres dans les villes détruites par les attaques aériennes alliées. Les SS construisirent également des usines près de Ravensbrück pour la production de textile et de composants électriques.

LA LIBÉRATION DE RAVENSBRÜCKFin mars 1945, les SS évacuaient Ravensbrück, imposant à plus de 20 000 prisonniers une marche de la mort vers le nord du Mecklembourg. Les troupes soviétiques dans leur avance croisèrent la route de la marche et libérèrent les prisonniers. Peu avant l’évacuation, les Allemands remirent plusieurs centaines de prisonnières, essentiellement des Françaises, aux représentants des Croix Rouge suédoise et danoise. Lorsque les troupes soviétiques libérèrent Ravensbrück, les 29 et 30 avril 1945, ils y trouvèrent 3 500 détenues malades et affaiblies.

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le vocabulaire specifique a la piece

APPEL DES CARTES ROSES : les tricoteuses-carte rose faisaient l’appel du travail sur l’allée centrale du camp avant de regagner leur block. Les Verfügbar s’infiltraient dans leurs rangs et s’échappaient en courant pour arriver les premières aux meilleures places : près du poêle, coin avec tabouret, lit du fond loin du regard de la blokova.

APPEL DES INEDIENST : le Verfügbar pouvait se faufiler dans le petit groupe des malades qui n’avaient pas été admis à l’infirmerie mais qui avaient obtenu un billet les autorisant à rester au block au lieu d’aller travailler. Ils étaient alors de « service intérieur «, Innendienst. Le billet, comme la malade, s’appelait Innendienst.

APPEL DES TRICOTEuSES : Les tricoteuses, détentrices d’une carte rose, devaient aussi faire le second appel du matin, l’appel du travail, sur l’allée centrale du camp, avant de regagner leur block. Un Verfügbar audacieux pouvait se faufiler dans leurs rangs. L’appel général, dit Zählappel, pour compter (zählen) la totalité des détenues, avait lieu deux heures plus tôt, soit à 4 heures du matin, devant chaque block, sur dix rangs, les petites devant et les grandes derrière.

ARBEIT-ERSATz : en réalité Arbeitseinsatz, bureau d’embauche du camp. Jeu de mots avec l’ersatz de travail qui serait un succédané de travail comme il y avait pendant la guerre des ersatz de sucre, de confiture, de miel, de caoutchouc, etc. Les Verfügbar ne fourniraient que de l’ersatz de travail.

ASPIRINE : autre surnom des Aufseherin.

AuFzEhRIN : transcription à la française de Aufseherin, gardienne.

BARTh : Kommando au bord de la mer Baltique où les détenus, hommes et femmes, travaillent pour les usines d’aviation Heinkel. Réputé très dur.

BEKLEIDuNG : entrepôt de vêtements. En réalité, entrepôts pour tout le butin du pillage SS à travers l’Europe occupée : vêtements, literie, vaisselle, pianos, médicaments, rideaux, etc. Ce butin remplissait de nombreuses halles, immenses ; les prisonnières devaient en décharger et trier le contenu. Le butin arrivait par wagons entiers et les françaises avaient surnommé la colonne du Bekleidung : les wagons. Germaine Tillion fut un beau jour attrapée et contrainte d’aller auxwagons. C’est là que, cachée dans une grande caisse et protégée par ses camarades, elle écrivit son opérette.

BLOKOVAS : Argot tchèque universellement utilisé pour désigner les Blockälteste, c’est à dire lesdétenues chefs de block.

BLOK 32 : Pour block 32. Germaine Tillion, détenue NN, y fut affectée de février 44 à janvier 45 ; il était tout au fond du camp, le dernier. A partir de janvier 45, le block 32 fut entouré d’une clôture de barbelés et on y enferma les jeunes mères avec leurs bébés, dont une partie disparue.

BOuNEKèRE : francisation avec l’accent du Midi, du mot allemand bunker, cachot, bâtimentcellulaire à l’intérieur du camp.

BROuETTES : appelées aussi « tragues « (du verbe allemand tragen, porter), les brouettes étaient delourdes caisses munies de poignées pour que l’on puisse les porter à deux. Vides, elles étaient déjà très lourdes. Pleines, elles étaient impossibles à soulever. Les détenues vidaient en cachette une partie de leur contenu pour pouvoir les porter.Bunker : bâtiment cellulaire, le cachot.

BuFFON : (1707-1788), auteur d’une célèbre Histoire naturelle.

Bz ET Az : Allusion aux deux ailes des blocks, séparées par l’entrée et le bureau de la chef de block SS. On disait aile A et aile B (flügel A et Flügel B) ou A Seite et B Seite, entendu AZ et BZ par les françaises.

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ÇA NE SERT à RIEN : ça ne sert pas l’effort de guerre.

CAPRICE : Amoureux de passage

CARTE ROSE : Carte-dispense de travail pour les personnes âgées.

CAThERINE : Cette blockova, en réalité Käthe, allemande de droit commun au triangle vert, était internée depuis très longtemps. Moucharde du commandant, elle était affectée au block des NN où se trouvait Germaine Tillion. Brutale et dangereuse, elle haïssait tout spécialement Germaine. Cercle d’étude : autour de Germaine Tillion, ses camarades réservaient leur place pour l’entendre raconter « les origines de l’humanité «, ou encore telle découverte sur la préhistoire, ou encore telle anecdote de ses missions dans les Aurès, aux confins du Sahara.

C’EST L’APPEL : pour Zälhappel, appel ordinaire où l’on comptait les prisonnières, Block par Block.

CLOVIS : coquillage comestible.

ChAISE CuRuLE : Chaise d’honneur réservée aux plus hauts magistrats de la Rome antique

COIFFE-TOuT ET CAChE-TOuT : les françaises traduisaient ainsi le mot allemand qu’elles entendaient : Kopftuch, foulard de tête.

CQFD : Ce qu’il fallait démontrer. Ancienne formule utilisée en mathématiques, passée dans lelangage familier pour souligner une évidence.

CRAINTE PANIQuE DE SE FAIRE SOIGNER : Car se faire admettre à l’infirmerie ou dans un block de malade, c’était s’exposer à être liquidé d’une piqûre ou sélectionné pour la chambre à gaz.

DARwIN : Le principe, posé par Darwin, de la sélection naturelle des espèces était parfois admis par les « finalistes « comme une « cause finale « d’ordre métaphysique.

DOuBLES FORChES : pour Bibelforscherin, scrutatrices de la Bible ou témoins de Jéhovah. Parfois, ces personnes suivant aveuglément une interprétation de la Bible, refusaient d’aller à l’appel. Les SS les y trainaient de force, sous les coups, dans des voitures à bras tirées par des prisonnières, sous les vociférations des gardiennes, des chiens...

FABRE : (1823-1915), entomologiste, surnommé l’Homère des insectes.

GRILLER DES TARTINES : comble du luxe : arriver à faire griller un reste de pain dur contre le poêle du block dans la bousculade et les cris.

hARICOT : SS en uniforme vert.

JuTEux : argot de la caserne pour adjudant.

KLEPSI-KLEPSI : argot de camp pour « chaparder «. Curieusement, les allemands utilisaient dans lemême sens l’expression françaises « comme ci, comme ça «.

KOPFTuCh : foulard de tête.

LA BAIGNOIRE : Supplice de la baignoire. Les gestapistes déshabillaient de force leur victime et l’immergeaient dans une baignoire d’eau froide, lui maintenant la tête sous l’eau. Quand la victime se débattait, les gestapistes lui lâchaient la tête et posaient leurs questions. En l’absence de réponses, ils recommençaient le manège. Parfois, ils lui liaient les pieds et les mains.

LAGER POLIzER : en allemand Lagerpolizei, étaient les détenues auxiliaires des SS pour la police du camp.

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LANDRu, wEIDMANN, LE VAMPIRE DE DÜSSELDORF : Tueurs en série s’attaquant aux femmes. Tous trois furent condamnés à mort et exécutés, les deux premiers à Versailles en 1922 et 1939, le troisième à Düsseldorf en 1931.

LL : lesbienne en argot de camp.

LORD-MAIRE : l’authentique Lord Mayor de Corck (Irlande), Terence MacSwiney, militant de l’indépendance irlandaise, mourut en prison en 1920, après deux mois de grève de la faim.

L’ORIENT ET L’OuEST : les armées alliées

LuBLIN : Camp situé à côté de la ville de Lublin, au sud-est de la Pologne, appelé aussi Maïdanek. Construit en 1941, ce camp de concentration devait devenir un camp géant pour servir de base à la colonisation nazie jusqu’à l’Oural. En 1942, pourvu de chambres à gaz et d’immenses charniers, il servit aussi de camp d’extermination immédiate.

MELEDOuNK : francisation, avec l’accent du midi, du mot allemand Meldung : avertissement transmis à la gardienne-chef qui décidait de la punition.

MAGENDAM CATARR : Prononciation à la française de la maladie universelle du camp : le Magen- Darm-Katarr, gastro-entérite qui dégénérait en dysenterie chronique.

NAChKE L : Rabio, rab. Littéralement : l’après-louche. Nicht nachkel : pas de rab.

NN : Nacht und Nebel. Les détenues NN étaient affectées au Block 32, avec les jeunes survivantes polonaises des « expériences médicales « et tout un groupe de prisonnières de guerre soviétiques. Elles n’avaient pas le droit d’aller travailler en dehors du camp, pas le droit de correspondre sur la carte réglementaire avec leurs familles, pas le droit de recevoir des colis. C’est à la libération qu’elles ont appris qu’elles devaient à tout moment rester à la disposition des bureaux de la Gestapo du camp, qui pouvait recevoir l’ordre de les faire disparaître, en vertu d’un décret du général Keitel de 1941. C’était une mesure de terreur imaginée par Hitler pour que la résistance ne puisse pas honorer ses héros, perdus corps et biens.

OFFICIERINE : adaptation française de Aufseherin, gardienne.

PLANIRuNG : pour planierung, du verbe allemand planieren, aplatir. Ensemble des travaux de terrassement.

PLINE : dit Pline l’Ancien (23-79), auteur d’une Histoire naturelle en trente-sept volumes.

POSER : Punition qui consiste à laisser les femmes debout 2 heures, 4 heures, 6 heures et jusqu’à 24heures de suite.

POuF : puff en allemand vulgaire : bordel.

PRIME DE NOuRRITuRE : C’est la tranche de pain que l’on recevait si l’on acceptait d’aller travailler. Mais comme le Verfügbar refusait le travail...

REVIER : Infirmerie

ROMAINVILLOISE Ou COMPIèGNOISE : Le fort de Romainville et le camp de Compiègne, situés dans la région parisienne, servaient de lieux de transit entre la prison et la déportation.

ROuLEAu : Énorme rouleau en béton auquel étaient attelées une dizaine de femmes par des cordes. Il s’agissait d’aplanir le sable ou le sol des allées du camp recouvertes de scories noires.

ROuQuIN : commandant SS du camp qui était roux, Fritz Surhen

RuE DES SAuSSAIES : Un des bâtiments du ministère de l’Intérieur à paris, réquisitionné par la Gestapo.

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SALSIFIS : médecin SS qui « examinait « les malades de loin, assis sur une table, jambes pendantes, pendant que les femmes défilaient nues devant lui.

SChLAFT COLONNE : De schlafen, dormir. Equipe de travailleuses de nuit qui dormaient dans la journée.

SChLOuSSE : pour der Schluss : la fin. Pour les françaises, guetter si cela va bientôt « schlousser « c’est attendre bientôt le cri annonçant la fin du travail : « Schluss !».

SChNELL, LOS, RAuS : Interjections allemandes : vite, allez, ouste sortez.

SChwESTER ERICKA : Une Schwester, en allemand, est une infirmière, mot hérité des religieuses, des «soeurs «. Il y avait à Ravensbrück deux ou trois infirmières officielles rattachées à la SS, dont la Schwester Ericka, qui n’hésitait pas à tuer certaines malades d’une piqûre. Il y avait même une Oberschwester, une infirmière en chef, nommée Marshall, spécialement brutale, qui présidait aux sélections et désignait celles qui devaient mourir.

SE FAIRE RAOuSTER : se faire sortir, de l’expression allemande raus (sortez ! Ouste!).

SIEMENS : Les usines Siemens de la région de Berlin avaient demandé à la direction de Ravensbrück de la main d’oeuvre féminine quand le gouvernement leur a pris « leurs juifs « pour les « transporter à l’est « c’est à dire pour les assassiner. Des ateliers Siemens ont alors été créés dans des baraques contiguës au camp.

SOuPOVA : pour les françaises c’est la Stubova (chef de chambrée en argot tchèque) qui distribuait la soupe.

STRAF-BLOCK : Block disciplinaire où l’on enfermait les détenues coupables d’infraction au règlement intérieur du camp ou des prisonnières politiques à surveiller spécialement. La majorité des détenues étaient des asociales allemandes, spécialement brutales et s’affichant comme lesbiennes. Le strafblock, entouré d’une clôture de barbelés spéciale, était le paradis des « julots «.

STRASS-BLOK : prononciation française du Strassblock, block disciplinaire, d’où une confusion constante avec Strasse (route, rue, trottoir).

STuBOVA : Argot tchèque pour Stubendiesnt, chef de chambrée. Prononcer « chtoubova «. Chaque block était séparé en deux immenses chambrées surpeuplées, équipées de châlits sur trois étages et abritant chacune trois cents détenues au lieu des cent prévues.

SyMPAThIE : Pour tenter de sortir ses camarades de leur apitoiement sur elles-mêmes, Rosine décrit la lente agonie de celle que rien ne peut plus remettre au travail et pour laquelle chacune ressent une impuissance douloureuse. Il ne reste que la sympathie qu’on peut lui prodiguer.

TARTINE DE BETRIEB : Tranche de pain noir distribuée dans la matinée aux travailleuses des atelierset dont le Verfügbar est évidemment privé.

TRANSPORT NOIR : transport pour l’extermination.

TRIANGLE : les triangles en tissu de couleur de 4 à 5 cm étaient cousus sur la robe la pointe en bas. La couleur représentait la catégorie à laquelle le déporté appartenait, ceci dans tous les camps de concentration. Un triangle vert était une détenue de droit commun, dite Kriminelle. Un triangle noir était une femme internée pour atteinte à la qualité de la race, dite Asoziale. Elle pouvait être marginale, sans domicile fixe, à la charge des mairies, ivrogne, prostituée, mauvaise mère, etc. les triangles violet étaient les témoins de Jéhova, dites Bibelforscherin, et les triangles rouges, les Politiques.

TuyAu : long et lourd tuyau que des dizaines de femmes portaient à longueur de journée pour arroser les travaux de terrassement du camp.

VERFÜGBAR : disponible pour les corvées du camp.

VINGT-DEux : expression populaire courante pour prévenir de l’arrivée de la police. 15

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Au Centre de la Mémoire d’Oradour sur Glane (87)Anne Frank une leçon d'aujourd'hui sur l'histoire

Pistes complementaires

expositions

Tillion Germaine, • Ravensbrück, Point Histoire, Éditions du Seuil, Paris 1973 et 1988.Avec notamment en annexe des renseignements sur Buchenwald, Dachau, Mathausen, le témoignage d’Anise Postel-Vinay sur les exterminations par gaz, une chronologie et un plan du camp de Ravensbrück qui montre les différents ensembles, camp des femmes, camp des hommes, camp d’Uckermark et le complexe des usines Siemens.

Buber-Neumann Margarete, • Déportée à Ravensbrück, Point Histoire, Éditions du Seuil, Paris, 1988.Un témoignage très précieux d’une allemande, internée dès 1940 à Ravensbrück (après avoir connu le goulag stalinien) et jusqu’en 1945.

Antelme Robert, • L'espèce humaine, Collection Tel, Gallimard, 1978.Le récit d'un écrivain français de son séjour en camp de concentration. Robert Antelme y montre des déportés qui conservent leur conscience face aux « pires cruautés humaines ». Les hommes qu'il décrit, réduits à l'état de "mangeurs d'épluchures", vivent dans le besoin obsédant mais aussi dans la conscience de vivre.

Levi Primo, • Si c'est un homme, Pocket, 1988Si c'est un homme raconte l'expérience de son auteur dans le camp d'extermination d'Auschwitz. Primo Levi explique, à partir de son quotidien dans le camp, la lutte et l'organisation pour la survie des prisonniers. Tout au long de ce récit, il montre les horreurs de la déshumanisation des camps. Une écriture sans aucun pathos, descriptive et une méditation sur la condition humaine qui en font un des ouvrages fondammentaux sur l'expérience concentrationnaire.

Dir. Chombart de Lauwe Marie-Jo, • Les françaises à Ravensbrück, Gallimard, Paris, 1965

Delbo Charlotte, Auschwitz et après, 3 tomes, Editions de Minuit 1970 et 1971•

Le journal d'Anne Franck•

livres

Le Journal d'Anne Franck• , film de George Stevens, 1959, sorti en DVDLe Journal d'Anne Franck• , film d'animation de Julian Y. Wolf, 2000Nuit et Brouillard• , court métrage d’Alain Resnais (1955), texte de Jean Cayrol dit par Michel Bouquet.

films

www.germaine-tillion.org/

site internet

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Directeur Eudes LABRUSSECodirecteur Jérôme IMARDAdministration Anne SOUTYRelations publiques et développement culturel Ludovic TOURDOTSecrétariat et communication Laëtitia DI FIOREChargé de production festival : Cyril FASQUELCoordination et communication du festival Anne-Lise JACQUESDirection technique Nicolas PRIGENTPrésident Xavier ROYEt le personnel intermittent qui constitue l’équipe technique du festival

Du côté de la Nacelle: Administration : Delphine AVRILLONBilletterie / Accueil : Christelle CHAMPAGNECommunication et relations publiques : Laure RICOUARDAffichage et intendance : Agostinho CARNEIROPrésident Gilles COSTAZ

Graphisme : Atelier Graphique AGAME

Ainsi que les adhérents de l’association et lesnombreux bénévoles qui participent à la vie du festival….

CNJM : BLEU : Cyan : 75% + jaune : 7% NOIR : Cyan : 100 + magenta :35+ noir : 100

Composition du dossier d’accompagnement : Collectif 12

Les FrancosPavillon des festivals - 28 rue de Lorraine - 78200 Mantes-la-Jolie

Téléphone : 01 30 33 13 11 / 01 30 33 02 26

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