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    e eUlnza lneaIF littraire 87 J)u 16 au 31 jant'ier 1970

    en cha i n , ec 1 e

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    SOMMAIRE

    8 LE LIVREDE LA QUINZAINE

    4 CORRESPONDANCBS88 DOSSIER10111811

    18 ARTS

    1819 LINGUISTIQUE10Il CIVILISATIONS

    24 URBANISME15 POLITIQUE

    28 LETTRE D'ALLEMAGNE28 BANDE FEUILLETON80 CINEMA

    Gilles LapougeGuillaume ApollinaireAntonin Artaud

    Robert Descharneset Clovis PrvostPierre DufourAndr Fermigier

    Andr JacobJanine et Dominique SourdelAndr MiquelRaymond LedrutPierre BrouChrista WoHWinsor McCay

    Les Pirates

    Lettres LouLettres Gniea AthanasiouQu'est-ce quela l it tra ture rotique ?Entretien avec Lise DeharmeRecettes de fabricationDeux questions Robbe-GrilletDeux diteurs s'expliquent:Eric Losfeld et Rsrine DeforeesLa vision art istiqueet de GaudiPicasso 19501968PicassoLa pense de Francas te lBonjour, SemioticaPoints de vue sur le langageLa civilisation de l'Islam classiqueL'Islam et sa civilisationL'espace social de la vil leLe printemps des peuplescommence PragueNachdenken ber Christa T.L it tle N em o in SlumberlandWFellini chez Trimalcion

    par Georges Balandierpa r Pascal Piapa r Roger Dadounpa r Claude BonnefoyPropos recueillispar Gilles Lapougepa r Serge FauchereauPropos recueillis par G.P.Propos recueillis par C.B. et G.P.pa r Jean Selzpa r Marcel BillotDar Jean DuvJrnaudpar Jul ia Kristevapar Angle K . Mar ie tt ipa r Rgis Blachrepar Grard Yvonpa r Jean.Jacques Mariepa r Nina Bakmanpar Nicole Tisserandpa r Georges Perecpa r Jacques-Pierre Amette

    Crdits photographiques

    La Quinzainem.....lre

    Franois' Erval , Maurice Nadeau.Conseiller : Joseph Bre itbach .Comit de rdaction :Georges Balandier, Bernard Cazes,Franois Chtelet,Franoise Choay,Dominique Fernandez, Marc Ferro,Gilles Lapouge, Bernard Pingaud,Gilbert Walusinski.Secrtariat de la rdaction :Anne Sarraute.Courrier lit traire :Adelde Blasquez. administration :43, rue Parls-4.Tlphone :

    Publicit lit traire :22, rue de Grenelle, Paris-7. : 22294-03.Publicit gnrale : au journal.Prix du n au Canada: 75 cent'!.Abonnements :Un an : 58 F, vingt-trois numros.Six mois : 34 F, douze numrosEtranger:Un an : 70 F. Six mois : 40 F.Pour tout changement d'adresse :envoyer 3 t imbres 0,30 F.Rglement pa r mandat, chquEbancaire, chque pos ta l :C.C.P. Paris 15.551.53.Directeur de la plLblication. Franois Emanuel.Imprimerie: Graphique. GalMPrinted in France

    p. 3p. 5p. 6p. 7p. 8p. 9p. 10p . l lp. 12p. 15p. 18p.22p. 27p. 29p. 30

    Roger ViolletRoger ViolletColl. Paule TheveninColl. Paule TheveninLosfeldLosfeldPauvertD.R.Livre du bibliophile .PauvertHachtteArthaudLfti Ozk.okPierre HorayD.R.

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    LE LIVRE DB

    Le grand refusLA QUINZAINE

    .Iii ;';'lltU.K (7'1,(i..u;t l!1L1 :lCi 'Jo;.'" ('4';"'lIt"I./."1I 1.- HnnIH,:n.nc.:'ni.A.al,,,t, .... ;1., ,',"t/.II-11 . In _":""pi;":.,

    L'histoire de la piraterie,c'est l 'envers de l'histoire vuepar les gens convenabJes. Sileurs cheminements se croi-sent - et imposent, par exempie, 1a rencontre de la pre-mire reine Elisabeth et ducapitaine Prake - l'i nve rsi onn'en est pas moins apparente.Les pira tes ont la mob ili t , laviolence, le grand refus pourrgles.

    1illes LapougeLes PiratesA. Bal land , d. 198 p,Leur espace e st la me r sansfrontires, leur nation, la bande

    lie pa r l e s erment et la frater-n it v ir il e. La puissance et lagloire ne dterminent pas leursproje ts , mai s la prise, la fte etla volont d'employer la p:arodie l 'attirail de la grandeur. Ilstraversent l'histoire sans gurelaisser de traces, les gibets sontleurs monuments et les tribunauxleurs archives. Les chroniques dela contrehistoire qu' il s ont faiten'ont pas t tenues, leur horizonn'est pas por te du 'lavoir.

    Leurs exploi ts comme leurs for.fits relvent d'abord de la tra-dit ion orale , et leurs f igures sontde celles qui peuplent l 'imaginairedes socits riches et apeures.La patiente rudit ion les a parfois dbusqus. Mais le sens deleur aventure - la plus longuedes rvol te s que l 'humanit ai tconnu'es - ne s au ra it sur gi r qued'une l ectu re au second degr .Gilles Lapouge a eu l'audace del 'entreprendre, et son t al en t l uia donn l a r ussi te .Il propose une h is to ir e t ra ns pose et une sociologie imperti-

    nente de la pira ter ie. Il n e s'en -combre pas de la chronologie desvnements. Il t en te d 'inves ti r lephnomne cc pirate en coalisantdivers modes de connaissance, enpratiquant des abordages mul.tiples. Pour l ui , l e doute n'est pa spermis: le pirate exprime unervolte originelle et originale, unervolte qui c( se confond avec Iontre et par le davan tage dehros insolites que de l'histoirequ'ils cOBtestent. C'est la prfi-guration de la communaut despessimistes annonce par Malraux.

    Portrait du fameuxcapitaine Paul Jones,com.mandant le BonhommeRichard, dans le momento a combattu et enlet,la Frgate la Srapis.

    . Les figures de la piraterie souten appar ence par en te s de cellesque r as semb le Eric Hobsbawmdans sa galerie des Il primitifs dela rvolte : handits sociaux,mafiosi, insoumis, annonciateursdes temps nouveaux, e tc . Mai s lerapprochement p eut tre trompeur. Le p irate ne prtend pastre un redresseur torts ou unrvolt qui entreprend de chan-ger la face du monde. Son choix,c'est le sacrilge, la transgression,la drision, la fte - et , au-del,la recherche d':Jne innocence sauvage dont la m er devient la foisle symbole et le lieu. Sa socit,c'est celle que le navire pirateenc lo t dans ses f lanc s, ou cellequ'il constitue avec ses compagnons. Comme la rpubliquepirate de Sal. La transformationradicale de la socit cc desautres Il n'est jamais son projet.Il mar qu e le zro absol u de larvolte.

    Gilles Lapouge en prsente ladmonstration. S'il es t le philo-sophe-pote de 'l a pira ter ie, i l ene st auss i le naturaliste en consta-tant que ce l 'espce p irate 'estcompose de races nombreuses et, disparates. Des Barbaresques auxflibustiers, des Chinois aux boucaniers la divers it fai t loi , direvrai, la s eu le l oi extr ieure quireste tolre. Gilles Lapouge dter-mine des types de pirates avec,aux deux points extrmes, le verbedevenu pirate et le pi ra te fr appdu signe de Satan. Le premier,c'est Misson qui impose sa pr-sence anglique, bien que for-ban incontestable. I l' pratique la tu e si les circonstances l' ycontraignent, et prche aussitts ur l a non-violence. Il capture desNoirs, puis les relche en discou-rant sur l'galit des races. Sonpavillon es t blanc, sa devise :fi. Dieu et Libert. Misson, pa rla pira ter ie, entend raliser l'uto-

    pie. Il fonde l a r pub li que dLibertalia, Madagascar, dans lfond de la bai de San Diegoune socit pure et dure qui esla contre-socit contestant le sicle impur de Louis XIV. MaiMisson et son Savonarole - uancien dominicain nomni Carrac io li - chouent ; leur entreprisne peut tre de ce monde.

    A, l 'autre ple, une contresocit ce voue Satan : celldu capitaine Lewis. Il se di t luimme crature du diable, instaurle rgne de l 'inhumain. ce Semanires por tent la rvolte pirat un trs haut degr d'incandescence. Il rde ce comme l'horreur dons le monde. Matrredoutable d'un royaume fantmeil tient du mal tous ses pouvoirsy compris celui d'annoncer spropre mort ses marins et dse conformer cette prdictionEntre Misson et Lewis, gardiendes avant-postes de la piraterie

    La Quinzaine 'littraire, du 16 au 31 janvier 1970

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    se placent les autres forbans, faits d'une pte plus lourde etplus molle .Cette galerie des portraits n 'es tpas simplement celle du pitto-

    resque et des horreurs. Elle ren-voie, plus qu' un e chronologiedes aventures, un e civilisationimpossible recherche au-del dela civilisation refuse. Et commel'chec es t la rgle, c'est la d-civi-l isat ion qui r es te la pratique com-mune des p ira te s. Ils prennenttoute chose l 'e nv er s. I ls a ff ir men t l eu r horreur du t rava il , d ela comptence domestique, de lagestion raisonnable des v ie s et desbiens. Parce qu e la m ort es t leurhorizon et q u'ils n'en prouventnulle frayeur, il s exaltent la jeu-nesse, le gaspillage, la rupturescandaleuse.Et , du mme mouvement , l eu rs

    rituels d'inversion p re nn en t u nesignification sacre. Gilles La-pouge a su r es ti tu er l e systmede l eu rs symboles, de leurs signes,de leurs impratifs. Par un ed marc he q ui voque cel le de santhropologues, il r assemble l esbribes des mythologiques del a p irat er ie . La terre es t associeau x symboles ngat ifs , comme lafemme l'est au dsordre. La me rconnote le positif, les valeursacceptes, l 'e sp ace d e la rvolte.Elle est mme davantage, lemoyen de l'initiation par lesabysses, la dispensat rice de laseule connaiss,ance qui soi t r echer-che. Et l 'or - en quoi s e rsol -ven t t ou te s l es richesses captures- devient bien plus qu'un fabu-leux mtal ; cach dans les trsorsles plus secrets, escamot et sou-vent inutile, il e st a lor s subs-tance et valeur absolues .

    Est-ce tr op d ire et t ro p p r te r la piraterie? Gilles Lapougesemble se laisser pousser par legrand vent qu i a dispers seshros, des Carabes l'OcanIndien. Mais il f alla it ce t a ba n-.dou, qu i es t pour un tempsadhsion, afin d e t ro uv er le sensprofond de ces a ve ntur es qu iparaissaient simplement se rduireen cume des mers.

    Un sens qui nous concerne.Au-del des grandes rvoltes socia-les du XIX sicle et du premierXX s ic le , voi ci revenues leI!rvoltes absolues, avec ou sansla violence.

    Georges Balandier

    INFORMAT IONS

    BaudelairePierre-Georges Castex publie auxditions SEDES (S, place de la Sor-

    honnA l un album : Baudelaire, criti que d' ar t, o son t reproduits toiles,gravures, sculptures, de ssi ns queBaudelaire eut l'occasion de commenter et de juger, en particulier dansCuriosits esthtiques.La moiti de ce volume es t consti-tue par une importante tude deP.-G. Castex sur ce critique gn-reusement ouvert la comprhensiondes vrais t alent s, mais f rocementhostile aux fallacieux a rti fic es du chic - et du poncif -. Des uvresoublies, qui ava ient a tt ir son a tten-tion, mri tent mieux que notre Indif- frence : une Fontaine de Jouvencede William Haussoulier et de Pet itesMouettes de Penguilly-l'Haridon (quifont penser Tanguy).

    TourguenievUn rudit britannique, M. PatrickWaddington, fait part aux lecteurs duTimes Literary Supplement qu'il vientde dcouvrir li la Bibliothque municlpale de Provins des lettres Inditesde Tourgueniev li la cantatrice PaulineViardot. Halprlne-Kamlnsky avait djpubli en 1907 une partie de cettecorrespondance (Ivan Tourgueniev :Let tres Madame Vlardot, Charpen-

    Qui est-ce?Pierre Bourgeade, gripp, ne don-nera son prochain entretien se-cret - que pour notre numro du1er fvrier. Ce sera l'avant-dernier,not re jeu prenant fin aprs douzeentretiens.Dans notre n 84 (1 er dcembre),l'crivain interrog t ait JoyceMansour. Il tait difficile de percerl'Identit de cet auteur, si l 'on s'entenai t aux quest ions et rponsesde l 'entretien, en revanche cela de-venait trs facile si, tenant comp-te de l'Illustration (une coupure dejournal) , on consultai t l 'annua iretlphonique. A "adresse indiquepar cette coupure, un nom : Man-sour, administrateur, pouvait met-tre sur la voie.Cer ta ins de nos correspondantsont franchement reconnu avoir eu

    recours l 'annuaire. D'autres quil 'ont peut-tre fait, avec le sent i-ment de tricher, ne nous en ontpas fait part. D'autres encore n'ontpas profi t de cette facilit.De toutes faons, voici les ga-gnant s :Paul Aveline St-Germain-en-Laye, Bernhild Boie Parls-1S', Mi-cheline Bounoure Paris-13', Geor-ges Brun Paris-go, Ivlc Fkte liRennes, Jean-Michel Fossey li Pa-ris-17', Marie-Nolle Fournier liMarseille, Mme A. Girard li Paris-11', Mechtllt Meljer Greiner Dieu-

    t ler) , celle qu'avait autorise PaulineVlardot qui ne devait mourir qu'en1910. Parmi les lettres indites on. trouve ce pas sage qui montre sousun nouveau jour le brave Tourgueniev: Quelle dgotante et ignoble Ins-titution que l'arme. Ces chasseursd'Afrique , d 'aprs les paroles de leurpropre capi ta ine , ne donnent jamaisde quartier, t uent les gens dsarmsviolent et pillent - et cependant sontd'excellents soldats, bien obissants,a imant par-dessus tout l'Ordre , bonset joyeux garons. Que la foudre lescrase tous! -NietzscheOn nous prie d'annoncer la crationd'une socit Nietzsche, li l'occasiondu 125' anniversai re de la naissancedu philosophe. Cette Socit es t ouver te tous les espri ts l ibres etentend se ' rserver des travauxstrictement philosophiques et litt-

    raires -. Secrta ire gnrale : MmeJ. Pieuchot, 19, avenue du gnralLeclerc, Paris XIV'.Le premier des Cahiers Andr Gidevient de sortir aux Editions Gallimard.Il es t consacr aux dbuts lit trairesde l'crivain, d'Andr Walter l'Im-moraliste _.Le mme di teur publie des Ca-hiers Jean Cocteau, dont parat ga-ement le premier numro, compospar Jean Denol.

    donne, Oise, Georges Langlet li Pa-ris-9', notre am i Eric Losfeld, di-recteur du Terrain Vague, J .-F . Mar-quet Tours (4' r ponse juste),Alain Martin Paris-13', Yves Ma-thez Boncourt, Suisse ( qui a pr-alablement hsit entre Henri Mj-chaux et Marcel Schneider, 6' r-ponse juste), G.-H. Morin li Lyon,Jean-Charles Pastour li Cannes,Alexis Payne li Paris-B", notre amiBruno Roy, direc teur de Fata Mor-gana Montpellier, A. Schimcono-glou Sarcelles, Malek Tiar Pa-rls-14' (4' rponse juste), J. VanZvylen li Paris-16'.Voici la let tre de Bruno Roy :Le Jeu, cette fol., e.t la fol.facile et difficile :Bien peu d'lments personnels:Inf luence du surral isme (t fve .,Jeux de mots, goOt de. rencon-tre....), connaissance de l'anglal.,voyage. : tout cela e .t vague :ce pourrait itre Mandlargue.,Queneau, L1mbour ... et d'autreMal. Il y a la collection de rive.,et l'annonce.: et l Je crol. queseule Joyce Mansour rpond a ucritre.Et pu l. cette photo, qui sur-monte l 'annonce, Incite fortement penser qu'II .'aglt d'une femme;hasard obJectif. 7

    BnllIO Roy

    POIfDANC

    Guillaume Apoll inai reLettres LouPrface et notesd e Miche l DcaudinIUu st r. h or s te xt e,Gal limard d. XIII - 527 p.On savai t depu is l ongt emps qu

    Guil laume Apol li na ir e eu t pouma tr esse , au dbut de la guerrde 1914-1918, la jeune femmqu'en plusieurs endroits de seCalligrammes i l appelle Louet qu i il a ddi, en ne la nommant que pa r ses initiales : L. dC.-C., le pome intitul La nud'avril 1915.Andr Rouveyre, le premier

    nous ava it entretenus de cet te liason du pote. Il connaissait Lob ie n a va nt q u'Apol li na ir e n e lrencontrt. Il lu i avait rendu sevice, en lui procurant en 1913 ldfenseur dont elle avait alorbe soin da ns un e affaire contentieuse. Sans Rouveyre, il estprsumer que les lettres et levers qu'elle reut d'Apollinaire usse nt t finalement dtruitC'est lu i qu i en rvla l ' intrtLou, laquel le comprit auss i tt quces p,apiers n'taient pa s sanvaleur marchande. Aussi en vinelle au lendemain dla seconde gue rre m ondiale , lpublication, chez un diteur genevois, de s pomes q ui o nt composOmbre de mon amour. Quant aulettres d'o ces pomes avaient textraits, une r ep roduct ion en facshnil en fut f ai te , en Suisse galement, mais, faute d'accord entrla dtentrice des autographes ela veuve de l'auteur, i l fallut metr e au pilon la quasi -totali t dtirage.La mort de Lou en 1963, la mor

    de Jacqueline Apollinaire en 1967on t dissip ce8 nuages. Aucusouci d 'amour-propre ne s'opposait plus la divulgation de celettres. M. Michel Dcaudin , qus 'es t charg d'en tablir l 'ditiony a incorpor le s pomes qui ,notre avis, n'eussent jamais d etre dtachs. Apollinaire ayanlui-mme repris dans Calligrammes ceux qu'il estimait d ignes dprendre p lace d an s son uv re .

    Sa premire rencontre avec Lo,avait eu lieu en s ep tembre 1914 Nice, o il venait d'arriverDepu is que lques annes, il vivade sa collaboration des et aux ouvrages dits pa r lBibliothque de s Curieux. Lguerre l e pr iva it de tou tes ces rel

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    L'amour d'une grande damesou rces . Les journaux ne parais-saient plus que su r deux pages. LaBibliothque des Cu rie ux don tles patrons taient mobiliss, avaitsuspendu son activit. Dsempar,Apoll inai re ava it accept l 'hospi-talit que lui offrait provisoire-ment Nice un de ses amis pari-siens, Henri Siegler-Pascal, quiavait l-bas des attaches familialeset d'assez nombreuses relations.Avec Siegler.Pascal, qu i fr-

    quentait comme lu i la salle derdaction de Paris-Journal, Apol.l inai re ava it quelque peu hantune f umer ie d'opium dans unappartement de l'avenue Henri.Martin. A Nice, Siegler l'intro-duisit dans un e socit un peumle, o l 'on tirait aussi sur lebambou. C'est l que Lou et lepote lirent connaissance. Elleavait trente-trois ans, lu i trente-quatre. Comtesse de Coligny.Ch-tillon, elle appartenait la famillequ'avai t i llust re l 'amiral. assassin le jour de la S ain tBa rth -lemy. C'tait une divorce, demurs t r s libres, et don t Apo l.linaire e t peu t- t re obt enu t r svite les faveurs en l a t ra itan t avecaudace. Mais la noble origine de lajeune femme lu i en imposait. Lou,qui s'en rendait compte, s'amusa lu i faire attendre quatre ou cin qsemaines ce qu'elle tait dispose lu i accorder. Quand e ll e comblaenfin ses vux, Apollinaire, dses-prant de la f lchir , ava it djsouscrit une d emande d 'en ga ge .ment pour la dur e de la guerre.Il lui fal lu t, la mo rt dans l'me,s'arracher Lou et, le 6 dcembre 1914, rejo indre Nmes le38" rgiment d'artillerie.

    Lou et Apollinaire NimesEmue, semble. t .i l , pa r ce d .

    part , et peut-tre fche de voirs'loigner un amoureux qu'elletenait sa merci , Lou se hta devenir retrouv er Apollinaire Nmes, o durant neuf jours elleet lui pas s rent ensemble tous lesmomen ts de libert que l'armelaissait au nouveau soldat. Dansce t empressement de Lou, Apolli.naire c ru t dcouvr ir la preuved'un amour rpondant l 'amourqui le tourmentait, et dans lescomplaisances rotiques de sa ma.tresse un e dlicieuse complicitdes sens. C'tait se mprendre aumoins su r le premier point , ca r

    aprs avoir dispens un peu debonheur au pote, Lou, contraire.ment ce qu'el le lui avait laissesprer , ne revin t j amais Nmes.Apollinaire ne pu t la revoir et lar ep rend re qu' au cours de deuxbrves permissions passes Niceen janvier 1915. Pourtant, il lu icr ivai t chaque jour, lu i faisantpart notamment de ses dmarchespou r l a location de la chambre oil comptait abriter bientt leursbats. Hlas! i l ne rou lait passu r l 'or. Il ne pouva it o ff ri r samatresse d 'h ab it er un palace. Ila beau vanter dans ses lettres lapropret des meubls qu'il a vi si -ts, la description qu'il e n donnen'en fait gu re res sort ir que lamodestie. On pourrait citer leurpropos l 'a le xand rin d 'Edoua rdGuerber sur les commodits desanciens pavi llons de banlieue :Les cabinets et l'eau sont proximit.

    L'idal de MimiPinsonComme l' a not M. Dcaudin, un e femme qu i s' brou.ait dansle snobisme , Apoll inaire propo-

    sai t navement l'idal de MimiPinson. Il s 'imagi na it a vo irsduit Lou; en fait, il en avaitseulement excit la curiosit. Ilpensait la subjuguer, et c'est ellequi, durant plusieurs mois, allaitl'asservir et mme l'avilir, commeen tmoignent les l et tres o il luiparle avec dfrence d'un autrede ses amants, un certain Toutou,dont l a mobil is at ion l'avait spa.re, mais auquel elle ne renon ait p as et don t e ll e d is ai t mon tset merveilles. Tout un trimestre,Apollinaire nourrit l 'espoir d'avoiren co re Lou p rs de l ui. Cet espoirne l'abandonna qu'aprs le dcevant entretien qu'il eu t avec elle Marseille, le 28 mars 1915. Iln'eut pa s le cou rage de romprece jour-l, quoiqu'il f t visibleque Lou lu i prfrait Toutou, -qu'e l le tai t d 'ai l leurs alle retrou-ver le mois prcdent en Lorraine,- mai s, de retour la caserne, ilse fit inscrire comme volontairepour le prem ier d part vers lef ront . Le 6 avril, il tait en Cham-pagne , dans le sec teu r d e Be au-mont-sur-Vesle, entre Reims etMourmelon.Jusqu' la mI-JUlD, il continuad'entretenir avec Lou une cor-

    A droi te, Apo ll ina ire en 1915.

    respondance SUIVIe, s'efforantd'mouvoir la jeune femme pa rdes l et tres bavardes, imprgnes la fois de tendresse et de sala-cit, et cherchant aussi la recon-qurir pa r la posie. A cet gard,il se dpensai t en vain. Lou ta itsnob, mais son snobisme ne s' exer- ait p as dans le domaine de l'es-prit. Ce qui compt ai t pour elle,c'taient les mondanits, le liber-tinage des riches oisifs, les exploitsde canap dans de douillettes gar-onnires. Apollinaire n'tait pa sen mesure de lu i mnager ce dco-rum. Les rponses qu'il fait dansses lettres diverses observationsde Lou donnent penser que celle-ci n'tait pas loin de le considrer,s inon comme un rus tr e, du moinscomme un garon un p eu dpour-vu d'usage. Les ver s d'Apollinairel 'ont sans doute amuse quelque-fois, peut-tre mme les plus vifsl'ont-ils moustille, mais il estprobable qu'el le s ' en es t surtout

    gausse en compagnie de Toutouet que c'est l'instigation de cedernier qu'en mai 1915 elle adressai.t elle-mme au pote quelquequatrains doucetres , qo 'Apollinai re qual if ia it aussitt de dlicieux et d' exquis comme to i sans souponner qu 'o o s'taicontent de recopier soo intention une b lue tte de Sully Prudhomme.Cette myst if ication n'tait pa

    absolument gra tu it e. Apoll inai reaimait faire parade d'ruditionnon se ulement dev an t des amicomme Fleuret, Cremnitz ou Louisd e Gonzague Frick, capables delu i tenir tte, mais aussi en prsence d'agrables personnes tellesque Lou, dont toute la sciencetenait entre l'alcve, le cabine t detoilette et le boudoir. Le 2 ma1915, le nom de saint Athanase lusur un cal endr ie r l ui f oo rn it leprtexte d 'une pet it e dissertationsu r ce pre de l 'Egl is e. Esprait.iainsi blouir T.ou? Il pourraibien s'tre expos pa r l au ridi-cule. Dans un e aut re l et tr e, ilcompare sa belle Salom ponrla cruaut lascive et Hlnepour la beaut fatale, comparai-sons don t elle a pu tre flatte,mais il la di t aussi tacite commela Maintenon, ce qui, - Loun'tant pas lat iniste , - a d lalaisser comme deux ronds de flan.Pdante ou b on enfa....t. obscneou f leur b le ue, cette correspon-

    dante couvre six mois, raisond'une le ttre pa r j our . E ll e fonrni td'intressants dtails sur l'tatd'esprit des combattants dans lapremire anne de gue rr e, su r lesillusions qui soutena ient ceux-ci,sur les bohards rpandus dans lescantonnements. On y dcouvre lagnrosii du pauvre Apoll inai re .En dpit d e la distin ctio n dontelle se targuait, la comtesse Louisede Coligny-Chtillon admettaittrs bien que le po te , s impl esoldat ou brigadier, lu i envoytde t emps en temps un pet it man-dat ou joignt ses lettres un billetde vingt francs. Les grandes damesn'ont pas de faiblesses qu'entreles draps.A partir de l't 1915, ce courrier s'espace. C'est qu'Apollinaire(mais il n'en d it ri en ) consacredsormais le g ros de ses critures la demoiselle d'Oran auprs dequi il ira un peu plus tard passersa premire permission de dtente.De nouveaux rves l'aident gu-ri r de l 'amour de Lou. Pcucal Pia

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    Artaud 1

    ntonin ArtaudLettre. Il Gnica AthanasiouColl. Le Poin t d u J ou rGallimard d., 394 p.L'amour qu i le lie Gnica

    Athanasiou, Artaud le situe d'emble, comme tous les grands tatso la ncessit l ' tabl it , au niveaude la plus haute intensit; Chre, chre, chre Gnica, crit-ildans une lettre envoye fin 1921-dbut 1922, c'est--dire tout au dbu t de leur rencontre, '" si tu pou-vais voir dans mon cur la profon-deur, la gravit de ce que je res-sens pour toi, la solennit mmedu sentiment qui me lie toiPOUR TOUJOURS. (1). Cetamour ne connatra pas , comme ondit, des hauts et des bas : il y aurasimplement des moments o les va-leurs euphoriques cderont devantl 'exacerbation de la souffrance, leharclement affolant du quotidien;mme la ru ptu re n'entamera pascette insertion en profondeur del'amour, e t A rt aud pou rra encorecrire- en septembre 1927 : Toiseule introduis prs de moi uneatmosphre identique ma v ie mme , et plus loin, le leur de t oi mme et le mei lleur demoimme ne mritent il s pas uneEternit ? .

    Comme dans les autres textes essentiels d'Artaud, mais avec iciquelque chose de plus frmissant,de plus poignant, de plus effrayant,on voi t se manifester dans les Let-tres Gnica Athanasiou, une apti-tue effarante raliser une coalescence des contraires, occuperavec sa pense lu i les mots-clefs,les positions.clefs de la culture oc-cidentale, les amnageant en lieuxo viennent s'changer des valeursantagon is te s : p roces sus de conf lagra ti on o le mot le plus assurfonct ionne comme dperdi tion desens, ncessit d'un sens venir,o le lieu le plus commun se faitnon.lieu, lieu vacant que l'hommedbar ra ss des l iens ancestraux etpromu souve ra in occupe de sa seu-le prsence.

    Frappe d'abord l'intrication del'amour et de la souff rance ; iln'est gure de let tre o l'expressionde l'exaltation amoureuse et les formules t radi tionnelles de l'amour,les je t'aime , ne soient suivisdes tmoignages d'une souffrancesans limite : affreux, abominable,atroce, horrible, effrayant, rien nesemble assez fort pour d ir e ces a ffres dans lesquelles trempe l 'espri td'Artaud. La lett re du 2 fvrier6

    1924, particulirement, qu'il demande Gnica de lire jusqu'aubout, en est une pathtique illus-tration. Et cette souffrance n' a pasle recours de la dispersion, de ladiversion, n' a pas l'issue de verserdans autre chose - dans l'amour,par exemp le ; car elle est - etArtau d l'a assez dit, notammentdans la Correspondance avec Jacques Rivire (2) , lorsqu' il voque l 'effondrement central de l 'me- souffrance centrale, elle s'tablitau cur mme de l'tre d'Artaud;c'est dire qu'el le n'a rien, ou peu, voir avec l e subal te rne, l e pri-phrique, les choses qui arri-vent , les vnements externes -tant la pense elle-mme commevnement premier, comme avne-ment; dans sa forme superlative,pa r quoi se dfinit l e mieux l e sta-tu t existentiel d'Artaud, la souf-rance centrale - et c'es t ce quipermet de la dire centrale - estfondamentalement ide de la souf-france, donc pense; e lle est bienautre chose qu'une simple affec-tion, elle est au-del de l'affection,comme elle est au-del de l 'i de, dela pense ; e ll e pourrait tre, pourainsi dire, la pense s'affectant elle-mme, s'affectant elle-mme,par l mme s 'instaurant, dans unacte la fois un et duel.

    Dpouill demoi-mme.. .

    Les lettres d'octobre 1923 apportent, sur cet aspect essentiel d'Ar-taud, des indications net tes. Le 12,il crit du caf de la Rgence : jedemeure... dans une instabilit ef-froyable, dpouill de moi mme,dpouill de la vie, dsesprant d'ensortir; le 22, posan t la relationamoureuse en termes de tout ourien, il dclare : Il me faut tout - et il poursuit : je souffre com-me un damn , j 'a i dpass toutesouffrance, e t cependant JE VIS ...Chaque seconde est une ternitd'enfer, SANS ISSUE ; il revientsu r ce thme dans un troisimefeu il le t : mon effro,,!,'able destinem' a mis depuis longtemps en de-hors de la raison humaine, en dehors de la vie... Pense l'intensitde la souffrance qui a pu me met-tre dans cet tat d'esprit; deuxjours plus tard., dans une lettre quicommence pa r Il faut te calmer,chrie, ange et se termine par unevigoureuse revendication de lucidi-

    t, il tient ces propos d'une redou-table clart : Jete le jure. .. sur laralit suprieure de mon esprit quiest ce quoi je tiens le plus aumonde ; et surtout : Il Com-prends enfin que la chose primor-diale, la chose qui est la questionest l'INTENSITE de la souffran-ce... Comprends que l'ide de lasouffrance est plus forte que l'idede la gurison, l 'ide de la vie .

    Un rseauimprieux, inflexibleToute une terminologie chre Artaud - esprit, me, ralit sup.

    r ieure, Eterni t, etc. - inciteraitfacilement le ranger parmi ce8praticiens de la mtaphysique et dela transcendance dont s'enorgueil-li t depuis Socrate la culture occi-dentale; mais, prcisment, d'ac-crocher ces notions, avec cetteforme de h au te ma lic e intellectuel-le qui se f er a t ri omphal e dans lesdernires annes de sa v ie, des ter-mes poss comme antithtiques pa rcette mme culture, aboutit unesubversion radicale, et la limite,au nih il isme ; les possibilits d'envoles, ou d'envolS, mtaphysiques,sont bloques, parce que les ter-mes son t p ri s - ptrifis, gels oudrouts, on conna t b ien ces figu-res par lesquelles Artaud caract-rise son tat d'esprit - dans unrseau serr , imprieux, inflexibleo dominent l e concret , l 'o rgan i-que; l'dme substantialiste de lanotion d 'e sp rit o u d 'me s'affaisseds l or s qu'Artaud lance une formule telle que Je veux... sentirbander mon me(3) et que devientla grande - tradition - spiritualiste de-la-philosophie occidentale devantune phrase comme Car il fauttre un esprit pour chier ... (4 ) ;on sait pa r ailleurs la circulationeffrne de matires - sang, sper-me, excrment, crachat - qu i ani-me tous ses textes.

    Sur ce qu'est cet tat fondamen-tal de l'esprit d'Artaud, on ne sou-l ignera jamais assez l 'importance dela grande let tre du 22 ao t 1926,un des textes les plus drus, les pluscrus, les pIns cri an ts , les plus cruels d',Artaud, qu i semble ra masser dans sa den si t et sa ri-gueur, non .seulement les d ive rsfils pars dans l e recue il de Lettres,mais encor e les principaux axesclats et nous de son existencephysique e t mentale; ct desthmes de l'amour, du dsespoir, de

    Antonin Artaud en 1925.l'opium, du quotidien, i l dcrit labance, l a f racture s truc tu re ll e deson esprit, lm soulignant fortementson inscription organique : Monme est une matire solidifie...Pardessus tout je sentirai toujounce vide physiologique et nerveux chmon me, de mon intelligence;voquant sa pense en drouteet son misrable tat d'esprit , ilpose l 'quation centrale de sa pen-se : Etat de ner f, tats d'espr it ,tat du monde .

    Artaud est conscient d'avoir saisi, dans cette lettre du 22 aot1926, quelque chose d'essentiel enlui; il demande Gnica Athanasiou de la lu i renvoyer pour la 1( revoir , et termine pa r ces mots : Prie pour ma spontanit - pro-fonde, - originelle. . Une telle peroce dans l'originel s'accommodemade modes d 'tre trop particulariss;en se donnant comme un gnitalinn )} (5), Artaud signale son refusde s 'adonner au gnital extrioris,anecdotique; il veut, avec la femme qu'il aime, vivre su r le modede la totalit (il souligne presquetoujours le t erme dans ses lettres),e t r pugne parcelliser, partialiser cet te relat ion dans le se-xe. Aussi le sexe est i l remarquablement absent de tout le recueildes Le tt res . Si affleurent quelquesnotations vampiriques ou cannibaliques qu i s'amplifieront dans unethmatique ultrieure - je boiston cUT, ton me que je bois , on absorbe tes moelles , tu meMANGES l a cervell e , et c. - ils'adresse toujours Gnica Atba-nasiou avec pudeur , comme ondit, et mme plutt sraphique-ment; elle es t Ange de Dieu , ange, mon me , mon angebien-aim , ange ange . Mais i lne fait aucun doute que l a d imen sion sexuelle de son amour a t

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    Qu'est-ce que laVague, tempte, raz-de-mare,l'rotisme et la pornographiedferlent sur l 'Occident. Desfilms, venus du Nord le plussouvent, montrent (de prf-rence de dos) des couples nuss'emmlant sur les plages oudans le dsordre tide d'un lit.Des publications illustres -livres ou priodiques - rv-lant non seulement la nudit et le triomphe du sex, mais ,comme dans les temples hin-dous, les variations possiblesde l 'accouplement, y comprisles posit ions acrobat iques etles figures de groupes, connaissent le succs au Japon etdans les pays scandinaves,courent sous le manteau auxEtats-Unis.Copenhague a eu sa Foi re duSexe, srieuse et ennuyeusecomme une exposit ion d'arts

    mnagers. Les grandes villesallemandes on t l eu rs bouti-ques du sexe - o l'on peutacheter ensemble la piluleant iconcept ionnel le , des ca-chets contre l'impuissance,des dessous affriolants, desrevues graveleuses, La philo-sophie dans le boudoir et desavants ouvrages de mdecineou de psychiatrie. Minijupe,l'Angleterre n'a p lus rien pourcacher les pudeurs victorien-nes. L'Amrique, qui, jadis,interdisait Joyce et Miller, necraint plus les images lesteset fait mme de la partouze,si l'on en croit le froce romand'Updike, Couples, une insti-tution bourgeoise.Le phnomne, donc, est g-nraI. Mme si elle ne connatpas les liberts - ou les ou

    trances - scandinaves, laFrance n'y chappe pas. Lecinma, la tlvision, les jour-naux, la publicit, les livres,nous proposent quotidienne-ment des images plus oumoins violemment rotises.Dj les bonnes mes s' indi -gnent. Dj on se demande sila libration des ta b 0 u sn'aboutit pas un nouveauftichisme. Jean Cau lui-mme, comme s'il avait brus-quemnt peur de VirginiaWoolf, annonce que l'rotismemne aux camps de concen-tration aussi srement quedans La leon d 'Ionesco, laphilologie mne au crime. En-fin, la justice - puisque lacensure n'existe pas - atrouv un suspect, l'diteurEric Losfeld qui, comme ausicle dernier Poulet-Malassis,

    l'diteur des Fleurs du Mal, acomparu en correctionnelle le18 dcembre. I l faut donc enconclure que la littrature ro-tique est l'origine du mal.Aussi bien, les pudibonds nese sont pas fait faute de d-noncer la multiplication desl ivres. pornographiques -.Les manifestations de l'ro-tisme dans la socit contem-poraine sont trop varies pourque nous ayons la prtentionde pouvo ir l es analyser ici .Mais puisqu' travers la litt-rature rotique, la littratureelle-mme est en cause - etavec elle la libert cratricede l'crivain - il nous a sem-bl utile de poser la quest ionde la littrature rotique,d'examiner ses rapports avecla littrature comme avec unmouvement qui la dpasse.

    Elle est aussi vieilleque la littrature

    tu des dners chez la Prsidente,par un bourgeois d 'avant 1914,f idle lec teur de deux collections, les Matres de l 'amour et Il leCoffret du bibliophile dont leprincipal prfacier s'appelait Guil-laume Apol linai re, lui -mme au-teur, dans le genre , de deux ouvra-ges remarquables.D'aucuns diront que de nos jourson va plus loin. C 'es t p lu t t qu' il sn'ont rien lu ou n'ont lu que desdit ions expurges ou des tradue-tions dulcores (les universitairesse rservant le plaisir du texte ori-ginal et se donnan t beaucoup demal pour ne pas nommer en fran-ais un chat un chat). Fellini, sowpeine de prison, doit rendre lamain Pt rone . Quant aux livresde Sade, que les collections de p0-che rigent la dignit de classi-que, i ls rduisent presque toute lalittrature rotique d'aujourd'hui des fantasmes d'adolescents.Au reste, parler de littrature r0-tique, c 'est mal poser le problme.Ou plutt, c 'est le poser en dpr-ciant au dpart cette littrature. Il

    confi rme le grand nombre des ou-vrages historiques, sociologiques,mdicaux consacrs la sexualit, 88 place dans la vie quotidienne, son fonctionnement normal com-me ses perversions, c 'est l 'exten-sion propre aux temps modemesdu champ des crits conceman tl'amour physique. Ce champ d-borde singulirement, en effet , ledomaine traditionnel de la littra-ture. Sans doute est-ce l l a nou-veaut.La l it t rature ro tique, elle, es taussi vieille que la littrature. Quidcouvre aujourd'hui 88 vogue avectonnement, indignation ou dlec-tation ne peut tre qu'un ignorant.e L'rotisme es t la mode , voi-l une phrase qui aurait pu treprononce indiffremment par unadmirateur de Sappho, un contem-porain de Juvnal ou de Ptrone,un gentilhomme renaissant ama-teur de Brantme, de l 'Artin, duDe1ieado (sans par ler des dessinsde Jules Romain qui font de Po-sitioru un manuel pour coll-giennes demeures) ou encore, parl e neveu de Rameau , par un habi-

    Emmanuelle, Retour Roissy, la ngresse muette,Irne, le Chteau de Cne,les Mille et une bibles dusexe, Posit ions, Helga, tousces titres qui voisinent dansles l ibrairies, tmoignent dece qu'on appelle un peu vitela vague de l'rotisme. Enfait ce voisinage entretient laconfusion. Tous ces livres nevisent pas la mme clientle.Il y a l de la bonne littra-ture et de la moins bonne.

    Ce que l'on constate l, ce que

    Avec Positioru et Helga on quittela l it t ra ture d 'une part pour lemanuel illustr, de l'autre pourl'introduction la vie sexuelle.Quant aux Mle et une biblu dusue d'Utto Rudolf (corrig et misen forme par Yambo Ouologuem)elles ont un statut particulier puis-qu'elles prsentent sous la formelittraire du rcit les confessioDs(vraies? fausses? embellies?) dequelques trois cents personnes de labonne socit.

    Deuin de Lonor Fini lrutrant leOh ! Violette de Lise Deharme.

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    littrature rotique?y aurai t la l it trature, la vraie, etpuis des f orme s bt ar de s d e l it t ratre, dfinies pa r un qualificatif :rotique, aventure, policier, espion-nage, science-fiction. Mais quandon se garde de dire {( policier unroman de Bernanos ou de Faulkner , on reconnat implicitement quece ne son t pas l ' intrigue ou le thme qu i font la littrature, maisl'criture. En fait, chaque anneparaissent des romans ou des essais prtention littraire (auxquels ondonne mme des prix) e t qu i parti.cipent de la mme mdiocrit queles sous-produits de James Bond.Il y a donc essentiellement des diffrences de s ty le et de n iv eau. O r,que dans la littrature dite rotiquedes vingt dernires annes, relat ivement peu importante en nombrepuisque mme en 1969, anne fas-te, une douz ai ne de l ivr es se ul ement se donnent ouvertement pourtels, on compte des livres de la qua.lit d'Histoire d'a de Pauline R-age, du Chteau de Cne d'Urbaind'Orlhac, de la Mre de GeorgesBataille, signifie l'vidence, etmalgr les invitables dchets, qu'ils 'agi t b ien l de littrature.En fait, les thmes et situationsrotiques font partie du matrielmme de la littrature. Les mei l-leqrs crivains, depui s Catul le etOvide, on t connu la tentation del'rotisme ou de la paillardise, etplus d'un, comme Vigny , Gau ti er ,Maupassant ou Apollinaire, a dansles marges d'une uvre srieuse,griffonn avec plaisir des lettres,pomes o u r omans qu i b ra vent l adcence. Dlassement d'artiste, jeuxde v ie ux collgiens, diratoOn. Ceretes, mais la rponse est insuffisante.D'abord, il faut bien reconnat reque l'essentiel de la littrature po-tique, dramatique, romanesque s'-rige su r fond d 'amour e t de mor t.Mme les pomes mystiques on t desaccents sensuels, charnels, et lesbaroques protestants de la fin duseizime sicle l e s avaien t b ien qu iclbra ient ensemble le corps de laf emme aime et la grandeur deDieu. Plus la rgement , toute intrigue amoureuse, thtra le ou romanesque, se profile su r un fond ro-tique, n' a de sens que pa r rapport une possession physique possible,souvent refuse ou repousse et qu ine s 'accomplira, si elle s 'accomplit,que dans les coulisses ou dans levide qu i spare les chapitres. Phdre ne possde pas Hyppolite, maisil n'est gu re de femme , dans toutela l it trature qu i soit aussi p0ss-de, consume de l'intrieur pa r ses

    sens, pa r une fringale qu'i l f au tbien nommer sexuelle. Si la com-die badine avec l 'amour, celui-cidans la t ragdie entrane ceux qu'iltreint jusqu'aux rivages de lafolie et de la mort.Moi je dis : la 'Vol1\Ptun ique et suprm e del'amour gt dans la certi-tude de faire le mal. Etl'homme e t l a femme saventde nai ssanoe que dans lemal s e trouve toute volupt.Baudelaire

    Or, les figures du jeu et du badinage d'une part, celles de la folie etde la m ort d'autre part, sont biencelles qu i dominent les deux as-pects, rose et noir, de l a l it t ra tu re ro tique, s eu lement e ll e l es pousseau-de l d es convenances ou desconventions. Pour le pote ou leromancier, crire un texte rotique,ce peut tre soit al ler au-del d eces tensions, de ces affrontementsamoureux - d'un rotisme parfoisd'autant plus puissant qu'il n'estni nomm ni assouvi - qu i constituent la trame ordinaire de sesrcits, pour pntrer dans un monde o tous les pla is irs sont permis ,o toutes les femmes sont belles etoffertes, o la sexualit ne fait plusproblme, soit, au contraire, briserconsciemment, douloureusement lesfrontires, les tabous de son universsocial et littraire pour atteindreimaginairement les l im it es d e cequ i peut tre vcu, pens et crit,e t pou r leur donner corps pa r l'criture. Les fantaisies de l'Artin, deGautier ou d'Apollinaire appartien.nent plutt au premier mouvement,les textes somptueux et inquitantsde Sade, d e Genet , d e Bat ai ll e qu ifont se rpondre dans un mmeje u de miroirs la poursuite du plai-sir e t celles du mal et de l a mor t,appartiennent au second. Aussibien Georges Bataille dans son be lessai su r Il l'Erotisme a montr,outre les liens troits du sexe et dela mort, que l'rotisme ne prendson sens et sa force que comme vio-lation d'un interdit , et soulign dumme coup que la transgressionsuppose le maintien de l 'interdit etla croyance en sa valeur.Si l'on peut parler de la littraturerot ique, c 'est dans la mesure ol'crivain, la fois transgresse lesrgles de la morale cou rant e e tcelles de la littrature, o il faitcla ter les normes et les formes dela littrature non point pour d-

    truire celle-ci, mais pour lu i donnerun e dimension, un e ouverture nouevelle. Il est symptomatique que deSade Bataille en passant parBaudelaire, Flaubert, Lautramont,Joyce, Genet , presque tous les cri.vains qui, depuis deux sicles, onttransform le langage littraire, etpar-del, nos manires de sen ti r e tde vivre, ont non seulement cri tdes pages rotiques, mais on t connules foudres des censeurs. Ceux-ci nes 'y sont pas tromps, qu i on t laissen paix des auteurs plus lestes ouplus obscnes (les textes de romanciers et de po te s la mode citspa r les dfenseurs de Baudelaireou de Flaubert en tmoignent). Ilson t pressenti que toute audace depense, toute remise en quest ion del'art taient plus dangereuses pourl 'ordre qu 'i ls dfendaient que desch anson s de corps de ga rde e t decroustillantes et vulgaires histoiresde cocus.La suprme interrogationphUoeophique concide, jele pense, aveo le sommet del'rotisme.Georges Bataille(L'Sro'isme)

    Mais que se passe.t.il aujourd'hui?La transgression, dans l 'ordre ro-tique, du moins, est-elle encore p0s-sible alors que les murs se li bralisent, que le sexe n 'est p lu s ta-bou, que la radio et la tlvisionbri tanniques annoncent un pro-gramme d'ducation sexuelle l'usage des enfants (Le Monde, du 17dcembre)? Quand les jeunes r0 -mancires, au l ieu de s 'i nt er rogercomme jadis su r les troubles de leurcur, t iennen t presque pour un ergle impose de dcrire leur dpu-celage, l a l it t ra tu re rotique nerisque-t-elle pas de perdre sontranget et son pou voir drangeant ? Sans dou te , les l imites deI( l'admissible ont-elles considrablement recul, s ans dou te aussi,les ouvrages scientifiques ou pseudo-scientifiques sur la sexualit et lesdomaines qu' el le dcouvre (de laprocration la prostitution, dunaturisme la nvrose) rejettent.ils la l i ttrature du ct du fantasmee t de l'irrel. Mais le propre dudsir - comme de la relationamoureU3e - est justement d 'en .gendrer des fantasmes et de s'ennourrir. Mme l es l ivr es su r lasexualit e t l a gnration conservent- et conserveront encore assezlongtemps - une p ar t de mys t re

    Rita Renoir dans le $pectackde$ Immortelles,de Pierre Bourgeade.et on ne les aborde pas avec lamme simplicit qu'un trait demcanique. Les tabous demeurenvivaces e t da ns s on l iv re plein desrieux et d'humour su r l'Originedes obsessions sexuelles (Maraboutl e doc teur Comfort a bien montrcomment la mdecine elle-mmavait longtemps jou le jeu des pr es Fouet ta rd s, et e ntre te nu lamfiance l'gard du sexe. Lalittrature a donc toujours pouvoide troubler, ne serait-ce qu'en rappelant les liens du sexe, de laviolence et de la mort. D'o lepouvoir de fascination que gardenl es t ex te s de Sade et de Bataille.Mais la vague de libralisationl'approche objective des questionssexuelles, la disparition progressivede certains tabous (lie cependant la persistance d'angoisses et decomplexes l'gard du sexe) entrai-nent une pro li f ra tion de textesmdiocres et d'images vulgairesfabriqus su r commande e t r es tantj us te en dea des limites du scan-dale. On pou rr ait di re alors qu'ilne s'agit plus d'une littrature detransgression, mais de rgressionf on ct ionnan t d e l a mme man ire(e t du r es te avec les mmes dcorset personnages) que les romans l 'eau de rose du sicle dernier.Cette sous-littrature n' a jamaisempch l'closion de l a v ra ie ( el leest plutt le fumier dont celle-cise nourri t ) et son existence devraitrjouir les suppts de l'ordre. Quise laisse prend re aux sages fantas--mes de ce que Violette Morin nom-me l'rotisme climatis )} ne ferajamllS un contestataire.

    Claude BonnefoyLa Quinzaine littraire, du 16 \lU 31 janvier 1970 9

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    Recettes de fabricationQui li t les ouvrages rotiques ?Les f ichiers des l ibrair ies ayant unrayon curios a ou sexologie et

    ouvrages rotiques rvlent que lelecteur (peu de lectrices, mais leurspoux les leur prtent volontiers)a toujours au-dessus de trente anset son ge optimum se s it ue entre45 et 55 ans (le quinquagnaire derigueur dans ces l ivres) . Assez ex-clusif, semble-til, dans ses l ec tu -res, ce l ec teur se recrute principale-ment au sein des classes-moyennessuprieures (Upper middIe class) etdes classes suprieures: des (parti-ti fs ) in gnieur s, des profe sseurs,des cadres divers, des professionslibrales, bref tous des gens ayantsuivi des tudes secondaires ou su-prieures pour pouvo ir se livrerenfin une paresse mentale latente,l'intelligence et l 'esprit critique nevoulant plus fonctionner qu'au pro-f it d 'une russite sociale e t d 'un ecarrire aujourd'hui assure. C'estbien pour eux qu e les l ivres roti-ques ont t composs et manufac-tnrs ; ils ne s 'y trompent pas.

    Certains de ses lecteurs se pi-quant peut-t re de bibliophi lie. lelivre rotique se doit d'avoir unconditionnement tudi. Il se pr.sente sous une couverture originaleparfois, discrte toujours; l 'un desmodles les plus typiques d'habill age est celui du Chteau de Cned'Urbain d'Orlhac (Martineau) oune couverture gristre qui n 'at tirepoint le regard se rvle au toucherfaite d'une matire souple et velou-te. La typographie est toujours trsclaire, voire clairseme dans le casdes auteurs qui t iren t volontiers la ligne; encadr pa r de grandesmarges, l e texte imprim en assezg ros carac tres comporte peu delignes pa r page. Le livre parvientgnralement atteindre deuxcents pages. Le prix habituel,de 25 30 F, carte systmatique-ment les mineurs dont nos censeursprtendent s'inquiter.

    Le roman rotique ne cherchepas intresser le lecteur pa r uneintrigue complexe et ingnieuse, aucontraire; on prfre un schmasimple et prouv, l'histoire rduite sa plus simple expression. Faitesvous-mme votre roman ro ti que :si le personnage central est de typefminin (ce n'est pas ncessaire-ment une femme), la suite d'ungros chagrin d 'amour ou pour plai-re un amant, il se laisse enlever

    pa r un riche et pervers aristocrateet , chapitre aprs chapitre, subirads lors les svices tr ad itio nnels(Cf. Les pigeons meurent en dor-mant de Thrse Massart et lesJeux de l 'orgue de Claude Sadut,chez Rgine Deforges ; et Retour Roissy de Pauline Rage, chez J..J.Pauvert); si le personnage centralest de t ype mascu lin, il (Nouvelles de l'rosphre d'Emma-nuelle Arsan, chez Losfeld ou Lourdes, lentes de Stve Masson, chezPauvert) ou il accomplit une mis-sion, une exploration (Cerise deDellfos et le lournal de 1eanne deMario Merc ier, chez Losfeld. laNue de Michel Bernard, chez Rgi-ne Deforges , e t le Chteau deCneJ mais n'en dev ra pas moi nspasser pa r des preuves identiques.De l oin en loin, il est souhaitabled'interrompre les accouplements oules enchevtr emen ts de per sonna-ges pou r q ue le l ivre gagne en sus-pense et que lqu es pages : le h rosou l 'hrone se r etrouve s eul li vr ses rflexions; on peut alors in-troduire une squence d'onanismeou une lettre d'amour. Lorsque lel iv re sera assez long on aura pourle per sonnage le cho ix entre unemort brutale (suicide comme dansles Pigeons ou dsintgrationcomme dans le Journal de Jeanne)ou une conversion la dbauche(par dans le Chteau de Cne,par fatalit dans Retour Roissy,vraisemblablement) ou plus com-munment une bonne fin lyriqueet sentimentale reprise aux feuille-t ons des hebdomadair es fmin ins.

    On n'a pa r contre aucune liber-t dans le choix du lieu de la miseen scne : tou t r oman rotique,comme tou t roman gothique, com-me toute histoire du Petit Echo dela Mode, possde un chteau, ou aumoins quelque l ieu mys tri eux etbi en ga rd . On peut cependantcho is ir l e s tyl e du chteau : gen-t il hommire de Roissy, forte ressefuturiste du Journal de Jeanne, gi-gantesque Nana de Niki de Saint -Phalle, trs dans le vent. A la ri-gueur, une abbaye, un pensionnatreligieux peuvent faire l'affaire(le venez visiter ma proprit habituel devient alors Viens vitevoir la chapelle : Cerise ou 14Batitude rotique de Cl ine Rol in ,chez Robert Laffont). Voituresamricaines, bateaux - pardon :yachts, et avions ne sont jamais quedes lieux transitoires d'une propri-t prive une autre. Si le chteaune se t rouve pas quelque part en

    Ile-de-France, il ne peut tre quesur la Cte-d'Azur , prs de Cannesou St-Tropez.

    L'une des proccupations essen-t ielles de celui qui crit un roman ro ti qu e est le choix des accessoires ; je ne songe pas l'quipementstandard de robes et dguisements,de fouets , coll ie rs e t cha nes , mai s des dtails qui importent dans unesoc it de consommat ion : ne ja-mais omettre de prciser la marqueou la grande qualit des obje tsbanals ou luxueux que les lecteurseux-mmes utilisent ou aimeraientutiliser. Les marques de vo itu ressont de premire importance : uncinaste a une AstonMartin (laNue) tandis qu'un crivain a nces-sairement une Min i Aust in (lesPigeons et Lourdes, lentes); lesaristocrates et chtelains on t pa rcontre quelque chose de volumineux comme Cl: une longue voitureamricaine qui ressemble unsqu ale (Notez l e p ittor esque del'pithte et de la comparaison).Les voitures sont omniprsentesdans les Mille et une bibles dusexe des Editions du Dauphin, celava de la Rolls la Maserati dont

    , ,--0_-.-

    on vous dbite toutes les caractrist iques, sans oublier le prix : 8 milions d'anciens f ranc s, avec unbeau t ale nt de voyageur de commerce. L'auteur du Retour Roissy, un prcurseur, l'avait fort biecompris qui utilisait une Tract ioavant - mais c'tait i l y a uquart de sicle! De crainte que llecteur ne l'ait pas suffi sammenremarqu, i ns is te r : les c igare ttesont des Benson and Hedge et lwhisky du J and B. Le cur li t LMonde et sa ma tresse aime BjarQuand on par le d'un restaurant,est conseill de prciser un restaurant des Champs Elyses (lePigeons) comme de prc iser d'unrobe qu'elle ne v ient pas de Prisunic (Lourdes, lentes). Ainsi qul'auteur des Pigeons meurent edormant, mangez du foie gras edes ortolans et dites , comme votrinstituteur vous l' a a ppris : foC Lvin est dlicieux , et , plus loinbuvez cc une coupe de champagnqui ptille joyeusement D. On peumme lorsqu'on est lanc en p leifantasme retrouver les contes dfes : Cl: une table surcharge dfleurs D, des coussins de velour

    La Quinzaine littraire, du 16 /l U 31 jonvier 1970 11

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    rouge galonn d'or , Il l'argente.rie et le vermeil sont vritables ,avec d'authentiques pierreries , un dploiement de r ichesses et mme li( dans un e immense chemine flambe un tronc d'arbre ;tout ceci ell l 'espace d'une dizainede lignes (les Pigeons, p. 61) .

    La mythologie qui s 'attache auxobjets s'attache aussi aux personnages . Les lecteurs de romans rot iques, so ci al emen t si simples circonscrire, veulent des hros issus de mil ieux non moins dfinis,d'o leur got pur il pour les titresnobiliaires, pour tout ce qu i est ri chissime industriel, vque, hautmagistrat, gros bonnet . SirStephen de Paul ine Rage ou Rgisde Yambo Ouologuem, t ou t romanrotique comporte bien entendu unou plusieurs Il grands aristocratesparisiens possdant, c'est vident, un ami haut plac la Prfecture . On se gargarise de phrasesdu type C'tait un aristocrate depure race dont je fis la connaissance au cours d'une garden party.Trne garden party : pas un endroitpour un ouvrier mcanicien, unevendeuse ou un laveur de carreaux.Pour cette socit, pas quest ion dedroger: perscut ou conqurant,l e hros ou l'hrone qu'ils admettent parmi e ux n'es t jama is l'inconnu, l'homme de la rue; il estindispensable d 'avo ir p ris (( unbain d'ambre et d 'avoi r prouvson duca tion . Il n 'est mei ll eu rtest qu'une personne table pourjuger de son ducation, suggreles Pigeom; et de songer avec une12

    LE COFFRET DU BIBLIOPHILElLLUSTRll

    Souvenirsd'une CocodetteRidigs par elle-mimeRevus 1 corrigs1 lagus, adoruiset mis en bon franais par

    ERNEST FEYDEAUINTllOOUCTION PAil. G. APOLLlNAIRE

    ILLUSnATIONS Of!. Lue LAFNETARISLE LIVRE DU BIBLIOPHILE16, Iloukoud lla&poiI

    moue appropnee l a m id in et tehabille Prisunic qu i aurait mor-du sans vergogne dans une pche...Rien de plus normal, alors, qu'undes traits les p lus f rquen ts duroman rotique soit la confrrieinitiatique, le rituel compliqu (lesMille et une bibles, le Chteau deCne, les Pigeons, etc.).Quelques romans chappent pour-

    tant cette mise en scne grandioseet ces milieux hupps ; les person-nages peuvent exercer une de cesprofessions auroles d'un prestigenon moins mythique. Deux fois su rtrois : romanci er ou journaliste;dans l e cas, si c 'e st une femme, sonpartenaire sera ecclsiastique (laBatitude, Cerue) et si c'est unhomme, ce sera une htesse del 'a ir , ou dfaut une contractuelle(Nouvelles de l'rosphre, Lourde!!,lentes ). Je prendrais deux de ce!!romans apparemment aussi d if f rents que possible : la Batitude rotique de Cl ine Rolin et Lourdes,lentes). Je prendrais deux de cesc'est l 'uni fo rme et non l a puissancesociale qu i valorise l'objet rotique : (( lorsque vous prenez l'avion,ces hautes filles... on t un con (L.L., p. 80), phi losophe le poteMasson, t an di s que l a (( catholiqueavertie Cline Rolin (( sous l'toffe de bure, eff leure en imaginat ionl e pou rt ou r d'un gland (RE.,p. 73). Mais de quoi s'agit-il? Dansl'un et l'autre cas d'amants que lesncessits professionnelles bridenttout en a jout an t du p imen t leurl ia ison : Rien n'C!lt !!imple damla vie, Stve. Je voulai!! me rendre

    libre la (L.L., p. 117) , d it l'htesseentre deux vols, et l'autre Stve, leprtre: (( Imagine que quelqu'unt'aie vue? c 'en tait tait de monhonneur, c'tait la ti n de ma car-rire (B.E. , p . 119 ). La vie pour-rait continuer ainsi, qui dan s son jol i pet it fiat , qu i dans undeux pices tout neuf et ensoleil-l , mais la carrire et la vie so-ciale l'emportent et nous nousacheminons vers un e sparationfinale mlancolique : (( Je partis l'aube sans dire au-revoir perosonne. J'ai perdu Stve, il me resteDieu et J 'ai rang cet te let treparmi celle!! auxquelle!! on ne r-pond jamais, dam la bo te mlan-colie . C'est le final du roman-feuilleton de NoU!J Deux. En fait,on en vient se demander si malgrdes diteurs diffrents, Cline Ro-li n et Stve Masson ne sont pas lemme personnage; ils partagentjusqu' cette originalit d'avoir in-troduit un tube de vaseline auxdeux-tiers de leur roman : une har-diesse, presque un anachronismedans un roman rotique.Tous les l ivres rotiques se res-

    semblent. Les trois ou quatr e res-sortir de la masse n' y parviennentque parce qu'on y reconnat laplume d'un crivain (Qui se cachederrire Urbain d 'Orlhac, derrirePauline Rage ?), parce qu'ons'carte considrablement du genre(le Journal de Jeanne uti li se lesressources de la science-fiction) oubien parce que le loufoque y atteintun degr exceptionnel: on parvient f ai re l 'amour avec un lion encha leur dans les Mil le et une bi-ble!!!J'ai donn de nombreux chan-tillons du style des livres rotiques.

    Paradoxalement, on tient se don-ne r bonne conscience en les trou.vant bien crits; le prire d'insrerde Lourdes, lentes, ne pche paspa r fausse modestie et en appelle (( Peter Ibbetson, Nadja, GrardLabrunie, le Paysan de Paru " !Le beau style pour le p lus g randnombre, on l'a vu : qualificatifstraditionnellement pittoresques,poncifs varis, logorrhe lyr ique etsurtout un srieux imperturbable(A cause de cel a, Cerue, le Jour-nal de Jeanne ou les Embra!lsadesde ]. Pyerre doivent t ret pr is comame des parodies). Pour certains ro-mans, rien n'est trop plat ou tropboursoufl. Or c'est f inalement del que vient mon humeur : qu'on

    veuille faire passer un produit commercial pou r une uvre li ttraireadul te et responsable.

    Comme la glace, elle finit pabrler le!! doigt!! en fondant aucreux d 'une mai n e t la longue nuiborale qu'voque !!on teint n'espa!! un mirage, mais b ien le retled'une personnalit imptueu!!e etendre. Pourtant, n'allez JXIcroire qu' elle !!'en laisse comte(!!ic). Elle sait se garder de!! souffletrop chauds et ne s'abandonnequ'au print emps quand le rythmde8 jours reprend !l a cadence efait que tou te cho!!e redevient ellemme. Les lecteurs des ouvragedont j'ai parl se trompent encroyant reconnatre ce paragrapheje le tire de la l it trature rotiqul a moi ns intellectuelle, un pauvr!!exy (on disait nagure ponwachet il y a quelques jou rs danun kiosque de gare, Candi, n 9. Jepense donc qu'il a tort, l 'amateude romans rotiques qu i a lePigeom meurent en dormant avePlayboy dans sa serviette, s'il mprise l 'homme en bleu de chauffqu i feuillte un Satanik, un Candou l'un de ces magazines bclvenus d'Italie; seules marquent ldiffrence quelques fautes d'orthographe et la maladresse des nuqu i ne se prtendent mme pluartistiques : chacun en a pour sonargent.

    Si le roman rotique est d'unlecture palpitante, il est tout aussjustifi qu'un jeu, ou qu'un feuilleton de la tlvision, histoire d'amour ou suite de fus il lades (Sdans la Batitude rotique le prfacier a raison de trouver te l'excitation de la traque et la joie ducoup de feu , ce type de lecturdevrait mme tre recommanddans les casernes avant une meute). Je n e suis p as contre ces rcrations; Roger Caillois disai t justement dans Babel : Un certaipublic se dlecte des ouvrage!! quagissent sur les glandes lacrymale!!.pourquoi ne lui fournirait-on JXdes rcits capables d 'exc iter d 'autres glandes ? Mais je suis contrl a p r tent ion des ouvrages rotiques et la confusion entretenue autou r d 'eux : les lecteurs de Dellou du Fleuve Noir n'invoquent pasProust propos de leur lectureils cherchent l'vasion, la distract ion, mais aucune li ttrature.

    Serge Faucherea

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    Vivez mieux qu'un-. capitaliste...existez/

    documents vcus - tmoignages - rcits - confessionsdocuments vcus - tmoignages - rcits - confessionsdocuments vcus - tmoignages rcitsdocuments vcus - tmoignages - rcits** Toutes le s folies du bon got * Une f6te sans

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    Deux diteursEric Losfeld

    s'expliquentRgine Deforges

    Pierre Klossowski : Dessin poUT Rober te ce soi r.

    La censure n'existe pas enFrance. Officiellement. Mais il ya mieux, la Quinzaine littrairel 'a rappel dans son dernier nu-mro propos des poursui tesengages contre l 'di teur EricLosfeld. En effet, la loi du 4 jan-vier 1967, modifiant l'article 14de la loi du 16 juillet 1949 surles publications destines lajeunesse, prvoit que lorsquetrois publications, priodiquesou non, au ront t frappes aucours de douze mois conscu-tifs, de deux des prohibitionsprvues cet art ic le (interdic-tions la vente aux mineurs, l'affichage, la publicit, etc.)aucune publication ou aucune1ivraison de publ i cat ion analo-gue, ne pourra, du rant une p-riode de cinq ans, tre mise envente sans avoir t pralable-ment dpose, en triple exem-plaire, au Ministre de la Jus-tice, et avant que se soientcouls trois mois partir de ladate de ce dpt.

    E.L. - Si l'on s'en tient laloi, je ne m'tonne pas de ce qu im'arrive. Avec t rois l ivres ayantencouru dans l 'anne diversesinterdict ions , je suis le premierditeur tre soumis la cen-sure pralable. Mais le problmeconcerne tous mes confrres.Cela peu t a rr iver n'importelequel d'entre eux.N'avait-on pas eu l'impression,ces derniers temps, d 'une rela-tive libralisation concidantavec ce qu' on appel la vaguede l'rotisme lt ?E.L. - Ici et l, des diteurspublient de temps en temps unouvrage plus audacieux, le plussouvent un classique de l'ro-tisme. Disons que, depuis quel -ques mois, il y a eu un peu plusde l ivres rotiques, mais on nenous a j amais laiss aller t rsloin. Si la libralisation taitrelle, il y aurait peut-tre uneinvasion de romans rotiques et

    sans doute aussi , une baisse dequalit.Depuis le succs d' Emma-nuelle " , une partie du public nevoit plus en vous que l'diteurde ce livre.E.L. - C'est une image demarque qu'on m'impose et quine correspond pas la physio-nomie de ma maison. Sur septcents titres qui figurent moncatalogue, une douzaine tout auplus relvent du genre rotique.Le cinma, le fantastique, le sur-

    ralisme, voi l les orien ta tionsqui sont essentie llement l esmiennes. L'intrt que les sur-ra listes por tent l'rotismeexplique sans doute que j'aipubli quelques romans roti-ques. Mais je les ai publis, nonpar.ce qu'ils taient rotiques,mais parce qu'ils me semblaientprsenter une valeur littraire.Je n'ai jamais publi un livrepour rgler une chance en finde mois, mais toujours par got.Personnellement, aimez - vousla littrature rotique?

    E.L. - Si elle es t bonne, oui.Je comprends trs bien qu'oninterdise aux enfan ts la lecturede certains l ivres. Mais si, aumoment de voter on nous consi-dre comme des adultes, on doitconsidrer les lecteurs majeurscomme des adultes capables dechoisir leurs lectures. En fait, il

    y a trs peu de bons livres ro-tiques. Ils ne sont bons que s'ilsont une dimensi on potique.Autrement, rien n'est plus fasti-dieux, et l'on retrouve toujoursles mmes situations, le mmevocabulaire. En fait, la littraturerotique courante est p le ine deponcifs. Je crois que pour l'ama-teur qu i se satisfait de ces pon-cifs, elle rejoint le conte defes. Tou t dans ces r c it s estirrel, part icipe du rve: il n'estjamais quest ion de contracep-tion, les mles, toujours bienmonts, font l'amour comme desmitrai l leuses, jamais personnen'a de souci d 'a rgent. Bref, toutse passe dans l'intemporel.C'est de la littrature d'vasion.Aussi bien, dans le genre, seulsles textes de potes resteront.Propos recueillispar Claude Bonnefoy

    Son premier catalogue del ibrairie s'appelait la Conqutedu sexe. Ce titre dfinit encorele style de la maison d'ditionsqu'elle anime depuis un anL'Or du temps.R.D. C'est sans doute padfi que j'ai commenc publier des livres rotiques. Ouandj'ai dit Irne, en mars 1968le volume a t saisi, interditpuis l ibr. Tant d 'absurdit m'apousse continuer .Je publie des jeux ro tiques(ceux de Willem e t de Wol inski) et des livres. Parmi ceux-cila srie des dix-huit Chefs-d'uvre introuvables de Il:! littraturerotique. Ce sont des textes la f oi s i ll us tr es et inconnusLeurs auteurs s'appellent Tho-phile Gautier et Apollinaire, Resti f de la Bretonne ou MussetMais je cherche aussi desauteurs actuels, qu'il s'agissed'crivains connus ou nonMichel Bernard, Thrse Massar t, Henriet te Dpernay, biend'autres. Je reois trente quarante manuscrits par mo is.Je ne pense pas du tout quele march soit satur. Le modle parisien ne doit pas fai reillusion. En ra li t , une grandepartie du public possible n'amme pas t touche. On assiste, dans le mme temps, une volution de la clientleL'image du monsieur g eun peu honteux qui se ravitaillesous le manteau n'a plus valeuque de vestige. Je m'en rendscompte dans ma librairie. J'yreois beaucoup de couples jeunes et, plus nouveau encoredes jeunes femmes.Si j'ai un regret exprimerc'est que la presse littrairen'apporte pas une attention plussoigneuse la littrature rotique. En rgle gnrale, elle esmuette. C'est absurde. La critique doit s'exercer galemensur de tels ouvrages. L'tiquettecc rotique ne suffit pas dfinir un l iv re . I l en est de trshaute quali t, d'autres dont lacritique doit au contraire direla mdiocrit. Peut tre l'ideest-elle qu'aprs tout, depuissept mille ans qu'il y a deshommes et qui pensent , toua t di t dans ce domaine. Riende plus inexact se lon moi. Lestrs grands livres d'rotismecontemporain restent crire

    Propos recueillispar Gilles LapougeLa Quinzaine littraire, du 16 au 31 janvier 1970 15

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    1 t se

    Gaudi : Somme t d' une tour de la Sagrada Familia.

    Robert Descharneset Clovis PrvostLa Vision artistiqueet religieuse de GaudiPrface de Salvador Dal i.200 i ll . en noir, II pl. en coul.Edi ta , Lausanne, 250 p .

    Dans cet ouvrage d'uneincontestable importance pourla connaissance des mtho-des de travail d'AntonioGaudi, il n'tait pas nces-saire de se montrer, au dbut.si susceptible l'endroit descri tiques formules par ceuxdont l'admira tion ne se vouepas sans quelques rserves l 'archi tecte catalan. Car, si legnie s ingu lier de Gaudi estaujourd'hui unanimement re-.connu, il est un point surlequel l 'admirat ion achoppe :c'est la sculpture des groupesornementaux de la SagradaFamilia. Elle prsente, danscet di fi ce imagin avec uneaudace fantastique,' une la-cune consternante dans l 'ima-gination du constructeur.

    Sans doute doi t-on tenir comptedu fait que Gaudi ne fu t pas lesculpteur des statues de son gl ise,mais on ne peut oublier qu'ellesfurent excutes selon ses concep-tions et sous ses directives. Les auteurs en sont Lorenzo Matamala etson fils Juan qui continua le travail commenc par son pre, aprsla mort de celui-ci en 1925.L'apologie est un dangereux ent ra n emen t. A l'exe rcer sans p ru -dence on court le r isque de deven iraveugle. Ce n'est pas toutefois sansun cer tain embarras que RobertDescharnes et Clovis Prvost on tentrepris la dfense de l 'indfenda-hIe pompir isme ral is te (j'allaiscrire du ralisme socialiste) .dessculp tur es de la Sagrada Familia.

    Dali, dans sa pr face , s'en tireavec ses habituels paradoxesen disant de la s ta tuai re f igu.rative du sanctua ir e inachevqu'elle est bienheureusement d-plaisante , et il en compare l'esthtique celle de Me issonier et deDetaille qu'il situe, comme on sait,parmi' les plus grands franais . Si cet te quest ion, soule-ve ds le premier chapitre de l'ouvrage, prend ainsi une importancedisproportionne pa r rapport l'in.trt que reprsente avant tout, 16

    nos yeux, l'uvre architecturale deGaudi , c 'est qu'elle concerne unedocumentation des plus curieusespuhlie pa r les auteurs e t relativeaux mthodes de moulage su r nature pratiques pa r les sculpteurs qui l 'a rchi tect e avait con fi cestravaux.Mais admirons d'abord qu'il ai tpu se t rouver , en Catalogne, dans

    les annes 80 , des e sprits assezintrpides pour approuver e t com-manditer la construction d'dificesaussi dlirants que ceux dont Gaudis 'tait pris r v er . .Il y eu t d'.abordle comte Eusebio Gell , vr itablemcne des art is tes d 'avant -garde.C'est lu i qui, aprs llvoir chois iGaudi pour lu i faire btir, ds 1882,sa maison de campagne et son htelparticulier de la calle de Asalto Barcelone, lu i commanda la cons-truction du Parc Gell et de l'glisede la colonie 'qu'il destinait aux t ra

    vai lleurs de ses f ilatures, la ColoniaGell, une des plus extraordinairesralisations de l'architecte o, comme dans la Sagrada Familia, ilappor ta it de nouvelles e t d 'a uda-cieuses solutions au problme desvotes paraboliques su r colonnesinclines.La Sagrada Famia eu t aussi sonfinancier, l'diteur Jose Maria Boe

    cabella, qui avait achet le terraino fu t difie l'glise. Il se t rouvaenfin des admir at eu rs de Gaudiassez hardi s pou r lu i confier laconstruction de la Ca:Ja MUa, cet im-meuhle la faade ondulante duPaseo de Gracia, plus connu sousson surnom de la Pedrera (l a Carrire), et de l a Casa Bat tl o, appelela Maison des 0& cause d'un cer-tain aspect squelettique de l'di-fice. Cependant , ce n'tait pas lune suite d'entreprises absolumentinsolites. Et les auteurs de l'ou-

    vrage sur la Vi&ion de Gaudi onsrement raison de penser qu's'agissait d'un phnomne typiquement c atala n, cette poque odans le mouvement gnral qui entranait tout es les nerg ies par tc ip er la Renaixana J) catalaneun puissant courant modernistfavor isa l 'closion de ces archi teetures apparentes, par plus d'uct, aux erat ions de l'Art Nouveau. Gaudi n'tait pas le seul lancer ses murs convulss, ses mosa ques polychromes e t ses ornementations animalires . Les archtectes Puig y Cadafalch et Domnech y Montaner construisireneux aussi, d'extravagantes maisonsy installant des intrieurs dont nun'a pu encore dfinir le style : lCasa Amatller avec ses langousted e p ie rr e, le Caf Tor ino, le Pa laide la Musique cat al ane, e t l a rsdence du baron Quadras avec sdcoration arabo-gothico-ionienne . Nos fameuses entres de mtret la vgtation serpentine de lSamaritaine ne sont rien auprs dces dlires ptrifis.

    "Un temple hellniquedu .othiquemditerranen"Ce qui nous tonne et ce qu

    tonna beaucoup Francesc Pujolqui rappor te le fait dans un textebaroque souhait , publi en fi n devolume, c'est que Gaudi, en concevant la. Sagrada Familia, tait persuad qu'il demeurait dans la tradition grecque. C'est, disait-il, untemple hellnique du gothique mditerranen . Dfinition ambiguLes douze clochers (inspirs desspirales d'un coquillage) que devaicomporter le temple hellnique le je t d 'e au e t les jets de flammessymboles purificateurs, prvus poujaillir auprs du Baptistre, sur l'esplanade, n'auraient, en tout cas, rieneu de grec. Conue pour atteindreune hauteur de 170 mtre s, la cathdrale devait contenir 13.000 perosonnes assises su r des siges dont laforme avait t tudi e par Gaudpour empcher les fidles dsinvoltes de se croiser les jambes. Dest rois faades projetes, une seuleest aujourd'hui construite, celle dela Naissance, commence en 1890

    Aux multiples raisons de douteque la Sagrada Famia puisse jamais tre acheve (et les exemplesde la cathdrale de Cologne et decelle de Flo rence ne sont pas de

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    Picasso

    Gaudi La Sa&rada Familia.

    Pierre DufourPicasso 1950-1968Skira d.Andr FermigierPicassoLe livre de poche.Andr Fermigier assure que labibliographie de Picasso occuperaitun volume entier du Liv re de Po-

    che et qu'elle est d'une mornemdiocrit (dont i l excep te jus -te ti tre l 'ouvrage de John Berger,bien que t rop marxi sant songot). C'est dans cet ocan que senoie, h la s! Pierre Du four bienqu'il ait fait appel quelquesvingt-cinq matres nageurs pour lesouteni r dans son parcours de laproduction de Picasso entre 1950et 1968. De Picasso, qui a la plusbelle part, Michel Ragon en pas-sant pa r Lvy-Strauss, Breton, Ba-chelard, Gide, Giraudoux, Braque,Francastel, Kahnweiler, etc... cen'est en effet, sur la cinquantainede pages que comporte le texte, pasmoi ns d e soixante-dix citations ourfrences que sollicite une pensetimide sans apparatre hte pour au-tant. Mais Pierre Dufour travestiten essai ce qui n'e st qu'imagescommentes.Ce n'est certes pas la t imidit quiparalyse Andr Fermigier! L'norme documentation qu'il signale, oncroit volontiers qu' il l 'a lue tant n'en point abuser on sent qu'il enest matre. C'est les mains dans lespoches et le catalogue de Zervossous le bras qu'il fait son parcours,b ien p lus long que celui de PierreDufou r pui squ' il commence en1881. Le propos et la mthode nediffrent pas d'un livre l'autre.Il s'agit d'introduire l'uvre dePicasso pa r l 'analyse de tableaux et

    de sculptures choisis comme reprsentatifs d'une priode. En ce quconcerne Fermigier, la russite escertaine. L'information est sreelle s'articule clairement autour dequelques points for ts (Les Demoiselles d'Avignon, le Minotaure,Guernica) et la descr iption des uvres appuye par une excellenteiconographie chappe la phraso-logie habituelle.Sagement, Fermigier glisse surles pri odes bl eue et rose, il se

    donne la peine d'expliquer le cubisme, s'attache aux rapports avec lesurralisme et, adoptant le point devue de Kahnweiler: L'uvre dePicasso est passionnment autobio-graphique , i l laisse d'autres lesamours, les chteaux et tout lemythe Picasso. Mais i l compensecet abandon du pittoresque par unmalicieux flori lge des r act ionsque l'uvre a suscites tout au longde son cou rs, courant le risque d'yfigurer un jour son tour.Certes, il ne se permet que rare-ment une interprtation person-nel le e t chaque fois i l s'en excusemais c'est le ton qui , l ui , es t pe r-sonnel. Brillant, rapide, l'ironiesans cesse bout de plume. iconduit parfois Fermigier ricanedoucement devant tel vilain gnome gr il lard ou telle Albertinengrode revue p ar F re ud , toucomme les cen ta ines de mil li er s devisiteurs de l'exposition de 1966auxquels ce livre rendra le plusgrand service car il est leur atten-tion la meilleure et la plus plaisante introduction une uvre qun'est s i capitale que parce qu'ellemet f in dl ibrment cinq sicles de peinture. Marcel Billo

    nature lai sser esprer d'heureuxrsultats d'une .mle de plusieurssicles), il faut ajouter l 'embarrasdans lequel la mort de Gaudi , en1926, a laiss les continuateurs deson uvre . Sans dou te fut-i l a lorstrouv un certain nombre de maquettes, mai s l' id e prcise queGaudi aurait pu se f ai re du gigan.tesque monument atelle jamaisexist dans son esprit et , plusf or te r ai son, su r le papier? En1914 (Gaudi avait al ors 62 ans etil y avait 31 ans que les t ravaux dela Sagrada Familia taient commencs), il n 'exi stai t pas de maquettedfinitive des structures de l 'di fi ce. C 'e st que Gaudi procdait pa rttonnements, se livrant de conti

    nuelles recherches, modif iant sanscesse ce qu'il avait imagin, impro.visant souvent le dveloppement deses ides esthtiques. En outre, sonatelier fu t entirement dtruit pen-dan t l a gue rr e civile, en 1936, aucours d'un incendie o disparurentles moulages et les archives.

    Cette nbuleuse

    Cette incroyable nbuleuse, traverse de fulgurantes lumires, oGaudi poursuivait avec une incerti-tude vritablement onirique la ralisation de sa cathdrale, explique

    peut- t re le besoin qu'il prouvaitu'opposer aux chimres de ce grandsonge architectural le ralismed'une ornementation o la moindrepart imaginative tait refuse : tou'te forme sculpte dans la pierre n'yapparaissai t que comme reproduc-tion fidle d'un moulage sur natur e. C 'e st ainsi que furent moulesen pltre su r des modles v ivan ts- un chiffonnier du quartier, unchevrier, le gardien du chantier, untailleur de pierre - les figures duroi Salomon, de sain t Joseph, duChris t , de Judas, de tous les saints.et de tous les anges, et aussi lafaune et la flore rpandues pro-fusion sur la faade. Chaque l-ment y fu t excut partir de mou-

    lages faits sur un ne, sur des dindons, des pigeons, des escargots, descoquelicots, des fruits, des herbesDans la Sagrada Familia, cette

    anomalie suhlime disai t Euge-nio d'Ors, comme dans les autresdifices raliss ou rvs pa r Gaud(tel son projet peu connu d'ungrand htel amricain), il y a quel-que chose du temple hindou deRapa Rani et du Palais Idal dufacteur Cheval. Ce sont de cesconstructions qu i ne permettent pasde donner une signification ration-nelle la notion d'architecture, nide dfinir avec exactitude la fonc-tion de l 'architecte.

    Jean SelzLa Quinzaine littraire, du 16 au 31 janvier 1970 17

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    La pense de Francastel

    Vollard 19091910.

    On ne peut en fe rmer la pen-se de Francastel ni dans l 'h is -toire de l'art ni dans l 'esthti -que : l ' rudi tion est ici au ser-vice d'une rflexion sur l'espa-ce qui se poursuit de livre enlivre ... L'espace est l'expriencemme de l'homme., di t Fran-castel: on rendra compte de lacration artistique (et principa-lement plast ique) dans la mesu-re o cette dernire se rattache une plus vaste exprimenta-tion des relations de l'hommeet de la nature. Au del de lamtaphysique et de la psycholo-gie, utilisant pour la premirefois les donnes de l 'anthropo-logie, le critique fait de l 'inven-tion une activit qui dborde sesexpressions momentanes.On a admis longtemps que les18

    changements intervenus dansl 'volution de la peinture consti-tuaient des progrs -, que la perspective en profondeur-qui apparat la Renaissance-tait plus. vraie - que la visiondu Moyen Age. Dans Peintureet socit (1) Francastel mon-tre qu'il s'agit d'expriencesdiffrentes, de spculations surl'espace impliquant chacune dessystmes dif f rents. Aucun deces systmes n'est plus .rel-,il est autre.L'artiste dfinit donc d'unemanire ind iv idue lle le l ien im-plicite d'une socit avec la ma-tire, mais ce lien se modifieavec la totalit vivante laquel-le il se rattache : les civilisa-tions se succdent ou se co-toient, des fosss infranchissab les les sparent ent re e lles.

    Francastel a pens profond-ment ce qui para t tre. audeldes aff irmations dogmatiquesou faussement empir iques unedfinit ion de la diffrence spci-fique, c'est -di re de la ruptureet de la discont inui t. On oubliesouvent que le principe de touteanalyse sociologique ne rsidepas dans l'examen super fi cie ldes opinions ni dans la rductionde l ' individuel au collectif maisdans la reconstruct ion des en-sembles, des totalits vivantesdont les manifestations const i-tuent des types. A l'intrieur deces ensembles , i l reste expli -quer pour que lle raison le pointd 'imputat ion de l 'inconscienterflexion sur la matire est tou-jours individuel...L'uvre d'ar t n'est pasune s imple contemplation

    d . l ' invisible.On cono it que les h is toriensaient admis fort tard le principed'une typologie ou de la spci-ficit des ensembles (dont l'-tude a prcd la df in it ion desstructures) et que Francastelse soit rattach la sociolo-gie (2). Cette d'Tlarche lui per-mettait de prciser ce qu'il anomm dans la Figure et leLieu (3) l'ide de champ figu-

    ratif - ou de systme de signi-f icat ions -, lesquels constituentl 'ensemble des manifestations,des modes expressifs, des com-munications et des symbolisa-tions coordonns dans une tota-lit vivante. L'uvre d'art n'estpas une simp le contemp la tionde l 'invisible, elle met en causetoutes les relat ions possiblesde l 'existence collective et indi-viduelle. Elle es t une connais-sance possible en continuellegense (4).La rigueur de la pense deFrancaste l nous impose de s-

    parer la cration, exprienceconcr te de I"homme dans sesrelations avec la nature et travers une socit qui le limi-te et le condamne la symbol i-sation et les idologies, lescroyances, les justi fications quimasquent cette rali t.Comment ne pas voir danscertaines polmiques o Fran-castel se distingue par sa vh-mence (la querelle de la Renais-sance. la querelle du .baroque-)

    un effort pour arracher le dynamisme de l 'art aux spculationsformelles et arbitraires? C'esavec la mme inquite dmarche qu' il rcuse la rduc tion del 'art au langage comme dans sondernier livre, il rcuse les portraits pour revenir au visage(2)

    L'art n'est pas un langagemais un systme de reprsentation ., dit-il : non seulement lapeinture mais l'ensemble desmodes d'expression composanl 'imaginaire. Une tentative pouenfermer l ' invention dans la surface unidimensionnelle du langage se heurterai t au caractrepathologique de la parole criteprisonnire d 'e lle -mme eaboutirait au formalisme le plusstri le. Or, c'est vers la totalitde l 'expr ience que dbordenles formes de crat ion.

    On peut donc tenir Francastepour l 'un des fondateur de cet tesociologie de l'art qui laisse la crat ion mme son origina lit concrte : ne s'agit -il pas desavoi r comment la nature cherche travers le crateur uneplnitude que lui conteste lasocit, toute socit actuelleCe n'est pas solliciter lapense de Francastel quede constater combien il rejoint parfois dans sa thorie dess igni fi ca tions une des plus sais issantes rf lexions de Marx -cel le qui faisait du. prest ige del 'art grec et de son charmeternel -, l'ef fe t d'une socitinacheve qui trouvait dansl 'imaginaire sa compltude momentane (5) ...Jean Duvignaud

    (1) Audin, Lyon, 1951, 2" d., GaIimard, Ides, Arts, 1965 .(2) Le premier des h is to ri ensconcevoir et dfinir cet te rupture

    est videmment Lucien Febvre donl 'inf luence sur Francastel est aussImportante que cel le de Marcel Mauss(3) L'Influence de Panofsky suFrancastel est sensible et relle. MaiPanofsky ne rat tache jamais les f igures qu' II analyse la totalit de l 'exprience d'une poque : son esthtlsme le limite. Disc ip le de MaussFrancastel ne commet pas cetteerreur.(4) Le portrait (en col laborationavec Jul ienne Francastel) , Hachette(5) Introduction la Contributionla critique de l'conomie politiqu(1857) .

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    Trois DlODlents1

    Points de vue sur le langage,Textes choisis et prsentspa r Andr Jacob,Klincksieck d., 637 p.Une nouvelle co llect ion servlera de la plus haute uti-l it pour le chercheur et J'tu-diant; ce sont les Publica-tions de la Facult des Lettreset des Sciences humaines deParis-Nanterre . Poin t de vue,dont vient de para tre le n 1avec ce t ouvrage qui runitcent points de vue sur le lan-gage et deux cent soixante-dixtextes choisis, prsents, in-troduits et accompagns d'unebibliographie spcialise.Andr J acob , qui publie cestextes, es t l 'auteur d'une thse

    parue en 1967 chez Armand Colin:Temps et langage, dont l 'une desprincipales vises es t l'examen de

    l'opposition entre la synchronieet l a d iachronie, envisages dansun sens existentiel plutt quemthodologique. Dans la conjonc-ture l ingu is ti que act ue ll e c ett ethse ral ise un aspect de la ten-dance constructiviste que nousretrouvons ici comme l 'un desPo in ts d e vue su r le langage. Cettenouve ll e publ icat ion tablit unensemble de rubriques diversesr p ar tie s e n c in q sections fonda-mentales: 1. Langage et philoso-phie, 2. Langage et art, 3. Langageet culture, 4. Langage et science,5. Langage et linguistique. Devantla multiplicit et la complexitdes problmes ainsi mis en vi.dence, tout l ec teur ver ra dans lelangage le te rra in sur lequel pren-nent naissance bien des phno.mnes apparemment loigns.

    Voyons tout d 'abord quel es t lepoint de vue de l'introducteur deces point s de vue . Ainsi, l 'unedes proprits du langage estelle

    dfinie comme tant de saisir,analyser et interprter l'e.xp-rince (p. 7) . Sans doute n'admet.tons-nous pa s cette nonciationtel le quelle, tant i l est vrai qu ele seul fait d'adopter une l anguedtermine, mais encore un cer-tain vocabulaire ou certaines tour-nur es de phr as e, imp li que pa r lefait l'adoption d'un certain niveauet d'un certain horizon d'inter-prtation. Nous accepterons cetteformule dans la mesure o i l estentendu qu e ce qu'on appelle exprience ne nous parat telleque du moment qu'elle est sai si epa r un lanf;age, car en f ait e ll ene parviendrait pas nous sansl'encadrement d'un langage culturel, au sein duquel elle prendforme et v,aleur. Comme le prcisejustement M. Jacob, l'extensionmme du p hn om ne d u langageentrane l'extension des recherches sur le l angage . Nous sommesd'accord pour considrer comme

    contemporaines des oppositions depoints de vue qu i se produisirentsuccessivement et , en effet, i l espossible de comprendre cet te suc-cession historique comme encoremotive dans le prsent pa r le jeumme d'une dialectique. P ou r ledveloppement des tude s s ur lelangage, juste raison AndrJacob distingue et oppose troismoments dialectiqu em ent oprants; ce sont celui qu'inaugurel e c l b re text e Sens et rfrence(traduit ici pa r Sens et signification, contestable), ensui te celucommand pa r l : Etre et le temp$de Heidegger, enfin le moment del'Anthropologie structurale et desrecherches suscites pa r les travaux de Claude LviStrauss.

    Ces quelques indications pourr ai en t tr e la source d 'examensfructueux et intressants; elleseules, elles ouvrent dj certainesperspectives, non s eu lement s ur l elangage , mais sur tout sur la phi.

    Une nouvelle forme d'quipementcu.lturelLE COLLGE GUILLAUME BUD DE YERRES

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    CIVILISATIONS Le monde

    43 rue du rempk. Paril .c.c.r. Paris

    prpondrance des zones arides etsteppiques o la vie se maintiendans une prcarit qui provoquele petit hrosme quotidien et lahantise des appels vers le mondedes sdentaires et des villes. Lacivilisation de l'Islam est pourraiton d ir e ne de l 'obsession de l'eaudes paysages de lait et de mielo coulent les Beuves et o se dressent les villes. C'est de la terreque na t toute richesse, d'o l'intr t sculaire apport l 'irrigation.Le rle fonct ionnel de la ville a t maint es fois dcrit et la difficuIt tait pour J. et D. Sourde!d'en rappeler les traits essentiels.Capitale ou chef- lieu de province,la cit est avant tout un centregouvernemental. Durant la priodeen cause, l 'autorit suprme dusouverain est renforce pa r le car ac t re rel ig ieux des ins ti tu ti onset par le faste que celles-ci ontsu crer pour se mieux imposer.Comme historiens de l'art J. et D.Sourdel ont t amens rserverune place de choix aux vestigesdes dif ices princiers et religieux.Dans les pages qui sont consacres cet aspect de la civil isation servlent les qualits de spcialistesexiges pa r l a nat ur e du su je t. Unetr s belle illustration achve dedonner au lecteur une vue gnraleet prcise de l'art musulman danssa spcificit.

    Venant peu de t emps aprs lavaste fresque dont nous venons dedire les mrite s, celle que nousprsente Andr Miquel sous le titrede l 'Islam et sa civilisation rpond des exigences jusqu'ici jamaissatisfaites. Pour mener bien latche qu'il s'tait propose, AndrMiquel a d faire montre de beaucoup d'audace et faire preuve det r s ra re s qua lit s. L'uvre n i

    de ce tte Il civilisation classique Dqui Il s'identifia avec un modletoujours imit et respect, pre-mire e t parfaite ralisation dutype de socit qui tait ne desprceptes mme du Coran D. L'in-gale longueur des t rois par ties for-mant le volume montre bie n lesintentions des deux auteurs. Dansla premire ils ont entendu fournirl' indisp en sable cad re his to ri queallant de la prdication de Maho-met ju sq u' la fin du XIII" siclequi consacre la dfinitive dislo-cation de l 'Empire musulman.Avec une impersonnalit vouluedans le sty le et avec l e souci cons-tant de n'alourdir l'expos ni parl'abus des dat es ni par les fait s,J. et D. Sourdel conduisent le lec-teur dans l e chaos des vnement sjusqu'au terme de la priode os'est panoui l'Islam classique D.La deuxime partie de l 'ouv rageannonce un premier approfondis-sement. Il s 'agissai t de ne pointtomber dans des redites , de ne pass'arrter en particulier au simpleexpos des doc trine s dans leurcontenu ou dans leurs aspects ext-rieurs. L'important tait ici demarquer grands t rait s les imbri -cat ions constantes qu'on relvedans la pense religieuse des mu-sulmans et les formes sociales qui,durant cette priode, on