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Classiques Contemporains & Éric-Emmanuel Schmitt présente 13 récits d’enfance et d’adolescence LIVRET DU PROFESSEUR établi par Sylvie Coly professeur de Lettres

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Classiques Contemporains&

Éric-Emmanuel Schmitt présente

13 récits d’enfance et d’adolescence

LIVRET DU PROFESSEURétabli par

Sylvie Colyprofesseur de Lettres

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SOMMAIRE

DOCUMENTATION COMPLÉMENTAIRELa voix de l’enfance, le regard des adultes ............................. 3Philippe Lejeune, Le pacte autobiographique, 1975 .......... 3Jacques Dutronc, Jacques Lanzmann, Anne Ségalen, Fais pas ci, fais pas ça, 1968 ....................................................................... 3François Bégaudeau, Entre les murs, 2006 .............................. 4

POUR COMPRENDRE :quelques réponses, quelques commentaires

Étape 1 Écrire ses souvenirs d’enfance ...................................... 5Étape 2 Figures maternelles et paternelles ............................ 7Étape 3 L’enfance déracinée ............................................................ 8Étape 4 L’enfance et l’adolescence, champs d’expérience ....... 9Étape 5 L’enfance heurtée par l’histoire ................................. 11Étape 6 Synthèse .................................................................................. 13

Conception : PAO Magnard, Barbara TamadonpourRéalisation : Nord Compo, Villeneuve- d’Ascq

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DOCUMENTATION COMPLÉMENTAIRE

La voix de l’enfance, le regard des adultes

L’enfance est une période de transition, et l’enfant un être en devenir : c’est sans doute ce qui constitue la spécifi cité de cet âge, à la fois sujet et objet de ce genre particulier qu’est le récit d’enfance.

Si nous avons tous été des enfants, l’auteur du récit d’enfance est bien un adulte, qui se penche sur cette période selon un angle choisi : parler de sa propre vie et dresser son autobiographie, ou mettre en scène un enfant réel ou imagi-naire, qui devient alors le personnage principal, voire le narrateur de l’œuvre. Dans les deux cas, l’auteur adulte, qui relaie la voix enfantine, véhicule une somme d’expériences, un projet littéraire, un point de vue particulier, et une certaine capacité d’analyse.

Philippe Lejeune, Le Pacte autobiographique, 1975

Pour lire l’extrait de l’ouvrage, suivez le lien :http://www.autopacte.org/pacte_autobiographique.htmlLe récit d’enfance est un récit écrit et porté par un adulte. En ce sens, il est

important de diff érencier l’écriture du souvenir de l’écriture d’un récit imaginaire : le principal critère réside dans l’adoption ou non du « pacte autobiographique ».

Jacques Dutronc, Jacques Lanzmann, Anne Ségalen, Fais pas ci, fais pas ça, 1968

Pour écouter la chanson, suivez le lien :https://www.youtube.com/watch?v=7QN2Jcor60ALa jeunesse française de 1968 scande qu’il est « interdit d’interdire », revendi-

quant davantage de liberté et l’éclatement du carcan autoritaire et paternaliste qui gouvernait les générations précédentes. Sous la forme d’un inventaire qui rappelle

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ceux de Jacques Prévert, la chanson Fais pas ci, fais pas ça se fait l’écho de cette volonté émancipatrice et règle joyeusement son compte à l’éducation traditionnelle, en transformant les ordres que l’on reçoit enfant en comptines dénaturées.

François Bégaudeau, Entre les murs, 2006

Entre les murs de François Bégaudeau n’est pas un récit d’adolescent, mais un récit sur l’adolescence. L’auteur raconte son quotidien de professeur de français en rapportant, le plus sincèrement et honnêtement possible, les mots qu’il entend dans sa classe. L’adaptation cinématographique du roman a rem-porté la Palme d’or à Cannes en 2008.

Consultez plus particulièrement le chapitre 1 de l’ouvrage.

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POUR COMPRENDRE : quelques réponses, quelques commentaires

Étape 1 [Écrire ses souvenirs d’enfance, p. 110]

LireG. Perec, W ou le Souvenir d’enfance1 Le récit proprement dit commence page 10, ligne 19.2 Le narrateur a « hésité avant d’entreprendre le récit de [son] voyage à W » car :– il voulait « garder le secret » de ce qu’il avait « vu » ;– il n’a pas réussi à accomplir la mission qui lui avait été confi ée ;– celui qui lui avait confi é cette mission a disparu ;– il a eu l’impression de rêver cette histoire car il n’en trouvait pas de traces dans

les archives.3 « Persuader » vient du latin « persuadere », qui signifi e « conseiller fortement ».

Employé comme participe passé, il signifi e que le narrateur a le sentiment qu’il doit révéler son secret. On ne peut pas le remplacer par le verbe « convaincre », qui signifi erait que l’on aurait aff aire à un raisonnement, et donc à une sollicitation de la raison.

4 Le narrateur est déstabilisé de ne trouver aucune trace des événements qu’il a vécus dans les archives, ce qui le conduit à penser qu’il a été victime d’un « inou-bliable cauchemar ». Les cartes, les annuaires et les archives jouent le rôle de preuves attestant de la réalité de ce qui s’est produit.

5 L’île W est un endroit dont on ne parle pas et dont on ne trouve pas de traces. Est-il honteux ? Inhumain ? C’est également un lieu où le narrateur a reçu une mission à accomplir. Il semble aussi qu’on y pratique des compétitions sportives ou militaires (« courses sanglantes », « clameurs », « orifl ammes », l. 12-13). Enfi n, c’est un endroit qui suscite, pour le narrateur, « l’incompréhension, l’horreur et la fascination » (l. 13-14), un « inoubliable cauchemar » (l. 17-18), des « souvenirs sans fonds » (l. 14). Par conséquent, c’est un lieu où le narrateur a été traumatisé.

6 Le mot « histoire » a plusieurs sens :– « mon histoire », ligne 65, signifi e « ma vie » ;– « cette absence histoire », ligne 68, signifi e « cette absence de récit de ma propre

vie » ;

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– « de mon histoire, de mon histoire vécue, de mon histoire réelle, de mon his-toire à moi », lignes 70 et 71, évoque « ma façon particulière d’avoir passé du temps dans le monde réel, d’avoir grandi, d’avoir existé » ; « mon histoire » veut dire ici « mon identité », « mon histoire subjective » ;

– « une autre histoire, la Grande, l’Histoire avec sa grande hache », lignes 77 et 78, signifi e « la marche du monde », l’histoire objective ;

– « une histoire », ligne 79, désigne un récit de fi ction ;– « cette histoire s’appelait “W” », ligne 81, évoque ce récit de fi ction particulier ;– « une histoire de mon enfance », ligne 82, rappelle ici que cette histoire me

donne une identité, un passé, une existence particulière.7 Il s’agit d’un chiasme grammatical parfait, qui montre l’imbrication qu’il y a

entre la constitution de l’identité et le fait d’en faire le récit, qui inclut celui de l’île W.N. Sarraute, Enfance8 L’adverbe « là-bas » exprime la mémoire de l’enfance, désignée comme un lieu.

On trouve plusieurs synonymes : « quelque chose » (l. 27), « les limbes », (l. 29), « hors des mots » (l. 35).

9 Pour l’autobiographe, les mots fi xent les souvenirs, leur apportent une netteté.10 La narratrice insiste sur le fait que l’écriture eff ace également le souvenir origi-

nal, « tremblotant », car on se souvient mieux de ce que l’on a écrit que du souvenir lui-même, « encore vivant ».

11 La formule qui permet de raviver un premier souvenir est une phrase, ce sont des mots prononcés en allemand. « Sésame, ouvre-toi » est une formule prononcée par le héros d’Ali Baba et les quarante voleurs dans Les Contes des mille et une nuits, pour que s’entrouvrent les parois de la caverne renfermant le trésor. Le mot désigne, par analogie, un code permettant d’ouvrir un passage gardé ou une entrée réservée. Cette phrase en allemand permet à l’auteur d’ouvrir les portes de sa mémoire, comme le ferait une formule magique.

12 Le matériau qui, dans les « limbes » de la mémoire, permet de former un souvenir, est le mot.

A. Nothomb, Métaphysique des tubes13 Amélie Nothomb écrit sur le ton de l’humour et de la dérision.15 Amélie Nothomb utilise le récit de la création du monde issu de la Genèse.

Elle reprend mot pour mot la première phrase pour deux raisons :– elle souhaite créer un eff et comique ;– elle n’a pas de souvenirs de sa vie de nourrisson, car la mémoire persistante ne se

forme qu’à partir de 5-7 ans ; reprendre un récit par analogie paraît donc commode.16 L’aptitude, selon Amélie Nothomb, qui permet de dire qu’un individu vit, et

ne se contente pas d’exister, c’est le regard.

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Étape 2 [Figures maternelles et paternelles, p. 112]

LireD. Chraïbi, La Civilisation, ma Mère !….1 Le début du texte est comique, d’une part parce qu’il y a un décalage entre « la

splendeur des splendeurs » (l. 5) annoncée par Nagib et la découverte de la chose en elle-même ; d’autre part parce que la marque est considérée comme le nom de l’objet ; et enfi n parce que la lecture du nom crée un eff et comique.

2 La mère des deux garçons est ignorante (ou inculte, naïve, puérile, recluse), maternelle (ou aff ectueuse, confi ante) et patiente.

4 Les garçons évoquent la « magie » (l. 57). Ils utilisent le vocabulaire suivant : « les fakirs et les charmeurs de serpents » (l. 59), « magicien » (l. 64, l. 83, l. 120), « des histoires d’ogres et de fées » (l. 101-102), « un génie » (l. 111). Ils se servent de ce stratagème car ils craignent les « étincelles » (l. 55) : ils ne veulent pas eff rayer leur mère, si ignorante qu’elle leur paraît incapable de comprendre le phénomène. Ils sont avant tout motivés par l’aff ection qu’ils lui portent.

5 Les garçons aiment profondément leur mère. Ils entretiennent avec elle les mêmes relations qu’ils auraient avec un enfant. La relation enfant-parent est ici inversée.

6 Nagib est le grand frère du narrateur : c’est lui qui apporte l’électricité et la radio dans la maison, qui évoque le magicien pour ne pas eff rayer leur mère, et mange la nourriture qu’elle laisse près du poste de radio pour conserver son « rêve » intact. Nagib s’occupe de sa mère comme il s’occuperait d’un enfant. Il joue en cela le rôle d’un père aimant.

7 Pour la mère du narrateur, la radio représente le moyen de se cultiver, de sortir de l’ignorance dans laquelle elle a vécu jusque-là. C’est également une façon de lutter contre la tradition et l’isolement. Le narrateur l’explique page 31, lignes 197 à 204.

A. Ernaux, La Place9 « Avoir tout ce qu’il faut », c’est-à-dire le nécessaire pour vivre, c’est ne pas

avoir faim, avoir chaud, de quoi s’habiller, et vivre au pensionnat. Ces éléments ne renvoient qu’au confort matériel. La narratrice manque vraisemblablement d’élé-ments culturels, qui sont sans importance pour ses parents.

10 L’institutrice est une personne cultivée. Son observation montre que sa préoc-cupation est historique. Les préoccupations du père de la narratrice sont tout autres : il aspire au confort, il veut « posséder » (p. 34, l. 22).

11 C’est le témoignage de leur réussite sociale.12 Le manque de culture ne permet pas à ses parents, ni à elle-même, de savoir

vers où diriger leurs eff orts.

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13 La famille de la narratrice vient d’un milieu social modeste. Ils ont gravi les éche-lons sociaux et se sont donc déplacés d’une classe pauvre, où l’on ne possède rien, vers une classe moyenne, où l’on a des possessions. Cependant, ils sont « déplacés » à l’inté-rieur de cette classe-là car ils n’en possèdent pas la culture, qui ne sera acquise que par la génération suivante, c’est-à-dire celle de la narratrice, grâce à des études supérieures.

16 « Indicible » signifi e « que l’on ne peut pas dire ». La formule est donc redon-dante, car la narratrice évoque la peur, qu’elle ne peut pas mettre en mots, de mal employer un mot. En somme, l’hyperbole contenue dans la formule montre bien que le problème qui l’occupe enfant, et qui occupe ses parents, est tout entier un problème de langage.

Chercher20 Selon le Larousse, il s’agit d’une « théorie philosophique qui se fi xe pour objet de

déterminer ce qui provoque chez l’homme le sentiment que quelque chose est beau ». L’esthétique concerne donc ce qui crée la beauté. Dans la phrase d’Annie Ernaux, l’esthétique renvoie à la poésie, la beauté du style et du personnage de Françoise.

21 Annie Ernaux est née en 1940. Elle a grandi à Yvetot, en Normandie, avant de devenir professeur de lettres. Elle a écrit plusieurs romans, dont Les Armoires vides en 1974, La Place en 1983 (prix Renaudot) et Les Années en 2008 (prix Marguerite Duras, prix François Mauriac et prix de la langue française). On peut déduire de cette double carrière d’enseignante et d’écrivain, d’une part qu’elle a pris sa revanche sur les carences culturelles de son enfance, et d’autre part qu’elle a poursuivi l’ascen-sion sociale entreprise par ses parents.

Étape 3 [L’enfance déracinée, p. 114]

LireA. Cohen, Le Livre de ma mère1 Le petit Albert subit un déracinement géographique (il vient de Corfoue),

linguistique car il ne comprend pas le français, et religieux, car il est d’origine juive et se rend à l’école des sœurs catholiques.

4 Pour Albert, sa mère est l’incarnation même de son enfance, comme le précise la première phrase. Elle est aff ectueuse et aimante, s’occupant de lui avec beaucoup d’attention (l. 25-35).

R. Gary, La Promesse de l’aube7 Anna Karénine est l’héroïne du roman éponyme de Tolstoï, un auteur russe.

La mère du narrateur est polonaise, et connaît la littérature russe.

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9 Le narrateur analyse, avec son regard d’adulte, ses souvenirs, et notamment les choix qui ont été faits par sa mère.

É.-E. Schmitt, Oscar et la dame rose10 Il s’agit d’un récit d’enfance de fi ction. En eff et, si Oscar s’exprime à la pre-

mière personne, c’est parce qu’il écrit une lettre.11 Oscar est déraciné, car :– il ne vit plus avec ses parents, mais à l’hôpital ;– il n’a plus vraiment de relation avec ses parents ;– il n’est plus vraiment dans l’enfance, car il sait qu’il va mourir.12 Le ton du personnage est direct. L’enfant fait souvent preuve d’humour. Il

décrit ses camarades et ses « aventures » sans utiliser le registre pathétique auquel on pourrait s’attendre dans une telle situation.

13 Oscar fait une analogie entre son propre état physique et la représentation des souff rances du Christ.

14 Pour Oscar, Dieu est « tout-puissant » : il ne comprend donc pas pourquoi il ne s’est pas battu contre ses agresseurs, et pourquoi il a accepté de souff rir.

15 Le Christ est présenté comme celui qui a accepté la souff rance physique et refusé la souff rance morale. Mamie-Rose encourage Oscar à accepter la mort.

16 Il s’agit d’un dialogue didactique.17 Oscar entretient une relation directe, familière et amicale avec Dieu.

Chercher21 Le narrateur fait allusion à plusieurs personnages et plusieurs événements :– « ouvrez de grands yeux devant chaque bergère et entendez des voix » fait réfé-

rence à Jeanne d’Arc ;– « annoncez à vos soldats de plomb que du haut de ces pyramides quarante

siècles les contemplent » sont des mots prononcés par Napoléon Bonaparte pendant la campagne d’Égypte, en 1798 ;

– « coiff ez-vous d’un bicorne en papier et prenez la Bastille » fait référence au fait que le bicorne était la coiff ure offi cielle de l’armée française, et à la Révolution de 1789.

Étape 4 [L’enfance et l’adolescence, champs d’expérience, p. 116]

LireJ. Vallès, L’Enfant1 Le narrateur est resté en salle d’étude toute la nuit : c’est le surveillant qui est

venu le libérer « en se levant » (p. 70, l. 48).

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2 C’est l’imagination qui permet ce mélange du réel et de la fi ction, que l’on retrouve dans les expressions suivantes :

– « en ce moment où la lune montre là-bas un bout de corne, je fais passer dans le ciel tous les oiseaux de l’île, et je vois se profi ler la tête longue d’un peuplier comme le mât du navire de Crusoé ! Je peuple l’espace vide de mes pensées, tout comme il peuplait l’horizon de ses craintes ; debout contre cette fenêtre, je rêve à l’éternelle solitude et je me demande où je ferai pousser du pain… » (p. 69, l. 35-41) ;

– « Vais-je être réduit à manger ces rats que j’entends dans la cale de l’étude ? » (p. 70, l. 43-44) ;

– « Comment faire du feu ? J’ai soif aussi. » (p. 70, l. 44) ;– « Pas de bananes ! Ah ! lui, il avait des limons frais ! Justement j’adore la limo-

nade ! » (p. 70, l. 44-45) ;– « Clic, clac ! on farfouille dans la serrure. Est-ce Vendredi ? Sont-ce des sau-

vages ? » (p. 70, l. 46-47) ;3 Le narrateur semble rêver. Cet état perdure sous l’action de la fi èvre (l. 52), et

de l’eau-de-vie (l. 58).5 Le narrateur utilise d’abord le discours direct (l. 72-74), puis le discours indi-

rect libre (l. 75-90).6 Le narrateur pose une question oratoire : « Qui remplace une mère ? » et y

répond de manière sincère, mais improbable, créant un décalage entre ses propos lyriques défi nissant la mère idéale, et sa réponse abrupte. De même, il pousse une exclamation indignée : « Ne pas me reconnaître ! », avant d’y répondre de manière presque burlesque, tant le décalage est grand avec les propos attendus.

7 Cette phrase est une phrase habituellement prononcée par la mère du narra-teur, que ce dernier reprend. Dans le texte d’Annie Ernaux, ce type d’expressions est repérable grâce à l’italique.

8 Il s’agit d’un enfant martyr.9 Le narrateur a maintenant « pour amis Crusoé et Vendredi » (l. 129-130).

Il n’est « plus seul » (l. 129). Son imagination possède « un coin bleu » (l. 131).I. Némirovsky, Le Bal10 Il s’agit du point de vue de l’adolescente, Antoinette.11 Antoinette est une adolescente de quatorze ans, qui se révolte contre l’autorité.

Elle est déterminée à aller au bal. Elle est émotive et malheureuse, brutalisée sans cesse par sa mère. C’est également un personnage d’adolescente en crise, qui attend de vivre ses premiers émois amoureux. Ce qui domine sa personnalité, c’est sans doute le senti-ment d’attente de l’avenir et d’impatience de sa vie de femme.

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Sa mère est une femme jalouse et ambitieuse. Elle a peur de l’ombre qu’Antoi-nette – une fi lle de 14 ans, qui la renvoie à son âge propre et à sa condition de mère – pourrait lui faire. Elle ne veut donc pas « s’embarrasser » d’une fi lle à marier. Elle est également violente, promettant sans cesse à sa fi lle des châtiments corporels, et pro-jetant de la faire dormir dans le débarras. Comme la mère de Jacques Vingras, mais dans une moindre mesure, c’est une femme peu aimante qui martyrise son enfant.

12 La rage d’Antoinette est dirigée vers les adultes, et particulièrement ses parents et sa gouvernante.

13 Il s’agit du discours indirect libre, qui laisse libre cours au développement du monologue intérieur.

14 Antoinette fait l’expérience de ses émotions : elle porte un regard sur elle-même, sur ses sensations et ses émotions ; elle pose, expérimente des attitudes.

15 Le monologue intérieur, qui permet de suivre les pensées les plus intimes de la jeune fi lle, la rend peu sympathique.

16 Il s’agit de rivalité et de jalousie.17 Elle pense aux « livres » et à Roméo et Juliette. Les héros sont idéalisés, et

correspondent au tempérament passionné d’Antoinette. Ils entretiennent son exal-tation. Elle vit par conséquent le complexe d’Emma Bovary, pensant que l’existence doit correspondre à ses lectures.

18 Elle est à la fois dégoûtée et envieuse.19 Antoinette est victime de la violence verbale de sa mère et de la brutalité des

adultes. Son cas est cependant moins émouvant que celui de Jacques car : – c’est une adolescente alors que Jacques est un enfant ; – Antoinette ne porte pas de marques physiques attestant de sévices ; – Antoinette porte un jugement négatif face à la méchanceté des adultes ; – Jacques semble sincèrement aimer sa mère et penser qu’il mérite les châtiments

corporels qu’il endure ; il est donc plus vulnérable que l’adolescente ; – Antoinette est capable de se défendre, comme le montre la fi n du texte.

Étape 5 [L’enfance heurtée par l’histoire, p. 118]

LireF. Uhlman, L’Ami retrouvé1 La famille Hohenfels montre une riche et orgueilleuse noblesse. Leur arrivée

est protocolaire et princière.2 « Humilier » signifi e « faire apparaître quelqu’un comme inférieur ».

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5 Conrad est d’abord bouleversé, mais calme. Puis il est emporté par l’émotion et se met à crier. Enfi n, il s’apaise.

6 Hans est prisonnier des préjugés des parents de Conrad.7 Les enfants ne se préoccupent pas des préjugés religieux ou sociaux, comme

c’est souvent le cas des adultes. Les adolescents, en revanche, sont désormais conscients qu’ils appartiennent à deux familles diff érentes, deux communautés, et ainsi deux camps diff érents. Le narrateur fait donc allusion, grâce à cette expression, à la perte de son innocence d’enfant.

É.E. Schmitt, L’Enfant de Noé8 La narration est à la première personne, mais il ne s’agit pas d’un récit auto-

biographique : le narrateur est un enfant qui s’appelle Joseph, alors que l’auteur se nomme Éric-Emmanuel Schmitt.

9 La solidarité est un devoir moral qui résulte de la prise de conscience de l’interdépendance des hommes, et qui les fait s’unir et s’entraider. Le père Pons est catholique, et aide un enfant juif en le cachant dans son pensionnat.

10 Il y a une gradation vers le mal dans les propos de Rudy, amenée par les adjectifs qu’il emploie.

11 On rencontre le champ lexical du fantastique : « diabolique » (l. 82), « fi ne silhouette fuyant entre les arbres » (l. 84-85), « fi lait à vive allure » (l. 86), « lune borgne » (l. 86-87), « plus souple qu’un loup » (l. 87), « tremblais », « redoutais », « une créature maléfi que », « étranges sortilèges », « qu’une seule issue » (l. 92), « chapelle désaff ectée » (l. 93), « l’obscurité de la campagne inconnue » (l. 95), « une clé démesurée » (l. 96).

Joseph est eff rayé. Il éprouve une peur irrationnelle, et l’univers qu’il perçoit est celui des contes fantastiques. La déception du petit garçon est comique, car il atten-dait une raison surnaturelle aux mystères du père Pons, et il pense qu’il va seulement prier en secret.

13 Joseph voit d’abord dans le père Pons l’incarnation du diable. C’est « une créature maléfi que acoquinée aux plus étranges sortilèges » (l. 90), sans doute « le diable en soutane » (l. 165). Cependant, le père Pons est très maigre : il ne peut donc pas manger « ce qu’il y a dans le sac » (l. 157-159). Rudy trouve alors la solution : le père Pons est un résistant. Il incarne ainsi pour Joseph un saint, un « héros » (l. 172).

J.-C. Moscovici, Voyage à Pitchipoï14 Le narrateur s’exprime à la première personne, bien qu’on ne connaisse pas son

prénom. Il évoque clairement ses souvenirs, comme le montrent les expressions « j’ai le souvenir » (l. 4), et les faiblesses de sa mémoire d’enfant : « je ne sais plus si c’était le premier jour » (l. 9). De plus, les noms cités, Pierre Laval, le gouvernement français

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de Vichy, le lieutenant SS Röthke, la gare du Bourget-Drancy, sont vérifi ables scien-tifi quement : ils appartiennent à l’Histoire. Enfi n, le narrateur analyse ses souvenirs avec ses yeux d’adulte. Il avoue en eff et : « Je sus, bien des années après, que la semaine précédant notre départ, trois convois de mille personnes y étaient parvenus, emmenant aussi des enfants, qui depuis trois mois faisaient partie de ces voyages. » (l. 123-125).

15 Le pronom « on » récurrent montre que ce sont des inconnus qui se sont occupés des enfants.

16 Les références temporelles « de temps en temps » (l. 94), « un jour » (l. 98), « une fois » (l. 114), « puis un jour » (l. 119) sont très imprécises et évoquent d’une part la confusion temporelle dans laquelle se trouvaient les enfants, et d’autre part la diffi culté à laquelle est confronté le narrateur pour restituer précisément des souve-nirs traumatisants et lointains.

17 Pitchipoï est un nom inventé par les enfants détenus à Drancy pour évo-quer ce lieu inconnu, pour lequel ils savaient qu’ils étaient « en partance » : « On parlait souvent d’un endroit où nous irions peut-être après Drancy, qui s’appelait Pitchipoï. […] C’était un lieu mystérieux […], la promesse de la liberté et l’angoisse de l’inconnu. » (l. 87-91). Ces enfants étaient en réalité en partance pour Auschwitz.

Étape 6 [Synthèse, p. 120]

Lire3 Jean-Claude Moscovici est pédiatre : son but est de témoigner pour exorciser

un souvenir. La qualité littéraire de son texte est donc mise au service de l’expression de son souvenir. Pour Nathalie Sarraute ou Albert Cohen, la recherche de la forme et du style sont aussi importantes que le contenu de leur propos. Le souci de l’utilité du texte de Jean-Claude Moscovici en fait, par conséquent, davantage le témoignage d’une expérience de vie inhumaine qu’un exercice autobiographique au sens pure-ment littéraire du terme.

6 On pourra souligner que chaque individu évolue selon les mêmes étapes, expé-rimentant la parole, la relation avec ses parents et son milieu social, la lecture, les préjugés ou la puberté. Cependant, l’enfance est la période durant laquelle l’individu construit son identité et devient un individu diff érent des autres, un sujet particulier, façonné par l’Histoire et l’expérience.

7 L’héroïne du Bal et le héros de L’Ami retrouvé sont des adolescents. Les pro-blèmes qu’ils traversent – l’émoi des premiers désirs et l’éveil de la jalousie en ce qui concerne la jeune fi lle, l’expérience des préjugés et de la perte de l’innocence enfan-

Page 14: présente 13 récits d’enfance et d’adolescence...1 Le début du texte est comique, d’une part parce qu’il y a un décalage entre « la splendeur des splendeurs » (l. 5) annoncée

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tine pour le jeune homme – sont liés à cette période. Ce sont des problèmes diff é-rents, mais pas forcément plus complexes que ceux que traverse Oscar, par exemple, luttant contre l’idée de la mort.

8 Le « Cycle de l’invisible » compte six romans, chacun consacré à un drame humain, vécu dans son rapport à une religion : Milarepa, Monsieur Ibrahim et les Fleurs du Coran, Oscar et la dame rose, L’Enfant de Noé, Le Sumo qui ne pouvait pas grossir, Les Dix Enfants que madame Ming n’a jamais eus.

10 Ces deux romans traitent de thèmes universels : la mort d’un enfant pour le premier, la solidarité autour de la vie d’un enfant en temps de guerre pour le second. L’enfant est un individu qui se construit, se pose des questions sur le monde dans lequel il vit : son innocence ne permet donc pas de l’inscrire dans une mode ou une manière de voir, infl uencée par la culture ou la nécessité politique. Ainsi, Oscar parle à Dieu avec familiarité car la notion même des usages à cet égard lui échappe sincèrement. Joseph, quant à lui, avoue avec naïveté au père Pons qu’il aime la messe.

Chercher16 Il s’agit de La Guerre des boutons : les enfants de deux villages voisins,

Longevernes et Velrans, se livrent une guerre sans merci, dont le butin tient dans les boutons de culottes.

© Éditions Magnard, 2015www.magnard.fr

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