Présentation de la Saône-et-Loire et de ses richesses … · 2015-12-08 · Charolles...

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55 Présentation de la Saône-et-Loire et de ses richesses ornithologiques L’avifaune de notre territoire est fortement marquée par la traversée des deux grands cours d’eau qui ont donné leur nom au département. Les deux vallées de la Saône et de la Loire, orientées grossièrement dans un axe nord-sud, forment de larges couloirs de passages privilégiés pour les oiseaux entre le Nord-Est et le Sud de la France. Les milieux riches générés par leurs inondations régulières attirent de nombreuses espèces d’oiseaux. L A r r o u x L e T e r n i n L a D h e u n e L e D o u b s L A r c o n c e L a B o u r b i n c e L e S o r n i n L a G r o s n e L a S e i l l e L a V a l l i è r e L e S o l n a n L a B r e n n e L a S a ô n e L a L o i r e La L o ir e L A rro u x Le T e r n i n La Dhe u ne L a Sa ô n e L e D o u b s LArc o n c e L a Bourb i n ce L e S o r n i n L a Grosne L a S e ille La Vall i è r e L e S o l n a n L a B r e n n e Autun Charolles Chalon-sur-Saône Mâcon Louhans Autun Charolles Chalon-sur-Saône Mâcon Louhans LES MONOGRAPHIES Héron garde-bœufs par Phlippe GAYET. La Saône-et-Loire, relief et réseau hydrographique. La Saône-et-Loire en France et en Bourgogne en vert, le Parc naturel régional du Morvan Les traits communs à ces deux vallées sont la présence de vastes prairies et de bois alluviaux ou périphériques intéressants. Dans les grandes parcelles de prés, on retrouve une avifaune caractéristique qui se reproduit au sol : Vanneau huppé (surtout en vallée de la Loire), Courlis cendré, Tarier des prés (surtout en Val de Saône). Les arbres du bocage ou des ripisylves sont les témoins actuels du retour spectaculaire de la Cigogne blanche, surtout dans le Val de Loire alors que ce phénomène est plus récent en Val de Saône. Les milieux boisés attirent de belles héronnières mixtes à Héron cendré, Aigrette garzette, Bihoreau gris voire Héron garde-bœufs, que ce soit sur les îles ou bois alluviaux du Val de Saône, ou dans les bosquets et bois à l’intérieur ou l’extérieur du lit majeur de la Loire. Le Héron garde-bœufs est une preuve des influences méditerranéennes auxquelles sont soumises ces grandes rivières et leurs affluents. Des oiseaux erratiques y remontent parfois, comme le Crabier chevelu, voire l’Élanion blanc, le Rollier d’Europe ou le Coucou geai !

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55Rev. sci. Bourgogne-Nature - Hors-série 10-2012

Présentation de la Saône-et-Loire et de ses richesses ornithologiques

L’avifaune de notre territoire est fortement marquée par la traversée des deux grands cours d’eau qui ont donné leur nom au département. Les deux vallées de la Saône et de la Loire, orientées grossièrement dans un axe nord-sud, forment de larges couloirs de passages privilégiés pour les oiseaux entre le Nord-Est et le Sud de la France. Les milieux riches générés par leurs inondations régulières attirent de nombreuses espèces d’oiseaux.

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Chalon-sur-Saône

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LES mOnOgRAPHIES

Héron garde-bœufs par Phlippe gayet.

La Saône-et-Loire, relief et réseau hydrographique.

La Saône-et-Loire en Franceet en Bourgogne

en vert, le Parc naturel régional du Morvan

Les traits communs à ces deux vallées sont la présence de vastes prairies et de bois alluviaux ou périphériques intéressants. Dans les grandes parcelles de prés, on retrouve une avifaune caractéristique qui se reproduit au sol : Vanneau huppé (surtout en vallée de la Loire), Courlis cendré, Tarier des prés (surtout en Val de Saône). Les arbres du bocage ou des ripisylves sont les témoins actuels du retour spectaculaire de la Cigogne blanche, surtout dans le Val de Loire alors que ce phénomène est plus récent en Val de Saône. Les milieux boisés attirent de belles héronnières mixtes à Héron cendré, Aigrette garzette, Bihoreau gris voire Héron garde-bœufs, que ce soit sur les îles ou bois alluviaux du Val de Saône, ou dans les bosquets et bois à l’intérieur ou l’extérieur du lit majeur de la Loire.

Le Héron garde-bœufs est une preuve des influences méditerranéennes auxquelles sont soumises ces grandes rivières et leurs affluents. Des oiseaux erratiques y remontent parfois, comme le Crabier chevelu, voire l’Élanion blanc, le Rollier d’Europe ou le Coucou geai !

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Le Val de Saône, petite région naturelle sans doute la mieux connue des naturalistes actuels, abrite encore dans ses grandes prairies de fauche les derniers Râles des genêts de la région, mais leur disparition est imminente… La richesse avifaunistique est surtout perceptible par le stationnement de nombreux oiseaux migrateurs dans les zones humides (anatidés, limicoles, laridés) :•au bord de plans d’eau artificiels

comme la darse de Saint-Marcel et Épervans, la gravière d’Ouroux-sur-Saône ;

•au bord des étendues d’eau naturelles, comme les bords de Saône et l’Île Chaumette ;

•dans les grandes prairies et cultures inondées, parfois de façon spectaculaire et prolongée.

Tout ou presque y a déjà été observé un jour ! Les deux grandes villes de notre département, Mâcon et Chalon-sur-Saône, se paient même le luxe d’offrir des sites de nidification au Martinet à ventre blanc ; un comble pour un oiseau des grandes falaises méridionales ! Des influences nordiques sont aussi perceptibles en hiver avec l’arrivée d’espèces parfois rarissimes comme le Plongeon catmarin, le Plongeon arctique, voire le Plongeon imbrin ou le Pygargue à queue blanche. Les Anatidés y hivernaient également en grand nombre mais, depuis quelques années les effectifs sont à la baisse notamment chez les fuligules.

Sologne Bourbonnaise

Vals de Loire et d’Allier

Bas Morvan méridional

Haut-Morvan montagnard

Morvan CentralPays d’Arnay

Bassin d’Autun

Couchois

Plateau d’Antully

Massifs d’Uchon et de Montjeu

Charolais houiller

Côte Chalonnaise

Plaine de Saône

Val de Saône

Bresse

Charolais

Brionnais

Charolais cristallin

Côte Maconnaise

Côte beaujolaise

Massif du Beaujolais

Côte du Jura

Sologne Bourbonnaise

Vals de Loire et d’Allier

Bas Morvan méridional

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Massif du Beaujolais

Côte du Jura

Plaine de SaônePlaine de Saône

Les petites régions naturelles de Saône-et-Loire (O. baRDet, E. FeDoRoFF, G. Causse, S. beLLenFant, S.G. Roué et F. vest. © MNHN-CBNBP, 2008).

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La Saône à Épervans.

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La vallée de la Loire se distingue par une dynamique fluviale plus active et par un paysage agricole plus traditionnel. Les berges du fleuve abritent les bastions d’espèces nicheuses parmi les plus originales du département :•sur les grèves et îles de gravier ou de

sable, nichent tant bien que mal la Sterne pierregarin, la Sterne naine, l’Œdicnème criard, le Petit Gravelot, voire le Chevalier guignette ;

•dans les berges érodées le Guêpier d’Europe et l’Hirondelle de rivage trouvent nombre de sites où creuser leurs terriers ;

•dans de rares berges minées par le Lapin de garenne, un nouvel anatidé de taille, le Tadorne de Belon, s’est reproduit à plusieurs reprises.

MonographiesRev. sci. Bourgogne-Nature - Hors-série 10-2012

La Loire à Baugy.

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Dans les grandes prairies environnantes, pâturées de façon extensive, on retrouve le Courlis cendré et le Vanneau huppé. Le bocage prairial est encore bien conservé par endroits, avec de grands arbres parsemant les pâtures. La Cigogne blanche y a fait un retour remarquable depuis le début des années 1990. Les oiseaux du bocage y sont relativement abondants, comme la Huppe fasciée et la Pie-grièche à tête rousse. La Pie-grièche grise trouve, ou plutôt trouvait, l’un de ses derniers sites de reproduction bourguignons…

N’oublions pas bien-sûr le fleuron agricole de notre département, le Charolais (au sens large), qui occupe une part importante de notre territoire entre la Loire et la Saône. Dominé par les pâturages bovins avec encore des secteurs de bocage intéressants, il tend cependant à conserver moins de haies de qualité que le Brionnais par exemple. Les grands chênes isolés offrent encore de beaux sites de reproduction à la Pie-grièche à tête rousse et la Chevêche d’Athena est relativement commune à proximité des villages. Les massifs forestiers de la zone sont les hôtes d’un oiseau mythique pour beaucoup, mais surtout discret : l’Aigle botté. Savez-vous que nous avons l’une des plus belles populations de la région et du nord de la France ?

La Bresse, quant à elle, a bien changé en un quart de siècle. Le bocage et ses pâturages ont souvent été remplacés par la monoculture de maïs ou de céréales. Certes, on retrouve encore des espèces prestigieuses dans les cultures de céréales, comme le Busard cendré, et parfois des surprises comme l’Alouette calandrelle, mais hors des zones inondables,

Le Charolais à Suin.

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il faut bien avouer que la plaine bressane a beaucoup perdu de ses richesses biologiques. Les petits massifs forestiers y hébergent encore une population originale de Busard Saint-Martin, bien suivie par les naturalistes locaux. La Seille, rivière canalisée, y abrite l’une des plus belles populations de Blongios nain le long de ses berges, tandis que les rares Rousserolles turdoïdes, Phragmites des joncs et Busards des roseaux se reproduisent respectivement dans les roseaux, les saules et les prairies à laîche, mais en faibles effectifs. Plus au nord, en limite des départements de Côte-d'Or et du Jura, le Doubs offre un visage radicalement différent. Cette rivière dynamique ressemble en bien des points à la Loire avec des peuplements plus modestes de Sterne pierregarin, de Petit Gravelot, d’Œdicnème criard, d’Hirondelle de rivage et de Guêpier d’Europe. Le Chevalier guignette n’y est qu’occasionnel mais on y trouve une population unique en Bourgogne de Gorgebleue à miroir blanc. Les étangs, qui bordent la vallée, sont quasiment les derniers refuges pour des oiseaux typiques des grandes phragmitaies, le Busard des roseaux et le Héron pourpré. En automne et en hiver, ils sont des sites majeurs pour la Grande Aigrette depuis son arrivée dans les années 1990. Elles y stationnent par centaines, tout comme la Cigogne blanche, dont les groupes importants de migrateurs sont signalés chaque année en août dans la presse locale.

À ces zones humides de plaine, s’ajoutent les zones de grands plans d’eau, plutôt isolés au centre du département. La Saône-et-Loire possède dans la région du Creusot et de Montceau-les-Mines, plusieurs plans d’eaux importants (+ de 100 ha). Le plus grand est le barrage de la Sorme (360 ha), célèbre pour le stationnement de Limicoles rarissimes, tels ces américains de Chevalier à pattes jaunes et Bécasseau tacheté. Le lac de Torcy est connu pour ses dortoirs de Laridés et même pour avoir vu… mourir un Flamant rose ! On retiendra aussi, plus au sud, l’Étang du Rousset et les étangs du Petit et du Grand Baronnet à Martigny-le-Comte, riches en oiseaux « aquatiques ». En périphérie du Morvan, l’Étang de la Noue sur le plateau d’Antully se distingue par ses effectifs de passage de Bécassines des marais et de canards.

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Étang du Rousset.

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Le Doubs à Fretterans.

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59MonographiesRev. sci. Bourgogne-Nature - Hors-série 10-2012

Paysage du Parc naturel régional du Morvan à La Grande-Verrière.

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e Le massif du Morvan, au carrefour des quatre départements bourguignons, accueille quelques espèces montagnardes et forestières intéressantes. Outre le Pic noir, désormais présent partout dans le département, on note la Mésange noire et le Bouvreuil pivoine, omniprésents, mais aussi la Bécasse des bois, le Bec-croisé des sapins et le Cassenoix moucheté. Ce dernier est apparu il y a quelques décennies dans les plantations de résineux. À l’autre extrémité de la Saône-et-Loire, le Haut-Beaujolais, en limite du département du Rhône, ressemble fortement au Morvan et sans doute son avifaune également. Mais il est trop peu parcouru par les naturalistes pour le confirmer.

A contrario, les côtes chalonnaise et mâconnaise sont mieux suivies et présentent une avifaune aux influences biogéographiques radicalement différentes, avec des espèces nicheuses méridionales voire méditerranéennes : la Fauvette orphée (guère contactée depuis plusieurs années), le Petit-duc scops, le Circaète Jean-le-Blanc, l’Hirondelle de rochers (apparue dans les années 1990), le Bruant ortolan (en voie de disparition) et même la Fauvette mélanocéphale (nouvelle venue depuis 10 ans). De l’autre côté du fossé bressan, la Côte du Jura, que l’on nomme à tort Revermont, affleure à peine dans notre département au niveau de Cuiseaux. On y trouve un oiseau typique du massif montagneux franc-comtois, le Grand Corbeau dont les preuves de reproduction sont très récentes.

Notre vaste département de 8 600 km2 est assurément riche et diversifié, où l’on passe du montagnard au méditerranéen, et des étangs marécageux aux pelouses sèches. En moins de 110 km de distance, des espèces aux exigences singulières se succèdent : Cassenoix moucheté et Nyctale de Tengmalm, Fauvette mélanocéphale, Râle des genêts, Sterne naine, Gorgebleue à miroir, Aigle botté, Pie-grièche à tête rousse, Bruant ortolan, etc.

Avec une telle richesse, on oserait presque se demander fièrement : mais que nous manque-t-il ? Nos voisins bourguignons ou francs-comtois nous répondraient certainement : les falaises à Faucon pèlerin bien-sûr ! Beaucoup plus développées en Côte-d’Or et dans le Jura, il est vrai qu’elles nous font cruellement défaut, et nos belles roches de Solutré et Vergisson ne sont pas de taille à rivaliser. Mais nos carrières ont tout de même permis le retour discret et rapide du Grand-duc d’Europe. Et les parois artificielles, telles les pylônes électriques ou les grands immeubles offrent aussi des sites de nidification à nos rares couples de Martinet à ventre blanc et de Faucon pèlerin. Enfin, les ruisseaux à truites brillent par leur rareté dans notre département. Dommage ! Nous n’aurons peut-être jamais de belles populations de Cincle plongeur ou de couples de Cigogne noire dans notre département. Quoique ?… Il ne faut jamais dire jamais…

Samy Mezani

La Roche de Solutré.

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