PROBLÈMES DE COUVERTURE OSSEUSE DANS LES TRAUMATISMES …

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74 JOURNAL DES PLAIES ET CICATRISATIONS N° 58 MAI 2007 TOME XII COMMUNICATION LIBRE PROBLÈMES DE COUVERTURE OSSEUSE DANS LES TRAUMATISMES OUVERTS COMPLEXES DU PIED G. BODDAERT 1 , J.-P. MARCHALAND 2 , Y. NADER 3 , E. BEY 4 , D. OLLAT 2 , G. VERSIER 5 1. Interne des Hôpitaux des Armées. 2. Spécialiste des Hôpitaux des Armées. 3. Assistant des Hôpitaux des Armées. 4. Spécialiste des Hôpitaux des Armées. Service de Chirurgie plastique et maxillo-faciale, Hôpital d’Instruction des Armées Percy, 101, avenue Henri Barbusse, 92140 Clamart, France. 5. Professeur agrée du val de Grâce, chef de service. Service de Chirurgie Orthopédique et Traumatologique, Hôpital d’Instruction des Armées Bégin, 69 avenue de Paris, 94160 Saint-Mandé, France. Mots clés : couverture, pied, pression négative, lambeau. Key words: coverage, foot, negative pressure, flap. > RÉSUMÉ Les auteurs se proposent de traiter des traumatismes ouverts complexes du pied correspondant à l’association de lésions osseuses multiples et/ou comminutives avec atteinte des parties molles de stade III de Gustilo. Les cir- constances de survenue sont le plus souvent des traumatismes à haute énergie: accidents de la voie publique et plaies de guerre. Le traitement réside en la lutte anti-infectieuse par parages itératifs voir amputations, la pré- vention et la correction de déformations irréductibles par ostéosynthèse extra focale. La couverture quant à elle intervient au mieux dans les 72 premières heures et au plus tard dans les 4 à 6 jours. Elle s’effectue essentielle- ment par cicatrisation dirigée en pression négative ou lambeaux à pédicule distal de flux rétrograde. Malgré un traitement adéquat, les séquelles fonctionnelles restent importantes et les éventuels temps de reconstruction secondaires difficiles sur des tissus très fragilisés. INTRODUCTION La prise en charge des trauma- tismes ouverts complexes du pied représente un problème clinique dif- ficile à résoudre notamment lors- qu’il existe d’importantes pertes de substances et de larges plages de tissu ischémique à l’origine d’une exposition primaire ou secondaire de l’os et des articulations. En outre, le manque de laxité cutané et de tissu musculaire au niveau du pied en rendent la reconstruction d’au- tant plus difficile. Cependant, depuis l’avènement de la microchirurgie dans les années soixante-dix [1] puis de la chirurgie des lambeaux dans les années quatre-vingt [2-3] avec le concept de flux rétrograde [4], les solutions se sont multipliées et diversifiées permettant de proposer aux patients d’autres alternatives que l’amputation. Il faut néanmoins garder à l’esprit qu’environ 20% des traumatismes ouverts complexes du pied aboutissent à une amputation soit du fait de l’importance du déla- brement soit suite à une complica- tion d’origine infectieuse [5]. Nous retiendrons comme champ d’étude les lésions traumatiques ouvertes du pied quelque en soit le méca- nisme avec lésions osseuses mul- tiples et/ou comminutives et atteinte des parties molles de stade III de Gustilo [6] (Tableau I). ÉTHIOPATHOGÉNIE En pratique civile, les traumatismes ouverts complexes du pied sont essentiellement le résultat d’acci- dents de la voie publique : automo- bile mais également et surtout deux roues et piétons. Il semble cepen- dant exister une recrudescence de ce type de traumatismes au sein des services d’accueil des urgences dans le cadre des accidents de voitures en rapport probablement avec l’essor des accessoires de sécurité [7]. En pratique militaire, il s’agit essentiel- lement de traumatismes par agents vulnérants dont 80% sont des éclats, le reste étant des plaies par balles Gradation of foot ulcer risk in a large cohort of diabetic patients. > ABSTRACT The authors intend to deal with complex open foot traumas corresponding to the association of multiples or com- minutives osseous lesions with gustilo grade III soft-tissues reach. The circumstances are often high energy trau- mas as traffic accidents and war wounds. The treatment essentilly consists in anti-infectious struggle with repea- ted debridements, the prevention and the correction of irrecductibles deformations with extra-focal ostheosynthe- sis. The coverage intervenes at best in the 72 first hours and at maximum within the 4 to 6 first days. It essential- ly relies on secondary healing with negative pressure or on distally based flaps with retrograde flow. Despite an adequate treatment, fonctionnal sequellae are important and the eventual secondary times of reconstruction dif- ficult on those fragilized tissues.

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74 JOURNAL DES PLAIES ET CICATRISATIONS N° 58 MAI 2007 TOME XII

COMMUNICATION LIBRE

PROBLÈMES DE COUVERTURE OSSEUSEDANS LES TRAUMATISMES OUVERTSCOMPLEXES DU PIEDG. BODDAERT1, J.-P. MARCHALAND2, Y. NADER3, E. BEY4, D. OLLAT2, G. VERSIER5

1. Interne des Hôpitaux des Armées. 2. Spécialiste des Hôpitaux des Armées. 3. Assistant des Hôpitaux des Armées.4. Spécialiste des Hôpitaux des Armées. Service de Chirurgie plastique et maxillo-faciale, Hôpital d’Instruction des Armées Percy, 101,avenue Henri Barbusse, 92140 Clamart, France. 5. Professeur agrée du val de Grâce, chef de service.Service de Chirurgie Orthopédique et Traumatologique, Hôpital d’Instruction des Armées Bégin, 69 avenue de Paris, 94160 Saint-Mandé,France.

Mots clés: couverture, pied, pression négative, lambeau.Key words: coverage, foot, negative pressure, flap.

> RÉSUMÉ

Les auteurs se proposent de traiter des traumatismes ouverts complexes du pied correspondant à l’association delésions osseuses multiples et/ou comminutives avec atteinte des parties molles de stade III de Gustilo. Les cir-constances de survenue sont le plus souvent des traumatismes à haute énergie: accidents de la voie publique etplaies de guerre. Le traitement réside en la lutte anti-infectieuse par parages itératifs voir amputations, la pré-vention et la correction de déformations irréductibles par ostéosynthèse extra focale. La couverture quant à elleintervient au mieux dans les 72 premières heures et au plus tard dans les 4 à 6 jours. Elle s’effectue essentielle-ment par cicatrisation dirigée en pression négative ou lambeaux à pédicule distal de flux rétrograde. Malgré untraitement adéquat, les séquelles fonctionnelles restent importantes et les éventuels temps de reconstructionsecondaires difficiles sur des tissus très fragilisés.

INTRODUCTION

La prise en charge des trauma-tismes ouverts complexes du piedreprésente un problème clinique dif-ficile à résoudre notamment lors-qu’il existe d’importantes pertes desubstances et de larges plages detissu ischémique à l’origine d’uneexposition primaire ou secondairede l’os et des articulations. En outre,le manque de laxité cutané et detissu musculaire au niveau du pieden rendent la reconstruction d’au-tant plus difficile. Cependant, depuisl’avènement de la microchirurgiedans les années soixante-dix [1] puisde la chirurgie des lambeaux dans

les années quatre-vingt [2-3] avec leconcept de flux rétrograde [4], lessolutions se sont multipliées etdiversifiées permettant de proposeraux patients d’autres alternativesque l’amputation. Il faut néanmoinsgarder à l’esprit qu’environ 20% destraumatismes ouverts complexes dupied aboutissent à une amputationsoit du fait de l’importance du déla-brement soit suite à une complica-tion d’origine infectieuse [5]. Nousretiendrons comme champ d’étudeles lésions traumatiques ouvertesdu pied quelque en soit le méca-nisme avec lésions osseuses mul-tiples et/ou comminutives et atteintedes parties molles de stade III deGustilo [6] (Tableau I).

ÉTHIOPATHOGÉNIE

En pratique civile, les traumatismesouverts complexes du pied sontessentiellement le résultat d’acci-dents de la voie publique: automo-bile mais également et surtout deuxroues et piétons. Il semble cepen-dant exister une recrudescence dece type de traumatismes au sein desservices d’accueil des urgences dansle cadre des accidents de voitures enrapport probablement avec l’essordes accessoires de sécurité [7]. Enpratique militaire, il s’agit essentiel-lement de traumatismes par agentsvulnérants dont 80% sont des éclats,le reste étant des plaies par balles

Gradation of foot ulcer risk in a large cohort of diabetic patients.

> ABSTRACT

The authors intend to deal with complex open foot traumas corresponding to the association of multiples or com-minutives osseous lesions with gustilo grade III soft-tissues reach. The circumstances are often high energy trau-mas as traffic accidents and war wounds. The treatment essentilly consists in anti-infectious struggle with repea-ted debridements, the prevention and the correction of irrecductibles deformations with extra-focal ostheosynthe-sis. The coverage intervenes at best in the 72 first hours and at maximum within the 4 to 6 first days. It essential-ly relies on secondary healing with negative pressure or on distally based flaps with retrograde flow. Despite anadequate treatment, fonctionnal sequellae are important and the eventual secondary times of reconstruction dif-ficult on those fragilized tissues.

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et des pieds de mine [8]. Il faut doncsouligner que dans leur majeur par-tie ces traumatismes surviennentchez une population jeune, mascu-line et surtout active.

ANATOMOPATHLOGIEET COMPLICATIONSPRÉCOCESLe squelette dorsal du pied estsuperficiel avec une faible épaisseurdes parties molles exposant direc-tement les tendons extenseurs et leséléments vasculo-nerveux en cas detraumatisme. Au niveau de la voûteplantaire, l’atmosphère cellulo-graisseuse est plus importante etc’est à cet endroit que l’on retrouveles corps musculaires et les logesdu pied. Le pied et le tiers distal dejambe possèdent un régime vascu-laire précaire exposant, en cas detraumatisme les tissus lésés aurisque d’ischémie. Les lésionsobservées correspondent souvent àune combinaison complexe delésions des parties molles et des osavec fractures et fractures-luxationsmultiples du tarse et des métatar-siens. Les lésions osseuses sont engénéral polymorphes, variant selonla nature du traumatisme et/ou del’agent vulnérant avec un degré plusou moins important de perte de sub-stance voir d’amputation trauma-tique. Concernant les parties molles,il s’agit, comme défini précédem-ment, de stades III de Gustilo qu’ilsoit initial ou secondaire à la nécrosedes tissus dévitalisés alors à l’ori-gine d’une exposition du foyer frac-turaire (Figure 1). De fait, le risqueinfectieux est permanent, fruit de lacontamination initial puis secon-daires des tissus lésés, ischémiquesou attritiés.

PARAGECHIRURGICAL

En association avec l’antibiothéra-pie, il s’agit de l’étape initiale et indis-pensable de la lutte anti-infectieuse.Il s’effectue le plus souvent avec gar-rot pneumatique sous peine de voirle champ opératoire rapidementaveuglé par le sang [9]. C’est unesuccession d’étapes obéissant à des

règles précises et admises [8] [10].Il s’agit de procéder plan par plande la superficie vers la profondeur:la peau et le tissu cellulo-graisseuxmortifiés sont excisés jusqu’en zonesaine et vascularisée après retraitdes corps étrangers, lavage abon-dant et brossage. Cependant, lesgrands lambeaux cutanés provo-qués par un décollement importantou les lambeaux graisseux résul-tants d’une avulsion étendue sontconservés, à titre de couverture, pro-visoire même en l’absence de sai-gnement patent. Les aponévrosesmusculaires déchirées débridées etcelles qui sont intactes sont inciséesen prévention d’un possible syn-drome de loge. Les hémostases sontfaîtes chemin faisant. Les tendonssont parés avec économie et leursmoignons fixés pour prévenir lesrétractions. Les sections nerveusessont repérées et fixées par un fil,la topographie lésionnelle étantrepérée par un clip métallique. Eneffet, leur réparation est différée carelle serait vouée à l’échec enurgence dans ce milieu potentielle-ment septique. Le muscle véritablemilieu de culture potentiel est exciséjusqu’en zone saignante, contrac-tile et colorée. Seuls les fragmentsosseux libres, dévitalisés, non pédi-culés sont retirés. Les cavitésmédullaires sont curetées lavées àla seringue. L’irrigation est abon-dante au sérum tiède et sans pres-sion pour ne pas créer de faux tra-jets. Les dispositifs de lavage hydropulsés à pression régulée peuventêtre utiles. En fin d’intervention, lesnerfs et les vaisseaux doivent êtrerecouverts par rapprochement destissus environnants. Le drainage doitêtre large et la plaie en aucun casfermée. La qualité du parage ini-tial influence très largement sur lerésultat final. Le bilan lésionnelcomplet est, par ailleurs, réalisé àcette occasion. Enfin, la surveillancedoit être au minimum quotidienneet le parage éventuellement renou-velé selon l’évolution dans les pre-mières 24 heures [11] (Figures 2et 3).

OSTÉOSYNTHÈSEElle est quasi exclusivement extrafocale. Il faut profiter tant que fairese peut de l’ouverture pour réaliser

une réduction anatomique et la fixerde manière stable afin de minimiserla morbidité à long terme et d’accé-lérer la cicatrisation des tissus [12-13]. Le fixateur externe, quel que soitson type, est le moyen d’ostéosyn-thèse à privilégier [14]. Des brochesde type Kirschner intra focales oudes vis isolées peuvent éventuelle-ment être associées de façon com-plémentaire pour stabiliser les frag-ments isolés de grande taille. D’unemanière générale, l’ostéosynthèseintra focale par plaque vissée estdéconseillée car l’abord du foyer defracture majore de façon non négli-geable la dévascularisation du péri-oste et des tissus environnant aug-

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Figure 1: traumatisme complexeouvert du pied par éclat avec atteintedes parties molles de stade III deGustilo1.

Figures 2 et 3: parage chirurgicaltraumatisme ouvert complexe du piedsuite à un accident de la voiepublique.

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mentant par la même occasion lerisque infectieux [8-9]. La stabilisa-tion du pied fait appel le plus sou-vent à un montage de type triangu-laire prenant le tibia, le calcanéumet les métatarsiens [8] (Figure 4).Cependant, certains auteurs ont pro-posé, dans certains cas, une fixationuni planaire bilatérale entre le cal-canéum et les métatarsiens [15]. Enoutre, la fixation doit être légère, peutencombrante, rigide, prévenir lesdéformations irréductibles et ne pascompromettre les gestes ultérieursnotamment de couverture par unlambeau pédiculé [9]. L’existenced’une perte de substance osseusejustifie la mise en place systéma-tique de ciment ou de billes aux anti-biotiques pour ménager les futursespaces de reconstruction [9] [16].

PROBLÈMES DECOUVERTUREOSSEUSE

Principes générauxC’est avec l’usage du fixateurexterne, l’un des domaines où lesprogrès ont été les plus sensibles,transformant du même coup le pro-nostic général des fracturesouvertes. Il s’agit d’une urgence dif-férée qui doit s’effectuer au mieuxdans les 48 à 72 premières heureset au plus tard dans les 4 à 6 jours[9] [11] [17]. Il n’existe aucune dif-férence entre les patients couvertsen urgence et ceux couverts dans les72 premières heures [17]. Entre le 6e

jour et la 6e semaine, le taux de com-plications notamment infectieusesavoisine les 50% [11]. Le report dela couverture permet en outre la pla-nification de la séquence thérapeu-tique, la délimitation des zonesvouées à la nécrose, la réalisationd’un bilan d’imagerie en vu d’unéventuel lambeau. L’évaluation pré-cise des lésions et surtout de leurspossibilités naturelles de réparationamènent parfois à ne couvrir qu’unepartie de l’os exposé, en général lefoyer fracturaire. Les segmentsosseux au périoste intact vont serecouvrir d’un bourgeon de granu-lation qu’il suffira alors de greffer.Ainsi, l’association des différents pro-cédés de couverture est une alter-native non négligeable.

Cicatrisation dirigéePour nous il s’agit essentiellementde la Vacuum-assisted closure the-rapy (VAC therapy®) (KCI® medicalcanada, Inc) [18] [20]. Ce systèmeconsiste en une mousse de poly-uréthane non collabable, recouverted’un adhésif transparent perforé per-mettant le raccordement d’unepompe à vide. La VAC therapy® favo-rise la formation du tissu de granu-lation et l’élimination des exsudatsrésultant en une cicatrisation plusrapide du lit de la blessure. La VACtherapy® est par définition applicableau stade IIIa mais aussi à certainsstades IIIb notamment en l’absencede dépériostage étendu et/ou en vude la préparation du site avant unéventuel lambeau (Figures 5 et 6).Certains auteurs préconisent l’usagede l’oxygénothérapie hyperbare(HB.O.) seule ou éventuellementassociée à la VAC therapy® [21-22].Cette dernière améliorerait la viabi-lité des tissus hypoxiques, limiteraitles phénomènes infectieux notam-ment à germes anaérobies et accé-lèrerait la cicatrisation en augmen-tant l’oxygénation des tissus et enfavorisant le développement de lamicrocirculation. Nous n’en avonspas l’expérience.

Greffe cutanéeNous la déconseillons évidemmentde primo intention. Elle doit s’effec-tuer après cicatrisation dirigée et/ousur lambeau musculaire. En peaumince, au dermatome électrique oumanuel, expansée plus souvent quecontinue, elle est souvent prise àpartir de la face interne de cuisse.Il existe peu de séquelles esthétiqueset pas de séquelles fonctionnelles.

Lambeaux pédiculésLes lambeaux libres restent le pro-cédé de choix pour de nombreuxauteurs. Cependant, depuis leurdéveloppement dans les annéesquatre-vingt [2-3] les lambeaux pédi-culés occupent une place de plus enplus importante notamment depuisl’avènement des lambeaux à pédi-cule distal de flux rétrograde [4]. Laréalisation d’un bilan artériogra-phique et/ou doppler préalable noussemble justifié afin de vérifier l’in-tégrité du pédicule en raison d’unepart de sa possible atteinte par le

traumatisme et d’autre part en pré-sence de facteurs de risque vascu-laires. Ceci est valable pour les lam-beaux libres [21] [23]. Leur utilisationest par ailleurs également limitéepar la surface et la localisation dela perte de substance à recouvrir.Concernant les traumatismesouverts complexes du pied, trois lam-beaux pédiculés méritent à notre avisd’être retenus : le lambeau supramalléolaire externe pour la couver-ture de la cheville et du coup de pied(Figures 7, 8 et 9), le lambeau plan-taire médial pour la couverture du

Problèmes de couverture osseuse dans les traumatismes ouverts complexes du pied

Figure 4: ostéosyntèse par fixateurexterne. Montage de type triangulaireentre tibia, calcanéum et métatarsienssuite à une plaie par éclat.

Figure 5.

Figures 6 et 7: cicatrisation dirigée enpression négative avant couverturepar lambeau pédiculé. Comblement dela perte de substance osseuse par duciment aux antibiotiques.

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talon et le lambeau soléaire à pédi-cule distal pour la couverture de lamalléole interne et la partie distaledu tendon d’Achille. Il est à noter l’ap-port récent et appréciable des lam-beaux neurocutanés notammentsaphène externe [24-25]. Les lam-beaux pédiculés ne nécessitent pasla maîtrise des techniques micro-chirurgicales et sont moins exi-geants, plus facile à utiliser que leslambeaux libres. Il semblerait qu’ilssoient associés à un taux moins élevéet à des complications moins sévèresque les lambeaux libres [25]. Cepen-dant leur taux d’échec semble aug-menter en fonction de la taille de lapalette utilisée avec une limite quel’on peut raisonnablement fixer à 50cm2 [25]. Enfin, contrairement à lacicatrisation dirigée puis greffe cuta-née, les lambeaux, de manière géné-rale, semblent offrir un matelassagestable dans le temps mettant le piedà l’abri d’ulcérations itératives [24].Pour nous, les lambeaux pédiculéslorsqu’ils sont réalisables sont le pro-cédé de primo intention dans le cadredes traumatismes ouverts complexesdu pied, un lambeau libre étant tou-jours possible le cas échéant.

Lambeaux libresComme nous l’avons dit précédem-ment, il reste le procédé de choixpour de nombreux auteurs. Ils per-mettent de couvrir des défects éten-dus et/ou composites sans aggra-vation de la dévascularisation locale

et semblent donc moins agressifspour des parties molles déjà lésées.Le lambeau de grand dorsal, totalou partiel, reste la référence, avecune grande taille, des vaisseauximportants, un pédicule de longueursatisfaisante et la possibilité de réa-lisation d’un pontage lorsqu’il estprélevé avec l’artère du dentelé anté-rieur [24]. Les principaux sites d’ana-stomose sont l’artère tibiale anté-rieure, l’artère tibiale postérieure etl’artère pédieuse. Les trois causesd’échec principales sont l’infectionmais surtout, particularité propreaux lambeaux libres, l’anastomosedéfectueuse et le mauvais site d’im-plantation du pédicule et plus parti-culièrement de la veine [17] [24]. Letemps microchirurgical reste doncune difficulté et une cause d’échecsupplémentaire. Dans la littérature,leur taux de complication se situeentre 10 et 38% [11] [17] [26]. Nousn’en avons l’expérience puisque dansla grande majorité des cas la cica-trisation dirigée et/ou l’utilisationd’un lambeau pédiculé nous ont per-mis de résoudre le problème de cou-verture osseuse.

CONCLUSIONLa réussite de la couverture osseusedans le cadre des traumatismesouverts complexes du pied repose,à notre avis, sur la prévention et lalutte anti-infectieuse dont paragechirurgical est le pilier. Il existe une

place certaine pour la cicatrisationdirigée en pression négative. L’im-portance des lambeaux pédiculésest croissante mais les lambeauxlibres restent toujours pertinents quece soit en première ou secondeintention. Dans tous les cas, lesséquelles fonctionnelles sont impor-tantes, à l’origine de troubles sta-tiques, de déformations et de dou-leurs avec des problèmes dechaussage et de réadaptation fonc-tionnelle. Les éventuels temps dereconstruction secondaire sont dif-ficiles sur des tissus cicatriciels fra-gilisés. Cependant, la conservationdu pied est facteur de satisfactionmalgré un investissement écono-mique et en temps importants. ■

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Figures 8 et 9: lambeau supramalléo-laire externe suit à un tramatismecomplexe ouvert du pied par éclat.

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Problèmes de couverture osseuse dans les traumatismes ouverts complexes du pied

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