Prise de décision de sédation pour détresse à domicile : étude Sédadom

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Médecine palliative Soins de support Accompagnement Éthique (2014) 13, 285—294 Disponible en ligne sur ScienceDirect www.sciencedirect.com ÉTUDE ORIGINALE Prise de décision de sédation pour détresse à domicile : étude Sédadom Palliative sedation at home: Place of physicians in the decision-making process, ‘‘SEDADOM’’ study Véronique Blanchet a,,1 , Élisabeth Giffon b,2 , Évelyne Renault-Tessier c,d,3 , Nathalie Michenot e,2 , Élisabeth Balladur f,3 , Anne-Claire Courau g,2 , David Taurel h,4 , Anaïs Gros i,4 a Cabinet médical, 6, rue de Jarente, 75004 Paris, France b Équipe mobile consultante en soins palliatifs, centre hospitalier, 7, avenue Alphonse-Daudet, 30200 Bagnols-sur-Cèze, France c Hospitalisation à domicile, Croix-Saint-Simon, 35, rue du Plateau, Paris, France d Umasc, institut Curie, 26, rue d’Ulm, 75005 Paris, France e Équipe mobile de soins palliatifs, centre hospitalier André-Mignot, 177, rue de Versailles, 78150 Le Chesnay, France f Hospitalisation à domicile, AP—HP, 14, rue Vesale, 75005 Paris, France g Équipe douleur-soins palliatifs, centre hospitalier Victor-Dupouy, 69, rue du Lieutenant-Colonel-Prud’hon, 95100 Argenteuil, France h Médecine générale, 34000 Montpellier, France i Médecine générale, clinique du Mas-de-Rochet, 563, avenue Georges-Frêche, 34170 Castelnau-le-Lez, France Rec ¸u le 14 juillet 2014 ; rec ¸u sous la forme révisée le 18 septembre 2014; accept´ e le 25 septembre 2014 Disponible sur Internet le 18 novembre 2014 MOTS CLÉS Sédation ; Résumé Introduction. La sédation pour détresse en phase terminale pose la question de sa réalisation à domicile. Les auteurs ont cherché à décrire les modalités du processus décisionnel d’une sédation dans le contexte du domicile. Auteur correspondant. Adresse e-mail : [email protected] (V. Blanchet). 1 Médecin douleur et soins palliatifs; photo. 2 Médecin. 3 Médecin coordonnateur. 4 Interne. http://dx.doi.org/10.1016/j.medpal.2014.09.003 1636-6522/© 2014 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.

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Médecine palliative — Soins de support — Accompagnement — Éthique (2014) 13, 285—294

Disponible en ligne sur

ScienceDirectwww.sciencedirect.com

ÉTUDE ORIGINALE

Prise de décision de sédation pour détresseà domicile : étude Sédadom

Palliative sedation at home: Place of physiciansin the decision-making process, ‘‘SEDADOM’’ study

Véronique Blancheta,∗,1, Élisabeth Giffonb,2,Évelyne Renault-Tessierc,d,3, Nathalie Michenote,2,Élisabeth Balladur f,3, Anne-Claire Couraug,2,David Taurelh,4, Anaïs Gros i,4

a Cabinet médical, 6, rue de Jarente, 75004 Paris, Franceb Équipe mobile consultante en soins palliatifs, centre hospitalier,7, avenue Alphonse-Daudet, 30200 Bagnols-sur-Cèze, Francec Hospitalisation à domicile, Croix-Saint-Simon, 35, rue du Plateau, Paris, Franced Umasc, institut Curie, 26, rue d’Ulm, 75005 Paris, Francee Équipe mobile de soins palliatifs, centre hospitalier André-Mignot, 177, rue de Versailles,78150 Le Chesnay, Francef Hospitalisation à domicile, AP—HP, 14, rue Vesale, 75005 Paris, Franceg Équipe douleur-soins palliatifs, centre hospitalier Victor-Dupouy,69, rue du Lieutenant-Colonel-Prud’hon, 95100 Argenteuil, Franceh Médecine générale, 34000 Montpellier, Francei Médecine générale, clinique du Mas-de-Rochet, 563, avenue Georges-Frêche,34170 Castelnau-le-Lez, France

Recu le 14 juillet 2014 ; recu sous la forme révisée le 18 septembre 2014;accepte le 25 septembre 2014Disponible sur Internet le 18 novembre 2014

MOTS CLÉSSédation ;

RésuméIntroduction. — La sédation pour détresse en phase terminale pose la question de sa réalisationà domicile. Les auteurs ont cherché à décrire les modalités du processus décisionnel d’unesédation dans le contexte du domicile.

∗ Auteur correspondant.Adresse e-mail : [email protected] (V. Blanchet).

1 Médecin douleur et soins palliatifs; photo.2 Médecin.3 Médecin coordonnateur.4 Interne.

http://dx.doi.org/10.1016/j.medpal.2014.09.0031636-6522/© 2014 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.

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Soins en phaseterminale ;Midazolam ;Processusdécisionnel ;Questions éthiques

Matériel et méthodes. — Les médecins de structures de soins palliatifs (réseaux et équipesmobiles) et des médecins coordonnateurs de services d’hospitalisation à domicile ont été solli-cités pour inclure, sur une période d’un an, des patients pour lesquels une décision de sédationavait été prise, qu’elle soit réalisée ou non. Les médecins signalaient les cas en envoyant unquestionnaire rempli. Un entretien semi-directif était réalisé dans les 15 jours suivants. Un totalde 25 situations ont été retenues, racontées par 19 médecins. L’étude a été complétée par neufentretiens réalisés auprès de médecins généralistes. La méthode de théorisation ancrée a étéchoisie pour décrire les étapes de la prise de décision de sédation pour détresse à domicile.Résultats. — L’analyse des verbatim et des questionnaires identifie plusieurs étapes dans le pro-cessus décisionnel : l’initialisation du processus, la proposition, la prise de décision, la rédactionde la prescription, la décision de mise en œuvre. Il existe deux typologies de processus décision-nel : soit le même médecin est présent à toutes les étapes, soit ce sont des médecins différents.Les médecins généralistes sont peu associés à la prise de décision.Discussion. — La multiplicité des médecins aux différentes étapes de la prise de décision faitémerger dans ce cas la question de la responsabilité médicale. Lorsque le médecin de structureest seul à toutes les étapes, transgresse-t-il son rôle de coordinateur ?Conclusion. — La coopération entre professionnels sert davantage à organiser la mise en œuvrede la sédation qu’à permettre la délibération. Les recommandations sont connues et souventcités comme références.© 2014 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.

KEYWORDSPalliative sedation;Terminal care;Midazolam;Decision-makingprocess;Ethics

SummaryObjectives. — The aim of this study was to describe the terms of the decision-making processof a palliative sedation at home.Methods. — Medical doctors working in palliative care structures (transversal or network teams)and practitioners working in home care units were asked to include, during a one-year period,patients for whom a decision of sedation had been taken, whether the sedation was realized ornot. Physicians reported cases by completing and sending a questionnaire. A semi-structuredinterview was conducted in the following 15 days. Ultimately, 25 cases were kept and toldby 19 physicians during interviews. The study was completed by nine interviews with generalpractitioners. The grounded theory method was chosen to describe the decision-making stagesof sedation at home for distress.Results. — The analysis of verbatim and questionnaires identifies several steps in thedecision-making process: initialization of the process, proposal, decision-making, writing theprescription, the decision of implementation. There are two types of decision-making: eitherthe same practitioner is present at all stages, or they are different physicians. General practi-tioners are rarely involved in the decision-making process.Discussion. — The multiplicity of physicians at various stages of decision-making raise the issueof medical liability. When the doctor in a structure is alone, does he transgress his own role ofcoordinator?Conclusion. — Cooperation between professionals serves more the organization of the imple-mentation of sedation than allowing deliberation. Guidelines are known and frequently citedas references.© 2014 Elsevier Masson SAS. All rights reserved.

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mecdvte[2,3]. La spécificité des conditions du domicile a conduit

ntroduction

ontexte

a sédation pour détresse est définie en France comme étant la recherche, par des moyens médicamenteux, d’une dimi-ution de la vigilance, pouvant aller jusqu’à la perte deonscience. Son but est de diminuer ou de faire disparaître

a perception d’une situation vécue comme insupportablear le patient, alors que tous les moyens disponibles etdaptés à cette situation ont pu lui être proposés et/ou

àcc

is en œuvre sans permettre d’obtenir le soulagementscompté » [1]. Prescrit à bon escient, le sommeil pharma-ologiquement induit peut permettre de soulager le maladee symptômes réfractaires ou de situations aiguës à risqueital immédiat [1—3]. Utilisée par excès dans des situa-ions chroniques, la sédation peut être assimilée à uneuthanasie lente, et par là poser des problèmes éthiques

la rédaction en 2010 de recommandations spécifiquesoncernant la sédation pour détresse à domicile par unonsensus formalisé d’experts à l’initiative de la Société

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Prise de décision de sédation pour détresse à domicile : étud

francaise d’accompagnement et de soins palliatifs (Sfap)[1].

Si la sédation pour détresse est régulièrement pratiquée àl’hôpital [4,5], elle a peu été étudiée à domicile. Une revuesystématique de la littérature publiée en anglais retrouvesix articles qui sont des analyses rétrospectives quantita-tives qui portent sur l’incidence (5 à 36 % selon les études)et les indications de la sédation à domicile [6] ; la séda-tion est proposée par l’équipe soignante, les proches, ou lesdeux ; le midazolam est utilisé dans 98 % des situations. Deuxétudes ont évalué les facteurs de décision et la place des dif-férents professionnels dans la prise de décision de sédation àdomicile. L’une a porté exclusivement sur la place des infir-mières dans la décision, dans la discussion avec les patients,et leur vécu lors de la mise en œuvre [7]. L’autre publica-tion a étudié les facteurs influencant la prise de décisionet la référence à des recommandations dans les maisons deretraite [8]. En France, une étude a exploré par question-naire les facteurs qui permettraient d’améliorer la pratiquede la sédation pour détresse en phase terminale à domicile[9]. Dans cette enquête, sur 174 médecins généralistes, 93avaient déjà réalisé une sédation et 130 l’avaient envisagéau moins une fois au cours de leur carrière.

Le consensus formalisé d’experts recommande que ladécision de sédation se prenne lors de réunion de réflexionmultidisciplinaire, d’interroger au préalable la compétencede l’équipe, de faire appel à des équipes de soins palliatifs,d’utiliser le midazolam en première intention, d’informerle patient, la famille et l’équipe soignante sur l’objectif dela sédation, ses risques, etc. [1] La question se pose surla possibilité de suivre ces recommandations à domicile. Enmédecine de ville, les situations de fin de vie à domicile sontrares pour chaque médecin [10].

Les modalités de décision d’une sédation, les conditionsde mise en œuvre, et les difficultés éventuelles rencontréespar les médecins intervenant à domicile (à commencer parles généralistes) n’ont pas été étudiées.

Problématique

À domicile, les intervenants autour du patient (médecintraitant, médecin d’équipe mobile hospitalière, médecincoordonnateur de réseau ou d’hospitalisation à domicile)sont nombreux. Comment la décision est-elle prise et parqui ? Une concertation interdisciplinaire est-elle réalisable ?Les professionnels du domicile font-ils appel aux structuresd’appuis de soins palliatifs ? Enfin, le contexte du domicileet le milieu familial ont-ils un impact sur les prises de déci-sion de sédation ?

Cette étude est limitée à la question de la prise de déci-sion de sédation. Elle ne cherche pas à évaluer les conditionsde mise en œuvre à domicile.

Objectifs

L’objectif principal est de décrire comment la décision desédation pour détresse en phase terminale est prise à domi-

cile :• connaître le rôle des différents médecins ou équipes dans

la prise de décision ;• préciser les indications de sédation retenues à domicile ;

Lpt

dadom 287

identifier les facteurs favorisant ou limitant la prise dedécision de sédation.

L’objectif secondaire est de déterminer si les recom-andations concernant la sédation pour détresse en phase

erminale sont connues des professionnels du domicile.

éthodologie

hoix de la méthode

e choix d’une méthode qualitative s’est imposé au groupee chercheurs composé de six médecins et trois étudiants enédecine en année de thèse. En effet, « la recherche quali-

ative permet d’étudier des phénomènes complexes danseur contexte naturel » [11]. La méthode de théorisationncrée, qui vise une description approfondie d’un processus,

été choisie pour décrire les étapes de la prise de décisione sédation pour détresse à domicile [12].

ormulation des questions de recherche

es questions de recherche ont été formulées ainsi :quelle situation a amené à prendre la décision de cettesédation ?Comment le patient a-t-il été informé ?Quelles modalités pratiques de la sédation ont été pres-crites ?Dans quelles situations une sédation est prescrite en géné-ral et qu’est-ce que le médecin entend par sédation ?Les conditions préalables à la réalisation de la sédation,telles qu’elles sont formulées dans les recommandationspour le domicile, sont-elles respectées ? Et si ce n’est pasle cas, pourquoi, et où sont les difficultés ?

opulation étudiée

a prise de décision étant du rôle du médecin, une invi-ation à participer à l’étude a été adressée aux médecinse 105 réseaux de soins palliatifs et de 316 équipes mobilese soins palliatifs à partir du fichier de la Sfap, et aux12 médecins coordonnateurs d’équipe d’hospitalisation àomicile adhérents à la Fédération nationale des hospitali-ations à domicile (FNEHAD). Chaque médecin souhaitantarticiper à l’étude recevait un questionnaire et les cri-ères d’inclusion : patient (adulte ou enfant) atteint d’unealadie grave dont le pronostic est engagé à court terme

quelques jours à quelques semaines), soigné à domiciley compris dans un établissement d’hébergement pourersonnes âgées dépendantes ou une maison d’accueil spé-ialisée), pour lequel une décision de sédation a été prise,u’elle soit réalisée ou non (prescription anticipée). Lesatients pour lesquels la sédation était réalisée pour facili-er un soin ont été exclus.

onstitution de l’échantillon et recueil desonnées

e médecin ayant renvoyé un questionnaire était contactéar un interne en médecine dans les 15 jours pour un entre-ien téléphonique enregistré. L’inclusion s’est faite de juin

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Tableau 1 Caractéristiques des médecins de structure interrogés dans l’étude Sédadom.Characteristics of the physicians working in palliative care structures participating in the SEDADOM study.

Médecin Lieu d’exercice DU soins palliatifs Ancienneté d’exercice

1 EMSP intrahospitalière Oui Entre 2 et 5 ans2 Réseau Oui —3 EMSP intrahospitalière Oui Plus de 10 ans4 Réseau — Entre 2 et 5 ans5 HAD Oui Moins de 2 ans6 Réseau Oui Entre 6 et 10 ans7 Réseau Oui Entre 6 et 10 ans8 HAD Non —9 HAD Oui Entre 2 et 5 ans10 EMSP intra- et extrahospitalière Oui Plus de 10 ans11 HAD Oui Moins de 2 ans12 Réseau Oui Plus de 10 ans13 EMSP intrahospitalière Oui Plus de 10 ans14 HAD Oui Entre 2 et 5 ans15 Réseau Oui Entre 2 et 5 ans16 HAD Non Entre 6 et 10 ans17 HAD Oui Entre 6 et 10 ans18 HAD Non Entre 2 et 5 ans19 HAD Oui Entre 2 et 5 ans20 Réseau Oui Entre 6 et 10 ans21 EMSP intra- et extrahospitalière Oui Plus de 10 ans

DU : diplôme universitaire ; EMSP : équipe mobile de soins palliatifs ; HAD : service d’hospitalisation à domicile

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010 à mai 2011. Le choix a été fait, de facon arbitraire,’étudier des situations de moins de 6 mois pour limiter lesublis ou les réinterprétations qui pourraient survenir danses situations anciennes.

Le questionnaire a été construit pour recueillir les don-ées démographiques et les informations sur la situationAnnexe 1).

L’entretien commencait par une question ouverte : Racontez-moi comment ca s’est passé pour ce patient ? ».ne grille d’entretien a été élaborée et ajustée après cinqntretiens. Elle explorait les modalités de la prise de déci-

ion. Les enregistrements ont été transcrits en « verbatimmélioré » par un organisme extérieur.

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Tableau 2 Caractéristiques des médecins généralistes interroChararacteristics of the general practitioners participating to the SED

Médecins Ancienneté d’exercice(années)

Nombre d’habitants dcommune d’exercice

1 37 18000

2 33 1200

3 32 10400

4 15 18000

5 1 1500

6 23 5700

7 10 18000

8 20 18000

9 8 5700

Les participants à l’étude ont adressé 47 questionnaires.es situations n’ont pas été retenues, soit en raison de

a mauvaise qualité de l’enregistrement ; soit parce quees médecins n’ont pas été joignables dans les délais ; soitarce que l’interviewé n’était pas médecin ; soit parceue les situations dataient de plus de six mois. Un total de5 situations ont été retenues, racontées par 19 médecins.’étude a été complétée par neuf entretiens réalisés auprèse médecins généralistes, sélectionnés sur un seul territoiree santé. Ils avaient tous recus dans l’année précédentene information sur la sédation. (Tableaux 1 et 2). Ce

omplément d’enquête s’est fait dans un second tempsar il paraissait problématique de parler de la place du

gés dans l’étude Sédadom.ADOM study working in private practices.

ans la Fréquence de sédationréalisée par le médecin

Mode d’exercice

Pluriannuelle SeulPluriannuelle SeulPluriannuelle En groupeRare En groupe2 par an Seul2 par an En groupePluriannuelle En groupePluriannuelle SeulN’en a jamais fait En groupe

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e Sédadom 289

Ini tialisation

Proposition

Prise de dé cision

Rédaction de la prescrip tion

Décision de l' appli cation de la prescription an ticipée

Figure 1. Sédation à domicile : étapes du processus décisionnel.At home sedation: decision process steps.

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Encadré 1. Initialisation du processus : verbatims.

v5 : « Il a toujours exprimé sa volonté de pouvoir resterchez lui, et d’être soulagé de tout symptôme quipourrait être gênant. En tout cas, il a surtout marquéde manière expresse la volonté de rester à domicile ».

v3 : « Il était devenu somnolent, il n’avait plusaucune autonomie et la famille disait qu’il était trèsinconfortable avec un faciès crispé, des gémissementset il réitérait une demande de mourir auprès deses enfants (. . .) ce qui persistait c’est un facièscrispé, l’encombrement malgré la mise en place de lascopolamine ».

v11 : « Nos patients dont on sait qu’il y a un risquerespiratoire, hémorragique et qui nous disent qu’ils

Prise de décision de sédation pour détresse à domicile : étud

médecin généraliste seulement à travers ce qu’en disaientles médecins de structure.

Méthode d’analyse des données

Analyse des questionnairesLes questionnaires ont été analysés et synthétisés sur untableau Excel® (Annexe 2).

Analyse des entretiensLa première étape a consisté en une analyse verticale parplusieurs lectures attentives des verbatim et un codagedescriptif en regroupant les « unités de signification ». Undeuxième codage a été fait par une analyse horizontalethématique (en utilisant le logiciel NVIVO). Ces thèmesont été classés par catégorie. Enfin, les résultats ont étéanalysés et interprétés lors des réunions de travail. Uncroisement des analyses des verbatim a été réalisé de dif-férentes facons : d’une part, en référant les verbatim auxdonnées des questionnaires correspondants (triangulationdes données). D’autre part, les verbatim ont été répartispar binôme entre les six médecins investigateurs puis ontété intervertis à chaque étape de l’analyse et de la clas-sification des catégories (triangulation des chercheurs). Lasaturation de l’analyse a été atteinte au 15e verbatim.

Résultats

Nous présentons les résultats concernant la facon dont seprennent les décisions de sédation à domicile et la placedes différents médecins dans ce processus. Les facteursinfluencant la décision et les représentations des médecinsvis-à-vis de la sédation font l’objet d’un autre article.

Les médecins exercant en équipe mobile de soins pallia-tifs, réseaux ou services d’hospitalisation à domicile serontappelés « médecins de structure » par opposition aux méde-cins généralistes d’exercice libéral.

Étapes du processus décisionnel

L’analyse inductive des verbatim et des questionnairesconduit à une conceptualisation du processus décisionnel encinq étapes (Fig. 1).

Première étape : initialisation du processusLe processus de décision s’initie dans un contexte cliniquede pathologie grave incurable (cancer, sclérose latéraleamyotrophique, insuffisance cardiaque, insuffisance respira-toire, maladie de Parkinson). Souvent, une décision d’arrêtou de limitation des traitements a été prise préalablementà la proposition de sédation. Cette initialisation se fait soità partir de symptômes, soit à partir de demandes du patientou de ses proches.

SymptômesLe médecin identifie des symptômes réfractaires ou anti-

cipe la survenue de symptômes aigus en phase terminale.L’analyse des questionnaires montre que la fréquence desprescriptions anticipées est élevée (19 sur 25). La dyspnéeou la détresse respiratoire terminale sont l’indication la plus

réquente. Les médecins insistent sur le caractère rassu-ant des prescriptions anticipées pour le malade.

emandese patient ou la famille font une demande de sédation deacon implicite : demande de ne pas souffrir, de ne pas mou-ir étouffé, de mourir chez soi. Dans d’autres cas, le patientu sa famille font une demande d’euthanasie (Encadré 1).

veulent surtout rester à domicile et que la fin de vieest évoquée de facon assez facile (. . .). Dans ces cas làon leur en parle de manière assez systématique ».

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2 V. Blanchet et al.

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Encadré 2. Explications et concertation :verbatims.

v22 : « Donc, on a présenté ca comme un moyen defaire dormir plus correctement la dame, la nuit, d’unemanière plus efficace que les traitements précédents,d’une manière complémentaire au traitement contrela douleur également, ou aux autres traitementssymptomatiques, et puis une manière aussi de rendreson maintien à domicile plus vivable notamment pourson mari ».

v2 : « On s’est concerté avec le médecin traitant,puis on a fait la proposition à la patiente (. . .). C’étaitd’accord et on a averti ensuite la famille qui étaitd’accord aussi ».

v13 : « En fait le médecin de soins palliatifs avaittrouvé qu’on était passé rapidement au midazolam(. . .). Le médecin traitant, quand je (médecin duservice d’hospitalisation à domicile) l’avais avertiqu’on en était au midazolam, m’a dit je ne sais passi on en est encore là. En fait après je l’ai ré-associéen lui disant c’est mieux lui il est prêt ; et après il n’yest pas retourné ».

v6 : « Elle (sa fille) est venue me voir peut-être unmois après le décès, (. . .) pour me dire : vous êtes sûrque vous n’avez pas abrégé sa vie ? ».

v24 : Je lui ai dit, redit, et redit, que légalementce n’était pas une euthanasie, que c’était sa maladiequi allait la tuer. Elle, elle s’est dit : « Eh bien voilà, il

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euxième étape : proposition de sédationxplicationsa proposition de sédation est expliquée et discutée avece patient et/ou ses proches. Les explications portentur les indications, la faisabilité au domicile, les effetsttendus. Les médecins sont soucieux de clarifier les objec-ifs de la sédation. Les explications données se veulentassurantes : « amener au bord du sommeil », « endormirégèrement », « injecter à très petites doses, progressive-ent », « le patient pourra dire s’il est mieux ».

onsentemente patient, à cause de son état de conscience, n’est pas tou-ours associé au processus décisionnel. Dans d’autres cas, learactère anticipé rend l’information difficile à réaliser. Leédecin interviewé ne sait pas toujours si le consentementu patient a été recherché.

oncertatione plus souvent, la décision est précédée d’une concer-ation professionnelle. Cette concertation a lieu au course réunions, de discussions téléphoniques, de rencontresux domiciles. Les lieux institutionnels (maison de retraite,aison d’accueil spécialisée) facilitent la mise en placees réunions. Les médecins généralistes ne sont pas tou-ours disponibles pour y participer et les infirmières n’y sontas toujours associées. La concertation en tant que telle’est pas toujours identifiée. Des réunions ont lieu. Ellesnt pour objectif principal d’informer les équipes ou lesédecins non formés à la pratique de la sédation et deettre en place une organisation rendant possible la mise

n œuvre, en urgence s’il le faut. Sur certains territoires,’intervention du service d’hospitalisation à domicile permete réunir les conditions nécessaires (appui médical, réponsenfirmière 24 h sur 24, accès au midazolam, compétence desnfirmières). Sur d’autres territoires, l’organisation reposeur des acteurs libéraux motivés et mobilisables (Encadré).

roisième étape : prise de décisiona décision de sédation est souvent confondue avec la déci-ion de prescrire du midazolam. Dans les situations à risque’asphyxie ou d’hémorragie grave, le moment de la décisionst clairement identifiable ainsi que l’objectif visé. Dans lesutres situations, il n’est pas toujours repérable : il y a unontinuum de l’anxiolyse à la sédation par augmentationrogressive des posologies.

Le médecin décideur n’est pas toujours repérable : le on » est retrouvé dans plusieurs verbatim.

uatrième étape : rédaction de la prescriptiona prescription peut comporter deux volets : une prescrip-ion établissant les doses, la voie d’injection, la ou lesndications de mise en œuvre, les modalités de réajustementes posologies, et une autre prescription pour la délivranceu médicament à partir de la pharmacie hospitalière. Ceseux prescriptions ne sont pas toujours réalisées par leême médecin. Les recommandations sont citées et servent

’appui à la prescription. Il est souvent fait référence à unrotocole à usage interne. L’utilisation de ce protocole peutendre la décision plus rapide et les étapes précédemmentécrites n’ont pas lieu (situation d’urgence).

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m’endort et je ne me réveillerai plus ».

Le médicament prescrit est le midazolam, sauf dans uneituation où la sédation a été réalisée avec de la morphine.ifférentes stratégies sont mises en place pour obtenir laélivrance du midazolam : sollicitation d’un médecin hos-italier, utilisation de la réserve des pompiers, délivrancear le réseau, intervention du service d’hospitalisation àomicile, etc.

inquième étape : décision de mise en œuvreorsque la décision de sédation a été anticipée pour uneituation d’urgence, la mise en œuvre est réalisée par unenfirmière, souvent seule au domicile, après accord télépho-ique d’un médecin. Le médecin sollicité ne connaît pasoujours le patient.

lace des différents médecins dans lerocessus décisionnel

a prise en charge du patient à domicile implique plusieursédecins (généraliste, médecins de réseau, des services’hospitalisation à domicile, d’équipe mobile de soins pal-iatifs, coordinateur d’établissements d’hébergement pourersonnes âgées dépendantes ou de maison d’accueil spécia-isée, des services d’aide médicale urgente — SAMU). Nous

écrirons comment le médecin de structure s’articule aveces collègues dans la décision de sédation et quelle placeccupe le médecin généraliste dans ce processus.
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Prise de décision de sédation pour détresse à domicile : étude Sédadom 291

Encadré 3. Place des médecins de structure dansle processus décisionnel. Verbatims.

v19 : « Et le médecin traitant, dans tout ca il dit : maisde toute facon moi je ne connais pas tout ca, vas-y, faisle. Et de toute facon tu es en confiance, je pense quec’est à nous de remplir l’ordonnance ».

v23 : « Je prends trois quarts d’heure avec lepharmacien central, plus le préparateur en pharmacie,plus l’interne (. . .), je leur explique comment ontravaille : la réunion de coordination initiale, les deuxmédecins bornés par leur hiérarchie, la décision priseaprès discussion multidisciplinaire, finalement ils m’endonnent quand même quelques ampoules mais en mefaisant jurer que bien sûr j’allais leur ramener les

Encadré 4. Coopération généraliste/médecin destructure dans la décision : verbatim de l’étudecomplémentaire auprès des généralistes.

vG1 : « J’accompagne le mourant puisqu’il faut appelerca comme ca et j’accompagne la famille, la décisionse prend avec la famille et j’ai cette chance d’êtregénéraliste depuis quelques années et d’avoir desfamilles qui ont tendance à me demander mon avis età m’écouter (. . .). Mettre une perfusion, mettre unepompe à morphine, on ne peut pas ! C’est clair ! On n’apas ce matériel à notre disposition. Donc on fait appelà quelqu’un de l’extérieur ».

vG4 : « Je ne me vois pas prendre les décisions seule,par rapport à ca, et je ne pense pas maîtriser tous lescritères objectifs pour décider justement de mettre enplace une sédation. Voilà, je peux être par exemple,moi angoissée parce que je connais la personne, queje l’aime bien, que je souffre de la voir souffrir etje pourrais avoir envie que ca s’arrête. Mais ce n’estpas là-dessus qu’on décide de quoique ce soit. Doncjustement le fait qu’il y ait d’autres personnes, permetde donner un cadre à tout ca ».

vG5 : « Le protocole je pense que tout le monde peutle faire ce n’est pas le plus compliqué. C’est plus aprèsl’encadrement des à-côtés qui sont plus difficiles, enmédecine libérale à mon sens, à gérer : c’est-à-dire s’ily a un problème à un moment donné, il y a du suivi, iln’y a pas que la sédation à mon sens dans la fin de vie ».

vG6 : « Nous, il faut qu’on se transforme en médecinde garde, de jour, de nuit, le week-end, et je medis bien finalement à l’hôpital ils le font très bien, àpart que le patient veut mourir chez lui. Alors je peuxl’entendre, il y a des gens qui vraiment le demandenttrès fort ca, moi je me dis toujours mais pourquoi est-ce qu’ils ne vont pas à l’hôpital ? Je ne sais pas. Je n’aipas droit de réagir pour moi alors j’écoute ceux qui sonttrès motivés. J’essaie de les garder le plus longtempspossible ici, mais c’est vrai que quelques fois j’aimerais

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Llculté. La sédation se définit pour certains par l’utilisation

ampoules que je n’aurais pas utilisées ».

Nous observons deux typologies de positionnement desmédecins de structure : soit c’est un seul médecin qui estprésent à toutes les étapes soit ce n’est pas le même(Encadré 3).

Prise en charge par un seul médecinLe médecin de structure propose, décide, prescrit, quelquesfois même délivre le médicament à domicile. Il a une compé-tence en soins palliatifs qui l’amène à intervenir à toutes lesétapes.

Prise en charge par différents médecins selon lesétapesPlusieurs cas de figure se présentent :• soit c’est le médecin hospitalier qui a décidé la séda-

tion et il délègue au médecin de structure la formationdes professionnels libéraux, l’organisation, la négociationavec le médecin généraliste et la mise en œuvre ;

• soit le médecin de structure est l’acteur principal de ladécision et le généraliste prescrit ;

• soit le médecin de structure décide avec le médecin géné-raliste et le médecin de structure prescrit ;

• soit un médecin hospitalier rédige la prescription pourla délivrance du midazolam, à la demande du méde-cin de structure. Il n’a pas participé à la concertation.L’entretien ne permet pas toujours de savoir s’il connaîtle patient. En situation d’urgence, le médecin qui décidela mise en œuvre n’a pas toujours participé à la concer-tation.

Place du médecin généralisteL’analyse des résultats permet d’identifier trois modes defonctionnement des médecins généraliste :• soit le médecin généraliste décide seul ; s’il a besoin d’un

conseil technique, il le cherche auprès d’un médecin destructure ;

• soit le médecin généraliste sollicite le médecin de struc-

ture pour avoir son soutien et son aide à la réflexion.Il exprime le besoin de partager la décision, d’être sou-tenu pour assumer la situation. Le conseil technique est

dvà

bien passer la main ».

secondaire. Le médecin généraliste n’est pas à l’originede la proposition de sédation ;soit le médecin généraliste confie ou voudrait pouvoirconfier le malade en fin de vie à d’autres médecins plusspécialisés ou à l’hôpital. Il ne se sent pas compétent, laprise en charge prend trop de temps, le poids émotionnelest trop lourd (Encadré 4).

iscussion

léas de la définition

es études portant sur la sédation butent sur les critères dea définition [6]. Notre travail n’échappe pas à cette diffi-

u midazolam et non par l’objectif visé. Le but attendua de l’apaisement (diminution de l’état de souffrance)

l’endormissement profond. Il est donc particulièrement

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292

Tableau 3 Recommandations du consensus formaliséd’experts. Comment la décision de sédation est-elleprise ?Decision-making guidelines for a palliative sedation at home.

La prise de décision d’une sédation fait suite à uneprocédure collégiale multidisciplinaire, intégrant leconsentement du patient chaque fois qu’il estpossible de le recueillir

Lorsque le patient n’est pas en état d’exprimer savolonté, la prise de décision d’une sédation fait suiteà une procédure collégiale multidisciplinaire, prenanten compte ses éventuelles directives anticipées et/oul’avis de la personne de confiance, et/ou, à défaut,de ses proches

La concertation en équipe pluridisciplinaire estnécessaire pour éclairer la décision médicale ;néanmoins, le consensus n’est pas une garantie, ensoi, du bien fondé de la décision de sédation

La tenue d’une réunion pour une procédure collégialedoit être possible quel que soit le lieu de soin(institution sanitaire, médico-sociale ou à domicile)

La décision de sédation doit être prise par le médecinen charge du patient, après, autant que possible, avisd’un médecin compétent en soins palliatifs

Les arguments développés lors de la concertationpluridisciplinaire et la décision qui en résulte sontinscrits dans le dossier du patient

Il est recommandé d’anticiper, autant que possible, lessituations pouvant amener à la mise en œuvre d’unesédation

Avant toute mise en œuvre d’une sédation prolongée, ilest recommandé de discuter la poursuite de la ou dessuppléances artificielles éventuelles (y compris de la

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PLàrecherché sauf pour les patients où l’état de conscience nele permet pas. Cependant, il n’est pas évident de repérerqui a informé le patient ni comment le consentement a étérecueilli. Le médecin interrogé n’est pas toujours celui qui

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nutrition et l’hydratation)

élicat de décrire un processus où les attendus de départ neont pas univoques : on ne décide pas des mêmes choses.

acteurs déterminants dans l’initialisation durocessus

e symptôme conduisant le plus souvent à la décision deédation est la dyspnée. Cela explique peut-être la forterévalence de prescription anticipée de sédation dans le bute traiter une éventuelle asphyxie. Les études en languenglaise ne mentionnent pas de prescription anticipée. Laonfusion est peu citée contrairement aux données de laittérature étrangère où elle est considérée comme la pre-ière indication de sédation à domicile [6,7]. Les situationse souffrance globale rapportées comportaient-elles destats confusionnels qui n’ont pas été retenus en tant que telsans la justification de la décision ? Nos résultats pourraienttre complétés par une étude quantitative sur la fréquenceelative des indications de sédation à domicile.

La demande du patient de rester chez lui est un desacteurs déterminant l’initialisation du processus décision-

el. Cette demande, appuyée par les proches, semble avoirn caractère impératif pour le médecin. Cela a amené unédecin à compléter la définition des symptômes

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V. Blanchet et al.

éfractaires5 : « avec les limites de ce qui est possible domicile ».

Envisager une sédation à domicile nécessite d’anticiperette possibilité thérapeutique et donc de l’organiser.’expérience des médecins interrogés justifie les recomman-ations du consensus formalisé d’experts (Tableau 3).

élibération avant décision ?

ans l’anticipation des situations d’urgence, il n’y a pas deélibération car l’indication est directement induite par leymptôme (détresse respiratoire, hémorragie).

De même, il n’y a pas de délibération collégiale autoure la décision lorsque le midazolam a été d’abord introduitomme anxiolytique ou comme somnifère puis augmentérogressivement.

Dans les autres cas, il est difficile à la lecture des ver-atim d’affirmer que les temps d’échanges entre médecinsoient toujours un temps de délibération en tant que telle.a décision a souvent été prise auparavant. Il arrive mêmeue le médecin de structure maintienne sa décision alorsue le médecin généraliste n’est pas du même avis (Encadré). La fragmentation du processus décisionel est en grandeartie liée aux conditions de délivrance du midazolam auomicile : médicament délivré par les pharmacies hospita-ières sous certaines conditions [14,15].

Nous faisons l’hypothèse que le caractèreinhabituel de la sédation à domicile avec

utilisation d’un médicament sorti de la réservehospitalière est le principal motif de laconcertation entre médecins libéraux et

médecins de structure.

L’affirmation, souvent mise en avant par les médecins detructure, que la décision est prise de facon collégiale peuttre remise en question.

La médecine libérale ne valorise pas les « actes réflexifs »as plus que le temps passé auprès des patients et desamilles. Cela renforce la difficulté de mettre en place uneélibération collective interdisciplinaire et pluriprofessio-elle.

lace des acteurs dans le processusécisionnel

lace du patienta place du patient dans la décision n’est pas toujours facile

observer. Le consentement du patient est le plus souvent

Est qualifié réfractaire « tout symptôme dont la perception estnsupportable et qui ne peut être soulagé en dépit des effortsbstinés pour trouver un protocole thérapeutique adapté sansompromettre la conscience du patient » [13].

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Prise de décision de sédation pour détresse à domicile : étud

se rend régulièrement au domicile et qui est en relationdirecte avec le patient.

Place de la familleLa souffrance de la famille est un facteur qui influencela décision de sédation. Dans les situations où la sédationest mise en place de facon progressive, la demande desfamilles et des infirmières paraît déterminante pour déciderde l’augmentation des doses. Une étude qualitative belge,réalisée en maisons de retraite, a montré que la pressiondes familles jouait un rôle important dans les décisions desédation [8]. Une étude quantitative sur la sédation à domi-cile a révélé que dans 45 % des cas, la décision de sédationen phase terminale était prise uniquement avec la famille[7].

Professionnels non médicauxLes psychologues, pourtant présents dans la plupart deséquipes institutionnelles, ne sont qu’exceptionnellementcités. La place des infirmières n’a pas été explorée maisnous observons qu’elles ont une place déterminante dansles décisions de mise en œuvre en urgence et dans les déci-sions de modification des posologies de midazolam. D’autresauteurs ont constaté que les infirmières se sentent souventimpliquées dans la décision, un peu moins souvent à domi-cile qu’à l’hôpital. Elles proposent la sédation dans 16 % des199 situations rapportées. Dans la même étude, quelquesinfirmières ont ressenti une pression pour exécuter la séda-tion [7].

Médecin de structure et médecin généralisteLe médecin de structure peut se retrouver à toutes les placesdans le processus décisionnel alors qu’on s’attendrait à ytrouver le généraliste. Les raisons sont-elles à rechercherdans la personnalité du médecin, dans sa facon d’exercerson rôle, dans son besoin d’avoir la main sur la situation ?L’étude des réponses faites par les généralistes montre quecertains généralistes souhaitent laisser leur place au spé-cialiste de soins palliatifs. Nos résultats corroborent uneautre étude qualitative faite auprès de médecins généra-listes, montrant la réalité du refus de prise en charge despatients en soins palliatifs [16]. La place occupée par lemédecin de structure est-elle principalement dépendantede la position prise par le médecin généraliste ?

Dans le cas où le médecin de structure prescrit et orga-nise la sédation à la demande du généraliste, existe-t-ilun risque qu’il devienne un prestataire de service de lasédation ? Ce risque concerne-t-il surtout les médecins desservices d’hospitalisation à domicile ?

Responsabilité juridique et éthique

Lorsque le même médecin n’est pas présent à toutes lesétapes du processus décisionnel, la question de la respon-sabilité médicale se pose au plan juridique et éthique. Lamultiplicité des médecins impliqués conduit-elle à « diluer »

leur sentiment de responsabilité ? Ce phénomène a déjà étédécrit dans le contexte de la fin de vie par Verspieren lorsdes mises en place des « cocktails lytiques » [17]. La mise enavant du caractère collégial de la décision suffit-elle à régler

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dadom 293

a question de la responsabilité sur un plan éthique ? Sur lelan juridique qui serait responsable en cas de plainte ?

Lorsque c’est le même médecin de structure qui estrésent à toutes les étapes, il sort de son rôle de coor-onnateur : qu’en est-il de sa responsabilité vis-à-vis de larescription ?

imites de la recherche

es sédations à domicile étant rares, nous avons orientéotre recherche vers les médecins amenés à être plus sou-ent confrontés à ces décisions : médecins des services’hospitalisation à domicile, de réseaux, d’équipes mobilese soins palliatifs. Le recrutement des médecins au planational a permis d’avoir une pluralité dans les struc-ures de rattachement des médecins et dans les territoires’intervention. Cependant, le mode de recrutement, lié à laotivation des médecins à déclarer les situations, induit uniais de recrutement de la population étudiée. Cela limitea transférabilité des résultats à tous les médecins de struc-ure.

Les entretiens semi-directifs ont été conduits par desnternes en médecine peu habitués à cette technique. Cela au induire des réponses de la part de médecins bien informéses recommandations professionnelles, en particulier en ceui concerne l’information et le consentement du patient,a collégialité des décisions.

Bien que les situations retenues dataient de moinse 6 mois, on ne peut exclure les biais de mémoire etes réinterprétations de la part des médecins qui lesxposaient.

onclusion

oncernant la sédation à domicile, notre étude metn évidence un processus décisionnel en cinq étapes :’initialisation du processus, la proposition, la prise de déci-ion, la rédaction de la prescription, la décision de misen œuvre. Il existe deux typologies de processus décision-el : soit le même médecin est présent à chacune de cestapes, soit ce sont des médecins différents qu’ils s’agissente médecins d’ équipe mobile de soins palliatifs ou deédecins coordonnateurs (service d’hospitalisation à domi-

ile, réseaux). Les médecins généralistes sont peu associés la prise de décision et ceux interrogés ne le souhaitent’ailleurs pas tous. Les modalités de fonctionnement sontrès variables d’une structure à l’autre. La coopérationntre professionnels sert davantage à organiser la mise enuvre de la sédation qu’à réaliser une délibération. Le fait

ue le midazolam ne soit pas disponible en ville est un fac-eur déterminant dans les échanges entre les médecins detructure et les libéraux. Les recommandations sont connuest souvent cités comme références. Les places respectivesu patient, de ses proches, des infirmières dans le processuse décision nécessiteraient d’être plus finement observées

ar des études complémentaires. Il serait utile d’observer ete décrire les prises de décision en milieu hospitalier et ennité de soins palliatifs, en s’appuyant sur une méthodologieualitative.
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éclaration d’intérêts

es auteurs déclarent ne pas avoir de conflits d’intérêts enelation avec cet article.

emerciements

es auteurs remercient : les médecins qui ont accepté dearticiper à cette étude ; D. Leboul, J.-C. Mino et É. Legrandour leur aide méthodologique ; la Fondation de France.

nnexes 1 et 2. Matériel complémentaire

e matériel complémentaire (Annexe 1 : questionnairetilisé dans cette étude et Annexe 2 : analyse et syn-hèse des questionnaires présentée dans un tableauxcel®) accompagnant la version en ligne de cet articlest disponible sur http://www.sciencedirect.com etttp://dx.doi.org/10.1016/j.medpal.2014.09.003.

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15] Décision ministérielle du 20 décembre 2004 parue au JournalOfficiel du 23 décembre 2004; 2004.

16] Texier G, Rhondali W, Morel V, Filbet M. Refus de prise en chargedu patient en soins palliatifs en phase terminale à domicile

par son médecin généraliste : est-ce une réalité ? Med Palliat2013;12:55—62.

17] Verspieren P. Face à celui qui meurt. Paris: Desclée de Brouwer;1999.