Príncipes de la planification de l'éducation —...

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Príncipes de la planification de l'éducation — 29

Dans cette collection* :

1. Qu'est-ce que h planification de l'éducation ? Philip H . C o o m b s

2. Les plans de développement de l'éducation et la planification économique et sociale R . Poignant

3. Planification de l'éducation et développement des ressources humaines F. Harbison

4. L'administration de l'éducation face à la planification C E . Bi-eby

5. Le contexte social de la planification de l'éducation C . A . Anderson

6. La planification de l'enseignement : évaluation des coûts J. Vaizey, J D . Chesswas

7. Les problèmes de l'enseignement en milieu rural V . L . Griffiths

8. Le rôle du conseiller en planification de l'enseignement A d a m Curie

9. Les aspects démographiques de la planification de l'enseignement Ta Ngoc Châu

10. Coûts et dépenses en éducation Jacques Hallak

11. L'identité professionnelle du planificateur de l'éducation A d a m Curie

12. Planification de l'éducation: les conditions de réussite C C . Ruscoe

13. L'analyse coût-bénéfice dans la planification de l'éducation Maureen Woodhall

14. Planification de l'éducation et chômage des jeunes Archibald Callaway

15. Les aspects politiques de la planification de l'éducation dans les pays en voie de développement C D . Rowley

16. Planification de l'éducation pour une société pluraliste Chai Hon-chan

17. La planification des programmes d'enseignement primaire dans les pays en voie de développement H W . R . Hawes

18. Planification de l'aide à l'éducation pour la deuxième décennie du développement H . M . Phillips

19. Les études à l'étranger et le développement de l'enseignement William D . Carter

20. Pour une conception réaliste de la planification de l'éducation K R McKinnon

21. La planification de l'éducation en relation avec le développement rural G . M . Coverdale

22. La planification de l'éducation: options et décisions John D . Montgomery

23. La planification du programme scolaire Arieh Lewy

24. Les facteurs de coûts dans la planification des systèmes de technologies éducatives Dean T . Jamison

25. Le planificateur et l'éducation permanente Pierre Furter

26. L'éducation et l'emploi: une étude critique Martin C a m o y

27. Planification de t'offre et de la demande d'enseignants Peter Williams

28. Planification de l'éducation préscolaire dans les pays en développement Alastair Heron

29. Moyens de communication de masse et éducation dans les pays à faible revenu: répercussions sur la planification Emile G . McAnany, John K. Mayo

30. La planification de l'éducation non formelle David R. Evans

* Série publiée également en anglais Autres titres à paraître

Moyens de communication de masse et éducation dans les pays à faible revenu : répercussions sur la planification

Emile G . M c A n a n y et John K . M a y o

Paris 1980

Unesco: Institut international de planification de l'éducation

La S I D A (Organisme suédois d'aide au développement international) a fourni une aide financière pour la publication de cette brochure

Publié en 1980 par l'Organisation des Nations Unies pour l'éducation, la science et la culture 7, place de Fontenoy, 75700 Paris Traduit de l'anglais par l'IIPE

Imprimé par Ceuterick, Louvain (Belgique) Maquette de couverture: Bruno Pfäffli

ISBN 92-803-2081-5

© Unesco 1980 Imprimé en Belgique

Principes de la planification de l'éducation

Les brochures de cette collection sont destinées principalement à deux catégories de lecteurs : ceux qui occupent déjà des fonctions dans l'administration et la planification de l'éducation, ou qui s'y préparent, surtout dans les pays en développement; et d'autres moins spécialisés — hauts fonctionnaires et h o m m e s politiques, par exemple — qui cherchent à connaître de façon plus générale le mécanisme de la planification de l'éducation et les liens qui la rattachent au développement national général. Ces brochures sont, de ce fait, destinées soit à l'étude individuelle, soit à des cours de formation.

Depuis le lancement de cette collection en 1967, la pratique de la planification de l'éducation, de m ê m e que sa conception, ont subi d'importants changements. Parmi les postulats qui servaient de point de départ aux tentatives antérieures visant à introduire une certaine logique dans le développement de l'éducation, il en est beaucoup qui ont été abandonnés, ou tout au moins critiqués. E n m ê m e temps, la planification de l'éducation a pris une nouvel­le envergure. Outre les formes institutionnelles de l'éducation, elle porte à présent sur d'autres prestations éducatives importantes dispensées hors de l'école ou destinées aux adultes. L'intérêt ne porte plus exclusivement sur l'expansion et le développement des systèmes éducatifs. D'autres préoccupations ont de plus en plus tendance à s'y ajouter, voire parfois à les remplacer: elles concer­nent la répartition des chances d'accès à l'éducation et de ses avantages dans les différentes régions, parmi les h o m m e s et les femmes de toutes les catégories sociales et ethniques. Les planifi­cateurs et les administrateurs de l'éducation attachent au moins

Principes de la planification de l'éducation

autant d'importance à la programmation des contenu et de la substance m ê m e de l'éducation qu'aux prévisions des effectifs de l'enseignement et de sa production. E n outre, la planification elle-même se transforme: elle fait plus de place à la mise en œuvre des plans et à leur appréciation et explore des voies nou­velles telles que la planification intégrée, la planification participa­tive et la micro-planification.

Ces brochures ont, entre autres, pour objet de refléter cette diversité en donnant à des auteurs venus d'horizons et de discipli­nes très variés la possibilité d'exprimer leur idées et de confronter les expériences qui portent sur différents aspects théoriques et pratiques d'une planification de l'éducation en pleine mutation.

Bien que la série corresponde à un plan d'ensemble soigneuse­ment établi, aucune tentative n'a été faite pour éliminer les diver­gences, voire les contradictions entre les vues exposées par les différents auteurs. L'Institut, pour sa part, ne souhaite imposer aucune doctrine officielle aux planificateurs. S'il reste entendu que les auteurs sont responsables des opinions qu'ils expriment, leurs vues — que PUnesco ou l'IIPE ne partagent pas nécessaire­ment — n'en ont pas moins été considérées c o m m e dignes d'être lancées dans le courant international des idées.

C o m p t e tenu de la grande variété de formation du public auquel ces textes sont destinés, les auteurs ont dû assumer la tâche difficile de traiter leur sujet en partant de données élémentaires et en expliquant des termes techniques bien connus de certains et nouveaux pour d'autres, sans toutefois porter atteinte à la rigueur scientifique de leur exposé. N o u s espérons que cette approche permettra à chaque lecteur de tirer le m a x i m u m de profit de ces brochures.

Préface

Dans la présente brochure, Emile M c A n a n y et John M a y o discu­tent d'un domaine d'un intérêt considérable tant pour les réforma­teurs que pour les planificateurs de l'éducation: il s'agit des nou­veaux moyens au service de l'enseignement. E n raison de leur effet multiplicateur et d u potentiel qu'ils présentent virtuellement pour la production et la diffusion de matériels de qualité, les technologies éducatives et leurs moyens semblent en effet ouvrir un c h a m p riche de promesses à ceux qui cherchent à transformer radicalement les programmes et les techniques d'enseignement. Or, dans le m ê m e temps, c o m m e le font remarquer les auteurs, cette potentialité se réalise rarement et les espoirs que les moyens de communication de masse avaient fait naître très largement dans les années 1960 d'une réforme massive de l'éducation, se sont tempérés à l'épreuve de l'expérience pratique. D e l'avis des auteurs, cette situation tient en partie au m a n q u e trop fréquent d'analyse et d'évaluation des besoins préalablement au choix des technologies appropriées et à la planification de leur utilisation, mais également au niveau généralement élevé d'investissement initial requis et à la difficulté qu'il y a à abandonner ou à adapter une technologie si elle se montre défaillante.

Les facteurs de coût de la planification des systèmes de techno­logies éducatives et la difficulté de leur évaluation ont déjà été étudiés dans une précédente brochure de la m ê m e série ' ainsi que

1. Jamison, Dean , Les facteurs de coûts dans la planification des systèmes de tech­nologies éducatives, Paris, Unesco/IIPE, 1978 (Principes de la planification de l'éducation, 24).

Moyens de communication de masse et éducation dans les pays à faible revenu : répercussions sur la planification

dans u n livre publié ultérieurement par l'Unesco 2. Dans la pré­sente étude les auteurs montrent combien l'estimation des coûts dépend du niveau de technologie adopté et du contexte de son utilisation. Par ailleurs, et bien qu'à l'origine l'accent ait été mis sur le pouvoir de large diffusion des moyens d'information de masse en éducation, élément justiciable d'une analyse coût-béné­fice, l'intérêt s'est de plus en plus tourné vers les facteurs qualita­tifs qui sont bien moins faciles à évaluer en termes économi­ques.

E n dépit d'expériences décevantes, on compte un nombre crois­sant d'exemples de systèmes exploitant les technologies éducati­ves, et beaucoup en particulier dans les pays en développement. Certains de ces systèmes peuvent avoir été mis sur pied pour sacrifier à la m o d e mais d'autres découlent indubitablement de véritables actes de foi car la communication est un domaine qui attire des adeptes très dévoués. E n tout cas l'expérience sur le terrain a révélé un large éventail de possibilités pour ces moyens et une multitude de besoins et d'objectifs éducatifs que cette brochure tente pour quelques-uns de circonscrire.

U n e grande partie de l'ouvrage est consacrée à quatre brèves monographies sur les moyens de communication de masse au service de l'enseignement, à savoir: l'utilisation de la radio pour la formation permanente en République dominicaine, l'amélioration qualitative de l'enseignement des mathématiques au Nicaragua, une expérience communautaire radiophonique dans la Républi­que-Unie de Tanzanie et l'expérimentation des retransmissions par satellite en Inde. Le titre de l'ouvrage parle de lui-même pour ce qui est de l'utilisation des moyens de communication de masse dans les pays à faible revenu, où les considérations de coût sont vues avec un œil critique. Mais ce qui est intéressant, et pas du tout surprenant, c'est de voir que dans tous les cas, sauf celui de l'Inde, les études se centrent non sur la télévision, mais sur la radio, m o y e n de diffusion de coût moindre. Plus que tout ce fait révèle une situation dans laquelle, c o m m e le rapportent les auteurs, le choix technologique se fonde plus directement que jusqu'ici sur une vue d'ensemble de la planification et du finance-

2. Unesco, L'économie des nouveaux moyens d'enseignement: état présent de la recherche et orientations, Paris, Unesco, 1977.

Préface

ment de l'éducation et en veillant plus particulièrement aux critè­res de rentabilité économique, m ê m e si leur interprétation est plus souple qu'autrefois.

L'objectif premier de la brochure est d'étudier les potentialités des technologies éducatives sur des objectifs spécifiques de politi­que éducative, et plus particulièrement l'élargissement des chances d'éducation, l'amélioration de la qualité de l'enseignement et de l'acquisition des connaissances, le développement rural ou — sphère encore fluide — le développement de la participation. C e qui est mis en lumière avant tout cependant, c'est le besoin d'une planification soigneuse et d'une analyse rigoureuse en colla­boration avec des spécialistes de l'éducation issus de nombreuses disciplines, de manière à mettre au point des systèmes et des applications de moyens de communication de masse qui, à la fois, soient cohérents et ne soient pas trop excessifs du point de vue des possibilités financières des pays.

Cette brochure intéresse donc non seulement ceux qui s'occu­pent de moyens de communication de masse, mais également les planificateurs et les administrateurs d'autres branches de l'éduca­tion. Elle ne constitue pas une plaidoirie spécifiquement orientée, mais une pièce parmi d'autres dans le débat plus large sur l'inno­vation.

Michel Debeauvais Directeur, UPE

Table des matières

Introduction 13

I. Quelques hypothèses 15

II. L'attitude du planificateur face aux moyens de communication de .masse 20

III. Quatre cas d'éducation par les m o y e n s d e c o m m u n i c a t i o n d e masse 24

IV. Problèmes critiques posés par la planification des media aux fins d'éducation 63

V . Conclusions et recommandations 83

Références bibliographiques 87

Introduction

Avec l'élargissement de la notion d'éducation et la variété d'acti­vités que cette notion suppose à l'heure actuelle, on assiste ces dernières années à une expansion considérable du rôle des moyens de communication de masse et des espoirs qu'ils suscitent. Il n'est plus question de limiter une étude des moyens de communication au seul domaine des auxiliaires matériels de l'enseignement. La plupart des pays et des organisations internationales multiples qui travaillent à diffuser l'innovation de tous genres en éducation s'orientent tous de façon systématique vers une planification de l'éducation, planification qui met en jeu une multitude de ressour­ces et de clientèles; cette orientation présuppose elle aussi une optique fonctionnelle et intégrée de l'usage des moyens de c o m ­munication de masse.

Certains des projets et expériences les plus dignes d'intérêt sur les moyens de communication de masse ont été menés dans les zones où le besoin d'éducation se révèle le plus pressant et où les ressources éducatives traditionnelles (écoles, maîtres expérimentés et matériels didactiques de tous types) manquent le plus. Pourtant jusqu'à présent le rôle joué par les media dans les divers réfor­m e s éducatives et projets de développement n'a pas connu partout un succès uniforme. D e nombreux projets ont été mis en chantier mais peu ont survécu suffisamment pour faire la preuve de la portée ou de la qualité de l'impact que leurs auteurs et les admi­nistrateurs avaient voulu leur donner. Bien trop souvent, l'antici­pation de ce que les media pouvaient apporter à l'éducation n'a pas été précédée par une analyse convenable des problèmes édu­catifs spécifiques à résoudre ou par une délimitation appropriée

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Moyens de communication de masse et éducation dans les pays à faible revenu : répercussions sur la planification

des rôles que ces moyens pouvaient jouer avec le plus de profit. Et m ê m e lorsque ce travail préliminaire a été fait, les problèmes d'intendance et d'administration ont fréquemment miné l'efficaci­té des programmes de développement des media à usage scolaire au niveau local. Toutes ces raisons expliquent pourquoi les zéla­teurs m ê m e les plus optimistes des moyens de communication de masse ont redoublé de prudence dans leur appréciation de ce que valent ces outils.

N o u s venons d'entrer dans une ère de réalisme et de remise en cause des jugements, où le large accord sur la valeur potentielle des media est contrebalancé par une prise de conscience plus profonde de la complexité et de l'ampleur des obstacles à surmon­ter. Les media exercent toujours leur fascination sur les planifica­teurs qui espèrent en obtenir des résultats éducatifs majeurs dans des délais relativement brefs. Mais au contraire de leurs prédéces­seurs, les planificateurs de la génération actuelle sont conscients que pour mener à bien un programme quel qu'il soit, il faut surmonter les contraintes persistantes, politiques, sociales et éco­nomiques, qui ont miné tant d'efforts passés.

N o u s discuterons, dans le présent document, d'une série de problèmes de planification jetant un pont entre éducation et c o m ­munication dans le cadre de pays à faible revenu. Nous c o m m e n ­cerons par essayer d'éclaircir certaines hypothèses de base et de définir les limites des problèmes à traiter.

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I. Quelques hypothèses

A u cours des deux dernières décennies, on a assisté à la dissémi­nation à travers le m o n d e entier de moyens de communication de masse qui ont créé entre presque toutes les nations un réseau de liens mutuels. Le tableau 1 illustre à la fois l'ampleur de cette croissance et son taux d'accélération dans les pays à bas revenu d'Asie, d'Afrique et d'Amérique latine entre 1963 et 1973. A commencer par les journaux, le film et la radio, suivis de la télévision et aujourd'hui des ordinateurs, satellites et autres systè­m e s de transmission ultra-complexes, les moyens modernes de communication de masse se sont implantés dans presque tous les coins du m o n d e . La diffusion rapide et assez désordonnée de ces technologies a engendré dans de nombreux pays toute une série de réactions. Certains se sont alarmés de l'attention croissante portée par les gens aux media et aux types de messages culturels et politiques qu'ils véhiculent. Les pays à bas revenu et m ê m e des pays industrialisés se sont inquiétés des effets négatifs possibles de ces messages sur les adultes aussi bien que sur les enfants. L'Unesco s'est saisie du problème et doit bientôt faire paraître un rapport sur l'état actuel de la communication internationale '.

D e m ê m e que la radio s'est répandue rapidement dans les années soixante et suivantes avec l'avènement du transistor met­tant les postes de radio portatifs bon marché à la portée de

1. U n rapport provisoire a été publié en octobre 1978: International Commission for the Study of Communication Problems, Interim report on communication problems in modern society, Paris, Unesco, 1978. U n rapport final aurait dû voir le jour en mars 1979, mais sa publication ne peut pas être attendue avant plusieurs mois.

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Moyens de communication de masse et éducation dans les pays à faible revenu : répercussions sur la planification

T A B L E A U 1. Évolution des moyens de communication de masse dans les pays à bas revenu: 1963-1973. (Unités par millier d'habitants)

Région Nombre de postes de

radio

Nombre de récepteurs

de télévision

Nombre de quotidiens

Nombre de places

de cinéma

Afrique 1963 1973

Variation en %

Asie 1963 1973

Variation en %

Amérique latine 1963 1973

Variation en %

32 54 +69%

12 41 +242%

104 171 +64%

1 4 +400%

1 4 + 400%

22 68 + 209%

10 14

+40%

17 20 + 18%

73 62 -15%

6 4 -33%

8 6 -25%

34 22 -35%

Sources: Annuaire statistique de ¡'Unesco (1975) et World communications (1975).

beaucoup de gens, m ê m e dans les zones rurales pauvres, de m ê m e aujourd'hui la télévision se répand dans de nombreuses parties du m o n d e ; c'est à qui aujourd'hui de la télévision, de l'école et des familles, le disputera à l'autre c o m m e force socialisante des jeunes (Halloran, 1976) '. Les enfants américains passent en fait plus de temps devant leur téléviseur que dans leur salle de classe; et m ê m e tellement de temps qu'éducateurs et parents commencent à se demander si la culture informelle que leur apporte cette expé­rience ne surpasserait pas m ê m e en impact l'influence de l'école. Dans bien des cas la réaction des éducateurs est soit de critiquer les moyens de communication de masse et de leur faire porter la responsabilité des problèmes que connaissent les écoles, soit de se tourner vers les media c o m m e panacée à la tâche d'éducation des jeunes. L'une ou l'autre réaction repose en fait sur un postulat c o m m u n : les moyens de communication de masse ont une influence directe et écrasante sur leurs auditoires. L'un des objec-

1. Les références entre parenthèses renvoient à la liste alphabétique d'auteurs à la Pin du présent ouvrage.

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Quelques hypothèses

tifs de cet ouvrage est d'examiner cette hypothèse à la lumière des faits concrets maintenant disponibles sur l'impact des moyens de communication appliqués à l'éducation.

Il est nécessaire, dès l'abord, de noter que jugements de valeur et données empiriques jouent chacun leur rôle dans l'analyse des effets multiples attribués aux media tant à l'intérieur qu'à l'exté­rieur de l'école. Toute évaluation des media repose en dernier lieu sur un ensemble de valeurs incarnées par la société et l'école et qui se projetant sur l'interprétation ultime des données empiriques concernant leur influence sur l'instruction, et plus généralement sur l'éducation (McAnany , 1978).

Sans vouloir creuser trop profondément le problème général des tranferts de technologie, nous pouvons distinguer trois aspects du sujet qui s'appliquent à l'étude des moyens éducatifs '. Ce sont le déterminisme, la dépendance et les coûts. Le premier aspect con­cerne la croyance largement partagée que les technologies moder­nes de communication ne peuvent que se répandre et que leur application à une large variété de problèmes ne peut qu'aider toutes les sociétés à «progresser». Le postulat de progrès linéaire et uniforme de développement qui découle souvent de cette atti­tude a fréquemment du mal cependant à cadrer avec les modèles inégaux de développement que présentent beaucoup de nations 2. Mais une autre supposition aussi dangereuse, et qui découle de l'autre, est que les technologies n'ont pas d'histoire ni de contexte historique et qu'elles sont donc facilement adaptables à tout nou­veau problème et à toute circonstance nouvelle.

Le deuxième aspect général concerne les conséquences socio-économiques de tous les transferts de technologie. La question

1. Pour un point récent des transferts de technologie et de leur problématique en développement, voir Denis Goulet, The uncertain promise: Value conflicts in technology transfer, N e w York, I D O C / N o r t h America, 1977. Il commence à y avoir des études spécifiques du transfert de la technologie éducative dans les communications de conférenciers, mais les ouvrages publiés sont encore rares. Voir le rapport de conférence (en espagnol) du Séminaire sur le tranfert de technologie en éducation ( O E A , 1977, dans les références bibliographiques) avec les exposés sur «L'idée de transfert de la technologie éducative», «L'impact du transfert de technologie en éducation» et «Les problèmes que pose le transfert de technologie en éducation» ( O E A , 1977).

2. C e problème a été traité un certain nombre de fois, mais un livre récent résume bien l'expérience. Il s'agit de celui de Michael Harrington, The vast majority, N e w York, Simon and Schuster, 1977.

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Moyens de communication de masse et éducation dans les pays à faible revenu : répercussions sur la planification

primordiale qui se pose est de savoir à quel degré le contrôle que garde sur une technologie donnée la nation exportatrice (par le biais des brevets, de l'exclusivité de l'information, des expertises personnelles, etc.) peut affecter l'autonomie et la capacité de déci­sion de nations importatrices. U n e technologie qui s'est révélée rentable dans la nation exportatrice ne coûte-t-elle pas plus qu'elle ne rapporte à la nation importatrice?

Les problèmes du déterminisme et de la dépendance technolo­giques que pose le transfert des moyens de communication c o m ­mencent tout juste à retenir l'attention des intellectuels, malgré les parallèles historiques évidents que l'on aurait pu tirer avec la technologie industrielle ( O E A , 1977). La technologie des c o m m u ­nications soulève cependant à la fois des problèmes matériels et des problèmes intellectuels. Plus les matériels à l'égard des pays développés qui possèdent les connaissances techniques pour les installer et les entretenir. Cette dépendance joue également au niveau des techniques et compétences de gestion qui sont vitales pour la bonne utilisation de ces matériels. La dépendance intellec­tuelle ne semble pas cruciale au premier abord, car on suppose que les pays savent ce qu'ils veulent enseigner et attendent uni­quement des moyens modernes qui rendent la diffusion plus efficace. D e u x dangers sont toutefois à signaler à ce stade. D ' u n e part, les moyens de communication exigent tant des planificateurs de programmes, en matière de production de matériels répondant aux technologies récemment mises en place, que ceux-ci ne sont souvent que trop tentés d'acheter des leçons toutes faites ou légèrement adaptées aux pays producteurs. Et, d'autre part, décou­lant de ce phénomène, on assiste à une prolifération de grandes compagnies transnationales qui se spécialisent dans l'information « préemballée » et les programmes présentés sous forme de bandes vidéo, films et documents imprimés connexes qui peuvent être achetés à des prix bien plus bas que leurs équivalents locaux (Katz et Wedell, 1977; Mattelart, 1976; Varis, 1975).

Enfin l'adoption de stratégies de communication part souvent du postulat que le modèle coût/efficacité, avec son optique essen­tiellement quantitative des problèmes éducatifs, place le planifica­teur dans la meilleure situation possible pour prendre une bonne décision. O n peut se demander si les planificateurs et les respon­sables politiques ont bien saisi le problème des coûts en technolo­gie. C'est une question qui a été maintes fois débattue depuis cinq

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Quelques hypothèses

ans (Jamison, Klees et Wells, 1978; Unesco, sous presse; Carnoy, 1975), mais les solutions sont bien loin d'être aussi évidentes et simples que ne veulent le faire croire beaucoup de planificateurs désireux de trouver des solutions rapides à des problèmes difficiles (Eicher, sous presse). Presque tous les transferts de technologie en matière de communication ont en effet cela de particulier qu'ils exigent u n investissement initial élevé qui rend très difficile, sinon pratiquement impossible, leur expérimentation ou leur rejet après essai préalable. Bien que les questions du coût des technologies aient été discutées dans u n ouvrage précédent de la m ê m e série (Jamison, 1977), le lecteur doit bien garder ce problème à l'esprit lorsqu'il abordera les études de cas présentées au chapitre III.

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II. L'attitude du planificateur face aux moyens de communication de masse

Il est indubitable que le processus de planification de l'éducation est devenu plus complexe au cours des deux dernières décennies, notamment dans les pays à faible revenu où les problèmes qui se posent sont énormes et les ressources relativement rares. L a pla­nification a en outre mis de plus en plus l'accent sur les aspects politico-économiques (Hallak, 1974) ainsi que sur les éléments « non rationnels » des systèmes éducatifs, tels que conflits d'intérêt entre groupes ou entre classes, bureaucratie, intérêts des partis politiques dans la décision politique (Levin, 1978; Carnoy, 1978; Stanford Evaluation Consortium, 1976). Il n'en reste pas moins que les planificateurs restent confrontés au défi fondamental d'es­sayer de guider les responsables politiques dans l'usage optimal des ressources disponibles, afin de résoudre les problèmes éduca­tifs concrets qui se posent dans le pays ou la région où ils travail­lent. Pour que le planificateur puisse exploiter au mieux les res­sources en essayant de résoudre des problèmes concrets, il lui faut non seulement bien connaître le problème mais encore pouvoir proposer plusieurs variantes de solutions.

Si l'on étudie dans le détail le travail du planificateur de l'édu­cation, il apparaît triple : a) planification et conception du projet (le planificateur étudie les problèmes et les diverses solutions, puis en choisit une et précise son plan); b) mise en œ u v r e du projet (le planificateur inventorie les obstacles administratifs, politiques,... à la mise en application et propose des solutions); et c) évaluation (le planificateur étudie soigneusement les conséquences de son projet dans l'espoir d'améliorer l'efficacité du système).

Le tableau 2 présente de façon schématique certains des objec-

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L'attitude du planificateur face aux moyens de communication de masse

T A B L E A U 2. M o y e n s de communication de masse et efficacité interne et externe de l'éducation formelle et non formelle

Efficacité interne Échantillon d'objectifs à court terme

Efficacité externe Echantillon d'objectifs à long terme

Éducation formelle

Apporter une instruction/ un appren­tissage de qualité

Améliorer l'instruction

Élargir l'accès à l'éducation de diffé­rentes couches / classes de popula­tion

Réduire le coût unitaire de l'éduca­tion

Mettre en œuvre des réformes de l'éducation

Améliorer les chances d'emploi des éduqués

Augmenter la productivité des ci­toyens

Éducation non formelle

Sensibiliser aux problèmes

Motiver à l'étude et à l'action

Diffuser la connaissance des innova­tions

Enseigner des compétences simples

Aider à coordonner les prestations de services éducatifs

Améliorer la production et la produc­tivité de l'agriculture

Augmenter les revenus

Améliorer les pratiques d'hygiène, de nutrition, de planification familiale

Augmenter les possibilités d'emplois de rechange

Améliorer la qualité générale de la vie rurale.

tifs poursuivis par le planificateur dans les secteurs tant formel que non formel de l'éducation. E n classant les objectifs en fonc­tion de leur relation plus ou moins étroite avec ce à quoi peuvent mener les moyens de communication de masse, nous avons éga­lement cherché à distinguer entre objectifs à court terme et objec­tifs à long terme. Les objectifs éducatifs à court terme se satisfont généralement d'innovations, dont on observe les conséquences immédiates sur les participants au vu de leurs acquisitions (con­naissances théoriques et aptitudes) ou de leur changement de comportement. C e sont habituellement ces objectifs qui font l'ob­jet principal des évaluations de technologie éducative.

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Moyens de communication de masse et éducation dans les pays à faible revenu : répercussions sur la planification

Les objectifs éducatifs à long terme, au contraire, sont ceux auxquels se consacrent le plus souvent les planificateurs, et ce sont ceux qui sont le plus souvent cités c o m m e justifiant de grands investissements dans les media. Le problème est que leurs conséquences n'apparaissent pas avant plusieurs années, qu'elles ne peuvent souvent pas être évaluées avec la moindre précision (Lenglet et M a c A n a n y , 1977) et donc que ces objectifs font rare­ment l'objet d'évaluations à long terme.

Il se pose à cet égard un autre problème, à savoir que les planificateurs ont souvent à concilier deux ensembles d'objectifs : des objectifs politiques utilisés pour obtenir le soutien des autori­tés de décision et du public, et des objectifs de programmes, c'est-à-dire, ce que les auteurs du projet désirent accomplir. Ainsi le projet américain Rue Sésame a-t-il été lancé dans le but à long terme de réduire le fossé éducatif séparant les enfants favorisés des enfants défavorisés. Il n'en reste cependant pas moins que son évaluation s'est ensuite axée sur l'objectif à court terme du gain éducatif général de l'auditoire global sans se préoccuper, ou très peu, de savoir si le fossé avait été ou non comblé (Cook et al., 1975). Dans les études de cas que nous présentons au chapitre III, le lecteur notera que les objectifs à court terme ont souvent été atteints avec quelque succès; mais les planificateurs de l'éduca­tion, eux, se rendront compte qu'à long terme, les résultats pro­bants sont bien rares.

Après avoir défini des buts et des objectifs, les planificateurs étudient également les différents moyens de les atteindre. Le choix des moyens de communication de masse permettant de résoudre les différents problèmes éducatifs est loin d'être aussi simple ou évident (Hawkridge, 1977) que voudraient nous le faire croire certains technologues de l'éducation. Normalement le plani­ficateur doit analyser si les media sont adaptés au but poursuivi, en termes d'objectif visé, de coût technologique, de complexité, et en fonction des contraintes sociales et politiques inhérentes à chaque contexte.

La mise en œ u v r e des plans, m ê m e les mieux conçus, pose également un autre genre de problèmes au planificateur. Lorsque, pour une raison ou pour une autre, les délais sont impératifs, la technologie peut en effet jouer u n rôle presque tyrannique dans un projet éducatif, car à partir du m o m e n t où un programme d'émissions est radiodiffusé, il faut qu'il ait quelque chose à dire.

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L'attitude du planificateur face aux moyens de communication de masse

Les problèmes qui en découlent ont été étudiés en détail dans des évaluations de projets de télévision éducative à large échelle (Mayo et M a y o 1971; Grant 1977) mais aucune étude de cas, aussi nombreuses soient-elles, ne peut mettre le planificateur à l'abri des devoirs de sa charge.

Tout le m o n d e s'accorde maintenant à penser que l'évaluation représente une part importante de la planification; il incombe donc au planificateur d'étudier la multitude d'évaluations de pro­grammes qui ont vu le jour ces dix dernières années (Bates et Robinson, 1977; Jamison et M c A n a n y , 1978; S c h r a m m , 1977) et dès qu'il a été prévu d'utiliser des media dans un projet éducatif, de créer des mécanismes d'évaluation de ce qu'ils ont donné afin de déterminer à la fois c o m m e n t mieux les utiliser dans le court terme (évaluation formative) et combien ils ont contribué à la réalisation des objectifs du projet (évaluation sommative).

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III. Quatre cas d'éducation par les moyens de communication de masse

N o u s nous axerons dans le présent chapitre sur quatre cas d'utili­sation relativement réussie des moyens de communication de masse à des fins d'éducation et de développement et notamment : l'élargissement des chances d'éducation, l'amélioration qualitative de l'enseignement, la diffusion des innovations et la mobilisation des populations en faveur de l'action civique. Les cas étudiés ont été choisis en raison de la part prépondérante qu'ils ont réservée à la communication, et aussi pour l'exemple qu'ils donnent de ce que l'on peut attendre des moyens de communication de masse à des fins éducatives dans les années à venir. Ils reflètent bien dans le m ê m e temps les problèmes d'acceptation, de croissance et d'en­durance auxquels continueront à faire face les planificateurs et les administrateurs, quels que soient leur philosophie ou leurs objec­tifs en matière d'éducation.

1. Élargissement des chances d'éducation: R a d i o Santa Mar ia e n Républ ique dominicaine

Les dernières années ont vu s'amplifier les pressions visant à l'expansion et à la démocratisation des chances d'éducation. Pous­sés, d'une part, par l'explosion démographique et, d'autre part, par le besoin des nations de préparer leurs peuples à gagner leur vie dans des sociétés de plus en plus complexes et interdépendantes, les planificateurs sont à la recherche de stratégies susceptibles d'aboutir à une éducation non seulement accessible au plus grand nombre, mais encore qui ne demande pas un niveau d'investisse-

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ment et de soutien administratif aussi grand que l'exige l'école traditionnelle.

Si l'éducation veut satisfaire les besoins divers des gens, et de gens qui, pour une raison ou pour une autre, n'ont peut-être jamais mis le pied dans une école ni reçu une quelconque instruc­tion formelle, il est clair qu'il faut créer des alternatives au modèle hautement structuré et figé que présentent la plupart des établis­sements scolaires. L'intérêt porté à l'éducation permanente et aux techniques de télé-enseignement ' témoigne du désir des gens de disposer de structures plus souples pouvant les accueillir quels que soient leur âge, leur sexe, leur situation géographique ou leurs antécédents scolaires.

Cette montée d'intérêt à l'égard de variantes aux formes tradi­tionnelles d'éducation ne doit cependant pas être interprétée c o m ­m e un rejet de ce que font les écoles. Les diplômes et certificats de fin de scolarité comptent toujours parmi les distinctions socia­les les plus recherchées et il y a bien des chances qu'il en demeure ainsi. Il n'en est pas moins clair que, dans un futur prévisible, les écoles continueront à assumer un rôle majeur dans la préparation des jeunes à l'âge adulte. C e qu'il faut donc prévoir, ce sont des mécanismes qui propagent les avantages de l'éducation au-delà des écoles de manière à toucher un spectre plus large de person­nes, jeunes c o m m e vieux, ruraux ou citadins.

La notion d'élargissement des possibilités de scolarisation au-delà de l'école n'est pas neuve. Dans son étude des rôles divers assignés aux moyens de communication de masse en éducation, S c h r a m m (1977) fait état, preuves à l'appui, de l'intérêt ancien manifesté par certains pays envers l'enseignement périscolaire ou, ce que l'on a plus c o m m u n é m e n t l'habitude d'appeler l'enseigne­ment à distance ou télé-enseignement. Les planificateurs, écrit S c h r a m m , peuvent « faire retour sur une longue histoire de cours du soir, de cours par correspondance, d'éducation populaire en matière d'agriculture et d'économie domestique, et autres services

1. U n ouvrage de monographies sur les stratégies de télé-enseignement dans un cadre plus formel d'éducation de pays du tiers m o n d e est en cours de prépara­tion par la Banque mondiale et le International Extension College au R o y a u m e -Uni. Il concerne, entre autres pays, le Brésil, la République populaire démocra­tique de Corée, la Colombie et le Kenya. Il est intitulé Alternative routes to formal education : Formal education for school equivalency, edité par Hilary Per-raton, Baltimore, John Hopkins University Press, sous presse.

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destinés à disséminer largement les ressources éducatives» (p. 198). Dans les pays où existe un service postal fiable, l'enseigne­ment par correspondance a généralement pris racine sous une forme ou sous une autre. Néanmoins , en dépit de la qualité de son enseignement, le cours par correspondance a toujours eu à combattre des inconvénients c o m m e l'isolement des étudiants, l'absence de programme suffisamment rigoureux ou de motivation intrinsèque au travail, et donc, en corollaire, un taux d'abandon dépassant les 7596 du nombre initial d'inscrits. Lorsqu'il n'existe pas d'autre possibilité d'éducation et que la motivation est grande d'apprendre, les probabilités d'abandon se réduisent, mais, m ê m e dans ces conditions, la volonté des gens d'aller jusqu'au bout d'études par correspondance est fréquemment sapée à la base par leur manque d'expérience de ce que demande ce m o d e d'appren­tissage et par leur incapacité à surmonter les obstacles qui peuvent se dresser sur leur chemin. Cette remarque est particulièrement vraie pour les populations rurales relativement isolées qui n'ont reçu antérieurement qu'une instruction limitée, sinon aucune. Pour surmonter de tels handicaps, les maîtres des systèmes de télé-enseignement ont essayé de raccourcir cette «distance» qui les sépare de leurs élèves en créant toute une g a m m e d'autres services et activités qui favorisent la participation en m ê m e temps qu'ils offrent la possibilité de diagnostiquer et de traiter les problè­m e s avant qu'ils ne deviennent trop graves et incitent l'élève à laisser tomber ses études. Dans une certaine mesure, ces métho­des réintroduisent ainsi un rien de contrôle institutionnel dans le système d'enseignement par correspondance. Il existe un exemple particulièrement réussi de ce genre de projet, c'est celui de Radio Santa Maria, en République dominicaine.

Origines et raison d'être du projet La République dominicaine, qui est la nation hispanophone qui se partage avec Haïti l'île d'Hispaniola dans les Grandes Antilles, est un parfait exemple de la plupart des dilemmes auxquels a à faire face l'Amérique latine dans son développement. E n dépit d'un taux de croissance annuelle encourageant, atteignant près de 10% à la fin des années soixante et au début des années soixante-dix, la République dominicaine est toujours confrontée à de graves problèmes: taux de croissance démographique relativement élevé (environ 2,9% par an), dépendance économique à l'égard de quel-

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ques industries extractives ou de produits de base (et notamment sucre, cacao, tabac, nickel et bauxite); et énorme disparité entre population rurale et population urbaine pour ce qui est des possi­bilités d'emploi et des rémunérations. La population dominicaine rurale, qui a toujours constitué la classe la moins privilégiée de la nation, a vu sa situation économique s'effriter encore, en termes réels, pendant la dernière génération. Les moyens et services modernes n'ont pas été distribués de façon uniforme ni par le gouvernement, ni par le secteur privé. D ' o ù une détérioration des conditions de vie à la campagne et une augmentation en flèche de l'émigration vers les villes. Le gouvernement a bien lancé un certain nombre de campagnes économiques et éducatives desti­nées à ralentir, sinon à renverser, cette tendance, mais il n'est en aucune manière certain que ce genre d'initiatives pourra atténuer l'inégalitarisme profondément enraciné du système social du pays.

Dans l'esprit des dirigeants dominicains, la réforme de l'éduca­tion est une stratégie prometteuse pour combler le fossé qui existe entre secteurs urbain et rural. Des mesures ont donc été prises ces dernières années pour garantir à chacun quatre années de scolari­té, réduire au m i n i m u m les redoublements de classe, et permettre ainsi d'améliorer l'efficacité du système, de réviser les program­m e s scolaires et, d'une façon générale, de mieux préparer les jeunes aux carrières techniques et aux professions libérales. La scolarisation des jeunes, bien qu'importante, ne représente cepen­dant qu'une solution partielle des problèmes éducatifs pressants de la République dominicaine. Bien que le taux de scolarisation de la population d'âge scolaire continue à augmenter à tous les niveaux, des centaines de milliers de citoyens plus âgés et d'adolescents sortant de l'école doivent en effet survivre sans posséder ni apti­tudes ni titres nécessaires pour trouver un travail productif. C'est à cette population justement que s'adresse le projet Radio Santa Maria.

Radio Santa Maria a été fondée en 1956 par des Jésuites dans la région de Cibao au centre-nord de la République dominicaine. A u début, cette station retransmettait surtout des émissions culturel­les et religieuses patronnées par le diocèse local de l'Église catho­lique romaine. Puis, suivant l'exemple de 1'Acción Cultural Popu­lar ( A C P O ) , m o u v e m e n t éducatif colombien à base d'émissions de radio non formelles, également créé sous les auspices de l'Église,

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les responsables de Radio Santa Maria lancèrent en 1964 un pro­g r a m m e radiophonique d'alphabétisation qui réussit, en six ans, à toucher une population totale de 25 459 adultes, adhérents du m o u v e m e n t , qui reçurent un certificat d'alphabétisation.

Lorsqu'en 1970 le père Antonio Cabezas devint directeur de Radio Santa María, on assista à un nouveau remaniement des émissions de la station, prélude à l'orientation politique nouvelle qui guide depuis lors l'organisation. Après une analyse des besoins éducatifs de leur auditoire, en majorité d'origine rurale, le père Cabezas et les autres dirigeants de Radio Santa Maria arrivèrent en effet à la conclusion que leurs énergies pouvaient trouver u n meilleur déversoir dans la mise en route, en remplacement des émissions culturelles ou d'alphabétisation u n peu floues, d'un programme de télé-enseignement équivalent aux huit premières années de scolarité normale. Partant de la conclusion qu'un pro­g r a m m e accéléré résumant huit années d'enseignement des con­naissances de base améliorait de façon substantielle les aptitudes techniques des jeunes ruraux et leur donnerait les qualifications nécessaires pour être employés dans l'agriculture et l'industrie, les dirigeants de Radio Santa Maria mirent donc au point leur nou­veau système de télé-enseignement. La clientèle à laquelle s'adres­se ce système et ses principes constitutifs sont décrits ci-après.

Caractéristiques de l'auditoire Selon Robert White qui a établi une monographie détaillée sur Radio Santa Maria pour l'Unesco en 1976, le nombre des inscrip­tions annuelles tourne autour d'une moyenne de 12 000 à 13 000 élèves depuis 1973. C e sont les adolescents d'origine rurale (moins de 15 ans) qui forment le plus gros noyau de participants. Ces jeunes gens proviennent principalement de communautés rurales ne permettant pas de poursuivre des études au-delà des deux ou trois premières années de scolarité primaire. Pour ces jeunes, Radio Santa Maria représente le seul m o y e n de continuer à étu­dier, sans avoir à émigrer vers une ville plus importante et à trouver une place dans l'un des rares programmes d'éducation pour adultes offerts par le gouvernement. Préférant rester à la maison dans leur famille, la plupart des élèves abordent le systè­m e avec un niveau équivalant à une quatrième, cinquième ou sixième année d'études. U n e majorité d'entre eux n'a pas quitté

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l'école depuis plus de trois ans et de 30 à 4096 n'ont pas encore fêté leur quinzième-anniversaire (White, 1976, p. 19).

Les statistiques recueillies par White montrent, semble-t-il, cer­taines ressemblances entre la clientèle touchée par Radio Santa Maria et celle qui bénéficie du programme d'équivalence primaire pour adultes géré par le Secrétariat à l'éducation. Les deux pro­grammes s'adressent principalement aux jeunes désireux de pour­suivre leurs études au-delà des trois ou quatre années minimales d'enseignement primaire offertes dans beaucoup de régions du pays. C e désir d'arriver à faire des études supérieures et, en fin de compte, d'accéder à des postes mieux rémunérés dans les secteurs urbains est le mobile qu'attribue White au degré élevé d'intérêt et de motivation que suscite Radio Santa Maria chez les participants. Beaucoup d'adolescents des campagnes considèrent apparemment les études venant à la suite de l'enseignement primaire de base c o m m e le meilleur m o y e n de se sortir du milieu familial de la ferme.

Le système d'enseignement L'élément clé du système d'enseignement de Radio Santa Maria est l'envoi hebdomadaire à chaque élève d'une pochette de leçons imprimées. Ces leçons se composent de six à huit feuillets impri­m é s contenant à la fois des explications et des exercices pratiques tirés des programmes nationaux des classes correspondantes. Deux modifications notables sont cependant apportées par rapport aux programmes nationaux. La première porte sur le temps sensible­ment réduit qu'est censé consacrer chaque élève à chaque unité d'enseignement. C e système permet d'étudier une matière, par exemple les mathématiques de cinquième année, en un peu moins de six mois. La seconde porte sur l'organisation du contenu de la plupart des matières d'une année donnée autour de «thèmes centraux». Ces thèmes devraient aider les élèves à faire une synthèse de ce qu'ils ont étudié dans les différentes disciplines et, en m ê m e temps, à élever leur conscience sociale. Les sujets d'in­térêt national sont, si possible, intégrés au développement du «thème central» du semestre.

Le principe de la participation active des élèves, mis en applica­tion grâce aux exercices quotidiens auxquels ils doivent se livrer dans chaque matière, est renforcé par l'utilisation de la radio. Les cours radiodiffusés qui ont lieu une heure par jour évitent la

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sécheresse des exposés à une seule voix. Ils se déroulent plutôt sur le m o d e de la conversation, un acteur posant les questions que les élèves pourraient être amenés à se poser e u x - m ê m e s . U n second acteur qui joue le rôle du professeur secourable, encourage l'élève et l'aide à clarifier ses doutes. D e l'avis de White, «cette technique aide à créer une atmosphère où l'élève joue un rôle actif en posant des questions, en découvrant les réponses et en se construisant un schéma logique de pensée » (p. 32).

La participation de l'élève est encore encouragée par un contact régulier avec un enseignant itinérant. Ces enseignants, au nombre de 520 à l'époque où White effectuait son étude (1976) constituent le lien indispensable entre l'élève et le bureau central. Outre les charges administratives de routine qui leur sont confiées, c o m m e l'inscription des nouveaux élèves, la collecte des droits d'inscrip­tion, la correction des examens, ces enseignants organisent chaque semaine des sessions pour tous les élèves de leur secteur désigné. A u cours de ces sessions les élèves sont encouragés à faire part des difficultés qu'ils ont rencontrées dans les leçons de la semaine précédente et prennent également connaissance des annotations en marge de leurs feuilles d'exercice complétées. Les professeurs les plus dévoués et les plus compétents donnent souvent en outre des indications supplémentaires sur une ou plusieurs parties du sujet. Ces rencontres hebdomadaires servent aussi, à l'occasion, à approfondir au cours d'une discussion les thèmes centraux abordés.

Bien que les enseignants itinérants reçoivent une compensation (environ 15 dollars par élève et par semaine) pour effectuer les travaux indiqués ci-dessus, ce serait plutôt un esprit c o m m u n a u ­taire et des valeurs religieuses qui expliqueraient le mieux leur dévouement au système. La plupart de ces enseignants sont des jeunes (âge moyen 23,5 ans ) qui poursuivent e u x - m ê m e s leurs études, souvent de niveau secondaire. Environ un tiers sont des instituteurs du primaire, mais la majorité n'a aucun titre pour enseigner et n'est pas reconnue c o m m e appartenant au corps enseignant par le Secrétariat à l'éducation de la République domi­nicaine. C e qui fait défaut à ces jeunes enseignants en fait d'ins­truction et de formation formelles semble cependant bien compen­sé par le dévouement avec lequel ils se consacrent à leurs élèves, à la radio éducative et aux principes de l'éducation permanente. A bien des égards ces enseignants servent de modèles à leurs élèves,

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avec qui ils partagent tant de caractéristiques et d'aspirations fon­damentales.

Envergure et durée d'impact L'une des difficultés majeures auxquelles se heurtent les systèmes de télé-enseignement est la manière de garder le contact entre le centre et la base. Le m a n q u e d'informations à jour sur la bonne distribution et la bonne utilisation des moyens mis en œuvre vient encore accroître le risque de porter préjudice au niveau d'enseignement et de voir en fin de compte les participants aban­donner leurs études. C o m m e nous l'avons mentionné plus haut, Radio Santa Maria compte sur son corps unique de 520 maîtres itinérants pour transmettre l'information en retour à l'administra­tion centrale. Cette information revêt en majeure partie la forme de rapports hebdomadaires des maîtres envoyés sur place, dont la régularité et la précision sont, c o m m e le fait remarquer White, les meilleurs indicateurs de la qualité de leurs services. Mais elle provient aussi d'un petit corps d'inspecteurs qui essayent, par roulement, de visiter tous les secteurs. Le nombre d'inspecteurs est cependant trop faible, comparé à celui des secteurs, pour contrôler vraiment ou régulièrement le système dans son ensem­ble. A u lieu d'inspecter ou de former ces maîtres itinérants, les inspecteurs sont forcés de consacrer presque tout leur temps aux secteurs en crise du fait soit de l'absence, soit de la négligence des maîtres sur place.

Pour essayer d'évaluer de façon plus représentative et plus objective la valeur de Radio Santa Maria, White a comparé les résultats obtenus par les élèves de la radio éducative et ceux de classes traditionnelles d'enseignement pour adultes. Afin de véri­fier l'hypothèse selon laquelle les élèves inscrits aux programmes de Radio Santa Maria apprendraient à une vitesse égale ou supé­rieure à celle de leurs condisciples du système traditionnel, il a d'abord rassemblé des statistiques démographiques et des résultats de tests de connaissances effectués sur des échantillons d'élèves de sixième et de huitième année. Il a ensuite procédé à un deuxième sondage sur les élèves des deux systèmes pour vérifier si les diplômés de Radio Santa Maria se classaient à niveau égal ou au-dessus de la moyenne des classes du secondaire correspon­dantes.

Bien que la taille limitée de l'échantillon et le caractère non

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aléatoire de son étude ne lui aient pas permis de tirer de ces statistiques autre chose que des conclusions provisioires. White s'est senti autorisé à conclure que ses hypothèses étaient véri­fiées et que Radio Santa Maria offrait u n système d'enseignement comparable, et m ê m e en fait supérieur au système traditionnel. Élément plus important encore peut-être que son jugement s o m ­maire, White a dégagé un certain nombre de conditions et de réserves quant au fonctionnement de Radio Santa Maria.

La plus importante des conclusions qu'il tire de son étude porte sur le rôle crucial que jouent les enseignants envoyés sur place. Lorsque ceux-ci sont présents et travaillent convenablement, les élèves suivant les cours de Radio Santa Maria dépassent en niveau de résultats leurs condisciples du système traditionnel d'éducation des adultes. Le niveau atteint en mathématiques semble en parti­culier fonction d'un contact régulier avec le maître itinérant, de m ê m e que les résultats globaux des élèves des campagnes dans les matières générales.

Si l'on veut préserver la viabilité du modèle d'enseignement de Radio Santa Maria et aussi sa rentabilité, il apparaît, selon l'étude de White, que c'est d'abord aux faiblesses du corps enseignant sur place qu'il faut remédier. Il faut notamment améliorer les métho­des de diagnostic et corriger les difficultés scolaires des élèves. O n pourrait ainsi chercher à tirer meilleur parti des feuillets d'exercices hebdomadaires, à renforcer les autres éléments du système, également à perfectionner la formation et à renforcer la surveillance des maîtres sur place. Ces améliorations peuvent-elles être apportées à ce qui n'est après tout qu'un corps quasi volon­taire? C o m m e n t transformer la nature de cette force pour en assurer la continuité et la plus grande efficacité sur place? Les frais de personnel constituent déjà le poste de dépenses le plus important de Radio Santa Maria, et il n'est pas facile de voir si ce poste peut encore augmenter de volume par rapport aux autres éléments du système. La façon dont les dirigeants de Radio Santa Maria résoudront les problèmes liés aux prestations et à la respon­sabilité des enseignants itinérants déterminera probablement bien plus que tout autre facteur le succès du système dans les années à venir. Et à cet égard, les critères finalement adoptés pour équili­brer les apports respectifs des outils innovateurs d'enseignement (radio) et des ressources éducatives classiques (enseignants formés) guideront peut-être utilement les planificateurs de projets futurs.

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2. Amélioration qualitative de l'enseignement dans les classes: le projet nicaraguayen de Mathématiques par la radio

Origines et raison d'être du projet E n 1973, avec le soutien financier de l'Agence américaine de développement international, l'Institut d'études mathématiques en sciences sociales de l'Université Stanford lançait un projet pour étudier l'efficacité de l'enseignement des mathématiques par la radio dans les écoles primaires des pays en développement. Le projet ayant été précédé par un travail expérimental approfondi aux États-Unis, les chercheurs de Stanford étaient convaincus que les programmes élémentaires de mathématiques pouvaient très bien être adaptés pour la radio. Mais ni la bibliographie limitée des recherches sur le sujet, ni leurs expériences préalables ne pou­vaient justifier la confiance de ces chercheurs pour d'autres pays, et notamment des pays en développement manquant tragique­ment de ressources tant humaines que matérielles.

La première année du projet fut consacrée à choisir le lieu où mener cette expérience. Douze pays furent sélectionnés à l'origine et chacun fut étudié en fonction de critères de sélection définis à l'avance. D ' u n point de vue global, ces douze pays présentaient tous certaines conditions typiques du m o n d e en développement et des zones rurales reculées des pays développés, à savoir: le m a n ­que d'enseignants qualifiés; l'absence de manuels scolaires et autres matériels didactiques; l'enseignement de programmes mal adaptés à l'expérience et aux besoins des élèves; enfin des popu­lations scolaires manquant des aptitudes de base nécessaires pour obtenir un quelconque résultat à un niveau scolaire donné. Ces facteurs, qui se combinent d'ailleurs fréquemment, créent de gra­ves handicaps pour les enseignants c o m m e pour les élèves et perpétuent les phénomènes d'abandon et de redoublement d'éle­vés qui caractérisent tant de systèmes d'enseignement primaire dans le m o n d e d'aujourd'hui.

Après avoir examiné la situation et l'intérêt des divers pays candidats, l'équipe de sélection Stanford-USAID fixa finale­ment son choix sur le Nicaragua, petit pays d'Amérique centrale comptant environ 2,5 millions d'habitants. E n dépit de son systè­m e politique oppressif, qui s'est d'ailleurs affaibli constamment pendant la durée du projet, le Nicaragua possédait certains attri-

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buts le rendant particulièrement propice à la mise en chantier d'une expérience d'enseignement des mathématiques par la radio. E n premier lieu, il n'avait aucun système de radio scolaire en place, ce qui signifiait que le nouveau projet ne serait pas forcé d'entrer en concurrence avec un programme établi, public ou privé. Deuxièmement , au Nicaragua, tous les cours sont dispensés en espagnol, langue nationale, ce qui élimine le problème potentiel de la préparation des leçons en plusieurs langues. L'enseignement en plusieurs langues pose en effet dans d'autres pays des problè­m e s administratifs et pédagogiques majeurs aux sociétés de radio­diffusion. Enfin, facteur peut-être le plus important, le gouverne­ment du Nicaragua s'était déclaré d'accord pour apporter son aide au projet sous forme de personnel et de moyens aux échelons locaux. Cet engagement, lié au fait que le Nicaragua avait deux ans auparavant entrepris une réforme en profondeur de son pro­g r a m m e primaire de mathématiques, signifiait que le projet de radio scolaire n'aurait pas de bataille difficile à livrer pour recevoir l'agrément ou le soutien financier des autorités.

Caractéristiques de l'auditoire L'équipe de Stanford se lançait dans le projet avec une expérience considérable de l'établissement de programmes de mathématiques à l'usage de l'école primaire, mais elle n'avait encore jamais tra­vaillé avec la radio. E n outre, elle connaissait étonnamment peu de choses sur le Nicaragua et son système d'enseignement. Pour pallier ces manques , la première année fut consacrée à un gros effort d'analyse de l'auditoire potentiel du projet et des méthodes pédagogiques existantes, afin de déterminer les facteurs dont il allait falloir tenir compte pour l'adaptation radiophonique du pro­g r a m m e de mathématiques nicaraguayen.

Pour obtenir les renseignements indispensables sur les élèves de l'enseignement primaire au Nicaragua, et notamment sur leur niveau de connaissances dans les classes de mathématiques tradi­tionnelles, les chercheurs de Stanford mirent au point un test de vérification des connaissances auquel fut soumis un échantillon d'élèves de trente classes de première année de la circonscription de Masaya, classées par degré d'urbanisation (par exemple : urbai­nes, municipales et rurales). U n ensemble de tests identiques fut ainsi conçu à partir des objectifs de programmes existants et soumis aux élèves de façon qu'ils aient à répondre à différents

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sous-ensembles. Cette méthode permet en effet aux chercheurs d'obtenir des renseignements sur un plus grand nombre de notions et d'opérations que n'en donne un questionnaire où tous les élèves ont à répondre aux m ê m e s questions.

Ces tests montrèrent plusieurs choses. D'abord que les élèves de première année du primaire n'avaient pas le niveau de connais­sances mathématiques fixé dans le plan d'études. Ensuite que les notions conceptuelles étaient plus difficiles à appréhender pour les enfants que les calculs proprement dits et que les exercices présen­tés oralement étaient trouvés plus simples que des exercices c o m ­parables présentés sous forme écrite. Autre surprise: les résultats des enfants des écoles urbaines, municipales et rurales étaient similaires. Bien qu'en contradiction avec la « sagesse populaire » et les recherches effectuées dans d'autres nations sur le handicap des enfants des campagnes, ce phénomène peut s'expliquer par le peu de différence relative qui se marque dans un petit pays c o m m e le Nicaragua entre la ville et la campagne, et peut-être aussi par le fait que les enfants ruraux avaient en moyenne trois mois de plus que les autres en première année (8 ans et 5 mois au lieu de 8 ans et 2 mois). Quoi qu'il en soit, enquête et résultats des tests en main, l'équipe de Stanford put établir une base de travail sur laquelle commencer à construire son programme éducatif.

Le système d'enseignement Fondé sur un modèle de conception de programme défini avec précision, le projet de radio scolaire représentait à lui seul la totalité du programme de mathématiques que devaient recevoir les enfants des classes expérimentales. L'accent était placé sur le besoin de contact et la réceptivité des élèves à l'égard des émis­sions quotidiennes de radio. Chaque jour les élèves devaient sui­vre une demi-heure de cours par radio puis accomplir une série d'activités dirigées par les instituteurs.

Les leçons radiophoniques étaient scindées en séquences ins­tructives et récréatives et chaque séquence représentait 2 à 4 minutes du temps d'antenne. Les enfants étaient censés participer activement au cours des émissions. Chaque émission prévoyait une part de réponses orales, écrites et physiques ( c o m m e frapper dans les mains, lever le doigt, etc.) et en fait, au fur et à mesure du déroulement du projet, ses responsables essayèrent continuelle-

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ment d'accroître la participation, sentant que c'était là l'élément clé soutenant l'attention des élèves et renforçant leur pouvoir d'assimilation. D e m ê m e , avec le temps, les chercheurs abandon­nèrent le support «histoire racontée» servant de motivation en découvrant que les activités mathématiques intéressaient en soi les enfants dans la mesure où on leur demandait de répondre fréquemment (une m o y e n n e de 5 fois par minute au cours de chaque émission).

Le projet ne prévoyait aucun manuel. A u cours de l'année pilote, une feuille polycopiée accompagnait chaque émission de première année. Ces feuilles furent retenus les années suivantes pour le programme de première année, mais supprimées pour les deuxième et troisième années puisque l'un des objectifs majeurs du projet était de dispenser un enseignement efficace au moindre coût possible par élève. A la place, les élèves furent priés d'utiliser leurs manuels pour tout le travail écrit. Quant au tableau noir, il fut également supprimé, les enseignants de la radio scolaire demandant simplement aux élèves, dans le cas où il y aurait des dessins, de les faire e u x - m ê m e s dans leur cahier. Dans le m ê m e esprit, les instituteurs furent priés de se munir de bûchettes ou autres objets de provenance locale pour servir éventuellement de matériels de support, pour illustrer les notions présentées au cours des leçons.

La responsabilité du maître d'école était de faire en sorte que les élèves écoutent les émissions de radio quotidiennes et qu'ils fas­sent les exercices complémentaires de soutien. Pour les aider dans cette tâche, le projet prévoyait l'établissement d'un livre du maî­tre, comprenant 3 à 4 pages d'instructions sur ce qu'il fallait faire avant, pendant et après chaque leçon radiodiffusée. A u fur et à mesure de l'évolution du projet, le rôle de l'enseignant en classe a toutefois légèrement évolué. Bien que l'élément radiophonique ait été à l'origine conçu pour compenser les carences des maîtres et l'extrême variabilité de leurs connaissances mathématiques, on s'est aperçu qu'un maître enthousiaste pouvait faire toute la diffé­rence. E n première année fréquemment, la radio n'était pas con­venablement exploitable sans la présence du maître pour aider les enfants à faire les exercices indiquées sur les feuillets. Dans les plus grandes classes, le rôle du maître d'école était réduit quelque peu, du fait que ce dernier avait à s'occuper simultané­ment de deux classes ou plus. Cependant à tous les niveaux, les

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enseignants furent encouragés à intervenir dès qu'ils sentaient que leurs élèves avaient des difficultés avec les leçons radiodiffusées.

L'une des innovations les plus importantes réalisées avec ce projet fut celle de l'information en retour. Il était de tradition dans les projets d'enseignement par les media de suivre, pour la con­ception et la mise en application des nouveaux programmes, une stratégie de « mise au point - expérimentation - révision ». C'est cet­te stratégie qui a également été suivie au début au Nicaragua pour jeter les bases des leçons radiodiffusées. Mais une fois c o m m e n c é les émissions quotidiennes, les chercheurs s'aperçurent que ce m o d e traditionnel était tout simplement trop lourd et que ce qu'il fallait, c'était une méthode leur donnant une mesure précise et rapide des résultats des élèves et un calendrier de production suffisamment souple pour permettre de tenir compte de l'informa­tion reçue en retour dans la mise au point des leçons à venir. Cette façon de procéder était seule capable de leur permettre de circonscrire les problèmes, d'y trouver des remèdes et de parache­ver la formation des élèves.

T A B L E A U 3. Principes éducatifs et stratégies de mise en œuvre du projet d'ensei­gnement des mathématiques par la radio au Nicaragua

Principes Stratégies

Les enfants apprennent en agissant

U n comportement actif améliore la faculté d'assimilation

La connaissance du résultat favorise l'assimilation

Les méthodes distributives (de répar­tition des tâches sur plusieurs séan­ces) sont plus efficaces que la concen­tration sur un court laps de temps Les enfants retiennent mieux les con­cepts quand ils les comprennent bien

Toute l'instruction se base sur des exercices et des tâches Les enfants parlent ou écrivent ou répondent par gestes tout au long du programme radiophonique

La réponse correcte est donnée après chaque exercice

Chaque sujet est traité en plusieurs fois à intervalle régulier au cours de l'année

Chaque sujet est développé avec soin et présenté par petites étapes.

Source : Searle, 1978.

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L'information en retour vint de diverses sources: tests hebdo­madaires, observations en classe et observations des maîtres. Ensemble, ces facteurs aidèrent à donner forme aux cours radio­diffusés sous tous leurs aspects, depuis la vitesse, la longueur et le vocabulaire des séquences programmées jusqu'à la pondération du temps d'apprentissage nécessaire pour chaque notion et le genre de réponses à demander aux enfants.

Le projet de radio scolaire nicaraguayen concrétisait en effet un certain nombre de principes clairs de psychologie de l'éducation qui ont guidé l'approche théorique des différents éléments du système et qui ont été énoncés par ses responsables (voir tableau 3) en m ê m e temps que les stratégies de mise en œuvre en décou­lant.

Envergure et durée d'impact Le désir de l'équipe de Stanford et de ses «parrains» de P U S A I D était, dès l'origine du projet de Mathématiques par la radio, de juger de l'efficacité de ce m o y e n pour l'enseignement des mathé­matiques primaires dans un pays en développement. Ils espéraient plus particulièrement déterminer si une «stratégie radiophonique» pouvait améliorer le niveau de résultat des élèves et si cette stratégie était dans les moyens financiers de la plupart des pays en développement. Le programme de recherches très complet réalisé au Nicaragua a permis à l'équipe de conclure que la radio était un m o y e n d'enseignement rentable pour les mathématiques primaires et probablement pour d'autres matières encore.

L'objectif premier du projet d'enseignement des mathématiques par la radio, étant d'améliorer les résultats des élèves, des tests furent effectués en continu pendant les premières années. C o m m e nous l'avons déjà indiqué, ces tests ont joué un rôle essentiel tant pour le diagnostic que pour l'information en retour. Les progrès d'année en année étaient en effet considérés c o m m e le critère déterminant de la réussite du projet. Pour les mesurer, les cher­cheurs employèrent la méthode dite « d u test avant/après» qui consiste à comparer les résultats d'élèves ayant suivi les cours radiodiffusés à ceux d'enfants ayant fréquenté des classes tradi­tionnelles. Pour garantir la comparabilité des groupes d'élèves étudiés, on désigne au hasard les classes devant suivre les cours radiodiffusés (classes expérimentales) et les classes devant suivre des cours normaux (classes de contrôle).

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Quatre cas d'éducation par les moyens de communication de masse

E n 1977, dernière année scolaire pour laquelle on dispose d'un ensemble complet de résultats de tests, les élèves des classes radiophoniques ont obtenu un niveau de résultat significativement supérieur. E n première année par exemple, la note moyenne après test des élèves étudiant avec la radio atteint 55,1 alors qu'elle est de 34,1 pour les élèves des classes de contrôle. E n deuxième année, la note m o y e n n e après test du groupe de contrôle est de 74,2, alors que les élèves des classes radiophoniques obtiennent en m o y e n n e 78,6 pour ceux qui ont déjà suivi un an de radio scolaire et 85,6 pour ceux qui en ont suivi deux. U n e progression similaire se retrouve pour la troisième année où les moyennes sont de 56,0 pour les élèves des classes de contrôle, 67,4 pour ceux qui ont suivi deux ans de cours par la radio et 73,0 pour ceux qui en ont suivi trois (Searle, 1978, p. 2). Ces résultats et les tendances qu'ils révèlent sont une preuve évidente de l'efficacité du projet. Ils viennent également à l'appui d'une conclusion avancée deux ans plus tôt par les responsables du projet, à savoir que « la confiance a laissé la place à l'incertitude quant à l'efficacité de la radio c o m m e m o y e n d'enseignement des mathématiques élémentaires» (Searle et al., 1976, p. 154). U n autre résultat témoigne également de la satisfaction générale: la réaction du groupe initial d'institu­teurs qui, ayant travaillé une ou plusieurs années avec la radio, ont tous demandé à être réaffectés dans des classes avec radio scolaire en 1976.

Les prix de revient ont également été contrôlés en continu pendant les premières années du projet. Laissant de côté les coûts de démarrage (environ 335 000 dollars) ainsi que les frais annuels de gestion et de recherche du projet (environ 177 000 dollars), l'équipe a essayé de chiffrer par poste le coût de préparation des 150 leçons radiodiffusées. Ces chiffres sont bien évidemment pro­pres au Nicaragua et subiraient sûrement des variations considéra­bles ailleurs, mais ils renseignent utilement sur le poids financier relatif des différents éléments du système (voir tableau 4).

Dans leur analyse et leurs projections des coûts du système des cours de radio scolaire, les économistes collaborant au projet ont eu soin de tenir compte du caractère de valeur ajoutée de l'inno­vation. Contrairement à d'autres technologies où l'on tente de contrebalancer les coûts par une augmentation des effectifs des classes ou une diminution de la qualification des enseignements, l'expérience nicaraguayenne n'a entraîné aucune modification

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Moyens de communication de masse et éducation dans les pays à faible revenu : répercussions sur la planification

T A B L E A U 4. Coûts de production et de distribution des programmes radio­diffusés

Conception du plan d'études Élaboration des scénarios Frais d'enregistrement Matériels complémentaires Évaluation formative Gestion Documentation et équipement

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Source: Searle, 1978, p. 14.

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majeure de l'environnement scolaire traditionnel. E n d'autres ter­m e s le projet se justifie en soi uniquement en termes d'améliora­tion de la qualité de l'enseignement et de l'apprentissage des mathématiques.

Compte tenu des hypothèses faites quant à la consommation d'électricité pour alimenter les postes de radio et quant à la taille de la population scolaire touchée, les économistes ont estimé à 50 à 75 dollars le coût par élève et par an, une fois les cours mis au point, de la première â la troisième année. Dans les classes supé­rieures, le coût s'élève en raison du grand nombre d'abandons enregistrés à ces niveaux. Les économistes ont cependant estimé que ce coût demeurait dans les limites budgétaires fixées par le Nicaragua. Dans la mesure où le programme de mathématiques est moderne et ne nécessite aucune révision fondamentale, il est clair que la méticulosité de sa mise au point et de son évaluation en ont fait un outil pédagogique qui s'accorde parfaitement avec les aptitudes des élèves nicaraguayens entrant en première année de primaire et qui ne demande que quelques modifications mineu­res d'une année sur l'autre.

U n autre facteur pèse lourdement sur les coûts éducatifs dans la plupart des pays en développement: c'est le taux élevé des aban­dons et redoublements parmi les élèves. Dans les écoles rurales du Nicaragua, par exemple, la première année représente la moitié des effectifs totaux. U n e première analyse de l'effet du projet sur les inscriptions a montré un taux plus faible de redoublement de

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Quatre cas d'éducation par les moyens de communication de masse

la première année. Si cette tendance se confirme, le coût m o y e n de formation d'un élève de sixième année pourra donc être abaissé au Nicaragua. L'économie réalisée permettrait alors de rattraper le coût supplémentaire que constitue un élargissement du système.

E n février 1978 le projet nicaraguayen de Mathématiques par la radio était entré dans sa quatrième année de fonctionnement; il couvrait toutes les classes de la première à la quatrième année du district de Masaya. O n avait également de fortes présomptions que beaucoup d'enseignants n'appartenant pas à ce district utilisaient les émissions de radio. C e développement a été stoppé net vers la fin de l'année par les activités révolutionnaires qui ont submergé le pays, mettant un point d'arrêt aux activités scolaires c o m m e aux autres programmes publics. A l'heure où nous écrivons (octo­bre 1978) on ne sait pas si les écoles rouvriront ou non et, si elles rouvrent, si la radio continuera à jouer un rôle dans l'éducation nicaraguayenne.

E n dépit de l'incertitude qui préside à l'avenir du projet d'ensei­gnement des mathématiques par la radio au Nicaragua, il est clair que ce qui a été accompli en cinq ans peut servir d'exemple pour d'autres pays cherchant à améliorer la qualité de leur système éducatif par le recours à la radio, à l'intérieur des écoles ou en dehors. Certains exemples de matériels mis au point au Nicaragua pourraient facilement être adaptés aux systèmes éducatifs primai­res d'autres pays hispanophones. Et ce qui peut se révéler de valeur encore supérieure et encore plus durable pour un nombre encore plus important de pays, ce sont toutes les techniques de conception, de production et d'évaluation des programmes qui ont été mises au point par l'équipe responsable du projet au cours des cinq années passées. Tout cela représente un exemple impression­nant de ce qu'on peut faire avec la radio, dans la mesure où l'on dispose de temps, d'argent et des gens nécessaires pour mener à bien l'entreprise (Suppes, Searle et Friend, 1978).

3. Mobilisation des populations en faveur d'une action communautaire: les campagnes radiophoniques tanzaniennes

Origines et raison d'être du projet La République-Unie de Tanzanie, république de l'Est africain dont la population atteint environ 14 millions d'habitants, a obtenu son

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Moyens de communication de masse et éducation dans les pays à faible revenu : répercussions sur la planification

indépendance en 1961. Bien que le pays soit demeuré dans la pauvreté depuis l'indépendance, la République-Unie de Tanzanie a déployé des efforts incommensurables pour élever le niveau de vie de sa population et, ce faisant, est devenu un précurseur dans sa région et un modèle pour de nombreuses autres nations d'Afri­que.

E n dépit d'un faible revenu par tête, d'un fort taux d'analpha­bétisme et de la concentration des activités de la population dans une agriculture de subsistance, au m o m e n t de son indépendance, la République-Unie de Tanzanie possédait certains attributs qui ne pouvaient manquer de se révéler favorables pour son développe­ment futur. Contrairement à la plupart des nouveaux États afri­cains, elle ne possédait en particulier aucun groupe tribal domi­nant, et cette situation a empêché l'affaiblissement de la nouvelle nation qui résulte souvent de l'opposition et de la rivalité des enclaves tribales affranchies. E n outre, la majorité des Tanzaniens parle, ou au moins comprend le swahili. Le pouvoir unificateur de cette langue, dont le statut et la primauté n'ont fait que croître dans toute l'Afrique orientale à l'ère postcoloniale, se marque dans la manière dont le pays s'est créé une culture civique forte, et dans le m ê m e temps s'est débarrassé de beaucoup des vestiges détestés de son passé colonial.

Le parti T A N U (Tanganyika African National Union) a égale­ment joué un rôle important dans le développement tanzanien. Sous la direction de Julius Nyerere, le T A N U s'est révélé la pierre angulaire de la conception et de la mise en œuvre des politiques de développement. A u sein m ê m e du T A N U , la priorité essentiel­le s'est toujours trouvée porter sur les questions rurales et agrico­les, et plus particulièrement sur la traduction dans des program­mes sociaux viables des objectifs clés de la politique, à savoir la décentralisation, la participation populaire et la coopération (qu'il­lustre bien par exemple le m o u v e m e n t «ujamaa»).

Les principes directeurs du socialisme tanzanien ont été énoncés dans la Déclaration d'Arusha en 1967. Dans ce document, le président Nyerere soulignait l'importance d'un engagement idéolo­gique et populaire en faveur de la démocratie et de l'égalitarisme, un facteur déterminant important de cet engagement devant être l'éducation. Dans ses discours et écrits ultérieurs, le président a détaillé les plans visant à élargir les chances d'éducation et à axer plus directement tous les programmes scolaires sur les exigences

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Quatre cas d'éducation par les moyens de communication de masse

de la vie villageoise. Avec ce but en tête, les écoles primaires ont été encouragées à se tirer seules d'affaire et les écoles secondaires à se suffire à elles-mêmes. Dans le m ê m e temps a été lancée une stratégie de développement communautaire novatrice, basée sur la radio, qui devait informer et encourager les populations rurales adultes, dont beaucoup n'avaient jamais fréquenté l'école un seul jour. Les origines, l'évolution et les éléments clés de cette stratégie sont développés ci-dessous.

Selon Hall (1978), l'idée de se servir de la radio pour aider à répandre l'instruction et à stimuler le développement national a en fait germé de façon indépendante au sein de deux organismes situés dans deux régions différentes de la République-Unie de Tanzanie. Le Cooperative Education Center (CEC) avait été fondé en 1964 dans le nord-est du pays pour essayer de répondre aux besoins de scolarisation des coopératives villageoises locales. Il employait la radio en liaison avec des méthodes d'études en groupes adaptées du m o u v e m e n t travailliste suédois. U n projet comparable avait d'autre part été lancé, à peu près à la m ê m e époque, au M b e y a , région de montagnes située au sud, par l'Ins-titute of Adult Education (IAE) de l'Université de Dar es Salaam. S'inspirant fortement de l'expérience canadienne des tribunes radiophoniques rurales, l'IAE avait également mis au point des programmes de radio combinés aux travaux de cercles d'études locaux.

A partir de 1967, une série de cours radiophoniques régionaux fut ainsi mise au point séparément par le C E C et l'IAE, en m ê m e temps que les deux organismes décidaient pour la première fois de mettre en c o m m u n leurs expériences. C'est ainsi que démarra en 1969, sous la responsabilité de l'IAE, la première campagne radio-phonique intitulée Kapanga ni Kuchagua [Planifier, c'est choisir] qui était destinée à sensibiliser les populations au deuxième plan quinquennal tanzanien et qui fut limitée à deux régions du pays seulement. C e premier effort expérimental toucha environ 1 100 personnes réparties en 55 groupes d'auditeurs.

Il fut cependant suffisant pour allumer l'étincelle de l'imagina­tion et de l'enthousiasme dans l'esprit des gens et dès 1970, avec la campagne Uchaguzi ni Wako [A vous de choisir], la République-Unie de Tanzanie transforma sa stratégie en véritable force éduca­tive et politique atteignant à la fin plus de 3 millions d'adultes. La

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Quatre cas d'éducation par les moyens de communication de masse

nature et le niveau de participation des différentes campagnes sont résumés succinctement dans le tableau 5.

Caractéristiques de l'auditoire C o m m e nous l'avons indiqué ci-dessus la cible des campagnes radiophoniques tanzaniennes était la population adulte rurale (d'âge compris entre 16 et 40 ans), dont la majorité n'avait reçu qu'une instruction traditionnelle réduite (8096 des participants n'avaient pas fréquenté plus de quatre ans l'école primaire) et n'avait que peu accès aux informations agricoles ou aux moyens éducatifs modernes. Réalisant que pour stimuler le développement rural dans des régions peu favorisées par l'abondance des richesses naturelles, il leur faudrait mobiliser toutes les ressources humaines disponibles, les planificateurs tanzaniens se lancèrent dans une politique de réforme agraire radicale destinée à regrouper les famil­les paysannes autrefois isolées en unités coopératives plus larges, appelées villages «ujamaa». Cette politique devait, prétendait-on, aboutir à une prise de conscience politique nationale et, dans le m ê m e temps, à une augmentation de la productivité par la mise en c o m m u n des ressources locales. Dans ce sens la radio était vue c o m m e un outil politique crucial qui, outre qu'il apportait infor­mations et encouragements nécessaires, devait également lutter contre la passivité et le m a n q u e d'esprit de collaboration qu'on attribuait encore à la classe paysanne. La radio et les cercles d'études communautaires associés dépassèrent en fait les espoirs qu'avaient mis en eux les planificateurs pour se dégager progressi­vement, avec le T A N U , c o m m e la force principale du m o u v e m e n t d'éducation et d'unification des ruraux tanzaniens.

Le système d'enseignement Leur expérience passée de la radio et des cours par correspondan­ce, en République-Unie de Tanzanie et ailleurs, avait alerté les planificateurs de l'IAE sur le besoin d'assortir chaque campagne de la mise en place de canaux de communication se renforçant mutuellement. U n effort considérable fut donc déployé au cours de ces campagnes pour assurer le bon mélange des techniques de communication de masse et des techniques de communication entre individus. E n dépit de la présence de conseillers extérieurs ayant aidé utilement à la conception et à l'exécution des program­m e s , on peut dire que toutes les méthodes et tous les matériaux

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Moyens de communication de masse et éducation dans les pays à faible revenu : répercussions sur la planification

utilisés pour les campagnes se sont perfectionnés avec le temps en République-Unie de Tanzanie m ê m e et parmi celles-ci : la création et le renforcement d'une organisation sur le terrain pour instituer des groupes d'étude locaux, le recrutement et la formation d'ani­mateurs, la préparation et la diffusion de précis d'études et de manuels de base imprimés, la préparation de programmes radio-phoniques et d'annonces brèves destinées à recruter les partici­pants et à informer régulièrement les groupes locaux, enfin l'em­ploi des postes pour retransmettre l'information en retour de la base vers le grand quartier général. Selon H u g h Barrett qui a servi de conseiller non africain durant cette période, c'est à la souplesse d'esprit et à l'esprit de coopération ainsi qu'au sens de l'initiative dont ont fait preuve les dirigeants de l'IAE et leur personnel qu'on peut attribuer le succès des campagnes (Barnett, 1976).

E n dépit de la bonne volonté et de la motivation du personnel de l'IAE, bien des obstacles politiques et logistiques ont du être surmontés avant que les campagnes ne puissent réellement être lancées. Il fallait en premier lieu s'assurer le concours des chefs de file de la politique tanzanienne. C e fut bientôt chose faite par des contacts préliminaires avec des députés, personnalités officielles des divers ministères et cadres du parti T A N U . C e travail de fond préparait le chemin à la collaboration interministérielle indispensa­ble à l'organisation du travail sur place et à la coordination finale des activités de développement local préconisées par les c a m ­pagnes.

L'organisation locale était également d'importance. La responsa­bilité en incomba au réseau de cadres locaux du T A N U et aux dirigeants des organisations d'éducation populaire des adultes exis­tantes rattachés aux divers ministères, mais dans de nombreux cas des personnes à l'esprit communautaire se portèrent également volontaires pour coordonner l'effort local, et plus particulièrement recruter des animateurs de cercles d'études (maintes fois c'est l'organisateur des activités communautaires qui a tenu ce rôle), trouver un lieu de rencontre, et expliquer tous les problèmes abordés par la campagne aux moniteurs locaux.

Les animateurs des groupes locaux ont joué un rôle crucial dans les campagnes tanzaniennes, et le développement de ces campa­gnes n'a rendu que plus urgente leur préparation à cette tâche. La quatrième campagne, et par bien des aspects, la plus réussie, Mtu ni Afya [ L ' H o m m e , c'est la santé] visait ainsi à former 75 000

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Quatre cas d'éducation par les moyens de communication de masse

animateurs. Le travail s'est déroulé en trois étapes. Dans la pre­mière, environ 240 fonctionnaires régionaux de divers ministères furent invités à des séminaires de trois jours où on leur expliqua c o m m e n t s'insérait la campagne à venir dans les objectifs natio­naux et c o m m e n t y préparer les bureaux régionaux d'éducation des adultes. Durant la deuxième, ce fut aux fonctionnaires des bureaux régionaux de recevoir le m ê m e genre de formation en quelque 70 endroits disséminés sur tout le territoire. La troisième et dernière étape a consisté à organiser sur deux jours quelque 2 000 séminaires de cantons et de quartiers auxquels prirent part les délégués des villages et volontaires désireux de devenir anima­teurs de cercles d'études. Malgré le n o m b r e des personnes ayant pris en charge cette formation, cette tâche a pesé lourdement sur les capacités de planification et d'administration de l'IAE et rétros­pectivement, le Comité de coordination des campagnes a pu con­clure que deux jours n'étaient pas suffisants pour former les animateurs de groupes à l'emploi des multiples méthodes et maté­riels faisant partie de la stratégie.

D a n s son évaluation du Mtu ni AJya, Hall donne une descrip­tion concise de la façon dont les groupes d'étude locaux sont effectivement passés par plusieurs canaux de communication de l'étude à l'action pendant le déroulement de la campagne.

Rassemblés pour le temps prescrit de la rencontre, les membres du groupe d'étude écoutent dix minutes de chants politiques, de poèmes et d'annonces brèves en rapport avec la campagne. Puis, pendant vingt minutes, c'est le programme de fond qui passe sur l'antenne et les membres s'installent pour écouter sérieusement. Puis l'animateur ou une autre personne instruite explique le texte imprimé sur le sujet de la semaine en lisant tout haut le chapitre approprié du guide. Grâce à une discussion portant à la fois sur l'émission de radio et les textes écrits, le groupe fait la liaison entre le sujet traité, son propre domaine d'expérience et son cas personnel. Si l'information présentée semble pertinente, les membres se mettent à réfléchir sur la manière de traiter la maladie ou d'éliminer le risque sanitaire en question. Avant la réunion suivante ou peut-être un peu plus tard, le groupe commence à mettre en actes ses résolutions soit à titre individuel à la maison, soit collectivement au niveau de la communauté (Hall, 1978, p. 39).

C e sont principalement les guides d'étude et les programmes de radio qui ont alimenté et soutenu les discussions des groupes locaux, qui ont été au c œ u r de la stratégie de la campagne. Ces

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guides avaient été mis au point par l'IAE en collaboration avec les ministères gouvernementaux appropriés (éducation, santé, etc.). Ils avaient été choisis et ordonnés suivant un calendrier précis de rencontres hebdomadaires. Le vocabulaire et l'impression avaient également été choisis de manière à ne pas fatiguer l'attention des lecteurs ruraux, dont la plupart savait à peine lire et écrire.

Le m ê m e soin a été apporté à la confection des manuels pour animateurs. Le but de ces ouvrages était de guider ceux-ci dans le déroulement de chaque session d'étude, et donc chaque manuel contenait des directives détaillées pour chaque réunion ainsi qu'un calendrier complet des programmes de radio associés à chaque campagne. Y étaient ajoutées en outre, des notes et suggestions quant à l'organisation des cercles d'études locaux et au recrute­ment des participants. Enfin, dans les dernières campagnes, le manuel comportait une partie détachable renfermant un question­naire où les animateurs locaux devaient porter tous les renseigne­ments concernant les participants: n o m , âge, sexe, niveau d'ins­truction, profession et niveau d'assiduité. Ces formulaires devaient être renvoyés à l'IAE où ils finirent par constituer une importante banque d'information en retour.

Les programmes hebdomadaires de radio ont également servi de multiples buts. E n premier lieu ils ont apporté aux campagnes une structure vitale et une force d'impulsion. Les animateurs et les participants connaissaient à l'avance les sujets qui devaient être abordés dans les émissions hebdomadaires d'une demi-heure et cette connaissance les encourageait à venir et à faire leurs exerci­ces complémentaires et leurs projets à temps. Deuxièmement l'émission de radio donnait vie aux thèmes et aux problèmes abordés par chaque campagne. Chaque fois que possible le pro­g r a m m e diffusait des bandes enregistrées par les villageois sur leurs expériences personnelles et leurs espoirs. Cette «couleur locale» renforçait à la fois l'authenticité et le caractère d'immédiat de la communication. Vers la fin de chaque émission, les points saillants étaient repris par quelque fonctionnaire chargé également de suggérer des prolongements possibles d'action au niveau local. D e cette manière la radio venait compléter et renforcer tant les messages imprimés de la campagne que l'action des animateurs locaux. Enfin, les programmes de radio faisaient de la publicité indirecte à la campagne, fonction importante pour conserver à l'entreprise le soutien des décideurs tanzaniens dont la plupart

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habitaient la capitale, Dar es Salaam, loin du théâtre d'opération : les zones rurales.

Envergure et durée d'impact A l'exception de l'étude de Hall (1978) sur la campagne Mtu ni Afya de 1973, il existe peu de données «sérieuses» (c'est-à-dire quantifiées) sur l'impact des campagnes radiophoniques tanzanien-nes. E n dépit du soin qu'a pris Hall lui-même de rassembler sur place les données fiables lui permettant de comparer c o m m u n a u ­tés participantes et non participantes, l'auteur fait remarquer que les procédures de contrôle ont été extrêmement difficiles à mettre en œuvre durant la campagne. Il convient donc, ajoute-t-il, d'at­tacher aux comparaisons une valeur de suggestions plus que de jugements définitifs. E n dépit de ces avertissements l'auteur affir­m e cependant avec conviction que Mtu ni Afya a été un succès retentissant. Le gain de connaissances réalisé en hygiène par les participants des cercles d'études atteint presque 45% en moyenne (de 43 à 63%). C e gain est statistiquement significatif au niveau 0,01 (Hall, 1978, p. 52).

L'amélioration de la vie rurale étant l'objectif ultime des deux dernières et plus grandes campagnes (voir tableau 5), Hall et d'autres ont consacré leurs efforts à analyser de quelle manière ces campagnes ont réellement modifié la vie des paysans tanzaniens. Là encore, les statistiques de Hall sur la campagne d'hygiène de 1973 sont plus que parlantes. E n liaison avec des collaborateurs à l'IAE il a établi une liste des actions menées contre les animaux nuisibles et les mares d'eau stagnantes, pour le défrichement et l'enlèvement des ordures autour des habitations rurales, et pour la construction de latrines conformément à des normes sanitaires strictes. U n e enquête en profondeur dans chaque foyer de chacun des huit villages-échantillons lui a montré des variations considé­rables de la plupart des indicateurs. Ces variations résultent pour partie des différences régionales et économiques; dans certaines régions le coût de mise en œuvre des pratiques recommandées était trop élevé.

Pour un indicateur toutefois le taux de réalisation s'est révélé phénoménal. Les mesures effectuées postérieurement à la campa­gne sur la construction de latrines ont révélé une augmentation de 57096 dans les huit villages-échantillons. Bien que beaucoup n'aient pas été construites conformément aux normes précises

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prescrites dans les textes de la campagne, il est apparu avec évidence aux planificateurs et également aux évaluateurs que cette innovation avait été appliquée largement dans tout 1e pays. Les estimations chiffrent le nombre total de latrines construites pen­dant la campagne d'hygiène à plus de 700 000 et, c o m m e le note Barrett dans son analyse de cette campagne, ces latrines se dres­sent aujourd'hui c o m m e des m o n u m e n t s permanents (bien qu'à moitié enterrés) à l'efficacité de la méthode d'enseignement par la radio.

Les données résultant de diverses études d'évaluation, d'obser­vations personnelles des participants, de diverses enquêtes ainsi que des informations en retour fournies par les groupes d'aud; teurs, jettent également la lumière sur la série des problèmes qu'ont rencontrés les campagnes: 1. D e nombreux groupes (5096 pour la campagne Mtu ni Afyd)

n'avaient pas de postes de radio et ne pouvaient donc compter que sur les guides d'études ou les manuels des animateurs.

2. Il y a eu pénurie de guides et autres textes nécessaires à la diffusion des campagnes par suite d'erreurs de distribution et de retards importants à signaler ces manques et à y porter remède.

3. La taille moyenne des groupes d'études: de 25 à 35 partici­pants environ dans la plupart des régions, était trop grande. C e nombre a empêché les petites discussions de groupe et a abais­sé le taux de participation des divers membres .

4. Il n'a pas toujours été possible de réaliser la coordination inter­agences nécessaire pour planifier, exécuter et prolonger les campagnes, ce qui a empêché en retour les groupes locaux de mettre en œuvre les changements recommandés par m a n q u e de moyens et d'équipements matériels.

E n dépit de ces problèmes toutefois, les campagnes radiophoni-ques tanzaniennes peuvent être qualifiées de réussies. E n analyse finale, certaines des raisons de ces succès sont propres à la Répu­blique-Unie de Tanzanie alors que d'autres pourraient se répéter ou être adoptées ailleurs. Il est intéressant de noter que ces c a m ­pagnes n'ont exigé qu'un très faible investissement en capitaux nouveaux et aucune technologie nouvelle de communication. Les technologies existantes: radio, papier journal et postes, ont seule­ment été adaptées aux besoins des services politiques, administra­tifs et d'éducation des adultes nouvellement coordonnés.

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La prépration intensive des campagnes, modelée en partie sur l'expérience de Cuba et d'autres pays socialistes, était en elle-m ê m e une raison majeure de la réussite tanzanienne. Les éduca­teurs d'adultes et autres agents du développement avaient tou­jours eu, en République-Unie de Tanzanie et ailleurs, des difficul­tés à soutenir l'intérêt des participants dans le temps. Cette cons­tatation a incité les planificateurs tanzaniens à se fixer pour leurs campagnes suivantes des objectifs plus modestes et à plus court terme et à réduire également le temps pendant lequel ils c o m p ­taient soutenir l'intérêt et la motivation de leur auditoire. Cette limitation de la durée des campagnes a facilité en outre la partici­pation d'une foule d'organismes gouvernementaux, pour lesquels l'éducation des adultes n'est souvent qu'une priorité secondaire et qui, alors qu'ils auraient refusé de consacrer des ressources à un programme éducatif permanent, ont montré davantage de bonne volonté à collaborer à un programme limité au court terme. Q u e cette collaboration institutionnelle n'ait pas comblé toutes les espérances a été davantage dû à l'inexpérience qu'à toute autre chose.

L'élément le plus significatif de ces campagnes est peut-être cependant la relation étroite qui en République-Unie de Tanzanie lie objectifs éducatifs et objectifs politiques depuis l'indépendance du pays. La valeur des méthodes participatives d'étude de groupes est particulièrement évidente dans une nation qui lutte avec pas­sion pour éveiller chez tous la conscience et l'engagement politi­ques à l'égard du nouveau système politique. Dans toutes les campagnes, quel qu'ait été le thème central développé, l'éducation politique a toujours été le premier point de l'ordre du jour. L'ac­ceptation et la construction du socialisme, par les paysans c o m m e par les ouvriers, artisans du développement ou employés de bureau, ont constitué le thème unificateur et le but ultime de toutes les campagnes. Sans le soutien du parti T A N U à tous les niveaux, les campagnes n'auraient ni atteint tant de gens, ni eu l'autorité ou la légitimité suffisantes pour organiser le peuple au niveau local; elles n'auraient pas non plus bénéficié du soutien moral et matériel actif de tant de personnalités officielles gouver­nementales.

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Moyens de communication de masse et éducation dans les pays à faible revenu : répercussions sur la planification

4. Diffusion des innovations: l'expérience indienne de télévision éducative par satellite (SITE)

Les planificateurs de l'éducation extra-scolaire, responsables des stratégies de diffusion, reconnaissent depuis quelque temps la puissance d'impact des moyens de communication de masse auprès des populations rurales. Des ressources considérables ont donc été allouées à des projets d'adaptation de la radio et de la télévision aux besoins perçus par les différentes agences de déve­loppement, dans le domaine de l'agriculture, de la santé, de la planification familiale, etc. S'ils peuvent bénéficier d'un soutien politique véritable et de la mobilisation d'autres ressources de développement aux niveaux régional et local, ces moyens ont u n impact considérable et amènent une amélioration sensible de la qualité de la vie des populations locales. D a n s la plupart des cas, toutefois, la planification et la gestion des projets qui mettent en œuvre les media n'ont pas été étudiées à fond et ont davantage tablé sur la nouveauté ou l'attrait des media en soi que sur des stratégies soigneusement pensées et intégrées de réforme rurale. D ' o ù la mise en œuvre de multitudes de projets mort-nés respon­sables de la désillusion générale quant aux bénéfices réels et aux bénéficiaires ultimes des investissements énormes consentis dans ces domaines.

Le débat sur l'investissement dans la technologie de la c o m m u ­nication aux fins de développement connaît une nouvelle acuité avec l'avènement des satellites et la possibilité de recevoir les signaux de radio et de télévision directement de l'espace. Il est maintenant possible de diffuser au m ê m e m o m e n t sur des zones géographiques étendues des messages conçus et élaborés à l'éche­lon central sans avoir à passer par des stations nombreuses de relais ou de retransmission. Cette faculté accroît énormément l'au­dience potentielle des émissions de développement en tous genres. Il est également concevable que les satellites permettront bientôt aux nations de mettre un terme au développement excessif des réseaux de communication terrestre. Cependant, l'avènement des satellites fait également surgir un certain nombre de problèmes nouveaux de planification relatifs aux droits de souveraineté et au contrôle de cette forme nouvelle et puissante de communication. Analysée à la lumière de ces observations, l'expérience indienne

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Quatre cas d'éducation par les moyens de communication de masse

de télévision éducative par satellite (SITE) suggère quelques orien­tations utiles pour l'avenir.

Origines et raison d'être du projet L'initiative du projet SITE revient à la c o m m u n a u t é scientifique indienne et non aux organismes d'éducation ou de développement du pays. Convaincu du pouvoir de distribution et des économies potentielles offertes par les satellites de communication, feu Vikram Sarrabi, directeur de l'Indian Space Research Organization (ISRO), a en effet convaincu son gouvernement dès 1967 que le temps était venu et que la technologie était mûr e pour entrepren­dre un grand projet expérimental visant à: 1. Créer un réseau national de télévision ouvrant des chances

égales aux habitants des villes et des campagnes; 2. Accélérer l'unification nationale; 3. Mieux comprendre c o m m e n t concevoir un système de télévi­

sion par satellite à but éducatif, politique et économique; et enfin

4. Tracer des orientations générales valables pour l'Inde et peut-être aussi d'autres pays, dans tous les domaines mentionnés ci-dessus.

A u x termes du Protocole d'accord signé entre les États-Unis et l'Inde, les États-Unis se déclarèrent d'accord pour livrer à l'Inde, à titre expérimental et pour un an, un de leurs satellites de techno­logie appliquée. Par ce protocole les États-Unis, et singulièrement la National Aeronautics and Space Administration ( N A S A ) s'enga­geaient également à assumer la responsabilité du lancement, de la mise en orbite et de la maintenance de ce satellite, cependant que le gouvernement indien assumerait la responsabilité des autres aspects de l'expérience, et notamment la conception et l'implanta­tion de tout le réseau de transmission et de réception au sol ainsi que de tout le logiciel.

Pour des raisons diverses, l'expérience ne fit pas preuve de beaucoup de force vive pendant cinq ans; puis le rythme des activités s'accéléra au début des années 1970. Le satellite A T S - 6 fut lancé en mai 1974 et une date ferme fut retenue pour la mise en service du satellite en Inde: le 1er août 1975. Cette date marque un s o m m e t dans les activités fiévreuses de développement de l'Inde.

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Moyens de communication de masse et éducation dans les pays à faible revenu : répercussions sur la planification

Les planificateurs du SITE étaient convaincus depuis le début qu'un satellite de communication était particulièrement indiqué pour la distribution des signaux de télévision en Inde. La taille du pays, la dispersion de sa population et le coût de ce m o y e n de communication avaient empêché jusque-là la télévision de toucher plus que quelques enclaves urbaines, alors que la radio était déjà largement implantée grâce à un réseau national de distribution, All India Radio. Les préoccupations politiques n'occupaient évi­d e m m e n t pas le premier plan dans l'esprit des scientifiques à l'origine du projet, mais le développement d'un réseau de télévi­sion national et hautement centralisée allait clairement dans le sens du discours sur les mesures internes de secours d'urgence tenu par le premier ministre Indira Gandhi juste 34 jours avant la programmation sur les antennes des émissions du SITE prévue pour août 1975. C e programme national diffusé chaque soir de Delhi allait devenir pour le gouvernement un m o y e n pratique d'exposer sa politique et son programme aux villageois des États participants.

Caractéristiques de l'auditoire Les émissions du SITE ont touché couramment 2 332 villages situés dans six États. Ces États ont été choisis en raison de leur arriération relative bien que, pour participer, les communautés aient dû posséder l'électricité, un bâtiment public solide (générale­ment une école ou la maison communautaire) pour abriter le récepteur de télévision, et des routes d'accès sûres pour faciliter l'installation et l'entretien. La capacité de réception en continu des programmes télévisés constituait également un autre critère de choix des villages, les districts choisis étant ceux dont les m o y e n s de retransmission au sol pourraient éventuellement prendre le relais au m o m e n t où le SITE cesserait son activité après la pre­mière année d'expérience.

La taille des villages SITE variait de 600 à 3 000 âmes , avec une m o y e n n e d'environ 1 200. Environ 2 800 000 paysans indiens ont donc au total été touchés par le programme SITE bien que, selon la plupart des rapports, l'audience journalière réelle se soit stabili­sée autour de 170 000 à 200 000 (environ 75 à 100 téléspectateurs par village). Cette stabilisation ne s'est observée qu'après le pre­mier mois d'émissions télévisées dont la nouveauté avait été

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saluée par des auditoires occasionnels de plus de 2 500 personnes pour un seul récepteur communautaire.

Les analyses d'écoute faites par l'unité d'évaluation du SITE suggèrent que les variations de la taille de l'auditoire et de sa composition sont dues à plusieurs facteurs et notamment: 1. Le mélange des métiers recensés dans les villages: les bourgs

peuplés d'un fort pourcentage de commerçants et d'artisans ont eu des niveaux d'écoute plus bas que les villages de cultiva­teurs ;

2. La proximité des zones urbaines: les villages éloignés ont eu des taux de participation plus élevés; et

3. L'emplacement du récepteur de télévision communautaire: son installation dans un lieu central a en général rassemblé davan­tage de personnes. Le public des émissions du soir du SITE se composait d'environ 50% d'adultes h o m m e s , 2096 d'adultes f emmes et 3096 d'enfants. Des gens de toutes les castes y assistaient, bien que les chercheurs aient observé une corréla­tion négative entre le statut socio-économique et l'écoute des émissions télévisées. Il est apparu que les propriétaires et autres privilégiés des communautés n'avaient aucune envie de parta­ger l'expérience de projection avec des groupes de classe infé­rieure, ouvriers agricoles et autres. Parmi les facteurs ayant limité la participation des fermiers relativement aisés, on peut également citer, semblerait-il, le m a n q u e de programmes récréatifs de détente, la connaissance antérieure du contenu éducatif des programmes ou la possibilité de recevoir cet ensei­gnement par ailleurs (Mody, 1978, p. 8).

Les enfants des villages ont constitué une part plus grande de l'auditoire du SITE qu'on ne l'escomptait initialement. Outre les programmes scolaires spécifiquement destinés dans la journée aux élèves de 5 à 12 ans, les enfants se sont également révélés spec­tateurs assidus des programmes du soir. Dans la plupart des villages SITE, les enfants se groupaient tout autour du poste de télévision, forçant souvent les adultes à se placer au fond ou sur le côté. C e phénomène a été source d'étonnement mais aussi de préoccupation pour les planificateurs du SITE, le choix des thèmes développés n'ayant pas été fait à l'origine en pensant aux enfants. A u fur et à mesure de l'expérience, on a cependant élaboré de plus en plus de programmes pour enfants pour répondre à cette situation.

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Moyens de communication de masse et éducation dans les pays à faible revenu : répercussions sur la planification

Le système d'enseignement C o m m e nous l'avons vu plus haut, le SITE était une expérience de collaboration, patronnée conjointement par les gouvernements indien et américain. E n dépit d'une certaine tension dans les relations politiques, les deux gouvernements se sont efforcés cha­cun de mener à bien leur part du projet. E n Inde, la responsabilité était partagée entre divers organismes. L'Indian Space Research Organisation (ISRO) se vit confier la responsabilité de la concep­tion, de l'implantation et de l'entretien de tous les équipements au sol servant à la transmission et à la réception des programmes SITE. Ces programmes étaient transmis au satellite de technologie appliquée A T S - 6 de la N A S A à partir de deux stations terrestres situées à A h m e d a b a d (siège de 1 T S R O ) et à Delhi. Le satellite amplifiait le signal télévisé et le renvoyait à la terre où il était reçu par de petites antennes reliées à chaque récepteur de télévision de village.

Le SITE est le premier projet de communication à grande échel­le où des programmes télévisés ont été reçus par les téléspecta­teurs locaux directement en provenance de l'espace. Bien que la rediffusion des signaux du satellite se soit faite par l'intermédiaire d'émetteurs V H F classiques pour les quelques téléspectateurs urbains disposant de récepteurs normaux, la grande majorité des téléspectateurs ruraux a reçu les programmes sur des postes col­lectifs spécialement aménagés. Ces postes, en fait des récepteurs ordinaires fabriqués en Inde, étaient équipés d'une antenne spécia­le et d'un convertisseur préamplificateur. Chaque poste possédait également un sélecteur de canaux permettant aux spectateurs de choisir entre deux langues. Le coût total unitaire de ces récepteurs collectifs spéciaux s'est monté à environ 1 000 dollars.

Le Doordarshan, Office national de télévision indienne, était le principal responsable des programmes SITE. Les émissions desti­nées aux six régions participantes du pays étaient enregistrées sur bandes vidéo en quatre langues aux studios du SITE de Delhi, Cuttack et Hyderabad. Les divers ministères gouvernementaux (agriculture, santé, éducation, etc.) ont fixé les sujets à traiter et fourni les conseillers pour aider à la conception des program­mes .

La journée type d'émission commençait par 22 minutes 30 secondes d'émission matinale pour les écoles. C e programme, partagé en séquences récréatives et séquences d'information, était

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destiné à enrichir l'expérience scolaire d'un public jeune plutôt qu'à lui fournir un enseignement direct et suivant un programme. D e u x des six programmes matinaux étaient consacrés à des modules scientifiques produits par le groupe logiciel expérimental de l'ISRO à B o m b a y .

Les deux heures et demie d'émissions du soir du SITE étaient scindées en quatre tranches horaires. Trois d'entre elles étaient consacrées à des émissions régionales distinctes, durant lesquelles étaient présentés des thèmes de divertissement et d'instruction revêtant une grande variété de formes différentes: démonstra­tions, interviews, jeux scéniques, tables rondes, chants et danses, marionnettes ou réponses aux questions des téléspectateurs. La quatrième tranche horaire était réservée à une demi-heure d'émis­sion d'intérêt national : informations et spectacles culturels, en hindi. La partie information insistait en particulier sur les affaires courantes de la politique indienne et les discours des h o m m e s politiques indiens de premier plan. A u c u n temps d'antenne n'était consacré aux événements extérieurs à l'Inde.

Les moyens de production du SITE ont souffert de leur modi­cité, du sous-équipement et du m a n q u e de personnel. Ces difficul­tés, ajoutées à la course contre la montre que représentait l'élabo­ration de tant de séquences nouvelles chaque jour, ont peut-être conduit, selon certains critiques, à faire un peu trop fond sur les séquences récréatives n'allant pas beaucoup au-delà de l'enregis­trement sur magnétoscope de diverses troupes locales de danse ou de m i m e s . Cette stratégie de programmation a empêché une exploitation plus approfondie des thèmes de développement que les spectateurs ruraux semblaient trouver plus intéressants. Le simple volume des productions quotidiennes et les conditions souvent mauvaises dans lesquelles les équipes de production avaient à travailler ont également limité le compte dont on pou­vait tenir des préférences du public. Selon Bella M o d y , l'évalua-teur en chef du SITE, « étant donné que les producteurs n'étaient m ê m e pas matériellement en mesure de jeter un coup d'oeil, dans un état d'esprit sain, sur le résultat des enquêtes, c o m m e n t auraient-ils pu s'inquiéter de savoir si ce qu'ils produisaient con­venait aux villageois. Leur principal souci était de gaver le m o n s ­tre-télévision » (Mody , 1978, p. 7).

C o m m e nous l'avons indiqué plus haut, le Doordarshan, Office national de télévision indienne, était responsable de la plupart des

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programmes du SITE. U n système distinct de production et d'émission avait cependant été créé par l'ISRO au Space Applica­tion Center d 'Ahmedabad pour desservir le district de Kheda au Gajarat, région agricole relativement avancée et prospère. Le « la­boratoire» de Kheda, c o m m e on finit par l'appeler, devint en fait l'expérience au sein de l'expérience, un m o y e n d'explorer les tech­niques innovatrices de conception et de production des program­m e s . Les responsables de l'ISRO avaient en effet perçu que, bien que le SITE facilitât l'émission simultanée de programmes dans différentes régions de l'Inde, il y avait des exemples patents où il aurait pu être plus approprié de produire des programmes d'appli­cation ou d'intérêt locaux plus prononcés.

Les programmes de K h e d a furent conçus non seulement pour fournir' aux villages une information nouvelle, mais aussi pour améliorer la communication horizontale et verticale entre les villa­ges, d'une part, et entre les autorités de décision et les masses, d'autre part. Les émissions télévisées journalières comportaient à la fois des «programmes nationaux» retransmis par Delhi et des programmes locaux préparés spécialement pour les besoins du district de Kheda. Les programmes locaux étaient de nature très variée: environ 20% d'instruction «de fond» sur les problèmes de l'agriculture et de l'hygiène, 3096 de programmes pour enfants, 25% de programmes plus «souples», du type psychodrames met­tant en scène les objectifs de réforme sociale visés, les 2596 restants étant composés d'informations, de chants, de danses et de programmes divers. Les programmes nationaux se déroulaient en hindi, le reste en gujarati, l'idiome local.

Le deuxième objectif du projet de Kheda était d'acquérir une expérience de la conception et de la gestion d'un système de rediffusion limité, utilisant à la fois des moyens terrestres et le satellite. Cet objectif a été atteint, et en dépit de l'arrêt des retransmissions par satellite en 1976, le «laboratoire» de Kheda a continué depuis à fonctionner à partir des seules installations terrestres.

Les efforts systématiques d'exploitation (renforcement) au ni­veau local auraient pu améliorer l'impact du SITE mais ces activi­tés (et le budget pour les financer) n'ont jamais été planifiées sur une large échelle. Il n'y a eu aucune activité de prolongement des actions, aucun groupe de discussion ou d'écoute et aucun effort de coordination des programmes avec d'autres activités patronnées

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par les ministères indiens du développement. U n e petite expérien­ce d'exploitation a cependant été conduite dans cinq villages de chaque région participante. D a n s ces «villages-tests» on a choisi chaque mois quatre programmes pour un effort intensif et suivi. Des textes imprimés ont été diffusés qui renfermaient des complé­ments d'informations, et des discussions et démonstrations ont été organisées avec des dirigeants locaux et des promoteurs du déve­loppement. Dans la mesure du possible, des tentatives ont été faites pour présenter dans des émissions plus directement accessi­bles aux villageois certaines innovations concernant par exemple les engrais, le crédit, etc. Bien qu'en analyse finale ces mesures aient paru mieux disposer les téléspectateurs ruraux au change­ment, elles ont servi davantage à mettre en lumière le besoin de répandre ce genre d'activités et de services dans tout le pays qu'apporté un changement durable.

Envergure et durée d'impact Le SITE a eu une caractéristique importante: il impliquait large­ment les chercheurs dans l'élaboration et la mise en œuvre du projet ainsi que dans l'évaluation de son impact. Outre les cher­cheurs scientifiques de l'ISRO qui ont mis au point toute la partie technique des systèmes, à l'exception du satellite, il a fallu e m b a u ­cher une équipe de chercheurs en sciences sociales de plus de 100 personnes. Ses activités ont porté tant sur la recherche formative susceptible d'orienter les décisions à prendre tout au long du projet, que sur la recherche sommative permettant d'évaluer les effets de l'expérience et d'orienter les activités ultérieures.

Le programme de recherche formative du SITE s'est axé sur trois aspects: Une évaluation du contexte consistant à définir le profil des audi­

toires potentiels et à effectuer des évaluations de besoins, Une évaluation des moyens devant être mis en œuvre, consistant

principalement à tester des prototypes de programmes, et Une évaluation du processus consistant à mettre en œuvre un

système de retour d'information très développé et à effectuer de nombreuses études à court terme sur des programmes spécifi­ques.

Bien que les résultats de ces diverses stratégies d'évaluation aient été régulièrement présentés aux créateurs et aux producteurs des

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programmes, le besoin pressant de respecter un calendrier de production extrêmement exigeant a réduit tant la capacité que la volonté des producteurs de réinjecter ces informations dans leurs activités au jour le jour (Mody , 1978, p. 8).

Le programme de recherche sommative a comporté, lui, deux enquêtes par sondage, une série d'études anthropologiques « holis­tiques», un inventaire des programmes et une analyse de contenu, ainsi qu'un certain nombre d'études en profondeur d'aspects par­ticuliers. Les études ont analysé l'impact des programmes destinés aux enfants et aux adultes. Elles avaient été conçues pour permet­tre d'établir des graphiques des modifications intervenues dans les connaissances, les attitudes et les comportements des spectateurs et rapporter ces modifications à certaines variables socio-économi­ques. O n escomptait, par exemple, non seulement que les enfants ayant suivi les programmes scolaires du SITE auraient de meil­leurs résultats que leurs condisciples, mais encore qu'ils témoigne­raient de progrès plus notables dans le niveau d'assiduité, le développement du langage et l'intérêt global porté à l'acquisition des connaissances. Les enseignants étaient également censés avoir acquis de bonnes dispositions à l'égard de l'emploi de la télévision dans les écoles. Pour vérifier ces hypothèses, on a comparé un échantillon composé d'environ 100 enfants participants, avec leurs instituteurs, provenant de chacune des régions desservies par le SITE, à un nombre égal d'élèves et d'instituteurs de c o m m u n a u ­tés n'ayant pas la télévision.

Les comparaisons relatives au développement du langage chez les enfants ont confirmé les postulats des chercheurs; dans 46 comparaisons sur 48, les élèves des classes desservies par le SITE ont progressé davantage que les élèves non participants. Des dif­férences significatives ont été rapportées dans 33 de ces cas. U n e différence régionale importante s'est également révélée dans l'ana­lyse des données : les élèves des zones desservies par des unités de production télévisée SITE ayant reçu les émissions dans leurs langues ou dialectes maternels ont surpassé les élèves des zones très éloignées de ces facilités. Il semblerait que le SITE n'ait pas eu une influence significative sur l'amélioration de l'assiduité sco­laire, le rehaussement des niveaux de résultats dans les matières scolaires primaires normales ou la fréquence des relations maîtres/ élèves; malgré tout les maîtres et les élèves se sont déclarés enthousiasmés par les programmes. D e l'avis des chercheurs, c'est

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la nature diffuse, sans plan, des programmes scolaires qui peut expliquer principalement pourqoui les différences de connaissances notées n'ont pas été plus marquées.

Outre les données relatives aux auditoires et aux programmes présentées ci-dessus, toutes les études consacrées à la projection dans les villages des programmes pour adultes du SITE ont livré une foule d'informations sur l'impact du projet au niveau local. U n e grande partie de cette information est encore en fait en cours d'analyse et d'interprétation au m o m e n t où nous écrivons. Mais parmi les conclusions les plus importantes tirées à ce jour de ce travail on peut citer: 1. Le gain statistiquement significatif chez les spectateurs des

programmes SITE en information sur les événements politi­ques, les mesures sanitaires de prévention et les méthodes de régulation des naissances;

2. Les gains relativement plus importants en connaissances sani­taires chez les femmes, les illettrés, et les téléspectateurs assi­dus déclarés des programmes SITE, révélant un début de c o m ­blement de l'immense fossé des connaissances d'hygiène;

3. U n e augmentation large (mais pas statistiquement significative) du pourcentage de questionnés des deux sexes se déclarant favorables à la norme de famille peu nombreuse; et enfin

4. Les gains statistiquement significatifs en fait d'attitudes moder­nes et d'aspirations à l'éducation, les progrès les plus visibles étant enregistrés dans ce domaine chez les téléspectatrices assi­dues.

Ces résultats, qui n'ont rien d'un bouleversement vu les s o m m e s d'argent et d'énergie consacrées au contrôle et à l'évaluation du SITE, indiquent quand m ê m e ce que des programmes de télévi­sion mieux conçus et intégrés pourraient offrir à l'avenir aux auditoires ruraux. U n e tendance particulièrement encourageante se dégage n o t a m m m e n t de l'analyse des résultats du SITE, c'est le comblement du fossé entre groupes sociaux privilégiés et défavo­risés. L'expérience a été trop brève pour qu'on puisse en tirer des conclusions définitives, mais des indications témoignent que les f emmes et les individus des classes les plus basses ont bénéficié plus que proportionnellement à leur nombre de cette expérience télévisée. S'il en est vraiment ainsi, ce résultat laisse de l'espoir à ceux qui désespéraient auparavant d'utiliser les moyens de c o m ­munication de masse pour toucher, au-delà des éléments privilé-

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giés des sociétés en développement, les masses rurales dont les besoins sont bien plus grands.

E n analyse finale toutefois, le SITE demeure sinon une percée majeure, du moins un succès technique et administratif extrême­ment instructif en planification de l'éducation ou du développe­ment. La vision qui a guidé ses créateurs et ses promoteurs était technique et pragmatique; la grande masse du budget du projet a été consacrée à la solution des problèmes matériels, à l'installation et à l'entretien d'un système de communication sophistiqué mais fiable. La planification et l'exploitation des programmes n'ont joué qu'un rôle secondaire, d'une part, par suite des priorités et pers­pectives retenues par les créateurs du système et, d'autre part, à cause de l'entêtement des ministères indiens du développement en place à partager la vision de ce qu'on aurait pu réaliser avec un outil de communication d'une telle puissance. E n dépit de ces handicaps, l'expérience indienne du SITE constitue bien une pré­monition de ce que pourraient devenir les communications dans les campagnes et donne une idée plus claire qu'auparavant de tous les défis que pose une technologie aussi puissante sur le plan tant de l'administration que de la programmation.

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IV. Problèmes critiques posés par la planification des media aux fins d'éducation

Dans le présent chapitre, nous discuterons de quatre problèmes de planification posés par l'utilisation des moyens de communication de masse aux fins d'éducation, à savoir la démocratisation des facilités d'éducation, l'amélioration de la qualité de l'enseignement et de l'assimilation des connaissances, l'impact sur les zones rura­les de l'éducation amenée par la technologie, et la participation des populations à leur propre éducation. Chacun de ces problèmes sera discuté à la lumière des faits présentés dans les quatre monogra­phies du chapitre III et d'autres sources.

1. La démocratisation des facilités d'éducation

L'un des arguments c o m m u n é m e n t employés en faveur de l'usage des moyens de communication de masse est qu'ils permettent un élargissement considérable des possibilités d'éducation sans l'aug­mentation proportionnelle des coûts généralement afférente au développement des services éducatifs traditionnels. Il faut distin­guer dès l'abord deux dimensions à la notion de « facilité d'éduca­tion ».

La première entend par «démocratisation» une simple expan­sion quantitative du nombre des participants au processus éduca­tif. La seconde est de nature plus qualitative et vise à l'ouverture des chances d'éducation à des couches de la société qui ont souvent jusqu'alors été exclues des programmes traditionnels et notamment les femmes , les jeunes ruraux, les jeunes ayant aban­donné leurs études, et autres minorités. La notion de facilité d'éducation prise dans ce deuxième sens, recouvre plusieurs idées

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à la fois : celle de facilité d'accès (c'est-à-dire la possibilité d'entrer dans u n système éducatiO, celle de résultat (c'est-à-dire la possibi­lité de bénéficier de la fréquentation de ce système), celle de rétention (c'est-à-dire la possibilité de demeurer dans le système le temps voulu), celle de délivrance d'un certificat (c'est-à-dire la possibilité de terminer un cycle prescrit et de recevoir la sanction formelle attestant cette réussite) et enfin celle d'application (c'est-à-dire la possibilité d'utiliser toute connaissance ou tout diplôme nouvellement acquis pour améliorer ses chances dans la vie).

Examinons d'abord (bien que ce ne soit pas le point le plus important) la notion de «démocratisation» dans son sens d'expan­sion quantitative, et ce à la lumière des quatre monographies étudiées au chapitre III. Le but fondamental du programme de Mathématiques par la radio n'était pas d'augmenter les effectifs mais plutôt d'améliorer à un coût raisonnable l'enseignement et l'assimilation des connaissances. Si l'on examine d'autres projets qui aspirent à améliorer l'instruction, on découvre qu'à l'introduc­tion de la télévision dans les écoles (tant au Salvador qu'en Côte-d'Ivoire) correspond une augmentation des effectifs, bien que ces deux phénomènes n'aient pas de liaison directe (Mayo, Hornik et M c A n a n y , 1976; Eicher et Orivel, 1977). Dans les deux cas, cette augmentation des effectifs s'est traduite par une augmentation du nombre d'élèves par classe, l'institution de classes alternées ou la construction de nouvelles écoles. La télévision a servi de m o y e n pour maintenir ou m ê m e améliorer la qualité de l'enseignement alors m ê m e que les effectifs augmentaient. Il faut noter que les trois cas précédents ont entre eux un point c o m m u n : ce sont tous des projets «surajoutés», les media ayant été incorporés aux systèmes scolaires habituels sans changement des structures existantes.

Les stratégies de télé-enseignement ' sont d'autres m o y e n s per­mettant d'augmenter les facilités d'éducation; mais elles ne fonc­tionnent pas dans le cadre structurel traditionnel des écoles. Radio Santa Maria constitue u n exemple relativement réussi de ce genre de méthode. Ici une équivalence de certificat d'études primaires sanctionne le travail effectué à la maison avec la radio par des individus qui, pour diverses raisons, ne peuvent pas s'inscrire aux

1. Consulter : Alternative routes to formal education : Formal education for school equivalency, op. cit.

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Problèmes critiques posés par la planification des media aux fins d'éducation

programmes éducatifs patronnés par le gouvernement dominicain. Autre exemple de stratégie de télé-enseignement, cette fois dans le cadre de l'école (et non à la maison c o m m e pour Santa Maria), le projet Telesecundaria au Mexique. Des centres d'enseignement ont été crées là, dont les programmes sont complètement basés sur des émissions télévisées, des textes imprimés et des séances régulières de contrôle avec les élèves (Mayo, M c A n a n y et Klees, 1975). Dans les deux cas, République dominicaine c o m m e Mexi­que, la radio et la télévision sont respectivement les deux élé­ments clés qui ont facilité l'accès à l'instruction des jeunes ruraux.

Le projet indien du SITE et la campagne radiophonique tanza-nienne ont tous les deux réussi à ouvrir l'accès à l'éducation à des adultes ruraux. Le satellite a permis en Inde à des centaines de milliers de personnes d'avoir accès à des programme de télévision, là où aucune possibilité n'aurait pu être offerte sans des années de lourds investissements dans une infrastructure de communications au sol. E n République-Unie de Tanzanie, la radio a permis à des milliers d'adultes ruraux de participer à deux grandes campagnes d'hygiène et de nutrition. Mais, en Inde, c o m m e en République-Unie de Tanzanie, communiquer avec les masses rurales dépen­dait a) de la faculté des planificateurs de concevoir des messages aisément assimilables et b) du renfort d'autres ressources humai­nes et matérielles.

Outre le nombre de ceux qui ont accédé à l'éducation grâce aux moyens de communication de masse, il est instructif de se demander aussi quels groupes sociaux ont en fait bénéficié de cet élargissement des facilités. C o m m e on l'a noté ci-dessus, les faits montrent qu'en République-Unie de Tanzanie et en Inde une large proportion de la population rurale a été touchée. Pour Radio Santa Maria, la clientèle a été rurale aussi, mais d'une frange quelque peu plus privilégiée du point de vue social et économique. Le projet Mathématiques par la radio a touché tous les élèves fréquentant l'école primaire, tant dans les villes que dans les campagnes, et il semble en fait avoir bénéficié davantage aux enfants lents et moyens. Pourtant, le bénéfice de ces programmes revient souvent davantage aux individus relativement privilégiés de la société qui peuvent rester à l'école. M ê m e la radio, qui est peut-être le moyen de communication le plus universelle­ment répandu, voit son pouvoir de pénétration biaisé par le

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facteur social dans beaucoup de pays à faible revenu (Shore, sous presse).

Beaucoup de systèmes éducatifs novateurs se servant d'un ou plusieurs moyens de communication présentent encore un autre danger: ils offrent au plus grand nombre un accès nominal au savoir (en écoutant la radio ou en regardant la télévision), mais ils ne fournissent pas les ressources et aides didactiques auxiliaires nécessaires pour garantir le maintien des élèves dans le système. Beaucoup de gouvernements sont favorables à ces solutions car, à un coût relativement faible et en ne diffusant qu'un seul message par les ondes, ils peuvent faire l'apologie d'une politique d'ouver­ture des facilités scolaires à un grand nombre d'élèves sans assurer que tous termineront leurs études. S c h r a m m (1977) et Perraton (sous presse) ont essayé d'estimer le déchet de divers systèmes de télé-enseignement, mais leur estimation est difficile à généraliser. Bien qu'une expérience de télévision spéciale au Niger ait révélé un fort taux de rétention pour ses quatre premières années (Silver­m a n 1976), il n'existe pour aucun autre projet de preuve convain­cante qu'un enseignement fondé sur les media réussisse mieux à lui seul à empêcher les abandons que les systèmes traditionnels. E n outre, une longue expérience de la télévision scolaire indique que la fascination qu'exerce ce m o y e n s'émousse vite à moins qu'on ne trouve d'autres facteurs (tel un bon programme) pour continuer de susciter l'intérêt des élèves.

La délivrance d'un certificat est aussi un aspect important des moyens éducatifs. Les directeurs de beaucoup de projets de tech­nologie éducative formelle et non formelle ont souvent à se battre pour procurer des diplômes officiels à leurs élèves. C'est vrai pour Radio Santa Maria, mais aussi pour Telesecundaria au Mexique. Le certificat supprimé pour un temps, c o m m e cela a été le cas pour un cours de préparation à l'enseignement par la radio au Kenya, et le programme perd la plupart de ses étudiants, et ce, jusqu'à ce que le certificat soit rétabli (Perraton, sous presse). Et m ê m e avec la garantie de la délivrance d'un certificat, il existe toujours un doute que ce titre ne soit considéré c o m m e de valeur moindre par rapport à un diplôme d'une école traditionnelle. Les diplômes de Telesecundaria au Mexique semblent accéder aux niveaux d'enseignement supérieur sur un pied d'égalité avec les diplômes des établissements secondaires traditionnels. D e la m ê m e manière les diplômés de l 'ETV en El Salvador semblent

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faire aussi bien que leurs homologues des écoles ordinaires (Klees, Tijiboy et Wells, 1978). Mais il n'en reste pas moins que les planificateurs des systèmes de télé-enseignement et ceux qui utilisent les moyens de communication de masse dans le but d'élargir les facilités d'éducation doivent absolument examiner très soigneusement la valeur du titre que confèrent ces études, et pour l'entrée dans l'enseignement supérieur et sur le marché du travail.

Dans quelle mesure, par ailleurs, les participants à un système éducatif fondé sur les media sont-ils capables d'utiliser l'instruc­tion qu'ils ont reçue dans leur futur emploi? Il faut absolument distinguer à ce niveau entre éducation formelle et éducation non formelle, car les objectifs des deux systèmes sont souvent très différents. D a n s la plupart des projets d'éducation formelle, on suppose qu'avoir un diplôme aidera à trouver un emploi, mais cet objectif à long terme est souvent éclipsé par les objectifs à plus court terme d'un meilleur niveau de connaissances, d'un usage plus efficace- des ressources ou de taux de rétention plus élevés. Le programme nicaraguayen de Mathématiques par la radio ne faisait aucune mention explicite de la valeur à long terme de son certificat d'études primaires pour obtenir un emploi. Les planifica­teurs de Radio Santa Maria semblent par contre être tout à fait conscients de la valeur des diplômes délivrés par leur système et largement motivés par le désir d'aider leurs étudiants à trouver de meilleurs emplois. Aucune étude n'a cependant été entreprise pour vérifier si ces diplômes les aident effectivement dans leurs recherches.

Dans beaucoup de projets d'éducation non formelle aucun cer­tificat n'est délivré et le savoir acquis est davantage censé servir à améliorer dans l'immédiat le bien-être des participants. Pourtant, m ê m e si la technologie peut ouvrir la porte à cet élargissement des connaissances utiles ( c o m m e nous l'avons vu dans plusieurs cas), elle ne garantit pas nécessairement que ces connaissances pourront être appliquées ou le seront effectivement. La campagne sanitaire entreprise en 1973 en République-Unie de Tanzanie a effective­ment fait la preuve d'une application certaine des nouvelles con­naissances (750 000 nouvelles latrines ont été creusées) et l'on peut supposer qu'un bénéfice en a été retiré du point de vue de la santé. E n Côte-d'Ivoire un projet de télévision éducative pour adultes a toutefois connu des restrictions dans la mise en applica-

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tion des éléments appris, et cela pour une multitude de raisons (Etaix et Lenglet, 1977). Quant à White (1977), il n'a observé que des changements restreints dans les pratiques agricoles et sanitai­res du Honduras à la suite de l'écoute et de la discussion de programmes radiophoniques. Par contre au Guatemala ( A E D , 1978) la radio a aidé les petits fermiers qui ont adopté un nombre significativement plus grand d'innovations que les groupes de contrôle correspondants. Dans un autre cas — Nicaragua et Phi­lippines — des campagnes radiophoniques à base d'annonces brè­ves ont également eu une influence notable sur le savoir-faire et certains comportements dans les domaines de la nutrition et des soins à donner aux enfants (Cooke et R o m w e b e r , 1977). E n dépit de ces exemples encourageants, les projets à large échelle utilisant les media pour l'éducation non formelle donnent pour la plupart des résultats beaucoup moins nets. Q u e la technologie ait le pou­voir d'informer un grand nombre d'élèves potentiels, personne n'en doute. Mais ce qu'il faut analyser dans chaque cas, c'est si ces élèves continuent d'être attentifs au message, en apprennent quelque chose et peuvent en fin de compte en tirer parti avec quelque profit pour leur vie personnelle.

2. Amélioration de la qualité de l'enseignement et de l'instruction

U n grand nombre d'arguments sont souvent avancés sur la qualité de l'instruction fournie par les projets à base de media. L'efficacité pédagogique des moyens de communication de masse a été démontrée dans la présente monographie et dans de nombreuses autres études (Schramm, 1977, Jamison et M c A n a n y , 1978). La question n'est pas tellement de savoir si les différents types de moyens de communication de masse renferment un potentiel pédagogique, mais comment on peut s'en servir rentablement dans des contextes particuliers, compte tenu des contraintes budgétaires et bureaucratiques diverses. Essayons d'inventorier quelques-unes des conditions essentielles facilitant l'apprentissage avec les media.

Pour commencer , il est utile de distinguer entre les conditions exogènes et les conditions endogènes du cadre éducatif. Par con­ditions exogènes on entend celles qui ne sont pas sous le contrôle direct des éducateurs, parmi lesquelles le milieu socio-économique

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des élèves, leur classe, leur sexe, le niveau d'éducation de leurs parents, ainsi que les forces politiques et sociales qui effectent globalement le système scolaire. Les conditions endogènes, elles, sont davantage susceptibles d'un contrôle direct de la part des éducateurs et des planificateurs de l'éducation. Elles englobent le projet éducatif, l'aménagement des programmes, l'évaluation, la formation du personnel, l'administration, etc. Il existe encore d'autres conditions, mais qui sont difficiles à classer. L'une d'elles est la motivation. O n peut arguer du fait que des facteurs exté­rieurs tels l'état de santé, les besoins économiques de la famille, l'éloignement de l'école, etc., ont une influence décisive sur la motivation d'apprendre, mais l'on découvre que des programmes bien conçus (ceux qui dispensent une expérience éducative réussie par exemple) semblent contribuer à la motivation des élèves d'ap­prendre et de suivre le programme jusqu'au bout. O ù qu'elle se place, la motivation semble néanmoins représenter un facteur d'importance cruciale.

N o u s avons déjà noté certains des facteurs endogènes qui ont contribué au succès de l'entreprise éducative nicaraguayenne. Mais plusieurs autres facteurs, qu'on pourrait qualifier d'exogènes, n'ont pas été notés. L'équipe directrice du projet n'était par exemple pas du pays. Elle avait une grande expérience de la mise au point des programmes et de l'enseignement des mathématiques et bénéfi­ciait d'un budget indépendant et du soutien d'une grande agence d'aide bilatérale. Dans une large mesure la réussite de ce program­me-pilote d'enseignement des mathématiques est également ve­nue de la faculté des maîtres d'éviter les obstacles ayant miné ailleurs pareilles entreprises. Les enfants des classes expérimenta­les ont pu ainsi apprendre notablement plus que leurs condisciples des classes de contrôle. Mais aucun argument n'explique ces résul­tats impressionnants. Le test du modèle Mathématiques par la radio sera de voir si on peut 1'«exporter» avec les m ê m e s résul­tats. Parmi les circonstances spéciales qui conditionnent le succès d'un système au niveau national, il y a la volonté politique du pays et le degré auquel les m e m b r e s de sa bureaucratie scolaire nationale en comprennent tous les éléments constitutifs et sont d'accord pour les mettre en œ u v r e , ce dernier facteur dépendant à son tour de ce que cette innovation coûte à la bureaucratie, en fait d'autorité, de charge de travail, de statut. Autres facteurs impor­tants: un large accord des enseignants, la rallonge budgétaire

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nécessaire pour les coûts surajoutés et les capacités techniques pour produire et faire marcher un système national d'enseigne­ment par les media.

Des conditions et circonstances spéciales jettent également la lumière sur les raisons de la réussite de Radio Santa Maria et la qualité de son enseignement, et notamment le niveau de motiva­tion des élèves. Il se pourrait que dans l'avenir les élèves des m ê m e s zones rurales ne témoignent pas d'un intérêt aussi élevé, car, dans quelques années, les candidats les plus prometteurs auront déjà terminé le cycle et ceux qui restent seront peut-être moins doués ou moins susceptibles de tirer parti de ces facilités d'éducation. D e m ê m e , l'efficacité présente de l'organisation du projet vient, du moins en partie, du fait que Radio Santa Maria appartient à un petit groupe privé présentant une souplesse sans comparaison avec celle de la bureaucratie scolaire ordinaire. Enfin, le projet recrute beaucoup de ses moniteurs locaux parmi des groupes à forte motivation religieuse. La reprise de ce projet par un ministère national de l'éducation modifierait très certainement la motivation des enseignants (de m ê m e que les coûts) et donne­rait des résultats différents. Pourtant, des projets similaires, tel le Telesecundaria mexicain, ont réussi à donner de bons résultats à l'intérieur m ê m e de la structure d'un ministère national de l'édu­cation.

Ces exemples ne définissent pas complètement toutes les condi­tions qui peuvent contribuer à l'amélioration de l'éducation des élèves dans les projets se fondant sur les m o y e n s de communica­tion de masse. Ils illustrent cependant la nécessité de répertorier, dans chaque contexte, les conditions qui peuvent le mieux contri­buer à améliorer le niveau des connaissances ainsi que celles qui sont susceptibles de le ralentir ou de le bloquer.

3. Impact de la technologie sur les zones rurales

Le débat est ancien et à facettes multiples qui concerne les besoins des populations rurales et les meilleurs moyens de les satisfaire. Les planificateurs de l'éducation de beaucoup de nations ont eu récemment à élargir le c h a m p traditionnel de l'intérêt qu'ils por­taient aux systèmes scolaires formels à de vastes projets d'éduca­tion non formelle et d'éducation des adultes qui s'adressent à des publics massifs. D e plus en plus conscients qu'il faut améliorer la

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productivité agricole et rendre plus efficaces les services rendus aux populations rurales, les planificateurs de l'éducation se sont retrouvés confrontés aux problèmes d'initiation à l'agriculture, d'hygiène, de nutrition et de contrôle des naissances au m ê m e titre qu'à ceux, plus familiers, de l'alphabétisation (lecture, écritu­re, calcul). U n e enquête m e n é e dans un certain pays a révélé qu'en plus du Ministère de l'éducation plus de cinquante agences gouvernementales dispensaient un type quelconque d'éducation ou de formation aux populations rurales. La seule chose qui reste à faire aux planificateurs dans ces conditions, c'est d'essayer de coordonner toutes ces activités en un effort éducatif cohérent des populations.

La technologie des communications aux fins d'éducation des régions rurales a une histoire qui remonte à plus de trente ans dans de nombreux pays. A l'origine, la radio et les textes impri­m é s étaient utilisés de façon simple pour atteindre les populations rurales. Ces dernières années on a fait appel à la technologie pour atteindre divers objectifs d'information et d'éducation. Les quatre cas décrits dans le chapitre III sont tous axés en totalité ou en partie sur les campagnes. Le projet Mathématiques par la radio a été testé dans les régions rurales aussi bien qu'urbaines du Nica­ragua; Radio Santa Maria vise spécifiquement un auditoire rural; les campagnes tanzaniennes ont touché en majorité des publics ruraux; l'Inde a utilisé son satellite pour communiquer avec 2 400 villages des régions rurales. Et il existe encore bien d'autres e x e m ­ples de projets s'adressant d'abord aux campagnes : Telesecundaria au Mexique (Mayo et al., 1975); Radioprimaria (Spain, 1977) et la radio pour les populations indigènes de Tarahumara (Schmelkes de Sotelo, 1977); la télévision extra-scolaire en Côte-d'Ivoire (Len-glet, 1978); la Radio éducative au Sénégal (Cassirer, 1977); la radio scolaire au Honduras (White, 1977) et encore dans beaucoup d'autres pays.

Cette vaste expérience peut se résumer par les quatre buts principaux qu'elle a fixés à l'utilisation des moyens de c o m m u n i ­cation de masse: la mobilisation, l'information, l'éducation, et la coordination. Les monographies que nous avons étudiées illustrent à divers degrés chacune de ces fonctions. Les campagnes tanza­niennes sont un bon exemple de mobilisation; le SITE illustre parfaitement le souci d'informer les petits agriculteurs sur les pratiques modernes d'agriculture; les Mathématiques par la radio

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et Radio Santa Maria ont eu des buts éducatifs comparables, mais leur système illustre également combien est importante pour le résultat final la coordination d'un système complexe. Dans les paragraphes qui suivent, nous essayerons de donner quelques exemples supplémentaires de projets mis en œuvre principalement dans les régions rurales.

Mobilisation

La mobilisation se définit, entre autres, c o m m e le rassemblement d'un grand nombre de personnes dans le but de leur faire accom­plir un projet collectif. Les moyens de communication de masse semblent l'outil rêvé pour atteindre ce but et Ton y a fait appel fréquemment. La stratégie de mobilisation pose cependant un problème pour beaucoup de pays à faible revenu : celui des consé­quences politiques quand, dans les zones rurales sensibilisées où les inégalités sont les plus manifestes, les personnes mobilisées dans un dessein quelconque commencent à acquérir la force vive pouvant les porter vers d'autres. Ainsi les M E B (Mouvement pour l'éducation de base), radios éducatives brésiliennes fondés en 1961 et qui avaient acquis dans les trois premières années de leur existence un impact considérable, touchant plus de 100 000 cam­pesinos, ont-elles vu leur élan sapé à la base en 1964 par le coup d'état militaire à cause de leur «coloration» politique (DeKadt, 1970). D e m ê m e le Honduras s'est servi de la radio pour faire passer certains principes de pédologie de Paolo Freiré, mais il n'a pas réussi, au m o m e n t crucial, à traduire cet enseignement en action sociale (White, 1977). Le Sénégal a également inauguré des émissions de radio pour les paysans avec un système de « courrier des auditeurs» permettant à ceux-ci de faire part de leurs problè­m e s aux responsables gouvernementaux. Malgré l'impact politique indéniable de cette action, la mobilisation des populations rurales et leur intérêt se sont cependant bientôt relâchés (Moulton, 1977; Cruise-O'Brien, 1975). U n groupe privé de Côte-d'Ivoire a aussi adopté une méthode française dite d'Animation rurale pour mobi­liser les populations rurales et les aider à résoudre leurs propres problèmes, mais a été contraint par le gouvernement de laisser tomber l'entreprise (Elliott, 1974). Ces exemples soulignent que la mobilisation n'implique pas seulement un apprentissage, mais éga­lement l'application active des connaissances acquises dans le domaine social et politique.

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Il ne peut être nié que les moyens de communication de masse ont la capacité d'atteindre des audiences larges au sein du m o n d e rural ; mais ils font aussi courir le risque de sensibiliser les gens à des problèmes qu'ils ne leur donnent pas les moyens de résoudre. Beaucoup de problèmes découlent en effet de l'inégalité de la répartition des richesses et du pouvoir dans la société, et ceux qui en profitent voient une menace dans cette éducation qui «con-scientise» les populations et réagissent donc contre elle. L'expé­rience des cas cités autorise à poser deux conditions à l'utilisation des media c o m m e m o y e n de mobilisation des campagnes. La première est une base de pouvoir politique sûre laissant la liberté d'action dans la réalisation des objectifs visés. Si le gouvernement appuie cette mobilisation, c o m m e cela a été le cas en République-Unie de Tanzanie, cette condition est remplie; mais si l'initiative en revient à un groupe non gouvernemental et si la mobilisation a des chances de bouleverser à un degré plus ou moins grand la situation rurale établie, la réaction hostile est presque inévitable et une base puissante est nécessaire à ce m o u v e m e n t pour survivre. La deuxième condition est que les media ne constituent qu'une partie de l'effort de mobilisation et que l'organisation du peuple suive c o m m e condition déterminante de la réussite. E n d'autres termes les media seuls sont rarement et m ê m e jamais suffisants c o m m e agents de mobilisation.

Information O n discute beaucoup en éducation de la distinction à marquer entre éducation formelle et éducation non formelle et également de ce qui est éducation et de ce qui est simplement information. C'est un problème important dans les domaines où communica­tion et éducation empiètent l'une sur l'autre attendu que les moyens de la communication de masse sont souvent rejetés par les éducateurs traditionnels parce que simples supports d'informa­tion. Il peut être justifié de se poser la question de savoir si, quand il écoute une émission quotidienne sur la manière de per­fectionner ses techniques de culture, un fermier participe effective­ment ou non à une expérience éducative. Indifféremment du fait que l'on considère cet apprentissage c o m m e différent, en niveau ou en nature, d'un cours d'agronomie dans une école d'agricultu­re, les éducateurs sont bien de plus en plus amenés à aider les populations rurales à apprendre un nombre important de notions

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et de compétences nouvelles dans un cadre extérieur à la salle de classe familière '.

Beaucoup de programmes ruraux à base de technologie ensei­gnent aux gens des choses qui sont directement applicables dans leur vie de tous les jours. C'est le cas du SITE dont nous avons discuté plus haut, pour les fermiers. D e la m ê m e manière, le projet guatémaltèque de l'Éducation villageoise ( A E D , 1978) dis­pense par la radio des informations agricoles soigneusement prépa­rées à l'intention des fermiers. O n peut trouver d'autres exemples dans les campagnes de nutrition et d'hygiène lancées aux Philip­pines et au Nicaragua pour enseigner aux mères de très jeunes enfants à améliorer leurs habitudes de nourriture et d'hygiène (Cooke et R o m w e b e r , 1977). Dans tous ces exemples la pratique est la m ê m e : on emploie la radio ou la télévision pour inculquer sur une base régulière certaines notions simples applicables dans les pratiques quotidiennes.

O n peut peut-être marquer une distinction utile entre les infor­mations fournies, qui peuvent être d'application immédiate ou à plus long terme. E n agriculture, santé, nutrition, contrôle des naissances, etc., le critère d'évaluation d'une campagne d'informa­tion n'est pas de savoir si les auditeurs ont écouté et appris (bien que ce soient des conditions nécessaires), mais bien s'ils sont capables d'appliquer dans une certaine mesure les connaissances acquises. Les planificateurs de l'éducation qui sont accoutumés à mesurer l'apprentissage en termes de résultat final de la plupart des projets doivent repenser certains des critères d'évaluation de l'enseignement formel pour ne voir dans l'apprentissage cognitif qu'une étape d'un processus plus complexe.

Si les media ne sont pas arrivés à satisfaire les espoirs mis en eux par les planificateurs pour aider les ruraux à améliorer leur niveau de vie, il faut que ces planificateurs soient prêts à examiner non seulement comment ces media ont été utilisés, mais aussi

1. Les opinions sont loin de s'accorder sur le rôle de l'information dans le déve­loppement rural, notamment dans le domaine de l'agriculture et de l'hygiène, et sur l'influence intermédiaire de l'éducation. Pour avoir un point de vue opti­miste, voir Lockheed, Jamison et Lau (sous presse), et pour un point de vue pessimiste, voir les chapitres de M c A n a n y (dir. publ.) : Communication in the Third World. The role of information in development, N e w York, Praeger, sous presse.

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quels obstacles dans l'environnement ont empêché les «appre­nants» d'appliquer l'information. L'information en soi n'est pas suffisante pour garantir la mise en œuvre des nouvelles connais­sances. Cette mise en œuvre demande fréquemment des ressour­ces complémentaires (outils, crédits, m ê m e davantage de temps) dont ne disposent pas les populations pauvres des campagnes. Il se peut aussi que les messages ne soient pas compris des auditeurs ruraux car ils transmettent souvent les idées des éducateurs et des producteurs d'émissions des villes qui ne comprennent pas tou­jours la mentalité et les besoins quotidiens des gens des campa­gnes. Enfin, m ê m e si les messages sont pertinents et applicables sans autres ressources, il se peut qu'ils n'atteignent encore pas les populations rurales les plus pauvres pour la simple raison que pour elles, m ê m e un poste de radio est encore trop cher (Beltran, 1974; Shore, sous presse).

Le rôle que joue l'information dans le développement rural est indubitablement important et il n'est pas dans notre intention de jeter le doute là-dessus, mais plutôt de montrer que la tâche assignée aux media pour surmonter les obstacles est une tâche formidable. Lorsque les conditions sont favorables, c o m m e nous l'avons vu dans plusieurs de nos monographies, leur impact peut atteindre un large auditoire en zones rurales. Mais encore une fois, c o m m e nous l'avons déjà fait remarquer pour la mobilisation, cet impact n'est pas dû aux seuls media mais plutôt aux moyens humains et matériels mis en œuvre pour les soutenir.

Éducation Les moyens de communication de masse servent depuis de n o m ­breuses années pour cette tâche plus traditionnelle d'éducation que constituent l'enseignement de la lecture, de l'écriture, du calcul et les autres aptitudes cognitives spécialisées. Radio Santa Maria illustre un emploi réussi de la radio pour apporter aux populations rurales une instruction là où rien d'autre n'existait auparavant, mais elle illustre également les contradictions que renferme l'éducation rurale. N o u s avons vu d'après l'étude de White (1976) que les classes de télé-enseignement constituaient un système d'instruction efficace et relativement bon marché pour près de 20 000 élèves du primaire chaque année. Mais ce qui est également clair, c'est que beaucoup de ces élèves, une fois leur diplôme en poche, prévoient d'émigrer vers les zones urbaines

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pour trouver un emploi. Le résultat net de cette bonne éducation est ainsi de soutirer aux campagnes leurs meilleures ressources humaines locales et de les laisser encore plus pauvres qu'aupara­vant. La m ê m e observation a été faite pour deux études réalisées au Mexique où les media avaient aidé à éduquer la jeunesse rurale (Mayo et al, 1975; Schmelkes de Sotelo, 1977). C e que montrent ces expériences, c'est que l'éducation, qu'elle se serve ou non des moyens de communication de masse, ne peut pas à elle seule résoudre les problèmes les plus pressants des zones rurales.

Pour les adultes sédentarisés dans les campagnes et ayant moins le désir d'émigrer vers les villes, on note par contre un besoin d'instruction dans les domaines cognitifs (lecture, écriture, calcul). Le dossier de l'usage de la technologie en éducation rurale n'a pas été constitué d'hier et l'on s'intéresse plus que jamais à l'éduca­tion non formelle des adultes (pour la longue histoire du rôle de la radio dans ce domaine, voir M c A n a n y , 1973; Spain, Jamison et M c A n a n y , 1977; Jamison et M c A n a n y , 1978). Peut-être le meil­leur m o y e n de résumer à la fois les succès et les problèmes des moyens de communication de masse pour l'éducation des adultes ruraux est-il d'en analyser brièvement un exemple important, à savoir le système latino-américain de radio éducative.

Lancé en 1947 avec un seul petit émetteur de radio à Sutatenza, en Colombie, par un curé désireux de toucher ses paroissiens très éparpillés, ce système a fini par regrouper entre trente et quarante projets d'éducation différents dans presque tous les pays d'Améri­que latine. Le réseau a été organisé en consortium international (l'Association des écoles radiophoniques d'Amérique latine) et assure la formation et l'assistance technique et de recherche des groupes qui en sont membres. Ces écoles radiophoniques sont presque entièrement axées sur des auditoires ruraux et diffusent souvent dans les dialectes locaux en plus de l'espagnol et du portugais. Les chiffres d'écoute sont estimés à plusieurs millions cependant que les groupes d'enseignement organisés qui se réunis­sent régulièrement étaient évalués en 1973 à quelque 250 000 ( M c A n a n y , 1973). Les matières étudiées varient largement d'une école à l'autre, mais l'alphabétisation (lecture, écriture, calcul) constitue le tronc c o m m u n traditionnel de la plupart des program­mes . Il n'existe malheureusement pas beaucoup de données d'éva­luation, malgré l'énorme bibliographie réunie sur ces écoles, celle-ci n'étant pas souvent facilement accessible (voir Beltran et al.,

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1978 pour une bibliographie utile). L'Association internationale ' est actuellement en train d'effectuer une étude à large échelle sur ces écoles, qui devrait éclairer sous un jour plus net les différents modèles qui sous-tendent les projets ainsi que les problèmes c o m ­m u n s auxquels ils sont confrontés.

U n résumé des forces et faiblesses des écoles radiophoniques peut être utile pour illustrer la puissance potentielle des media dans l'éducation des adultes ruraux. Mais il ne faut pas perdre de vue que ce résumé ne peut être que très superficiel et ne pas faire justice à la richesse d'expériences que démontrent tant de projets différents.

Parmi les points forts de la radio éducative, on peut citer: son orientation rurale, ses principes actifs d'apprentissage, son organi­sation locale et la crédibilité de ses initiateurs. E n Amérique latine la radio éducative s'est toujours adressée exclusivement au campe­sino et les programmes correspondants ont toujours eu une orien­tation rurale permettant de les adapter à un ensemble spécifique de besoins et rendant leur aménagement plus facile. Ces écoles pratiquent également depuis toujours les principes pédagogiques de la participation active et de la discussion. Tout en encourageant l'apprentissage, les moniteurs des groupes locaux sont m e m b r e s des m ê m e s communautés que les «apprenants». Les discussions encouragent les m e m b r e s à participer à des activités c o m m u n a u ­taires souvent plus larges que celles où est engagée l'école radio-phonique dans le m ê m e temps. L'Église catholique qui patronne ces écoles ayant un large réseau de paroisses dans les régions rurales, on a souvent pu intégrer les écoles dans des structures locales déjà existantes. Enfin, la nature privée de ces écoles leur permet d'échapper à l'identification avec le gouvernement et m ê m e de s'opposer parfois aux politiques gouvernementales lors­que celles-ci vont à rencontre des intérêts des populations rura­les.

Ces écoles radiophoniques rencontrent, bien entendu, des pro­blèmes qui peuvent se résumer sous les têtes de chapitres suivan-

1. Patronnée par l'Association latino-américaine des écoles radiophoniques ( A L E R ) dont le siège se trouve à Buenos Aires, et financée en partie par le gouverne­ment canadien, cette étude comportera un descriptif des diverses écoles, une liste des modèles d'organisation régissant les quelque trente filiales et des recommandations visant à améliorer l'efficacité de leur fonctionnement.

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tes: prédominance trop grande de l'alphabétisation, concurrence des programmes gouvernementaux, mauvaises planification et gestion internes, insécurité politique, et m a n q u e de participation des éléments ruraux. C o m m e tous les autres systèmes d'éducation dans le tiers m o n d e rural, les écoles radiophoniques ne sont pas très sûres d'elles quant à la manière de traiter l'alphabétisme. Pendant de nombreuses années l'alphabétisation a été le but étroit et dominant, puis elle a été en partie abandonnée c o m m e inadap­tée ; maintenant elle semble revenir en force. Mais les écoles n'ont toujours pas décidé de la meilleure manière d'en faire un outil pour les adultes ruraux demeurant dans les régions rurales. Dans certaines régions également les écoles radiophoniques se trouvent en concurrence ou en chevauchement partiel avec des program­m e s éducatifs gouvernementaux et ne trouvent pas de service unique à rendre. Cette dualité, jointe aux problèmes de sécurité que pose la reconduction de leurs autorisations d'exploitation des stations de radio si elles s'opposent au gouvernement, rend leur existence assez précaire. Leurs budgets exigus ne leur permettent pas, en outre, d'embaucher des planificateurs et des administra­teurs compétents, d'où les carences dont elles souffrent dans ces domaines. Enfin, malgré des exceptions marquantes, ces écoles élaborent des programmes qui reflètent trop souvent des besoins définis davantage par les directeurs des projets que par les partici­pants e u x - m ê m e s .

La radio éducative constitue néanmoins un outil toujours vir­tuellement puissant pour dispenser l'éducation aux populations rurales grâce aux media et la nouvelle étude qu'en fait son Asso­ciation internationale devrait offrir matière à réflexion à d'autres pays que l'Amérique latine sur la manière d'exploiter au mieux les media aux fins d'éducation de leurs propres masses rurales.

Coordination Les services sociaux s'ouvrant à des publics ruraux toujours plus nombreux, il devient de plus en plus impératif de coordonner et d'organiser ces activités. L ' u n des arguments qu'on avance en faveur de l'utilisation des media en éducation rurale est qu'ils permettent mieux que tout autre m o y e n de toucher les groupes isolés. Santa Maria, Telesecundaria et la Télévision rurale de Côte-d'Ivoire étaient toutes destinées à transmettre à des auditoires neufs des enseignements utiles et des messages d'information.

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Problèmes critiques posés par la planification des media aux fins d'éducation

Mais, c o m m e nous l'avons vu, la simple transmission de ces messages ne fournit pas le type d'expérience nécessaire à l'acqui­sition des aptitudes cognitives ou à la transformation des attitudes correspondantes. A cette fin il faut souvent, c o m m e nos monogra­phies l'ont illustré, tout un réseau d'agents, de moniteurs, d'ensei­gnants et d'inspecteurs sur le terrain.

Le nombre de ces agents sur place allant s'élargissant avec le développement des services ruraux, il faut également pouvoir communiquer davantage pour coordonner ces activités. Là , les moyens ne concernent plus seulement les simples aspects maté­riels de la communication (radio-récepteurs, radio-émetteurs-récepteurs, téléphones etc.), ils exigent aussi une analyse de la structure humaine de communication au sein de l'organisation. Le besoin d'information en retour ou de communication dans les deux sens est évident pour les organismes éducatifs; pourtant le m a n q u e de mise en pratique venant en renfort de ce principe indique de sérieux problèmes d'exécution. Le cas du projet nicara­guayen de "Mathématiques par la radio illustre bien c o m m e n t une évaluation formative soigneuse, entraînant des adaptations fré­quentes des notions inculquées aux élèves, a contribué à l'élabo­ration finale d'un programme donnant des résultats extrêmement positifs. Radio Santa Maria a mis en place également un système de rapports hebdomadaires très efficace (à la fois des enseignants itinérants devant les élèves et des enseignants au quartier général), un service efficace d'envoi des feuillets de travail aux maîtres, puis aux élèves, et également une méthode de collecte partielle des droits d'inscription des élèves qui a fourni un fonds de roule­ment à toute l'organisation. Le système SITE était beaucoup plus compliqué et exigeait un personnel et un équipement beaucoup plus importants, mais un retour d'information était également institué pour évaluer les programmes de télévision et les besoins administratifs sur place (tel l'entretien des récepteurs) de manière à maintenir en contact les 2 400 villages dispersés et les organes au niveau central et régional. E n fait, si le SITE a servi à d é m o n ­trer quelque chose, outre les aspects techniques de l'emploi d'un satellite de télévision, c'est c o m m e n t était géré et coordonné un système se servant de ce m o d e de communication. La Républi­que-Unie de Tanzanie a également fait preuve de coordination en matière de planification en faisant collaborer ensemble des orga­nismes d'éducation, de communication de masse et de santé, ainsi

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Moyens de communication de masse et éducation dans les pays à faible revenu : répercussions sur la planification

qu'un parti politique, le T A N U , à l'organisation de la campagne sanitaire de 1973.

Quel a été ou pourrait être le rôle des moyens de communica­tion de masse dans le domaine de l'éducation rurale ? U n e analyse des besoins généraux de communication peut aider à replacer les problèmes sous un jour plus clair. La communication de masse (radio, télévision, presse) se fait généralement dans un seul sens, mais on c o m m e n c e à discuter, c o m m e facteur important du déve­loppement rural, d'une communication dans les deux sens par téléphone, ou émissions de radio en duplex (Parker, 1977). Bien qu'on n'ait encore que des données empiriques réduites sur les coûts et bénéfices de ce genre de systèmes, la possibilité de c o m ­munication par d'autres agences que le Ministère de l'éducation pourrait valoir le prix payé pour la coordination des services d'éducation dans une région donnée, et notamment pour les populations rurales.

4. Participation des populations à leur propre éducation

C'est dans le domaine de la participation que nous devons émettre le plus de doutes généraux sur le rôle des moyens de c o m m u n i ­cation de masse en éducation. Globalement, l'usage de la techno­logie en éducation tendrait plutôt à une centralisation, et donc à restreindre la maîtrise que les gens peuvent avoir de leur propre éducation. Les media semblent renforcer cette tendance générale des sociétés à la centralisation, à la bureaucratie et au gigantisme. Avec la croissance des systèmes scolaires se développe aussi une tendance au contrôle, à la centralisation et à la spécialisation, tous phénomènes qui rendent plus ardu pour les gens de maîtriser leur propre éducation et celle de leurs enfants. Cette tendance se manifeste à un degré ou à un autre dans tous les cas que nous avons étudiés. Elle est peut-être plus évidente avec le SITE en dépit des efforts de réalisation de programmes reflétant davantage les intérêts et les besoins locaux. Il est certain qu'une analyse plus fine de la participation serait nécessaire et qu'il faudrait envisager une technologie à échelle plus réduite permettant davantage de contrôle et de participation au niveau local (voir à ce propos, O'Sullivan et Kaplun, sous presse).

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Problèmes critiques posés par la planification des media aux fins d'éducation

U n certain nombre d'auteurs se sont penchés ces dernières années sur le degré de participation des populations à la technolo­gie de communication utilisée en éducation (Evans, 1976; H u d ­son, 1977; Jouet, 1977 et 1979; Kreimer, 1975). Cette participa­tion peut couvrir toute la g a m m e des possibilités depuis le simple engagement dans une activité éducative grâce à un moyen quel­conque, tel la radio ( c o m m e nous l'avons vu en République-Unie de Tanzanie avec la participation active des membres des groupes d'étude), jusqu'à la possession par un groupe local des moyens de production lui permettant de faire parvenir des messages à l'adres­se de son propre peuple (Hudson, 1977, cite à cet égard une station de radio communautaire dans des villages inuit [esqui­maux] du nord du Canada). Entre ces deux extrêmes, il existe toute un série d'intermédiaires possibles parmi lesquels : la répon­se active du public aux messages transmis ( c o m m e nous l'avons vu pour les Mathématiques par la radio et Radio Santa Maria); les systèmes de réinjection de l'information (feed-back) pour l'élabo­ration des .messages (Mathématiques par la radio; SITE); les actions prévisionnelles de feed-forward (Evans parle d'un cas en Equateur, mais il y a eu des expériences similaires au Niger et au Sénégal); l'élaboration par des non-professionnels locaux de leurs propres programmes, dans leur propre langue et leur propre style culturel (cas de plusieurs radio éducatives); la possession et le contrôle par une communauté de sa propre station de radio ou télévision.

Ces quelques exemples de participation nous montrent cepen­dant que de deux choses l'une : ou bien les communautés locales reprennent à leur compte les moyens les moins complexes et les moins coûteux, mais elles se retrouvent rapidement isolées à moins de ne partager véritablement le pouvoir dans le système éducatif; ou bien on adapte partiellement aux besoins et intérêts locaux des technologies plus vastes et plus complexes tels la radio, la télévision, le film, mais immédiatement les contraintes surgis­sent de rentabiliser le système en l'ouvrant à des publics plus larges. La technologie devenant meilleur marché, les groupes locaux qui la possèdent et sont capables de l'utiliser peuvent progressivement exercer sur elle un plus grand contrôle, mais nous s o m m e s néanmoins obligés de conclure ce chapitre sur un avertissement. Des technologies nouvelles viennent constamment remplacer les anciennes, moins chères, dès que ces dernières tou-

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chent un public relativement large. C'est ainsi que dans certains endroits où la couleur a détrôné le noir et le blanc, il devient m ê m e difficile d'acheter un téléviseur noir et blanc. Générale­ment, la technologie de la communication renforce aussi les ten­dances dominantes de la société. Si leurs tendances sont à la centralisation et au contrôle, les media sont également exploités dans ce sens, que ce soit pour l'éducation ou les loisirs. C e que nous avons cherché à montrer, c'est que cette technologie repré­sente un potentiel d'aide pour servir les intérêts des communautés locales, mais que son usage répandu dépend plus de la philosophie de l'éducation et des politiques qui règlent son usage que des matériels et du financement disponibles.

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V . Conclusions et recommandations

Le présent chapitre n'entre pas dans le détail mais vise brièvement à souligner certains faits saillants. Les références indiquées dans le texte fourniront aux planificateurs une bonne base pour s'informer plus avant sur une série de questions de planification importantes.

1. Conclusions

1. Les moyens de communication de masse peuvent servir à atteindre de nombreux objectifs éducatifs dans les contextes variés des pays à faible revenu.

2. Ces objectifs comportent: a) L'amélioration de la qualité de l'enseignement et des con­

naissances apprises; b) L'élargissement des facilités d'éducation à des publics anté­

rieurement négligés; c) La mobilisation de larges masses de population en faveur de

campagnes données; d) L'amélioration des pratiques d'hygiène, de culture et de

nutrition par une information et une éducation meilleu­res;

e) L'amélioration de l'organisation et de l'administration par une meilleure communication, dans un seul sens ou dans les deux sens;

f) L'augmentation de la participation des populations à leur propre éducation et à leur propre développement.

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Moyens de communication de masse et éducation dans les pays à faible revenu : répercussions sur la planification

3. Les contraintes qu'imposent ces contextes différents expliquent qu'il n'est pas toujours possible de réaliser toutes les potentiali­tés des différents moyens de communication de masse. Ces contraintes peuvent être de nature intérieure ou extérieure, technique ou politique. Beaucoup sont également étroitement liées à la technologie elle-même, et à examiner spécialement avant de décider si l'on adopte ou non cette technologie. Aussi la tendance à la centralisation de beaucoup de projets d'éduca­tion à base de media rend-elle la participation plus difficile et ne peut-elle être surmontée que par une planification soigneuse de la technologie choisie. D e m ê m e , la possibilité de toucher des publics très larges par un m o y e n de masse c o m m e la radio doit être coordonnée avec une stratégie matérielle et politique de transformation des régions rurales pour éviter que le simple emploi de cette technologie c o m m e canal d'information ne la transforme en moyen de propagande pour le gouvernement.

4. Toute une variété de media et de combinaisons de technologie et d'organisation humaine peuvent être adoptés pour atteindre les objectifs divers fixés dans les différents contextes natio­naux. C'est aux planificateurs de comprendre à la fois les avan­tages potentiels et les limites de ces moyens avant de planifier, mettre en œuvre et évaluer des projets qui emploieront au mieux ces ressources.

2. Recommandations

1. Les planificateurs doivent être particulièrement attentifs à l'ar­ticulation des objectifs à court terme et long terme de projets éducatifs se servant des moyens de communication de masse, notamment pour les programmes extra-scolaires dont les objec­tifs ne sont pas tant l'acquisition de connaissances en soi que l'application de ces connaissances afin d'améliorer les condi­tions de vie. Nous savons que dans certains cas l'usage des mass media peut faire évoluer les connaissances acquises, les motivations et m ê m e les comportements, mais fréquemment les évolutions à long terme, telles l'amélioration de la produc­tion agricole, une meilleure situation de l'emploi ou une réfor­m e éducative réelle ont du mal à suivre. Il faut que les plani­ficateurs comprennent que les media, convenablement utilisés, peuvent donner l'élan nécessaire pour un changement significa-

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Conclusions et recommandations

tif, mais qu'ils ne sont pas les causes directes de ce change­ment. Dans le système plus large des m o y e n s de la c o m m u n i ­cation de masse de la plupart des pays, la technologie aide à renforcer les valeurs déjà profondément enracinées dans la société, et donc, dans l'éducation aussi, la technologie tend à renforcer les valeurs existantes à moins qu'on ne se fixe expli­citement pour but une réforme de ces valeurs. Il faut que les planificateurs sachent avec réalisme ce qu'ils attendent de la communication, et pour cela connaissent parfaitement les pro­blèmes éducatifs et l'expérience d'autres projets ayant utilisé les media.

2. Les planificateurs doivent soigneusement examiner les besoins de personnel qualifié pour exploiter efficacement la technologie en éducation. L'absence de personnel qualifié ne fait pas que diminuer l'efficacité, elle peut aussi, à cause de l'embauche d'experts extérieurs, amener une situation de dépendance dans le domaine éducatif. U n personnel qualifié est nécessaire à divers niveaux: planificateurs au courant d'expériences anté­rieures grâce aux ouvrages accumulés de recherche et d'évalua­tion; administrateurs capables de traiter des problèmes c o m ­plexes de l'élaboration des programmes, de l'installation et de l'entretien des matériels, de l'implantation d'un réseau d'agents sur place; «projeteurs» capables de traduire en messages les intérêts et besoins des auditeurs; personnels de production capables de mettre ces messages en programmes artistiquement et techniquement appropriés; chercheurs qualifiés capables d'améliorer par une évaluation formative la qualité de l'adapta­tion à un public déterminé; techniciens capables d'organiser et d'entretenir les systèmes de production, de distribution et de réception. A ces niveaux, il semble que ce soit pour la concep­tion des messages, l'élaboration des programmes et l'évaluation formative qu'on ait le plus de mal à trouver des gens qualifiés, et pourtant ce sont ceux dont l'expérience passée démontre qu'ils sont les plus décisifs pour l'efficacité d'emploi des media.

3. U n e analyse économique soigneuse est nécessaire pour la bon­ne application des moyens de communication de masse dans l'éducation des pays à faible revenu. Il faut soulever les ques­tions non seulement de coût mais également de rentabilité avant de prendre les décisions d'investir. Les problèmes de

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rentabilité posent également des problèmes de coûts indirects et sociaux qui pèsent sur les objectifs de développement du pays et les valeurs sur lesquelles sont fondés ces objectifs (Gandy, 1975; Jamison, 1977; Jamison, Klees et Wells, 1978; Unesco, 1977; Unesco, sous presse).

4. Les planificateurs des pays où l'éducation tend à se décentrali­ser doivent essayer de valoriser les expériences basées sur l'em­ploi de moyens à plus petite échelle (cassettes et vidéocassettes, etc.) de manière à voir si ceux-ci aident les gens à participer plus activement à leur éducation ou au contraire les en e m p ê ­chent.

5. Les planificateurs de l'éducation doivent collaborer avec ceux qui gèrent les ressources nationales de communication de manière à faire le meilleur usage possible des réseaux natio­naux de radio et de télévision, de réception par satellite, de postes et télécommunications (téléphone), etc., dans toute la g a m m e des activités d'éducation et d'information s'inscrivant dans le cadre du développement national. Cette collaboration est essentielle pour la réussite d'importants projets d'éducation par les moyens de communication de masse alors que des actions de communication séparées, à but éducatif étroit, menées chacune par une bureaucratie unique, ne peuvent être que d'un coût prohibitif.

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Publications et documents de l'IIPE

Plus de quatre cents ouvrages sur la planification de l'éducation ont été publiés par l'Institut. Ils figurent dans un catalogue détaillé et à jour qui comprend rapports de recherches, études de cas, documents de séminaires, matériels didactiques, cahiers de l'IIPE et ouvrages de référence traitant des sujets suivants :

L'économie de l'éducation, coûts et financement.

Main-d'œuvre et emploi.

Études démographiques.

La carte scolaire, planification sous-nationale.

Administration et gestion.

Élaboration et évaluation des programmes scolaires.

Technologies éducatives.

Enseignement primaire, secondaire et supérieur.

Formation professionnelle et enseignement technique.

Enseignement non formel et extrascolaire; enseignement des adultes et enseigne­ment rural.

Pour obtenir le catalogue, s'adresser à l'IIPE.

L'Institut international de planification de l'éducation

L'Institut international de planification de l'éducation (IIPE) est un centre international, créé par l'Unesco en 1963, pour la formation et la recherche dans le domaine de la planification de l'éducation. Le financement de l'Institut est assuré par l'Unesco et les contributions volontaires des États membres.

L'Institut a pour but de contribuer au développement de l'éducation à travers le m o n d e par l'accroissement aussi bien des connaissances que du nombre d'experts compétents en matière de planification de l'éducation. Pour atteindre ce but, l'Institut apporte sa collaboration aux organisations dans les États membres qui s'intéressent à cet aspect de la formation et de la recherche. Le Conseil d'administration de l'IIPE, qui donne son accord au programme et au budget de l'Institut, se compose de huit membres élus et de quatre membres désignés par l'Organisation des Nations Unies et certains de ses instituts et agences spécialisées.

Président Torsten Husén (Suède), professeur de pédagogie et directeur de l'Institut d'études des problèmes internationaux dans le domai­ne de l'éducation à l'Université de Stockholm

Membres Samir A m i n , Directeur, Institut africain pour le développement désignés et la planification économiques, Dakar

P . N . Dhar, sous-secrétaire général pour la recherche et l'analy­se, Département des affaires économiques et sociales internatio­nales, Nations Unies T . Fülöp, Directeur, Division du développement des personnels de santé, Organisation mondiale de la santé ( O M S ) Aklilu Habte, directeur, Département de l'éducation à la Ban­que internationale pour la reconstruction et le développement

Candido Mendes de Almeida (Brésil), directeur, président de la Fondation Sociedade Brasileira de Instruçao, Rio de Janeiro. Jean-Claude Eicher (France), directeur de l'Institut de recherche sur l'économie de l'éducation, Université de Dijon M o h y El Dine Saber (Soudan), directeur de l'Organisation arabe pour l'éducation, la culture et la science ( A L E C S O ) Michael Kinunda (République-Unie de Tanzanie), «Commissio­ner for National Education», Ministère de l'éducation Waldo S. Perfecto (Philippines), parlementaire et m e m b r e du Comité sur l'éducation et la culture, la science et la technolo­gie, l'information et la planification nationale Jan Szczepanski (Pologne), vice-président, Académie des scien­ces de Pologne, Varsovie Victor Urquidi (Mexique), Président, El Colegio de Mexico, Mexique

Pour obtenir des renseignements sur l'Institut et sur ses publications, s'adresser à : M . le Directeur, Institut international de planification de l'éducation, 7-9, rue Eugène-Delacroix, 75016 Paris

Membres élus