Principe et réalisation pratique de l’éducation thérapeutique du patient (ETP)

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Revue du rhumatisme monographies 80 (2013) 146–151 Disponible en ligne sur www.sciencedirect.com Principe et réalisation pratique de l’éducation thérapeutique du patient (ETP) Principle and practical implementation of the Therapeutic Patient Education (TPE) Laurent Grange a,, Benoit Allenet b a Pôle locomotion rééducation et physiologie, clinique universitaire de rhumatologie, hôpital Sud CS 90338, CHU de Grenoble, 38434 Echirolles cedex, France b Département de pharmacie, UJF-Grenoble 1, CNRS, TIMC-IMAG UMR 5525, Themas, CHU de Grenoble, 38041 Grenoble, France i n f o a r t i c l e Historique de l’article : Accepté le 23 avril 2013 Disponible sur Internet le 30 mai 2013 Mots clés : Législation Éducation thérapeutique du patient Loi HPST ARS Autorisation des programmes r é s u m é L’éducation thérapeutique du patient fait partie intégrante de la prise en charge médicale des pathologies chroniques dans le champ de la rhumatologie. L’éducation thérapeutique du patient (ETP) se structure depuis quelques années, notamment en France, sous la forme de différents textes législatifs, notam- ment la loi Hôpital Patient Santé Territoires (HPST) qui a posé les véritables fondations solides de ce concept. Pour pourvoir fonctionner, un programme d’ETP doit respecter un certain nombre de conditions et, notamment être autorisé par les Agences régionales de santé (ARS). Le programme d’ETP doit respecter quatre étapes définies par la Haute Autorité de santé (HAS) : le diagnostic éducatif, l’élaboration d’un pro- gramme personnalisé, la réalisation du programme et l’évaluation. La prise en charge éducative doit faire partie intégrante du parcours de soins du patient. Un programme d’ETP doit théoriquement s’attacher à agir sur trois niveaux : l’information, le savoir-être et le savoir-faire, afin de changer le comportement du patient dans le but d’améliorer son observance, son état de santé et donc sa qualité de vie. L’ETP occupe une place forte en France et à ce titre fait partie intégrante des critères d’accréditation des établissements de santé. La rhumatologie franc ¸ aise est fortement présente dans cette démarche nationale (sixième rang des autorisations de programme d’ETP). L’enjeu futur est clairement le financement avec, notamment, la possibilité de développer une offre d’ETP au plus proche des patients notamment en ville. © 2013 Publi ´ e par Elsevier Masson SAS pour la Société française de rhumatologie. Keywords: Legislation Therapeutic patient education Law HPST ARS Authorization of programs Practical a b s t r a c t The Therapeutic Patient Education (PE) is an integral part of the medical management of chronic diseases in the field of Rheumatology. TPE has been structured during the recent years, particularly in France in the form of various laws, including the Law HPST who put real solid foundations of this concept. To be implemented, a therapeutic patient education program must meet a number of conditions, in particular, to be authorized by the Regional Health Agency (ARS). The TPE program must meet four steps defined by the National Health Authority (HAS), (the educational diagnosis, development of a personalized pro- gram, implementation of the program, and evaluation). Management of education must be an integral part of the course of patient care. TPE program should theoretically aim acting to act on three levels: information, coping and know-how to change patient’s behaviour in order to improve adherence, health status and therefore, his quality of life. TPE has a stronghold in France, and as such, it is part of the criteria for accreditation of healthcare facilities. The French rheumatology is well represented in this national approach (rank 6 in authorized programs). In the future, challenge is clearly the financing including the ability to develop an offer of TPE close to the patient’s places of residence. © 2013 Published by Elsevier Masson SAS on behalf of the Société française de rhumatologie. Le concept d’éducation thérapeutique du patient (ETP) est apparu il y a plus de 40 ans aux États-Unis [1,2], en Suisse puis en France. En 1972, Leona Miller a pu montrer l’effet d’une éduca- tion du malade diabétique [3]. Elle a développé auprès de patients Auteur correspondant. Adresse e-mail : [email protected] (L. Grange). diabétiques issus de milieux défavorisés de Los Angeles, une péda- gogie thérapeutique qui leur a permis de gagner en autonomie sans consommer plus de médicaments. Depuis une quinzaine d’année, le concept d’ETP se structure, notamment en France sous la forme de différents textes qui ont posé les fondations de ce concept. Parmi les plus significatives, paraît en 1998 le rapport de l’Organisation mondiale de la santé (OMS) [4] Europe : « Therapeutic Patient Education ». Par la suite, la mise en place d’un 1878-6227/$ see front matter © 2013 Publi ´ e par Elsevier Masson SAS pour la Société française de rhumatologie. http://dx.doi.org/10.1016/j.monrhu.2013.04.009

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Pôle locomotion rééducation et physiologie, clinique universitaire de rhumatologie, hôpital Sud CS 90338, CHU de Grenoble, 38434 Echirolles cedex, FranceDépartement de pharmacie, UJF-Grenoble 1, CNRS, TIMC-IMAG UMR 5525, Themas, CHU de Grenoble, 38041 Grenoble, France

i n f o a r t i c l e

istorique de l’article :ccepté le 23 avril 2013isponible sur Internet le 30 mai 2013

ots clés :égislationducation thérapeutique du patientoi HPSTRSutorisation des programmes

r é s u m é

L’éducation thérapeutique du patient fait partie intégrante de la prise en charge médicale des pathologieschroniques dans le champ de la rhumatologie. L’éducation thérapeutique du patient (ETP) se structuredepuis quelques années, notamment en France, sous la forme de différents textes législatifs, notam-ment la loi Hôpital Patient Santé Territoires (HPST) qui a posé les véritables fondations solides de ceconcept. Pour pourvoir fonctionner, un programme d’ETP doit respecter un certain nombre de conditionset, notamment être autorisé par les Agences régionales de santé (ARS). Le programme d’ETP doit respecterquatre étapes définies par la Haute Autorité de santé (HAS) : le diagnostic éducatif, l’élaboration d’un pro-gramme personnalisé, la réalisation du programme et l’évaluation. La prise en charge éducative doit fairepartie intégrante du parcours de soins du patient. Un programme d’ETP doit théoriquement s’attacher àagir sur trois niveaux : l’information, le savoir-être et le savoir-faire, afin de changer le comportement dupatient dans le but d’améliorer son observance, son état de santé et donc sa qualité de vie. L’ETP occupeune place forte en France et à ce titre fait partie intégrante des critères d’accréditation des établissementsde santé. La rhumatologie franc aise est fortement présente dans cette démarche nationale (sixième rangdes autorisations de programme d’ETP). L’enjeu futur est clairement le financement avec, notamment, lapossibilité de développer une offre d’ETP au plus proche des patients notamment en ville.

© 2013 Publie par Elsevier Masson SAS pour la Société française de rhumatologie.

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The Therapeutic Patient Education (PE) is an integral part of the medical management of chronic diseasesin the field of Rheumatology. TPE has been structured during the recent years, particularly in France inthe form of various laws, including the Law HPST who put real solid foundations of this concept. To beimplemented, a therapeutic patient education program must meet a number of conditions, in particular,to be authorized by the Regional Health Agency (ARS). The TPE program must meet four steps definedby the National Health Authority (HAS), (the educational diagnosis, development of a personalized pro-gram, implementation of the program, and evaluation). Management of education must be an integralpart of the course of patient care. TPE program should theoretically aim acting to act on three levels:

information, coping and know-how to change patient’s behaviour in order to improve adherence, healthstatus and therefore, his quality of life. TPE has a stronghold in France, and as such, it is part of the criteriafor accreditation of healthcare facilities. The French rheumatology is well represented in this nationalapproach (rank 6 in authorized programs). In the future, challenge is clearly the financing including the

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Le concept d’éducation thérapeutique du patient (ETP) est

pparu il y a plus de 40 ans aux États-Unis [1,2], en Suisse puisn France. En 1972, Leona Miller a pu montrer l’effet d’une éduca-ion du malade diabétique [3]. Elle a développé auprès de patients

∗ Auteur correspondant.Adresse e-mail : [email protected] (L. Grange).

878-6227/$ – see front matter © 2013 Publie par Elsevier Masson SAS pour la Société frattp://dx.doi.org/10.1016/j.monrhu.2013.04.009

PE close to the patient’s places of residence.y Elsevier Masson SAS on behalf of the Société française de rhumatologie.

diabétiques issus de milieux défavorisés de Los Angeles, une péda-gogie thérapeutique qui leur a permis de gagner en autonomie sansconsommer plus de médicaments. Depuis une quinzaine d’année,le concept d’ETP se structure, notamment en France sous la forme

de différents textes qui ont posé les fondations de ce concept.

Parmi les plus significatives, paraît en 1998 le rapportde l’Organisation mondiale de la santé (OMS) [4] Europe :« Therapeutic Patient Education ». Par la suite, la mise en place d’un

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L. Grange, B. Allenet / Revue du rhum

adre réglementaire et législatif en France dans l’ETP s’est opéréerogressivement.

La Haute Autorité de santé (HAS) et l’Institut national de préven-ion et d’éducation pour la santé (INPES) ont défini en 2007, ce queouvait être l’ETP, en publiant un guide méthodologique (structu-ation d’un programme d’éducation thérapeutique du patient danse champ des maladies chroniques) [5].

En septembre 2008 est remis au Ministre de la Santé le rap-ort Saout, Charbonnel Bertrand « Pour une politique nationale’éducation thérapeutique du patient » [6] qui fait des propositionsour une future loi sur l’éducation thérapeutique. La loi Hôpitalatient Santé Territoires [7] (HPST) de juillet 2009 a mis alors,n cadre réglementaire à ce concept et a précisé la nécessité dealider et d’autoriser les programmes d’éducation thérapeutiquexistants, mais aussi à venir. Il faut signaler que c’est la premièreois en Europe que l’activité d’ETP est inscrite dans un Code de santéublique (CSP).

Un an plus tard, les premiers décrets d’application de cetteoi [8,9] ont permis d’éclairer les modalités pratiques de décla-ation aux Agences régionales de santé (ARS) et les conditionsour obtenir une autorisation de programme d’ETP (valable quatrens). Plus récemment, en mars 2012, L’HAS a publié un guide’un programme d’ETP permettant d’orienter sur les modalités de

’évaluation annuelle [10].

. L’éducation thérapeutique du patient : les principes

.1. Information ou éducation ?

Il est certes nécessaire d’expliquer très régulièrement au patientes résultats d’analyses et les prescriptions, ainsi que de lui délivreres préconisations concernant son hygiène de vie, mais ces pra-iques ne constituent nullement un programme d’ETP ; d’ailleurs unrogramme d’ETP ne dispense pas de les poursuivre. L’informationeule est reconnue nécessaire, mais insuffisante pour être efficace11]. L’information et la sensibilisation du patient est un préalablendispensable et se fait oralement et avec remise de brochures ouar support vidéo. Cette information peut être faite par les diffé-ents professionnels de santé et les associations de patient. En effet,l s’agit le plus souvent d’information passive, qui est différente d’unrogramme d’éducation structuré et personnalisé. L’informationeule est peu efficace pour changer le comportement du patient.

L’ETP est une démarche qui permet de mieux vivre avec unealadie. C’est un processus d’apprentissage, de transfert planifié

t organisé des compétences du soignant vers le soigné [12]. En995, D’Ivernois et Gagnayre écrivaient que « l’éducation du patienteprésente l’expression d’un changement des conceptions de santé,ui infèrent que le patient est capable d’être son propre médecin,our une période donnée ». Ainsi en 1998, l’OMS déclare que « l’ETPise à aider les patients et leurs familles à comprendre la maladiet le traitement, coopérer avec les soignants, vivre plus sainementt maintenir ou améliorer leur qualité de vie (. . .) » [4]. L’ETP a pourbjectif de rendre le patient plus autonome en facilitant son adhé-ion aux traitements prescrits et en améliorant sa qualité de vieart. L. 1161-1 du CSP) [7].

.2. L’encadrement légal de l’éducation thérapeutique du patient

.2.1. La Haute Autorité de santé (HAS) définit l’éducationhérapeutique du patient [5]

L’éducation thérapeutique du patient concerne les actions

’éducation liées aux traitements curatifs ou préventifs d’uneathologie chronique et repose pleinement sur le ou les

soignants », dont l’activité « d’éducation thérapeutique » fait par-ie intégrante de la définition de la fonction de soignant. Il s’agit

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d’un processus éducatif continu, intégré dans les soins (dans lecadre d’un plan de soin coordonné) et centré sur le patient. Il com-prend des activités organisées de sensibilisation, d’information,d’apprentissage et d’accompagnement psychosocial concernant lamaladie, le traitement prescrit, les soins, l’hospitalisation et lesautres institutions de soins concernées.

L’ETP concerne au premier chef le patient, certes, mais éga-lement son entourage (les parents d’enfants porteurs d’affectionchronique, les proches, le tiers de confiance. . .) Ainsi, le malade etson entourage comprenant mieux la maladie coopèrent avec lessoignants et la qualité de vie s’en trouve maintenue sinon amélio-rée. Le malade acquiert et maintient les ressources nécessaires pourorganiser au mieux sa vie avec la maladie.

1.2.1.1. Comment ?. Un programme d’ETP doit en principe res-pecter quatre étapes (Fig. 1) : le diagnostic éducatif en entretienindividuel, l’organisation d’un programme personnalisé, sa planifi-cation et sa mise en œuvre et, enfin, l’évaluation des compétencesacquises et le déroulement du programme. Une communicationdoit se faire avec les différents professionnels de santé s’occupantdu patient et, notamment, la transmission d’une synthèse du dia-gnostic éducatif. Les associations de patients ont un rôle importantà jouer, soit en créant un programme propre (à condition qu’auminimum un médecin coordonne également le programme), soiten participant à sa co-construction, dès sa conception avec les pro-fessionnels.

1.2.1.2. Par qui ?. Tout professionnel de santé (selon la liste du CSP)impliqué dans la prise en charge d’un patient ayant une maladiechronique peut faire de l’ETP lui-même ou informer le patient dela possibilité d’en bénéficier, soit la lui proposer en lui décrivantles ressources locales. Une équipe multi-professionnelle, intégrantidéalement aussi le rhumatologue traitant et le médecin généra-liste, est le cœur du dispositif éducatif. L’ETP ne s’improvise pas :une formation minimale est nécessaire pour faire de l’éducation(40 heures ; formation HAS niveau 1).

1.2.2. La loi Hôpital Patient Santé Territoires (HPST) définit lecadre réglementaire de l’éducation thérapeutique du patient enFrance [7]

Elle introduit dans le CSP par la loi du 21 juillet 2009 « HPST »(art. L. 1161-1 à L. 1161-4), pour la première fois en Europe, laconception moderne d’ETP et définit l’ETP comme un processusayant pour objectif de rendre le patient plus autonome en facilitantson adhésion aux traitements prescrits et en améliorant sa qualitéde vie (art. L. 1161-1 de CSP).

Par ailleurs, elle précise que le patient peut refuser d’adhérer àun programme l’ETP et, cela, sans conséquence pour lui. Les pro-grammes d’ETP doivent être conformes à un cahier des chargesnational dont les modalités d’élaboration et le contenu sont défi-nis par arrêté du Ministre chargé de la Santé. Ils sont mis enœuvre au niveau local, après autorisation des ARS (art. L. 11612)qui coordonnent d’ailleurs l’offre territoriale. L’ETP est proposée aumalade par le médecin prescripteur et donne lieu à l’élaborationd’un programme personnalisé (art. L. 1161-2), en accord avec lespréconisations de l’HAS (cf. ci dessus).

D’après la loi HPST, l’éducation thérapeutique comporte en fait :

• les programmes d’éducation thérapeutique proprement dit

comme définis par l’HAS ;

• les actions d’accompagnement qui ont pour objet d’apporter uneassistance et un soutien aux malades, ou à leur entourage, dansla prise en charge de la maladie (art. L. 1161-3) ;

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ig. 1. Principe d’un programme d’ETP selon l’HAS [5] : Un programme d’ETP doit’organisation d’un programme personnalisé, sa planification et sa mise en œuvreommunication doit se faire avec les différents professionnels de santé s’occupant d

les programmes d’apprentissage qui ont pour objetl’appropriation par les patients des gestes techniques permettantl’utilisation d’un médicament le nécessitant (art. L. 1161-5).

Enfin, la loi HPST indique que les entreprises exploitant un médi-ament, un dispositif médical ou un dispositif médical de diagnosticn vitro (DMDIV) ne doivent avoir aucun contact avec le malade ouon entourage (art. L. 1161-1). Elles ne peuvent ni élaborer ni mettren œuvre des programmes d’éducation en direct. En revanche, cesctions peuvent être soutenues financièrement par ces industrielsart. L. 1161-4 et L. 1161-5).

Des dispositions pénales sont présentes : selon l’articlerticle L. 1162-1 créé par la loi no 2009-879 du 21 juillet009 – art. 84, est puni de 30 000 D d’amende le fait de mettren œuvre un programme sans une autorisation prévue aux articles. 1161-2 et L. 1161-5.

.2.3. Le décret no 2010-904 [8] et arrêté relatifs aux conditions’autorisation des programmes d’éducation thérapeutique duatient, et le décret no 2010-906 et arrêté relatifs aux compétencesequises pour dispenser l’éducation thérapeutique du patient du

août 2010 [9]Ce décret précise la teneur des dossiers de demande

’autorisation à l’ARS en respectant la déclaration d’un certainombre d’items, notamment les effectifs et la qualification des per-onnels, les objectifs du programme, la population concernée pare programme, et les sources de financements.

L’ETP concerne, sauf exception (répondant à un besoin particu-ier à expliciter), une ou plusieurs des 30 affections de longue duréexonérant du ticket modérateur (ALD 30), ainsi que l’asthme et lesaladies rares ou un ou plusieurs problèmes de santé considérés

omme prioritaires au niveau régional.Le décret précise que, pour que le programme d’ETP soit auto-

isé par les ARS, il faut que le programme soit coordonné parn médecin ou un professionnel de santé ou un représentant deatient. Un échange est prévu entre les intervenants et en par-iculier le médecin traitant (compte-rendu de séances d’ETP). Lerogramme comporte au minimum deux professionnels de santéifférents, dont un médecin s’il n’est pas le coordonnateur. Enfin il

aut qu’au moins un des acteurs du programme justifie des compé-ences en ETP ou d’une expérience rapportée par écrit d’au moinseux ans. Il doit prouver avoir bénéficié d’une formation initialeu d’une formation continue d’une durée minimale de 40 heures

cter le principe des quatre étapes : Le diagnostic éducatif en entretien individuel,fin l’évaluation des compétences acquises et le déroulement du programme. Uneient et, notamment, en transmettant une synthèse du diagnostic éducatif.

(certificat ou diplôme). Ces formations apportent à l’éducateuren ETP 15 compétences, regroupées en sept compétences géné-riques et associées à quatre domaines (compétences relationnelles,compétences pédagogiques et d’animation, compétences métho-dologiques et organisationnelles, compétences biomédicales et desoins).

Le programme d’ETP doit être personnalisé avec des objectifséducatifs partagés avec le patient, définis en amont, et des critèresprécis d’efficacité (qualité de vie, autonomie, critères psycho-sociaux, etc.).

Il faut prévoir un dossier d’ETP (papier ou électronique) conte-nant le consentement de participation au programme par le patient,ainsi que l’accord pour la transmission des informations (ex : décla-ration à la Commission nationale de l’informatique et des libertés[CNIL]). Il faut aussi prévoir un engagement de confidentialité et dedéontologie signé par les éducateurs.

1.3. Comment être autorisé en pratique ?

Depuis le 1er janvier 2011 tout programme d’ETP doit fairel’objet d’un dossier d’autorisation déposé au niveau de l’ARS,n’importe quand dans l’année. Les ARS doivent répondre dans lestrois mois suivant le dépôt dudit dossier et l’autorisation est accor-dée pour quatre ans, sous réserve que le programme démarre dansles 12 mois et qu’il soit sans interruption de plus six mois. Un retraitde l’accord est possible, si les conditions sont non requises.

Tout changement dans le programme initialement déposédoit être signalé et peut donner lieu à une nouvelle demanded’autorisation.

Enfin, toute autorisation d’un programme d’ETP ne vaut pasfinancement.

Chaque programme doit être auto-évalué annuellement eninterne selon une procédure établie par l’HAS [10]. C’est unedémarche d’évaluation pédagogique qui engage les équipes etcoordonnateurs à évaluer eux-mêmes et pour eux-mêmes leur pro-gramme d’ETP et à prendre des décisions pour en améliorer laqualité et l’ajuster tout au long de sa mise en œuvre. Elle repose surune analyse qualitative et quantitative des points forts et des pointsfaibles du programme d’ETP. L’auto-évaluation permet aux équipes

de comparer leurs pratiques, leur organisation et leur coordination,à un référentiel construit par les équipes elles-mêmes dans le cadredu dossier d’autorisation ARS. Elle s’attachera à analyser différentscritères de jugement, tels que le taux de participation des patients,
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L. Grange, B. Allenet / Revue du rhum

e nombre de séances réalisées, collectives et individuelles, le pro-l des patients, etc. Elle comprend une auto-évaluation de l’activitélobale du programme, du processus, du programme et de l’atteintees objectifs du programme.

En parallèle, une évaluation quadriennale du programme doittre pratiquée et envoyée à l’ARS pour valider le renouvellemente l’autorisation (critères en cours de rédaction par l’HAS). En pluse la compilation des évaluations annuelles, d’autres paramètresourront être demandés comme, par exemple, l’impact du pro-ramme sur l’observance, sur le niveau de progression des patientsn termes de connaissance de leur maladie et de leur traitement, sure changement de leur état de santé, sur les objectifs atteints (parxemple savoir gérer l’auto-injection ou faire davantage d’exercicehysique dans les rhumatismes inflammatoires chroniques).

.4. Quand proposer l’éducation thérapeutique du patient ?

L’éducation du patient est planifiée comme un processusontinu lié aux besoins du patient et à sa compréhension. L’ETP peuttre proposée à n’importe quel moment dans le parcours du patient.n programme structuré d’ETP se déroule indépendamment du

emps de consultation, mais doit être inclus dans le parcours deoin du patient.

. L’éducation thérapeutique du patient en pratique

Un programme d’ETP s’attache théoriquement à agir sur troisiveaux : l’information, le savoir-être et le savoir-faire, afin dehanger le comportement du patient, dans le but d’améliorer sonbservance, son état de santé et donc sa qualité de vie (Fig. 2) :

l’information agit sur la connaissance du patient, en permettantde fournir des explications, en agissant sur la connaissance etl’acceptation de la maladie, en faisant connaître l’utilité et leslimites des traitements, mais aussi en faisant connaître les per-sonnes et les structures ressources par exemple ;le savoir-être ou le faire-face (le coping pour les Anglo-saxons)agit sur l’attitude vis-à-vis d’une situation ou d’un état en per-mettant au patient par exemple de penser que l’on peut intervenirpour améliorer sa santé, en lui permettant d’intégrer les notionsde prévention et lui faisant accepter de solliciter de l’aide, et deformer des alliances ;le savoir-faire agit plus particulièrement sur les comportementsdu patient en lui permettant de pouvoir gérer ses traitements,d’utiliser les ressources, de protéger sa santé, de gérer les compli-cations/symptômes et de gérer les répercussions psychologiquesentre autre.

. L’éducation thérapeutique du patient : ses différentestapes

L’ETP en pratique se déroule en quatre étapes (Fig. 1) : le dia-nostic éducatif, l’élaboration d’un programme personnalisé, laéalisation du programme et l’évaluation.

.1. Le diagnostic éducatif (ou bilan partagé)

Le diagnostic éducatif est la première étape d’une démarche’éducation thérapeutique. Il est indispensable à la connaissanceu patient, à l’identification de ses besoins et de ses attentes. À par-

ir des informations recueillies lors de cette consultation, il s’agitlors de formuler avec le patient les compétences à acquérir ou àobiliser, en fonction de son projet personnel et de lui proposer

ne planification des séances d’éducation thérapeutique selon ses

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besoins et ses préférences. Différents modèles existent pour aiderà sa rédaction (exemple le modèle de Gagnayre et d’Ivernois).

Le diagnostic éducatif permet d’identifier chez le patient :

• ce qu’il sait : ses savoirs concernant la maladie et son traitement ;• ce qu’il pense : ses représentations et ses croyances, son stade

d’acceptation de la maladie, son ressenti et ses attentes ;• ce qu’il fait : comment il vit, comment il gère sa maladie : acti-

vement (contrôle interne) ou passivement (contrôle externe),comment il organise ses soins, comment il se projette dansl’avenir ;

• qui il est ?• qu’est-ce qu’il a ? (ce sont les données cliniques du patient, ex

pour la polyarthrite rhumatoïde, DAS28, HAQ, etc.) ;• quels sont ses projets ?

Ce diagnostic éducatif est centré sur le patient. Il se réalise enentretien individuel durant en moyenne 45 à 60 minutes. Il permetentre-autre, dans un premier temps, de faire ressortir par diffé-rentes techniques (comme l’écoute active par exemple), l’analysedes facteurs explicatifs du comportement du patient (selon entre-autre un modèle standard dérivé de celui de Green). En pratique,après avoir récupérer sans interprétation les verbatim du patient,on classe les éléments recueillis dans différents groupes :

• les facteurs influenc ant :◦ facteurs prédisposant ou « internes » (connaissances, attitudes,

valeurs, perceptions),◦ facteurs favorisant ou « institutionnels » (disponibilité des res-

sources, accessibilité des structures et organisation de la priseen charge),

◦ facteurs de renforcement (attitudes et comportement, desparents, des employeurs, des soignants. . .),

• le comportements du patient (adaptation du patient) ;• l’état de santé : qui représente à la fois la perception du patient,

ses enjeux, ses motivations, mais aussi les objectifs médicaux etle niveau d’activité de sa maladie (ex pour la polyarthrite rhuma-toïde, le DAS 28, le HAQ) ;

• les besoins et qualité de vie : (répercussion de la maladie ainsi queles préoccupations et objectifs du patient) ex impact sur les cinqsantés OMS (santé physique, psychologique, sexuelle, sociale etaffective).

Puis dans un second temps, il y a définition d’objectifs éducatifsmodifiables (micro-contrats) avec le patient, sur la base des facteursidentifiés par l’éducateur.

Sans remplacer le diagnostic éducatif, certains questionnairespermettent de détecter les besoins des patients en termes d’ETP.

3.2. L’élaboration d’un programme personnalisé

À l’issue de l’entretien, un courrier de synthèse est rédigéet envoyé au médecin traitant. Ce courrier reprend tous lespoints abordés et tient compte des facteurs limitant, et favorisant.L’analyse des besoins personnalisés du patient permet d’établir desobjectifs pertinents et adaptés en fonction des objectifs du soignantet de ceux du patient. Il est important d’impliquer le patient dans lechoix et de préciser ce qu’il souhaite faire en priorité et ne souhaitepas faire. Les objectifs fixés sont très variés selon les individus. Danstous les cas, il faut respecter ceux du patient, même s’ils ne nousapparaissent pas toujours prioritaires.

Un programme pour atteindre les objectifs établis est alors pro-posé et validé par le patient (exemple : s’inscrire à un moduled’auto-apprentissage à la sous-cutanée pour les patients sous bio-thérapies dans les rhumatismes inflammatoires).

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ig. 2. Modèle théorique d’un programme d’ETP : il doit théoriquement s’attacher

omportement du patient dans le but d’améliorer son observance, son état de santé

.3. La réalisation du programme

Les programmes d’ETP sont très divers d’un centre à l’autre. Leséances peuvent être individuelles ou collectives et la plupart duemps, répétées dans le temps.

Les séances collectives d’éducation thérapeutique sont’occasion pour ces patients d’échanger leurs expériences ete maintenir une vie relationnelle en partageant des activitésommunes, tout en ayant pour chacun des objectifs personnalisés.

Les séances individuelles sont plus l’occasion d’une prise enharge personnalisée, en permettant de suivre les modificationse comportement du patient et la validation ou pas des objectifs àtteindre.

Un certain nombre d’outils pédagogique ont été créés pour aideres équipes à éduquer les patients (ex port folio « Apprivoiser », mal-ette Edusanté, jeux de carte EDUBIOT® pour l’ETP des rhumatismesnflammatoires chroniques).

. Évaluation de l’éducation thérapeutique du patient

L’évaluation individuelle du patient est réalisée à chaqueéance : les objectifs correspondant à son besoin et celui du méde-in sont-ils atteints, d’autres demandes sont-elles apparues auours de la démarche d’éducation éducative, faut-il fixer d’autresbjectifs ?

L’éducation thérapeutique est un processus évolutif et, paronséquent, son évaluation doit être régulièrement renouvelée.’est l’occasion de faire le point avec le patient sur ce qu’il a compris,e qu’il sait faire, sa fac on de vivre, sa maladie au quotidien, ce qu’ilui reste éventuellement à acquérir. . ., afin de lui proposer éven-uellement une nouvelle offre d’éducation thérapeutique tenantompte des résultats de cette évaluation et de l’évolution de laaladie.

. Conclusion

L’éducation thérapeutique du patient fait maintenant partientégrante des soins des patients souffrant d’une pathologie chro-ique. La France a su mettre en avant et poser les bases législatives

sur trois niveaux : l’information, le savoir-être et le savoir-faire, afin de changer lenc sa qualité de vie.

de l’éducation thérapeutique, notamment en termes de définitiondes concepts et des modalités pratiques. L’ETP est même devenueun des critères de certification des établissements de santé (Cri-tère 23.a) [13]. Le monde rhumatologie a su prendre le virage dece nouveau type de relation avec le malade. La Société franc aise derhumatologie est une des premières sociétés savantes en Franceà avoir intégré dans sa structure même, une section ETP, qui apour vocation de développer l’ETP pour les patients porteurs depathologies rhumatismales, de définir les recommandations del’ETP (rhumatismes inflammatoires chroniques, ostéoporose, lom-balgie chronique, etc.), de créer des outils collaboratifs d’ETP oud’information pour le patient.

Un diplôme universitaire de formation d’ETP dédié à la rhuma-tologie est proposé depuis quatre ans [14]. La mise en place d’unprogramme d’ETP dans une structure de soin est une expérienceenthousiasmante, bouleversant parfois les habitudes des soignants,mais toujours riche en relations humaines. L’implication active dupatient dans la prise en charge de sa pathologie chronique est unenécessité. L’évolution logique est l’implication du patient dans lesprogrammes d’ETP même avec la mise en place des patients experts.

L’ETP est donc une évidence pour bien prendre en charge unpatient, mais l’enjeu futur est clairement le financement avecnotamment la possibilité de développer ou pas, une offre d’ETP auplus proche des patients notamment en ville.

Le livre collaboratif « Éducation thérapeutique du patient.Modèles, pratiques et évaluation » est utile pour approfondir lesconnaissances sur les pratiques de l’ETP [15].

Déclaration d’intérêts

Les auteurs déclarent ne pas avoir de conflits d’intérêts en rela-tion avec cet article.

Références

[1] Lorig KR, Sobel DS, Stewart AL, et al. Evidence suggesting that a chronic diseaseself-management program can improve health status while reducing hospita-lization: a randomized trial. Med Care 1999;37:5–14.

[2] Lorig KR, Sobel DS, Ritter PL, et al. Effect of a self-management program onpatients with chronic disease. Eff Clin Pract 2001;4:256–62.

Page 6: Principe et réalisation pratique de l’éducation thérapeutique du patient (ETP)

atism

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[14] Éducation thérapeutique et maladie ostéo-articulaire. http://www.chups.

L. Grange, B. Allenet / Revue du rhum

[3] Miller LV, Goldstein V. More efficient care of diabetic patients in county-hospital setting. N Engl J Med 1972;286:1388–97.

[4] Rapport OMS Europe: « Therapeutic Patient Education », mai 1998.[5] Guide méthodologique. Structuration d’un programme d’éducation thérapeu-

tique du patient dans le champ des maladies chroniques, HAS-INPES juin 2007.[6] Pour une politique nationale d’éducation thérapeutique du patient. Rapport

présenté à Madame Roselyne Bachelot-Narquin, septembre 2008 (M.C. Saout,président du collectif inter-associatif sur la santé. Pr B. Charbonnel, chef de laclinique d’endocrinologie Hôtel-Dieu Nantes. Pr D. Bertrand, service de santépublique, hôpital Fernand Widal).

[7] La loi du 21 juillet 2009 « Hôpital, patients, santé et territoires » (Art. L. 1161-1 à

L. 1161-4).

[8] Décret no 2010-904 du 2 août 2010 relatif aux conditions d’autorisation desprogrammes d’éducation thérapeutique du patient.

[9] Décret no 2010-906 du 2 août 2010 relatif aux compétences requises pour dis-penser l’éducation thérapeutique du patient.

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e monographies 80 (2013) 146–151 151

10] Auto-évaluation annuelle d’un programme d’ETP. Guide pour les coordon-nateurs et les équipes. L’auto-évaluation annuelle en 10 questions-réponses.Conduite de l’auto-évaluation en 4 étapes. HAS mars 2012.

11] Green LW, Kreuter MW, Deeds SG, et al. Health education planning: a diagnosticapproach. Palo Alto: Mayfield Publishing Company; 1980.

12] Assal JP, Lacroix A. L’éducation thérapeutique des patients. In: Nouvellesapproches de la maladie chronique. Paris: Maloine; 2009.

13] Manuel de certification des établissements de santé V2010 HAS avril 2011.http://www.has-sante.fr/portail/jcms/c 1037211/manuel-de-certification-v2010-revise-2011

jussieu.fr/programmes/T3/formations/dus dius/EducTherapOsteo.pdf15] Foucaud J, Bury JA, Balcou-Debussche M, et al. Éducation thérapeutique du

patient. Modèles pratiques et évaluation. Saint-Denis: INPES, coll. Santé enaction; 2010, 412 p.