« Ce n’est pas parce que les FMN investissent en Afrique que cette dernière est sous-développée, c’est au contraire parce qu’elles n’y sont pas assez présentes » – Arghiri Emmanuel (1979)

Cette citation vous paraît-elle rendre compte du rôle des FMN dans l’histoire du développement ?Ecricome 1997

Evolution (basculement?) de la réflexion sur le lien entre les FMN et le développement : tonalité critique dominante dans les années 60 – 70 évolue progressivement→ cf Arghiri Emmanuel : identification de l’échange inégal (1969) avec l’idée que la DIT bloque le développement des pays du Tiers Monde en maintenant un très faible niveau de salaire puis glissement vers l’idée que seules les technologies intensives en capital peuvent permettre le développement et que ces technologies pourront être apportées dans les pays en développement uniquement par les FMN (Technologie appropriée ou technologie sous – développés ? - 1979)

A- Le basculement historique de l’interprétation du rôle des FMN dans la dynamique du développement

1- L’émergence des FMN

→ exploitation des différences de coûts entre zones éloignées de la planète (compagnies de commerce)→ exploitation de matières premières utilisées dans l’industrie des pays développés (Grande Divergence) et/ou de produits alimentaires tropicaux→ logique touche particulièrement l’Afrique

2- Certaines formes de multinationalisations peuvent freiner le développement

⇒ peut déboucher sur une logique de dépendance/extraversion qui fragilise, voir empêche le développement

→ utilisation faible coût de la main d’oeuvre dans les pays les plus pauvres (filiales ateliers)→ question du rapatriement des bénéfices et de l’absence d’effets d’entraînement dans le pays recevant les IDE (infrastructures – ferroviaires ou portuaires) structurées autour de l’exploitation des matières premières→ interrogations sur une logique d’impérialisme économique et de colonisation (partage de l’Afrique – conférence de Berlin en 1885) + pouvoir exercé par les FMN sur les Etats – républiques bananières, en Afrique Rhodésie, Congo belge propriété personnelle du roi jusqu’au début du 20ème siècle)

⇒ cf première partie de la phrase d’A. Emmanuel + courant « tiers mondiste » des années 70

3- Une mutation dans la période actuelle ?

→ approfondissement de la DIPP (ou GCV) permet à des nouveaux pays de s’intégrer dans des flux internationaux et de bénéficier d’éléments positifs liés à la dynamique de multinationalisation→ place accrue des transferts de technologie, de la distribution de revenus par les FMN (qui peuvent générer des effets d’entrainement)

⇒ ambivalence de l’impact des FMN sur le développement avec l’idée d’une inflexion progressive vers un rôle positif dans le contexte de la mondialisation contemporaine

B- Comment potentialiser les effets positifs des FMN ?

1- Peut-on se développer sans FMN ?

→ constat des difficultés africaines (sauf exception) peut être relié à sa marginalisation face aux flux internationaux, en particulier de capitaux (place insuffisante des FMN)→ question des handicaps des économies africaines (faible coût de la main d’oeuvre mais très faible productivité, infrastructures insuffisantes pour se connecter aux flux mondiaux, question de la gouvernance, des coûts de transaction, …) qui limitent l’intérêt de IDE et peuvent accroître les risques d’endettement liés aux flux extérieurs→ développement autocentré ne peut représenter une alternative (cf échec du modèle algérien d’industries industrialisantes)

2- Peut-on se développer avec les FMN ?

→ difficulté à faire émerger un marché national et des technologies efficaces sans apport extérieur (flux financiers pour pallier les limites de l’épargne, incitation à l’investissement et aux gains de productivité)→ interrogations sur les institutions pertinentes pour rendre efficace l’action des FMN (principe de concurrence, contrôle étatique – joint ventures, absence d’Etat prédateur, …)→ qualité des institutions pourrait expliquer une grande partie des différences de développement entre Asie du Sud Est et Afrique

3- Le basculement contemporain

→ FMN ne sont plus exclusivement occidentales, émergence de FMN des pays du Sud (en particulier BRICS) qui peuvent s’engager dans des logiques nouvelles→ stratégie actuelle de la Chine avec développement des investissements vers le continent africain qui pourrait dynamiser le développement du continent

La phrase provocatrice d’A. Emmanuel souligne la complexité du rôle des FMN dans le développement : on ne peut les réduire à de simples acteurs visant à capter un profit au détriment de la dynamique de développement des pays dans lesquels elles investissent et on doit souligner leur rôle indiscutable dans certaines trajectoires de croissance et de développement.Mais la référence à l’Afrique oblige à souligner que ce lien entre les FMN et le développement ne peut être analysé sans référence au contexte géographique, historique et surtout institutionnel des économies concernées. Dans cette perspective, ce n’est pas seulement l’absence des FMN en Afrique qui explique ses difficultés de développement mais un ensemble de facteurs, géographiques, institutionnels, voir culturels.