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Repères en Gériatrie • Janvier 2013 • vol. 15 • numéro 123 23

Les EHPAD accueillent un nombre croissant de ma-lades atteints de la maladie

d’Alzheimer (MA) et de maladies apparentées, ce qui nécessite une adaptation des structures dans le domaine de l’organisation et de l’éthique des soins ainsi que pour le projet de vie. Cette évolution a été favorisée par les trois Plans Alzheimer, dont le 3e (2008-2012) a suscité, par ailleurs, dans les EH-PAD, la création des PASA (Pôles d’activités et de soins adaptés) et des UHR (unités d’hébergement renforcé) à côté des accueils de jour et des unités de soin spéci-fiques Alzheimer déjà développés. Par ailleurs, sous l’instigation de diverses recommandations, la re-cherche de la qualité des soins en EHPAD est devenue un impératif majeur.C’est sur cette évolution de la prise en soin des personnes atteintes de maladie d’Alzheimer en EHPAD qu’il est intéressant d’insister.

Données chiffréesLes quelques 6  500 EHPAD exis-tants en France offrent environ 600 000 lits d’hébergement (1) et la plupart de ces établissements accueillent des malades porteurs de MA. Des données sur le nombre de ces résidents porteurs de MA ou d’affections apparentées sont essen-tiellement issues de l’étude PAQUID (2) : sur un suivi de 10 ans, 141 sujets

de 75 ans et plus ont été vus en EH-PAD, parmi lesquels 101 déments sont identifiés, soit une prévalence de 71,6 %, avec une augmentation de la prévalence avec l’âge dans les 2 sexes ; ces déments sont un peu plus âgés que les résidents non déments ; et en ce qui concerne le diagnostic, il s’agit de MA dans 79,2 % des cas et 66,3 % sont au stade sévère de la maladie.

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Prendre en soin les patients Alzheimer en ehPAD

Des stratégies personnalisées et des qualités humaines

n Les structures d’hébergement de personnes âgées, devenues Etablissements d’Héberge-

ment pour Personnes Agées Dépendantes (EHPAD) ont connu une évolution récente majeure

pour faire face non seulement à un âge plus élevé des personnes accueillies mais surtout à un

stade de dépendance plus élevé tant au niveau physique que mental. � Dr Denise Strubel*

* Pôle de gérontologie, CHU de Nîmes

Un regard de sollicitude doit être posé sur les patients Alzheimer, même non commu-

nicants, avec une constante interrogation sur la recherche de leur bien-être.

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Nous disposons de quelques autres données de prévalence de démence en EHPAD. Ainsi, dans l’étude REHPA, Rolland et al. (3) ont analysé les caractéristiques de 4 920 résidents d’EHPAD : le diagnostic de démence était porté chez 43,5 % d’entre eux. D’autre part, les coupes PATHOS effec-tuées entre 2007 et 2009 (4) ont montré une fréquence moyenne de la démence de 51,86 % des rési-dents, avec une majorité de stades sévères (70 % sont en GIR 1 et 2). Dans ces deux études, la préva-lence de démence correspond uni-quement aux cas diagnostiqués ; or, on sait que la méconnaissance du diagnostic est fréquente en EH-PAD comme à domicile, y compris aux stades sévères.

Cette absence fréquente de dia-gnostic de déficit cognitif à l’entrée en EHPAD s’explique par une confusion entre syndrome démen-tiel et vieillissement, surtout chez les patients très âgés, l’existence de co-morbidités qui perturbent l’état cognitif, comme les déficits sensoriels et les états dépressifs, et le déni fréquent des troubles par les proches et les profession-nels (5). Et pourtant, à l’analyse de ces situations, le déficit cognitif a contribué à la décision d’entrée en institution.

Les EHPAD accueillent-ils des patients jeunes ? Le 3e Plan Alzhei-mer a souligné dans sa mesure 18 la problématique des malades jeunes, âgés de moins de 65 ans (es-timés à environ 30 000 en France), voire de moins de 60 ans (estimés à environ 4  500 patients). Selon une enquête récente effectuée par la Fondation Médéric Alzheimer auprès de 2 042 EHPAD et unités de soins de longue durée (USLD) des régions Nord-Pas-de-Calais et Rhône-Alpes (6), avec un taux de

réponse de 76 %, dans ces établis-sements, respectivement 0,25 % et 0,39 % des places sont occu-pées par des malades de moins de 60 ans ; la majorité des établisse-ments se considèrent comme non adaptés pour les accueillir, tant sur le plan administratif que pour ré-pondre à leurs besoins spécifiques. Certains établissements s’en-gagent plus spécifiquement dans cet accueil, en adaptant la prise en soin à cette population.

L’entrée D’Un PAtient Atteint De MA en ehPAD

Les modaLités d’admissionLes modalités d’admission des patients en EHPAD sont rarement idéales dans un processus d’antici-pation, de consentement du ma-lade, de choix de l’établissement et du moment de l’admission. L’apprentissage de la séparation et de la vie collective est cependant

tion pour motif médical, mais par-fois aussi pour épuisement ou pa-thologie aiguë de l’aidant : l’entrée n’a pu être préparée et le malade ne la souhaite pas et, souvent, ne l’accepte pas alors que son consen-tement est nécessaire à l’entrée en EHPAD.Dans la littérature, l’institutionali-sation a été corrélée avec (7) :• la sévérité des troubles psycho-comportementaux plus que la sé-vérité de la dépendance ;• l’épuisement et les pathologies de l’aidant, voire son décès ;• la mise en danger à domicile d’un patient vivant seul et la recherche de la sécurité de l’institution.

La procédure d’admissionElle devrait comporter une visite de pré-admission, pour permettre au malade et son aidant de faire connaissance avec la structure et de recevoir des informations sur l’organisation des soins et de la vie quotidienne. Au sein de l’EHPAD, le médecin coordonnateur ou une

facilité par le recours à des struc-tures de répit, accueil de jour et hébergement temporaire, qui per-mettent par ailleurs de prolonger le maintien à domicile. Il est alors souhaitable que le patient soit accueilli dans l’établissement qu’il connaît déjà. L’aidant éprouve beaucoup de difficulté à envisager et préparer l’impensable entrée en institution, d’autant qu’il vit une temporalité différente de celle d’une maladie qui progresse parfois plus vite que prévu. De telle sorte que l’admis-sion fait suite le plus souvent à une situation aiguë avec hospitalisa-

commission d’admission donne son accord pour l’admission et indique, le cas échéant, une orien-tation vers une unité spécifique Alzheimer (voire une UHR si elle existe) si le malade le nécessite, surtout en raison d’un risque de fugue et/ou d’autres troubles du comportement perturbateurs.

L’accueiL du nouveau résidentC’est un temps fondamental pour construire la relation avec le nou-veau résident et son entourage et faciliter l’adaptation à un autre en-vironnement et à une autre forme

Le projet de soin repose sur une bonne coopération entre le médecin traitant et le médecin coordonnateur.

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de soin. Il doit respecter les recom-mandations de l’ANESM (Agence Nationale de l’Evaluation et de la qualité des Etablissements So-ciaux et Médico-sociaux) (8). Dans l’idéal, un soignant référent est désigné pour être l’interlocuteur privilégié du nouveau résident au-près de l’équipe soignante pendant la phase d’adaptation. Un recueil d’informations précises permet de connaître, outre le passé médi-cal du patient, des éléments de sa biographie, comme la composi-tion de sa famille, son métier, ses goûts et ses aversions, ses attentes, ses liens avec ses proches… Il est souhaitable que le patient, s’il en a encore la capacité, désigne une personne de confiance à l’entrée, le plus souvent un membre de sa famille.

L’évaLuation médicaLe initiaLeElle est effectuée, comme pour tout nouveau résident, par le médecin coordonnateur avec le recueil des antécédents des allergies, les vac-cinations effectuées et l’ensemble des pathologies actuelles ainsi que leurs traitements. Elle servira à l’évaluation PATHOS annuelle.L’équipe soignante dans son inté-gralité doit participer à l’évalua-tion multidimensionnelle de :• la douleur avec l’échelle Algoplus pour la douleur aiguë, par exemple au cours des soins et l’échelle Do-loplus ou ECPA pour les douleurs chroniques ;• les fonctions cognitives par le MMS de Folstein et la thymie par l’échelle GDS ou miniGDS par exemple ;• l’état nutritionnel par l’évolution récente du poids, le calcul de l’IMC et éventuellement l’échelle MNA ;• les capacités fonctionnelles, no-tamment pour les déplacements, les transferts, la prise de repas, les soins d’hygiène, l’habillage et la continence (items de la grille

AGGIR) ;• les fonctions sensorielles, vi-suelles et auditives ;• le risque de chute, avec ou sans aide technique ;• le risque d’escarre par l’échelle de Braden par exemple ;• les troubles du comportement par l’échelle NPI-soignant.Chacune de ces évaluations peut conduire à une prise en charge spécifique comme l’introduc-tion ou l’adaptation d’une aide à la marche et des séances de rééducation en cas de troubles de l’équilibre et de la marche. Ainsi, la mise en évidence d’un déficit cognitif pathologique doit conduire à une démarche diagnostique pour confirmer un syndrome démentiel et en pré-ciser l’étiologie, voire mettre en route un traitement spécifique (9). Celle-ci est réalisée par le médecin traitant avec recours à une consultation mémoire, sauf au stade très sévère ou en cas de comorbidité lourde. La connais-sance du diagnostic de démence va en effet ultérieurement être prise en compte pour l’ensemble de la démarche de soins. Une étude en cours dans la région de Toulouse vise à démontrer l’intérêt d’un dépistage systéma-tique de la démence en EHPAD, avec recours à des réunions de concertation pluridisciplinaire avec une consultation mémoire.

Le Projet De soins (9, 10)Il est inspiré par l’évaluation médi-cale initiale et repose dans l’idéal sur une bonne coopération entre le médecin traitant, responsable de toutes les prescriptions au ré-sident, et le médecin coordonna-teur responsable du projet de soins global de l’institution. Il concerne l’ensemble des pathologies.

un projet compLetLe projet de soins de la MA ou d’une affection apparentée comporte à la fois une approche médicamen-teuse et non médicamenteuse.

❚ dans le domaine du traitement médicamenteuxLe patient peut bénéficier de l’ini-tiation ou de la poursuite d’un trai-tement spécifique par inhibiteur d’acétylcholinestérase ou méman-tine, selon les recommandations de la HAS révisées en 2011 (9), à condition de réévaluer réguliè-rement l’impact cognitif et fonc-tionnel et de dépister les effets indésirables. Ces traitements présentent également un intérêt, certes modeste, sur les troubles du comportement et plus spéciale-ment sur l’apathie et les hallucina-tions pour les inhibiteurs de l’acé-tylcholinestérase et sur l’agitation et l’agressivité pour la mémantine. Le suivi de ces traitements peut être assuré par le médecin traitant et le médecin coordonnateur mais une évaluation annuelle ou semes-trielle en consultation mémoire permet de multiplier les regards sur le malade. Se pose également la question de l’arrêt des traitements spécifiques au stade très sévère de la MA (10, 11) : des études contrô-lées de suivi après arrêt de traite-ment en EHPAD ont montré une aggravation des troubles compor-tementaux pour les deux classes de traitement (12, 13) et pour la cognition pour la mémantine (13).L’usage de psychotropes devant les troubles du comportement fréquents dans les pathologies cognitives impose une bonne connaissance des médicaments disponibles, de leurs effets indé-sirables et le respect des recom-mandations, notamment pour la posologie et la durée des prescrip-tions. Le programme AMI (Alerte et Maîtrise de la Iatrogénie des

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neuroleptiques dans la maladie d’Alzheimer) cible les antipsycho-tiques, responsables de nombreux troubles ainsi que d’un risque de surmortalité (14). Cependant le recours aux antipsychotiques n’est pas totalement évitable et une étude récente (15) a montré dans une population de déments que l’arrêt en aveugle d’un traite-ment par rispéridone après 16 se-maines entraîne 60 % de récidives de troubles du comportement par rapport à 33 % si le traitement est poursuivi ; l’arrêt à 32 semaines de traitement entraîne 48 % de réci-dive contre 15 % si le traitement est poursuivi.

❚ dans le domaine des thérapies non médicamenteuses (tnm)Une stimulation quotidienne est indispensable pour maintenir l’autonomie dans les actes de la vie quotidienne et les capacités relationnelles. Le soin relationnel est un soin à part entière, qui doit être reconnu comme tel par les responsables de l’EHPAD. Par ail-leurs, face à un nouveau trouble du comportement, la recherche d’une étiologie médicale ou d’un facteur déclenchant d’ordre psycholo-gique doit précéder la recherche d’une stratégie pour atténuer ou prévenir la récidive du trouble, tout cela avant l’instauration d’un traitement psychotrope (16). L’apprentissage par les soignants de stratégies pour faire face aux troubles du comportement a fait l’objet d’une étude auprès de 306 résidents atteints de MA accueil-lis dans 16 EHPAD (17) : ceux-ci ont été évalués sur le plan du com-portement au début de l’étude et après 2 mois, avec dans l’intervalle pour le groupe “intervention” une formation des soignants sur ces stratégies ; à 2 mois, le score de Cohen Mansfield des troubles du comportement a baissé significa-

tivement mais seulement dans le groupe des EHPAD qui a bénéficié de la formation. Des approches multiples peuvent être proposées, qui ciblent la sol-licitation des capacités cognitives (réminiscence…), motrices (pro-menade, danse, gymnastique…), la mobilisation des affects (musi-cothérapie, conte…), la recherche de bien-être (approche multisen-sorielle, massages…) et le main-tien de liens sociaux (18). Elles se distinguent donc de simples acti-vités occupationnelles, dites “ani-mation”, encore que la frontière soit parfois difficile à positionner. Elles doivent être préparées et évaluées et il est impératif qu’elles aient du sens pour le résident, pour qu’elles s’inscrivent dans son projet de vie. Globalement, les TNM restent en-core mal évaluées mais elles sont recommandées chez les patients

concernant Les compLications de La ma et des affections apparentéesUne prévention systématique et un repérage précoce de la dénutri-tion, des chutes, des complications infectieuses surtout pulmonaires et de la grabatisation ont été réa-lisés, dans un travail d’équipe plu-ridisciplinaire, avec mise en place de mesures correctives. Ainsi, le repérage précoce de la dénutrition par le MNA permet d’enrichir les apports alimentaires, éventuelle-ment par des compléments nutri-tionnels et de renforcer la surveil-lance aux repas. La prévention des chutes implique l’usage raison-nable des traitements sédatifs, la détection de l’hypotension orthos-tatique et sa correction, l’adap-tation des aides à la marche et de l’environnement dans la chambre et les espaces collectifs et le re-cours très limité aux contentions.

atteints de MA et d’affections ap-parentées lorsqu’ils présentent des troubles psychocomporte-mentaux (16) et elles sont à déve-lopper, tout particulièrement en UHR et en PASA. Une récente étude (19) a démontré qu’une sti-mulation multimodale (stimula-tion motrice, cognitive et aux actes de la vie quotidienne) appliquée 2 h par jour, six fois par semaine pendant douze mois, auprès de 98 résidents de cinq maisons de retraite en Allemagne, a permis de maintenir les fonctions cognitives et l’autonomie dans le groupe in-tervention par rapport au groupe contrôle, l’effet étant plus marqué chez les patients avec un stade lé-ger à modéré de la pathologie.

Le repérage précoce de fausses routes par une équipe sensibilisée permet d’adapter la texture des aliments et la posture du résident au cours des repas et de limiter le risque de pneumopathies d’inha-lation ou de fausses routes graves.

Le projet de soin concerne aussi Les pathoLogies associéesEn effet, selon les coupes PA-THOS, les résidents d’EHPAD ont en moyenne près de 5 diagnostics pertinents, dont la prise en charge tient compte du stade de la MA, des contraintes et des bénéfices espérés des traitements, des ca-pacités du patient à comprendre et adhérer au projet de soin et de

Une stimulation quotidienne est indispensable pour maintenir l’autonomie dans les actes de la vie quotidienne et les capacités relationnelles.

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l’avis éventuel de la personne de confiance. Une attention particu-lière doit être portée aux patholo-gies cardiovasculaires, au diabète, à l’ostéoporose, à traiter notam-ment s’il existe un risque de chute. De façon globale, il est souhai-table d’éviter le recours à l’hospi-talisation non programmée, avec envoi aux urgences hospitalières, solution jugée inadaptée dans de nombreux cas car à l’origine d’une perte d’autonomie. Ainsi dans l’étude PLEIAD portant sur 300 EHPAD, 13,5 % des résidents ont été hospitalisés sur les 3 mois de l’étude et il s’agissait en majorité de déments (20).L’idéal est d’organiser des entrées directes en court séjour géria-trique ou éventuellement en soins de suite ou encore, si nécessaire, dans les services de spécialité. Rares sont malheureusement les équipes mobiles de gériatrie qui peuvent sortir des murs de leur centre hospitalier pour intervenir directement dans les EHPAD afin de donner un avis et éventuelle-ment organiser une hospitalisa-tion la plus brève possible : c’est vraisemblablement le fonctionne-ment le plus efficient pour limiter les effets délétères de l’hospitalisa-tion et assurer la meilleure qualité de soins possible.Par ailleurs, les EHPAD doivent développer des liens privilégiés avec les unités cognitivo-compor-tementales (UCC) qui peuvent ac-cueillir temporairement en soins de suite spécialisés des déments en situation de crise comporte-mentale pour une adaptation des stratégies de soin.

Le Projet De vieIl est le complément indispensable du projet de soin. Il est construit par l’équipe dans les premières semaines du séjour, après recueil

de données sur la vie du résident, de son entourage, ses souhaits et l’évaluation de la situation pré-sente. Il est ensuite soumis pour approbation au patient et à ses aidants s’il le souhaite et réguliè-rement réévalué (environ 1 fois/an) selon l’évolution de sa santé et ses propres souhaits. Le projet de vie est formalisé dans le dossier du patient et il ne faut pas hésiter à y associer, si l’état du résident s’y prête, des directives anticipées.Ce projet de vie doit s’appuyer sur quelques principes de base qui constituent un savoir-faire et un savoir-être indispensables à ac-quérir par tout soignant d’EHPAD, que le patient soit dément ou non :• respect de l’autonomie décision-nelle du résident même dément, du moins pour les décisions qu’il est jugé capable de prendre ;• respect de sa liberté d’aller et ve-nir (21), ce qui n’est pas sans poser des problèmes pour les patients atteints de MA et présentant un risque d’errance et/ou de fugue ;• maintien de la vie relationnelle et de l’intégration sociale ;• prévention de la maltraitance et, au-delà, approche “bien traitante” du résident.

Le projet de vie intègre les familles des résidents pour lesquelles l’en-trée de leur parent en EHPAD est à la fois source de souffrance et de culpabilité mais aussi de soulage-ment. L’aidant est souvent allé au-delà de ses possibilités physiques et psychiques de dévouement, jusqu’à l’épuisement, et doit être accompagné pour qu’il trouve sa place auprès de son parent dans l’institution (22). Après la phase d’accueil dans l’établissement, où la présence de l’aidant principal est indispensable pour assurer la transmission d’informations mul-tiples et la continuité des soins,

leur participation à la prise en charge de leur proche doit pouvoir se poursuivre s’ils le souhaitent, par une implication dans certaines tâches, notamment la prise des repas, mais aussi des sorties, des activités d’animation ou de stimu-lation, les moments festifs… Des réunions avec les familles une ou deux fois par an permettent d’éta-blir un dialogue régulier entre les familles et les soignants mais aussi entre les familles elles-mêmes.Dans les règles de bonne conduite avec les aidants, il convient de les informer régulièrement, de leur signaler tout changement dans l’état de santé de leur parent, tout incident, y compris les incidents iatrogènes, de solliciter leur avis face à certaines difficultés dans le soin pour maintenir la confiance dans la durée. Une prise en charge psychologique peut être proposée aux aidants en grande souffrance par la psychologue de l’établisse-ment.

LA fin De vieCette étape est fondamentale pour conduire à terme dans les meilleures conditions un accom-pagnement qui, parfois, aura duré quelques années. Face à un stade très sévère de la maladie, avec état grabataire, hy-pertonie déformante, dysphagie, dénutrition et perte de la commu-nication verbale avec le malade, deux risques peuvent cohabiter  : celui d’un acharnement théra-peutique pour traiter surtout les affections associées et celui d’un abandon thérapeutique, avec no-tamment insuffisance de traite-ment de confort, pour la douleur en particulier (23). Soins curatifs et soins palliatifs ne sont plus vrai-ment à opposer mais le projet de soin doit être clair et partagé par l’équipe soignante et la famille. La

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pose d’une gastrostomie per-cuta-née est jugée inadaptée car elle ne réduit ni la mortalité ni l’inconfort du patient. Le recours à une équipe mobile de soins palliatifs devrait être partout possible.Lorsque la situation est complexe, que les avis sont partagés sur l’ana-lyse de la situation entre soignants et familles et entre soignants, la démarche éthique peut aider une équipe soignante à établir le projet de soin et à retrouver le sens véri-table de l’acte de soin que la grande dépendance risque d’estomper (24).

concLUsionLa prise en soin de résidents at-teints de MA ou d’une affection apparentée en EHPAD est deve-nue très exigeante sur le plan de la connaissance de ces maladies et de leur évolution, des quali-tés d’observation, d’analyse et de mise au point de stratégies de soin personnalisées et des qualités hu-maines : un regard de sollicitude doit être posé sur ces malades, même non communicants, avec une constante interrogation sur la recherche de leur bien-être.

Cette pathologie conduit au cœur du sens du soin en gérontologie et doit valoriser la fonction soi-gnante en EHPAD. n

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