Prédications d'été 2014

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1 Parole d’été Lyon, juillet-août 2014 Les prédications suivent le semainier "nos thèses pour l'Évangile, 40 semaines pour cheminer" 6-07 Mais qui est saint ? Bernard Millet p 2 13.07 Le ciel, c'est où ? Franck Nespoulet p 6 - 10-08 Les premiers seront les derniers... Nicole Fabre p 11 17-08 La vieillesse, une bénédiction oubliée. Françoise Sternberger p 14 24-08 Louer Dieu... Est-ce gratuit ? Corinne Daniélian p 17 31-08 ...ni homme ni femme, ni juif nigrec ? Pierre Blanzat p 23

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Parole d’été Lyon, juillet-août 2014

Les prédications suivent le semainier "nos thèses pour l'Évangile, 40 semaines pour cheminer"

6-07 Mais qui est saint ? Bernard Millet p 2 13.07 Le ciel, c'est où ? Franck Nespoulet p 6 - 10-08 Les premiers seront les derniers... Nicole Fabre p 11 17-08 La vieillesse, une bénédiction oubliée. Françoise Sternberger p 14 24-08 Louer Dieu... Est-ce gratuit ? Corinne Daniélian p 17 31-08 ...ni homme ni femme, ni juif nigrec ? Pierre Blanzat p 23

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Prédication du 6 juillet - Temple du Change - Pasteur Bernard Millet

Mais qui est saint ?

Lecture Evangile selon Matthieu : Chapitre 11 : 25 à 30

enez à moi, vous tous qui êtes fatigués et chargés, je vous donnerai le repos…. » Y a t il des gens fatigués dans la salle ? Si oui : cet Évangile est pour vous !

Et, si non : ce message biblique a-t-il vraiment quelque chose à nous dire ce matin ? Et s’il n’y a pas de gens fatigués ici, je ne sais pas très bien ce que je vais faire de ce morceau d’Évangile... Il est vrai que nous vivons dans une société où l’on aime pas parler de nos maux, de nos souffrances, de nos fatigues et de nos fragilités … Il y a beaucoup de pudeur en nous. Nous vivons aussi dans une période où l’on soigne aussi beaucoup son apparence : « son look » ; Il faut être, ou il faut paraître : beau, jeune, et si possible, entreprenant. Il faut parler beaucoup de son travail et le moins possible de ses vacances ou de son repos, ou encore de ses convictions. Car les convictions, non plus, ne sont pas très rentables ni monnayables…. Dans le monde du travail qui occupe la plus grande partie de notre temps : Il faut valoriser nos forces et minorer nos fragilités… « Venez à moi vous tous qui êtes fatigués et chargés, je vous donnerai le repos. » Oui, le repos n’a pas bonne presse dans le monde de l’entreprise, et dans le monde « tout court ». Mais avant de lancer son invitation au repos, ce qui est tout de même de bon augure, pour un 1er dimanche de Juillet, Jésus vient de prier pour louer Dieu, son Père, d’avoir révélé l ‘Évangile aux enfants et aux petits, plutôt qu’à ceux qui se croient sages et intelligents…. « Je te loue Père, de ce que tu as caché ces choses aux sages et aux intelligents, et de ce que tu les as révélées aux enfants. » A ce stade de notre lecture, il faut je crois procéder à quelques décryptages pour bien comprendre cette page de l’ Évangile :

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1er point de décryptage : nous noterons que le verbe « révéler », (en grec : apocalupsaï) revient deux fois dans ce texte ; et que la révélation est évidemment un thème théologique majeur de la Bible. Dans l’Ancien Testament, Dieu est à la fois le sujet et l’objet de cette révélation. Car l’homme ne connaît de Dieu que ce que Dieu lui-même veut bien lui communiquer par ses apparitions, par ses anges ou par la parole de ses prophètes. En effet, l’homme ne peut jamais vraiment connaître Dieu ! en tout cas dans le judéo-christianisme, Dieu reste toujours le « Tout Autre » que je ne peux ni connaître, ni cerner complètement… En revanche, dans beaucoup d’autres religions, on peut « connaître Dieu ». On connaît par exemple les traits de caractère des dieux du panthéon grec ou romain… et dans l’animisme aussi, les divinités sont locales ou familiales… Mais il n’en est pas ainsi du Dieu de la Bible qui demeure toujours le « Tout-Autre »… avec sa part d’inconnu. En revanche, dans le Nouveau Testament, l’évènement principal est la venue de Jésus : Jésus : par lequel Dieu va se faire connaître un peu plus, mais toujours avec une certaine distance : « Nul ne peut connaître le Père si ce n’est le fils » dit Jésus. 2e point de décryptage : Qui sont « les sages et les intelligents », et qui sont « les petits » dont parle Jésus ici ? Il semble bien que « les sages et les intelligents » soient les autorités et les spécialistes en matière religieuse. (Matthieu en parle souvent). Mais un handicap guette ces sages et ces intelligents : c’est de tout savoir et de ne plus avoir de raison d’étonnement et d’émerveillement. Ils savent notamment tellement tout au sujet de la loi, qu’ils pensent que cette dernière peut tout régler et tout expliquer… Et « les petits » sont certainement les hommes et les femmes mentionnés dans les béatitudes, le petit peuple : les marins pêcheurs et les petites gens des campagnes, pas toujours très bien formés sur le plan religieux, mais qui ne manquent pas de bon sens. Et dans les Évangiles, les pharisiens affichent souvent du mépris pour ces petites gens… Enfin, 3e et dernier décryptage : Qu’est-ce que le « joug » dans l’univers symbolique de l’Évangile ? Au temps de Jésus, « le joug » évoquait la loi et les commandements que le croyant devait s’imposer avec joie, mais aussi avec toutes les contraintes que cela voulait dire. Le joug de la loi se révélait souvent très contraignant et pas toujours très épanouissant. Mais revenons maintenant à notre récit de l’Évangile : Si, comme le dit Jésus, nous ne pouvons jamais connaître Dieu complètement, nous pouvons en revanche, le connaître en tant que Père, par Jésus ; et plus précisément, en Jésus, c’est Dieu qui s’approche de nous et qui abolit toute distance… Le Tout-Autre devient alors notre partenaire, celui qui nous aime et que nous pouvons connaître, en nous laissant rattraper par son amour. Selon Jésus, nous ne pouvons connaître Dieu qu’en l’appelant Père, comme Jésus, lui-même, l’appelle Père. « Notre père qui es au cieux…. » La formule est maintenant bien rodée, mais elle était nouvelle !… « Notre Père qui es au cieux, » je te loue et je te rends grâce… je te reconnais comme mon père et père de tous les hommes...

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Je te loue, Père, Seigneur du Ciel et de la terre, de ce que tu as caché ces choses aux sages, aux intelligents, et aux religieux… et je te loue de ce que tu les as révélées aux enfants, c’est-à-dire aux petits et à ceux qui acceptent de se laisser « rattraper » par un Dieu d’amour. Oui, nous ne connaissons Dieu, que bien partiellement, mais si nous acceptons, d’être aimé par Dieu, de recevoir sa révélation comme père ; si nous acceptons de nous laisser étonner et déranger par sa parole ; il y a ici, promesse que nous trouverons la paix et le repos en Lui. Et l’invitation de Jésus prend alors sens pour nous aussi : « Venez à moi vous tous, qui êtes fatigués et chargés, et je vous donnerai du repos. Prenez sur vous mon joug et laissez-vous instruire. Car le joug que je vous propose est facile à porter et mon fardeau est léger ». Ces paroles de Jésus nous invitent à goûter au repos et à la Paix, mais plus encore, je crois, elles nous invitent à oser reconnaître nos fragilités devant Dieu. Alors son joug devient léger, car ce n’est plus le joug de la loi mais le joug de l’amour. Ainsi, face à ce Dieu mystérieux qui vient à moi, j’apprendrai avec Jésus la condition d’enfant de Dieu. J’entendrai ses encouragements me dire : « tu n’es pas seul, tu n’es jamais, « ni fichu, ni fini »; mais tu peux te reposer en moi… Tu peux lâcher prise… Car mon joug est facile à porter et mon fardeau d’amour et de paix est léger. » Belles paroles pour ce début d’été ! où chacun aspire à gagner un peu de repos. Repos du corps et repos de l’esprit… Repos spirituel aussi, reçu dans cette conviction forte, que Dieu vient à nous, au coeur de nos fragilités et de nos imperfections. Nous qui vivons dans une société où l’on valorise les forts et où, il n’est pas toujours de bon ton, de montrer ses sentiments, nous sommes évidemment remis en cause par cet Évangile qui nous invite à reconnaître nos fragilités et à ne pas les refouler. Et puis, ces mots nous appellent aussi, à la prise de conscience, que nous n’avons pas à chercher Dieu, mais qu’un vrai repos nous est donné dans la « suivance » du Christ qui nous montre le Père. Car dans l’ Évangile « se savoir fragile », c’est déjà ce « petit plus » qui pourra nous aider à nous laisser rencontrer par Dieu. Et à l’inverse, cet Évangile nous laisse entendre aussi, qu’un fardeau plus lourd encore, pèse sur les forts et sur les sages : Il faudrait plutôt dire : Ceux qui se croient forts et qui se croient sages : C’est évidemment le fardeau de ceux qui veulent accéder par eux-même à la vérité et à la vie. Ceux-là sont sous le poids d’un fardeau impossible à porter, car c’est le poids de ceux qui croient pouvoir se porter eux-mêmes, être en quelque sorte leur propre père… Et chacun sait que quand on veut se porter soi-même, on devient alors son propre fardeau… Inutile de vous faire un dessin… Oui, cette page de l’Évangile, nous rappelle que nos propres forces sont limitées, et à tout choisir, l’Évangile nous invite à renoncer à être notre propre chef ou notre propre père, pour choisir le fardeau de Dieu qui entend nous rejoindre au cœur même de nos fragilités : Il nous donne son fardeau d’amour, de Paix et de confiance pour que nous trouvions en Lui le vrai repos. Mais passer du vrai fardeau « qui nous pèse », au vrai repos qui nous restaure, suppose vraiment que nous apprenions à nous dépouiller de toute velléité de nous porter et de nous diriger par nous-même.

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« Oui venez à moi, dit Jésus, dépouillez-vous de tout ce qui encombre votre vie, et prenez mon joug. Car mon joug est facile à porter et mon fardeau léger. Parole provocante dans notre société où l’on valorise celui qui se fait tout seul : « le self made man ». Mais l’Évangile ne joue pas dans la même cour ! Paradoxalement dans l’Évangile, le fort c’est le faible et le fardeau de l’Évangile c’est la légèreté de la grâce. Pour conclure, je rappelle que le semainier de notre « Eglise protestante unie » nous propose cette semaine, une réflexion sur la communion des saints… Et plus précisément pose la question : Mais qui est saint ? Vaste programme !… Mais, après tout ce que je vous ai dit, je serai tenté d’affirmer que dans la Bible, le saint n’est pas l’homme ou la femme « parfaite », mais bien celui ou celle, qui se sait choisi par Dieu, et qui avance dans la vie en toute confiance… Amen

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Prédication du 13 juillet - Temple du Change - Pasteur Franck Nespoulet

Le ciel, c'est où ?

Lectures Matthieu 6.9-10 : 9Voici donc comment vous devez prier : Notre Père qui es aux cieux ! Que ton nom soit sanctifié, 10que ton règne vienne, que ta volonté soit faite sur la terre comme au ciel. Psaume 115.1-3 et 15-16 : 1Non pas à nous, SEIGNEUR, non pas à nous, mais à ton nom donne gloire, à cause de ta fidélité, à cause de ta loyauté ! 2Pourquoi les nations diraient-elles : Où donc est leur Dieu ? 3Notre Dieu est au ciel, il fait tout ce qu'il veut.(...) 15Soyez bénis du SEIGNEUR, qui fait le ciel et la terre ! 16Le ciel est le ciel du SEIGNEUR, mais il a donné la terre aux êtres humains. Actes 1.9-11 : 9...pendant qu'ils regardaient, il fut élevé et une nuée le déroba à leurs yeux. 10Et comme ils fixaient le ciel, pendant qu'il s'en allait, deux hommes en habits blancs se présentèrent à eux 11et dirent : Hommes de Galilée, pourquoi restez-vous là à scruter le ciel ? Ce Jésus, qui a été enlevé au ciel du milieu de vous, viendra de la même manière que vous l'avez vu aller au ciel. Jean 8.23 : 23Il leur disait : Vous, vous êtes d'en bas ; moi, je suis d'en haut. Vous, vous êtes de ce monde ; moi, je ne suis pas de ce monde.

e ciel c'est où ? : Voilà donc la question qui est posée dans le petit semainier des thèses pour l'Evangile. Le thème de notre méditation de ce matin. Admettons que ce ne soit pas prendre les choses à l'envers, que de partir d'une idée au lieu de partir du texte

biblique... Admettons que nous ne soyons pas en train de tomber dans la facilité qui consisterait à vouloir faire du texte un prétexte. Dans tous les cas, il vaut la peine de s'interroger sur ces mots que l'on répète sans y penser : «Sur la terre comme au ciel.» «Notre Père qui es aux cieux...» Car on devine que la question posée dans le semainier est une fausse question d'enfant. Elle se veut provoquante : le ciel c'est où ? Il n’est pas sûr que la question interroge d'abord sur le ciel. Son objet est ailleurs. Le ciel ? On sait plutôt bien ce que c'est, en tout cas la définition existe, en termes de physique ou même d'astrophysique. Où est le ciel ? On le sait aussi. On peut le localiser, en tout cas par rapport à nous, même si on n'est pas certain de ses limites ou de son absence de limites. En fait, si je veux savoir où est le ciel, c'est parce j'ai entendu dire que Dieu y est ! Vous voyez, la question qui reste, elle n'est pas sur le ciel, elle est sur Dieu.

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Vous connaissez cette histoire d'un homme qui interroge un enfant, en lui faisant miroiter une récompense : je te donne une pièce d'argent si tu me dis où est Dieu ? et l'enfant qui répond : et moi je te donne une pièce d'argent si tu me dis où il n'est pas. Je pense aussi à cette question tout à fait sérieuse posée par une enfant de pasteur, à Lyon : – Est-ce que Dieu est dans les chaussures ? – Pourquoi ? – Parce que j'ai remarqué : quand on prie, tout le monde regarde ses chaussures. Tous les chrétiens devraient savoir où est Dieu, puisqu'ils Lui parlent... puisqu'ils s'adressent à Lui ! Le ciel, les cieux, en hébreu c'est Shamayïm. Interrogeons les Psaumes : selon le psalmiste, les shamayim sont bel et bien la demeure de Dieu. Le Seigneur a son trône dans les cieux (Psaumes 11.4 + 103.19 Les cieux sont sa sainte demeure (Psaume 20.7) L'Eternel, du haut des cieux, se penche (vers les fils de l'homme) : (Psaumes 14.2 + 33.13 + 53.3 + 102.20) Le ciel fait partie de la création. Il a été créé le deuxième jour. Avant d'être le support de la lune et du soleil, les deux grands luminaires, le ciel est d'abord quelque chose qui sépare. Vous vous souvenez : Le premier jour Dieu crée la lumière, et il sépare la nuit et le jour. Le deuxième jour, donc, Dieu fait la voûte pour séparer l'eau douce et l'eau salée. Et il appelle la voûte : ciel. Le troisième jour, Dieu crée la terre ferme en séparant le sec et le mouillé, et aussi la végétation, les plantes, séparées selon leurs espèces... Le quatrième jour, les luminaires pour séparer le jour et la nuit, etc. Le ciel est donc une voûte qui sépare. La version Parole de vie dit : le toit Dans sa traduction, Louis Segond dit : l'étendue. Il a raison, le mot hébreu désigne quelque chose qui s'étend, qui est plat et très solide... Le ciel est solide, et il sépare ce qui est en haut de ce qui est en bas. Les anciens avaient des images qui leur venaient des Psaumes. (A moins que ce ne soit le contraire : qui sait si des images de Dieu n’auraient pas suscité le chant des psaumes... ?) Nos images à nous viennent de toutes les représentations picturales de Dieu que nous avons vues et dont nous nous souvenons plus ou moins consciemment... le plafond de la chapelle sixtine, les mosaïques et les peintures chrétiennes depuis les premiers siècles jusqu'au Moyen-âge et jusqu'à la Renaissance, qui nous montrent Dieu dans le ciel, veillard barbu ou parfois symbolisé par une simple main surgissant des nuages... Ce qu'il y a d'étonnant, dans les images, c'est qu'elles restent. Elles ne s'effacent pas, elles ne s'annulent pas les unes les autres. Au contraire des idées, qui peuvent se remplacer : une par une autre, les images s'accumulent. Elles ne reviennent pas forcément à notre pensée, mais elles sont là quelque part derrière notre tête... et nous sommes influencés par elles. Pendant mes études de théologie, un des professeurs avait eu l'idée de nous faire dessiner Dieu. C'était comme un jeu, il ne s'agissait pas d'un exercice d'évaluation. Bien sûr, nous le savions tous, Dieu ne peut pas être représenté. Mais il est passionnant de s'interroger sur notre représentation de Dieu, nos images de Dieu. Car nous en avons, inévitablement. Et au lieu de prétendre qu'elles n'existent pas, au lieu de théoriser sur le mystère de Dieu, au

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lieu de se cacher derrière l'interdit de la représentation qu'on trouve dans le décalogue, on a pris ça comme un jeu, comme un défi, on a essayé individuellement de donner une réponse graphique à la question de Dieu. Là où c'est devenu passionnant, c'est lorsque nous avons partagé et échangé sur les dessins les uns des autres. Il n'y avait que des surprises. Disons-le, ça ne nous a pas fait progresser dans la connaissance de Dieu. Mais ça nous a énormément fait progresser dans la rencontre de l'autre, dans la foi, dans le partage et dans la connaissance. Un jour, je proposerai qu'on fasse ce jeu, en Eglise... Alors comme ça, Dieu habiterait quelque part ? Si c'était vrai, il faudrait que ce soit un endroit inaccessible. Pourquoi pas le ciel ? Le ciel, c'est tout ce qui n'est pas de la terre. Le ciel, c'est ce qui nous dépasse. C'est ce qui nous transcende... Donc le ciel est un lieu logique pour placer la demeure de Dieu. Nous sommes dans le symbole. De la même manière que Dieu ne nous donne pas son nom, ou seulement sur la forme d'une énigme qui concerne le verbe et l'être (je suis qui je suis - Exode 3.14)... De la même manière, nous ne savons rien de Sa géographie. Sauf que l'Eternel transcende aussi la géographie. Il ne peut pas habiter quelque part... Peut-on imaginer que la création pourrait contenir le créateur ? Dieu a considéré sa création, la terre, la voûte du ciel et tout et tout, et il a vu que c'était bon. Le psalmiste lui a placé une demeure dans les cieux. Le prophète Esaïe est d'accord pour le trône, pas d'accord pour la demeure. « Ainsi parle le Seigneur : Le ciel (Shamayim) est mon trône, Et la terre mon marchepied. Quelle maison pourriez-vous me bâtir, Et quel lieu me donneriez-vous pour demeure ? » (Esaïe 66.1) Salomon lui aussi a un avis sur la question. Pour la consécration du temple qu'il a construit, le Roi Salomon prie le Seigneur. Vous vous souvenez, premier livre des Rois, chapitre 8. Il est magnifique, ce temple. Mais il ne convient pas pour que Dieu puisse y habiter ! La prière d'adoration de Salomon se transforme en supplication... «27 Est-ce que Dieu peut vraiment habiter sur la terre ? Le ciel est immense, mais il ne

peut pas te contenir, toi, mon Dieu. Et ce temple que j'ai construit est beaucoup trop petit pour toi. 28 Pourtant, SEIGNEUR mon Dieu, sois attentif : moi, ton serviteur, je te prie et te supplie. Oui, écoute la prière fervente que je t'adresse aujourd'hui. 29 Ouvre tes yeux ! Pose ton regard nuit et jour sur ce temple. Tu as parlé de ce lieu en disant : “C'est ici que je serai présent.” Écoute la prière que je t'adresse en ce lieu même. 30

Écoute mon appel et l'appel de ton peuple Israël quand nous prions dans ce lieu. Écoute-nous, SEIGNEUR, du haut du ciel où tu habites, écoute-nous et accorde-nous ton pardon.» (1 Rois 8)

Si le ciel, c'est ce qui nous transcende. Si la demeure de Dieu n'est dans les cieux que symboliquement, alors, lorsque nous disons Notre Père qui es aux cieux, nous ne disons pas qu'il est “dans le ciel”. Nous disons qu'il est au delà de nous, nous disons qu'il nous est inaccessible. Le lieu de Dieu, c'est l'inatteignable. Et nous sentons bien que ce lieu est, symboliquement au moins, plus élevé que nous. Plus haut, plus grand, plus... tout ! Le ciel est un excellent symbole pour signifier tout cela. Et même la version plurielle et poétique du ciel, les cieux.

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Nous n'avons pas beaucoup avancé dans la connaissance de Dieu. Mais nous réalisons mieux que des créatures comme nous ne peuvent que se construire des images de ce qu'il représente pour nous. On commence à comprendre que sans le Christ, les chrétiens que nous sommes ont vraiment du mal à connaître la plus petite chose sur Dieu. Nous savons même que ce Dieu Père, il n'est peut-être pas possible de le connaître, il n'est pas possible de le voir. Le Premier Testament nous le dit : il n'est pas possible de voir Dieu et de vivre quand on est un homme ou une femme vivant sur la terre. Mais il est possible de Le prier. Il est possible de Lui parler. Et chose étrange, il nous demande de le faire. Dieu, c'est la possibilité d'une rencontre. Mais cette rencontre, elle n'a pas lieu au ciel. Elle a lieu... où nous sommes. La géographie de Dieu n'est pas la nôtre. Mais notre géographie peut être celle de Dieu. Nos chemins sont connus de lui. Il vient nous rejoindre dans nos ciels comme dans nos vallées profondes. Lorsque les disciples ont demandé à Jésus de l'aide pour prier, le Christ a dû être étonné. Je le suppose, je n'en suis pas sûr puisque Jésus ne l'a pas dit. Je pense qu'il a dû être étonné, parce que la prière est quelque chose de simple et de naturel. Aussi simple que pour Jésus, de parler à son papa. Papa, j'ai quelque chose à te dire, à te demander... Mais Jésus a compris la demande de ses disciples. Il a compris qu'ils avaient besoin d'aide. Il a compris que nous avions besoin d'aide. Alors il nous a donné la prière du Notre Père. Cette prière vient de loin... et elle va loin ! Ce n'est pas la peine de gravir le Sinaï, ce n'est pas la peine d'aller adorer à Jérusalem ou au mont Garizim. C'est Jésus qui le dit à la Samaritaine (Jean 4.21). Inutile de courir à La Mecque ou à Rome. Inutile de se lamenter au temple de Jésusalem. Inutile de se baigner dans les eaux du Gange. Dieu est dans les cieux. Il est dans une autre dimension, il est plus haut que nous ne serons jamais. Mais il est notre Père. Nous lui ressemblons comme des enfants ressemblent à leur parents. Nous sommes fils et filles de Dieu, et nous sommes aussi des descendants d'Abraham. Abraham ne s'est pas toujours appelé Abraham, comme vous savez. L'homme originaire d'Ur en Mésopotamie, qui reçoit ce fameux appel de Dieu : «Va-t'en de ton pays, du lieu de tes origines et de la maison de ton père, vers le pays que je te montrerai.» ou bien «Va vers toi !» Cet homme ne s'appelle pas Abraham. Il s'appelle Abram. Abram signifie : le Père est en haut Abraham signifie autre chose : père d'une multitude... Il y a en Abraham les deux éléments qui sont en tension lorsqu'on parle du Père qui est au ciel : d'un côté, avec le nom Abram la distance irréductible entre le créateur et sa créature et de l'autre, avec le nom Abraham la proximité du lien, de l'affection, de l'amour, de la transmission. Nous sommes dans cette tension entre l'infini de Dieu et sa proximité. Entre l'inaccessible et l'intime. Dans notre prière, dans toute la liturgie d'ouverture du culte que nous rendons à Dieu, il y a les deux pôles : Annonce de la grâce, louange nous savons que nous ne pouvons pas le connaître mais il nous précède, il nous reconnaît, il nous rend dignes, et ses dons sont là devant nous. La création est bonne et il nous a voulus créatures à sa ressemblance, à son image... Il y a quelque chose en nous de Dieu. Il y a dans toute la création quelque chose de Dieu. "pas une bête qui n'ait un reflet d'infini" (Hugo, le Crapaud, la légende des siècles) Confession du péché parce que nous ne sommes pas la créature idéale que nous voudrions être, l'infini nous est inaccessible, nous ne faisons pas le bien que nous voudrions faire, nous faisons le mal que nous ne voudrions pas faire... Pardon, loi Créatures prisonnières de nos imperfection, rendues libres par la Loi qui donne le cadre et par cette parole libératrice entre toutes, le Pardon... Au jour du jugement, on ne nous

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demandera pas pourquoi nos n'avons pas été Abraham. Pourquoi nous n'avons pas été Moïse ? On nous demandera : as-tu pu devenir celui ou celle que tu étais ? As tu été toi-même ? Etre soi même, et l'être bien, en relation avec notre prochain et avec Dieu, et Christ, par l'Esprit, c'est ça notre travail de chrétiens. Nous ne devons pas oublier que Dieu est Dieu, et que nous ne pouvons pas le réduire à quelqu'un de trop familier, d'en faire une chose qui ne pourra plus être source de vie... Il est Christ, il a voulu devenir homme et s'incarner... Jean rapporte ces mots qu'il place dans la bouche du Christ : Vous, vous êtes d'en bas ; moi, je suis d'en haut. Vous, vous êtes de ce monde ; moi, je ne suis pas de ce monde. Il transcende la vie et la mort humaines, il est la possibilité de la résurrection, il fait toutes choses nouvelles. A la suite du Christ il nous appelle à la Vie. Pas à la vie "au ciel". D'abord, on sait pas où c'est le ciel. "Vous savez où je vais, vous en savez le chemin dit Jésus à ses disciples.. (Jean 14) Et Thomas le jumeau, Thomas le magnifique qui toujours veut voir et comprendre, Seigneur, on ne sait pas où tu vas, comment tu veux qu'on sache le chemin ? Thomas grâce à qui nous avons cette réponse du Christ : je suis le chemin, la vérité, et la vie. Ne cherchez pas le ciel. Ne cherchez pas le but ultime du voyage Vous ne pouvez pas le connaître. Vous ne savez pas où vous allez, mais vous savez avec qui et par Lui le chemin vous est donné. A Dieu soit la gloire

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 Prédication du 10 août - Grand Temple - Pasteur Nicole Fabre

Les premiers seront les derniers Les derniers seront les premiers

Lectures Matthieu 5.1-10 Marc 10.17-27  

   Les premiers seront les derniers, les derniers seront les premiers. Je me souviens d’un film dont le héros avait gagna au loto. Une scène m’est restée : alors qu’il se rend à un rendez-vous chez son banquier, il réalise que les intérêts de son avoir couvrent largement ses dépenses habituelles, même avec les quelques excès qu’il s’est permis. L’inverse est vrai aussi : au-dessous d’un certain seuil de revenu, vous avez beau tenir un budget le plus serré possible, vous vivez endettés, endettés non solvables. Ce n’est là qu’un élément de nos vies, mais un élément important. Les derniers seront les premiers, les premiers seront les derniers ? C’est très souvent l’inverse que nous voyons. Des immigrés venus illégalement, victime pour beaucoup de conflits qui les dépassent et dépassent souvent en bonne partie leurs propres gouvernements, accueillis ici comme délinquants aux yeux de la loi. Des populations civiles victimes d’épreuves de force entre puissances ou factions en guerre. Les derniers seront premiers et les premiers seront derniers ? Quel sens cela a-t-il aujourd’hui ? Quelle réalité ? Cette phrase est liée pourtant à l’évocation du Royaume de Dieu. Et nous croyons qu’en Jésus-Christ le Royaume s’est approché de nous. Nous avons donc à l’entendre et sans doute contient-elle un message libérateur, mettant en lumière la beauté et la force de la vie. Sans doute ouvre-t-elle la voie à la joie du Royaume vécu déjà maintenant. Mais avant de percevoir la joie et la force de cette parole, un mot encore : Pour les disciples, c’est une réalité qui n’a pas été facile à entendre vraiment, voire impossible.

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Je vous invite donc à vous mettre à l’écoute de certains passages. Je commencerai par les béatitudes. Lecture de Mt 5,1-10 Cette parole de Jésus révèle le regard que lui-même pose sur la foule qui l’entoure. Il y décèle des pauvres de cœur. Il y décèle ceux qui pleurent, ceux qui ont faim et soif de justice, ceux qui savent faire miséricorde, ceux dont le cœur n’est pas partagé, qu’il appelle les cœurs purs, ceux qui, discrètement, font œuvre de paix. Son regard sait reconnaître en chacun ce qui est porté au plus profond. Sa parole annonce un bonheur possible au cœur des larmes, au cœur de nos faims et de nos soifs d’autre chose. Luc, en contrepoint, évoque les situations d’impasses : MALHEUREUX vous, les riches ! Vous tenez votre consolation ! MALHEUREUX vous qui êtes rassasiés maintenant ! Vous aurez faim ! MALHEUREUX vous qui riez maintenant ! Vous serez dans le deuil et dans les larmes ! MALHEUREUX êtes-vous lorsque tout le monde parle en bien de vous ! C’est ainsi que leurs pères traitaient les prophètes de mensonge ! Non que l’Évangile soit contre la joie, contre la richesse. Mais il fait entendre l’isolement des personnes qui, au fond, n’ont rien à attendre ni des autres, ni de Dieu. Rien ne les attend. Il n’y a pas d’avenir qui les attend. Au contraire, ceux qui manquent de joie, de justice, pour ceux-là, la présence de Jésus, la présence des autres, la présence du Royaume peut prendre sens et ouvrir des chemins inattendus. C’est toute la différence, dans les Évangiles, entre les personnes malades, les personnes possédées par un esprit mauvais, les femmes rejetées, toutes ces personnes insignifiantes pour la société que Jésus rencontre, d’une part, et d’autre part beaucoup de théologiens de l’époque parmi les pharisiens, les saducéens, les légistes… Les uns sont en attente, les autres viennent avec leur assurance intellectuelle, religieuse, politique. Un renversement s’opère : les uns découvrent la présence de Dieu qui s’approche et guérit. Leur avenir s’ouvre. Les autres se durcissent et deviennent de plus en plus aveugles, jusqu’au rejet violent. Mais l’Évangile en fait n’est pas là pour diviser l’humanité en deux : d’un côté les bons, les pauvres, de l’autre les mauvais, les puissants et les riches. L’Évangile ne vient pas juger, mais éclairer les situations pour nous permettre de nous ajuster à la réalité du Royaume de Dieu. Souvenez-vous du centurion devant lequel Jésus s’émerveille. Cet homme a du pouvoir. Il était venu pour son serviteur et il a perçu qui était Jésus. Souvenez-vous du chef de synagogue, lui aussi homme respecté religieusement venu lui aussi pour un petit, pour sa fille. Souvenez du scribe, dernière figure officielle que Jésus rencontre avant son arrestation dans l’Évangile de Marc devant lequel il s’émerveille aussi : Tu n’es pas loin du Royaume de Dieu. L’Évangile retourne les réalités que nous croyions figées et évidentes. Qui sont les grands ? Qui sont ceux qui perçoivent la présence et le travail de Dieu au milieu des hommes ? Ce sont souvent ceux dont on n’attendait rien. Venons-en aux disciples. Lorsqu’ils ont osé se risquer à reconnaître en Jésus l’envoyé de Dieu, le Messie, Jésus alors, par trois fois prend le temps de dire que le fils de l’homme va être livré aux mains des hommes ou bien va être rejeté par les grands prêtres et les scribes, mis à mort,

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et le troisième jour ressuscitera. L’Évangile de Jean le dira autrement, en faisant du moment où Jésus prend la posture de serviteur et lave les pieds de ses disciples, le moment de la révélation totale de l’identité de Jésus. Les disciples refusent : Non cela ne t’arrivera pas ! Ou semblent écouter de façon très distraite et n’entendent qu’une question de succession : qui sera le plus grand ? Jean et Jacques pourront-ils être assis à la droite de Jésus ? Et il y a toutes ces paroles sur la dernière place, toutes les fois où Jésus place un enfant au milieu du cercle des disciples, tout cela ne peut pas être vraiment entendu.  Lecture de Mc 10,17-27 Aux hommes c’est impossible, mais à Dieu, tout est possible. Comment ont-ils pu changer et entendre ce retournement ? Et nous, comment pouvons-nous l’entendre et vivre ce retournement ? Quelques pistes pour nous aujourd’hui :

• Se mettre à l’écoute des plus petits. C’est ce que nous faisons quand nous lisons l’Évangile.

C’est important d’entretenir ce geste dans notre vie quotidienne. Comment nous mettons-nous à l’écoute de ceux de qui, à priori, nous n’attendons rien.

• Accepter d’être rejoint par l’Évangile dans les lieux de nos existences dont nous avons honte, là où nous sentons humiliés par nos incapacités, ou humiliés par ce que nous avons fait ou dit. Là où secrètement nous pleurons, nous avons faim…

Cette conversion n’est jamais finie. Le repas que nous allons célébrer dit cette place qu’a occupée Jésus. Il dit comment celui que nous reconnaissons comme sauveur et Seigneur vient à nous. Vers chacun de nous, mais aussi nous tous ensemble. Peut-être que le secret pour entrer dans cette vérité du Royaume où les petits tiennent une place de choix est d’apprendre sans cesse à recevoir, et non seulement à donner. Recevoir la présence de Dieu, ses paroles, son pardon, y compris dans nos situations de désespoir ou de fragilité. Recevoir la présence des autres : leurs paroles, leurs gestes, leur amitié.    

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Prédication du 17 août 2014 - Grand Temple - Pasteur Françoise Sternberger

La vieillesse, une bénédiction oubliée

Lectures Psaume 90

omment vas-tu ? - « Je suis vieille », me répondait une personne que je rencontrais cet été en vacances. « Tu es donc en vie », ai-je répondu un peu spontanément, peut-être sottement ? Dans vieillesse, on entend le mot vie. La

vieillesse est un temps de la vie, le dernier certes, mais ce n’est pas en soi une maladie, un mal. Dans la Bible nombre de patriarches et de sages vivent rassasiés de jours ! Leur vieillesse est le signe d’une bénédiction. Il est intéressant de noter que la première fois que le mot « shalom », paix, apparaît dans la Bible c’est au sujet de la promesse qui est faite par Dieu à Abraham: « En paix, tu rejoindras tes pères. Et tu seras enseveli après une heureuse vieillesse (Genèse 15,5) » Dans le Nouveau Testament ce sont deux vieux qui accueillent l’enfant Jésus au Temple. Syméon et Anne la prophétesse âgée dit l’Évangile de Luc de 84 ans. Laisse ton serviteur aller en paix dit Syméon car mes yeux ont vu le salut. Eux les vieux veilleurs ont toute leur place dans ce passage de l’Ancien au Nouveau testament, car ils participent à l’annonce du salut, d’une espérance, d’une délivrance. Leur vieillesse a du sens. Aujourd’hui en Irak, à Mossoul, à Gaza, en Sierra Léone, dans bien des pays et continents, on n’a ni le temps ni les moyens d’être vieux ou avancé en âge, ni de voir venir le salut et la paix. Et trop souvent dans le vieux continent, où la vieillesse n’est plus exceptionnelle, et s’étend jusqu’à un quatrième voire cinquième âge, si on se dit vieux, c’est bien souvent d’abord comme un problème. Je suis trop vieux. Dit-on, entend-on !

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La question se pose aujourd’hui de notre témoignage chrétien, et particulièrement protestant, sur la vieillesse, la durée de la vie. Comment vivre et annoncer cette promesse biblique qui entoure de paix une heureuse vieillesse, une vie rassasiée? Comment annoncer, et que faire, pour la paix à tous et surtout dans le grand âge ? Il nous est proposé dans notre semainier la méditation du psaume 90 que je vous invite à entendre maintenant comme la prière d’une personne avancée en âge, à l’âge où l’on peut faire un bilan de sa vie. Dans les visites, accompagnements qu’un pasteur peut faire particulièrement en maisons de retraite, domicile de paroissiens âgés, les psaumes apportent souvent au pasteur ou au visiteur les paroles les plus appropriées. Dans une préface sur le livre des psaumes Luther a écrit : ‘Le cœur d’un homme est comme un bateau, un bateau sur une mer turbulente, un bateau poussé par les quatre vents du monde.’ Et c’est vrai que les psaumes témoignent en effet de cette vie intérieure de l’âme humaine ; au long des 150 psaumes de la Bible tous les sentiments sont présents, peur, colère, douleur, conflit, joie, confiance aussi. Toutes sortes d’émotions. On peut tout dire dans la prière. Parce que prier ce n’est pas faire de la théologie, « parler de Dieu », avec une certaine distance. Dans la prière on peut parler à Dieu sans retenue, dans la présence de Dieu. Livrer ses émotions, requêtes, plaintes. Comme son adoration. Mon père pourquoi m’as-tu abandonné, dit le psaume 22 repris par Jésus en croix. ou son adoration, sa confiance : « je ne crains aucun mal car tu es avec moi », dit le psaume 23 qui accompagne tant d’adieux. Alors Si le cœur d’un homme est comme un bateau soumis aux vents, il se pourrait bien que La prière soit son ancre. Parfois même sa bouée de secours. Sa paix peut-être. Car La prière, celle des psaumes en particulier, est aussi le plus sur moyen d’un retour vers le calme, la confiance, la restauration de l’âme. Car Dieu y dit tout de son amour à l’homme qui le prie de tout son cœur, de tout son vague à l’âme! De Ce psaume 90, on pourrait donc dire qu’il est la prière d’un homme, d’une femme, au cœur fatigué d’être balloté aux quatre vents de la maladie, de la solitude, du manque, de la détresse. Dans ces jours on ne voit plus de Dieu que la colère. La colère dont la mort serait la manifestation la plus extrême. Puis la prière en un moment bien précis bascule, car celui qui prie, dans sa prière se souvient. Il se souvient des jours d’autrefois, de la fidélité de Dieu, il se souvient de ce Dieu abri de génération en génération. Dieu de vie. Et il peut appeler à l’aide ce Dieu des temps anciens, Dieu reconnu, Dieu mémorisé : Reviens, dit celui qui prie. Répands sur nous ta douceur… Ce retour de Dieu vers l’homme, ce changement de l’homme qui retrouve son Dieu s’appelle en langage chrétien : une conversion. En tout temps et à tout âge ce retour est possible. Avec l’âge qui vient, il devient une marque de sagesse. Celle d’accepter la finitude humaine comme faisant partie de la vie et du principe de la vie. « Notre vie est courte, fais-nous comprendre cela. Alors notre cœur sera rempli de sagesse. Celui ou celle qui prie ce psaume a restauré en lui à la place de la peur devant un Dieu si plein de colère, le besoin de bonheur, le désir d’être affermi, c'est-à-dire reconnu, estimé, au-delà des gestes qui deviennent plus lents, de la fatigue qui se fait sentir, des difficultés à se comprendre dans le monde. La Parole a toujours quelque chose à nous dire à tout âge. La prière est toujours possible même sans les mots. La paix est toujours possible.

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Mais la paix à croire et annoncer reste à faire. A tout âge de la vie. Les œuvres protestantes depuis le 19ème siècle, ont consacré semble-t-il une grande part de leur attention à cet âge de la vie. Les maisons de retraite, les fondations de santé, John Bost, les œuvres des diaconesses, sont nombreuses et témoins de ce souci d’adoucir les vieux jours de la personne. D’accompagner ce temps de la vie au nom peut-être de cette promesse biblique d’aller en paix vers la fin de ses jours. Un médecin dans une conférence sur le grand âge décrivait le passage, qui s’est fait grâce à la découverte des soins palliatifs, des soins que l’on donne, aux soins que l’on prend de l’autre, la nuance entre les soins médicaux à donner (sans entrer dans l’affectif), et le prendre soin de l’autre (comme acte médical qui intègre les sentiments). Et elle dit : « retrouver que l’on peut prendre soin de ceux qui sont dans la détresse est une des plus importantes valeurs auxquels peut accéder l’être humain. » On peut prendre soin les uns des autres et de ceux que le grand âge rend plus dépendant. Je rencontrais encore dernièrement une personne retraitée qui avait travaillé en maisons de retraite, pris soin de « ses vieux » et me disait tout ce qu’elle avait pu recevoir. Ce qui lui restait de ces années était la reconnaissance pour ce qu’elle avait reçue d’eux. « Il y a plus de bonheur à donner qu’à recevoir » dit-on souvent pourtant, et même l’Évangile. Cette parole « Il y a plus de bonheur à donner qu’à recevoir » est transmise par Paul l’apôtre, comme venant de Jésus, dans le livre des Actes au chapitre 20 dans le discours d’adieux de Paul. Parce qu’effectivement donner donne du sens à sa vie, ses journées, donner la vie, donner de l’amour, du temps, aider, rend sa vie importante. L’âge venant ne plus pouvoir donner comme avant est vécu comme un sentiment d’inutilité. Quand Recevoir est un acte passif, qui nécessite d’accepter de l’aide, des soins, de l’amour. S’il y a une plus grande satisfaction dans l’acte du don, si Jésus n’a été que don, donnant sa vie au monde, et peut faire l’loge du don, il y a un temps pour tout et un temps pour apprendre à recevoir. La personne âgée comme tous les « fragiles » de ce monde nous rappelle que la Grâce d’abord se reçoit. Que la vie n’a pas à se justifier, elle est un don. Heureux ceux qui ne peuvent plus donner car ils recevront la grâce en plénitude. Heureux ceux qui ne peuvent plus donner et qui éprouvent la grâce d’être aimés sans conditions. Prions : Bénis Seigneur ceux qui nous comprennent et adoucissent nos vieux jours… Bénis, Seigneur, ceux qui comprennent mon pas hésitant et ma main tremblante. Bénis ceux qui savent qu’aujourd’hui mes oreilles vont peiner pour entendre. Bénis ceux qui détournent les yeux s’il m’arrive de renverser mon café le matin. Bénis ceux qui ne disent jamais : "C’est la seconde fois de la journée que vous racontez cette histoire." Bénis ceux qui ont le don de me faire évoquer les jours heureux d’autrefois. Bénis ceux qui font de moi un être aimé, respecté et non pas abandonné. Bénis ceux qui devinent que je ne sais plus comment trouver la force de porter ma croix. Bénis ceux qui adoucissent par leur amour les jours qui me restent à vivre en ce dernier voyage vers la maison du Père.

Esther Mary Walker (extrait de "Oser prier Dieu", Ed. Droguet-Ardant)

Amen

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Prédication du 24 aout 2014, Grand Temple - Pasteur Corinne Danielian

Louer Dieu... est-ce gratuit ?

Lectures : 1 Jean 3,1 à 14 & Jean 9, 1 à 41. Ses disciples lui posèrent cette question : « Rabbi, qui a péché pour qu’il soit né aveugle, lui ou ses parents ? ».

et été les 9 prédications se seront appuyées sur le semainier édité par l’Eglise perotestante unie de France intitulé 2017 nos thèses pour l’Évangile... 2017 est une date anniversaire. Il y aura bientôt 500 ans, la veille de la Toussaint de l’an 1517, le frère Augustin et théologien Martin Luther placarde sur les portes de l'église de

Wittenberg ses 95 thèses condamnant le commerce des indulgences pratiqué par l’Église catholique… Je ne vous apprends rien, à l’époque, pour ceux qui en avaient les moyens, il s’agissait de monnayer le pardon de ses péchés contre l’achat d’indulgences censées leur ouvrir les portes du paradis… Même si théologiquement et éthiquement parlant, l’idée d’acheter sa place auprès de Dieu, comme on réserverait sa loge à l’opéra, peut nous sembler aujourd’hui aussi idiote qu’injuste… A l’époque du moine Luther, elle permit de financer la construction de St Pierre de Rome. Le clergé n’eut aucun scrupule à profiter de la peur, de la culpabilité et de la crédulité des âmes qui leur étaient confiées... Ceci dit en passant, remarquez qu’il y a bien longtemps que ce clergé peu scrupuleux a été remplacé haut la main par d’autres bonnes âmes avisées qui, profitant du désarroi, de la solitude ou de nos peurs contemporaines, nous proposent aujourd’hui de monnayer toutes sortes de solutions clé en main, de remèdes miracles prêt à penser et prêt à consommer… à qui cherche : la reconnaissance, l’affection, la jouissance, la célébrité, l’argent, le pouvoir ou le bonheur immédiat… Car il faut bien le reconnaitre, aujourd’hui, l’idée d’accéder au paradis est devenu nettement moins vendeuse que le désir d’obtenir la richesse ou la célébrité …exception faite, il est vrai, mais c’est pour le pire, de ces jeunes femmes et de ces jeunes hommes qui font la une de nos journaux télévisés parce qu’ils sont prêts à mourir pour l’image déformée d’un Dieu qui dévore ses enfants en leur promettant un paradis en échange du sacrifice de leur vie…

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Dans ce contexte, la question que nous pose le semainier ce dimanche est loin d’être innocente. Louer Dieu, est-ce gratuit ? La grâce a-t-elle un coût ? La louange est-ce une Grâce ? Est-ce un don de Dieu ? Ou bien encore : Pourquoi, pour qui, rendons-nous grâce ? Payer, c’est mesurer… alors j’aimerais partager avec vous la réflexion de ce père dans la foi dont j’avoue que j’admire particulièrement le sens de la mesure. « Adorer Dieu, lui vouer un culte, se tourner entièrement vers lui, accueillir pleinement sa présence et manifester notre reconnaissance par la louange, c’est entrer dans une relation unique, intemporelle et si intense qu’aucune mesure ne peut en rendre compte » écrivait Augustin d’Hippone. Probablement que c’est là un langage qui aujourd’hui pourrait effrayer nos sensibilités occidentales mais pour Augustin l’Africain, Augustin le théologien d’origine berbère « Adorer Dieu, c’est l’aimer de tout son cœur avec passion. » Les confessions, son livre autobiographique le plus émouvant de l’Antiquité est une louange toute entière adressé à Dieu que nos communautés, parfois un peu « assoupies », pourraient avoir la bonne idée de relire… Car pour Augustin, la louange n’est ni plus ni moins qu’une déclaration d’amour adressée à Dieu, un chant brulant au Dieu qui a bouleversé sa vie. Voilà un homme qui met du sel sur sa louange : « Tard je t’ai aimée, beauté ancienne et si nouvelle. Tard, je t’ai aimée. Tu étais au-dedans de moi et moi j’étais au dehors. Et c’est là que je t’ai cherchée. Tu m’as touchée et ta paix m’a brulé. » Quelle louange n’est-ce pas ? Certes, à hauteur d’homme, cela peut nous paraitre vertigineux, mais Dieu est plus grand que notre cœur. Nous pouvons l’aimer sans mesure et sans crainte, comme le préconise Augustin. Il est notre rocher, notre soutien. C’est le moment de se poser à nouveau la question : Comment évaluer le prix d’une grâce qui par définition n’a pas de prix ? Car enfin, à combien pourrions-nous évaluer le prix de notre louange ? Je dois vous avouer que personnellement cette question me laisse perplexe ! Bien sur nous pourrions nous pencher sur les questions financières de notre Eglise et comment ne pas tenir compte des coups de fonctionnement de notre communauté ? Mais est-ce de cela dont il s’agit lorsque nous nous posons la question de la louange ? La louange, qu’est-ce c’est ? … Avant de nous précipiter un peu rapidement sur une réponse, qui va essayer d’approfondir notre réflexion, j’aimerais que nous gardions à l’esprit le verset 38 de ce chapitre de l’Évangile de Jean que nous venons de lire. Il nous rapporte le récit de la guérison de cet homme aveugle de naissance. L’homme dit à Jésus : « je crois, Seigneur. Et il se prosterna devant lui. » Lorsque nous pensons louange, Il nous vient peut-être à l’esprit : les psaumes, les cantiques, nos mains qui s’ouvrent pour offrir, pour accueillir… se sont là quelques-unes des manifestations de la louange. Comme cette parole, cette prière, ce sourire que nous adressons à l’autre, au tout Autre, pour manifester notre joie, notre confiance, notre reconnaissance…

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L’aveugle de naissance, lui, va se prosterner, se mettre à genoux devant Jésus. En tout cas c’est comme cela que nos bibles le traduisent… La louange peut donc être manifesté : elle peut se voir, elle peut s’entendre, elle peut se dire, nos mains peuvent la toucher ! La louange n’est pas désincarnée. Elle est à la portée de chacun d’entre nous. Le mot grec que Jean utilise dans son Évangile pour dire la louange est « Pros-kunéo », il revient 59 fois dans son Évangile… La louange est donc au cœur de cette bonne nouvelle. Et savez-vous ce que signifie en réalité ce que nos bibles traduisent pudiquement par louer dieu, se prosterner, se mettre à genoux... ? Littéralement « Pros-kunéo » en grec cela signifie : envoyer un baiser, embrasser. Lorsque l’homme que Jésus a guéri lui dit : « je crois Seigneur, je crois que tu es le fils de Dieu », sa déclaration de foi est aussi un geste de louange, et ce geste de louange est en vérité un geste de reconnaissance et d’amour. Dans nos bibles, l’homme se prosterne, mais littéralement : il l’embrasse. L’aveugle de naissance que Jésus a guéri, l’homme à qui Jésus a ouvert les yeux en mêlant sa salive à de la boue, cet homme manifeste de l’amour pour Jésus. La relation que Jésus établi avec cet homme est donc loin d’être aseptisé. Et nous, qu’est-ce qui nous pousse à louer Dieu, à lui manifester notre amour? Quel désir nous habite qui nous pousse à vouloir témoigner notre confiance, notre reconnaissance, notre admiration dans la louange que nous manifestons à Dieu ? La reconnaissance que nous exprimons à travers la prière de louange, le lâcher-prise qu’il nous ait donné de vivre ensemble, cet amour que sommes rendu capable d’offrir est le fruit d’une grâce qui nous précède. Un don si désintéressé que nous ignorons même qu’il nous a été donné. Parfois, nous louons Dieu avec le sentiment incrédule que celui que nous adorons ignore notre existence. Hors ce baiser, cette louange que nous adressons à Dieu est la réponse à celui qu’il nous a adressé le premier. Nous goutons le fruit de l’amour de Dieu ignorant souvent l’arbre qui lui a permis de s’épanouir. Et cependant sans cet arbre aucun fruit ne peut atteindre sa maturité. Un peu comme ces pharisiens, nous croyons peut-être détenir un savoir qui nous donnerait la capacité de juger, comme ils le font avec l’aveugle de naissance doublement condamné parce qu’il souffre de cécité et parce qu’il est appelé pécheur ! Hors depuis le commencement, le seul fruit qu’il nous a été donné de porter c’est précisément celui qui nous rend capable de louange, c’est-à-dire capable d’aimer. Il ne nous a pas été donné d’être véritablement en capacité de juger. Même si le monde nous le demande souvent, en vérité nous ne cessons d’improviser avec plus ou moins de sérieux. La justice de Dieu est bonne, mais la justice des hommes, elle, fait ce qu’elle peut. … Comme nous le rappel la première épître de Jean (1 Jn 4.19) « nous aimons parce que lui le premier nous a aimé ». Nous ne sommes rendus capables d’aimer que parce que son amour a rendu notre vie fertile. Une vie capable de reconnaissance, capable d’accueillir sa grâce qui donne le véritable sens de notre vie même si parfois nous le découvrons tard. Comme Augustin le berbère lorsqu’il déclare à Dieu : « Tard je t’ai aimée, beauté ancienne et si nouvelle. Tard, je t’ai aimée. »

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Nous avons bien conscience que personne ne saurait exister sans aimer, mais la question est : quoi aimer ? Et peut-être aussi qui aimer ? Nos pharisiens s’empresseraient de demander comment …? …Comment Jésus a-t-il fait pour guérir l’aveugle de naissance ? …Comment doit-on aimer ? Et l’erreur, ou le péché, appelons-le comme vous voulez, est là précisément, insidieusement tapis dans ce comment faire, dans ce devoir faire. L’enfer en est pavé de ce que l’on croit devoir faire, et nous en avons tracé des autoroutes avec notre vouloir bien faire. Le culte, la louange, comme notre désir d’aimer Dieu ne connait aucune comptabilité. Pas plus qu’il n’y a de recette, il n’y a de bonne mesure. Simplement parce qu’il n’y a pas de mesure : « La mesure de l’amour, dit Augustin, c’est d’aimer sans mesure ». L’amour ne s’oblige pas, mais il nous ait donné de pouvoir choisir l’objet de notre amour. De la même façon que Dieu n’est aucunement obligé de nous aimer, c’est lui qui choisit de nous aimer le premier. C’est la grâce qu’il nous fait : la liberté d’accepter ou de refuser son amour, la liberté de choisir l’objet de notre amour. En choisissant de l’aimer en retour, en manifestant cet amour dans la louange, nous appelons Père, ce Dieu que nous ne connaissons pas. Nous sommes saisis par une relation plus grande que notre intelligence, plus grande que notre capacité à discerner, plus grande que notre capacité à aimer. Mais parce que nous nous reconnaissons ignorants nous sommes rendus capable de guérison. …Sans cette guérison spirituelle, que manifeste notre louange ? Lorsque Jean écrit : « Voyez quel amour le Père nous a témoigné, pour que nous soyons appelés enfants de Dieu ! » (1 Jn 3.1) Il proclame que La grâce de Dieu nous rend capable d’ouvrir les yeux, de changer notre regard au risque de bouleverser complètement notre vie ! Saisir explicitement la grâce de Dieu veut dire saisir explicitement notre état de créature, notre identité d’enfant de Dieu. Mais ne croyons pas que l’amour de Dieu a pour finalité de nous trouver une place bien tranquille dans ce monde… Ceux qui en ont fait l’expérience, peuvent en témoigner, lorsque l’amour de Dieu nous traverse, c’est notre vie toute entière qui en est bouleversé. Bouleversé par un désir qui nous installe parfois dans la plus grande solitude, nous expose à toutes les détresses mais aussi à toutes les audaces et à toutes les joies. En acceptant de nous laisser saisir par la grâce, nous acceptons notre condition d’aveugle et d’ignorant. J’ai bien conscience de dire là une parole qui peut déconcerter, voir décourager…mais par cette élection, parce que nous sommes appelés ses enfants, nous comprenons que nous n’appartenons pas au monde mais à Dieu. Et c’est parce que nous acceptons de lui appartenir que dans la louange, nous touchons du doigt un amour plus grand que l’amour humain. Un amour qui se penche et s’abaisse jusqu’à notre hauteur. Nous ne le comprenons pas, nous ne le mesurons pas, il nous échappe mais il nous rend capable de le reconnaitre comme notre Seigneur. C’est par sa grâce que nos yeux s’ouvrent.

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C’est ce qui se produit avec l’aveugle de naissance. Si nous nous reconnaissons, nous aussi, devant Dieu comme « des aveugles de naissance », aveugles spirituellement, c’est-à dire capables de faire le mal, capables de faire souffrir l’autre sans même parfois nous en rendre compte. Si nous prenons conscience de cela, alors nous nous mettons en marche sur un chemin de vérité. Nous ne sommes pas coupables d’être aveugles, mais tous, nous sommes laissés libres de répondre oui ou non à celui qui nous propose de nous ouvrir les yeux. Le dialogue qui s’entame entre les pharisiens et Jésus est, si j’ose dire, un dialogue de sourd ! A ceux qui demandent sans relâche : quel est le péché responsable de ce mal, de cet aveuglement ? Et comment Jésus a-t-il pu guérir cet homme ? Jésus leur répond que cet homme n’est pas pécheur. Son péché n’est pas d’être aveugle, mais l’erreur des pharisiens est de se croire de bons voyants. De bons croyants pourrait-on dire aussi. Pourtant lorsque nous allons chez l’ophtalmo, ce n’est pas le patient qui évalue lui-même son degré de presbytie ou de myopie… il me semble que c’est le médecin ! Alors comment pourrions-nous prétendre nous évaluer nous-même ? Nos proches sont souvent trop proches…et notre communauté souvent …très communautaire…Pour y voir clair, n’est-ce pas d’altérité dont nous avons le plus besoin ? Qui peut-dire que notre louange est louange à Dieu et non pas seulement une jolie chanson ? Lorsque Jésus dit « je suis la lumière du monde » il crache aussitôt sur le sol, pour mélanger sa salive à de la terre et en faire une boue qu’il dépose sur les yeux de cet homme. L’homme se laisse soigner par Jésus, il accepte que son aveuglement soit manifesté par cette boue qui recouvre ses yeux. C’est aussi ce que nous sommes chacun appelés à vivre : accepter notre condition d’aveugle spirituel, accepter que soit manifesté notre aveuglement, pour laisser le Christ nous ouvrir les yeux sur une autre réalité, une autre altérité, un autre chemin. Le laisser manifester son amour, qui seul, nous rend capable de porter un autre regard sur ce monde, au-delà de nos jugements de valeurs et de notre courte vue afin que nos communautés deviennent réellement des lieux de louange. … L’action de louer Dieu est présente d’un bout à l’autre de nos bibles…en hébreu la « Tehillah », la louange, l’action de grâce c’est le désir de Yahvé… Les psaumes en regorgent et le livre du prophète Osée témoigne du sens véritable de cette louange lorsque Yahvé proclame : « c’est l’amour que je désire, non les sacrifices »…Osée 6.6. Ces paroles Jésus va les reprendre à son compte. Jésus n’est pas venu pour ceux qui se croient bien portant. Il est venu pour celles et ceux qui acceptent de se laisser ouvrir les yeux sur leurs blessures ; pour celles et ceux qui acceptent que la vie sculpte leur spiritualité : les pécheurs, les malades, ces hommes et ces femmes pleins d’aspérités, conscients de leur imperfections, de leurs désirs plus ou moins avouables, et de leur besoin vital de Dieu … Parce que c’est lorsque que nous nous croyons bien portants que nous sommes aveuglés. Je me souviens qu’un jour, à l’heure de la pause-café, à l’un de nos synodes régionaux, alors que j’échangeais avec un membre engagé de notre Eglise… j’ai osé avancer l’idée que notre Eglise était malade mais qu’ainsi elle avait grand besoin de la présence du Christ… Dans la bouche d’un aumônier, la maladie ce n’est pas une tare, encore moins une punition, c’est un état qui appel à prendre soin les uns des autres, un état qui appelle le besoin de

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guérison. …Mais je vous laisse imaginer la mine de cette dame à l’idée d’appartenir à Eglise malade appelée à reconnaitre qu’elle a besoin qu’on lui ouvre les yeux ! Elle s’est mise en colère et m’en a beaucoup voulu ! … Il est vrai que l’aveugle de naissance, lui, a loué Jésus après sa guérison. Après que Jésus lui ait ouvert les yeux sur son identité de fils de Dieu… Mais si l’aveugle de naissance n’avait pas accepté que Jésus dépose de la boue sur ses yeux, afin que son aveuglement soit manifesté, …s’il n’avait pas accepté d’aller se laver ses yeux à Siloé, s’il n’avait pas accepté de tourner la page de son passé d’aveugle, et s’il n’avait pas accepté que Jésus lui ouvre les yeux… il n’aurait jamais pu le reconnaitre, rendre grâce et se mettre en chemin. Aveugles, je crois que nous le sommes, aveugles nous le restons, mais par sa grâce, Dieu désigne nos blessures afin de pouvoir les soigner et les guérir. Guérir notre regard, cela peut bouleverser nos vies. Le chemin de la louange n’est pas toujours aussi confortable que nous le souhaiterions. La louange est souvent le fruit d’un bouleversement et ce bouleversement nous coute, oui ! Alors louer Dieu est-ce gratuit ? Louer Dieu est-ce une grâce ? … Je pense que c’est à chacun, en conscience, de trouver sa réponse en se plaçant devant Dieu.

Je vous invite à la prière :

Seigneur, oui nous sommes aveugles lorsque nous fermons les yeux sur la grâce que tu nous offres. La boue que tu déposes sur nos yeux nous effraie car elle vient désigner nos blessures, et le monde attend que nous ayons l’air bien portant. Il attend que nous ayons l’air lisse, sans aspérité, fort comme des rocs ! Mais c’est vers toi que nous souhaitons nous tourner maintenant parce que nos yeux ont besoin de contempler ta lumière. Tu es venu rendre la vue aux aveugles et cela bouleverse le regard que nous portons sur nos vies. Nous te rendons grâce pour l’amour que tu nous donnes sans condition, il nous rend capable d’aimer et de te louer en retour. Loué sois-tu Seigneur maintenant et toujours, Amen.

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Prédication du 31 Août 2014 - Grand Temple - Pasteur Pierre Blanzat

« Vraiment, n’y-a-t-il plus ni homme, ni femme, ni juif, ni grec… ? »

Identités meurtrières et vocation chrétienne

Lectures Genèse 12,1 : L'Éternel dit à Abram : Va-t-en de ton pays, de ta patrie, et de la maison de ton père, dans le pays que je te montrerai. Esaïe 43,1-2 : Ainsi parle maintenant l'Eternel, qui t'ai créé Jacob ! Et qui t'ai façonné Israël ! Ne crains rien, car je te rachète, Je t'appelle par ton nom: tu es à moi ! Si tu traverses les eaux, je serai avec toi; Et les fleuves, ils ne te submergeront point; Si tu marches dans le feu, tu ne te brûleras pas, Et la flamme ne t'embrasera pas.… Galates 3, 26-29 : Car tous, dans le Christ Jésus, vous êtes fils de Dieu par la foi. En effet, vous tous que le baptême a unis au Christ, vous avez revêtu le Christ ; il n’y a plus ni juif ni grec (origine ethnique, culture, religions et rites), il n’y a plus ni esclave ni homme libre (différence de statuts social, de prééminence), il n’y a plus l’homme et la femme (différence physique, sensibilité….), car tous, vous ne faites plus qu’un dans le Christ Jésus. Et si vous appartenez au Christ, vous êtes de la descendance d’Abraham : vous êtes héritiers selon la promesse.

raiment ?! Vraiment il n’y a plus ni homme ni femme !?? Ni juif ni grec ! Ni esclave ni homme libre ! Dites-moi franchement : de qui se moque-t-on ? Dans le royaume « version Paul » il n’y aurait donc plus place pour les marqueurs habituels de l’identité :

Sexe, nationalité, religion, profession… tout cela ne serait plus…en Christ ! « Il n’y a plus ! » dit Saint Paul… et nous avons envie de répliquer : - mon œil ! C’est qu’il faudrait être sacrément aveugle pour ne pas constater que cette question de l’identité et de ses marqueurs sexuels, ethniques, culturels, religieux… est omniprésente dans notre quotidien et dans notre

V

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actualité… et dans notre actualité dans ce qu’elle peut avoir de plus tragique, de plus anxiogène, de plus explosive ! « Il n’y a plus ! » dit Paul et on a envie de le corriger, on a envie de lui dire : - mais mon pauvre Paul ouvre les yeux ! : « Il n’y a plus… que cela ! »… Il n’y a plus qu’une interminable suite de querelles identitaires, qui vont crescendo… et qui nous contraignent bon gré mal gré à la caricature ! …parce que le propre du conflit des identités, c’est cela : c’est de forcer le trait ! Toujours plus ! Et voilà qui va alimenter le moulin à querelles, voilà qui va accélérer la spirale de la peur, voilà qui va accentuer la pente de tous les intégrismes… Tout semble devoir se cristalliser autour de question identitaires… dans un drôle de cocktail où confrontés à l’étrangeté, à la peur, à d’autres systèmes de valeurs, à d’autres définitions des contours de ce qu’est un individu et de ce qu’est une société… Tous ces ingrédients finissent par former un genre de chimie imparable qui conduit à nous durcir… à nous radicaliser dans nos positions, dans nos convictions… et il ne faut pas s’étonner si les questions d’identités dans notre monde se forgent semble-t-il inexorablement, dans une double expérience de la souffrance et du conflit ! (la souffrance le conflit et le conflit la souffrance) L’écrivain libanais Amin Maalouf vise juste quand il choisit pour titre de l’un de ses essais « les identités meurtrières »… Oui elles se révèlent dramatiquement ainsi… comme meurtrières ! Et quand elles sont meurtrières…alors vous êtes sommés de prendre parti, de choisir votre camp : pro-Palestine ou pro-Israël / pro ou anti mariage homosexuel / pro-russe ou pro-ukrainien / pro-libéralisme économique ou altermondialiste… Oui ! la réalité de souffrance et de violence du conflit des identités nous contraint, sans cesse à forcer le trait, à nous durcir, à devenir peu à peu des caricatures de nous-mêmes… parce que c’est notre système de valeur qui est en jeu, c’est notre vision de l’humanité et notre vision du monde qui est en jeu… et en quelque sorte çà n’a pas de prix… et c’est bien pourquoi certains sont prêt à verser le sang : le leur et celui des autres pour défendre cette identité…qui finit par coûter si cher…

-­‐ Il n’y a plus ! dit Paul… Plus de religieux et d’incroyants, plus de noirs ou de blancs, plus de riches ni de pauvres… Il n’y a plus ni faibles … ni puissants, il n’y a plus ni droite ni gauche, il n’y a plus ni catholiques, ni protestants, Il n’y a plus ni libéraux ni évangélique… « Il n’y a plus … » dit Paul ! Paul, qui ne peut pourtant pas être soupçonné de naïveté ni d’angélisme… lui qui toute une partie de sa vie s’est fait le défenseur, le héraut de l’identité juive… Oui quand il était encore Saul, et qu’il pourfendait les chrétiens, qu’il les traquait pour les traîner devant les tribunaux… Lui Paul, Il devrait savoir qu’il est mouillé jusqu’au coup dans ces fameuses identités meurtrières… Il ne peut pas faire l’innocent… et lui pas plus que nous… et nous pas plus que lui… Même si nous nous en défendons, nous avons maille à partir avec ce conflit des identités, plus d’une fois nous l’alimentons nous-mêmes… nous nous définissons nous-mêmes en fonction de ce conflit… C’est vrai au plan personnel, c’est vrai collectivement… D’ailleurs alors que nous sommes à une semaine tout juste du rassemblement annuel du musée du désert, nous sommes bien conscients que notre identité protestante est elle aussi pétrie d’une histoire douloureuse, d’opposition et de répression, de marginalité et de solidarité dans l’adversité... de massacres et de sang versé…de part et d’autres… Nous sommes conscients qu’une part non négligeable de ce qui fait la culture luthéro-réformée française tient parfois d’avantage d’un durcissement et d’une réaction épidermique de contradiction vis-à-vis d’une culture dominante que d’un positionnement théologique réellement fondé…

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Nos racines sont multiples et nous devons reconnaître que certaines d’entre elles trempent dans un genre de boue sanglante, que l’on aurait tort de confondre avec le roc fondateur de la Parole de Dieu. En fait c’est assez dérangeant d’entendre Paul annoncer avec une telle force la fin des identités particulières… Dérangeant car cela vient questionner jusqu’à notre conception de la transmission : si toutes ces identités se révèlent secondaires ??? Que pouvons-nous transmettre…qu’avons-nous le désir de transmettre aux autres, aux générations qui nous succèdent ? … des valeurs ? Une histoire ? Des racines ? Une culture ? Un nom ? Un patrimoine ? Toutes ces choses font partie de ces marqueurs identitaires habituels…. Qu’avons-nous à transmettre : une identité chrétienne ? Une identité chrétienne protestante ? Une identité chrétienne, protestante, française, née entre les galères et la tour de Constance ? Si en Christ il n’y a vraiment plus ni femme ni homme, ni grec…ni juif, ni esclave ni homme libre… qu’avons-nous à transmettre en Christ !? (Ici, le prédicateur enlève sa robe pastorale…)

Rassurez-vous je n’irai pas plus loin… que d’enlever cette robe… Je vous rassure, je n’ai pas l’intention de rendre mon tablier…à peine arrivé à Lyon ! J’ai bien conscience aussi que ce geste est troublant ! Il vient d’abord perturber la perception que vous avez de votre nouveau pasteur… ceux qui se disaient : chouette ! Voici un vrai pasteur en robe… s’inquiètent en se demandant si je vais bien la remettre… ceux qui trouvaient ce noir vêtement, d’un autre temps ne savent trop que penser… On a beau dire que l’habit ne fait pas le moine…tout de même notre tenue parle… et je viens de nous mettre dans un bel embarras (je vous prie de m’en excuser…)… Mais c’est la faute de Paul…et de son épître au Galates… Ne cherchez pas trop à décrypter ce que mon geste dit ou ne dit pas de mon identité pastorale… car si j’ai enlevé pour un temps cette robe, c’est pour mieux entendre ce que Paul dit jusqu’au bout… Paul dit : Car tous, dans le Christ Jésus, vous êtes fils de Dieu par la foi. En effet, vous tous que le baptême a unis au Christ, vous avez revêtu le Christ ; il n’y a plus ni juif ni grec, il n’y a plus ni esclave ni homme libre, il n’y a plus l’homme et la femme, car tous, vous ne faites plus qu’un dans le Christ Jésus. Paul affirme que ce qui caractérise le chrétien ne relève ni de la nature, ni de la culture même religieuse, ni du statut social… même si c’est important pour nous et même si c’est à travers cela que nous nous définissons généralement et le plus spontanément… Non ce qui caractérise le chrétien c’est d’être par la foi, uni au Christ au point de le revêtir… J’ai ôté un vêtement il y a un instant… Et maintenant que je suis devant vous un peu plus « nu » que tout à l’heure, je me pose avec vous la question : « qu’est-ce que c’est…que revêtir le Christ ? » Qu’est-ce que c’est, que de dire il n’y a plus ni homme ni femme, ni juif, ni grec, ni esclave ni homme libre, ni faible ni puissant, ni savant ni ignorant, mais des fils et des filles de Dieu, des frères et des sœurs de Jésus-Christ dont on peut dire qu’ils ont et qu’elles ont revêtu le Christ… Drôle de choix de mots… et drôle d’expérience que nous faisons… quand nous nous retrouvons vous et moi sans robe… lorsque nous nous dépouillons de nos apparences, de nos sécurités, de nos rôles et de nos fonctions… qu’est-ce que revêtir le Christ ? (une vrai bonne question n’est-ce pas ?). Paul nous donne un indice, ironiquement paradoxal… « Si vous appartenez au Christ, vous êtes de la descendance d’Abraham : vous êtes héritiers selon la promesse ». Ironie et paradoxe…parce qu’après avoir déclaré fini le temps des identités spécifiques il revient sur Abraham… Abraham qui par excellence peut faire figure pour nous de racine ancestrale… de

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socle fondateur… de père et de repère identitaire dans la foi… Mais il s’agit d’un repère toujours en mouvement… Abraham incarne une humanité qui nait d’un appel, d’une vocation… et nous l’avons réentendu par la voix de Manuela tout à l’heure… toute la vie d’Abraham est marquée par cet appel à aller, à sortir, à partir, à quitter la terre de ses aïeux pour aller vers le pays que Dieu lui montrera, un appel à cheminer vers lui-même… un appel à se déplacer, à faire route et c’est dans ce parcours qu’Abraham va se trouver et recevoir son véritable nom… Comme Jacob d’ailleurs, un autre héritier d’Abraham, qui lui aussi a reçu un nouveau nom…comme nous l’avons aussi entendu : Dieu l’a créé Jacob (dont le nom veut dire celui qui saisit son frère au talon, celui qui veut passer devant les autres, celui qui est un « supplanteur »)… Dieu l’a créé Jacob et l’a façonné Israël, celui qui lutte avec Dieu, celui qui dans cet échange engagé, dans cette lutte en est sorti transformé… Ceux qui ont revêtu le Christ sont les héritiers de ces hommes (Abraham, Jacob, Paul…) qui se caractérisent comme des hommes en devenir, des personnes en cheminement en construction, en chantier, qui se laissent transformer et révéler à eux-mêmes dans un dialogue parfois musclé avec Dieu… Revêtir le Christ, c’est répondre à un appel. Revêtir le Christ, c’est quitter un bout de sa terre, Revêtir le Christ, c’est consentir au changement, Revêtir le Christ, c’est s’aventurer dans une rencontre, sur un chemin qui certainement nous transformera en profondeur… A relire les Évangiles, on réalise que peut-être le plus grand miracle que Jésus a accompli dans son ministère, c’est celui-là : - d’avoir su appeler des gens à le suivre, et de voir des hommes des femmes qui ont osé répondre à son appel ! Des hommes et des femmes qui ont osé s’aventurer à sa suite avec leur forces et leurs faiblesses, avec leurs lâchetés parfois, avec leurs craintes et toutes les limites de leur compréhension ; mais des hommes et des femmes qui se sont mis en route. Ça c’est un grand miracle dans un monde où beaucoup sont tentés de se calfeutrer chez soi et cherchent à se prémunir contre des changements perçus comme autant de menaces. Depuis 2000 ans jusqu’à aujourd’hui, dans tous les pays, dans toutes les cultures, des hommes et des femmes de tous âges, de tous tempéraments, sans distinctions, homme, femme, juifs, grecs, esclaves et hommes libres, de partout et de mille manières des hommes et des femmes ont revêtu le Christ. Et ici à Lyon aussi. Et aujourd’hui encore... revêtir le Christ. Il n’est pas vrai que notre vie soit condamnée à être le jouet d’identités meurtrières… Il n’est pas vrai que parce que nous revendiquons notre foi chrétienne, nous devrions le faire en conflit avec tous les autres et alimenter cette mascarade tragique et pathétique qui fait qu’au nom de Dieu on s’entretue. La vie chrétienne est une vocation bien plus qu’une identité. La vie chrétienne n’est pas un mausolée à défendre mais un chantier permanent, où Dieu nous façonne et nous transforme ! Alors vive Paul ! Et son sens de la formule. Oui ! Désormais « il n’y a plus … » Avec ou sans robe, frères et sœurs, revêtons le Christ ! Amen.