Précis droit administratif 2014 2015

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Les précis de la Corpo L2 Droit Equipe 1 Premier semestre 1 Les précis de la Corpo L2 Droit Equipe 1 Premier semestre Année 2014-2015

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Les précis de la Corpo L2 Droit – Equipe 1 – Premier semestre

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Les précis de la Corpo

L2 Droit – Equipe 1 – Premier semestre

Année 2014-2015

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Précis L2 Droit – 1er semestre – 2014/2015

Chers étudiants, ça y est, l’année touche à sa fin. Mais pour bien profiter de l’été et éviter les rattrapages, la case des partiels semble inévitable !

Depuis maintenant 80 ans la Corpo Assas accompagne l’étudiant dans tous les domaines de la vie universitaire, et vous propose notamment des Précis de Droit. Ces condensés des cours, comportant un point de méthodologie, guideront, encadreront et rythmeront vos révisions des partiels. Ils ne sauraient évidemment se substituer aux exigences universitaires de recherche personnelle.

Effectivement, ces précis sont là pour vous orienter, ils sont faits par des étudiants et ne remplacent pas une présence assidue en cours et en TD ainsi que l’apprentissage régulier et approfondi des différentes matières.

Si jamais il vous venait des questions, n’hésitez pas à nous joindre aux adresses suivantes : [email protected], [email protected], [email protected], ou tout simplement sur la page du Canard !

Comment valider votre année ?

Pour les L1 :

Il faut tout d’abord rappeler que toutes vos notes se compensent. Pour valider de la manière

la plus simple votre année, il vous faut valider vos quatre blocs (les deux blocs de

fondamentaux et les deux blocs de complémentaires). Cependant, le calcul peut s’‛avérer plus

complexe...

Chaque fin de semestre est marquée par des examens qui constituent l’épine dorsale de la

validation de votre année. Bon nombre d’autres possibilités vous sont proposées pour

engranger un maximum de points et limiter ainsi l’impact de vos partiels. Chacun de vos

chargés de TD va vous attribuer une note sur 20 à l’issue du semestre. Vos TD de matières

fondamentales comptent donc autant que l’examen écrit, lui aussi noté sur 20. Cet examen

s’effectue en 3h et nécessite un exercice de rédaction. Sur un semestre, une matière

fondamentale peut donc vous rapporter jusqu’à 40 points. Seuls 20 points sont nécessaires à

la validation de la matière. Pour valider votre bloc de fondamentales, il vous faut donc obtenir

40 points en additionnant vos notes de TD et vos notes aux partiels. Si toutefois vous n’obtenez

pas ces 40 points, vous repasserez en septembre, lors de la session de rattrapage, la, ou les

matières que vous n’auriez pas validée(s).

Pour les L2 :

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Le principe est similaire, à la différence qu’il y a 3 matières fondamentales et 3 matières

complémentaires.

Attention : le passage par septembre annule votre note de TD obtenue dans la matière.

Conclusion simple : travailler toutes les matières un minimum en mettant l’accent sur les TD

et les matières fondamentales (les plus gros coefficients) vous permettra de maximiser vos

chances de valider votre année du premier coup et ainsi éviter l’écueil des rattrapages de

septembre.

• Système de compensation et session de septembre

Si, au sein même des unités d’enseignement, les matières se compensent, les blocs peuvent

aussi se compenser entre eux à la fin de l’année. Ainsi, si vous obtenez une moyenne générale

sur l’année de 10/20, votre passage est assuré.

En cas d’échec lors des sessions de janvier et de juin, une seconde chance vous est offerte

en septembre.

Attention, contrairement aux idées reçues, les rattrapages ne sont pas plus faciles, ils sont

connus pour être notés plus sévèrement. Toutes les matières des blocs non validés où vous

n’avez pas eu la moyenne sont à repasser. S’il s’agit d’une matière à TD, la note de TD est

annulée (même si vous avez été défaillant), de sorte que la note obtenue en septembre compte

double (8/20 revient à 16/40). Les points d'avance acquis lors de l’année (points au-dessus de

la moyenne lors de la validation d'un bloc) sont valables après les rattrapages et permettent

donc la compensation finale comme décrite précédemment.

A noter que le jury peut vous accorder quelques points pour l’obtention de votre année,

notamment dans le cas d’un étudiant sérieux en TD... A bon entendeur !

Pour les L1, le passage en deuxième année peut aussi se faire en conditionnel, pour cela il vous faut valider les deux unités d’enseignement fondamental et une unité d’enseignement complémentaire tout en sachant que l’autre unité complémentaire sera à repasser en L2.

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Table des matières

DROIT ADMINISTRATIF ........................................................................................................................................ 5

Les sources du droit administratif ............................................................................................................................ 5

Les sources affermies .......................................................................................................................................... 5

Les sources constitutionnelles ................................................................................................................. 5

Les normes internationales ..................................................................................................................... 7

Les sources affaiblies ........................................................................................................................................ 11

Les normes légales et réglementaires................................................................................................... 11

Les normes jurisprudentielles ................................................................................................................ 14

L’ordre juridictionnel administratif .......................................................................................................................... 15

L’organisation ..................................................................................................................................................... 15

L’administration et ses juges ................................................................................................................. 15

Les juges de l’administration ................................................................................................................. 17

Les recours juridictionnels ................................................................................................................................. 18

La distinction des recours ...................................................................................................................... 18

L’exercice des recours ........................................................................................................................... 20

L’examen des recours ........................................................................................................................... 23

La compétence de l’ordre juridictionnel administratif ............................................................................................ 25

Les litiges mettant en cause le principe de la séparation des pouvoirs ............................................................ 25

Les pouvoirs traditionnels ...................................................................................................................... 25

Les pouvoirs méconnus ......................................................................................................................... 26

Les litiges mettant en cause les principes de séparation des autorités ............................................................ 27

Les principes .......................................................................................................................................... 27

Les dérogations légales aux principes .................................................................................................. 31

Le règlement des difficultés de compétence ..................................................................................................... 31

Le tribunal des conflits ........................................................................................................................... 31

Les conflits ............................................................................................................................................. 31

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DROIT ADMINISTRATIF

Les sources du droit administratif

Les sources affermies

Après la Révolution française, l’unique source était la loi. C’est Vedel dans un ouvrage de 1922 qui évoque l’idée de le rattacher à des bases constitutionnelles. Pourtant jusque dans les années 70 les règles sont essentiellement jurisprudentielles et ce n’est qu’à partir de cette date que la Constitution et les traités internationaux deviennent source du droit administratif.

Les sources constitutionnelles

Les normes constitutionnelles de droit administratif

Le corps de la Constitution

La répartition des compétences entre le domaine législatif et le domaine réglementaire est prévue aux articles 34 et 37 de la Constitution de 1958 et d’autres dispositions aux articles 37C alinéa 2, 38C et 41C constituent les mécanismes de garantie des articles précédents. La Constitution prévoit également la répartition des compétences au sein de l’exécutif (articles 13C, 20C et 21C).

Le préambule de la Constitution du 4 octobre 1958

La valeur juridique :

Sous l’empire de la IVème République, la normativité du préambule était admise à travers l’article 81C de l’époque. Le Conseil D’État en avait tiré les conséquences en consacrant le droit de grève des agents publics sur le fondement du Préambule de 1946 (CE, Ass. 7 juillet 1950, arrêt Dehaene). Sous la Ve République, aucune disposition ne donne de valeur explicite au préambule. Quelques indices soulignent que la solution reste toujours la même aujourd’hui.

Sous la IVe République, il était interdit de censurer une loi contraire au Préambule. Aujourd’hui, on ne l’interdit plus. Par conséquent, cette pratique est admise et consacre la supériorité du Préambule sur la loi.

Dans un arrêt Société Eky du 12 février 1960, le Conseil D’État affirme que le préambule de 1958 et les textes auquel il renvoie ont une valeur normative et que les actes règlementaires autonomes leur sont assujettis au même titre qu’ils sont soumis au respect de la Constitution. Cette décision a d’ailleurs été confirmée par le Conseil constitutionnel dans l’arrêt Liberté D'Association du 16 juillet 1971.

L’opposabilité des dispositions du préambule :

Ces dispositions sont rédigées de façon très générale et parfois même imprécise de sorte qu’il est parfois difficile d’admettre qu’un particulier puisse opposer le droit énoncé à l’administration. Le juge doit donc statuer au cas par cas : c’est une appréciation très subjective et parfois discutable.

Ex : sont opposables les alinéas 10 (CE, 8 décembre 1978, GISTI) et 11 (CE, 23 avril 1977 arrêt GISTI) tandis que l’alinéa 12 ne l’est pas.

Les principes contenus dans la DDHC de 1789 :

On distingue les principes généraux et leur corollaire plus précis.

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Ex 1 : L’article 1 de la DDHC consacre le principe d’égalité. Il a été décliné à l’article 6 (égalité d’accès aux emplois publics), article 13 (égalité en matière de charges publiques) mais dans une décision du Conseil constitutionnel du 23 juillet 1975 qui consacre l’égalité devant la justice.

Ex 2 : L’article 4 de la DDHC consacre le principe de liberté. On en a déduit la liberté d’aller et venir, la liberté religieuse, la liberté d’entreprendre.

Ex 3 : L’article 17 consacre le droit de propriété. Le Conseil constitutionnel en a déduit, dans une décision des 25-26 juin 1986, la protection de la propriété privée et publique.

Les principes proclamés dans le préambule de 1946 :

L’essentiel du préambule porte sur des droits de l’individu en tant que membre de la société (l’égalité des sexes, le droit d’asile, le droit de mener une vie familiale normale). Mais il y a aussi des droits du citoyen qui y sont proclamés (le droit de grève, le droit syndical, le droit à la protection de la santé)

Les principes évoqués par le préambule de 1946 :

Le préambule de 1946 évoque des Principes fondamentaux reconnus par les lois de la République (PFRLR) qui sont des principes écrits, consacrés par le juge. Pour leur consacrer une valeur constitutionnelle, le principe doit être reconnu par une ou plusieurs lois et les lois doivent avoir été adoptées sous un régime républicain.

Exemple 1 : La loi du 1er juillet 1901 est à l’origine de la liberté d’association mais on en a tiré un principe constitutionnel : c’est le premier PFRLR depuis un arrêt du CE, Ass. 11 juillet 1956, amicale des annamites de Paris. Décision reprise par le Conseil Constitutionnel dans une décision du 16 juillet 1971.

Exemple 2 : CE, Ass. 3 juillet 1996, arrêt Koné: affirmation d’un PFRLR selon lequel on ne peut extrader quelqu’un dans un but politique.

La charte de l’environnement de 2004 est le premier texte de droit qui prévoit des devoirs.

Exemple : nous devons tout faire pour limiter notre atteinte à l’environnement le CC en 2008 et le CE dans l’arrêt Commune d'Annecy le 3 octobre 2008 ont reconnu la valeur constitutionnelle de la Charte de l’environnement et son opposabilité.

Le respect des normes constitutionnelles en droit administratif

Le recul de la théorie de la Loi écran

Le refus du juge administratif de contrôler la constitutionnalité des lois :

Lorsque le juge administratif est saisi d’un recours où l’acte administratif contesté est contraire à la constitution, il doit être annulé. Le problème apparaît si cet acte administratif a été pris sur le fondement d’une loi. C’est donc la loi qui est inconstitutionnelle. Or, le juge administratif considère qu’il est incompétent pour examiner la constitutionnalité de la loi, ainsi, la loi fait écran entre l'acte administratif et la Constitution (CE, section, 6 novembre 1936, arrêt Arrighi). Le requérant ne peut donc pas invoquer cette inconstitutionnalité. Cette théorie de la loi écran s’applique notamment en raison de la séparation des pouvoirs : la loi est l’expression de la volonté générale et le juge doit l’appliquer.

La remise en cause progressive de la théorie de la loi écran :

Le contrôle de la constitutionnalité des lois est assuré par le Conseil constitutionnel. Or, 90% de nos lois ne sont pas contrôlées, d’où une remise en cause progressive de cette théorie. Dès lors, si cette théorie n’est pas morte, elle est susceptible de limites et contournements.

Première limite : Le CE donne parfois une interprétation de la loi qui la rend conforme à la Constitution : CE, Ass. 17 février 1950, Dame Lamotte. Le C.E. considère que la loi n’avait pas entendu exclure la possibilité d’un recours pour abus de pouvoir car ce recours est toujours possible. Il consacre un principe général du droit pour neutraliser l’inconstitutionnalité de la loi.

Deuxième limite : les règlements autonomes échappent à la théorie de la loi écran car il relève de l'article 37C.

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Troisième limite : le CE admet parfois que l’écran législatif est transparent. Le juge administratif fait alors comme si la loi n’avait pas existé et accepte de statuer sur la constitutionnalité de l’acte réglementaire car ça ne remet pas en cause la constitutionnalité de la loi. (C.E. 17 mai 1991 arrêt Quintin). Le CE retient une conception de plus en plus large de l’écran transparent : dès lors que l’acte réglementaire ne s’est pas borné à réitérer une règle définie par les dispositions législatives. L’intérêt de prendre un acte réglementaire s’il s’agit de recopier la loi est nul, son but est de préciser la loi (CE, Ass. 6 décembre 2012, société air Algérie).

Quatrième limite : l’écran législatif ne peut apparaître que lorsqu’on est en présence d’une loi qui est postérieure à la norme constitutionnelle invoquée. Ainsi, si la Constitution est postérieure à la loi, le juge pourra contrôler le respect de la norme constitutionnelle du fait de la règle de résolution des conflits de lois dans le temps, selon laquelle la loi postérieure l’emporte sur la loi antérieure (lex posterior derogat priori). Ce mécanisme s’appelle l’abrogation implicite par la norme constitutionnelle postérieure (C.E. 8 Octobre 2010 DAOUDI)

Les contournements :

Le contrôle indirect par le changement de norme de référence : Depuis l’arrêt Nicolo du 20 octobre 1989, le C.E accepte de contrôler la conventionalité des lois. Il y a donc un abandon de la théorie de la loi écran en ce qui concerne les traités internationaux. De fait, le contenu de certains traités ressemble beaucoup à la Constitution. Le juge va donc substituer un traité international à la Constitution afin de contrôler la loi qui lui est soumise.

Le contrôle indirect par le changement de juge : Grâce à la révision de la Constitution en 2008, on a donné aux justiciables la possibilité de contester la constitutionnalité de la loi devant les juridictions judiciaires et administratives. De par les mécanismes de la QPC, le juge sursoit à statuer et renvoie la question au Conseil constitutionnel sous certaines conditions.

L’interprétation de la Constitution

La Constitution contient des normes très générales et abstraites qui posent de grands principes sans entrer dans le détail. Les divergences d’interprétation sont rares car si les juges ordinaires ne sont pas liés par les interprétations du Conseil Constitutionnel, ça ne leur interdit pas d’adopter la même interprétation du fait de son autorité morale. Néanmoins, il est aussi à l’écoute de ce que disent les juridictions administratives et judiciaires et il lui arrivé de statuer comme elles.

Les normes internationales

La notion de norme internationale

Toute norme juridique qui inclue un élément d’extranéité organique est une norme internationale elle n’émane pas de la volonté d’une autorité exclusivement française.

Selon l'Article 288, alinéa 2 du Traité sur le fonctionnement de l’UE : « les règlements européens sont obligatoires dans tous leurs éléments et directement applicables dans tous les Etats-membres ».

Selon l'Article 288, alinéa 3 du Traité sur le fonctionnement de l’UE, les directives lient les Etats-membres quant aux résultats à atteindre en un délai donné. Les moyens pour atteindre ces résultats sont libres, seules les mesures de transposition sont exigées.

Conditions de normativité :

1ère condition : Pour qu’un traité puisse avoir autorité en droit interne et prétendre être une source du droit administratif, il doit avoir été signé puis, ratifié/approuvé et publié, alors il déploie ses effets (article 55C). Le CE, vérifie l’existence de la signature et la régularité du traité international (arrêt société Prosagor, CE, 1964) et contrôle la régularité de l’acte de ratification (CE, Assemblée, 18 décembre 1998, SARL du parc d’activité de Blotzheim) ;

2ème condition : Il s’agit de la condition de réciprocité qui oblige les Etats à appliquer le traité de la même manière. Au départ, le juge administratif renvoyait la question d'interprétation des traités au Ministre des Affaires étrangères et se considérait lié par sa réponse. Suite à une condamnation de la CEDH (arrêt du

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13 février 2003, Chevrol vs/ France), le juge ne s’estime plus lié au ministre. Cette solution sera entérinée dans un arrêt d’Assemblée Cheriet-Benseghir du 9 juillet 2010, CE.

La règle générale veut que les traités ne lient que les États et ne déploient d’effets qu’à leur égard. Néanmoins, on a admis que les individus pouvaient invoquer une stipulation internationale selon l'appréciation du juge au cas par cas. Dans un arrêt GISTI du 11 avril 2012, le C.E abandonne la présomption d’effet direct et demande à ce que l’effet soit prouvé selon deux conditions cumulatives : La stipulation ne doit pas avoir pour objet exclusif de régler les relations entre État ET elle ne doit pas requérir de règle interne d’application. Il précise que l’absence d’effet direct ne doit pas être déduite du fait que le traité désigne les Etats comme sujet d’une obligation posée.

La place des normes internationales en droit administratif

Selon la réception des normes internationales dans leur ordre juridique interne, l'on distingue :

Les pays monistes qui unissent le droit interne et le droit international dans un seul et même corpus juridique applicable globalement et directement à tous les sujets de droit dès l'entrée en vigueur d’un traité. C’est le cas de la France (Article 55C : « Les traités ou accord régulièrement ratifiés ou approuvés ont, dès leur publication, une autorité supérieure à celle des lois »).

Les pays dualistes organisent une simple juxtaposition du droit international et du droit interne, il faut donc que la norme ait été signée et publiée, puis qu'il y ait transposition dans l’ordre interne, sans quoi la norme internationale de pourra pas déployer d’effets dans le droit interne (exemple : Italie).

La place par rapport à la Constitution

Il est difficile d’établir une hiérarchie entre les traités internationaux et le droit interne (deux sphères juridiques différentes). Le droit supranational se place pourtant comme norme souveraine et interdit donc à un Etat d’invoquer des dispositions de son droit interne pour se soustraire aux obligations internationales.

Une des dispositions du préambule de 1946 affirme que « la France, fidèle à ses engagements, se conforme aux règles du droit public internationale ». Pourtant, dans notre sphère juridique interne la norme suprême est la Constitution. L’article 54C° assure donc un contrôle préventif de la compatibilité avec la Constitution qui, en cas d'incompatibilité, la Constitution devra être modifiée.

Néanmoins, nous ne pouvons pas opposer notre Constitution face à un règlement ou à une directive communautaire du fait qu'il n'y a aucun processus interne. Nous sommes obligés de transposer les directives européennes via des lois de transpositions. Afin de contrôler ces lois via l’article 61.2C, le Conseil Constitutionnel érige en disposition constitutionnelle la transposition des directives à l’article 88-1 C. Il peut alors opérer un contrôle de constitutionnalité des lois de transpositions aux directives (CC 2004-496 DC du 10 juin 2004 + CC 2006-540 DC du 30 novembre 2006) dans un délai d’un mois et il assure un contrôle de constitutionnalité restreint : il ne peut censurer une loi fidèlement transposée que si elle va à l’encontre d’une règle ou un principe inhérent à l’identité constitutionnelle de la France.

Aujourd’hui, le juge est fréquemment confronté aux difficultés de détermination et de conflits de normes :

CE Ass. 3 juillet 1996 – arrêt Koné, le CE consacre un PFRLR sur l’extradition dans un but politique en donnant une référence constitutionnelle au traité pour éviter tout conflit.

Dans CE Ass. 30 octobre 1998 – arrêt Saran, le CE est saisi d’un recours pour excès de pouvoir contre un décret pris sur le fondement direct de la Constitution qui irait à l’encontre d’une norme internationale. Juger que le décret était contraire au traité tout en étant conforme à la Constitution, revenait à dire que le traité était supérieur à la C°. Le juge a donc rejeté le moyen considérant que l’article 55C n’allait pas jusqu’à affirmer cela.

Le CE affirme explicitement la suprématie de la Constitution sur le traité international ;

CE 3 décembre 2001 – Syndicat national de l’industrie pharmaceutique (SNIP) ;

CE Ass. 8 février 2007 – société Arcelor Atlantique et Lorraine : En l’espèce, il s’agit d’un recours contre une mesure réglementaire de transposition d’une directive européenne. Si l’acte de transposition règlementaire ne transpose pas bien la directive, il sera annulé. Si il la transpose fidèlement, cela signifie que le requérant conteste la constitutionnalité de la directive. Pour ne pas statuer sur ce problème, le

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juge va opérer une double translation : l'on passe du débat décret/Constitution à un débat directive/Constitution, l'on va substituer la Constitution par une norme internationale qui se rapproche du principe constitutionnel en cause. S'il n'y a pas conformité, le juge sursoit à statuer et renvoie la question devant la CJUE.

Deux limites :

Ce mécanisme de double translation n’est possible que lorsque la directive est précise et inconditionnelle et pas encore promulguée ;

Règle de répartition des compétences.

La supériorité des traités sur les lois (article 55C)

On doit souligner deux limites dans la portée de l’article 55C :

L’article 55C ne pose pas la suprématie des traités internationaux sur la C° (arrêt Sarran).

Cet article ne pose pas la supériorité de la coutume internationale sur les lois. Arrêt Ass. du 6 juin 1997 – arrêt Aquarone.

Dans sa décision n° 74-54 DC du 15 juillet 1975, le Conseil Constitutionnel affirme qu'il n'est pas juge de la conformité des lois aux traités internationaux dans le cadre de l'article 61.2. Néanmoins, si une loi est contraire à un traité, elle est contraire à l’article 55C et devient inconstitutionnelle, c’est donc bien un problème de constitutionnalité de ne pas respecter un traité. Le Conseil Constitutionnel justifie sa décision ci-dessus par le fait qu'il n'a qu'une compétence d’attribution définie par la Constitution et il y a une différence de nature entre le contrôle de constitutionalité, qui est absolu car il s’impose à toutes les lois françaises, et le contrôle de conventionalité qui est relatif et contingent (un traité international a un champ déterminé). Cependant, sur le fondement des articles 88-1, 88-2 et 88-3, le Conseil Constitutionnel est parfois amené à être juge de la conventionalité des lois françaises afin que celles-ci respectent ces dispositions permettant la ratification de traités internationaux.

Le respect des normes internationales en droit administratif

Le respect des traités internationaux par les actes administratifs

Le CE a accepté de veiller au respect des traités internationaux par les actes administratifs (CE Ass 30 mai 1952 arrêt Dame Kirkwood) et consacrée sous la Ve république (CE Ass 1991 Belgasem). Il contrôle également que ces mêmes actes respectent la coutume internationale dont il a affirmé la supériorité (arrêt Aquarone, 6 juin 1997, CE Ass).

Au sein du droit dérivé, il faut distinguer les règlements européens qui s’imposent d’emblée à compter de leur publication au Journal Officiel de l’Union Européenne, et les directives qui fixent des objectifs que les Etats membres doivent atteindre dans un délai déterminé. Si l’objectif n’est pas respecté, des procédures de manquements permettront de sanctionner l’Etat concerné.

La directive est donc opposable au droit administratif français et les actes réglementaires d’application doivent être pris dans les délais (C.E. Section du 10 Mars 1999, Association ornithologique et mammalogique de Saône-et-Loire). Cette obligation relative à la conformité des actes administratifs s’adresse aussi aux actes antérieurs à la directive qui devront être modifiés ou abrogés (CE Ass, 3 Février 1989, Compagnie Al Italia).

Dans la mesure où la directive s’adresse aux États membres, le C.E considérait qu’elle était inopposable aux particuliers : le requérant ne peut pas contester une décision au motif qu’elle n’est pas conforme à une directive (Arrêt Ass. 22 décembre 1978, ministre de l’intérieur contre Cohn Bendit). Or, la CJCE estime qu’une directive précise et inconditionnelle peut être opposable aux particuliers (CJCE, 4 décembre 1974, Van Duyn), ainsi, les directives sont devenues très précises et techniques.

Dans l'arrêt Tête,CE Ass. 6 février 1998, le CE affirme qu'en cas de non-transposition des directives dans le délai imparti, c'est illégal, la directive peut être opposable à un acte administratif individuel selon l’invocabilité d’exclusion (abrogation qui permet d’exclure la norme interne contraire à la directive). Dans un arrêt CE Ass.

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30 octobre 2009 arrêt Dame Perreux. Il est désormais possible d’invoquer une directive communautaire non transposée par invocabilité de substitution (délivrance d’un acte conforme à la directive en plus de l’annulation de l’acte individuel): si le délai de transposition est expiré et si ses dispositions sont précises et inconditionnelles.

Le respect des traités internationaux par les lois

Premier palliatif : On va interpréter la loi française en lui donnant un sens compatible avec le traité. En revanche, le CE refusait d’interpréter le traité et renvoyait la question au ministre des affaires étrangères, ce qui lui a valu une condamnation par la CEDH (Beaumartin contre France, arrêt du 24 novembre 1994).

Néanmoins, le droit français n’était plus condamnable depuis quatre ans (CE, arrêt GISTI du 29 juin 1990) car il ne se considérait plus lié par la décision du ministre des Affaires étrangères et admettait d’interpréter lui-même le traité.

Dans le cadre du droit européen, si le C.E. a une « difficulté sérieuse d’interprétation », il doit sursoir à statuer et renvoyer la question CJUE (facultatif selon la théorie de l’acte clair préconisée à l’origine).

Second palliatif. : Utiliser les règles de principe de règlement des conflits de loi dans le temps. Le juge administratif va faire comme si le traité était une simple loi et il se retrouve dès lors en présence d’un conflit entre 2 lois. (La loi postérieure l’emporte sur la loi antérieure, la loi spéciale l’emporte sur la loi générale).

Le refus initial :

Le C.E refuse d’appliquer cette supériorité du traité sur les lois et il s’interdit d’apprécier la loi qui fait écran que ce soit par rapport à la Constitution ou par rapport au traité (CE section, 1er mars 1968 : syndicat général des fabricants de Semoule de France). Parallèlement, la Cour de cassation accepte d’effectuer ce contrôle (ch mixte, 24 Mai 75: Société des Cafés Jacques Vabres). Malgré cela, le C.E. réitère sa position sans se justifier par la théorie de la loi écran (Ass, Octobre 1979, Union Démocratique du Travail).

Le C.E va donc faire l’objet de pressions Internes (C.C 21 Octobre 1988, élections législatives du Cal d’Oise) qui admet de contrôler la conventionalité des lois lorsqu’il est juge électoral. Il y a aussi des pressions Européennes : (CJCE, le 9 mars 1978, décision Simmenthal) où les juges nationaux doivent appliquer intégralement les droits de l’Union en laissant au besoin inappliqué toute disposition contraire au droit international, y compris les dispositions législatives.

Le revirement :

Ce revirement s’est fait lors d’un arrêt Nicolo: 20 octobre 1989 où le CE effectue un contrôle de conventionalité qu’il explique à partir de l'arrêt Deprez et Baillard, CE, 5 janvier 2005. C’est un problème de conflit de normes donc les juges ordinaires doivent le faire. Le CE fait donc prévaloir désormais les traités sur les lois.

L’arrêt Nicolo n’était valable que pour le droit communautaire. Le C.E a vite dépassé cette idée :

CE, arrêt du 20 décembre 1990 : Confédération national des associations familiales catholiques : contrôle du respect de la loi par rapport à la CEDH.

CE, 24 septembre 1990 : Boisdet : jurisprudence étendue aux actes règlements communautaires.

CE, 28 février 1992 : société Rothman, international France, cette supériorité ne vaut seulement pas pour la Coutume.

Par conséquent, la suprématie des traités sur la loi est très forte. La responsabilité de l’Etat peut être engagée et il pourra être condamné à réparer le préjudice causé par le maintien illégal de l’acte. Si l’on est en présence d’un acte règlementaire, ce sera une responsabilité pour faute (Arrêt du 28 février 92 - société Arizona tobacco protect). Dans le cas d’une loi, le CE dit alors qu’il accepte de condamner l’Etat à réparer le préjudice. Cependant, il considère que c’est une responsabilité sans faute. L’Etat est responsable du seul fait qu’il y ait une loi contraire à une norme internationale (C.E, 8 février 2007, arrêt Garedieu). En réalité, c’est bel et bien une faute.

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Les sources affaiblies

Les normes légales et réglementaires

L’autorité des lois et des règlements s’affaiblit à travers le contrôle a priori, la QPC et l’acceptation par les juges ordinaires d’exercer un contrôle de conventionalité (pour les lois).

Les domaines respectifs de la loi et du règlement

Le régime normal

Jusqu’en 1958, la loi se définissait comme l’acte voté par le Parlement avec une compétence illimitée. Avec la Vème République, il faut ajouter un élément matériel : les domaines d’action énumérés à l’article 34. On distingue deux domaines précis : les règles relatives aux droits civiques et les principes fondamentaux des autres matières. Ainsi, le pouvoir réglementaire a désormais une compétence de principe (article 37C) et il peut prendre des actes précisant les modalités d’application des lois. Ces règlements d'application doivent être pris dans un délai raisonnable auquel cas, il est possible de s’adresser au Premier Ministre. Si ce dernier refuse de prendre une quelconque mesure, il est possible de former un recours contre ce refus pour enjoindre le Premier Ministre à prendre ces mesures (CE section, 26 juillet 1996, Association Lyonnaise de protection des locataires).

En cas de retard d’effet de la loi, les particuliers peuvent donc agir en responsabilité contre l’Etat qui devra réparer le préjudice causé aux particuliers (CE, 27 novembre 1964, Veuve Renard)

Le législateur et le Conseil Constitutionnel ont une interprétation extensive de l’article 34C du fait qu’il n’y a pas lieu de distinguer les domaines dans lequel le législateur fixe les règles ou fixe seulement les principes fondamentaux. Le pouvoir réglementaire autonome de l’article 37C est donc très résiduel.

Selon l’article 41 C, la procédure d'exception d'illégalité consiste en ce que le gouvernement a la possibilité de dire à l’une ou l’autre des Assemblées Parlementaires que la loi entre dans le domaine réglementaire et le Conseil Constitutionnel sera saisi si le différend n’est pas clôt et tranchera.

Selon l’article 37.2, la procédure de délégalisation de la loi est un mécanisme qui permet, une fois la loi promulguée, de faire constater qu’elle est intervenue dans le domaine du pouvoir règlementaire autonome. Si la loi est postérieure 1958, le gouvernement va demander l’intervention du Conseil Constitutionnel afin qu’il l’autorise à modifier la loi. Si la loi est antérieure à 1958, le gouvernement va pouvoir la modifier par un décret après avis du CE.

Le contrôle de constitutionnalité des lois a priori (article 61.2) mais le Conseil Constitutionnel refuse de déclarer une loi inconstitutionnelle si elle intervient dans le domaine du règlement (Décision 82-143DC du 30 juillet 1982). Le principe semblait avoir été atténué par une décision 2005-512DC du 21 avril 2005 qui ne censure pas la loi mais signale l’immixtion de la loi dans le domaine règlementaire. C’est une sorte de délégalisation anticipée. Néanmoins, il supprime cette délégalisation anticipée par une décision 2012-649DC du 15 mars 2012.

Le juge administratif va veiller à ce que le pouvoir réglementaire n’empiète pas sur le pouvoir législatif, autrement le décret est illégal et entaché d’incompétence.

Les régimes exceptionnels

L’ancien article 92C avait permis au Gouvernement dans les premières semaines de la Constitution de 1958 de prendre par ordonnance les mesures permettant le fonctionnement rapide des institutions à la suite du changement de régime. Ces ordonnances ont valeur de loi (certaines sont encore en vigueur). Depuis 2003, l’article 74-1C permet au Gouvernement de prendre par ordonnance des mesures permettant d’étendre Outre-Mer des dispositions législatives qui sont en vigueur en métropole.

Selon l'article 38C, le Gouvernement peut demander au Parlement l'habilitation de prendre des mesures, par ordonnance pendant un délai limité, qui sont normalement du domaine de la loi. Cette habilitation ne peut être

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demandée que pour mettre en œuvre son programme. Le CE, dans un arrêt Schmitt CE 5 mai 2006, a admis si le gouvernement tombe avant la fin du délai d'habilitation, le gouvernement prend la relève.

L’ordonnance non ratifiée est un acte administratif réglementaire, susceptible d’un recours pour excès de pouvoir devant le CE qui statue en 1er et dernier ressort. Si on veut la modifier, il faudra une loi ou une nouvelle habilitation du législateur pour la modifier par ordonnance.

L’ordonnance ratifiée est issue de l'adoption d'un projet de loi qui donne rétroactivement valeur législative à l'acte dès sa promulgation par le président de la République. Ces actes peuvent être contrôlés à l’occasion d’un recours contre un autre acte ou via une QPC.

L'article 16 donne au Président de la République le pouvoir de prendre des mesures en cas d'interruption du fonctionnement régulier des pouvoirs publics. Cette procédure est mise en œuvre par la consultation des plus hautes autorités de l’Etat, par la réunion du Parlement durant la mise en œuvre de cette article. De plus, il ne peut dissoudre l'Assemblée Nationale pendant la mise en œuvre des pouvoirs de l’article 16C et il doit consulter le Conseil Constitutionnel pour la mise en œuvre de chacune de ses mesures.

Cet article n'a été mis en œuvre qu’une seule fois en 1961 par le Général de Gaulle. Le C.E a été saisi d’un recours contre un acte pris par le Général de Gaulle (CE Ass. 2 mars 1962 arrêt Rubin de Servens). La décision du Pdt de recourir à cet article est un « acte de gouvernement » non susceptible de recours. Cependant, un recours pourra être formé contre toutes les décisions qui suivront si elles relèvent du domaine règlement.

L’autorité respective de la loi et du règlement

La loi (article 21C)

La loi a une autorité supérieure aux actes réglementaire même autonomes. Cette autorité s’apprécie également par rapport aux contestations qui lui sont faites ; un acte dont on peut aisément contester la légalité et obtenir l’annulation, c’est un acte qui a une autorité médiocre.

Contestation de la constitutionnalité d’une loi : Article 62C qui prévoit un contrôle a posteriori via la QPC.

Contestation de la conventionalité d’une loi : possible par le juge administratif, depuis l’arrêt Nicolo de 1989, la loi ne sera pas abrogée mais juste écartée.

La Promulgation est un acte symbolique opéré par le président de la République qui donne l’ordre à toutes les autorités publiques de l’observer et de la faire observer (CE 8 février 1974 commune de Montsouris).

Le règlement

Un acte réglementaire est un acte administratif unilatéral à portée générale et impersonnelle qui va, dès son entrée en vigueur, modifier l’ordonnancement juridique et s’imposer à toutes les personnes susceptibles d’en être les destinataires.

Le président de la République et le Premier Ministre disposent d'un pouvoir règlementaire général.

Le Premier Ministre exerce le pouvoir réglementaire sous réserve des dispositions de l’article 13C, Ce qui lui confère une compétence de principe (article 21C). Le Président de la République signe les décrets ou ordonnances délibérés en Conseil des Ministres (Article 13C) , il dispose donc d'une compétence d’attribution.

Selon le CE, tout décret délibéré en Conseil des Ministre, qu’une loi l’impose ou non, est considéré comme étant de la compétence du Président (CE Ass. 24 novembre 1976 Syndicat national du personnel de l’énergie atomique – CFDT). Puis, lors de la 1ere cohabitation, le CE a admis une interprétation stricte de la compétence du Président de la République : il faut qu’un texte ait prévu obligatoirement une délibération en Conseil des Ministre pour que le décret soit de sa compétence (arrêt du 10 octobre 1987 syndicat autonome des étudiants en médecine). Ce n'est que lors du retour à une période de fait majoritaire, que le CE retourne à son idée de départ (arrêt CE Ass. Meyet du 10 septembre 1992). Ainsi, le Premier Ministre abandonne définitivement sa compétence lorsque le président signe un décret délibéré en Conseil des Ministres: si le décret est signé par le Président, il ne pourra être modifié que par lui selon la règle du parallélisme de compétences. Le Premier

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Ministre va retrouver sa compétence que si le président de la République signe un décret d'attribution de compétence.

Il arrive que le Président signe un acte sans que celui-ci ne soit délibéré en Conseil des Ministres et le C.E admet la légalité de l’acte : tout acte signé par le Président doit être contresigné par le Premier Ministre et les ministres responsables (article 19C°). Le C.E va donc attribuer fictivement le décret réglementaire au Premier Ministre (CE Ass. 27 avril 1962 arrêt Sicard) qui devra s’assurer que les ministres responsables ont également signé l’acte afin que celui-ci soit valable et passe sous l’empire de l’article 22C. Ce subterfuge permet d’éviter une annulation pour incompétence.

Ainsi, il est possible d'annuler un acte réglementaire signé par le Président s’il n’est pas contresigné par le Premier Ministre et les ministres responsables, pour vice de forme. (CE arrêt de section 10 juin 1966 arrêt Polon).

Le pouvoir réglementaire de police permet de prendre des mesures propres à maintenir l’ordre public sur le territoire national et est de la compétence du chef d’État (CE 8 août 1919 arrêt Labonne). Sous la Vème République, de par l’article 21C, cette compétence est attribuée au Premier Ministre (arrêt CE 17 février 1978 association dite comité pour léguer l’esprit de la résistance).

Les ministres ne disposent pas de pouvoir réglementaire général mais peuvent le réglementer (article 21C), si le Premier Ministre leur délègue ses pouvoir dans un domaine particulier ou pour tout ce qui concerne les chefs de service (CE section 7 février 1936 arrêt Jamart). Les chefs de service pourront donc encadrer l’exercice du droit de grève par ses subordonnés par ce biais (CE. Ass. 7 Juillet 1950 Dehaene).

Il n’y a que le Président de la République et le Premier Ministre qui détiennent le pouvoir réglementaire général (Arrêt de section du 23 mai 1969 société distillerie Brabant). Mais les ministres disposent d'un pouvoir para réglementaire concernant les directives internes aux fins d'uniformisation des pratiques sur tout le territoire du fait de l'opposabilité aux tiers mais les subordonnés peuvent s'écarter de la solution. (CE Sect. 11 décembre 1970 crédit foncier de France).

Les Autorités Administratives indépendantes se sont vues reconnaître par le législateur un pouvoir réglementaire. Néanmoins, le Conseil Constitutionnel a posé des conditions d’utilisation : il faut que l’habilitation ne leur permette que de prendre des mesures de portée limitée, tant par leur champ d’application que par leur contenu, subordonnées aux actes du Premier Ministres et du Président de la République (Décision 88-248 DC du 17 janvier 1989).

De par la déconcentration, les préfets et sous-préfets ont un pouvoir réglementaire qui s’applique dans les mêmes conditions que celles des ministres : pas de pouvoir réglementaire général par principe (arrêt Jamart de 1936) mais ils peuvent en bénéficier par délégation du Premier Ministre, d’un ministre ou du législateur. Ils peuvent aussi prendre des mesures de police administrative.

De par la décentralisation, le législateur peut attribuer un pouvoir réglementaire aux autorités communales. Le maire de chaque commune a une autorité de police et a vocation à prendre les mesures réglementaires aptes à prévenir des troubles à l’ordre public à condition que ces troubles soient limités à sa seule commune sinon intervention du préfet.

Les personnes leur est parfois nécessaire d’émettre des actes réglementaires dans leur tâche matériellement administrative (admis par la JP). Les conditions de reconnaissance varient selon que leur mission matériellement administrative est un SPIC ou un SPA. (Obligation d’être investies d’une mission de service public). Leur pouvoir est subordonné comme pour les AAI.

Exemples : les fédérations sportives disposent d’un pouvoir réglementaire pour organiser le déroulement des compétitions, les fédérations de chasseurs etc.

L’autorité des actes réglementaires

La source de droit des actes réglementaires a vocation à émettre une norme générale et impersonnelle qui peut ajouter une règle nouvelle, la supprimer, la modifier ou maintenir en l’état du système juridique. On distingue Les contrats administratifs qui n’ont pas vocation à déployer des effets sur des tiers mais règlent les relations entre

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les parties du contrat en créent des droits et des obligations, des actes administratifs unilatéraux qui va déployer des effets sur les tiers issu de la décision d’une personne.

Néanmoins, les actes administratifs unilatéraux ne sont pas tous réglementaires, comme pour les actes individuels qui ne sont pas une source du droit car ils concrétisent, pour une personne donnée, un droit administratif abstrait déjà existant.

L’acte individuel est subordonné aux lois et aux règlements qu’il concrétise. L’acte réglementaire s’impose aux destinataires mais aussi à la personne qui prend l’acte. Selon la hiérarchie organique, l’autorité de l’acte dépendra de l’autorité qui l’a prise et s’imposera à ses subordonnées. Selon la hiérarchie formelle, une autorité peut prendre des actes dont l’autorité va varier (le décret du Président de la République pris hors Conseil des Ministres est inférieur au décret du Premier Ministre sur avis du CE car il est plus solennel).

Le Juge Administratif est uniquement juge de la légalité qu'il apprécie soit au travers du recours pour excès de pouvoir où il est saisi d’un recours direct contre l’acte réglementaire illégal qui, dans ce cas, sera annulé et disparaîtra rétroactivement. Soit au travers du recours d’exception d’illégalité où il est saisi d’un recours contre une décision prise sur le fondement d’un acte réglementaire illégal, qui, dans ce cas, ne sera pas supprimé.

Ces procédures sont prises dans un délai de 2 mois, ce sont des actes fragiles car il est très simple de les contester.

Les normes jurisprudentielles

La jurisprudence est une source du droit administratif qui perd de l’importance de par l'essor du droit écrit : le législateur intervient de plus en plus dans le droit administratif pour donner des détails et la jurisprudence n’intervient plus que pour corriger ce qui est déjà acquis ; les Principes Généraux du Droit tendent à encadrer l’action de l’administration en leur posant des bornes abstraites.

L’élaboration des normes jurisprudentielles

Les auteurs

Le juge administratif, le tribunal des conflits et le juge judiciaire sont à l’origine d’une nouvelle norme (Cass 1ère chambre civile ; 21 décembre 1987, arrêt BRGM qui pose le principe d’insaisissabilité des biens des personnes publiques). Les principes de droit administratif que le Conseil Constitutionnel énonce doivent être considérés comme des lois écrites, tout comme les PGD (Exemple : principe de la fonction publique consacré en 1984, repris par le CE).

La méthode d’élaboration

Selon le principe de la séparation des pouvoirs, le juge ne peut créer des normes législatives mais l’article 4 du Code Civil prohibe le déni de justice et habilite le juge à légiférer avec retenue et prudence.

D'une part, le Juge Administratif peut généraliser le champ d’application d’un principe écrit pour en faire un PGD (CE Ass, 8 juillet 2005 société Alusuisse-Lonza France : Le législateur avait consacré un principe que le CE a qualifié de PGD pour lui donner une visibilité officielle) D'autre part, il peut créer une norme dans le silence d’un texte avec une portée supplétive (elle existe tant qu’un texte ne dit pas le contraire) : CE section 10 juillet 1964, Centre médico-pédagogique de Beaulieu, principe selon lequel l’exercice d’un recours administratif proroge le délai de recours juridictionnel. Il comble la lacune du texte avec prudence

Il y a quelques années, le CE a implicitement reconnu qu’il exerçait parfois un pouvoir normatif (Arrêt CE Ass., 16 juillet 2007, Société Tropic travaux signalisation), ce qui fait fait évoluer une règle et décide des conditions d’entrée en vigueur.

Le contenu des normes jurisprudentielles

Les PGD permettent de contraindre l’administration et les individus au respect d’une règle non écrite :

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Respect des droits de la défense par l’administration (arrêt du CE Ass., arrêt Aramu, 26 octobre 1945) ;

Principe d’égalité (Société du journal l’Aurore en 1948 + arrêt Barel en 1954 + arrêt Biberon en 1956 : égalité

des usagers devant le domaine public etc.). Principe d’aller et venir (Société Lucien et compagnie dans un arrêt de 1955) ;

Principe de liberté du commerce et de l’industrie (1983, société anonyme René Boline) ;

Principe possibilité d’exercer un REP contre tout acte administratif unilatéral : (CE, Ass., 17 février 1950 Ministre de l’agriculture c/ Dame Lamotte) ;

Principe de sécurité juridique : (CE, Ass., 24 mars 2006, KPMG) ;

Principe de liberté contractuelle : (CE 1998 arrêt Cornet de Saint Cyr)

Il n’existe pas de principe d’anonymat des copies (CE, l’affaire Jolivet en 1998).

L’autorité des normes jurisprudentielles

La valeur juridique

Selon René Chapus, la place des PGD dans la hiérarchie des sources du droit est dépendante de la place de leur auteur. Les juges sont censés être les serviteurs de la loi dans le respect de la justice. Les PGD ont donc une valeur infra-législative. Les juges veillent au respect des lois par l’administration à travers l'annulation des actes administratifs illégaux ; or, parmi les actes que le juge peut annuler, les plus prestigieux sont les décrets émanant soit du Premier Ministre soit du Président de la République (CE. Section 26 juin 1959 Syndicat général des ingénieurs-conseils). Les PGD s’imposent à tous les actes administratifs, ils ont donc une valeur supra-décrétale.

Conciliations de la valeur juridique avec l’apparition de la jurisprudence constitutionnelle

Depuis l’arrêt Liberté d’association, 16 juillet 1971, le Conseil Constitutionnel identifie des principes identiques aux PGD. Or, les principes constitutionnels s’imposent aux lois donc aux PGD.

En effet, lorsqu'il formule des principes, il cherche toujours un principe du droit écrit. Les PGD (non écrits) ont une valeur supra-législative que s’ils sont consacrés par le Conseil Constitutionnel. Néanmoins, il a considéré 2 principes non écrits pour le principe de constitutionnalité des services publics (Décision 79105 DC du 25 juillet 1979, CC) et pour le principe de la sauvegarde de la personne humaine, Décision 94-343DC du 27 juillet 1994.

L’ordre juridictionnel administratif

L’organisation

L’administration et ses juges

Les rapports de l’administration et de ses juges

L’indépendance de la juridiction administrative est consacrée comme PFRLR (Décision CC 80-119 DC du 22 juillet 1980) sur le fondement de la loi du 24 mai 1872 qui donnait déjà la justice déléguée au C.E.

Constitutionnalisation de l’annulation ou la réformation des décisions prises dans l’exercice de prérogatives de puissance publique par une personne publique en tant que compétence du juge administratif (PFRLR dans la décision 86-224 DC du 23 juillet 1987,CC). Néanmoins, ce qui relève des compétences administratives sans relever de l’administration pourra être confié au juge judiciaire sur simple loi ou par bloc de compétences (Exemple: contentieux de la responsabilité des personnes publiques, contentieux des décisions prises par des personnes privées titulaires de PPP, contentieux par voie d’exception d’illégalité etc.).

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Celui-ci peut statuer sur les litiges relevant de sa nature même s'ils sont de la compétence du juge administratif (Exemple: annulation/réformation d’un acte administratif sur le droit de propriété).

Selon le Conseil Constitutionnel, le CE et la Cour de Cassation sont « les juridictions placées au sommet de chacun des deux ordres de juridiction reconnues par la Constitution » (décision du 595 DC du 3 décembre 2009). Il existe donc deux ordres constitutionnalisés.

Séparation organique

La Loi du 24 mai 1872 attribue de manière définitive la justice déléguée au CE, sans besoin de la signature du Chef de l’Etat. L'Arrêt Cadot, 13 décembre 1889, le CE met fin à la théorie des ministres-juges qui ne sont plus que ministres. En 1926, par un décret-loi, les préfets perdent la présidence des conseils de préfecture.

Les liens fonctionnels

L’arrêt Cadot n’a pas mis un terme définitif à l’ambiguïté des rapports entre l’administration et son juge. Du point de vue des fonctions exercées, le juge est encore administrateur et l’administration se judiciarise de plus en plus.

Le C.E est juge suprême de l’ordre administratif mais il est également conseiller du gouvernement, sans qu'il en soit lié, et du Parlement depuis 2008. Il est obligatoirement consulté sur les projets de lois et d’ordonnance de l’article 38 et sur la volonté du gouvernement de délégaliser les lois antérieures à 1958, il est donc juge administrateur.

Il se prononce sur la légalité du projet que sur son opportunité. Lorsqu’il considère que le Gouvernement a négligé de le consulter, l’acte est entaché d’incompétence en tant que vice de procédure.

L’autorité administrative peut prononcer des sanctions disciplinaires à l’encontre de ses agents. C'est un administrateur juge du fait du rapprochement procédural de par l’obligation de respecter les grands principes de droit pénal (droit de la défense, la légalité des délits et des peines, la nécessité des peines, principe de non rétroactivité de la loi pénale plus sévère etc.) et ceux contenus par les traités internationaux (principe d’impartialité/ droit à un procès équitable de la CESDH).

La notion de juridiction administrative

La qualité de juridiction

La Juridiction administrative rend des jugements susceptibles de voies de recours. Les Autorités administratives rendent des décisions administratives susceptibles d’un recours devant un juge administratif en 1er ressort. Le critère principal se rapporte donc à la mission de l’organe (CE Ass., 12 décembre 1953 arrêt De Bayo). Si cette institution a pour mission de résoudre des litiges en appliquant des règles de droit, il y a de grande chance que ce soit une juridiction. Cela conduit à qualifier de juridiction certains organes de répression disciplinaire. Ce critère fonctionnel n’est donc pas suffisant. On a pris l’habitude de le compléter par des critères formels ou procéduraux (tels que les faisceaux d’indices) : on va regarder comment est composée l’institution qui a statué.

La qualité de juridiction administrative

Critère matériel. Une juridiction administrative est une juridiction saisie de questions de droit public selon un critère matériel (CE Ass., 7 février 1947, arrêt D’Aillières). Si ce n'est pas une juridiction administrative, alors c'est juridiction judiciaire.

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Les juges de l’administration

Les juridictions compétentes

Le Conseil d’Etat

Il susceptible de connaître, par le jeu des voies de recours, de toutes les décisions rendues par les juridictions administratives en tant que juridiction suprême de l’ordre administratif. Il est composé de 6 sections administratives et d'une section du contentieux qui exerce à elle seule les compétences juridictionnelles. Elle est subdivisée en 10 sous sections non spécialisées (exception pour le droit fiscal). Elle dispose de diverses formations de jugement : en Assemblée pour poser des règles de droit, en Section pour résoudre un problème de droit, en sous sections réunies ou en sous- statuant seule.

Le CE est présidé en théorie par le Premier Ministre mais en pratique par le Vice-Président du C.E. Il est composé de 200 conseillers d’Etat mais tous n’ont pas le statut de magistrat.

Les tribunaux administratifs et Cours administratives d’appel

Les Tribunaux Administratifs sont les héritiers des conseils de préfecture créés en 1800 par Napoléon. Ils changent de nom en 1853 du fait de leur ressort dans plusieurs départements et disposent alors de la qualité de juge de droit commun en 1er ressort. Il y en a 42 dont 31 en métropole. Ils ont une fonction consultative (ignorée par les préfets) et juridictionnelle.

Les cours administratives d'appel ont été créés par la loi du 31 décembre 1987 et sont rentrées en fonction le 1er janvier 1989 ; elles sont aujourd’hui 8. Elles sont compétentes pour connaître des appels dirigés contre les jugements prononcés par les 5 tribunaux administratifs de leur ressort. Les membres de ces deux juridictions bénéficient de la qualité de magistrats.

Les juridictions administratives spéciales

Beaucoup de juridictions avec une compétence d’attribution, attribuée par soustraction à la compétence du juge de droit commun en 1er ressort et d'appel. Ils sont environ 900, dont une trentaine avec une compétence spéciale.

Exemple : la section disciplinaire est une juridiction administrative spéciale qui a des voies de recours pouvant mener jusqu’au CE. Il y en a aussi en finance publique: la Cour des comptes. Il y a aussi l’échevinage.

La compétence des juridictions

Pour déterminer la juridiction compétente, il y a un critère matériel d'appréciation au regard du litige pour déterminer la juridiction compétente. Il y a aussi un critère territorial qui permet de compléter le critère matériel en fonction du lieu où le litige s’est produit. La question ne se pose pas si le 1er critère nous renvoie vers le CE.

La compétence en premier ressort

D’un point de vu territorial « Est compétent le Tribunal Administratif dans le ressort duquel a son siège, l’autorité qui a signé l’acte attaqué » sauf pour le Tribunal Administratif de Paris.

D’autres juridictions ont également la possibilité de statuer en premier ressort :

Les juridictions administratives spécialises (Conseil disciplinaire des Universités, la Cour des comptes etc.)

Les CAA dans certains cas

Le CE pour les recours contre les décrets, contre les ordonnances de l’article 38C, contre les actes réglementaires des ministres (circulaires et instructions), contre les décisions prises par une série de 12 autorités administratives indépendantes, contre les recours en interprétation et en appréciation de légalité des actes précédemment cités, contre les litiges concernant le recrutement et la discipline des agents

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publics nommés par décret du Président de la République et contre les recours dirigés contre l’Etat mettant en cause sa responsabilité du fait de la lenteur de la juridiction administrative.

L’appel

C'est la voie de recours contre une décision rendue en 1er ressort Le juge d’appel peut réexaminer l’ensemble du litige. Depuis la loi du 31 décembre 1987, les cours administratives d'appel sont juges des appels formés contre les jugements des tribunaux administratif sauf si le jugement est rendu en premier et dernier ressort (pour les litiges montant inférieurs à 10 000€). Le CE est juge d'appel pour les recours en appréciation de légalité et les recours en matière électorale (municipales/cantonales).

La compétence en cassation

Il n’y a que le CE qui est compétent. Ce pourvoi en cassation est ouvert même sans texte à l’encontre des décisions rendues par les juridictions administratives : CE, Ass. 7 février 1947 arrêt d’Aillières.

Le CE peut aussi rendre un avis sur une question de droit. L’intérêt est de connaître par avance sa position sur la question d’un litige pour mieux inciter les parties à ne pas contester le jugement qui est rendu on connaît d’avance la position de principe du CE.

Les recours juridictionnels

L’apport d’un arrêt du CE n’est pas toujours facile à comprendre du fait de l'implicite des considérant de principe.

Exemple : le CE rejette un recours pour incompétence il faut comprendre que c’est un acte de Gouvernement. Autre exemple : irrecevabilité d’un recours.

La distinction des recours

L'on distingue deux doctrines :

Celle de Laferrière (Vice-Président du CE) qui propose dans les années 80, une distinction entre les différents pouvoirs du juge : le pouvoir de pleine juridiction (annulation, condamnation de l’administration, modification de l’acte) le contentieux d’annulation, le contentieux de déclaration, le contentieux de la répression.

Basée sur des critères très formels, cette théorie n’informe pas sur les différents recours.

Celle de Duguit. Classification binaire relatif à la question posée au juge : litige sur du droit objectif (respect/application d’une règle de droit) ou sur les droits subjectifs du justiciable.

Non reprise par le système actuel, elle explique les éléments du contentieux.

Les contentieux des actes

Les volontés de l'administration s’imposent directement aux destinataires. C’est ce que Maurice Hauriou appelle le « privilège du préalable ». Le CE a d’ailleurs affirmé que c’était la règle fondamentale du droit public (CE, Ass du 2 juillet 1982 Huglo).

Les recours en annulation

L'annulation est la disparition rétroactive d’un acte (effet erga omnes). Le juge de l’excès de pouvoir et le juge du plein contentieux disposent de ce pouvoir en cas d'acte illégal.

Le recours pour excès de pouvoir est un recours juridictionnel dirigé, en vue de les faire annuler pour cause d’illégalité, contre des actes unilatéraux (réglementaires ou individuels) émanant soit d’une autorité administrative, soit d’un organisme privé agissant dans le cadre d’une mission de service public en tant que PGD (CE Ass, 17 février 1950 Dame Lamotte). Ce recours s'ouvre en cas d'incompétence de l’auteur de l’acte, de vice de forme

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affectant les modalités substantielles, de détournement de pouvoir, ou de « violation de la loi » comprise comme une illégalité relative aux motifs ou à l’objet même de l’acte.

Ce recours n’est pas ouvert aux contrats administratifs mais est possible contre les clauses réglementaires de ces contrats. CE Ass, 10 juillet 1996 arrêt Cayzeele. Il est possible pour un tiers de contester le contrat de recrutement d’un agent public devant le juge (arrêt du CE, 30 octobre 1998 ville de Lisieux).

Il s’apprécie à la date où l’acte a été signé et non au moment du jugement, ce qui explique la rétroactivité de l’annulation: on rétablit l’ordonnancement juridique dans son état initial avant parution de l’acte. Pour limiter les effets néfastes de cette rétroactivité, le juge administratif s’arroge le droit de paralyser la rétroactivité afin que l’annulation ne soit valable que pour l’avenir (CE, Ass, 11 mai 2004, arrêt Associations AC) au nom du principe de l’autorité de la chose jugée.

Le recours de pleine juridiction est un recours juridictionnel subjectif par lequel le requérant peut demander au juge, en invoquant tous les moyens pertinents, de constater l’existence à son profit d’une créance contre l’État ou une autre collectivité publique et d’annuler ou de réformer un acte administratif n’entrant pas dans le champ d’application du Recours pour excès de pouvoir (contentieux fiscal, contentieux des contrats administratif, ou responsabilité des personnes publiques).

Les recours en déclaration

Ce recours demande au juge administratif une appréciation sur le sens ou la légalité d’un acte car cela conditionne l’issue d’un litige (l’acte n’est pas modifié). Ce peut être un recours principal ou un recours incident.

Le recours en déclaration d'inexistence est un recours principal qui pose une question de droit objectif car il demande au juge administratif de se prononcer sur l’existence d’un acte administratif sans délai de recours. L’acte est tellement illégal que l’on demande à constater qu’il n’est jamais parvenu à existence mais ce recours est peu utilisé.

Le recours en appréciation de légalité est un recours incident, par voie d’exception qui pose une question objective de légalité. C'est une plénitude de juridiction du juge administratif. Mais le juge judiciaire sera compétent pour juger de la légalité de l’acte bien qu’il soit administratif (TC, 17 octobre 2011 – SCEA du Chéneau) lorsque l’acte est contesté pour violation du droit de l’Union Européenne ou lorsqu'il y a erreur manifeste. De même, le juge pénal n’aura jamais besoin de posé une question préjudicielle puisqu’il est compétent (article 115 du code pénal).

Il dispose une autorité relative de chose jugée : l’acte sera écarté mais il ne sera pas annulé pour autant.

Le recours en interprétation est un recours qui vise à faire donner le sens d’un acte administratif qu’il soit contractuel ou pas par le juge administratif ou d’un jugement. Ce recours peut être exercé par voie d’action (litige principal) et par voie d’exception (en le greffant à un autre litige).

Le recours en réformation

Le recours en réformation n'est possible que devant un juge de pleine juridiction. Le juge peut aller au-delà de l’annulation en réformant la décision contestée en se substituant à l’autorité administrative. De par le principe de séparation des pouvoirs, le caractère assez restrictif au contentieux fiscal (le Juge Administratif peut modifier le montant des impôts du requérant), au contentieux objectif, au contentieux des installations classées pour la protection de l’environnement et au contentieux des édifices menaçant en ruines.

Les contentieux des personnes

La protection des droits des individus

C’est un recours qui permet la reconnaissance et la réparation de certains droits individuels. La différence majeure avec le droit privé c’est qu’il ne peut pas y avoir de recours si l’administration n’a pas rendu de décision. Il faudra donc au préalable demander à la reconnaissance/l’indemnisation auprès de l’administration.

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Le contentieux de la responsabilité extracontractuelle de l’administration est la responsabilité de la puissance publique avec une possible saisine du juge du plein contentieux (subjectif).

Les droits des relations contractuelles où le juge administratif du plein contentieux fait respecter les engagements.

La répression des infractions

Le juge administratif peut être saisi d'un contentieux de la répression. Le juge doit respecter les garanties prévues dans le procès pénal dans ce genre de situation. Il n'intervient que pour les contraventions de grandes voiries afin de faire respecter le domaine public, les infractions aux règles comptables ou financières (chambre régional des comptes, cour des comptes), les sanctions d'ordres professionnels et la section disciplinaire des universités.

L’exercice des recours

Selon les exigences d’ordre public, le juge cherche la compétence du juge, recevabilité du recours, examen du fond. Parfois, le juge saute l’étape de la recevabilité et statue directement sur le fond, selon la technique du rejet au fond d’un recours mentionné par : « sans qu’il soit besoin de statuer sur la recevabilité du recours ». Il faut que le recours soit motivé.

La recevabilité ratione personae

L’intérêt à agir

Le juge administratif refuse l’actio popularis (contestation alors que l’on n’est pas concerné par le litige), Il faut donc avoir un intérêt lésé qui justifie l’action en justice.

L’intérêt collectif ne concerne que les recours exercés par les personnes morales (CE 28 décembre 1906 – Syndicat des coiffeurs de limoges) et ne s’oppose pas à l’intérêt personnel.

Exemple : un syndicat veut contester une décision de l’administration portant atteinte à son patrimoine ; il y a un intérêt à la fois personnel et collectif puisqu’il représente les intérêts de tous ses adhérents.

Il ne peut pas nécessairement défendre les intérêts individuels de chacun des membres du syndicat. Le syndicat qui défend les intérêts collectifs peut avoir un intérêt à agir contre des mesures individuelles favorables. Inversement, il n’a pas d’intérêt à agir à l’encontre d’une mesure individuelle défavorable.

Il est difficile d’apprécier l’intérêt à agir dans le cadre du contentieux des personnes. Il faut chercher si le requérant est un des destinataires de l’acte en question. L’intérêt à agir doit remplir certains caractères : il faut prouver que l’intérêt soit réel, il faut que l'intérêt soit présent, il faut se prévaloir d’un intérêt adapté à l’acte contesté et il doit être suffisant.

La représentation

Le recours déposé devant le juge administratif ne l’est pas forcément par la personne qui agit en justice, cela peut être une personne morale représentée par une personne physique qui est un des organes de cette personne morale selon les statuts. Cela peut aussi être le ministère d’avocat par obligation sauf en 1er ressort du recours pour excès de pouvoir, ce qui est l'inverse pour les recours de plein contentieux.

La limitation des recours des personnes publiques

C’est un cas particulier qui interdit aux personnes publiques de saisir le juge administratif d’un recours lorsqu’elle en a le pouvoir (CE du 30 mai 1913, Préfet de l’Eure). Il y a un cas particulier dans le cas des contrats.

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La recevabilité ratione materiae

La nécessité de la décision

Il n'y a pas de décision sans d’acte de l'administration au préalable. Si l’administré lésé fait une demande en indemnisation auprès de l’administration et que celle-ci refuse, elle pourra attaquer ce refus. Si elle ne répond pas, on considère que deux mois de silence sont constitutifs d’une décision implicite de rejet qui pourra également être attaqué en justice. Néanmoins, l'administration peut changer la durée du délai dans certains cas et sous réserve d’une autorisation législative, le silence de l’administration peut dans certaines hypothèses valoir acceptation.

Ce n’est que si le juge considère que l’acte juridique pris par l’autorité administrative est une décision que l’on va admettre éventuellement qu’il s’agit d’un recours recevable du point de vue matériel, La qualité de décision est admise lorsque ces actes affectent l’ordonnancement juridique par une manifestation unilatérale de volonté impérative ou obligatoire. Ces actes peuvent ajouter une nouvelle norme ou maintenir l'ordonnancement juridique. Néanmoins, les actes non unilatéraux n’ont pas cette qualité (comme les contrats) et ne peuvent donc pas faire l'objet d'une décision.

Les exceptions :

Néanmoins, il existe des recours contre les actes administratifs non décisoires tels que les contrats devant un juge de plein contentieux pour lui demander de constater la nullité du contrat. Cette possibilité a été étendue aux tiers évincés de la signature du contrat (16 juillet 2001, CE, Ass., société Tropic travaux signalisation) qui peuvent aussi utiliser les procédures de référé précontractuel et le référé contractuel pour garantir le respect des règles de publicités et de mise en œuvre de la concurrence. Il y a aussi la possibilité pour les tiers de saisir les juges de l’excès de pouvoir d’un recours dirigé contre un contrat de recrutement d’un agent public (CE section, du 30 octobre 1998, ville de Lisieux).

Parfois, on peut agir directement devant le juge alors que le recours n’est pas dirigé contre un acte :

Dans le cadre de travaux publics (il n’y aura donc pas de délai de recours en plein contentieux).

Dans le cadre d’une décision implicite de rejet (dispense de délai également lorsqu’elles sont prises par des autorités collégiales ou sur consultation d’autorités collégiales).

Idem dans le cas d’un recours pour déclaration d’inexistence.

La loi du 12 avril 2000 a ajouté deux nouveaux cas de dispense de délai de recours permettant de sanctionner l’administration selon la régularité de la publication d'une décision, à conditions :

Lorsque l’administration prend une décision individuelle, elle doit le 5notifier et doit mentionner les délais et les voies de recours contre la décision.

L’administré doit saisir l’administration avec accusé de réception avant de former un recours si cette dernière refuse de faire droit à sa demande. L’administration pourra se rattraper et annuler la dispense si elle prend une décision explicite où elle notifie les mentions légales requises.

L’insuffisance d’une décision

Lorsqu’une décision ne fait pas grief, elle n’est pas susceptible de recours.

Les actes préparatoires vont servir à préparer une décision qui clôt le processus qui est en cours. (Ex: droit d’expropriation). Parmi les actes préparatoires certains ont un caractère décisoire (Ex: dans le cadre d’une expropriation, l’ouverture d’enquête publique est bien une décision). Bien que l’acte soit une décision, on ne pourra pas l’attaquer car ces actes préparatoires n’ont aucun effet direct sur les administrés et parce qu'il faut attendre la décision finale.

Néanmoins, on peut contester le refus de prendre un acte préparatoire car cela revient à refuser une décision future. La loi du 2 mars 1982 permet un déféré préfectoral contre les délibérations des collectivités locales (alors que celles-ci ne peuvent contenir que des actes préparatoires) où seuls les vices peuvent être contestés (forme, procédure ou compétence de l’administration) mais pas le fond.

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Les mesures d'ordre intérieures sont des actes unilatéraux pris pour le fonctionnement interne des services publics (prison, l’armée, l’école) qui ont toujours une valeur de décision. On parle alors d’immunité juridictionnelle totale : on ne peut pas les contester par voie d’action ou par voie d’exception. Néanmoins, il y a un infléchissement de la jurisprudence (17 février 1995 CE Ass., arrêt Ardouins et Marie). Car l'on va s'intéresser aux conséquences de la décision.

La recevabilité ratione temporis

Dans un souci de sécurité juridique, il faut que la décision soit durable et le délai de recours doit être suffisamment long pour que la vérification de la légalité puisse avoir lieu mais suffisamment court pour que la situation juridique soit stabilisée.

Le délai

Le délai de droit commun est de deux mois à compter de la publicité de l’acte, sauf pour les ICPE (installation classé pour la protection de l’environnement) où le délai est de 4 ans et en matière de contentieux électoral où le délai est de quelques jours. Le délai est franc : il n’inclut pas le jour du déclenchement ni le jour de son expiration. Si le délai de recours s’achève un jour férié ou chômé, il est reporté au jour suivant. Concernant les dettes publiques, elles se prescrivent jusqu’à 4 ans.

Pour un acte réglementaire, la publicité doit être publiée dans un recueil accessible à tous, pour lui donner une portée générale et impersonnelle : dans le Journal Officiel pour les actes de l’État, dans le recueil des actes administratifs pour les collectivités de plus de 3,500 personnes et à la mairie pour les communes de moins de 3,500 habitants.

Pour les actes non réglementaires, la décision doit être notifiée aux personnes concernées. Si cela concerne plus d’une personne il faudra un affichage public.

Pour que le délai de recours soit déclenché, il faut que la personne visée connaisse le contenu de l’acte et les motifs de celui-ci.

La prorogation :

La prorogation est la prolongation du délai de recours, lorsqu’un événement survient et interrompt ce délai. Pour bénéficier de cela, il suffit d’exercer un recours administratif préalable devant l’autorité administrative.

Il faut distinguer :

La décision préalable, implicite ou explicite.

Le recours préalable : Le recours administratif est gracieux si on demande à l’administration de revenir sur sa décision initiale. Le recours est hiérarchique quand on préfère porter la décision devant le supérieur hiérarchique de la décision.

Le recours devant le juge.

L’expiration du délai

Les conséquences sur les recours par voie d’action :

Le délai expiré, le recours est irrecevable. Cet acte devient définitif et l'on ne pourra pas obtenir son annulation car il faut contester la décision initiale et non pas une décision confirmative pour obtenir un nouveau délai. Cette irrecevabilité connaît une limite : le juge peut estimer qu’il n’y a pas confirmation si, entre les deux décisions, il y a eu un changement dans le droit applicable ou dans les faits.

La nature du recours est définitivement fixée à l’expiration du délai de recours. On ne peut pas élargir les conclusions initiales une fois le recours déposé et il n’est pas possible d’y ajouter des éléments supplémentaires : on sera forclos par eux. On peut réduire les conclusions mais pas les élargir.

La cristallisation de la cause juridique du recours :

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Lors de la contestation, on aura développé des moyens qui mettent en cause la légalité du décret et que le juge administratif regroupe en « causes juridiques ».

Pour le recours pour excès de pouvoir, il y a deux causes juridiques qui regroupent les moyens :

La légalité externe qui concerne la façon dont la décision a été prise. Il y a trois moyens qui en relèvent : Le vice de forme (l’acte ne remplit pas formellement les textes), Le vice de procédure (selon la procédure prévue par les textes), L’incompétence de l’autorité qui a pris la décision.

La légalité interne conteste ce qui a été décidé. On doit faire valoir quatre moyens : l’erreur de faits, l’erreur de droit, la qualification juridique des faits, le détournement de pouvoir : l’administration détient le pouvoir mais elle l’utilise dans un autre cas de figure que celui prévu par les textes.

Un requérant attaquant, dans le délai de recours, un acte en développant des moyens relevant d’une seule cause juridique, ne peut après l’expiration soulever d’autres moyens relevant d’autres causes juridiques. CE, 20 Février 1953, Société Inter-copie.

La contestation par voie d’exception :

La voie d’exception attaque de manière indirecte, à l’occasion d’un recours direct contre un autre acte : c’est l’exception d’illégalité. Il faut qu’il y ait un lien d’application, que l’acte attaqué ait appliqué l’autre acte. Cette exception d’illégalité donne lieu à des conditions de recevabilité temporelles différentes selon le type d’acte visé.

Si l’acte que l’on conteste est règlementaire, (cas le plus fréquent) : la recevabilité est perpétuelle.

Si l’acte n’est pas règlementaire (cas des décisions individuelles), il y a une limite temporelle : la recevabilité est conditionnée par le caractère non définitif de cet acte individuel. Concrètement, tant que le délai de recours n’est pas expiré, cela limite le délai de recours contre les actes individuels.

Néanmoins, lorsque l’exception d’illégalité est formulée à l’occasion d’un recours indemnitaire, on va pouvoir contester sans limite de temps. Lorsque les deux actes, celui que l’on conteste par voie d’action et celui que l’on conteste par voie d’exception, sont unis par un lien de nécessité réciproque : le premier suppose le second et inversement.

L’examen des recours

La lenteur de la juridiction administrative a donné lieu à une condamnation de la CEDH (article 6§1 sur le droit à un procès équitable et notamment sur le délai raisonnable de jugement). Par conséquent, il y a eu création des cours administrative d'appel, modernisation de la procédure des référés, multiplication des hypothèses où le juge statue seul. Désormais, il faut environ 4 ans pour qu’un litige soit jugé.

Les recours avant le jugement

La loi du 30 Juin 2000 a créé un véritable juge des référés statuant seul.

La suspension des actes administratifs

Il existe en droit public « le privilège du préalable » (caractère exécutoire des actes obligatoires) : CE, 2 Juillet 1982, Huglo. Le dépôt d’un recours juridictionnel ne suspend pas l’obligation d’exécuter cet acte. On ne peut porter atteinte au principe de la règle du préalable que si on a de bonnes raisons de penser que cette décision est annulable (CC, 23 Juillet 1987). Au titre de la protection des droits de la défense, il y a la possibilité que ce qui était à l’époque le « sursis à exécution » soit aujourd’hui une suspension par voie de référé qu’il conteste.

Il existe un référé suspension qui paralyse les effets de l’acte sous certaines conditions :

Il faut avoir demandé au juge administratif l’annulation de cette dimension au préalable,

Il faut que cette demande soit motivée par une urgence,

Il faut faire état d’un moyen propre à créer un doute sérieux sur la légalité de l’acte.

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Les référés

Il a d’autres procédures qui permettent d’anticiper ce genre de décision :

Le référé provision permet d’obtenir une provision à valoir sur une créance que l’on tient sur une personne publique,

Le référé mesures utiles permet d’obtenir du juge toute mesure sauf la suspension des effets d’une décision administrative (pour lequel il y a référé de suspension),

Le référé liberté fondamentale va permettre d’obtenir une mesure du juge administratif pour la sauvegarde des libertés fondamentales compromises par l’administration (réponse en 48h).

Le référé instruction permet de demander au juge des mesures d’instruction, d’expertise à l’occasion d’un recours,

Le référé constat consiste à envoyer un expert ou un huissier constater des faits.

Le jugement des recours

C’est une procédure inquisitoriale : le juge administratif peut mener l’instruction.

L’audience

L'audience va permettre aux parties de s’exprimer. Depuis peu, les justiciables ont la possibilité de s’exprimer oralement même si les avocats n’ont pas encore la culture de l’oralité administrative. Devant les juges du fond, intervient également le rapporteur public ; il est magistrat du tribunal administratif ou du CE et qui prend publiquement la parole pour donner son sentiment personnel en son âme et conscience sur l’issue du litige. Il va exposer les éléments de fait, les éléments de droit, et il va conclure au rejet ou au bien-fondé du recours. Devant le CE, il assiste au délibéré mais sans parler car il est intéressant pour lui de savoir comment la décision s’est formée.

Le jugement en lui-même

Le jugement est rendu à l’issue du délibéré. Au CE, il y a une totale liberté d’expression. On parle d’un Jugement devant les tribunaux administratif, d'un arrêt devant les cours administratives d'appel et le CE. Ils sont dotés en principe de l’autorité relative de chose jugée. Mais les jugements d’annulation ont une autorité absolue de chose jugée. Le jugement est doté de la force exécutoire dès qu’il a été notifié aux parties. Une administration est tenue d’exécuter la décision.

Loi du 8 Février 1995 crée un pouvoir d’injonction contre les personnes publiques. Soit le requérant demande l’annulation d’une décision, soit le requérant néglige de le faire, et cela lui donne la possibilité de revenir voir le juge administratif pour qu’il prononce une injonction pouvant être assortie d’une astreinte et d’un délai par jour de retard pour l’exécution de la décision.

Les recours contre les jugements

Contre les jugements, il y a des voies de rétractation qui consiste à demander au juge de se rétracter sur sa décision précédente, tel que le Recours en rectification d’erreur matérielle dans le jugement. Les voies de réformation, quant à elles, s’adressent à un juge supérieur hiérarchiquement à celui qui a rendu la décision contestée.

L’appel

C’est une voie de recours contre des jugements rendus en premier ressort. L’appel sera formé devant la cour administratif d'appel et n’a pas d’effet suspensif en principe mais on peut demander un sursis de l’exécution de la décision de 1ère instance. L'on peut contester la régularité du jugement qui est la façon dont le juge a statué (appréciation des règles de compétence juridictionnelle, le respect des formes de jugement, le respect de la procédure). En cas d'erreur, le jugement peut être annulé et le juge d’appel va renvoyer l’examen du litige devant le juge de première instance. L'on peut aussi contester le fond, la solution donnée par le juge de première

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instance au litige. Le jugement pourra être annulé pour mauvaise application de la loi. Dans ce cas-là, le juge d’appel sera saisi automatiquement par ce que l’on appelle l’effet dévolutif de l’appel.

La cassation

Le pourvoi en cassation manifeste la prééminence du CE au sein de la juridiction administrative (Arrêt d’Ailleres 1946).C’est une voie de recours ouverte que contre les décisions rendues en dernier ressort qui visent à veiller au respect du droit par les juridictions inférieures. Cela va permettre au CE de garantir l’unité de l’application des règles de droit dans la juridiction administrative sur la régularité de la décision et sur le bien-fondé de la décision rendue par la juridiction inférieure. Si le juge de cassation casse un arrêt, ce dernier disparaît et est annulé. En principe, le CE va renvoyer le jugement du recours en appel. Il est prévu, que le CE, pour une bonne administration de la justice, puisse trancher lui-même au fond après cassation. Dans ce cas, le juge de cassation devient juge d’appel. Si, à l’occasion de sa fonction de juge d’appel, il est amené à constater une irrégularité du jugement de première instance, il se transforme en juge de première instance.

La compétence de l’ordre juridictionnel administratif

Les litiges mettant en cause le principe de la séparation des pouvoirs

Les pouvoirs traditionnels

Le pouvoir administratif participe à quasi toutes les activités de l’État.

Le pouvoir judiciaire

La participation du pouvoir exécutif au pouvoir judiciaire

Sous la Vème République on ne parle pas de pouvoir mais d’autorité plutôt subordonnée au pouvoir exécutif :

Le Président de la République est le garant de l’indépendance de l’autorité judiciaire.

La justice judiciaire est rattachée au Garde des Sceaux, au Ministère de la Justice, organe de l’exécutif.

Les magistrats judiciaires n’exercent pas que des activités juridictionnelles mais parfois des fonctions administratives.

La répartition des compétences à l’égard du pouvoir judiciaire

Tout ce qui touche à l’organisation de la justice judiciaire, relève de la compétence du juge administratif. Tout ce qui touche au fonctionnement du pouvoir judiciaire, relève de la compétence du juge judiciaire (Tribunal des Conflits, 27 Novembre 1952, Préfet de la Guyane).

La justice judiciaire un service public. Et son organisation est une activité matériellement administrative, dont Ministère de la Justice et le pouvoir exécutif ont la charge.

Exemple 1 : La modification de l’implantation des tribunaux touche à l’activité même du juge judiciaire. Mais elle est matériellement administrative : Moline 19 juillet 2010.

Exemple 2 : la désignation des membres du Conseil Supérieur de la Magistrature est un acte administratif, donc de la compétence du juge administratif (17 Avril 1953, C.E. Ass, Falco et Vidallac). Plus inquiétant, le juge administratif peut être saisi pour déterminer la carrière d’un magistrat judiciaire (Demoiselle Obrego 1972).

Toutes les mesures prises dans le cadre de la procédure judiciaire, relèvent de la justice judiciaire (11 mai 1951 consorts Baud). Il y aura aussi le jugement lui-même à l’issue de la procédure. Le fonctionnement d’une

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juridiction est émaillé de décisions que l’on peut considérer comme administratives au sens large du terme (comme l’attribution d’un dossier à un magistrat) relève tout de même du juge judiciaire.

Sans démentir l’arrêt du Préfet de la Guyane, tout ce qui a trait aux mesures qui interviendront après la décision du juge judiciaire (intervention du préfet pour faire exécuter une décision par exemple) seront de la compétence du juge administrative. Il va donner ou refuser le concours de la force publique et c’est une décision administrative, qui ne se rattache pas au fonctionnement de la justice judiciaire, mais qui est prise en aval (Arrêt du 30 Novembre 1923, CE, Arrêt Couiteas).

Parallèlement, le juge administratif est compétent sur les questions relatives à l’amnistie car elle efface la sanction pénale (22 Novembre 1963 : Dalmas de Polignac). Ce qui est différent du droit de grâce du Président de la République, qui dispense le condamné d’exécuter sa peine.

Le pouvoir législatif et exécutif

La compétence du juge administratif à l’égard du pouvoir législatif

Il y avait refus du juge d’effectuer un contrôle de conventionalité jusqu’à l’Arrêt CE, Ass., Nicolo du 20 Octobre 1989. Il y a impossibilité de connaître de la constitutionnalité des lois (atténué par le mécanisme de la QPC qui décide simplement s’il y a un doute sérieux sur la constitutionnalité). Dans les deux cas, le juge administratif peut mettre en cause la loi mais uniquement en cas d’exception et non d’action à l’occasion d’un litige.

Le fonctionnement des Assemblées Parlementaires nécessite une organisation (Gestion du personnel, passation du contrat) dont les décisions prises par des autorités publiques relèvent du juge administratif. Au nom de la protection du pouvoir législatif, on interdire au juge administratif de connaître le fonctionnement sauf pour les litiges sur les dommages causés par les services des assemblées, pour tout ce qui relève des agents qui ne sont pas sénateurs/députés et tout ce qui est rattaché aux contrats administratifs passés par les Assemblées (CE Mars 1999, Président de l’AN).

La compétence du juge administratif à l’égard du pouvoir exécutif

Les actes de gouvernement sont des actes que le pouvoir exécutif prend pour assurer le bon déroulement des pouvoirs publics dans l’ordre interne et qui bénéficient d’une totale immunité juridictionnelle. Le juge administratif n’est pas compétent pour en connaître. La décision par laquelle le Premier Ministre charge un parlementaire d’une mission auprès d’une administration est détachable des relations entre le pouvoir exécutif et législatif (CE 25 septembre 1998, Arrêt Megret). C’est une activité matériellement administrative.

Les pouvoirs méconnus

Le pouvoir fédératif

John Locke a identifié un nouveau pouvoir : le pouvoir fédératif, tourné vers l’extérieur de l’État, chargé de négocier alliances et traités. Aujourd’hui, il relève surtout du pouvoir exécutif (Ministère des Affaires Étrangères etc.).

La compétence à l’égard des normes internationales

Le juge administratif a compétence pour apprécier l’existence juridique des normes internationales (vérifier signature/ratification ou approbation/publication/régularité). Le mécanisme avec renvoi au Ministre des affaires étrangères a été abandonné tard (arrêt d’Assemblée du 29 Juin 1990, GISTI). Désormais, en cas de difficulté d'interprétation des normes européennes, il effectue un renvoie à la CJUE.

La compétence à l’égard des activités du pouvoir fédératif

Une personne publique étrangère sera recevable à agir devant les juridictions administratives françaises. En revanche, un individu ne peut pas attaquer un Etat étranger devant une juridiction administrative française. Le juge administratif va considérer que le pouvoir fédératif est l’illustration d’un acte de gouvernement pour l’ordre

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externe : lorsque le pouvoir exécutif conduit les relations extérieures de la France, il émet des actes qui échappent à tout contrôle juridictionnel.

Le pouvoir de suffrage

C'est le pouvoir que le peuple exerce en votant, en s’exprimant et qui est de la pleine compétence du CE depuis 1977 pour les élections européennes. Cela inclut la contestation des résultats mais aussi la contestation des opérations préalables au vote. Le CC est compétent pour veiller à la bonne marche des élections présidentielles, parlementaires, et des votations référendaires. Unification de sa compétence en 1995.

Les litiges mettant en cause les principes de séparation des autorités La répartition des autorités s'est faite par la loi des 16-24 Août (pour litiges impliquant les fonctions administratives et les opérations des corps administratifs) et le décret du 16 Fructidor An III qui a réitéré l’interdiction vise les actes d’administrateurs. On a dans les deux des mélanges d’éléments organiques, matériels et formels.

Les principes

L’École du Service Public de Duguit avait conceptualisé une série d’égalités, d’équivalences (Personne publique = service public = droit administratif = compétence des juridictions administratives). FAUX dès cette époque car ne prend pas en compte le contentieux privé de la personne publique. Sa théorie s’écroule en 1921.

Le contentieux des actes administratifs

Le contentieux

Le contentieux par voie d'action est un recours qui vise directement l’acte à fin d’annulation et de disparition rétroactive de l’acte. Dans la décision du 23 janvier 1987 86-224DC, le Conseil Constitutionnel dispose que les juges administratifs sont constitutionnellement compétents pour connaître la réformation ou l’annulation des décisions administratives émanant d’autorités publiques.

Mais cette compétence ne vaut pas dans les matières réservées par nature au juge judiciaire même s’il s’agit d’un contentieux d’annulation ou de réformation. Le législateur est autorisé par le Conseil Constitutionnel à créer des blocs de compétences et transférer au juge judiciaire des contentieux par voie d’action lorsqu’il s’agit d’unifier le droit dans un souci de bonne administration de la justice. Le législateur désigne aussi la compétence du juge judiciaire notamment à la cour d'appel de Paris, en 1er ressort pour le contentieux de certaines décisions des autorités administratives indépendantes.

Le contentieux par voie d'exception est un outil pour faire annuler un acte individuel pris sur son fondement. Le juge du litige principal est juge de l’exception si on est devant le Juge administratif. Si le litige principal est devant le juge judiciaire, le juge de l'action ne peut pas forcément se prononcer.

Le juge judiciaire répressif dispose d'une compétence de principe pour statuer sur les actes administratifs (article 115 du Code pénal). Par contre, s'il n'est pas répressif, il doit surseoir à statuer et envoyer une question préjudicielle sauf pour interpréter les actes réglementaires (TC 16 juin 1923, Septfonds).

Le Tribunal des conflits apporte deux restrictions à cet arrêt (TC, 17 octobre 2011, SCEA du Cheneau) :

Les tribunaux de l’ordre judiciaire n'ont pas à saisir la juridiction administrative d'une question préjudicielle portant sur la légalité de l'acte administratif dès lors qu’il apparaît manifestement, au vu d’une jurisprudence établie,

Le juge judiciaire, saisi au principal, est compétent pour apprécier la validité d’arrêtés litigieux contestés au regard du droit de l’Union européenne.

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Le contentieux des actes de droit privé

Le principe de séparation incite à donner une compétence exclusive au juge judiciaire lorsqu’il s’agit de se prononcer en matière privée : le juge administratif devra surseoir à statuer. Or, selon l’arrêt CE, section, 23 mars 2012 fédération Sud Santé Socio : le juge administratif est compétent pour constater l’invalidité manifeste d’une convention collective lorsqu’il est saisi du recours dirigé contre l’arrêté ministériel, l’approuvant ou l’étendant.

Le contentieux des services publics

Il faut tenir compte de la nature de la personne qui gère ce service public intervention de l’organe qui le gère.

La distinction des personnes publiques et des personnes privées

Traditionnellement, le droit public ne connaissait que 3 catégories de personnes publiques : l’Etat, les collectivités territoriales, les établissements publics (Ex: une université). Si une personne n’était pas susceptible d’être rangée dans l’une des 3 catégories, c’était une personne privée. Or, au début des années 2000, on a reconnu l’existence de personnes publiques sui generis (elles sont à elles-mêmes leur propre genre) tels que la Banque de France, les Groupements d'intérêts publics et les Autorités Publiques Indépendantes.

Un établissement public est une entité de droit public dotée de la personnalité juridique et chargée de la gestion d’une activité de service public dans la limite de sa spécialité. Ce qui le distingue d'une personne privée c'est :

1er critère : Un établissement public gère un service public.

2e critère : Il faut déterminer si la personne morale qui gère le service public est publique ou privée. Lorsque les textes sont silencieux, le juge saisi d’un litige sera compétent pour statuer : Il va utiliser un faisceau d’indices selon l’origine de l’organe qu’on cherche à qualifier, les rapports de cette personne avec la puissance publique et la détention de prérogatives de puissance publique. Le juge va ensuite se décider de manière totalement subjective (l’arrêt Chevassier, 4 avril 1962, CE).

Les services publics gérés par des personnes privées

Le Juge judiciaire dispose de la compétence de principe tandis que le juge administratif a une compétence d'attribution.

Hypothèse 1 : La personne privée gérant le service public peut prendre un acte administratif (CE 1942 Monpeurt). Si la responsabilité de la personne privée est engagée du fait d’un dommage causé par l’usage d’une prérogative de puissance publique qu’elle détient, alors c'est de la compétence du juge administratif (CE, 21 décembre 2007, Lipietz).

Hypothèse 2 : si un dommage de travaux publics est causé par une personne privée gérant un Service Public Administratif, alors c'est de la compétence du juge administratif. S’il survient à l’occasion de la gestion d’un Service Public Industriel et Commercial, il faut distinguer selon un nouvel élément : l’intérêt de la victime.

Si la victime de ce dommage était un tiers par rapport à ce SPIC, c'est de la compétence du juge administratif (CE, section, 25 avril 1958, Dame veuve Barbaza) ;

Mais si la victime un usager du SPIC, c'est de la compétence du juge judiciaire, du fait que c'est dans son bloc de compétence (TC, 10 octobre 1966, Dame veuve Canasse).

Hypothèse 3 : Compétence du juge administratif pour le contentieux de l’élection des membres des organes des ordres professionnels sauf pour les professions judiciaires (exemple : avocat).

Hypothèse 4 : si une personne privée gérant un service public emploie des fonctionnaires, alors le litige relève du juge administratif.

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Les services publics gérés par des personnes publiques

Par nature, le service public est soumis au droit administratif, mais certaines activités des SPIC sont soumises au droit privé (TC, 22 janvier 1921, Société commerciale de l’Ouest Africain, Bac d’Eloka).

Le contentieux des SPA est de la compétence du juge administratif puisque le litige met en cause une personne publique (critère organique) et un service public (critère matériel) qu’il s’agisse d’un recours contre un acte unilatéral, pour engager la responsabilité de la personne publique, un agent public contractuel(TdC, Mars 1996, Berkani), un usager ou un tiers qui est en cause. C'est aussi de sa compétence lorsque le dommage trouve sa cause dans des travaux publics avec dispense de délais de recours.

Pour le contentieux des SPIC, le critère organique (personne publique) est favorable au juge administratif mais le critère matériel est favorable au juge judiciaire. Tout va donc dépendre de la qualité du requérant : il faut distinguer les relations avec les usagers, les tiers et les agents.

Les relations avec les usagers : Le SPIC même géré par la personne publique relève de la compétence du juge judiciaire seul compétant (Arrêt du TC, 17 octobre 1966, Dame veuve Canasse).

Il existe un bloc de compétence judiciaire :

Si le litige porte sur un contrat passé entre personne publique et l’usager. Il sera de droit privé même s’il contient une clause exorbitante de droit commun qui devrait transformer le contrat en un contrat administratif. (Octobre 1961 Etablissements Campanon-Rey).

Si l’usager se plaint d’un dommage de travaux publics réalisé par une personne publique gérant un SPIC. La compétence revient au juge judiciaire malgré l’article 4 de la loi Pluviose an VIII (TdC 24 juin 1954, Dame Galland). Encore faut-il être certain que la victime a subi le dommage en tant qu’usager du SPIC et non en tant que tiers (Exemple : le fait de l’ouvrage du service public l’emporte sur les faits du service public, ce qui les qualifie de tiers CE, section, 24 novembre 1967, Demoiselle Labat).

Ce bloc de compétence ne joue pas, si l’usager forme un recours contre un acte unilatéral pris par la personne publique (traduit la mise en œuvre de la prérogative de puissance publique) : TdC Janvier 1998 Syndicat Français de l’Express International.

La qualité d’usager : est conférée aussi à l'utilisateur frauduleux d'un service public (TC, 5 décembre 1983, Niddam). On va s’assurer que le dommage a lieu à l’occasion de la fourniture du service public et que seul l’usager lié à la personne publique a la qualité d’usager : les préposés et les agents de l’entreprise sont des tiers alors même que la personne morale pourra être un usager.

Les relations avec les tiers : Il n’y a pas forcément un bloc de compétences. Néanmoins, on a un principe de compétence judiciaire (TC, 11 juillet 1933, Dame Mélinette).

Exceptions :

La contestation d’un acte administratif pris par la personne publique gestionnaire d’un SPIC, est de la compétence du juge administratif.

Lorsque le tiers subit un dommage de travaux publics effectués dans le cadre du SPIC (CE, section, 25 avril 1958, Dame veuve Barbaza) c'est de la compétence du juge administratif.

Les relations avec les agents : Bien que géré par une personne publique, un SPIC peut ne pas employer que des agents publics. Lorsque ces agents sont contractuels, ce sont en principe des agents de droit privé, donc de la compétence du juge judiciaire ( CE, section, 8 mars 1957, Jalenques de Labeau).

Cas particuliers :

La personne qui a la charge de l’ensemble des services : le directeur contractuel est de la compétence du juge administratif.

S’il y a un comptable contractuel ayant la qualité de comptable public TC, 15 janvier 1968, époux Barbier, il est de la compétence du juge administratif.

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Les contentieux réservés au juge judiciaire

Les personnes publiques disposent d’un patrimoine avec un régime juridique approprié.

Le domaine public est de la compétence du juge administratif et se définit comme l'« ensemble des biens qui appartiennent à une personne publique qui sont soit affectés à l’usage direct du public (trottoir, rue), soit affectés à un service public pourvu que dans ce cas, ces biens fassent l’objet d’un aménagement indispensable à l’exécution des missions de ce service public » article 2111-1 du Code général de la propriété des personnes publiques.

Le domaine privé :

Lorsque sont affectés à quelque chose qui ne relève pas de l’intérêt général, ce sont donc des personnes privées qui gèrent ces biens. Dès lors, la gestion du domaine privé va être soumise à la compétence des juridictions judiciaires.

Exceptions relevant de la compétence du juge administratif :

Lorsque le domaine privé n’est pas affecté à un service public mais utilisé pour un service public (ex : le domaine privé est le siège du service public). C’est du domaine privé. Il peut y avoir des parties de forêts consacrées au service public (CE, 3 mars 1975, Courrière).

Le domaine privé peut supporter des ouvrages publics ou donner lieu à l’exécution de travaux publics (loi Pluviose an VIII).

Certains actes pris dans la gestion du domaine privé peuvent être détachables de cette gestion. L'acte est détachable si un arrêté de la personne publique porte sur la gestion du domaine privé (TdC Février 2000 commune de Baie Mahaut). On prend donc en compte le caractère formel donc sur la teneur de l'acte (TC, 22 novembre 2010, SARL Brasserie du théâtre).

Le contentieux des actes réservés « par nature » au juge judiciaire

Cette formule est issue de la décision Conseil de la Concurrence du 23 janvier 1987,CC qui affirme le retrait de matières qui relèvent par nature de la compétence judiciaire.

Le juge judiciaire est compétent pour tout ce qui relève de l’Etat des personnes, de la nationalité (article 29 du code civil) et de l’électorat. Pourtant, ces questions se posent très souvent devant le juge administratif puisqu’il est le juge du droit des étrangers. Il doit surseoir à statuer dans ces domaines sauf pour l’agrément qui permet d’adopter un enfant.

Le juge judiciaire dispose d'une compétence large en matière de propriété : pour les expulsions (loi du 10 mars 1810), la fixation d’une indemnisation en cas d’atteintes portées à la propriété privée ou aux servitudes. Ainsi, le juge administratif doit surseoir à statuer sur ces questions (TC, 18 décembre 1995, Préfet de la Meuse).

Il est également compétent pour toutes les actions civiles en matière de détention et d’arrestation arbitraire, violation domicile même si des agents ou personnes publics sont concernés (article 56 du Corpo de procédure Pénal). Le juge judiciaire ne peut pas apprécier la légalité des actes administratifs à l’origine de la détention en cause (TC, 16 novembre 1964, Clément), tout comme pour ce qui est de l'hospitalisation d’office sur décision du préfet.

La voie de fait est une théorie qui considère que le juge judiciaire est compétent lorsque l’action de l’administration est dénaturée et perd son privilège de juridiction au regard des circonstances. Cela est possible à conditions que l’administration ait commis une illégalité inadmissible et qu'elle a porté une atteinte grave à une liberté fondamentale ou au droit de propriété.

L’emprise irrégulière ne vaut que pour la protection de la propriété des biens immobiliers. Il s’agit de l’hypothèse où l’administration a pris temporairement ou définitivement la possession d’un immeuble de manière irrégulière. Le juge judiciaire sera compétent pour condamner la personne publique à payer des dommages et intérêt après que le juge administratif ait déclaré l’illégalité de la prise de possession.

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Les dérogations légales aux principes

Le législateur a confié la compétence au juge judiciaire lorsque les tribunaux des affaires sociales sont compétents pour les litiges individuels en matière sociale et lorsqu'il y a des domaines dans lesquels ont été créés des fonds d’indemnisation au profit de certaines personnes (exemple : pour les victimes du SIDA de par les transfusions).

La responsabilité du fait des enseignants

La loi du 5 avril 1937 (article L911-4 du Code de l’éducation) pose une règle de fond : la personne responsable d’un dommage qui a été subi par un élève va indemniser la victime car l’État est substitué à l’enseignant, public ou privé, dont le défaut de surveillance est à l’origine du dommage subi par cet élève. Néanmoins, la loi exclut les surveillants. Le défaut de surveillance peut résulter aussi bien d’une insuffisance de surveillance que d’une participation active de l’enseignant au dommage. Elle joue aussi pour des dommages qui sont à l’occasion d’activités d’enseignement périscolaires. Enfin, cette loi couvre aussi bien les dommages causés à un élève mais aussi par un élève.

La responsabilité du fait des véhicules

La loi du 31 décembre 1957 a unifié au profit des juges judiciaires les contentieux des actions en responsabilités des dommages causés par un véhicule quelconque. Cette loi précise que les règles du droit privé s’appliqueront pour les actions en responsabilité puis pour les véhicules à moteur (loi du 5 juillet 1985). On tire une interprétation extensive de cette loi. Cette loi joue également quand l’agent conducteur du véhicule public a utilisé le véhicule en dehors de ses fonctions et qu’un accident a été causé.

Le règlement des difficultés de compétence

Le tribunal des conflits

La composition

Le Tribunal des Conflits est composé 8 membres dont 4 de chacune des deux hautes juridictions et 2 suppléants. De plus, il comprend 4 rapporteurs publics. Le Tribunal des Conflits est présidé par son Vice-Président. En cas de problème, c’est le Garde des Sceaux qui tranche le litige.

Un juge du fond exceptionnel

Dans la majorité des cas, le Tribunal des Conflits ne tranche pas l’affaire au fond. Cependant, dans les années 1920 une affaire a montré que la répartition des compétences donnait lieu à une difficulté lorsqu’on a trouvé les juges mais qu’ils ont rendu des décisions inconciliables. En cas de lenteur de la justice, cela peut causer un dommage au requérant qui sera indemnisé notamment par le Tribunal des Conflits.

Les conflits

Le règlement des conflits

Le conflit positif

Le conflit est asymétrique car il ne peut exister que si on a d’abord agi devant le juge judiciaire. Celui-ci n’a pas affirmé sa compétence alors qu’une autorité administrative intervient pour affirmer la compétence du juge administratif. Néanmoins, il est impossible de faire valoir la compétence de l’ordre judiciaire devant l’ordre administratif qui a été saisi.

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On fait appel au Ministère public sinon il n'y a pas de procédure de conflit positif et cette procédure est impossible devant la Cour de cassation. Le conflit en matière pénale est interdit en matière criminelle et limité en matière correctionnelle et de police.

La procédure est initiée par le préfet du département dans lequel le tribunal saisi du litige. Le déclinatoire de compétence adressé à la juridiction judiciaire va lui demander sur le fondement de textes de se déclarer incompétente et de laisser la compétence au juge administratif. Cela ne peut être valable qu’avant que la juridiction ne se prononce définitivement sur sa compétence. En cas de déclinatoire de compétence, les parties vont se tourner vers le juge administratif mais le juge judiciaire peut s’affirmer en rejetant le déclinatoire de compétence, et elle doit en conséquence s’interdire de statuer pendant 15 jours. Pendant ce délai, le préfet doit réfléchir à persister dans son opinion initiale et élever le conflit ou s’arrêter et laisser la compétence au juge judiciaire. Mais s’il élève le conflit, la juridiction judiciaire en question a l’obligation de surseoir à statuer pendant l’élévation du conflit devant le Tribunal des Conflit, c'est un conflit positif.

Le Tribunal des Conflits doit vérifier la régularité procédurale et formelle de l’arrêté de conflit du préfet. S'il considère que le préfet a eu tort, il y a annulation de l’arrêté de conflit et la juridiction judiciaire voit sa compétence affirmée et peut de nouveau statuer. Autrement c'est la juridiction judiciaire qui statue. Si le litige dont avait été saisie la juridiction judiciaire est un acte de Gouvernement, ni le tribunal administratif ni le tribunal judiciaire ne sont compétents.

Le conflit négatif

Lorsqu’aucune des deux juridictions ne se reconnaît compétente, il en découle un déni de justice à moins que ce soit un acte de gouvernement qui soit attaqué. Si en plus, les deux ordres ont rejeté leur compétence sur le même litige donc sur l'identité des parties de cause et d’objet, alors il y a conflit négatif.

La prévention des conflits

Cette prévention a été tardivement organisée (décret du 25 juillet 1960).

Mécanisme de prévention des conflits négatifs

Pour éviter un conflit négatif, il faut éviter que le 2nd ordre de juridiction saisi se décide également incompétent après que le 1er ordre saisi se soit déclaré incompétent. Le Tribunal des conflits est plus souvent saisi pour régler des questions de compétences au sein des mécanismes de jugements d’incompétence.

Mécanisme de prévention des difficultés de compétence

En 1960, un mécanisme a été mis en place pour que la Cour de cassation et le CE puissent demander au Tribunal des Conflits qui est compétent, indépendamment de tout conflit. Ainsi, le CE et la Cour de cassation utilisent régulièrement, spontanément cette prévention afin de généraliser ce mécanisme pour en ouvrir le renvoi à toutes les juridictions dès lors qu’elles auraient un doute sérieux sur les compétences. Il y a de bonnes chances que ces propositions soient adoptées par ordonnance (suite à l’arrêt Bergoend).