Pratiques pédagogiques dans l’éducation non-formelle ... · souligne les enjeux sociaux et...

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Histoire, mémoire et citoyenneté Pratiques pédagogiques dans l’éducation non-formelle Ludovic Fresse Novembre 2013 Rue de la Mémoire – 9, rue Victor-Schleiter 55100 VERDUN www.ruedelamemoire.eu [email protected] Action Signe de Réconciliation Services pour la Paix / Comité d'ASF France 86, rue de Gergovie 75014 PARIS www.asf-ev.de/fra [email protected] 1

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Histoire, mémoire et citoyenneté

Pratiques pédagogiques dans l’éducation non-formelle

Ludovic Fresse

Novembre 2013

Rue de la Mémoire – 9, rue Victor-Schleiter 55100 VERDUNwww.ruedelamemoire.eu – [email protected]

Action Signe de Réconciliation Services pour la Paix / Comité d'ASF France86, rue de Gergovie 75014 PARIS

www.asf-ev.de/fra – [email protected]

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TABLE DES MATIÈRES

I] Introduction……………………………………………………………………………….. p. 3

II] Définition des termes……………………………………………………………….. p. 3

a) Histoire et mémoire…………………………………………………………………… p. 3

b) Citoyenneté………………………………………………………………………………. p. 5

c) Éducation non-formelle……………………………………………………………… p. 6

III] Cadre général…………………………………………………………………………… p. 9

a) Période................…...……………………………………………………………….... p. 9

b) Composition du groupe……………………………………………………………... p. 17

c) Rôle du formateur…………………………............………………………………... p. 19

IV] Outils pédagogiques…………………………………………………………………. p. 20

a) Témoignages oraux…..………………………………………..……………………… p. 20

b) Témoignages écrits…………………………………………….……………………… p. 23

c) Archives………………………………………………………………………………....... p. 24

d) Objets……………………………………………………………………………….......... p. 26

e) Lieux………………………………………………………………………………............ p. 27

V] Conclusion…………………………………………………………...……………………. p. 29

Annexe………………………………………………………………………………................. p. 30

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I] Introduction

« Il est nécessaire de connaître le passé pour comprendre le présent ». Cette formule, convoquée si souvent qu’elle en est presque devenue un lieu commun, souligne les enjeux sociaux et politiques du souvenir, mais elle ne précise pas les conditions de sa transmission. En France, la connaissance du passé passe traditionnellement par l’enseignement des faits historiques, dans le cadre de l’école ou du musée, ou par leur commémoration rituelle, à l’initiative d’organismes publics ou privés. L’objectif de ce document est de montrer comment l’éducation non-formelle, en articulant histoire et mémoire, peut en faire les instruments d’une citoyenneté active et constituer ainsi une troisième voie innovante.

Il n’a pas pour ambition de rendre compte de toutes des initiatives existantes ni d’aborder tous les débats politiques et scientifiques qui entourent la question du souvenir. Il s’agit plutôt d’un memento, d’un vade-mecum pratique se fondant en premier lieu sur les expériences d’ASF1 et d’organisations partenaires œuvrant dans le champ éducatif. Il ne propose des éléments de réflexion théorique que pour donner un cadre clair au travail pédagogique en traquant les équivoques et les fausses évidences. Puisse-t-il servir de « boîte à outils » dans la mise en œuvre de projets originaux !

II] Définition des termes

Dans un premier temps, il convient de définir les termes de l’énoncé, ou du moins d’indiquer dans quelle acception ils seront utilisés ici.

a) Histoire et mémoire

HISTOIRE : science humaine visant à reconstituer le passé à partir de sources multiples (archives, témoignages, etc.).

MÉMOIRE : ensemble de représentations du passé caractérisant un individu ou un groupe social.

1 Aktion Sühnezeichen Fiedensdienste / Action Signe de Réconciliation Services pour la Paix : association d’éducation populaire organisant depuis plus de 50 ans des formations, des services volontaires et des chantiers internationaux sur des thèmes historiques et mémoriels (voir Annexe).

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Ces deux notions, si elles sont proches, ne sont pas équivalentes. Face à l’inflation d’initiatives mémorielles que l’on observe en France depuis les années 1980, certains historiens en sont même venus à les opposer. Leurs arguments principaux sont les suivants :

• L’histoire est une science qui cherche à établir une vérité objective, tandis que la mémoire, par essence subjective, est sous-tendue par des affects et des émotions qui la placent souvent dans le champ du sacré.• L’histoire réunit tandis que la mémoire divise2. Selon Henry Rousso : « La mémoire est plurielle en ce sens qu’elle émane des groupes sociaux, partis, églises, communautés régionales, linguistiques ou autres. (…) L’histoire, en revanche, a une vocation plus universelle3 ».

Cette vision antagoniste, peut-être légitime du point de vue politique, nous semble contestable du point de vue pédagogique. En effet, s’il est important de différencier l’histoire de la mémoire, il serait artificiel d’en faire des contraires.

L’histoire, étant une reconstitution, ne peut en aucun cas atteindre l’objectivité à laquelle elle aspire. Pendant longtemps, en France, elle a été l’instrument politique de la cohésion nationale, quitte à s’accommoder d’un certain nombre de mythes. Il suffit d’ouvrir un manuel scolaire de la IIIème République pour la voir, par exemple, promouvoir un patriotisme revanchard ou défendre l’idéologie colonialiste. Dans un régime totalitaire, la révision de l’histoire est d’ailleurs la première forme de propagande. Certes, la France du XXIème siècle, moderne et démocratique, est loin de ces caricatures. Il n’en reste pas moins que l’enseignement de l'histoire procède de choix déterminés par un contexte politique et culturel. Il porte la marque d’une époque et d’une nation. Comme le rappelle le philosophe Paul Ricœur dans Histoire et vérité4, l’historien est nécessairement subjectif. Sa quête de la vérité doit donc s'accompagner d'une conscience aiguë de la relativité des points de vue.

La mémoire, étant une représentation, nous renseigne moins sur ce qui est rappelé que sur celui qui se rappelle. C’est parce qu’elle est partielle et partiale qu’elle est intéressante, dans la mesure où ses lacunes et ses distorsions permettent de connaître le positionnement de l’individu ou de la communauté ici et maintenant. Il n’y a pas lieu de craindre sa pluralité : elle n’est que le reflet de la diversité sociale.

2 Pierre Nora, entretien paru dans le dossier Comment traiter de la mémoire collective, La Ligue de l’Enseignement, avril-mai 2012, p.20.3 Henry Rousso, Le syndrome de Vichy, de 1944 à nos jours, Le Seuil, 1987, p.10.4 Paul Ricœur, Histoire et Vérité, Le Seuil, 1955, réédition 2001, p. 35.

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Son rôle dans le débat public tient moins à sa nature qu’à son utilisation ou, dans certains cas, à son instrumentalisation. Elle est source de division quand elle est normative, c’est-à-dire quand elle cherche à proclamer des vérités définitives. Les différentes mémoires entrent alors en concurrence sur fond de revendications catégorielles, comme on peut le constater en France depuis les années 2000. Cette course à la reconnaissance est un phénomène contemporain, dans le sens où elle nous parle davantage du XXIème que du XVIIIème, XIXème ou XXème siècle qui lui servent d’alibi, mais elle est à proscrire de tout projet pédagogique. En revanche, la confrontation des mémoires peut prendre la forme d’un dialogue fécond lorsque les points de vue des uns et des autres sont mis en perspective dans un climat de tolérance et de respect – la tolérance ne résidant pas dans une négation des différences, ni dans un relativisme absolu qui verrait les mémoires s’additionner sans se rencontrer, mais dans une capacité à faire primer la compréhension sur le jugement. Le rôle du pédagogue est de créer les conditions d’un tel dialogue au sein du groupe dont il a la charge.

Dans la pratique, l’histoire et la mémoire ne sont pas contradictoires, mais complémentaires. Il leur suffit de se prêter à un examen critique et de reconnaître, pour l’une, son imparfaite vérité, et pour l’autre, son imparfaite fidélité. Elles sont d’ailleurs quotidiennement associées dans des musés ou des mémoriaux quand, par exemple, une classe visite une exposition (qui fait état de faits) avant de rencontrer un témoin (qui fait état d’un vécu). La mémoire sert l’histoire car elle lui permet de s’incarner à travers des exemples concrets. L’histoire sert la mémoire car la mise en lumière des faits contribue à faire évoluer les représentations5. En outre, le couple qu’elles forment nous invite à interroger les relations qu’entretiennent le particulier et le général, et plus spécifiquement l’individu et la société. Sur quels héritages se fonde une identité ? Comment conjuguer plusieurs appartenances (famille, parti, religion, nation, etc.) quand apparaissent des conflits de loyauté ? Comment forger une histoire commune en respectant la diversité des expériences et des points de vue ? La question « d’où venons nous ? » nous amène ainsi naturellement à aborder au présent le thème du vivre-ensemble.

b) Citoyenneté

D’un point de vue juridique, la notion de citoyenneté est liée à celle de nationalité. Elle confère à l’individu des droits politiques, notamment le droit de vote,

5 On peut citer ici comme exemple les travaux de Robert Paxton qui, dans les années 1970, ont profondément modifié la perception du Gouvernement de Vichy en France. Rober Paxton, La France de Vichy 1940-1944, Le Seuil, 1973.

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mais elle peut être passive, dans le cas où ces droits ne sont pas exercés. Dans ce document, nous nous référerons plutôt à la citoyenneté active, qui implique une participation volontaire à la vie de la Cité. Elle peut prendre des formes très diverses (engagement dans une association, un syndicat ou un parti, fréquentation d’un forum ou d’un comité de quartier, création d’un journal ou d’un site internet, etc.) et s’inscrire dans un cadre local, régional ou national. La citoyenneté, dans ce cas, n'est pas un acquis. Elle n'est pas conditionnée par la possession d'un passeport ou d'une carte d'identité : fondée sur l'action et l'initiative, elle se construit jour après jour.

Cependant, pour se prévaloir d’une dimension citoyenne, la participation doit reposer sur des valeurs et des principes. Nous retiendrons ici ceux que l’on associe au civisme, c’est-à-dire, outre le respect des règles de la vie en commun, celui de la dignité humaine ainsi que celui des différences ethniques, culturelles ou religieuses. Placée sous le double signe de la tolérance et de la solidarité, la citoyenneté implique une articulation harmonieuse de l’intérêt particulier et de l’intérêt général. Cette définition éthique doit enfin être complétée par une définition politique qui fait d’elle un instrument essentiel de la démocratie : toute formation citoyenne doit apprendre à l’individu à penser et agir librement en l’invitant à développer son esprit critique.

Remarque : depuis la Révolution Française, la nation est considérée comme le cadre « naturel » de la citoyenneté. Cette conception est appelée à évoluer en raison, d’une part, de l’apparition de nouvelles échelles politiques (notamment régionale et européenne), et, d’autre part, de l’émergence de nouvelles formes de sociabilité (notamment le système de réseaux sur lequel se fonde Internet). La citoyenneté doit donc se réinventer dans le cadre d’une démocratie où le discours national cède le pas à un discours sociétal portant sur une réalité plus complexe car plus hétérogène.

c) Éducation non-formelle

Selon l’Unesco, l’éducation non-formelle désigne les « activités d’apprentissage ordinairement organisées en dehors du système éducatif formel. Cette expression est en général opposée à celles d’éducation formelle et d’éducation informelle6. » Les trois formes d’éducation partagent un même objectif, à savoir l’acquisition de connaissances et de compétences primordiales dans une société fondée sur le savoir. Cependant, leur cadre et leur fonctionnement sont différents :

• L'éducation formelle est dispensée dans un environnement scolaire (école, université) par un professeur s’adressant à des élèves.

6 Rapport mondial de suivi sur l’éducation pour tous, Unesco, 2011, p. 392.

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• L’éducation informelle recouvre les apprentissages souvent inconscients qui interviennent au quotidien, par exemple à la lecture d’un journal ou lors d’une conversation entre amis.• L'éducation non-formelle s’adresse à des participants volontaires jouant un rôle actif dans leur propre formation (bénévolat associatif, service civique7...).

Le lieu de l’apprentissage constitue la différence la plus visible entre les trois formes d’éducation. Cependant, il ne doit pas occulter d’autres spécificités. Ainsi, selon le Conseil de l'Europe8, « en plus d'avoir lieu hors de l'école, l'éducation/l'apprentissage non-formels impliquent également une autre façon d'apprendre et concernent surtout des objectifs liés à l'intégration et la participation active des apprenants dans la société. »

Dans ce contexte, l'accent est mis sur le développement d'aptitudes plus que sur la transmission de savoirs : d'une part l'aptitude à apprendre, qui permettra ensuite à l'individu de continuer à se former tout au long de sa vie au delà de l'acquisition d'un diplôme ; d'autre part l'aptitude à interagir démocratiquement au sein d'un groupe en sachant résoudre les conflits résultant des différences individuelles. L'éducation non-formelle prépare de cette façon le citoyen en devenir aux défis de la vie en société. Si elle s'appuie sur des ressources scientifiques, elle vise aussi et surtout à confronter les représentations dans le cadre d'un dialogue ouvert.

Par ailleurs, en préférant une communication horizontale à la communication verticale d'un cour magistral ou d'une visite de musée, elle place l'individu au centre du processus d'apprentissage. La prise en compte de son développement individuel et de ses expériences personnelles permet d'intégrer pleinement la diversité culturelle du groupe et d'offrir une interface entre une école qui a perdu le monopole du savoir et les multiples sources d'informations dont dispose aujourd'hui le grand public (presse, radio, télévision, internet...).

En résumé, l'éducation non-formelle, au lieu d'imposer un modèle unique auxquels les individus sont sommés de s'adapter, prend en considération leurs besoins et leurs capacités. Elle peut être mise en œuvre dans des centres culturels, des

7 Le service civique, introduit par la loi du 10 mai 2010, permet à des jeunes de 16 à 25 ans de s'engager pour une période de 6 à 12 mois au sein d'une association ou d'une collectivité territoriale. Il s'incrit dans le Code du Service National. « Mémoire et Citoyenneté » compte parmi les 9 domaines prioritaires dans lesquels il est mis en œuvre. Voir le site internet de l'Agence du Service Civique : www.service-civique.gouv.fr. 8 Mini-compendium de l’éducation non-formelle, Direction de la Jeunesse et du Sport, Strasbourg, 2007, p.8.

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associations de quartier, des ONG travaillant à l'échelon local, régional, national ou international... En France, elle s'inscrit notamment dans la tradition de l'éducation populaire9, représentée par des organisations telles que Ligue de l'Enseignement (fondée en 1866), les CEMEA (fondés en 1937), Peuple et Culture (fondé en 1945), etc. D'autres associations, comme par exemple Unis-Cité, s'inspirent de concepts développés à l'origine dans d'autres pays (dans ce cas, le programme de volontariat mis en place aux États-Unis par City Year). Le Comité d'ASF, pour sa part, est une association française appartenant à un réseau international dont le siège se trouve à Berlin. Ses activités sont donc influencées par les pratiques pédagogiques en vigueur en Allemagne. On peut ainsi lire dans l'une de ses publications : « une éducation qui a pour but l'autodétermination et la participation, qui intègre dès le départ l'élève comme un partenaire à prendre au sérieux dans le cours à mettre en place, éveillera l'intérêt pour des questions historiques plus complexes10 ». On peut constater que, si les références culturelles des organisations précitées sont diverses, leurs principes éducatifs sont similaires, ou du moins compatibles.

L'éducation non-formelle, qui entretient avec l'éducation formelle un rapport de complémentarité, repose sur une prise en compte des profils individuels et sur une confrontation des idées et des représentations au sein du groupe. Cette démarche favorise le développement d'une citoyenneté active, car elle permet d'aborder les questions liées aux relations entre l'intérêt particulier et l'intérêt général. Fondée sur le volontariat, l'éducation non-formelle est en outre plus adaptée à la transmission de valeurs éthiques que le cadre coercitif d'un cours d'instruction civique.

Si les sujets abordés dans ce cadre peuvent être très divers, le couple que forment l'histoire et la mémoire constitue un champ pédagogique d'une grande richesse. En effet, l'étude des faits historiques et la mise en perspective des représentations mémorielles peuvent donner lieu à une réflexion collective sur les héritages, les appartenances et, par conséquent, les identités. Ce travail apprend à l'individu à mieux se connaître en s'inscrivant dans une temporalité et au groupe à résoudre les conflits qui apparaîtrons tôt ou tard dans une société de plus en plus diverse, donc de plus en plus complexe.

9 « L'éducation populaire concourt à la constante transformation de la société en contribuant à construire des alternatives éducatives, économiques, sociales et politiques dans lesquelles les individus soient co-auteurs de leur devenir. (…) Elle travaille, dans une perspective d'expérimentation et de confrontation des points de vue de chaque citoyen, à la modification des rapports sociaux en intervenant sur les représentations, les croyances et les opinions. » Charte de l'éducation populaire, CNAJEP, 2005, p. 2.10 Jörg Eschenauer, Nikola Tietze, L'éloquent silence de Klaus Barbie, ASF, 1988, p. 54.

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III] Cadre général

a) Période

La période historique abordée dans le cadre d'une formation pédagogique, quand elle n'est pas dictée par le programme de l'Éducation Nationale, est souvent déterminée par le calendrier des commémorations – ou, dans certains cas, par la proximité géographique d'un site mémoriel. C'est ainsi que, en 2014, un accent particulier sera mis sur le centenaire du début de la Première Guerre Mondiale (1914) ainsi que sur le 70ème anniversaire de la Libération (1944) tandis que, localement, on commémorera la rafle des enfants d'Izieu (6 avril 1944) ou encore le massacre d'Oradour-sur-Glane (10 juin 1944). Ce phénomène n'est pas à négliger car il confère une forme d'actualité aux événements en question (qui se traduit par des reportages, des expositions, des publications, etc.), et permet parfois de solliciter des financements exceptionnels auprès de l'État ou des collectivités locales. On peut cependant, d'un point de vue éducatif, s'interroger sur son caractère arbitraire : pourquoi un groupe qui, en 2012, se serait penché sur la Guerre d'Algérie en raison du cinquantenaire des accords d'Évian, devrait, en 2014, aborder la Guerre 14-18, et ce indépendamment du profil et des intérêts des individus qui le composent ? S'il est intéressant de se référer aux débats en cours dans l'espace public, il convient de ne pas être l'otage des calendriers officiels. C'est pourquoi nous n'évoquerons pas ici l'importance politico-historique de telle ou telle période, mais uniquement son intérêt pédagogique au regard des objectifs de l'éducation non-formelle (voir chapitre précédent).

Fondée en Allemagne en 1958, ASF s'est, à l'origine, donné pour mission d'entretenir la mémoire de la Seconde Guerre Mondiale en opposant à l'idéologie national-socialiste qui était alors dominante des valeurs de paix et de tolérance. La période 1939-1945 est donc traditionnellement au cœur de ses activités. Cependant, son champ thématique s'est élargi au fil des décennies, et le Comité d'ASF est actuellement impliqué en France dans la souvenir de la Première Guerre Mondiale (partenariat avec le Centre Mondial de la Paix de Verdun) comme dans celui de la colonisation (notamment en relation avec la question de l'immigration). Nous nous concentrerons donc ici sur le XXème siècle, même si, bien sûr, notre présent porte également la marque d'héritages plus anciens, que ce soit celui de la Révolution Française, celui de la période napoléonienne, ou encore celui des mutations socio-économiques du XIXème siècle.

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Remarque : une éducation à la citoyenneté à travers l'histoire et la mémoire implique une mise en relation du passé avec le présent faisant intervenir la notion de responsabilité. Or, pour éviter tout malentendu, il est essentiel de définir ce terme en introduction de chaque formation, surtout quand on se propose de tisser des liens entre la mémoire individuelle ou familiale et la mémoire collective. Dans ce contexte, « responsabilité » n'est en aucun cas synonyme de « dette ». Chacun d'entre nous est individuellement responsable de ses propres actes, et collectivement responsable du fonctionnement de la société à laquelle il appartient. Si un jeune Européen né à la fin du XXème siècle dans une démocratie doit avoir en mémoire la période de dictature qu'ont connue ses grands-parents, c'est parce que certaines conditions favorables à l'émergence d'un totalitarisme sont encore actuelles (crise économique et financière, accroissement des inégalités sociales, recherche de la performance au détriment de la solidarité, repli identitaire des différentes communautés, etc.). Cependant, la responsabilité collective que constitue le « devoir de mémoire » concerne tous les citoyens, quels que soient leur statut et leur origine. Le piège dont il faut se garder serait de considérer que les petits-enfants de bourreaux ont, individuellement, une responsabilité à l'égard des petits-enfants de victimes, comme si l'histoire conférait des droits et des devoirs génétiquement transmissibles. Si la souffrance des victimes doit être pleinement reconnue au nom de la vérité historique, la victimisation par delà les générations d'un groupe social, religieux ou ethnique est pédagogiquement un non-sens. D'une part, elle peut se révéler être une source de tension sur fond de revendications communautaires ; d'autre part, elle accrédite la thèse d'une hérédité des fautes qui nourrit depuis des siècles l'intolérance et l'exclusion.

La Première Guerre Mondiale

Depuis le décès de ses derniers vétérans au début des années 2010, la Première Guerre Mondiale est définitivement entrée dans l'histoire livresque, celle qu'aucun témoin direct ne peut plus raconter. Cependant, plusieurs éléments lui donnent un caractère contemporain :

• Elle peut être considérée comme la matrice du XXème siècle, dans le sens où son cours a eu des répercussions importantes sur les événements qui ont suivi (de la Seconde Guerre Mondiale aux Guerres de Yougoslavie). • Sa proximité temporelle permet encore parfois de l'inscrire dans la mémoire familiale. Si les aïeux qui l'ont vécue ont disparu depuis longtemps, il est souvent possible de les identifier par un nom ou une photographie (ce qui est beaucoup plus rare dans le cas de la guerre franco-prussienne de 1870).

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• Sa fin marque l'avènement d'une culture nationale de la mémoire (édification de monuments aux morts, conservation de villages détruits...) qui la rend encore très présente dans nos paysages et, par conséquent, dans notre conscience collective.

La Première Guerre Mondiale reste donc une période historique et mémorielle majeure dont le centenaire sera célébré avec faste. Dans un rapport préparatoire adressé en 2011 au Président de la République, Joseph Zimet affirme : « C’est en pensant aux défis du temps présent que l’histoire de la « der des der » devra être questionnée et enseignée dans les écoles, les collèges et les lycées de France 11 ». Ce programme ne précise cependant pas quelle approche sera privilégiée. Ce centenaire sera-t-il l'occasion d'une « commémoration mondialisée12 », placée sous le signe de la réconciliation entre les anciens belligérants, ou plutôt « un moment de rassemblement et de cohésion nationale pour tous les Français, qui retrouveront (...) le moment d’unité que fut la Grande Guerre13 » ? Politiquement, il est sans doute nécessaire de concilier ces deux impératifs, mais pédagogiquement, il semble difficile de prôner la réconciliation franco-allemande et européenne tout en valorisant l'unité nationale – qui s'est construite alors en opposition à l'Allemagne sur fond de propagande xénophobe.

Le caractère parfois paradoxal des discours officiels sur la Première Guerre Mondiale tient probablement au fait que ce conflit, moins chargé idéologiquement que la Seconde Guerre Mondiale, a été longtemps traité d'un point de vue strictement militaire. Il en a résulté un « devoir de mémoire » nourri davantage de sacralité que d'analyse. L'expression « devoir de mémoire » est d'ailleurs vide de sens si l'on néglige de préciser qui en sont les porteurs et qui en sont les bénéficiaires (les victimes, leurs familles , la nation, l'humanité...).

Dans le cadre d'une formation citoyenne, la Première Guerre Mondiale invite avant tout à une réflexion sur le rapport de l'individu à la nation et sur la manière dont il a évolué en un siècle. À une époque où plusieurs phénomènes simultanés (mondialisation des échanges, individualisation des comportements...) fragilisent l'identification au cadre national, il est intéressant de se référer à un passé relativement proche où l'on exigeait que chaque citoyen soit prêt à « mourir pour la France ». Le Service Civique, inscrit dans le code du service national et héritier de la

11 Joseph Zimet, Commémorer la Grande Guerre (2014-2020) : propositions pour un centenaire international, Ministère de la Défense et des Anciens Combattants, 2011, p. 10.12 Joseph Zimet, Ibid., p. 11.13 Joseph Zimet, Ibid., p. 17.

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conscription autant que le l'objection de conscience, nous semble être un programme particulièrement adapté à un débat sur ce thème : quelles formes civiles peut prendre aujourd'hui l'engagement pour la nation de jeunes volontaires de 16 à 25 ans ? Des thèmes secondaires, comme le sort des soldats fusillés pour l'exemple ou la mobilisation de troupes coloniales, permettent en outre d'aborder des questions aussi complexes que la désobéissance ou les relations Nord-Sud à travers le temps.

La Seconde Guerre Mondiale

Que ce soit dans le domaine de l'éducation formelle ou dans celui de l'éducation non-formelle, la Seconde Guerre Mondiale est considérée par beaucoup comme la période par excellence où l'histoire peut être un vecteur d'éducation civique. Il est vrai que, dans le contexte européen et notamment franco-allemand, elle est associée à l'essor du national-socialisme, qui repose sur une idéologie normative : Juifs, Tziganes, communistes, homosexuels, personnes handicapées ou marginalisées ont été pendant plusieurs années enfermés et/ou assassinés dans des camps en raison de leur appartenance religieuse ou ethnique, de leurs opinions politiques, de leur orientation sexuelle, etc. En France, le Régime de Vichy a mené lui aussi une politique discriminatoire et s'est rendu complice, à de nombreuses reprises, des crimes de l'occupant allemand. Le souvenir de la Seconde Guerre Mondiale, dans ses aspects les plus politiques, a par conséquent une valeur édifiante dans le domaine de la lutte contre toutes les formes d'exclusion. Il permet d'aborder des problématiques aussi actuelles que :

• Le racisme, dans une société devenue multiethnique et multiculturelle sans que cette diversité se traduise toujours par un accès égal à la formation ou à l'emploi.• L'antisémitisme, qui n'est plus, aujourd'hui, uniquement le fait de l'extrême-droite chrétienne mais aussi celui de communautés originaires de pays arabo-musulmans, sur fond de conflit israélo-palestinien.• L'antitziganisme, qui se cristallise actuellement autour de la question des Roms venus d'Europe Centrale et Orientale, même si l'on relève de fréquents amalgames avec les « gens du voyage », en majorité de nationalité française.• L'homophobie, qui peut se traduire aussi bien par des attaques physiques ou verbales que par un refus de l'égalité des droits.• L'inclusion socio-professionnelle des personnes handicapées et l'accessibilité de l'espace public, qui restent insuffisantes.

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• La relation à l'Autre et le repli identitaire en période de crise.• L'engagement et la résistance contre des formes de violence plus difficiles à identifier donc plus difficiles à combattre que sous le régime national-socialiste.• La désobéissance civique et la critique de l'autorité, dans les cas où ce qui est conforme à la loi se révèle contraire à l'éthique.

Cette liste, qui est loin d'être exhaustive, montre s'il en était besoin la diversité des sujets auxquels confronte directement l'étude de la période 1939-1945. Notre propos n'est pas de les exposer en détail, des centaines de publications leur étant consacrées. Il serait tout aussi vain de plaider pour une lecture civique et citoyenne des événements de la Seconde Guerre Mondiale, tant cette lecture est répandue parmi les pédagogues. De nombreux projets en lien avec cette période (atelier thématique, visite d'un musée ou d'un mémorial, voyage à Auschwitz...) se donnent pour objectif une « éducation à la tolérance » ou une « transmission des valeurs démocratiques ». Dans ce domaine, le danger réside moins dans l'indifférence ou l'oubli que dans un mauvais usage de la mémoire. C'est la raison pour laquelle nous nous concentrerons ici sur les pièges à éviter lors de la mise en œuvre d'une formation :

• L'histoire ne se répète jamais à l'identique. Le vœu que ses événements les plus tragiques « ne se reproduisent plus » doit donc être précisé. Si, par exemple, l'intolérance qui a existé en Allemagne à partir de 1933 relève de la même logique et obéit aux mêmes règles que celle que prône aujourd'hui l'extrême-droite, ses conséquences politiques, dans l'Europe du XXIème siècle, seraient nécessairement différentes, ne serait-ce que parce que le contexte socio-économique s'est considérablement modifié en 70 ans. Les appels à la vigilance doivent donc invoquer la similarité plutôt que l'égalité. Le signe mathématique « = » n'existe pas en histoire. De même, si l'empathie à l'égard des victimes ne peut que favoriser l'engagement, l'identification n'est pas un objectif en soi. On ne fera donc appel aux jeux de rôles et autres mises en situation qu'avec précaution. • La spécificité des différents processus doit être pleinement reconnue. Une approche trop émotionnelle du thème de la déportation, par exemple, peut conduire à une confusion entre la déportation « politique » et la déportation « raciale », de même qu'un traitement insuffisamment rigoureux d'Auschwitz peut conduire à une confusion entre les camps de concentration (Dachau, Buchenwald...) et les camps d'extermination (Treblinka, Sobibor...). Il ne s'agit évidemment pas de hiérarchiser les groupes de victimes selon la teneur de

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leurs actes ou le degré de leurs souffrances. Il s'agit simplement de différencier des politiques aux causes et aux effets distincts. Le respect que l'on doit aux déportés passe par la connaissance exacte de leur histoire plus que par l'adoration d'une figure héroïsée de Martyr masquant leurs singularités.• La volonté de transmettre des valeurs éthiques par l'intermédiaire de l'histoire et de la mémoire ne doit pas amener à une lecture morale du passé, comme si les relations entre les différents protagonistes se résumait à un combat entre le Bien et le Mal. Le philosophe Jean-François Bossy met ainsi en garde contre « un ensemble de pratiques réflexes qui ont plus à voir avec une sorte de religion civile qu'avec l'usage de la raison, et dont le trait principal est l'approche moralisatrice, la lutte menée contre le mal radical par l'arme du souvenir érigée en impératif catégorique14 ». D'une part, les notions de Bien et de Mal sont philosophiques et théologiques, mais en aucun cas historiques. D'autre part, une formation citoyenne doit inciter l'individu à entrer dans la complexité des sujets auxquels il est confronté. Or, une vision binaire, en noir et blanc, de la Seconde Guerre Mondiale ne le préparerait pas à se positionner face aux enjeux de notre époque, où aucun drapeau et aucun uniforme ne signale l'Ennemi à combattre. Au cours de cette période, un thème secondaire comme le rôle de l'Église, par exemple, permet davantage de sonder les paradoxes et les ambigüités qui caractérisent – aussi – cette période. • Enfin, par souci de marquer les esprits (ou, face à un groupe turbulent, de mobiliser l'attention), le pédagogue choisit parfois d'évoquer les faits les plus dramatiques ou de présenter les documents les plus saisissants dans l'espoir de soulever une émotion unanime. Cette pédagogie du spectacle est dangereuse à double titre. Premièrement, elle fait primer l'affect sur la raison en cherchant à choquer au lieu d'inviter à comprendre. Deuxièmement, elle implique la primauté des phénomènes les plus extrêmes (dans ce cas, par exemple, la mise à mort des Juifs dans les camps d'extermination) au détriment de ceux, en apparence plus anodins, qui les ont préparés. Or, ces phénomènes sont justement les plus éloignés de l'expérience quotidienne des participants. L'enseignement d'Auschwitz est bien sûr nécessaire, mais il serait naïf de croire qu'il prépare des adolescents à la résolution de leurs propres conflits. D'autres épisodes (fichage des Juifs, port de l'étoile jaune, etc.) sont sans doute plus adaptés à un travail de réflexion en lien avec le présent.

En résumé, la Seconde Guerre Mondiale constitue dans le cadre d'une formation citoyenne un matériau extrêmement riche. Cependant, l'évocation des

14 Jean-François Bossy, Enseigner la Shoah à l'âge démocratique, Armand Colin, 2007, p. 98.

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crimes du national-socialisme ne constitue pas en soi un vaccin ou un antidote contre l'intolérance. Ce sont les conditions du travail en groupe et les méthodes mises en œuvre qui décideront de la réussite – ou de l'échec – d'une action pédagogique sur ce thème.

Les guerres de décolonisation

La mémoire des guerres d'Indochine (1946-1954) et d'Algérie (1954-1962) sont aujourd'hui encore douloureuses et font l'objet, dans les groupes de population alors impliqués, de multiples refoulements. Le cas du conflit algérien (qui n'a été officiellement qualifié de « guerre » qu'en 1999) est sans doute le plus complexe, en raison d'une implantation coloniale plus ancienne et plus forte qu'en Indochine, d'une plus grande proximité géographique et de la mobilisation de soldats du contingent. Cette situation lui confère une forte charge émotionnelle qui, ajoutée à son instrumentalisation politique par les gouvernements français et algériens depuis les années 1960, rend difficile – voire impossible – un débat serein. Lors du cinquantenaire des accords d'Évian, en 2012, les historiens ont pointé le risque d'une « mémoire communautarisée15 » où les différents groupe (pieds-noirs, appelés, harkis, immigrés, etc.) défendraient des visions du conflit algérien à jamais inconciliables.

Un sujet aussi sensible doit-il être passé sous silence afin d'éviter de créer ou d'exacerber des tensions au sein du groupe ? Non. Au contraire. L'éducation non-formelle, affranchie de la sacralité, ne doit connaître aucun tabou. Parce qu'elle favorise l'expression d'individus qui ne sont a priori les porte-parole d'aucun groupe et d'aucun état, elle peut créer les conditions d'un dialogue qui serait improbable dans la sphère officielle. Cependant, une fois encore, il est indispensable d'exclure d'emblée tout règlement de comptes entre les descendants des uns et des autres, au profit d'une réflexion commune sur les enseignements de la colonisation et de la décolonisation.

• Les représentations des colons et des peuples colonisées permettent d'analyser dans une perspective historique les rapports Nord-Sud, et apportent un éclairage intéressant sur la question de la diversité, dans un pays où l'immigration provient, pour une part importante, de l'ancien empire colonial. En effet, à l'heure actuelle, le racisme peut aussi prendre la forme d'un

15 Benjamin Stora, Algérie-France, mémoires sous tension, article paru dans Le Monde du 18 mars 2012.

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paternalisme reproduisant indirectement « les clivages ethniques et communautaires16 ».• Par ailleurs, la mémoire elle-même peut être ici un sujet d'histoire : la façon dont certains faits ont été occultés, le moment auquel ils ont été reconnus, et plus généralement l'évolution des discours officiels au fil des décennies nous renseignent sur le fonctionnement de la mémoire collective et nous invitent à l'aborder avec une distance critique.

Hier et aujourd'hui

Nous avons évoqué jusqu'ici les principaux conflits qu'a connu la France au cours du XXème siècle, ceux que mentionnent les monuments aux morts de la plupart des communes. Toutefois, il serait réducteur de ne voir dans l'histoire qu'une série de tragédies ou une liste interminable de victimes. À l'échelle collective, l'histoire englobe aussi les différentes mutations dont notre société a été traversée pendant des décennies (les flux migratoires successifs, la crise économique et écologique des années 1970 à nos jours, la désertification rurale, etc.). Cette histoire, si elle est moins spectaculaire que celle des conflits militaires, a profondément marqué nos paysages et nos modes de vie. À l'échelle individuelle ou familiale, l'histoire et la mémoire ont une chronologie qui leur est propre, et si elles s'inscrivent souvent dans des phénomènes collectifs, elles sont émaillées de faits (une naissance, un décès, un mariage, un exil, etc.) qui peuvent s'être déroulés pendant des période de paix. En résumé, ce serait une erreur de vouloir hiérarchiser les périodes, comme si certaines étaient plus historiques que d'autres – on peut d'ailleurs ce demander quels seraient, dans ce cas, les instruments de mesure de l'historicité. Si l'on veut initier un débat ouvert dans lequel chacun peut trouver sa place en fonction de ses origines et de ses expériences, il est important de ne négliger aucun pan du passé, aussi ordinaire puisse-t-il paraître.

Enfin, pour inscrire l'individu dans une temporalité, il est nécessaire de lui rappeler qu'il fait lui-même partie de l'histoire, et que le temps présent dont il est un acteur n'est rien d'autre qu'un futur passé. S'il est difficile de faire du présent un sujet d'histoire par manque de recul, il peut être intéressant, par exemple, de mettre en perspective un document d'archives et le journal du jour, en se demandant ce qui restera de notre présent dans 50 ou 100 ans. Cette approche, qui permet un véritable travail réflexif, sera développée au chapitre IV de ce document (« Outils pédagogiques »).

16 Vincent Geisser, El-Yamine Soum, Discriminer pour mieux régner, Éditions de l'Atelier, 2008, p. 94.

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b) Composition du groupe

Âge des participants

L'éducation non-formelle défend traditionnellement la notion d'apprentissage tout au long de la vie, qui implique une formation continue sans condition d'âge ni de statut. L'individu doit en effet pouvoir acquérir des compétences et des connaissances du début à la fin de son existence, et pas seulement au cours d'une période d'études limitée dans le temps et clôturée par l'obtention d'un diplôme. Ce principe s'applique aux domaines de l'histoire et de la mémoire, qui peuvent a priori être explorés à tout âge.

Toutefois, les activités pédagogiques s'adressant à des enfants de moins de 12 ans doivent prendre en compte les spécificités de ce public. L'enfant n'est pas un adulte en miniature, mais un individu en devenir possédant une logique et une sensibilité qui lui sont propres. Si un travail de sensibilisation est possible à partir de 8 ans, il doit être adapté au degré de maturité des enfants, que ce soit dans les thèmes abordés ou dans les méthodes utilisées. C'est ainsi, par exemple, que Le Mémorial de la Shoah (Paris) a développé des outils tels que « le Grenier de Sarah17 » et des ateliers destinés aux élèves du cycle primaire où l'accent est mis sur la vie juive d'avant-guerre ou sur des destins d'enfants cachés plus que sur la déportation et la mise à mort. Bien sûr, il ne s'agit pas d'édulcorer la réalité historique en passant sous silence le programme génocidaire, mais de proposer une approche de la Shoah prenant en considération les capacités et les limites des 8-11 ans. Lorsque les enfants sont invités à travailler sur les parcours individuels d'autres enfants du même âge, la proximité peut créer un phénomène d'identification qui ne doit pas être traumatisant.

Les activités du Comité d'ASF s'adressent plutôt aux adolescents et aux adultes de 16 à 25 ans18, et ce pour plusieurs raisons : d'abord, cette période de la vie, au cours de laquelle les contraintes familiales et économiques sont en règle générale les moins nombreuses, est favorable à l'engagement associatif (bénévolat, volontariat, chantiers d'été, etc.) ; ensuite, elle correspond à la phase de développement où l'individu se positionne dans le corps social, détermine en partie ses orientations personnelles et professionnelles et se construit (ou non) une conscience politique. Cela dit, l'association respecte les principes de l'apprentissage tout au long de la vie en accueillant régulièrement dans le cadre de ses programmes des adultes plus âgés

17 Voir www.grenierdesarah.org.18 De 18 à 25 ans dans le cadre de programmes de mobilité internationale.

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en disponibilité ou en retraite – même s'ils restent minoritaires. Par ailleurs, les volontaires qui s'engagent au sein de musées ou de mémoriaux (Maison d'Izieu, Mémorial de Rivesaltes, etc.) sont amenés à encadrer eux-mêmes des activités pédagogiques, la plupart du temps auprès d'élèves du cycle secondaire. Ils développent ainsi eux-mêmes des compétences pédagogiques à l'articulation entre l'éducation formelle et non-formelle.

Taille du groupe

Il n'existe pas de mode d'emploi qui pourrait être appliqué dans tous les contextes. Cependant, pour pouvoir mettre en œuvre des méthodes interactives et être réellement à l'écoute de chaque individu, il est nécessaire de limiter la taille du groupe avec lequel on travaille. Le nombre optimal de participants, pour un seul formateur, se situe entre 10 et 20. En dessous, on se prive de la diversité des situations individuelles qui fait la richesse de la discussion. Au-dessus, on ne peut pas vraiment proposer d'approche participative. Jusqu'à 30 participants, il est encore possible d'aménager ses activités en travaillant en petites unités ou en faisant intervenir un second formateur. Au-delà de ce seuil, le formateur endosse un rôle de conférencier et l'interactivité ne concerne plus qu'une minorité du groupe.

Profil du groupe

La force de l'éducation non-formelle est de pouvoir d'adapter à tous les profils socio-culturels, puisqu'elle prend comme point de départ la situation des personnes en présence. Parler de « bon » ou de « mauvais » groupe relève d'un positionnement élitiste où la qualité supposée n'est en réalité que l'adéquation aux attentes du formateur. Bien sûr, des participants disposant d'un capital culturel et d'une capacité d'abstraction au-dessus de ma moyenne seront amenés à approfondir plus que d'autres certaines questions. Cependant, les méthodes de l'éducation non-formelle conviennent également à des jeunes avec moins d'opportunités, car elles incitent les individus à s'exprimer sans crainte d'un jugement plutôt que d'évaluer leur aptitude à maîtriser des codes ou à restituer des informations. La seule qualité que l'on est en droit d'attendre des participants est une capacité d'écoute qui leur permettra d'identifier leurs différences et de surmonter leurs différents.

Dans certains cas, cette approche permet d'éveiller l'intérêt de jeunes qui, dans un cadre scolaire, auraient adopté une posture de refus en raison du caractère coercitif des méthodes utilisées. Elle est sous-tendue par une conception de la

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citoyenneté qui fait primer la réflexion collective (facteur d'intégration) sur la sujétion à un modèle préexistant (facteur d'uniformisation).

c) Le rôle du formateur

Pour pouvoir appliquer les principes pédagogiques de l'éducation non-formelle, le formateur doit se positionner comme un guide plutôt que comme un maître. Il ne doit pas être perçu comme le détenteur unique d'un savoir absolu, mais comme un accompagnateur garantissant la qualité du travail en groupe. Il lui faut pour cela exposer les « règles du jeu » et veiller à leur respect par tous les participants. Son statut doit être défini au début de l'activité, afin d'éviter tout malentendu. Les groupes qui ne connaissent que l'éducation formelle ne sont pas préparés aux méthodes non-formelles. C'est un fait qui ne doit pas être sous-estimé. Certains participants redoutent l'implication personnelle que représente le partage d'une expérience vécue. Ils doivent être mis en confiance sans pour autant être contraints de dire ce qu'ils préfèrent taire (le silence, comme la parole, est un droit). D'autres participants ne voient dans l'espace de liberté qui leur est offert qu'un espace de récréation. Ils doivent être appelés au respect du reste du groupe.

Si le formateur refuse le rôle de caporal civil, il n'est pas pour autant un participant parmi d'autres. Nous lui conseillons d'ailleurs de ne pas prendre part aux exercices qu'il propose au groupe, afin de rester pleinement attentif aux interactions au sein du groupe. Dans le domaine historique, il doit aussi, sources à l'appui, garantir l'honnêteté intellectuelle des débats pour que la liberté d'expression ne conduise pas à la négation de faits avérés : les participants sont invités à échanger sur des questions historiques et mémorielles, et non à réécrire eux-mêmes le passé à leur convenance.

La question des relations entre formateur et participants pose enfin celle de la certification. L'enjeu est ici de valider les acquis de la formation pour pouvoir ensuite les valoriser sans avoir recours à un examen fondé sur des critères standardisés (plus adapté à l'évaluation de connaissances qu'à celle de compétences sociales). Il serait absurde de vouloir décerner aux participants un « brevet de citoyenneté », le principe du diplôme étant contradictoire avec les notions d'éducation non-formelle et de citoyenneté active telles qu'elles ont été définies plus haut. On préfèrera donc au contrôle normatif la constitution d'un portfolio donnant à chaque participant l'occasion de réfléchir à ses propres expériences. Cet outil d'autoévaluation, qui devra

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être adapté au profil du groupe et à la nature de l'activité, lui permettra d'identifier ses apprentissages et de s'interroger sur leur application.

Si les conflits du XXème siècle (Première Guerre Mondiale, Seconde Guerre Mondiale, guerres de décolonisation...) constituent des thèmes propices à une réflexion politique, toutes les périodes historiques sont susceptibles d'être abordées lors d'une formation citoyenne. Dans ce contexte, leur intérêt est d'abord déterminé par le rapport qu'elles entretiennent avec le présent, à l'échelle individuelle comme à l'échelle collective.

L'éducation non-formelle, qui place les individus au centre de leur apprentissage, s'adresse à tous les groupes, quels que soient l'âge, le niveau de formation et le profil socio-culturel de leurs membres. On notera cependant que les 16-25 ans, se trouvant dans une phase d'orientation personnelle et professionnelle, représentent un groupe-cible d'une importance particulière.

Chaque activité pédagogique met en présence un groupe d'une vingtaine de participants et un formateur ou une formatrice chargé(e) d'introduire et d'accompagner la réflexion collective avant de proposer à chacun un outil d'autoévaluation individuelle.

IV] Outils pédagogiques

Dans ce chapitre, nous présenterons de façon synthétique les différents outils pouvant être utilisés dans le cadre de formations citoyennes portant sur l'histoire et la mémoire. Nous nous intéresserons particulièrement aux liens qu'ils permettent d'établir d'une part entre le passé et le présent, d'autre part entre l'échelle individuelle et l'échelle collective.

a) Témoignages oraux

Lorsque les faits historiques sont assez proches pour pouvoir être racontés par des contemporains, le témoignage oral est un excellent moyen d'incarner l'histoire, de lui donner chair à travers l'exposé d'un destin individuel. Le danger d'une approche trop livresque de l'histoire est en effet de lui donner un caractère abstrait. Elle se trouve alors réduite à une série de noms et de dates à mémoriser. La parole du témoin, au contraire, l'ancre dans un vécu. Elle favorise l'empathie et s'inscrit dans un dialogue. Si l'utilisation d'un enregistrement audio ou vidéo est possible quand

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aucun témoin ne peut intervenir, on privilégiera toujours la rencontre et l'interaction. Dans le cadre des activités d'ASF, deux méthodes sont utilisées :

L'entretien individuel

Dans ce cas, chaque participant est invité à recueillir un témoignage avant le début de la formation, puis à le présenter au reste du groupe. Lorsque l'accent est mis sur la mémoire locale et/ou familiale, le témoin peut faire partie de son entourage. La technique la plus adaptée à cet exercice est celle de l'entretien non-directif, qui permet d'être à l'écoute de son interlocuteur au lieu de lui imposer, par l'intermédiaire d'un questionnaire, des thèmes qu'il n'aurait pas choisis. Le participant doit prévoir deux rencontres d'environ 2-3h au cours desquels il posera des questions ouvertes et n'interviendra ensuite que pour relancer le récit ou inciter le témoin à développer une de ses idées.

Dans un second temps, il présentera aux autres participants une synthèse de l'entretien en évoquant à la fois la teneur du témoignage et son propre ressenti (sa relation avec le témoin, ce qu'il a appris lors de la rencontre, etc.).

L'entretien collectif

Dans ce cas, le témoignage a lieu au cours de la formation et en présence de l'ensemble du groupe. Il a l'inconvénient de s'apparenter à un cours magistral où un enseignant fait face à une classe, mais l'avantage de faire partager à tous la même expérience, ce qui permet d'engager ensuite une discussion sur les différentes perceptions du récit. Le témoin, lorsqu'il s'agit par exemple d'un ancien déporté, peut avoir l'habitude de raconter son histoire devant un auditoire. S'il intervient régulièrement dans des établissements scolaires ou s'il a rédigé un ouvrage autobiographique, son exposé sera sans doute plus clair et mieux structuré. En revanche, il lui sera peut-être plus difficile d'adapter sa parole au groupe, tant la répétition fige le souvenir dans une « version officielle » qui risque d'être ensuite reproduite mot pour mot.

Lorsque le témoin, au contraire, raconte son histoire pour la première fois (comme cela a été le cas, par exemple, lors du séminaire d'ASF « Shoah, exil, reconnaissance19 »), le récit a, en règle générale, une portée émotionnelle plus importante. On peut même parler, dans certains cas, de valeur cathartique. Il faut alors s'interroger sur les enjeux de la rencontre : s'agit-il d'abord de faire bénéficier le 19 Voir Idan Segev, Ludovic Fresse (coordination), Shoah, exil, reconnaissance, ASF, 2008.

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groupe d'une parole singulière, ou de faire bénéficier le témoin d'un auditoire bienveillant ? Comme le souligne l'historienne Annette Wiewiorka20, l'impératif moral qui sert souvent de justification officielle au témoignage peut masquer des motivations d'ordre personnel ou social qu'il est complexe de démêler. Cependant, il n'existe pas de critère permettant d'établir de façon objective la qualité d'un témoin. C'est au formateur de le choisir en adéquation avec le thème de la formation et le profil du groupe.

Dans le cas d'un entretien collectif comme dans celui d'entretiens individuels, il est par ailleurs important de prendre en considération les points suivants :

• Le travail autour du témoignage oral n'est pas normatif, dans le sens où il ne doit pas donner lieu à un jugement quant à l'intérêt historique du récit ni à sa concordance avec d'autres sources. Son objectif est de sensibiliser les participants aux questions mémorielles, et de créer un lien social intergénérationnel (cette préoccupation est par exemple au centre du projet d'Unis-Cité intitulé « Passeurs de mémoire21 »). Dans ce contexte, le statut de témoin doit donc être démocratisé et accessible à tout individu pouvant se souvenir d'une époque révolue. • À l'instar de l'histoire et de la mémoire, la parole du chercheur et celle du témoin sont complémentaires, ce qui signifie qu'elles ne doivent être ni opposées (le témoignage n'est pas soumis à des exigences scientifiques) ni confondues (le témoin ne doit parler que de ce qu'il a vécu). Cette relation de complémentarité peut se traduire par un travail de contextualisation a posteriori situant le récit dans un cadre plus large. Il est alors possible de corriger ses éventuelles approximations sans pour autant le disqualifier en se penchant sur le fonctionnement de la mémoire comme représentation. • Si le témoignage tel qu'il est abordé ici concerne avant tout l'histoire vécue, il peut être intéressant, lorsque les témoins d'une époque ont disparu, de mobiliser leurs enfants et leurs petits-enfants pour qu'ils évoquent une histoire racontée. Ils ne doivent pas remplacer leurs aïeux en s'appropriant leur parole, mais témoigner en leur nom propre de la manière dont une expérience, qu'elle soit positive ou négative, se transmets au sein d'une famille aux 2ème et 3ème

générations.

20 Voir Annette Wiewiorka, L'ère du témoin, Hachette, 2002.21 Voir www.passeursdememoire.fr.

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b) Témoignages écrits

L'écriture est un outil essentiel de fixation du souvenir en vue de sa transmission. Du pense-bête à l'autobiographie, elle constitue, au regard de la fragilité de la mémoire humaine, une forme d'assurance contre l'oubli. Dans le journal qu'Hélène Berr a tenu entre 1942 et 1944, on peut ainsi lire : « Je note les faits, hâtivement, pour ne pas les oublier, parce qu'il ne faut pas oublier22 ». Cet impératif semble s'adresser autant à elle-même qu'à ceux qui, plus tard, liront son récit. Dans le cadre d'un atelier ou d'une formation, le témoignage écrit se prête à merveille à l'analyse et au commentaire, car il n'a pas l'immédiateté du témoignage oral ou de l'enregistrement audio-visuel : chaque participant peut lire le texte à son rythme, relire si besoin les passages les plus complexes, et s'approprier ainsi l'histoire du témoin. Si on ne fait entrer dans cette catégorie que les documents à caractère personnel (à l'exclusion des manifestes et autres éditoriaux), on peut identifier trois sous-catégories :

• la lettre, où l'auteur s'adresse à un destinataire dont il est nécessaire de connaître l'identité car elle peut influer sur la teneur du message. En règle générale, la lettre est rédigée à une date déterminée. Elle reflète donc à la fois l'état d'esprit et le degré d'information de son auteur à un temps T. • le journal, où l'auteur note jour après jour les évènements qui surviennent dans sa vie, qu'ils soient ou non en relation avec des phénomènes sociaux ou politiques. Le journal, souvent qualifié d'intime, a une double fonction d'aide-mémoire et d'exutoire, car son auteur, la plupart du temps, exprime dans ses pages ses propres idées et ses propres sentiments. Il permet de suivre l'évolution d'une situation donnée sur plusieurs mois, voire plusieurs années. • les mémoires, où l'auteur évoque son histoire plusieurs années, voire plusieurs décennies après les faits. Il s'agit par conséquent d'une reconstitution où le passé est évoqué à travers le filtre du présent – ce qui est mis en avant étant ce qui semble important à l'auteur au moment de la rédaction. Le temps qui sépare les événements de leur énonciation permet, dans le meilleur des cas, une meilleure appréhension des causes et des effets. Cependant, lorsque les souvenirs sont douloureux, il peut aussi favoriser un refoulement qui se traduit par l'occultation de certains éléments. Il est important de savoir à quel lectorat sont destinées les mémoires (à l'auteur lui-même, à sa famille, ou à un large public, dans le cadre d'une publication).

22 Hélène Berr, Journal, Tallandier, 2008, p. 106.

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Quel que soit le type de document utilisé, il peut être utile, en introduction, d'inviter les participants à se livrer eux-mêmes à des exercices similaires. On peut, par exemple, leur demander de raconter leur dernière journée, ou de décrire leur souvenir le plus ancien, afin de leur faire cerner les enjeux propres à chaque format (hiérarchisation des informations, relation entre données factuelles et émotionnelles, difficulté de datation, etc.).

Si la fonction du témoignage écrit est d'abord, à l'instar du témoignage oral, d'incarner l'histoire par l'intermédiaire d'un exemple concret, deux axes thématiques complémentaires peuvent se dessiner :

• le souvenir comme représentation, où l'on se propose d'aborder le témoignage écrit comme un objet littéraire, en insistant sur son caractère subjectif (le choix des mots et celui des informations ne sont jamais neutres) et en se référant à des œuvres où la mémoire individuelle ou familiale est au cœur d'une fiction – par exemple, W ou le souvenir d'enfance, de Georges Perec. Bien entendu, il ne s'agit pas de faire peser sur tout témoignage écrit le soupçon du mensonge, mais d'exercer le sens critique des participants en leur rappelant que chaque récit est indissociable de celui qui l'énonce, à travers la question « qui écrit ? ».• le statut du texte à l'âge numérique, où l'on s'interroge sur les modes de communication passés et présents. En effet, on ne peut pas soumettre à des adolescents des lettres de « Poilus » de 14-18 ou de résistants de 40-44 sans prendre en compte le fait qu'ils n'écrivent eux-même quasiment plus de lettres. À l'heure d'internet et de la téléphonie portable, il est intéressant de mener un travail réflexif sur la vitesse de la transmission, la durabilité du message, et plus généralement le développement d'une mémoire écrite de plus en plus vaste et, en même temps, de plus en plus fragile.

c) Archives

Nous nous intéresserons ici plus particulièrement aux archives sonores et visuelles : photographies, dessins de presse, affiches de propagandes, émissions radiophoniques, actualités cinématographiques, etc. Dans le domaine pédagogique, elles ont un double intérêt. D'une part, ce sont des outils de transmission permettant une approche dynamique du savoir – grâce à une forme d'immersion dans le passé au delà des données factuelles. D'autre part, ce sont eux-mêmes des objets d'étude dans le cadre d'une réflexion critique. Aujourd'hui, l'école et l'université n'ont plus le

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monopole de la connaissance. Chaque individu a accès au quotidien à de multiples sources d'informations : internet, la télévision, la radio, les journaux, les magazines... Par conséquent, l'exercice de la citoyenneté n'est plus conditionné par l'accès au savoir mais par la capacité à déterminer sa valeur. Il est plus que jamais nécessaire de « mettre en œuvre une véritable éducation du regard23 ». Le formateur, dans la mesure du possible, doit montrer aux participants comment effectuer un tri parmi les dizaines, voire les centaines de messages qu'ils reçoivent chaque jour, et comment décoder le positionnement politique que peut masquer l'apparente neutralité d'un document. L'histoire constitue à cet égard un terrain d'exercice propice. Le fait de remonter dans le temps, que ce soit de 50 ou 100 ans, permet en effet de prendre un recul qui facilite l'analyse critique. Voici, à titre d'exemples, quelques questions qu'il est utile de se poser en examinant des archives :

• qui parle / qui regarde ? Il est rare qu'un document portant sur un fait historique ait été réalisé par un individu ou un groupe totalement extérieur au fait en question – et même dans ce cas, l'absence d'implication directe ne garantit pas l'objectivité du discours. Il est important de savoir qui est l'émetteur du message (un parti, un syndicat, un journal, un institut de recherche...) et quelles sont par conséquent les opinions politiques qui le sous-tendent. • qu'est-ce qui est dit / qu'est ce qui est tu ? On associe habituellement la propagande à la caricature ou à l'invention de faits non-avérés, mais on ne doit pas sous-estimer le mensonge par omission consistant à occulter des informations essentielles. C'est ainsi que, par exemple, l'étude des Actualités Cinématographiques de la France Occupée révèle le caractère antisémite des quelques reportages consacrés aux Juifs, mais aussi et surtout le silence assourdissant entourant les persécutions et les déportations raciales – au sujet desquelles, d'ailleurs, les Actualités de l'immédiat après-guerre, toutes à la glorification de la Résistance, ne seront pas beaucoup plus dissertes.• comment sont représentés les objets / les personnages figurant sur l'image ? Notre perception est en effet influencée par la dénotation (le sens littéral des signes), mais aussi par la connotation (le sens implicite, d'ordre culturel, qui s'ajoute au sens littéral), laquelle se prête d'autant plus à la manipulation qu'elle ne passe qu'en partie par le filtre de la conscience. Quels caractères, quelles couleurs, quels angles de vue sont utilisés ? Ou, dans le cas d'un document sonore, quelle coloration émotionnelle découle de

23 Joël Hubrecht, Assumpta Mugiraneza, Enseigner l’histoire et la prévention des génocides, Hachette/CNDP, 2009, p. 83.

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l'accompagnement musical ? En quoi ces choix déterminent-ils notre réception du message ?

Cette grille de lecture doit pouvoir être utilisée au présent. L'objectif principal de « l'éducation du regard » mentionnée plus haut est en effet d'inviter les participants à interroger leur propre actualité. Cependant, on se gardera de faire équivaloir la propagande de régimes totalitaires et les médias contemporains, sous peine de nourrir des théories du complot relevant largement du fantasme. L'analogie entre les mécanismes à l'œuvre ne doit pas conduire à une confusion entre des situations politiquement et historiquement différentes.

On peut également aborder le thème de la construction de l'histoire et de la mémoire, par exemple en faisant travailler les participants sur le journal du jour : que restera-t-il de notre présent dans 25, 50 ou 100 ? De quoi se souviendra-t-on ? Selon quels critères un fait est-il jugé « mémorable » ? Comment se transmet un souvenir au sein d'une localité ou d'un pays ? Cet exercice ludique permet aux participants de s'inscrire eux-même dans une histoire/mémoire en devenir et d'étudier le phénomène du souvenir à différentes échelles (il est également possible de se référer aux archives personnelles ou familiales que constituent, les albums photographiques). On se posera alors la question de la conservation des sons et des images, à un âge numérique caractérisé à la fois par une surdocumentation du réel et par un présentisme où une actualité chasse l'autre à un rythme de plus en plus rapide.

d) Objets

« Objets inanimés, avez-vous donc une âme / Qui s'attache à notre âme et la force d'aimer ? » s'interroge Alphonse de Lamartine dans ses Harmonies poétiques et religieuses (1830). « La vérité est que l’homme met dans les objets à la fois le meilleur et le pire de lui-même afin qu’ils les lui restituent24. » répond le psychiatre et psychanalyste Serge Tisseron. Ce sont donc avant tout les supports matériels de nos affects. La valeur sentimentale d'un objet n'existe pas en lui-même, mais dans le regard que nous portons sur lui et dans le fragment de notre passé auquel nous l'associons. Le souvenir, de l'ours en peluche de notre enfance à l'icône que le migrant emporte dans son exil25, a en cela un caractère symbolique : il a la charge de représenter ce qui est absent, que soit une personne, un lieu ou une époque.

24 Serge Tisseron, Comment l'esprit vient aux objets, Aubier, 1999, p. 17.25 Voir à ce sujet les vitrines consacrées aux « objets témoins » dans l'exposition permanente de la Cité Nationale de l'Histoire de l'Immigration, à Paris.

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Le fait d'aborder avec les participants le rôle de l'objet dans la mémoire individuelle permet de les sensibiliser à son rôle dans la mémoire collective. Pourquoi certains objets, quand ils cessent d'être fonctionnels, finissent dans une poubelle tandis que d'autres finissent dans un musée (la brocante, dans ses différentes variantes, constituant un espace intermédiaire) ? Parce qu'ils sont plus ou moins investis d'une valeur historique et/ou mémorielle. On peut, par exemple, demander à chaque participant d'imaginer son propre musée personnel, ou de dresser la liste de ce qu'il emporterait sur une île déserte. Bien sûr, dans ce type d'exercice, l'objet lui-même n'est qu'un instrument destiné à libérer la parole : il est moins important de le nommer que d'expliquer ce qu'il représente.

Les objets non-fonctionnels peuvent être classés en différentes sous-catégories :

• le déchet, que l'on pourrait définir comme un « objet sans âme », n'a pas de valeur à substituer à son utilité pratique – ce qui conduit son propriétaire à s'en débarrasser. Cependant, l'attribution ou la non-attribution d'une valeur de substitution est un processus culturel qui mérite d'être analysé, surtout dans le contexte d'une obsolescence programmée où la durée de vie d'un produit est de plus en plus courte.• le vestige a une valeur symbolique qui peut le faire entrer dans le champ du sacré. Il devient alors une relique ou un fétiche dont le pouvoir évocateur se traduit, dans certains cas, par une valeur économique importante. En 2013, par exemple, une guitare ayant appartenu à John Lennon à l'époque des Beatles a été vendue aux enchères pour plus de 400 000 dollars.• l'œuvre d'art a une valeur esthétique qui peut être mise au service d'une transmission de la mémoire, comme c'est le cas dans certains musées ou mémoriaux (citons par exemple l'installation Shalechet – Feuilles mortes Menashe Kadishman au Musée Juif de Berlin26). On peut également se référer aux travaux d'artistes comme Christian Boltanski ou Anselm Kiefer qui ont fait du souvenir un thème central de leur production.

e) Lieux

Nous terminerons ce tout d'horizon des outils pédagogiques par une évocation des lieux et des sites à caractère historique. Se rendre sur l'emplacement d'un champ

26 Elle est constituée de plus de 10 000 visages taillés dans des disques d'acier. Voir : www.jmberlin.de/main/EN/01-Exhibitions/04-installations.php

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de bataille ou d'un camp de concentration, fouler le sol qu'ont foulé les acteurs de la grande histoire n'est-il pas le meilleur moyen de se rendre compte de ce qu'ils ont vécu ? Nous ne répondrons pas toujours par l'affirmative. Si la visite d'un lieu, quand elle est correctement préparée et évaluée, peut sensibiliser le groupe à un thème donné, elle n'est pas nécessairement la meilleure option dans le cadre d'une formation citoyenne. D'une part, elle s'apparente souvent à un pèlerinage, où l'émotion prime sur la réflexion – le caractère sacré de l'endroit incitant d'abord à un silence recueilli. D'autre part, dans le cas de sites célèbres comme Auschwitz, le tourisme de masse tend à étouffer la portée historique du lieu en faisant d'un décor de tragédie une simple attraction. On s'interrogera donc sur les conditions de la visite et sur son intérêt pédagogique réel avant de l'entreprendre.

Dans le cas où le choix du lieu s'avère pertinent, différentes approches peuvent être proposées en fonction de la manière dont le passé est matérialisé :

• lorsque le cadre a été préservé, comme par exemple dans le village d'Oradour-sur-Glane, dont les ruines sont restées intactes suite au massacre du 10 juin 194427, la visite est une immersion dans le passé où les éléments les plus ordinaires offrent un contraste saisissant avec le caractère extraordinaire du drame. C'est l'occasion d'aborder non seulement la Seconde Guerre Mondiale, aussi la vie rurale dans la France de 1944 et la « normalité » que l'Histoire est venue briser.• lorsque le cadre a été détruit, comme par exemple dans le village de Fleury-devant-Douaumont que les bombardements de 1916 ont rayé de la carte, c'est la disparition qui est mise en avant. Dans un décor de forêt, des panneaux indiquent le tracé des anciennes rues et l'emplacement des anciens bâtiments, comme sur une carte à l'échelle 1:1. Les participants peuvent ensuite travailler sur le représentation de ce qui est absent (laquelle peut passer par la reconstitution, ou au contraire par la mise en scène de l'espace vide).

Il est aussi intéressant de travailler autour des monuments et des plaques commémoratives qui inscrivent la mémoire dans l'espace public de nombreuses communes.

• L'étude des monuments montre dans quelle mesure les choix architecturaux sont sous-tendus par un discours idéologique et comment, au sujet d'une même séquence historique, la mémoire peut évoluer au fil des décennies. Que

27 Voir le site internet du Centre de la Mémoire : www.oradour.org/fr.

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l'œuvre soit figurative ou abstraite, son titre, l'identité de ses dédicataires et son vocabulaire symbolique nous informent sur la place du souvenir dans une société à un temps T (mémoire individuelle ou collective, approche catégorielle ou universaliste, etc.). • L'étude des plaques commémoratives permet d'inscrire l'histoire dans un cadre spatial et d'analyser la signification politique des différentes inscriptions (dans le cas des plaques dédiées aux enfants juifs déportés, on notera par exemple l'apparition tardive d'une mention de la complicité active du Régime de Vichy).

On peut proposer aux participants un exercice pratique consistant à concevoir en petits groupes un projet de plaque ou de monument sur un thème qui les concerne directement. Il va de soi que l'intérêt de cette activité réside moins dans les résultats obtenus que dans les discussions auxquelles donne lieu la phase de conception.

Une formation citoyenne portant sur l'histoire et la mémoire peut faire appel aux outils pédagogiques que constituent le témoignage oral, le témoignage écrit, les archives sonores et visuelles, l'objet témoin et la visite d'un site.

Ces différents instruments, s'ils nécessitent des approches spécifiques, ont en commun de rendre concrète l'appréhension du savoir historique. Ils permettent en outre d'exercer l'esprit critique des participants grâce à une contextualisation systématique des informations : aucun message ne pouvant prétendre à la neutralité, il est nécessaire d'identifier qui parle, comment et pourquoi.

Enfin, une mise en perspective des sources historiques avec les pratiques des participants en matière d'information et de communication leur donne l'occasion de réfléchir aux enjeux contemporains de la mémoire.

V] Conclusion

Selon le philosophe Patrick Viveret, « la plupart des violences résultent du manque de reconnaissance dont souffre un groupe ou un individu, ou de la non-prise en compte d'un fait social. En ce sens, construire du conflit est une alternative à la violence : le conflit permet à chacun des protagonistes d'être reconnu, d'avoir une

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place dans l'ensemble social, la pire des violences étant l'indifférence28 » ou, pourrait-on ajouter, l'indifférenciation.

L'histoire et la mémoire sont les fondements de l'identité (dans un sens dynamique et nécessairement évolutif). Le choix de les mettre au cœur d'actions pédagogique où sont pleinement pris en compte le profil et l'origine de chacun permet à la fois :

• un accès dynamique au savoir• une prise de conscience de sa propre historicité• un développement du sens critique• une confrontation des points de vue où s'articulent par le dialogue l'individuel et le collectif.

Faisons le pari d'une citoyenneté qui ne passe pas par l'imposition autoritaire d'un modèle unique mais par l'intelligence collective résultant de la mise en commun des idées et des représentations !

28 Patrick Viveret, La cause humaine, Les liens qui libèrent, 2012, p. 96.

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Annexe

Rue de la Mémoire (www.ruedelamemoire.eu)

Rue de la Mémoire est un laboratoire pédagogique consacré à la mémoire comme vecteur de citoyenneté. À l'articulation entre l'éducation formelle et l'éducation non-formelle, il développe des outils méthodologiques destinés à sensibiliser la jeunesse aux questions mémorielles. Il travaille en particulier dans le domaine franco-allemand.

ASF France (www.asf-ev.de/fra)

Action Signe de Réconciliation Services pour la Paix (en allemand Aktion Sühnezeichen Friedensdienste) est une association d'éducation populaire qui organise dans 13 pays des volontariats de 12 mois ainsi que des chantiers d'été sur les thèmes de la mémoire et de la citoyenneté. Elle est présente en France depuis plus de 50 ans et travaille en partenariat avec le Mémorial de la Shoah, la Maison d'Izieu, le Mémorial de Rivesaltes, le Centre de la Mémoire d'Oradour-sur-Glane et le Centre Mondial de la Paix de Verdun, ainsi qu'avec des acteurs sociaux et solidaires. Elle bénéficie depuis 2010 d'un agrément de l'Agence du Service Civique.

Ludovic Fresse

Délégué national d'ASF France en 2012-2013 et coordinateur de Rue de la Mémoire, l'auteur de ce document travaille depuis dix ans dans les domaines de l'histoire, de la mémoire et de l'éducation non-formelle (animation d'ateliers au Mémorial de la Shoah29, rédaction de livrets pédagogiques d'expositions itinérantes, et formations interculturelles avec l'Office Franco-Allemand pour la Jeunesse).

29 Maus, une BD sur mémoire, Témoignage littéraire et Actualités cinématographiques en temps de guerre.

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