Pourquoi la région est à la traîne - leseco.ma - Oued Noun/DOC... · cles rencontrés par les...

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................................................................................................................................................................................ ................................................................................................................................................................................ ................................................................................................................................................................................ ................................................................................................................................................................................ 28 Les ÉCO Suppléments - lundi 8 mai 2017 GUELMIM OUED NOUN LA CARAVANE DES REGIONS DU MAROC ÉTAPE 10 280.000 tonnes. Le tourisme est aussi un secteur important. La région offre un produit touristique spécifique basé sur le balnéaire en complément avec l’écolo- gique, le culturel, l’aventure et le therma- lisme. La pêche et la valorisation des pro- duits de la mer occupent aussi une place importante dans l’économie de la région. Enfin, s’agissant des mines, la composi- tion géologique de la région indique un sous-sol riche en minerais et un gise- ment important de roches ornemen- tales. «Notre région dispose également de plusieurs atouts offrant la possibilité d’émergence de filières nouvelles comme l’aquaculture, la logistique et les énergies renouvelables, solaire et éo- lien», précise Youssef Atarguine. Néan- moins, si les atouts sont multiples, les défis ne maquent pas non plus. Contraintes Comme aux étapes précédentes, le fon- cier a été pointé du doigt comme étant l’un des principaux obstacles à l’investis- sement. «Il y a une absence des terres de l’État au niveau de la région, et on sait que la mobilisation de ce type de foncier a dy- namisé l’investissement dans les autres régions. Aussi, les documents d’urba- nisme sont compliqués et n’accompa- gnent pas la dynamique de l’investisse- ment», déplore Youssef Atarguine. Le président de la Chambre de commerce et d’industrie soulève un autre problème lié au foncier : «La plupart des terrains ne disposent pas de titre foncier. Et cela en- gendre des difficultés dans l’accès au fi- nancement, parce que la banque exige ce document avant d’accorder un crédit», explique Houssein Alioua. Le manque des infrastructures et des espaces de vie est un autre handicap. «Entre investir à Ca- sablanca ou Tanger et Guelmim, le choix et vite fait. Il faut développer des centres urbains attractifs, autour de Sidi Ifni et Tan-Tan par exemple», propose le direc- teur du CRI. Les ressources humaines sont également citées parmi les obsta- cles. «On forme,chaque année, quelque 1.500 lauréats mais, faute de débouchés, ils partent ailleurs et la région n’en profi- tent pas», déplore le président du Conseil régional. Pour lui, les défis sont multiples et sans une volonté politique commune et une coordination entre tous les inter- venants, le résultat ne sera pas au ren- dez-vous. l P our sa 10e étape, la Caravane des régions des Inspirations ÉCO a jeté son dévolu sur Guel- mim-Oued Noun. Une confé- rence-débat a été organisée, mercredi 3 mai, au siège du Conseil régional. L’ob- jectif, comme à chaque fois, est de pas- ser au peigne fin la question de l’inves- tissement et du climat des affaires au niveau de la région dans la perspective de remédier aux contraintes et obsta- cles rencontrés par les entrepreneurs. Président et élus de la région, Conseil provincial, Centre régional d’investisse- ment (CRI), Chambre de commerce et d’industrie, investisseurs et hommes d’affaires…tous les acteurs de la région ont pris part à cet événement. D’entrée de jeu, Abderrahim Ben Bouaida, prési- dent du Conseil régional, a planté le décor : «Guelmim-Oued Noun est très en retard en matière d’attraction des in- vestissements». Pour lui, le principal obstacle est d’abord culturel. «Pendant longtemps, cette région a compté sur les aides de l’État. Aujourd’hui, il faut chan- ger cette mentalité et entrer dans une logique de production. Il n’y pas de Maroc utile et un autre inutile, mais un Maroc productif et un autre improduc- tif», poursuit-il. Pourtant, Guelmim- Oued Noun a tous les atouts pour se his- ser au rang des régions importantes du royaume sur le plan économique. Potentiel sous-exploité Youssef Atarguine s’est chargé de don- ner une vision globale sur les atouts de la région. Selon le directeur du CRI, Guel- mim-Oued Noun renferme un potentiel de développement s'articulant autour de plusieurs piliers de croissance tradition- nels. Il en va ainsi de l’agriculture, avec un positionnement particulier sur des cul- tures à haute valeur ajoutée. À titre d’exemple, la région est leader national dans la production de cactus ou «or vert», avec plus de 50.000 ha et une production annuelle dépassant les Pourquoi la région est à la traîne w En dépit de ses multiples atouts, Guelmim-Oued Noun accuse un grand retard en matière d’inves- tissement. Foncier, infrastructures, ressources humaines...Les élus et hommes d’affaires analysent la situation de la région. Investissement En dépit de ses multiples atouts, Guel- mim-Oued Noun est très en retard en matière d’attraction des investisse- ments. Les contraintes et obstacles sont d’abord culturels avant d’être économiques. C’est pourquoi le débat autour de l’investissement doit être durable et non pas saisonnier. Aussi, il doit s’inscrire dans le cadre d’une stra- tégie long-termiste qui implique toutes les parties prenantes. Pour atti- rer les investisseurs, il faut agir sur plusieurs leviers : foncier, avantages fiscaux, facilitation des procédures...» Abderrahim Ben Bouaida, Président du Conseil régional La région a réalisé en 2014 la plus forte croissance du PIB au niveau national. Cela en dit long sur son potentiel. Mais l’investissement, qui est le moteur de la croissance, rencontre plusieurs diffi- cultés qui empêchent son développe- ment. Le foncier et les complications des documents d’urbanisme, manque d’infrastructures, rareté des res- sources hydriques, ressources hu- maines…Il faut donc limiter l’impact de ces contraintes sur l’investissement». Youssef Atarguine, Directeur du Centre régional d’investissement (CRI) La réactivation du Comité régional de l’environnement des affaires peut ré- gler une partie des problèmes que connait la région. Le reste demandera un engagement de la part de tous les intervenants, l’État compris. Faciliter l’accès au foncier, réduire le coût de l’énergie, la promotion…il faut une vo- lonté politique et une mutualisation des efforts». Houssein Alioua, Président de la Chambre de commerce, d’in- dustrie et de service

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28 Les ÉCO Suppléments - lundi 8 mai 2017

GUELMIMOUED NOUN

LA CARAVANEDES REGIONSDU MAROC

ÉTAPE10

280.000 tonnes. Le tourisme est aussiun secteur important. La région offre unproduit touristique spécifique basé sur lebalnéaire en complément avec l’écolo-gique, le culturel, l’aventure et le therma-lisme. La pêche et la valorisation des pro-duits de la mer occupent aussi une placeimportante dans l’économie de la région.Enfin, s’agissant des mines, la composi-tion géologique de la région indique unsous-sol riche en minerais et un gise-ment important de roches ornemen-tales. «Notre région dispose égalementde plusieurs atouts offrant la possibilitéd’émergence de filières nouvellescomme l’aquaculture, la logistique et lesénergies renouvelables, solaire et éo-lien», précise Youssef Atarguine. Néan-moins, si les atouts sont multiples, lesdéfis ne maquent pas non plus.

ContraintesComme aux étapes précédentes, le fon-cier a été pointé du doigt comme étantl’un des principaux obstacles à l’investis-sement. «Il y a une absence des terres del’État au niveau de la région, et on sait quela mobilisation de ce type de foncier a dy-namisé l’investissement dans les autres

régions. Aussi, les documents d’urba-nisme sont compliqués et n’accompa-gnent pas la dynamique de l’investisse-ment», déplore Youssef Atarguine. Leprésident de la Chambre de commerce etd’industrie soulève un autre problème liéau foncier : «La plupart des terrains nedisposent pas de titre foncier. Et cela en-gendre des difficultés dans l’accès au fi-nancement, parce que la banque exigece document avant d’accorder un crédit»,explique Houssein Alioua. Le manque desinfrastructures et des espaces de vie estun autre handicap. «Entre investir à Ca-sablanca ou Tanger et Guelmim, le choixet vite fait. Il faut développer des centresurbains attractifs, autour de Sidi Ifni etTan-Tan par exemple», propose le direc-teur du CRI. Les ressources humainessont également citées parmi les obsta-cles. «On forme,chaque année, quelque1.500 lauréats mais, faute de débouchés,ils partent ailleurs et la région n’en profi-tent pas», déplore le président du Conseilrégional. Pour lui, les défis sont multipleset sans une volonté politique communeet une coordination entre tous les inter-venants, le résultat ne sera pas au ren-dez-vous. l

Pour sa 10e étape, la Caravanedes régions des InspirationsÉCO a jeté son dévolu sur Guel-mim-Oued Noun. Une confé-

rence-débat a été organisée, mercredi3 mai, au siège du Conseil régional. L’ob-jectif, comme à chaque fois, est de pas-ser au peigne fin la question de l’inves-tissement et du climat des affaires auniveau de la région dans la perspectivede remédier aux contraintes et obsta-cles rencontrés par les entrepreneurs.Président et élus de la région, Conseilprovincial, Centre régional d’investisse-ment (CRI), Chambre de commerce etd’industrie, investisseurs et hommesd’affaires…tous les acteurs de la régionont pris part à cet événement. D’entréede jeu, Abderrahim Ben Bouaida, prési-dent du Conseil régional, a planté ledécor : «Guelmim-Oued Noun est trèsen retard en matière d’attraction des in-vestissements». Pour lui, le principalobstacle est d’abord culturel. «Pendantlongtemps, cette région a compté sur lesaides de l’État. Aujourd’hui, il faut chan-ger cette mentalité et entrer dans unelogique de production. Il n’y pas deMaroc utile et un autre inutile, mais unMaroc productif et un autre improduc-tif», poursuit-il. Pourtant, Guelmim-Oued Noun a tous les atouts pour se his-ser au rang des régions importantes duroyaume sur le plan économique.

Potentiel sous-exploitéYoussef Atarguine s’est chargé de don-ner une vision globale sur les atouts de larégion. Selon le directeur du CRI, Guel-mim-Oued Noun renferme un potentielde développement s'articulant autour deplusieurs piliers de croissance tradition-nels. Il en va ainsi de l’agriculture, avec unpositionnement particulier sur des cul-tures à haute valeur ajoutée. À titred’exemple, la région est leader nationaldans la production de cactus ou «orvert», avec plus de 50.000 ha et uneproduction annuelle dépassant les

Pourquoi la région est à la traînew En dépit de ses multiples atouts, Guelmim-Oued Noun accuse un grand retard en matière d’inves-tissement. Foncier, infrastructures, ressources humaines...Les élus et hommes d’affaires analysentla situation de la région.

Investissement

En dépit de ses multiples atouts, Guel-mim-Oued Noun est très en retard enmatière d’attraction des investisse-ments. Les contraintes et obstaclessont d’abord culturels avant d’êtreéconomiques. C’est pourquoi le débatautour de l’investissement doit êtredurable et non pas saisonnier. Aussi, ildoit s’inscrire dans le cadre d’une stra-tégie long-termiste qui impliquetoutes les parties prenantes. Pour atti-rer les investisseurs, il faut agir surplusieurs leviers : foncier, avantagesfiscaux, facilitation des procédures...»

Abderrahim Ben Bouaida,Président du Conseil régional

La région a réalisé en 2014 la plus fortecroissance du PIB au niveau national.Cela en dit long sur son potentiel. Maisl’investissement, qui est le moteur de lacroissance, rencontre plusieurs diffi-cultés qui empêchent son développe-ment. Le foncier et les complicationsdes documents d’urbanisme, manqued’infrastructures, rareté des res-sources hydriques, ressources hu-maines…Il faut donc limiter l’impact deces contraintes sur l’investissement».

Youssef Atarguine,Directeur du Centre régional

d’investissement (CRI)

La réactivation du Comité régional del’environnement des affaires peut ré-gler une partie des problèmes queconnait la région. Le reste demanderaun engagement de la part de tous lesintervenants, l’État compris. Faciliterl’accès au foncier, réduire le coût del’énergie, la promotion…il faut une vo-lonté politique et une mutualisationdes efforts».

Houssein Alioua,Président de la Chambre de commerce, d’in-

dustrie et de service

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GUELMIMOUED NOUN

LA CARAVANEDES REGIONS

DU MAROC

ÉTAPE10

him Ben Bouaida. Et de rassurer : «ce pro-jet est suivi de très près par le roi et son fi-nancement est assuré. Donc il n’y auraaucun problème pour le réaliser ». D’uncoût estimé à 150 millions de dollars, lebarrage Fask sera doté d’une capacité de78 millions de m3 et permettra, à terme, larégularisation de 19 millions de m3 d’eau.

RÉACTIVER LE CREA Plusieurs acteurs économiques ont in-sisté sur la nécessité de réactiver le co-mité régional de l’environnement des af-faires (CREA). «Plusieurs problèmesrencontrés par les investisseurs peuventêtre réglés au niveau de cette instance »,estime Houssein Alioua, président de laChambre de commerce et d’industrie.«Les autres régions ont mis en place ceComité, pourquoi cela traîne chez nous »,se demande Yahya Iferdane. Le premierconcerné, le directeur du CRI, répond :«Le CREA a été créé en juin 2015 dans lecadre d’un partenariat public-privé. Lesrésultats ne vont pas tarder à venir».

VALORISER LES ÉNERGIESRENOUVELABLES

La conférence-débat a connu la pré-

sence d’investisseurs chinois intéresséspar le secteur des énergies renouvela-bles. En prospection, ils ont profité del’événement pour connaitre davantage lepotentiel de la région et rencontrer sesacteurs. «Dans l’éolien, la vitesse du ventdépasse 10 mètres par seconde danscertaines parties de la région. D’autresparties, comme Assa, sont plutôt propiceà l’énergie solaire», explique YoussefAtarguine. «Les investisseurs chinoisportent un dossier solide. On a étudié leurprojet et on est prêts à leur accorder desfacilités, notamment au niveau du foncier.Masen devrait aussi les accompagner».

CRÉATION D’UNE BOURSE DES FIGUESDE BARBARIE

La proposition émane de Houssein Alioua.Les figues de barbarie sont en effet l’undes produits agricoles phares de la région.Guelmim-Oued Noun est leader nationaldans la production de cactus avec plusde 50.000 ha et une production annuelledépassant les 280.000 tonnes. Sauf quece potentiel est sous-exploité. «Ce pro-duit est vendu à 20 DH la caisse au niveaude la région alors que son prix atteint 200DH à Casablanca ou à Rabat. Ce sont les

ROMPRE AVEC L’ASSISTANAT Pour le président du Conseil de région, lapolitique publique de l’assistanat est à l’ori-gine de tous les maux de la région. «Pen-dant longtemps, Guelmim-Oued Noun avécu grâce aux aides de l’État. Ceci a tuél’esprit d’initiative chez les habitants»,analyse Abderrahim Ben Bouaida. YahyaIferdane, président du Conseil provincialde Guelmim, abonde dans le même sens: «on a toujours cet esprit de l’assistanat, ilfaut des années pour changer les menta-lités». À en croire les deux responsables,cet esprit là serait derrière l’achoppementde plusieurs projets.

DÉBLOQUER LE PROJET DU BARRAGEFASK

C’est un projet qui devrait renforcer les ou-vrages hydrauliques de la région et sécu-riser l’accès à l’eau potable. La conventionde partenariat avec l’État du Qatar qui fi-nance la réalisation du barrage Fask surl’oued Sayad a été signée en février der-nier. Seulement, à cause de bras de fer po-litique au niveau du Conseil régional, leprojet n’a pas été validé. «Cette régionsouffre des calculs politiques qui font ca-poter tous les projets», dénonce Abderra-

intermédiaires qui en profitent au détri-ment de l’agriculteur. Une bourse est denature à valoriser ce produit et barrer laroute aux intermédiaires », estime le pré-sident de la Chambre de Commerce etd’industrie.

FAIRE SAUTER LES BARRIÈRESÀ L’EXPORT

La route vers l’export est semée d’em-bûches. D’abord, les producteurs et in-dustriels sont obligés de passer parLâayoune ou Agadir, ce qui se traduit parun coût de transport élevé et réduit lacompétitivité. Le président de la Cham-bre de commerce et d’industrie soulèveun autre obstacle : les certificats des la-boratoires d’analyse. «Ce document estune condition sine qua non. Seulement,on rencontre beaucoup de difficultéspour obtenir ce sésame», déplore-t-il.

REDONNER VIE AU PORT DE TAN TANAutrefois l’un des premiers ports d’exportdes conserves, le port de Tan Tan est au-jourd’hui à l’agonie. En cause, «un arrêtbiologique décrété depuis 2013 et quicontinue jusqu’à aujourd’hui », expliqueMohamed Mae Elainine Bouh, présidentdu Pôle compétitivité au port de Tan Tanqui regroupe les acteurs économiquesopérat dans la pêche maritime et l’indus-trie de conserve. Selon lui, l’arrêt biolo-gique a été décidé suite à l’apparition desardines de petite taille. «Aujourd’hui ladonne a changé. Et on a contacté le mi-nistère de tutelle pour revoir cette déci-sion à la lumière de ces changements, envain», poursuit-il.

PLUS DE PROMOTION POUR LA RÉGION«Les Marocains ne connaissent pas lepotentiel touristique de la région, com-ment alors espérons-nous attirer destouristes étrangers ?», demande le pré-sident du Conseil régional. En effet, larégion offre un produit touristique spé-cifique basé sur le balnéaire en complé-ment avec l’écologique, le culturel,l’aventure et le thermalisme. Seule-ment, Guelmim-Oued Noun est prati-quement inexistante dans les radarsdes tours opérateurs et les efforts depromotion de ses atouts demeurent in-suffisants. l

Recommandations et pistes de relancewÀ l’issue d’un débat sans langue de bois qui a duré plusieurs heures, plusieurs recommandations etpropositions ont émergé pour donner un élan économique à la région. Tour d’horizon.

Développement