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BOIS ET FORÊTS DES TROPIQUES, 2004, N° 279 (1) 23 EUCALYPTUS / PLANTATIONS DOSSIER Parcelle de taillis d’hybrides naturels d’eucalyptus E.PF 1 . Coppice parcel with E.PF 1 natural eucalyptus hybrids. Photo R. Safou-Matondo. Dans des plantations clonales d’eucalyptus, mises en place depuis 1978 sur les savanes côtières autour de Pointe- Noire, des études permettent de définir les fertilisations nécessaires (N, P, K) et de suivre leur évolution au cours des rotations successives. Il en ressort que la durabilité des plantations est principalement liée aux entrées d’azote dans l’écosystème. Jean-Pierre Bouillet 1 Rosalie Safou-Matondo 2 Jean-Paul Laclau 1 Jean de Dieu Nzila 2 Jacques Ranger 3 Philippe Deleporte 4 1 Cirad-forêt TA 10/C Campus international de Baillarguet 34398 Montpellier Cedex 5 France 2 UR2PI BP 1291 Pointe-Noire République du Congo 3 Inra Laboratoire des cycles biogéochimiques 54280 Champenoux France 4 Cirad-forêt/UR2PI BP 1291 Pointe-Noire République du Congo Pour une production durable des plantations d’eucalyptus au Congo : la fertilisation

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B O I S E T F O R Ê T S D E S T R O P I Q U E S , 2 0 0 4 , N ° 2 7 9 ( 1 ) 23EUCALYPTUS / PLANTATIONS

DOSSIER

Parcelle de taillis d’hybrides naturels d’eucalyptus E.PF1. Coppice parcel with E.PF1 natural eucalyptus hybrids. Photo R. Safou-Matondo.

Dans des plantationsclonales d’eucalyptus,mises en place depuis 1978 sur lessavanes côtières autour de Pointe-Noire, des études permettent dedéfinir les fertilisations nécessaires(N, P, K) et de suivre leur évolutionau cours des rotations successives. Il en ressort que la durabilité desplantations est principalement liéeaux entrées d’azote dansl’écosystème.

Jean-Pierre Bouillet1

Rosalie Safou-Matondo2

Jean-Paul Laclau1

Jean de Dieu Nzila2

Jacques Ranger3

Philippe Deleporte4

1 Cirad-forêtTA 10/CCampus international de Baillarguet34398 Montpellier Cedex 5France

2 UR2PIBP 1291Pointe-NoireRépublique du Congo

3 InraLaboratoire des cyclesbiogéochimiques54280 ChampenouxFrance

4 Cirad-forêt/UR2PIBP 1291Pointe-NoireRépublique du Congo

Pour une productiondurable des plantationsd’eucalyptus au Congo :

la fertilisation

RÉSUMÉ

POUR UNE PRODUCTION DURABLEDES PLANTATIONS D’EUCALYPTUSAU CONGO : LA FERTILISATION

Depuis 1978, 42 000 ha de planta-tions clonales d’eucalyptus ont étémis en place sur les savanes côtièresautour de Pointe-Noire. Des étudesont été menées depuis 20 ans pourdéfinir les fertilisations à apporter enazote (N), phosphore (P) et potas-sium (K) et leur évolution au coursdes rotations successives. Les dosesà apporter à l’hectare sont de 16 kg N,7 kg P et 20 kg K à la plantation, puisde 20 kg N, 9 kg P et 25 kg K aprèsdeux ans. Durant la première rotationde taillis, les quantités à appliqueraprès un an et demi sont de 40 kg N,18 kg P et 50 kg K à l’hectare. Endeuxième rotation de taillis, cette fer-tilisation doit augmenter d’un tiers.Sur replantation, après trois rotationsde peuplement, la fertilisation NPK àapporter en starter est deux fois plusélevée que pour la futaie sur savane.L’augmentation de la fertilisation NPKau cours des rotations successivesest principalement due à l’accroisse-ment des besoins en fertilisation Ndes peuplements et est cohérenteavec le fort déséquilibre azoté dubilan minéral (≈ 500 kg N ha-1 aprèstrois rotations). Ce dernier est surtoutlié à l’exportation des élémentscontenus dans les troncs et le bois defeu et au lessivage de l’azote durantla décomposition des rémanents. Ledésiquilibre azoté représente 30 %du N potentiellement minéralisabledans les 50 premiers centimètres dusol. La durabilité des plantationsdépend donc étroitement des entréesde N dans l’écosystème.

Mots-clés : fertilisation, azote du sol,propriétés du sol, Eucalyptus.

ABSTRACT

FERTILISATION: A CRUCIAL FACTORFOR THE SUSTAINABILITY OF EUCALYPTUS PLANTATIONS IN THE CONGO

Since 1978, 42 000 ha of clonal euca-lyptus plantations have been estab-lished in the coastal savannah landsaround Pointe-Noire. Studies over thelast 20 years have been seeking todefine nitrogen (N), phosphorus (P)and potassium (K) fertiliser require-ments and their variation over succes-sive rotations. Starter doses perhectare were established as 16 kg N,7 kg P and 20 kg K, then 20 kg N,9 kg P and 25 kg K two years later.During the first coppice rotation, perhectare amounts after one and a halfyears were 40 kg N, 18 kg P and50 kg K. These doses had to beincreased by one third during the sec-ond coppice rotation. On replantingafter three stand rotations, NPK starterdoses were twice as high as for standsplanted on savannah. The increase inNPK fertiliser requirements in succes-sive rotations is mainly due to theincreased need for N fertilisation instands. This is consistent with the highnitrogen unbalance in the mineralbudget (≈ 500 kg N ha-1 after threerotations). This is mainly due to theremoval of elements contained intrunks and firewood and to N leachingfrom decomposing slashes. The unba-lance accounts for 30 % of potentialN mineralisation in the first 50 cm oftopsoil. The sustainability of theseplantations is therefore closelydependent on N inputs into theecosystem.

Keywords: fertilisation, soil nitrogen,soil properties, Eucalyptus.

RESUMEN

PARA UNA PRODUCCIÓNSOSTENIBLE DE LAS PLANTACIONESDE EUCALIPTO EN EL CONGO: LA FERTILIZACIÓN

Desde 1978, se han establecido42 000 ha de plantaciones clonalesde eucalipto en las sabanas costerasalrededor de Pointe-Noire. Desdehace 20 años, se están realizandoestudios para concretar las fertiliza-ciones de nitrógeno (N), fósforo (P) ypotasio (P) que hay que aportar y suevolución durante las sucesivas rota-ciones. Las dosis de fertilizante por hason de 16 kg N, 7 kg P y 20 kg K en elmomento de la plantación, y de20 kg N, 9 kg P y 25 kg K tras dosaños. Durante la primera rotación demonte bajo, las cantidades que hayque aplicar tras un año y medio sonde 40 kg N, 18 kg P y 50 kg K por hec-tárea. En la segunda rotación demonte bajo, debe aumentarse un ter-cio esta fertilización. En replantación,luego de tres rotaciones de rodal, elabonado NPK de arranque es dosveces superior al del monte alto desabana. El aumento de la fertilizaciónNPK durante las sucesivas rotacionesse debe principalmente al incrementode las necesidades de fertilización Nde los rodales. Esto es coherente conel fuerte desequilibrio de nitrógenodel balance mineral (≈ 500 kg N ha-1

luego de tres rotaciones). Esto últimoestá fundamentalmente vinculado a laexportación de los elementos conteni-dos en los troncos y leña y a la lixivia-ción del N durante la descomposiciónde restos de corta. Desequilibrio denitrogeno representa un 30% del Npotencialmente mineralizable en los50 primeros centímetros del suelo. Asípues, la sostenibilidad de las planta-ciones depende estrechamente de lasentradas de N en el ecosistema.

Palabras clave: fertilización, nitró-geno del suelo, propiedades delsuelo, Eucalyptus.

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PLANTATIONS / EUCALYPTUSDOSSIER

Jean-Pierre Bouillet, Rosalie Safou-Matondo, Jean-Paul Laclau, Jean de Dieu Nzila,Jacques Ranger, Philippe Deleporte

Introduction

Depuis 1978, 42 000 ha de plan-tations clonales d’eucalyptus desti-nées à la production de bois de pâte àpapier ont été mis en place dans lessavanes côtières de la région dePointe-Noire (encadré 1), au Congo.Ces plantations ont été gérées suc-cessivement par l’Uaic (Unité d’affo-restation industrielle du Congo), jus-qu’en 1996, et par Eco Sa (Eucalyptusdu Congo, société anonyme). Lesdeux hybrides naturels (EucalyptusPF1 ; E. tereticornis x E. grandis) plan-tés à l’origine sont remplacés, de plusen plus, par l’hybride artificiel E. uro-phylla x E. grandis, plus productif(Safou-Matondo et al., 2001).Actuellement, le massif se composede 8 000 ha de futaie en premièrerotation, 18 000 ha de taillis en pre-mière ou deuxième rotation et de16 000 ha de futaie replantés aprèsl’exploitation d’une futaie ou d’unepremière rotation de taillis.

Les sols sableux et acides surlesquels ont été installées les planta-tions ont de très faibles réserves enéléments nutritifs (tableau I). Commeles rotations sont courtes (7 ans) etles clones hautement productifs (envolume total sur écorce, jusqu’à 40 m3

par hectare et par an en tests clonauxet 20 m3 en moyenne sur le massif ;Safou-Matondo et al., 2001), il estrapidement apparu qu’une productionsoutenue et durable des plantationsdevait passer par la mise au point derégimes de fertilisation adaptés(encadré 2).

C’est dans cette logique que, àla fin des années 1970, des essaisavaient été mis en place par le CtftCongo, visant à quantifier l’impact del’apport du chlorure de potasse (KCl)sur la croissance des arbres. Les solsse caractérisent en effet par defaibles réserves en potassium (K) etdes mines de KCl étaient en exploita-tion à 50 km de Pointe-Noire, d’où unapprovisionnement aisé et peu oné-reux. Mais l’impact sur la productions’est vite révélé limité quand cettefertilisation était apportée à la plan-tation (Bonnefoi, 1986) et nul quandelle était effectuée en cours de rota-

tion (Hermeline, 1985). D’autresétudes furent donc menées afin de quantifier l’effet de l’apport desautres éléments minéraux, en parti-culier l’azote (N) et le phosphore (P)(Vigneron, Delwaulle, 1990). À par-tir de 1997, une approche plus glo-bale a été développée au sein del’UR2PI (Unité de recherche sur laproductivité des plantations indus-trielles), afin d’optimiser les apportsde fertilisants (Laclau, 2001).

Notre objectif est de présenterles résultats obtenus durant les vingtdernières années concernant la ferti-lisation NPK des plantations d’euca-lyptus au Congo. Ces résultats serontrapprochés des bilans minéraux obte-nus dans le cadre de l’étude descycles biogéochimiques (Laclau,2001), afin de proposer des régimesde fertilisation permettant le main-tien de la fertilité des sols et une pro-duction durable du massif.

B O I S E T F O R Ê T S D E S T R O P I Q U E S , 2 0 0 4 , N ° 2 7 9 ( 1 ) 25DOSSIEREUCALYPTUS / PLANTATIONS

Tableau I. Principales propriétés physico-chimiques des sols de la région de Pointe-Noire.

Profondeur (cm)0-5 5-50 50-70 70-280 280-600

Argile (%) 7,9 6,6 9,9 10,6 11,4

Limon (%) 2,1 2,1 2,2 2,4 2,7

Sable (%) 90,0 91,3 87,9 87,0 85,9

pH H2O 4,38 4,51 4,95 4,81 4,88

pH KCl 4,00 4,26 4,46 4,57 4,47

C total (%) 0,85 0,47 0,23 0,10 0,05

N total (%) 0,063 0,039 0,025 0,019 0,016

C/N 13,5 12,1 9,2 5,3 3,1

Ca++ 0,11 0,08 0,08 0,09 0,09

Mg++ 0,08 0,03 0,03 0,02 0,03

Complexe d’échanges* K+ 0,03 0,02 0,01 0,01 0,02

(cmolc/kg de sol) Na+ 0,04 0,01 0,00 0,01 0,01

S 0,26 0,14 0,12 0,14 0,15

T = Cec 0,53 0,29 0,31 0,28 0,34

S/T (%) 49,1 48,3 38,7 50,0 44,1

* Déterminé par extraction àla cobaltihexamine ;détermination Icp des cations. S : somme des cations échangeables. Cec : capacité d’échange cationique.

Encadré 1.

Caractér istiques du siteLes plantations ont été installées dans les plaines côtières autour de Pointe-Noire (4° S,12° E). Le climat est subéquatorial avec une saison des pluies s’étendant d’octobre à maiet une saison sèche de juin à septembre. Les précipitations sont en moyenne de 1 200 mmpar an, avec de fortes variations interannuelles, et la température moyenne annuelle estde 25 °C, avec des variations saisonnières de l’ordre de 5 °C. Le relief se caractérise parune succession de collines et de plateaux, séparés par des vallées, l’altitude variant de 40à 180 m. La végétation d’origine était une savane dominée par la Poacae Loudetia arundi-nacea avec de rares Anonna arenaria, arbustes de quelques mètres de hauteur. Les sols sesont développés à partir de dépôts sédimentaires continentaux du plio-pléistocène prove-nant de l’érosion du massif du Mayombe (Nzila et al., 2001). Ces sols, très profonds (80 à300 m), de la classe FAO des ferralic arenosols, se caractérisent par une texture sableusehomogène, une acidité moyenne, de faibles concentrations en éléments minéraux et enmatière organique et de très basses capacités d’échange cationique (tableau I).

26 B O I S E T F O R Ê T S D E S T R O P I Q U E S , 2 0 0 4 , N ° 2 7 9 ( 1 )

PLANTATIONS / EUCALYPTUSDOSSIER

Encadré 2.

Dispositi fs expér imentauxet méthodesEssais de fer ti l isation NPK

L’effet de l’apport combiné des éléments N, P et K à la plan-tation et en cours de rotation a été testé pour les diffé-rentes rotations depuis le boisement sur savane : futaie,première rotation de taillis, deuxième rotation de taillis etfutaie replantée après exploitation du taillis (tableau II).Les résultats sont intéressants à comparer si on prend encompte la faible variabilité génétique (clones des mêmeshybrides) et environnementale (propriétés des sols et pra-tiques sylvicoles : préparation du sol, entretiens et écarte-ments de plantation). Par ailleurs, même si les clones utili-sés peuvent varier en fonction des essais, la faibleinteraction « génotype x environnement » généralementobservée sur le massif dans les conditions de plantationsindustrielles (Saya et al., 2001) permet le rapprochementdes données. Il faut préciser que l’effet clone a été systé-matiquement confondu avec l’effet bloc (un clone par bloc)et que les traitements étaient séparés entre eux par deslignes de bordure non mesurées (1 à 3 suivant les essais).

Plantations sur savane

▪ FutaieLa fertilisation à la plantation a fait l’objet d’un essai fac-toriel 23 N P K pour tester huit traitements : témoin nonfertilisé, N (17 g de N par plant), P (10 g de P par plant),K (21 g de K par plant), ainsi que les fertilisations combi-nées NP, NK, PK et NPK. Les engrais simples utilisésétaient de l’ammonitrate à 33,5 % de N, du superphos-phate à 46 % de P2O5 et du sulfate de potasse à 50 % deK2O. Un autre essai a comparé quatre doses d’engrais ter-naire NPK (13 % de N, 6 % de P, 17 % de K) : témoin nonfertilisé, 100 g de NPK par plant, 150 g de NPK par plant et200 g de NPK par plant. La fertilisation en cours de rotation a fait l’objet d’un essaifactoriel 23 N P K pour tester huit traitements : témoin nonfertilisé, N (50 g de N par arbre), P (23 g de P par arbre),K (44 g de K par arbre), ainsi que les fertilisations combi-nées NP, NK, PK et NPK. Les engrais simples utilisés étaientles mêmes que pour l’essai factoriel à la plantation. Unefertilisation starter de 100 g par plant d’engrais NPK (13 %de N, 6 % de P, 17 % de K) avait été appliquée initialement.

▪ TaillisPour la première rotation de taillis, cinq doses d’engraisNPK (13 % de N, 6 % de P, 17 % de K) ont été comparées :témoin non fertilisé, 133 kg/ha de NPK, 200 kg/ha de NPK,266 kg/ha de NPK, 400 kg/ha de NPK.Pour la deuxième rotation de taillis, quatre doses d’en-grais NPK (13 % de N, 6 % de P, 17 % de K) ont été compa-rées : témoin non fertilisé, 200 kg/ha de NPK, 300 kg/hade NPK, 400 kg/ha de NPK.

Replantation

Pour la replantation, la fertilisation a été appliquée à lareplantation de la futaie et au cours des rotations selon lesmodalités suivantes.

▪ Fertilisation à la plantationLa fertilisation à la plantation a fait l’objet d’un essai fac-toriel 33 N P K pour tester 27 traitements : témoin non fer-tilisé, N1 (27 g de N par plant), N2 (54 g de N par plant), P1(10 g de P par plant), P2 (20 g de P par plant), K1 (20 g de Kpar plant), K2 (40 g de K par plant), et les fertilisationscombinées N1P1, N1P2, …, N2P2K2. Les engrais utilisésétaient de l’ammonitrate à 33,5 % de N, du superphos-phate à 42 % de P2O5 et du sulfate de potasse à 50 % deK2O. Un autre essai a comparé cinq doses d’engrais ter-naire NPK (13 % de N, 6 % de P, 17 % de K) : témoin nonfertilisé, 150 g de NPK par plant, 300 g de NPK par plant,450 g de NPK par plant, 600 g de NPK par plant.

▪ Fertilisation en cours de rotationLa fertilisation en cours de rotation a fait l’objet d’un essaifactoriel 33 N P K pour tester 27 traitements : témoin nonfertilisé, N1 (25 g de N par arbre), N2 (50 g de N par arbre),P1 (10 g de P par arbre), P2 (20 g de P par arbre), K1 (21 g deK par arbre), K2 (42 g de K par arbre) et les fertilisationscombinées N1P1, N1P2, …, N2P2K2. Les engrais utilisésétaient de l’ammonitrate à 27 % de N, du supertriphos-phate à 45 % de P2O5 et du sulfate de potasse à 48 % deK2O. Une fertilisation starter de 150 g par plant d’engraisNPK (13 % de N, 6 % de P, 17 % de K) avait été appliquéeinitialement.

Bilan entrées-sorties

Les bilans entrées-sorties des éléments minéraux ont étéestimés sur trois ans pour une savane originelle et unefutaie d’eucalyptus, situées à 500 m l’une de l’autre. Pourla méthodologie employée ainsi que les hypothèses rete-nues pour l’extrapolation de ces bilans aux rotations sui-vantes, on se reportera à Laclau (2001) et Bouillet et al.(2001).

Nécessité d’uneferti l isation NPK

L’analyse des essais montreclairement la nécessité d’apporterune fertilisation aux plantations d’eu-calyptus, quel que soit le type depeuplement (futaie sur savane, taillis,replantation).

Quand on plante sur savane, onobserve pour la fertilisation starterdes effets principaux N et K significa-tivement positifs (tableau III). À l’in-verse, le phosphore présente un légereffet dépressif mais non significatif.Bien qu’aucune interaction significa-tive ne soit observée, la plus fortecroissance est relevée pour la fertili-sation complète NPK. La fertilisation

optimale à apporter par arbre estalors d’environ 200 g de NPK (13 % deN, 6 % de P, 17 % de K), soit, par hec-tare, 16 kg de N, 7 kg de P et 20 kg deK (figure 1). En cours de rotation, onnote un seul effet principal significa-tif, celui de N, qui est encore observé24 mois après l’apport à 2 ans(tableau III). Comme pour la fertilisa-tion starter, et bien que l’interactionN-P-K ne soit pas significative, lameilleure production est obtenueavec l’apport combiné des trois élé-ments N, P et K.

B O I S E T F O R Ê T S D E S T R O P I Q U E S , 2 0 0 4 , N ° 2 7 9 ( 1 ) 27DOSSIEREUCALYPTUS / PLANTATIONS

Tableau II. Principales caractéristiques des essais de fertilisation.

1 Bcr : blocs complets randomisés.2 1 = E. PF1 ; 2 = E. tereticornis x E. grandis ; 18 = E. urophylla x E. grandis.

Essai

Factoriel 23 N P K

à la plantation

Doses de NPK à la plantation

Factoriel23 N P K en

cours de rotation

Doses de NPK encours de rotation

Doses de NPK encours de rotation

Factoriel 33 N P K à laplantation

Doses de NPK àla plantation

Doses de NPK àla plantation

Factoriel 33 N P K en

cours de rotation

Dispositif

Factorielen blocs3 blocs

Bcr(1)

4 blocs

Factorielen blocs6 blocs

Bcr 4blocs

Bcr 5blocs

Factorielen blocs4 blocs

Bcr 4blocs

Bcr 5blocs

Factorielen blocs4 blocs

Peuplement

Futaie sur savane

Futaie sur savane

Futaie sur savane

Taillis Première rotation

TaillisDeuxièmerotation

Futaie enreplantation

Futaie enreplantation

Futaie enreplantation

Futaie enreplantation

Clones(2)

1-131

1-451-962-32

L2-123

1-261-411-452.322.86

L2-130

E. PF1multiclonal

1-261-411-48

L2-73

1-4118-5018-6918-85

1-4118-5018-6518-69

1-4118-5018-8518-13418-219

18-5018-52

Placeaumesuré

6 x 6plants

5 x 5plants

5 x 5plants

6 x 7plants

8 x 8plants

5 x 5plants

5 x 5plants

5 x 5plants

5 x 5plants

Préparationdu sol

Pulvériseur

Pulvériseur

Pulvériseur

Pulvériseur+ chimique

Pulvériseur+ chimique

Pulvériseur+ chimique

Pulvériseur+ chimique

Entretiens

Pulvériseur

Pulvériseur

Pulvériseur

Pulvériseur

Pulvériseur+ chimique

Chimiques

Chimique

Chimiques

Chimiques

Densité(tiges/ha)

496

709

709

400

666

800

800

800

600

Localisationengrais

Au pied

Au pied

Au pied

En plein

En plein

Au pied

Au pied

Au pied

En plein

Dated’apport

4semaines

1 semaine

24 mois

19 mois

17 mois

4semaines

1 semaine

2semaines

16 mois

35

40

45

50

55

0 200 300 40014,5

15

15,5

16

16,5

Volume

HauteurDoses de NPK (kg/ha)

Vol

ume

(m3 /h

a)

Hau

teur

(m)

3

5

7

9

11

13

0 1 2Niveaux de N

Hau

teur

(m)

10

15

20

25

30

35

Circ

onfé

renc

e (c

m)

H 13 mois H 18 mois H 24moisC 13 mois C 18 mois C 24 mois

28 B O I S E T F O R Ê T S D E S T R O P I Q U E S , 2 0 0 4 , N ° 2 7 9 ( 1 )

PLANTATIONS / EUCALYPTUSDOSSIER

0

2

4

6

8

10

12

0 100 150 200

Doses de NPK (g/plant)

Hau

teur

(m)

21

23

25

27

29

31

Circ

onfé

renc

e (c

m)

H 12 mois

H 24 mois

C 24 mois

30

35

40

45

50

0 133 200 266 400

Doses de NPK (kg/ha)

Vol

ume

(m3 /h

a)

15

15,5

16

16,5

17

17,5

18

Hau

teur

(m)

Volume

Hauteur

Tableau III. Effets principaux sur les hauteurs (∆H), circonférence (∆C1,30 m) et volume total (∆V) de N (Nprinc) P (Pprinc) et K (Kprinc) (en valeur absolue et en % de la moyenne des traitements n’ayant pas reçu l’élément). Valeurs des traitements NPK, N et du témoin non fertilisé (T). Futaie sur savane. Essais factoriels 23 N P K.

Nprinc Pprinc Kprinc NPK N T

Fertilisation starter, valeurs à 21 mois

∆H (m) + 0,8 (+ 10 %)* – 0,4 (– 5 %) + 0,8 (+ 10 %)* H (m) 9,2a 8,5ab 7,5b

∆C1,30 m (cm) + 2,6 (+ 10 %)* – 0,4 (– 2 %) + 1,7 (+ 7 %)* C1,30 m (cm) 28,3a 27,5ab 25,3b

Refertilisation à 24 mois, valeurs 24 mois après l’apport d’engrais

∆H (m) + 0,8 (+ 4 %)* + 0,2 (+ 1 %) + 0,2 (+ 1 %) H (m) 19,3a 18,9a 17,9b

∆C1,30 m (cm) + 1,4 (+ 4 %)* + 0,1 (+ 0,5 %) + 0,3 (+ 1 %) C1,30 m (cm) 42,4a 42,2a 40,5b

∆V (m3/ha) + 5,8 (+ 8 %)* + 1,4 (+ 2 %) + 0,5 (+1 %) V (m3/ha) 83,6a 81,4a 75,5b

* Effet significatif au seuil de 5 %.Les lettres a et b en exposant indiquent les différences significatives (p < 0,05) entre traitements.

Figure 3. Réponses en hauteur et volume d’une deuxième rotation detaillis aux doses d’une fertilisation NPK (13 % N, 6 % P, 17 % K).Résultats 24 mois après l’apport de la fertilisation à 17 mois.Responses in height and volume in the second coppice rotationto NPK fertiliser doses (13 % N, 6 % P, 17 % K). Results24 months after application at 17 months.

Figure 1. Réponses en hauteur et circonférence aux doses d’unefertilisation NPK (13 % N, 6 % P, 17 % K) appliquée lors de laplantation d’une futaie sur savane. Résultats à 12 et 24 mois.Responses in height and circumference growth to NPK fertiliserdoses (13 % N, 6 % P, 17 % K) applied on the initial plantationof a stand on savannah land. Results after 12 and 24 months.

Figure 2. Réponses en hauteur et volume d’une première rotation detaillis aux doses d’une fertilisation NPK (13 % N, 6 % P, 17 % K).Résultats 12 mois après l’apport de la fertilisation à 19 mois.Responses in height and volume during first coppice rotation toNPK fertiliser doses (13 % N, 6 % P, 17 % K). Results 12 monthsafter application at 19 months.

Figure 4. Effets principaux de la fertilisation azotée en starter sur lahauteur et la circonférence d’une futaie replantée. Essaifactoriel 33 N P K.Main effects of nitrogenous starter doses on height andcircumference in a replanted stand. Factorial trial 33 N P K.

Quand on refertilise à 1,5 an letaillis rejetant après exploitation de lafutaie, l’apport optimal de fertilisa-tion NPK (13 % de N, 6 % de P, 17 %de K) se situe aux environs de300 kg/ha (soit, par hectare, 39 kg deN, 18 kg de P, 51 kg de K), comme indi-qué sur la figure 2.

Au cours de la deuxième rota-tion de taillis, les quantités de fertili-sation NPK (13 % de N, 6 % de P, 17 %de K) à appliquer sont plus élevéesqu’en première rotation. En effet, ilest nécessaire d’apporter au moins400 kg/ha de NPK (soit, par hectare,42 kg de N, 24 kg de P, 68 kg de K)(figure 3).

Sur futaie replantée aprèsexploitation du taillis, on observe, enfertilisation starter, un effet principalsignificatif positif de N encore mar-qué 24 mois après la plantation(tableau IV et figure 4). L’apport depotassium induit significativementune meilleure croissance en hauteurjusqu’à 9 mois après la plantation :en moyenne + 0,3 m (+ 9 %) entre lestraitements ayant reçu ou non unapport de K. Par la suite, cet effetprincipal n’est plus significatif. Lephosphore est significativementdépressif, mais l’effet reste limité, lesécarts étant constants entre 9 et24 mois. On ne note pas d’interactionsignificative entre éléments et lameilleure croissance en hauteur estrelevée pour le traitement N2, oùseule la plus forte dose d’azote estapportée, à l’exception des autreséléments. Les résultats sont compa-rables pour les circonférences, maisdans ce cas la meilleure croissanceest observée pour le traitementN2P1K1 (tableau V). Si on apporte seu-lement une fertilisation azotée à lamise en place d’une replantation, ladose à appliquer est alors d’au moins50 g de N par plant, soit 40 kg de Npar hectare. Quand la fertilisation estsous la forme d’un engrais ternaireNPK (13 % de N, 6 % de P, 17 % de K),les doses à appliquer sont deux foisplus élevées que pour les futaies sursavane : environ 400 g de NPK parplant (soit, par hectare, 32 kg de N,14 kg de P, 40 kg de K) (figure 5).

Quand la fertilisation est appli-quée en cours de rotation sur cesfutaies replantées, le seul effet princi-pal significatif est celui de l’azote(tableau IV). Il n’existe pas d’interac-tion significative entre éléments.Cependant, dans cet essai, les plusfortes croissances sont globalementrelevées pour les fertilisations ter-naires incluant la dose d’azote la plusélevée. Savane côtière originelle autour de Pointe-Noire, au Congo.

Original coastal savannah around Pointe-Noire, Congo. Photo R. Safou-Matondo.

B O I S E T F O R Ê T S D E S T R O P I Q U E S , 2 0 0 4 , N ° 2 7 9 ( 1 ) 29DOSSIEREUCALYPTUS / PLANTATIONS

Tableau IV. Effets principaux sur les hauteurs (∆H), circonférence (∆C1,30 m)et volume total (∆V) de N (Nprinc), P (Pprinc) et K (Kprinc) (en valeur absolue et en % de la moyenne des traitementsn’ayant pas reçu l’élément). Futaie replantée après exploitationd’un taillis en première rotation. Essais factoriels 33 N P K.

Nprinc Pprinc Kprinc

Fertilisation starter, valeurs à 24 mois

∆H (m) + 1,3 (+ 11%)* – 0,2 (– 2 %)* + 0,2 (+ 2 %)

∆C1,30 m (cm) + 3,3 (+ 12%)* – 0,2 (– 1 %)* + 0,7 (+ 2 %)

Refertilisation à 16 mois, valeurs 17 mois après l’apport d’engrais

∆H (m) + 0,5 (+ 3 %)* – 0,1 (– 1 %) + 0,1 ( + 1 %)

∆C1,30 m (cm) + 1,7 (+ 5 %)* – 0,1 (– 0,5 %) + 0,1 (+ 0,5 %)

∆V (m3/ha) + 3,9 (+ 13 %)* – 0,4 (– 1%) + 0,7 (+ 2 %)

* Effet significatif au seuil de 5 %.

Tableau V. Hauteur (H) et circonférence à 1,30 m (C1,30 m) de quelques traitementsde l’essai factoriel de fertilisation starter 33 N P K sur futaie replantéeaprès exploitation d’un taillis en première rotation. Valeurs à 24 mois.

TraitementP1 P2 Témoin N1 N2 N2P1K1 N2P2K2

H (m) 10,6a 11,2ab 11,4ab 12,2ab 13,2b 13,1b 12,8b

C1,30 m (cm) 26,4a 27,0ab 27,4ab 29,1ab 31,6ab 32,6b 32,1b

Les lettres a et b en exposant indiquent les différences significatives (p < 0,05) entre traitements.P1 = une dose de P ; P2 = deux doses de P ; N1 = une dose de N ; N2 = deux doses de N.N2P1K1 = deux doses de N + une dose de P + une dose de K.N2P2K2 = deux doses de N + deux doses de P + deux doses de K.

0

5

1015

20

25

30

3540

45

50

0 200 400

Doses de NPK (kg/ha)

Acc

rois

sem

ent

(%)

en

C1,

30 m /

tém

oin

Futaie savaneTaillis 1Taillis 2Futaie replantée

Figure 6. Courbes de réponse à la fertilisation NPK au cours des rotationssuccessives d’Eucalyptus. Valeurs lissées à 12 mois pour lafutaie sur savane, 24 mois pour la futaie replantée, et 18 moisaprès l’apport d’engrais pour les taillis.Response curves to NPK fertilisation during successiveEucalyptus rotations. Smoothed values for a stand on savannahland 12 months after fertiliser application, for a replanted standafter 24 months and for coppice after 18 months.

30 B O I S E T F O R Ê T S D E S T R O P I Q U E S , 2 0 0 4 , N ° 2 7 9 ( 1 )

PLANTATIONS / EUCALYPTUSDOSSIER

Essai de fractionnement des doses d’ammonitrate à neuf mois. E. urophylla x E. grandis, clone 18-154. Trial at nine months with fractionised doses of ammonitrate. E. urophylla x E. grandis, 18-154 clone. Photo R. Safou-Matondo.

Essai densité de plantation. E. urophylla xE. grandis, clone 18-52, plantés à 600 tiges/haet âgés de deux ans. Spacing trial. E. urophylla x E. grandis, 18-52clone, 600 stems/ha at planting, aged twoyears. Photo R. Safou-Matondo.

Zone d’essai. Trial zone. Photo R. Safou-Matondo.

Parcelle de taillis d’hybrides naturels d’eucalyptus E.PF1. Coppice stand with E.PF1 natural eucalyptus hybrids. Photo R. Safou-Matondo.

5

6

7

8

9

10

0 150 300 450 600

Hau

teur

(m)

10

12,5

15

17,5

20

22,5

Circ

onfé

renc

e (c

m)

Hauteur

CirconférenceDoses de NPK (g/plant)

Figure 5. Réponses en hauteur et circonférence d’une futaie replantée auxdoses d’une fertilisation starter NPK (13 % N, 6 % P, 17 % K).Résultats à 12 mois.Responses in height and circumference in a replanted stand todoses of NPK starter fertilisation (13 % N, 6 % P, 17 % K). Resultsafter 12 months.

Relations avecl’évolution des

propriétés des sols

Il apparaît que les besoins en fer-tilisation NPK augmentent fortementau fur et à mesure des rotations(figure 6). En effet, il faut apporter enfertilisation starter, par hectare, 16 kgde N, 7 kg de P et 20 kg de K pour lesfutaies plantées sur savane. Mais cesquantités doivent être doublées pourles replantations mises en place aprèstrois rotations d’eucalyptus (une futaie,deux taillis). De même, si pour la pre-mière rotation de taillis il faut appli-quer, par hectare, 40 kg de N, 18 kg deP et 50 kg de P, il est nécessaire d’aug-menter ces quantités au moins d’untiers lors de la deuxième rotation.

Effet N

On a mis en évidence que lanécessité d’apports croissants de fer-tilisation NPK est d’abord liée à l’aug-mentation des besoins en fertilisationN, cet élément se révélant comme leprincipal facteur limitant de la crois-sance.

Ce résultat est cohérent avec lebilan minéral des plantations, qui esttrès déséquilibré en azote :▪ l’étude des cycles biogéochimiquespermet d’estimer qu’après une rota-tion de futaie le déséquilibre est de165 kg/ha de N (tableau VI) ; à l’in-verse, le bilan est assez bien équili-bré pour P et K ; ▪ après deux rotations (futaie + premièrerotation de taillis), le déséquilibre est del’ordre de 375 kg/ha de N et atteint550 kg/ha à la fin de la deuxième rota-tion de taillis (tableau VII).

Ce déséquilibre est dû principa-lement, d’une part, à la minéralisa-tion rapide de la matière organiquede la savane ou de celle restant sur lesol après exploitation des peuple-ments, conduisant à un lessivageimportant d’azote pendant la phased’installation du peuplement, et,d’autre part, à l’exportation hors del’écosystème de l’azote contenu dansles troncs et le bois de feu, lors del’exploitation du peuplement.

B O I S E T F O R Ê T S D E S T R O P I Q U E S , 2 0 0 4 , N ° 2 7 9 ( 1 ) 31DOSSIEREUCALYPTUS / PLANTATIONS

Tableau VIII. Quantités (kg/ha) de N, P et K dans le sol de savane (0-2 m).

Profondeur

0-15 cm

15-50 cm

50-200 cm

Total jusqu’à 2 m de profondeur

N total

574

1 159

3 084

4 800

P assimilable(1)

45

96

472

610

K échangeable

36

98

130

260

1 Méthode de Duchaufour et Bonneau (1959).

Tableau VII. Bilans entrées-sorties d’azote après trois rotations d’Eucalyptus. Ordre de grandeur à la fin de chaque rotation et valeurs cumuléescorrespondantes (kg/ha).

Entrées

Dépôts atmosphériques

Fertilisation

Sorties

Drainage profond + ruissellement

Exploitation

Bilans

Fin de rotation

Cumulés

Futaie

70

35

80

190

– 165

– 165

TaillisPremièrerotation

70

40

150

170

– 210

– 375

TaillisDeuxièmerotation

70

50

145

150

– 175

– 550

1 Exploitation du bois de pâteécorcé et du bois de feu.

Tableau VI. Bilans entrées-sorties de N, P et K à la fin de la rotation de futaied’Eucalyptus (7 ans) (d’après Laclau, 2001).

Entrées

Dépôts atmosphériques

Fertilisation

Altération/fixation biologique

Sorties

Drainage profond + ruissellement

Exploitation(1)

Bilans

N (kg/ha)

70

35

80

190

– 165

P (kg/ha)

5

15

4,5

29

– 13,5

K (kg/ha)

45

48

ε

16,5

69

+ 7,5

Ce déséquilibre doit être com-paré aux faibles réserves azotées dusol. En effet, si on peut estimer à4 800 kg/ha l’azote total contenudans les deux premiers mètres du solde savane, cette quantité n’est plusque de 2 000 kg/ha dans les cin-quante premiers centimètres où s’ob-serve l’essentiel de la minéralisation(tableau VIII). De plus, des étudesisotopiques ont montré que le tiersde la matière organique de l’horizonA1 provient d’une forêt naturelle dis-parue il y a environ 3 000 ans(Trouvé, 1992). Or cette matièreorganique est très résistante à ladégradation et ne participe sansdoute pas à la nutrition azotée desplantations.

Les deux approches dévelop-pées – essais agronomiques et étudedes cycles biogéochimiques – per-mettent de conclure de manière cohé-rente à une forte diminution desquantités d’azote dans le sol au coursdes rotations successives d’eucalyp-tus. La durabilité de ces plantationsdépend donc étroitement d’entréescroissantes de N dans l’écosystème.

Effet K

On n’a observé qu’un très faibleimpact de la fertilisation potassiquesur la croissance des plantations, etprincipalement au travers d’une inter-action positive entre N, P et K. On peutconsidérer que ce résultat est cohérentavec le bilan équilibré en K à la fin de larotation de futaie. Cependant, il fauttenir compte du fait que 50 kg/ha de Kavaient été apportés par fertilisationdurant cette rotation. De plus, le stockde K du sol est faible (450 kg/ha jus-qu’à 6 m de profondeur ; Laclau, 2001)et l’efficience de la nutrition minérale(kg de matière sèche produite/kgd’éléments minéraux accumulés dansla biomasse) est parmi les plus fortesobservées pour les plantations d’euca-lyptus (Laclau et al., 2000 ; Herbert,1996). Enfin, la décomposition de lalitière et des rémanents restant sur lesparcelles après exploitation du peuple-ment conduit à un déficit en K estimé à50 kg/ha par rotation de taillis(Bertaux, 2001). Des apports de Kpourraient ainsi s’avérer nécessairesdurant les prochaines rotations, enparticulier si seules des fertilisationsazotées sont apportées.

Effet P

L’effet principal nul de P pourles plantations sur savane est cohé-rent avec les quantités élevées de cetélément trouvées dans les solscôtiers du Congo (2 700 kg de P assi-milable par hectare jusqu’à 6 m deprofondeur ; Laclau, 2001) et la trèsfaible efficience d’utilisation relevéepour cet élément chez les arbres(Laclau et al., 2000). À l’opposé, lephosphore est souvent le premier fac-teur limitant de la croissance dans lespays où sont installées les planta-tions d’eucalyptus (Herbert, 1996).

L’effet dépressif de P sur la crois-sance juvénile des replantations pour-rait être lié à une augmentation del’activité microbienne, entraînant uneimmobilisation de l’azote minéral dusol. De telles observations ont étéfaites en Australie dans des planta-tions d’eucalyptus quand les concen-trations en carbone soluble du solaugmentent, suite à la décompositiondes rémanents d’exploitation (Adams,Attiwill, 1991).

32 B O I S E T F O R Ê T S D E S T R O P I Q U E S , 2 0 0 4 , N ° 2 7 9 ( 1 )

PLANTATIONS / EUCALYPTUSDOSSIER

Parcelle d’eucalyptus en cours d’exploitation. Logging in a parcel of eucalyptus. Photo R. Safou-Matondo.

Savane originelle, galerie forestière et plantation d’eucalyptus. Original savannah, gallery forest and eucalyptus plantation. Photo R. Safou-Matondo.

Perspectives

Le fort déséquilibre du bilanazoté dans les sols après trois rota-tions et la réponse marquée à la fertili-sation N montrent, de manière cohé-rente, que la durabilité minérale desplantations congolaises d’eucalyptusest liée aux entrées de N dans l’éco-système. Les fertilisations azotéesdevront être plus importantes qu’aucours des rotations précédentes, afind’équilibrer le bilan entrées-sorties enN et de reconstituer, au moins partiel-lement, le stock d’azote du sol. Cesapports plus élevés seront aussi ren-dus nécessaires par les plus fortsbesoins en N du nouvel hybride E. uro-phylla x E. grandis, plus productif. Desessais sont en cours pour établir lescourbes de réponse des replantationsà la fertilisation azotée, tant à la miseen place des peuplements qu’en coursde rotation. De fortes doses y sont tes-tées (jusqu’à 160 kg/ha de N par appli-cation) en fonction, en particulier, desdensités de plantation et des caracté-ristiques stationnelles. Les peuple-ments étant aussi de plus en plus fré-quemment parcourus par des feux, ilest très important d’étudier l’influence

de ce facteur sur la dynamique de Ndans le sol et, par voie de consé-quence, sur les modalités d’apport dela fertilisation azotée au cours de larotation. Afin de réduire le coût desintrants minéraux, des essais d’intro-duction de légumineuses rampantes(Pueraria phaseolides…) ou en sous-étage (Acacia mangium…) ont été éga-lement mis en place. Un des objectifsest de voir s’il est possible de gérer defaçon synergique l’association « euca-lyptus + légumineuses », en réduisantla compétition pour l’eau et les élé-ments minéraux autres que l’azote(Bauhus et al., 2000).

On n’a pas observé sur lesreplantations d’effet positif durablede la fertilisation K ou P. Des étudessont cependant en cours pour testersi cette réponse évolue au cours dutemps, en particulier pour K.Concernant cet élément, il serait inté-ressant d’étudier si, dans les condi-tions des savanes littorales du Congo,Na ne se substitue pas partiellementà K. En effet, des études physiolo-giques ont montré l’existence d’un telphénomène dans le métabolisme de

certains végétaux supérieurs, sansperturbation de la croissance(Marshner, 1995). Aucune référencen’a été trouvée à ce sujet sur l’euca-lyptus, mais il a été observé au Brésilet en Afrique du Sud que la réponsede ces espèces à l’apport de K estbeaucoup plus marquée à l’intérieurdu pays qu’à proximité de la mer(Laclau, 2001). Par ailleurs, d’autresexpérimentations sont conduites afinde mieux comprendre l’effet dépres-sif de l’apport de P à la replantation.

Concernant les autres élémentsminéraux, on peut préciser que l’ap-port d’amendements calco-magné-siens n’a pas eu d’effet sur la crois-sance des plantations sur savane(Lee, 1995). Cependant, si on tientcompte des faibles réserves de Ca etMg dans le sol, de nouveaux essaisseront mis en place sur des replanta-tions. Enfin, des études sont en courspour quantifier l’éventuel impact del’apport d’oligoéléments.

B O I S E T F O R Ê T S D E S T R O P I Q U E S , 2 0 0 4 , N ° 2 7 9 ( 1 ) 33DOSSIEREUCALYPTUS / PLANTATIONS

Parcelle industrielle d’hybrides naturelsd’eucalyptus E.PF1, sur podzol, qui a étéparcourue par des feux courants. Industrial stand with E.PF1 natural eucalyptushybrids on podzol burned by surface fires. Photo R. Safou-Matondo.

Vue des rémanentsd’exploitation laissés surcoupe. Slashes left after felling. Photo R. Safou-Matondo.

Savane originelle et plantationd’eucalyptus. Original savannah and eucalyptusplantation. Photo R. Safou-Matondo.

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34 B O I S E T F O R Ê T S D E S T R O P I Q U E S , 2 0 0 4 , N ° 2 7 9 ( 1 )

PLANTATIONS / EUCALYPTUSDOSSIER

Parcelle industrielle d’hybrides naturelsd’eucalyptus E.PF1 arrivés à l’âged’exploitation (8 ans). Industrial parcel of 8 year-old E.PF1 naturaleucalyptus hybrids, ready for felling. Photo R. Safou-Matondo.

Synopsis

FERTILISATION: A CRUCIAL FACTOR FOR THE SUSTAINABILITY OF EUCALYPTUS PLANTATIONSIN THE CONGO

J.-P. BOUILLET, R. SAFOU-MATONDO,J.-P. LACLAU, J. D. NZILA, J. RANGER,P. DELEPORTE

Since 1978, 42 000 ha of clonaleucalyptus plantations have beenestablished in the savannahs aroundPointe-Noire (4° S, 12° E). The soils(ferralitic arenosols) are sandy, acidic,with very low reserves of availablenutrients (CEC<0.5 cmolc kg-1 soil).Because rotations are short (7 years)and the clones highly productive (upto 40 m3 ha-1 yr-1 in clonal tests), it isessential to quantify fertiliser input inorder to ensure sustained and sus-tainable production. For 20 years,experiments have therefore beenseeking to define plantation require-ments of NPK fertiliser, over succes-sive stand rotations.

The experimentsThe experiments were as follows:▪ Planted crop (starter doses): N-P-K23 factorial; NPK (13% N, 6% P, 17% K) amounts.▪ Planted crop (mid rotation doses):N-P-K 23 factorial.▪ First rotation coppice (mid-rotationdoses): NPK (13% N, 6% P, 17% K)amounts. ▪ Second rotation coppice (mid-rota-tion doses): NPK (13% N, 6% P, 17% K) amounts.▪ Replanted sites (starter doses): N-P-K 33 factorial ; NPK (13% N, 6% P, 17% K) amounts.▪ Replanted sites (mid-rotationdoses): N-P-K 33 factorial.▪ Study of biogeochemical cycles in asavannah and in a planted crop toquantify nutrient fluxes in bothecosystems and establish nutrientbudgets.

Effects of fertilisersOn the planted crop, N and K fertilisershad positive main effects whenapplied on planting. At 21 months, thecircumference at breast height (CBH)increased by 10% and 7% with N and Kfertiliser, respectively. Although no sig-nificant NPK interaction was found,the best growth rates were observedwith NPK fertiliser, optimal dosesbeing established at 16 kg ha-1 N, 7 kg ha-1 P and 20 kg ha-1 K. Only a sig-nificant positive main effect of N wasfound for mid-rotation fertilisation.The application of N resulted, after 24months, in an increase of 4% and 8%in CBH and total volume, respectively.Again, the best stand productionwasobserved with NPK fertiliser. 20 kg ha-1 N, 9 kg ha-1 P, 25 kg ha-1 Khad to be applied after 2 years.

For the first coppice rotation, 40 kgha-1 N, 18 kg ha-1 P and 50 kg ha-1 Phad to be applied after 1.5 years.During the second coppice rotationthese amounts had to be increasedby one third at least.

On the replanted sites, there was asignificant positive main effect of Napplied as a starter. At 24 months,CBH was 12% higher where N wasapplied than without N. A positivemain effect for K was observed onlyduring the first year after planting. Adepressive main effect for P was stillobserved 24 months after planting,with the application of P resulting in adecrease of 0.25 m in height (con-stant value between 9 and 24months). The NPK fertilizer require-ment (13% N, 6% P, 17% K) on plant-ing was twice as high as for the cropplanted on savannah land. N wasfound to have a significant positivemain effect in mid-rotation. Maineffects for K and P, however, were nolonger significant. The application ofN resulted, after 17 months, in anincrease of 5% and 13% in CBH andtotal volume, respectively.

Subsequently, NPK fertilizer require-ments increased over successive standrotations. This was mainly linked to theincrease in N fertiliser demand and wasconsistent with the high N unbalance innutrient budgets (-165 kg N ha-1 at theend of the planted crop rotation, -375 kg N ha-1 after the first coppicerotation, and -550 kg N ha-1 at the endof the second coppice rotation). Thisunbalance is mostly due to N removalby harvesting and N leaching fromdecomposing slash. The N unbalanceaccounts for 30 % of potential N miner-alisation in the first 50 cm of topsoil.The sustainability of these plantationsis therefore dependent on N inputs intothe ecosystem. Mixed stands ofEucalyptus and leguminous species(Acacia sp., Pueraria phaseolides…) willbe tested in the near future.

A possible explanation for the depres-sive effect of P might be an increase inmicro-organism biomass, inducing Nimmobilisation. No K effect has beenrecorded but, as reserves are low, Kinputs might become necessary dur-ing the next rotations. Other trials willfocus on Ca and Mg application, andon micro-element deficiencies.

B O I S E T F O R Ê T S D E S T R O P I Q U E S , 2 0 0 4 , N ° 2 7 9 ( 1 ) 35DOSSIEREUCALYPTUS / PLANTATIONS