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« Par ce signe, tu vaincras » (pour le temps qu’il me reste) Laurent-Hervé Seurin

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« Par ce signe, tu vaincras »(pour le temps qu’il me reste)

Laurent-Hervé Seurin

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----------------------------INFORMATION----------------------------Couverture : Classique

[Roman (134x204)] NB Pages : 150 pages

- Tranche : 2 mm + (nb pages x 0,07 mm) = 12.5 ----------------------------------------------------------------------------

« Par ce signe, tu vaincras » (pour le temps qu’il me reste)

Laurent-Hervé Seurin

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Les personnages

– Antoine VERNEUIL, 23 ans, gendarme, – Jeanne, sa femme, – Jacques de LANGLOIS, 62 ans, représentant de

commerce en vins et spiritueux, – Geneviève de La LANDE, 32 ans, – Philippe PANISSE, 47 ans, maréchal des logis-

chef de gendarmerie, commandant de brigade, – Pierre PERRAUT, 49 ans, gendarme, – Georges MARAIS, 58 ans, médecin.

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Avertissement à l’attention des lecteurs

Cette histoire est une pure fiction. Toute ressemblance avec des événements passés ou présents ne pourra être attribuée qu’à votre seule imagination.

A l’exception, peut-être, de celui qui l’a écrite.

* * *

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I

– Mademoiselle ! S’il vous plaît mademoiselle ! Auriez-vous la gentillesse d’ouvrir l’armoire où se trouvent mes vêtements ? Dans le grand tiroir central, vous y trouverez un cahier d’écolier et une petite trousse bleue marine. Je vais en avoir besoin pour écrire dès que je vais me sentir un peu mieux.

– Oh, je vous vois un peu dubitative mais ne vous inquiétez pas ! Ce n’est pas pour écrire mon testament, ça fait bien longtemps qu’il est rédigé. Je ne suis pas du genre à laisser traîner les affaires. Contrairement à beaucoup, j’ai tout prévu et tout organisé pour que mes filles et ma femme ne manquent de rien lorsque je ne serai plus de ce monde. Vous savez, il faut toujours y penser avant qu’il ne soit un jour trop tard.

– Mais enfin, pourquoi vous dis-je tout cela ? Jeune infirmière que vous êtes, vous devez certainement vous dire que rien ne va plus chez moi et me prendre pour un vieux fou. Allez, excusez-moi,

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je plaisantais bien sûr. Comprenez bien que j’en profite tant que je le peux le faire, je sais que cela ne va pas durer.

– Merci Mademoiselle de bien vouloir tout poser sur la petite table de nuit à gauche de mon lit. Merci encore. Mon épouse devrait arriver d’un instant à l’autre. Elle m’aidera s’il le faut à me relever un peu du lit pour que je sois plus droit et plus à l’aise pour écrire.

– Je vais essayer de dormir un peu en attendant son arrivée car, pour le temps qu’il me reste, je vais avoir besoin de toutes mes forces. Vous pouvez laisser la lumière allumée si vous le préférez, je ne suis pas pressé de vivre dans l’obscurité des ténèbres.

Me rendant compte de l’ennui provoqué par ma drôle de conversation, je me risque à lui adresser un petit compliment :

– Au fait, mademoiselle, je voulais vous dire : vous avez un très beau foulard. On voit tout de suite que vous avez du goût car ce n’est pas si courant de voir une jeune fille de votre âge avec un si joli cache-cou de nos jours. J’ai l’œil vous savez. J’ai remarqué que vous en portiez tout le temps. Pour moi, il ne fait aucun doute que vous affectionnez ce type d’accessoire raffiné.

Sans se retourner, d’une voix monocorde, sans même laisser paraître le moindre signe de flatterie ou sourire sur son blanc visage, elle me réponds en sortant :

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– C’est une obligation, un soucis esthétique. Rien que cela.

Cette réponse inattendue de sa part me laisse sans voix, comme désarmé.

* * *

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II

Vous tous, mes chers survivants, en lisant cette histoire, je me doute de ce que vous allez penser. A coup sûr, vous allez vous dire que je suis un fou, un menteur ou un illuminé. Tant pis, si vous voulez savoir, vous n’avez rien d’autre à faire que lire ce qui suit.

Je m’appelle Antoine Verneuil, j’ai déjà quatre-vingt-cinq ans. C’est mon plus grand exploit d’être arrivé à cet âge là. Comment ai-je pu y arriver sans rien dire de ce que je vais vous révéler ? Je n’en sais rien, c’est comme ça.

Pourtant, cela faisait bien longtemps déjà que je songeais à le faire mais jamais je n’avais réussi à me décider à raconter cette extraordinaire histoire. Celle qu’il m’a été donnée de vivre en ce bel été de l’année 1952. Une histoire qui, durant toute mon existence, est restée mon secret.

Durant toute ma longue vie et ce, malgré certaines interrogations curieuses de mon entourage,

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malgré les moments où je me croyais fort de pouvoir tout affronter, je ne suis jamais parvenu à la révéler. Je l’ai gardée cachée au plus profond de moi.

Ce qui m’était arrivé, c’était tellement irréaliste que j’ai toujours eu peur des regards et des moqueries qu’ils auraient provoqué de la part de mes camarades de travail, des incontrôlables réactions de mes amis ou de toute ma famille. Si j’avais osé, tous m’auraient considéré comme fou à lier. Ma vie professionnelle, ma vie personnelle et surtout ma vie familiale, auraient été certainement modifiées. J’en aurai irrémédiablement subi toutes les fâcheuses conséquences.

J’ai préféré garder cette histoire pour moi, comme finalement beaucoup de monde le fait, car je sais bien que personne ne dit jamais tout de sa vie. J’ai préféré souffrir en silence, en gardant ce secret caché au plus profond de mon être, en jouant une comédie tragique et en inventant à toutes et tous une réalité autrement plus crédible.

Jamais jusqu’à ce jour, je n’avais réussi à en parler véritablement ou à en faire la moindre allusion à personne, y compris à ma femme. Même pour elle, celle qui m’aura accompagné toute ma vie. Celle avec qui j’ai partagé tous les bonheurs, supporté les malheurs sans lui faire jamais partager les miens. Cette femme, qui cependant serait utile à l’instant où j’écris cette histoire. Ma main tremblante va avoir un mal fou à retranscrire mes souvenirs sans elle.

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Autant dire, c’est vrai, que ça n’aurait pas été facile du tout pour moi de lui raconter cette histoire au moment où elle s’est déroulée.

Il suffit simplement de rappeler le contexte social et surtout culturel de l’époque.

En ces temps, finalement pas si éloignés des nôtres, lorsqu’il arrivait quelque chose qui sortait de l’entendement, de la tradition locale ou religieuse, de la croyance populaire, ou tout simplement de la réalité faite à force de preuves rationnelles et parfaitement irréfutables, personne ne nous croyait. Il n’était laissé absolument aucune place au hasard, à l’imaginaire ou à l’impossible. Toutes ces extravagantes chimères étaient totalement inconcevables pour nos pauvres et conditionnées consciences d’alors.

De nos jours, plus personne n’a peur de le dire : ces affaires que l’on peut classifier de surnaturelles, de paranormales sont nombreuses. Il nous est devenu plus facile de les comprendre ou du moins d’accepter de les croire. La vie peut quelquefois réserver des surprises inhabituelles à n’importe qui.

Ces histoires que l’on a plus peur de raconter aujourd’hui sont mêmes parfois devenues normales. Il suffit de regarder la télévision : elles font souvent la « une » de nos journaux télévisés.

Toujours est-il que, soixante ans après, je me décide enfin, la main toute hésitante, lente et désynchronisée de mon cerveau resté lui incroyablement vif, de poser sur le

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papier, à l’intention de ceux qui me survivront, ce qui s’est réellement produit ce jour d’août 1952.

J’avoue aussi que c’est un besoin pour moi. C’est devenu indispensable pour conjurer ma peur. Ce sentiment que je n’avais quasiment jamais ressenti de toute mon existence.

C’est peut-être aussi parce que je suis devenu vieux et malade et par cette crainte de la mort qui commence à me montrer les signaux terribles de sa venue prochaine. Elle me glace. Elle me tourmente de plus en plus et m’oblige, comme on dit, à me dépêcher à régler mes comptes.

Pourtant, lorsque ces faits se sont produits, je l’avais d’une certaine manière rencontrée. Debout, campée en face de moi, je lui avais même parlé. Cependant, elle ne m’avait pas pris. Ce n’était peut-être pas mon heure comme on dit.

Aujourd’hui, puisqu’elle semble bien décidée à venir me chercher, forcément elle ne suscite plus pour moi la peur que chaque être normal redoute. Elle me rendra même, finalement, un grand service.

Le crabe dévoreur qui se nourrit de moi, de mes forces, celui qui s’est insidieusement installé au plus profond de mes chairs s’en charge depuis de longs mois.

Alors qu’elle vienne donc me chercher. Je l’affronterai, les yeux dans les yeux, comme à chacune des occasions où j’ai eu à surmonter des épreuves difficiles. Cependant, je crois savoir que, malheu-

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reusement, ce combat je ne le gagnerai pas. Alors, qu’elle me laisse seulement le temps d’écrire les lignes qui devraient suivre. Ces pages qui, normalement, devraient vous apprendre ce qui m’est arrivé.

Enfin, pour finir, je le dis : ce qui n’est pas écrit n’existe pas. Tel un deuxième testament rédigé de ma main, de ce lit d’où je sais bien que jamais je ne repartirai, j’implore de toutes mes forces et de toute mon âme le pardon de tous ceux et de toutes celles qui liront cette histoire lorsque je ne serai plus là.

Qu’ils me comprennent, qu’ils essaient au moins de le faire. Qu’ils m’excusent surtout de n’avoir pas su leur faire confiance et de n’avoir jamais trouvé le courage ni la force de leur en avoir parlé avant.

Nul n’est jamais entièrement maître de sa propre existence et c’est d’ailleurs pour cela, ai-je besoin de le rappeler, que nous ne sommes finalement que des hommes.

* * *