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    Langues anciennes

    Collège - Lycée

    Guide pédagogique

    pour le professeur

    Octobre 2005

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    Ce document a été réalisé par Pascal Charvet et Patrice Soler, Inspecteurs généraux de l’Education nationale. Coordination éditoriale : Aline Bibily, Direction de l’enseignement scolaire, Bureau du contenu des enseignements.

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    Sommaire PREAMBULE I. Lire, comprendre, traduire 1. Les différentes lectures du texte 2. Accompagner la compréhension 3. Traduire II. Progression des apprentissages pour lire, traduire 1. Travailler la différence : la spécificité irréductible du latin et du grec 2. Observer, identifier : pour une saisie synoptique des flexions verbales et nominales 3. Comment mémoriser, comprendre, retenir 4. L’usage du dictionnaire III. Continuité Troisième-Seconde 1. Les pré requis à l'entrée au lycée : le rôle indispensable de la mémorisation 2. L'articulation 3ème-seconde en grec 3. Travail sur les objets d’étude en grec en 3ème 4. Travail sur les objets d’étude en grec en seconde IV. La pédagogie de projet en langues anciennes : quelques exemples 1. Problématiser 2. Séquences et groupements de textes 3. Pour travailler la notion d’identité européenne 4. La traduction scientifique 5. Les prolongements V. Langue et civilisation VI. Ouvertures sur l’Europe 1. Mythe et histoire 2. Urbs et urbanisme VII. Utilisation des TICE en langues anciennes 1. Pourquoi les langues anciennes doivent s’intéresser aux nouvelles technologies éducatives 2. Pour une entrée en matière 3. Le traitement de texte 4. Tableurs, traitement de l’image, sitographie culturelle CONCLUSION

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    Préambule L’enseignement des langues et des cultures antiques en France fait l’objet d’un débat vif et passionnant, qui témoigne d’un certain nombre de difficultés rencontrées par les professeurs de langues anciennes – difficultés liées à la didactique de ces disciplines, aux conditions mêmes de sa mise en pratique dans les établissements ainsi qu'à la formation initiale et continue. Mais ces difficultés ne sauraient occulter nombre de belles réussites et l’intérêt toujours vivace que manifeste la réapparition actuelle de ces questions récurrentes : quel latin et quel grec enseigner, comment, pour quoi faire ? Ces questions, les professeurs y sont quotidiennement confrontés. Ils ont été conviés à y réfléchir lors des journées des langues anciennes organisées par la Direction de l’enseignement scolaire et l’Inspection générale de l’Éducation nationale les 7 et 8 décembre 2004. Le 16 décembre suivant, les IA-IPR de Lettres en charge du dossier de langues anciennes reprenaient à leur tour ces questions. Les propositions qui suivent tentent de leur apporter une réponse, afin que le latin, le grec, et la culture humaniste dont ils sont porteurs, ne soient pas seulement un passé, voire un héritage, mais un patrimoine vivant. Ce guide, où elles sont rassemblées, est un document d'aide et de réflexion pour les professeurs, offrant des perspectives et des conseils, où chacun peut, en fonction de ses objectifs, puiser librement.

    Ces principes s’inscrivent pleinement dans les programmes existants. Ils ne les remettent pas en cause, ne les modifient pas et n'ajoutent aucun nouvel objet d'étude. Ils tendent à servir l’esprit même dans lequel ceux-ci furent élaborés. Les propositions que l’on avance ici ont porté sur la mise en œuvre de ces programmes, à partir des interrogations ou des malentendus qui ont pu naître, à partir aussi du regain d’intérêt pour d’autres époques de la latinité et de la réflexion sur les notions même de patrimoine et d’héritage. Ces propositions prolongent, par exemple, les programmes en élargissant le corpus des textes latins jusqu’aux temps modernes et celui des textes grecs à l’Antiquité tardive, dans le respect des objets d’étude et de la logique des séquences. Elles mettent avant tout l’accent sur les apprentissages au collège et sur l’articulation cruciale collège-lycée. Elles pourront être accompagnées de publications, par exemple au CNDP, qui offriront un choix varié de textes avec leur traduction, ainsi que des exemples concrets et détaillés de pratique pédagogique pour les cycles d'enseignement de latin et de grec. Elles poursuivent les objectifs suivants : - Définir des axes pour harmoniser les pratiques en cours, tout en laissant au professeur de langues anciennes sa nécessaire liberté pédagogique, en fonction des réalités du terrain et d’un usage raisonné et critique des manuels. - Rendre au “ ludique ” (rappelons-nous les sens de ludus à Rome) sa fonction proprement maïeutique : inventer des formes destinées à diversifier des pratiques en se mettant à la portée de l’élève pour en faciliter les progrès. Cette diversité est réfléchie et toujours mise au service des objectifs visés. - Insister sur la nécessaire continuité des apprentissages entre les cycles. Cette continuité suppose des pôles linguistiques définis de manière cohérente, ainsi que des pratiques de concertation organisées entre les collèges et les lycées, les lycées et l'Université. Cette continuité ne nie pas la spécificité de chaque niveau, mais elle la considère dans le cadre d’une progression concertée, de la 5ème à la terminale. - Souligner le rôle décisif d’impulsion que peuvent avoir le latin et le grec pour créer des liens entre disciplines (sans se restreindre au cercle des disciplines littéraires), et pour aider l’élève à acquérir une culture humaniste et des perspectives historiques plus riches sur le monde contemporain, tant sur le plan de l’individu que sur celui de la communauté. - Rappeler au professeur de latin ou de grec qu’il doit savoir légitimer par son cours la valeur irremplaçable de ce qu’il transmet et ne pas renoncer aux ambitions propres à sa discipline.

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    Si l’on est convaincu que la culture antique constitue un élément essentiel pour la maîtrise des savoirs, il faut aussi être prêt à adapter son enseignement de manière qu’il puisse devenir un auxiliaire général de la formation. Insister sur l'importance du socle culturel gréco-latin ne signifie pas renoncer à la connaissance de la langue et à des exigences linguistiques : mais il s’agit de savoir échelonner ces exigences pour pouvoir les renforcer. Ces principes visent donc à maintenir une articulation judicieuse et un juste équilibre entre culture et langue. Ils visent également à rappeler que le lien avec la langue française – ou avec les langues européennes pratiquées – est constant et nourricier, et que les littératures latines et grecques sont riches de textes sources pour les autres disciplines, tout particulièrement pour le français.

    I. Lire, comprendre, traduire

    1. Les différentes lectures du texte Il suffit de se rappeler la prégnance à Rome du modèle de la parole oratoire (étymologiquement rattachée à os, la bouche) dans la réception des œuvres, pour mesurer l’urgence de refonder dans nos enseignements la lecture à voix haute. A l’échelle de la séance de cours, on fera donc en sorte que la lecture ne soit pas une formalité préalable mécanique, mais qu'elle ait à chaque fois une finalité précise.

    La lecture orale préalable du professeur Cette lecture, lecture modèle, est là pour donner des indices du sens global afin de fournir des points d’appui à une amorce de déchiffrement du texte. Par lecture, on peut entendre une découverte du texte dans son flux et son déroulement, avec des points d’appui phrastiques et discursifs variés, tels que rythmes binaires et ternaires, parallélismes et antithèses, récurrence et variations thématiques, gradations, expansions… En effet, ce n’est pas seulement un code que l’on découvre, mais l’usage spécifique qui en est fait, lequel demande un effort sans cesse renouvelé d’adaptation. La mise en page du texte, son organisation en masses, aident à la mise en bouche : c’est bien un parcours qu’il s’agit de concevoir, avec ses objectifs, ses haltes et son rythme. Cette avancée par la lecture dans un texte grec ou latin, si marqué par les disjonctions, par diverses formes de retardement et de suspension, peut ainsi faire apparaître son rôle éminemment formateur pour l’intelligence : cette démarche, en effet, forme peu à peu l’esprit à oser rapprocher des éléments perçus comme éloignés et à séparer des éléments que leur proximité invite à lier. On marque ainsi des rapports de distance ou de proximité qui échappent au premier regard. C’est pourquoi une judicieuse entrée par la lecture du seul latin ou grec consiste à retrouver les articulations syntaxiques et sémantiques d’un texte, telles que les forge la traditionnelle (et souvent féconde) analyse logique, grâce à une succession de lectures et relectures, prises en charge à tour de rôle par les élèves et le professeur. Le but de ces dictions variées du texte est de faire apparaître par le jeu de la voix et des inflexions, ainsi que par les variations de rythme et de hauteur, l’organisation formelle et charnelle du texte, permettant ainsi à l’élève de commencer à s’approprier celui-ci. Dans la pratique graphique et typographique, cela peut correspondre à ce que l’on appelle l’équipement d’un texte pour les grands débutants. Les bénéfices de cette lecture imprégnation du texte non traduit seront récoltés dans l’opération de traduction, à condition toutefois de choisir des textes accessibles qui se prêtent à la lecture.

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    Exemples pour le choix de ces textes à lire En latin - Textes fondés sur des antithèses réitérées, comme en offrent Sénèque ou Salluste, des reprises systématiques, des retours et récurrences marqués. - La parole religieuse, tout particulièrement, offre des formules allitérantes et donc aisées à mémoriser (à mettre en corrélation, en français, avec des formules poétiques). “ Toute la religion reposait sur la force efficace du mot ”, rappelle Danielle Porte (Le Prêtre à Rome, Petite Bibliothèque Payot, 1995) à propos de la “ formidable machine rituelle ” de la religion romaine. - Phrases narratives avançant par expansion comme chez Tite-Live (à sélectionner en fonction de leur complexité, qui doit rester limitée). S’efforcer de faire apparaître des schémas dynamiques fréquents. - Poèmes de la période classique, comme des poèmes courts de Catulle. - Passages de controverse ou de satire (des portraits, par exemple) construits sur le climax, la gradation dynamique. - Certains genres de la poésie latine de la Renaissance en vers courts, qu’on pourra puiser dans l’Anthologie de la poésie lyrique latine à la Renaissance de Pierre Laurens (Poésie-Gallimard, 2004). En grec - Entre autres, on pourra s’appuyer sur des textes de Lysias (à antithèses, balancements) recommandables dès le début de l'apprentissage. - Pour la mythologie, on pourra par exemple choisir parmi les textes de l'Épitomé d'Apollodore (voir l’ancienne édition Hachette par Dupin et Fournier, Classiques Hachette, 1927, ou la nouvelle édition de l’Université de Besançon avec notes, Jean-Claude Carrière et Bertrand Massonie, Apollodore le mythographe, Bibliothèque, Annales littéraires de l'Université de Besançon, 1991).

    La lecture collective La lecture collective à partir, entre autres, d’un support projeté, a pour objectif le repérage d’indices concrets qui servent de point de départ aux hypothèses de sens : noms propres, mots “ transparents ”, connecteurs spatio-temporels, champs lexicaux, phrases clés… Il s’agit de montrer que la lecture n’est pas linéaire mais constitue un processus complexe d’allers et retours.

    La lecture silencieuse individuelle Le moment de lecture silencieuse individuelle, que l’on développera peu à peu, a pour but d’approfondir la concentration et de faire que chaque élève s’approprie les marques de la lecture oralisée.

    Les lectures prises en charge ou interprétées par des élèves Qu’elles soient lecture tabulaire classique, récitation, enregistrement audio, interprétation dramatisée, elles sont toujours l’occasion de vérifier la maîtrise des groupes de mots et l’appropriation du sens. Mais on ne liera pas systématiquement lecture et traduction achevée : la lecture met déjà en évidence visuellement ou oralement le mouvement de la phrase. Dans les textes oratoires, dont on connaît le caractère de modèle formateur, la rhétorique modélisante, le flumen orationis et la copia, les antithèses d’une parole souvent agonistique seront l’occasion de s’exercer à la diction. On insistera tout particulièrement sur cette lecture orale, par laquelle l’élève s’approprie de manière vivante et concrète la langue et la parole d’un auteur dans son mouvement spécifique. Il ne faut donc pas hésiter à faire, périodiquement, du cours de latin ou de grec un cours de

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    lecture, donner à sentir à nos élèves que, par le seul biais du lire, ils sont, sans le savoir, déjà des interprètes.

    2. Pour accompagner la compréhension

    Sélection et présentation des textes Sélection Comme le prévoient les programmes, on peut faire étudier des passages longs, en traduction, et faire jouer toutes les inférences entre ceux-ci et le texte latin ou grec. Mais on prendra garde à mettre en cohérence les objectifs de la leçon avec les fragments proposés aux élèves dans le texte original. En cinquième tout particulièrement, on évitera de souscrire aux dérives dont certains manuels ne sont pas exempts, consistant à faire apprendre les première et seconde déclinaisons, ainsi que le présent de l'indicatif, en face de textes écrits au passé et remplis de mots se rattachant aux autres déclinaisons. Le plus raisonnable est de faire travailler les élèves débutants sur des textes courts, le plus souvent bilingues, mais riches de sens et de mots en rapport avec les notions culturelles ou linguistiques que l’on souhaite étudier. Présentation Si le choix des textes authentiques s'impose, littéraires ou non, il convient également de veiller à ce qu'ils ne soient pas trop difficiles pour les élèves. Pour ce faire, on varie les présentations et on adapte la présentation aux objectifs visés : - texte latin ou grec décomposé en unités de sens simplifiées, - textes bilingues avec présentation juxtalinéaire ou para linéaire, - texte "appareillé" avec groupes fonctionnels marqués par des barres, par des blancs, par des polices différentes, - texte dit "noirci par endroits" ou texte en alternance latin/français, - textes à décrochements typographiques qui alignent les syntagmes de même fonction, - texte surlignant en caractère gras le noyau des phrases. On s'efforcera, à défaut de bénéficier d'une salle à pupitres informatiques pour les élèves, d'utiliser le rétroprojecteur, ou le vidéo projecteur couplé au portable du professeur, ce qui agrémente la visualisation, tout en permettant de réaliser de substantielles économies de photocopies. La projection à partir d'un ordinateur offre surtout la possibilité d'animer la progression dans le texte et de mémoriser les étapes du travail. Ce support commun favorise également l’échange entre les élèves (par la traduction collective). Cette variété dans la présentation des textes permet de rendre accessibles dès le collège des textes qui auraient pu être jugés difficiles autrement.

    Guider la compréhension On peut caractériser chaque stade de la compréhension par une méthode, une approche spécifique, et ne pas rester fixé sur l’unique résultat final de la traduction achevée. Parmi les approches envisageables, on peut : - alterner questions globales et questions de détail sur le texte, - varier la langue dans laquelle est posée la question : questionner en latin ou en grec avec une réponse attendue soit en français, soit dans la langue ancienne (au moyen de questions simples), avec le support du texte. C’est là un moyen vivant de faire repérer les groupes de mots, ainsi que de faire utiliser et réutiliser les structures grammaticales. Il convient aussi de savoir arrêter la compréhension en fonction de l’objectif, et de ne pousser la compréhension dans le détail que sur les textes “ riches ” ou esthétiquement remarquables. L’essentiel est de savoir avancer pour ne pas lasser et de prévoir des haltes et des respirations.

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    Deux principaux modes d’approche préliminaire du texte Pour ce qui regarde la sensibilisation avec le texte, on se reportera à la partie I.1. Il est donc possible de décliner, sans qu’ils s’excluent l’un l’autre, les mérites respectifs de deux grands types de lecture. La lecture bilingue synthétique Elle permet : - de désacraliser la traduction, tout en rassurant, - d’aborder les faits de langue dans des textes authentiques, - de ne pas écarter les grands textes, riches à commenter, - de confronter les structures du latin et du français, - de comparer des traductions et de cerner le goût d’époques différentes (on ne traduit pas de la même manière au XVIIIème et au XXème siècles), - d'effectuer une étude comparée de textes, un travail sur un genre littéraire (par exemple la fable, le conte) en lien avec la classe de français, - de pratiquer des travaux de vocabulaire : étude de champs lexicaux, groupements étymologiques,… - d’enrichir tel ou tel aspect de la civilisation, - de manière générale, de visualiser davantage de latin, de se familiariser avec un vocabulaire fréquentiel et avec l’ordre de la phrase latine, de passer ainsi d’une connaissance passive à une connaissance active. La lecture linéaire analytique Elle permet de préparer la traduction et l’étude de tel ou tel point grammatical, sur des textes choisis pour leur densité. L’identification des groupes de mots est ici indispensable et cet apprentissage est mis en place dès le début de la cinquième. Voici quelques directions possibles pour travailler sur l’identification des groupes de mots et pour passer progressivement d’une identification assistée à une identification autonome : - Clarifier la notion de groupes de mots : s’appuyer sur le français tout en rendant compte de la spécificité du latin (voir les réflexions de W.G. Hale, The Art of Reading Latin, Cornell University Press, 1987, sur la construction du sens pour un Latin. Le texte, traduit en français par Yves Ouvrard, est disponible à cette adresse : www.weblettres.net/languesanc/hale/). - Au départ et par la suite marquer oralement avec des pauses importantes, exagérées même, les groupes fonctionnels. - Régulièrement à l’écrit, proposer une segmentation avec des blancs ou des crochets qui correspondent aux pauses de la voix à l'oral. - A l’oral et à l’écrit, demander de justifier certains groupes proposés. - En préparation, demander de relever les groupes de mots d’un court passage sans traduire. Aux élèves de justifier ensuite les groupes de mots retenus, en s'appuyant sur les désinences. - Après traduction en classe, demander aux élèves par oral ou par écrit de reproduire à leur tour la segmentation de quelques phrases (un bon test d’évaluation) en recourant, selon la progression séquentielle et l'équipement de la classe, au tableau, à l'écran d'ordinateur, etc., en usant, chaque fois que nécessaire, d'une présentation par décrochement (voir I, 2). - Inversement, faire suivre la décomposition par la recomposition, pour habituer les élèves à ne pas mettre la phrase en lambeaux, à lire et à traduire, autant que possible, le latin dans l’ordre où il se présente : clé d’une véritable lecture cursive. Il suffit parfois de quelques ajustements pour que la traduction française accepte l’ordre du latin. Lors d'une traduction plus élaborée, naturellement, le français pourra retrouver ses subtilités, son ordre le plus expressif. - Pour une véritable initiation, faire pratiquer des exercices d'expansion des groupes nominaux à partir d'une phrase nominale. - Reprendre, après quelque temps, un texte déjà proposé avec les groupes marqués et des schémas de phrases tout faits : les élèves reconstitueront ces groupes et ces schémas en les

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    justifiant. - De mémoire, à l'oral, reconstituer un texte traduit avec mise en évidence des groupes. - Proposer des lectures à deux voix où un élève donne les groupes de mots en français, l’autre en latin, ou inversement.

    3. Traduire L’activité de traduction ne concerne aujourd’hui dans notre enseignement que fort peu d’élèves. Ce constat malheureusement fondé intervient à un moment où plus que jamais les langues anciennes offrent une rencontre de l'Autre, une “ épreuve de l’étranger ” indispensable à l’identité du futur citoyen. La classe de grec ou de latin reste le premier atelier des échanges interculturels. Pour que l’apprentissage du latin et du grec puisse à la fois favoriser la constitution d’un socle culturel commun à tous les pays d’Europe et la découverte par les élèves de l’altérité, il est nécessaire de refonder une véritable pratique de la traduction scolaire. C’est pourquoi, conformément aux indications des nouveaux programmes, on s’efforcera, plutôt que de traduire pour traduire, d’obtenir des traductions abouties et personnelles sur des textes courts, authentiques, accessibles (qu'ils soient littéraires ou non) en faisant des élèves de vrais apprentis traducteurs.

    La traduction n'est pas l'épuisement du texte De même que la lecture analytique pratiquée en français est une lecture consciente de ses choix, de même la traduction en langues anciennes ne peut prétendre fixer une fois pour toutes la vérité absolue du texte et se perdre dans cette recherche. Pour lutter très tôt contre un perfectionnisme décourageant tout en proscrivant le charabia, on fera prendre conscience que la traduction n’est pas l'épuisement du texte, ni une façon de s’en détourner par la suite, mais qu’elle est un chemin personnel toujours à renouveler. On n’hésitera pas, grâce à l’étude comparative, à problématiser cette traduction.

    La leçon des traducteurs de l’Antiquité Les difficultés rencontrées par les Anciens eux-mêmes pour passer d’une langue à l’autre touchent généralement les jeunes élèves et leur font sentir à quel point la traduction constitue, pour eux, débutants, mais aussi pour chacun, y compris pour ceux qu’on leur demande de traduire, un exercice complexe. Plutarque confie avec humour qu’il a eu du mal à apprendre le latin (Vie de Démosthène, II) : il avoue que son ignorance des mots l’a souvent obligé à se fonder sur sa connaissance des faits pour en déduire le sens des textes qui les relataient : une expérience proche de celle de l'élève qui essaie de “ deviner ”… Il peut également être très fécond d’examiner (traductions françaises le plus souvent à l’appui) comment Cicéron traduit (ou adapte) Platon, de comparer par exemple l’histoire de l’anneau de Gygès dans La République, II, 359c et dans le De Officiis, III, 38-39. (Voir R. Poncelet, Cicéron traducteur de Platon, l’expression de la pensée complexe en latin classique, Paris, De Boccard, 1957, p. 260 sq.). Cicéron s’interroge sur la polysémie de certains mots dans sa langue natale : on pourra faire lire à l’apprenti latiniste ses remarques sur carere dans Tusculanes, I, 87-88. On peut enfin montrer aux élèves comment les Anciens concevaient la traduction, leur expliquer qu’ils étaient bien moins pointilleux que nous en ce qui concerne le mot à mot, lequel était souvent sacrifié au sens et au mouvement de l’ensemble. Selon Cicéron, il faut traduire non comme un interpres, mais comme un orator (De optimo Genere oratorum, V, 14). Et saint Jérôme, le patron des traducteurs, écrit : " non uerbum e uerbo sed sensum exprimere de sensu " (Lettre LVII à Pammachius). L’élève découvrira qu’il n’y a pas “ la bonne ” traduction, mais que traduire, c’est prendre des risques.

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    Le laboratoire des ateliers de traduction Dès le collège, on peut ouvrir de petits ateliers de traduction où l'on travaillera sur des textes très courts : - traduction collective, ou par groupes, ou individuelles - traductions intégrales ou partielles comme pour l'épreuve du baccalauréat. Ces ateliers se déroulent selon une périodicité régulière et selon un vrai projet individuel de traduction. Ce dernier pourra être consigné dans un carnet de traduction, assez semblable aux carnets de bord qui accompagnent les Travaux personnels encadrés ou les enseignements de théâtre. On proposera la confrontation de deux ou trois traductions différentes : en 3ème, les élèves auront des difficultés à analyser une traduction seule ; il sera plus aisé de comparer des traductions très typées, sur des passages courts et accessibles, ou travaillés en classe de manière approfondie. Cette comparaison de traductions devrait aboutir à une traduction personnelle, ainsi facilitée ; on fera appel à la rigueur et à la sensibilité de chacun, afin que les élèves ne se contentent pas de comparer les traductions françaises sans se référer au texte latin. Pour les comparaisons de traduction, l'on n'hésitera pas (surtout au lycée) à se servir, dans la mesure du possible, de traductions étrangères (anglais, allemand, italien, espagnol). Si l'utilité de la traduction orale est évidente, il ne convient pas pour autant d'attendre la classe de 3ème pour réaliser une traduction écrite, même modeste ou partielle. Elle peut n’être que collective, mais dans ce cas une production écrite du groupe sera demandée. Pour parvenir à ce que l’élève mène une vraie réflexion sur la traduction à partir de textes simples, on veille à reprendre et à vérifier l’acquisition des textes traduits. Le retour fréquent vers des textes déjà traduits est recommandé : il ravive le vocabulaire, la reconnaissance des groupes de mots, l’apport culturel du texte. L'objectif prioritaire est d'obtenir : - une traduction personnelle qui constitue un véritable travail d'écriture, - des travaux de comparaison de traductions (traductions littéraires et universitaires) avec mise au net des partis pris de chaque traduction et rédaction (évaluée) de brefs articles critiques exposant les choix des traducteurs. On veillera à accueillir toutes les propositions et à les discuter avec l’ensemble de la classe, de façon à aboutir à plusieurs traductions possibles. C’est à partir de ce travail de traduction que pourra s’élaborer un commentaire littéraire établi par les élèves, avec l’aide du professeur.

    II. Progression des apprentissages pour lire et ou traduire

    1. Travailler la différence : la spécificité irréductible du latin et du grec En effet, pour permettre la découverte d’une langue, et notamment d’une langue ancienne, il est nécessaire de mettre d’emblée l’accent sur sa spécificité irréductible. Il est important de montrer, dès les premiers cours, en quoi son système diffère du nôtre. On prendra ici l’exemple du grec.

    Pour un portrait de la langue grecque Au moins six grands traits distinctifs permettent assez vite d'identifier le grec. - Le caractère oral Le caractère oral de cette langue, dénuée de signes de ponctuation, où les particules servent à marquer le mouvement et l’articulation des idées : γάρ (gar) correspond souvent moins à “ en effet ” qu’à nos deux-points, ou à l’ouverture d’une parenthèse, de guillemets, à l’entrée dans le discours indirect : δέ (dé) peut tenir la place d’une ponctuation forte ou faible... Voir J. Humbert, Syntaxe grecque, 1972, § 657 sq.).

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    - L’importance de la parataxe L’importance de la parataxe, comme système de parole, d’écriture, de pensée (c’est l’occasion de régler, d’entrée de jeu, les problèmes liés au système µέν… δέ (men… dé), et faire voir aux élèves comment ce fameux couple de particules "sert à faire la part des choses". - Le jeu des temps et des aspects Sachant que rien n’est plus important pour une civilisation que le rapport qu’elle entretient avec la temporalité, l’enseignant montrera que la langue grecque diffère fondamentalement sur ce point du français (et même du latin). Ainsi, au lieu de partir du présent pour découvrir ensuite l’aoriste, suivra-t-il, avec profit le chemin inverse, expliquant que l’aoriste, comme le suggère l’étymologie, est “ indéterminé ”, tandis que, très souvent, le présent est une forme dérivée (comme en témoigne la présence de redoublements et de suffixes). Le professeur, à côté du temps, mettra l’accent sur la notion d’aspect et de modalité. - L’importance du participe Sa fréquence bien plus courante que dans la langue française, et sa fonction majeure dans l’économie de la phrase grecque imposent de l’étudier au plus vite. Il porte le plus souvent l'accent de la phrase : τί βουλόµενος τοῦτο λέγεις; (ti boulomenos touto legeis ?). Ce sera l’occasion de souligner, du même coup, l’aspect verbal et concret du grec (comme d'ailleurs du latin) par opposition au français, nominal et abstrait. Forme matrice, le participe est encore la voie d'accès aux paradigmes des adjectifs : le participe médio-passif pour ceux de la première classe, le participe actif pour ceux de la deuxième classe. - La possibilité de substantiver à peu près tout Notamment l’infinitif et le participe, est offerte au grec par l’article (inconnu du latin), et, qui plus est, par l’article décliné (inconnu du français). L’enseignant pourra organiser des séances pratiques, fondées sur quelques phrases, où il montrera ce qu’apporte ou empêche, dans chacune des trois langues, la présence ou l’absence d’article. De plus, à partir de l’article, il soulignera la différence fondamentale entre la construction du nom avec article dite « distinctive » et la construction du nom sans article dite « attributive »; dans le premier cas le nom est placé sous le contrôle de l’article, et la construction « attributive », dans le second il s'en affranchit et prend une fonction circonstancielle. - L’inscription de la subjectivité dans la langue Le jeu, qui n’existe pas en français, de la négation µή (mê) par rapport à οὐ (ou) en grec, de la conjonction ὡς (ôs) par rapport à ὅτι (oti), constitue autant de façons d’inscrire la subjectivité dans la langue. Dans le même esprit, on pensera bien sûr aussi à certains effets de la voix moyenne, lorsque sa valeur se perçoit par contraste avec l’actif et le passif : par exemple πειθεῖσθαι (peithesthai) prend le sens d’obéir, entre persuader et être persuadé ; γαµεῖσθαι (gameisthai, s'unir à un mari) par rapport à γαµεῖν (gamein, prendre femme), ce n’est pas un passif, comme le prouvent ses temps primitifs ; la différence entre εἰρήνην ποιεῖν (eirênên poein, négocier la paix) et le moyen ποιεῖσθαι (poieisthai, conclure la paix pour soi).

    Pour un portrait du français, vu des langues anciennes À l’inverse, on peut partir d’éléments dont le français dispose et qui n’existaient pas dans les langues anciennes, pour expliquer formes et structures. Ainsi, l’absence du “ oui ” et du “ non ” comme adverbes isolés impose-t-elle un rythme particulier à la pensée des Anciens, notamment à leurs dialogues. De même, l’absence en latin du participe passé actif explique la fréquence de plusieurs structures syntaxiques qui ont une fonction analogue : le cum historicum, l’ablatif absolu, le participe passif apposé.

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    2. Observer, identifier : pour une saisie synoptique des flexions verbales et nominales

    On habituera très tôt les élèves à décomposer les mots en leurs éléments : cette opération est indispensable pour une appréhension raisonnée du sens de la phrase. Il s’agit d’apprendre à regarder dans un premier temps. On évitera souvent les fausses intuitions, les traductions vécues comme de simples devinettes parce que fondées uniquement sur la sémantique et non sur la morphologie. Ce souci peut commander le critère de choix des textes, (par densité d’occurrences des mêmes phénomènes : des instruments informatiques tels que les index et concordances du site de l’université de Louvain, ou les bases PHI ou du TLG peuvent être d’une aide précieuse dans cette recherche du texte pertinent). Les analyseurs morphologiques de Perseus ou de Collatinus, plus simples, permettent de n’exclure d’emblée aucune possibilité. On mettra l’élève le plus tôt possible en situation de maîtrise synthétique, en faisant jouer le principe de causalité chaque fois qu’on le peut, et en montrant les liens qui unissent le radical au paradigme, ou l’étymon à ses dérivés. L’enseignement des langues anciennes tend en effet à rester trop souvent et trop longtemps analytique et additif. En conjugaison, le clivage infectum vs perfectum doit faire l’objet d’une explication aspectuelle et présider beaucoup plus tôt à la mémorisation des temps conjugués. De même, la différence entre flexion thématique et athématique doit émerger comme principe de classement, sans surcharger la mémoire de l’élève, et sans attendre qu’on soit parvenu à la déclinaison ou à la conjugaison classiquement numérotée comme la dernière. On s’autorisera, dans cette mise en place d’un cadre mémoriel pour les formes à venir, toutes les ressources de la couleur, de la mise en page, de la rythmique, de la mise en musique, qui font appel aux ressources de la mémoire humaine.

    3. Comment mémoriser, comprendre, retenir

    Morphologie Dans ce domaine, il est nécessaire d'avoir recours à des tableaux simplificateurs, tant pour les déclinaisons que pour les conjugaisons. Exemple, en latin - Pour une vision raisonnée de l'ensemble des temps verbaux, montrer à l'aide d'un schéma construit avec la classe que le thème d'infectum est nécessaire pour élaborer et identifier dans des textes le présent, l'imparfait, le futur actifs et passifs ; le thème du perfectum pour le parfait, le plus-que-parfait et le futur antérieur actifs ; le thème du supin, auquel on adjoindra des formes de esse, pour le parfait, le plus-que-parfait et le futur antérieur passifs. On rendra ainsi légitime l’apprentissage des temps primitifs. - Pour chacun des temps, on dégagera progressivement les traits caractéristiques et discriminants de chacun d’eux, en s'appuyant sur les grands paradigmes que sont radical, suffixe, voyelle de liaison, désinences personnelles. Après l’étude de l’imparfait, les élèves, en lisant /eram/, seront capables de décomposer cette forme verbale en /e-r-a-m/. Le temps, la personne et la voix ont ainsi plus de chance d’être perçus. - Il en sera de même pour les déclinaisons. Pour chaque déclinaison une étude raisonnée des thèmes vocaliques, consonantiques, semi consonantiques et des désinences casuelles devrait permettre dans un texte de ne plus seulement lire /manuum/ mais /manu-um/, /consulum/ mais /consul-um/.

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    Phonétique Un principe : un professeur informé de l'évolution phonétique de la langue la fait apprendre avec plus d'économie et de rapidité. Sans vouloir encombrer la mémoire des élèves d'éléments de phonétique historique hors de leur portée, le professeur aura néanmoins le souci d'offrir de la langue une description rendue cohérente par un regard historique sur l'évolution de la langue. Dans son cours, il s'efforcera de présenter les formes à acquérir en se guidant sur quelques règles phonétiques simples, comme l'apophonie, le rhotacisme, l'assimilation, ou encore l'analogie. Que l'on nous comprenne bien ici : il n'est pas question d'imposer à de jeunes élèves des séances de phonétique historique, mais il est question pour le professeur, de se souvenir clairement des grands phénomènes à l'œuvre dans ce domaine pour pouvoir en donner aux élèves la conscience récurrente et empirique. Sans cet éclairage indispensable, tout est pour les élèves bizarrerie, exception : selon quelle logique vetus devient-il veteris au génitif, par exemple ? En l'occurrence, deux règles phonétiques simples, le rhotacisme et la transformation de toute voyelle brève en "e", devant un "r", permettent de rendre compte de ce phénomène et de bien d'autres : ainsi vetus appelle-t-il vetusis, vetusis a donné veturis par rhotacisme, et veturis est devenu veteris. - On retrouvera ces règles en abordant l’infinitif (leg-i-se > leg-i-re > leg-e-re ) ou le parfait (amav-is-unt > amav-ir-unt > amav-er-unt ). Grâce à ces explications, l’élève comprendra mieux plus tard la présence du suffixe -se dans les infinitifs es-se et amav-is-se et la caractéristique –is du parfait dans amav-is-se. Peu à peu habitué à reconnaître ces transformations récurrentes, l’élève pourra accéder à une compréhension active de la phonétique la plus fréquentielle et la vivra comme un jeu. Pour le grec la même sensibilisation peut avoir lieu, si l'on garde en mémoire : - les caractéristiques du système consonantique (sourdes, sonores, aspirées ; dentales, labiales, vélo-palatales) indispensable pour faire comprendre sans surcharge l'étude des thèmes nominaux consonantiques, mais aussi la formation du futur et de l'aoriste sigmatique, - les caractéristiques du système vocalique (les types de contractions), - les notions de racine, de thème, de suffixe de formation (fort utiles pour la composition nominale, mais aussi pour comprendre l'aoriste thématique).

    Sémantique : comment faciliter la mémorisation du vocabulaire ? Comme on vient de le voir dans l'approche paradigmatique en morphologie, il convient de favoriser une approche unifiée de la langue par ses noyaux, et non de procéder par empilement de séances additives. C’est pourquoi on s’efforcera de mettre en œuvre les principes suivants dans l'apprentissage du vocabulaire. Dans le système interne à la langue On sollicitera la mémorisation : - par radicaux, avec les dérivés et les composés. Exemples en latin : fides (fidus, fiducia, fidelis, confido, diffido, perfidia etc.. en allant jusqu’à foedus) ; Exemples en grec et en latin : φηµί (phêmi) /fari (infans, fatum, fas, nefas, fabula, fama, fateor, confiteor…). On se servira des dictionnaires étymologiques de P. Chantraine pour le grec, de A. Ernout et A. Meillet pour le latin. - par couples d’antonymes. Cette méthode est très féconde car elle permet de dégager les structures fondamentales d’une société, d’une pensée, d’une langue. Exemples en latin et en grec : les oppositions entre urbanus vs rusticus, privatus vs publicus, ἴδιος vs κοινός (idios vs koinos), ingenium vs ars, horridus vs cultus, φύσις vs νόµος (phusis vs nomos). - en comparant des notions voisines pour préciser les nuances qui les distinguent. L'exploration graduée de champs notionnels permet par exemple en latin et en grec de

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    parcourir tout l'itinéraire tragique en allant du hasard à la nécessité : casus, fors, fortuna, sors, fatum / τύχη (tukhê), µεταβολή (métabolê), κλῆρος (klêros), µοῖρα (moira), ἀνάγκη (anankê)… Dans le rapport de la langue ancienne au français et aux autres langues - Comparer les mots latins aux mots français de même racine. - Inclure systématiquement les rapprochements avec les langues vivantes étudiées par ailleurs, autant que possible en construisant une cohérence des acquis lexicaux (voir VII, TICE et langues anciennes, Tableaux et tableurs). - Faire repérer et mémoriser, de la langue ancienne vers le français et les langues vivantes, les préfixes et les suffixes les plus courants, ce qui permet de faire découvrir le sens des mots nouveaux accessibles. Gardons à l'esprit que le ludus, là encore, est une des clés de l'apprentissage, jusque dans ces "boîtes à vocabulaire" où les élèves piochent régulièrement pour réactualiser ce qu’ils ont appris. Exempla Il ne faut pas craindre d’assumer l’apprentissage par cœur. Celui-ci portera sur des passages courts, qui serviront d’exempla et de références éclairantes pour l’élève. Il faut toujours mettre le passage en situation, bien sûr : dans sa culture d’origine, dans son contexte, dans la situation d'apprentissage où le décloisonnement a permis de le rencontrer. Chaque fois que possible, mêler le jeu dramatique, le chant, les arts visuels à cet apprentissage. On ne retient pas une formule pour la formule, mais pour la clé qu’elle représente, ouvrant vers une conquête intellectuelle et vers un imaginaire.

    4. L'usage du dictionnaire Les langues anciennes sont extrêmement formatrices pour l’utilisation d’un dictionnaire. Or l'expérience montre combien, lors d'une épreuve de version latine ou de version grecque, cet objet est encore trop souvent une bouée et un leurre tout à la fois. Une bouée, car on se précipite, dans un mouvement de panique, sur le Bailly, le Lacroix ou le Gaffiot, avant même d’avoir lu le texte en entier, de peur d’être noyé dans l’inconnu. Un leurre, car trop souvent on l’utilise comme un annuaire, cherchant à y dénicher la formule exacte qu’il suffira de recopier, n’osant pas prendre assez de recul pour proposer sa propre traduction. Il est donc important de conjurer les peurs nées de la perspective d'affronter le texte, par une familiarité précoce avec de vrais dictionnaires. On expliquera donc absolument dès le début du collège : - comment identifier un mot à partir de ses différentes formes, reconnaître le vocabulaire connu puis inconnu sous forme d’entrée de dictionnaire dans ses formes fléchies dans un texte, - la méthode à mettre en œuvre pour lire un article de dictionnaire afin de parcourir la polysémie du mot ; on mettra très tôt les élèves devant un Gaffiot, un Bailly non abrégés, ou en lien avec l'anglais un Liddell-Scott-Jones ou un Lewis and Short en ligne sur le site de Perseus (en projection). C’est ainsi faire prendre conscience aux élèves que traduire, ce n’est pas passer directement, comme le fait croire l’usage d’un lexique préfabriqué, d’un mot dans la langue source à un mot dans la langue cible : c’est d'abord pratiquer un inventaire des emplois, lancer une ou plusieurs hypothèses sur le sens dans le texte, avant d'aboutir à une expression adéquate. Entretenir l'idée qu'il existerait un lexique ad hoc immédiatement applicable à un texte serait donner aux élèves une vision extrêmement limitative de ce qui construit le sens d’un mot. Un logiciel comme Collatinus (voir VII, TICE et Langues anciennes) sera d’une aide précieuse pour s’aventurer plus loin dans les différents sens d’un mot. Cette mise en garde lexicographique vaut d'ailleurs tout autant pour l'acquisition du vocabulaire en langue maternelle ou dans les langues vivantes étrangères.

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    III. Continuité troisième-seconde

    1. Les pré requis à l'entrée au lycée le rôle indispensable de la mémorisation

    Dès le départ, au collège, privilégier la fréquence non seulement pour le vocabulaire, mais aussi pour la syntaxe : les premiers mois sont fondamentaux pour l’acquisition de la grammaire, et en particulier pour les tours spécifiques du latin et du grec. Dans cet esprit il importe d'aborder très tôt le participe et l’ablatif absolu, l’infinitif et la proposition infinitive, le relatif et la proposition relative selon un processus réfléchi, patient et sécurisant : voir, revoir, se familiariser, expliquer, approfondir, réinvestir. Pour le vocabulaire à apprendre, une base de 800 mots reste capitale. Ce nombre n’est pas imposé au hasard : les 1000 mots les plus fréquents de la langue latine couvrent 85% des occurrences de tout texte. Si les élèves mémorisent 800 mots, ils en connaissent effectivement 1000 par le jeu des préfixes, préverbes.

    2. L'articulation 3ème-seconde en grec Les flexions nominales et verbales devraient être maîtrisées pour être reconnues dans un texte, reconnaissance à laquelle se prêtera chaque cours.

    Le passage 3ème-seconde en amont : construire des bases méthodologiques - Insister sur la qualité de l'apprentissage de la lecture oralisée du grec : elle doit être précise (diphtongues, voyelles longues/voyelles brèves) ; elle doit tenir compte du rôle structurant des particules µέν (men), δέ (de), τε (te) : le professeur de 3ème doit être conscient qu'il construit un socle qui doit être d'autant plus assuré que la durée de l'enseignement est plus courte (4 années au lieu de 6). - Pour l'écriture, il est bon que l'élève prenne l'habitude de noter avec précision non seulement les esprits, mais les accents. Le professeur doit créer chez l'élève, dès la classe de 3ème des réflexes permettant de distinguer formes verbales, relatif, interrogatif. - Ne pas hésiter dès le début, comme on l'a vu, à utiliser les apports de la linguistique : le système consonantique grec sera utile à divers stades de l'apprentissage de la morphologie ; le système des contractions, utile en permanence permettra, entre autres, de faire prendre conscience de l'absence de contraction dans les textes d'Hérodote ou d'Homère quand on viendra à les étudier. - Donner déjà des repères historiques simples mais précis. Ne pas hésiter à proposer ou faire réaliser une frise chronologique, à donner aux élèves une vue d'ensemble des histoires grecques et romaines (succession des différents régimes politiques, grandes dates, etc. - Veiller à enrichir conjointement le vocabulaire français des élèves, en particulier les lexiques où les racines grecques s'avèrent un moyen d'élucidation important : sciences, techniques, médecine, rhétorique.

    Le passage 3ème-seconde en aval : animation pédagogique de la classe En accueillant ses élèves en seconde, le professeur doit faire face à des situations très diverses. Face à ce problème, particulièrement sensible en grec, l'intégration de nouveaux élèves n'ayant jamais pratiqué cette langue, dans un groupe à la progression normale, peut être grandement facilitée par la mise en place d'une sorte de tutorat entre hellénistes néophytes et plus avancés. Ceux qui "savent", préciseront ainsi leurs connaissances, afin de les faire partager aux autres ; ils relèveront ce qui a pu représenter pour eux et pour leurs camarades une difficulté spécifique.

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    Intérêt des énoncés brefs L’énoncé gnomique ou aphoristique, la concision en général, favorisent la mémorisation. C’est pourquoi il est intéressant d’isoler et d’étudier quelques gnômai dans la tragédie, ou la comédie grecques (pour Ménandre chez Stobée ou dans les travaux d’A. Körte, Menandri quae supersunt, Leipzig, Teubner, 1959), des citations d’Homère, éventuellement des fragments des présocratiques, pour Héraclite (voir l’édition de M. Conche, PUF, 1986), de Chrysippe, d’Epictète. Ce peut être l’occasion d’une présentation de l’aoriste gnomique (et parfois d’une initiation aux dialectes selon le niveau du groupe). On peut également étudier le sort réservé aux citations latines et grecques chez les Classiques français, Montaigne, Rousseau, mais aussi bien Victor Hugo.

    Parcours romanesque et pouvoir des fables Le plaisir de lire sera particulièrement sollicité à l’articulation de la 3ème et de la seconde, dans le cadre d’une lecture cursive qui rendra aux œuvres romanesques toute leur force attractive. - Romans grecs. La syntaxe en est facile, classique, et le contenu attrayant. Voir, entre autres, Longus, Daphnis et Chloé ; Achille Tatius, le Roman de Leucippé et Clitophon ; Héliodore, les Ethiopiques… - Lucien, bien que son vocabulaire soit parfois un peu riche pour des débutants, offre une grande diversité de thèmes. Ne pas s’en tenir aux Dialogues des morts et à L’Histoire véritable ; penser à Alexandre ou le faux prophète, à Sur la mort de Pélégrinus ou à L’Ami du mensonge…

    3. Travail sur les objets d’étude en grec en 3ème La cité athénienne au Vème siècle qui est au programme de la classe de 3ème permet de traiter de la vie quotidienne, des métiers (ἔργον [ergon], τέχνη [tekhnê], µηχανή [mêkhanê]) et de l’organisation du travail ainsi que du rythme de vie. Les fêtes sont aussi des manifestations civiques/religieuses pouvant mobiliser les notions de µέτοικος (métoikos), δῆµος (dèmos), ἀγών (agôn). Ces mots sont des clefs notionnelles qui ouvrent à des aires culturelles. Μέτοικος, par exemple nous conduit à la colonisation et à la métropole, aux ξένοι (xénoi) et aux relations hospitalières, marchandes, voire guerrières, à la répartition des charges, métiers ou liturgies. On pourra également s’intéresser à l’espace géographique, sans oublier la vie de la campagne la χώρα (chôra) avec ses métiers propres. La cité, mythe et histoire peut aussi être étudiée à partir de la Vie de Thésée de Plutarque. Les institutions et l’étude du système politique au temps de Périclès peuvent être l’occasion d’une réflexion sur la notion de démocratie. Le site Musagora propose ainsi une entrée sur la citoyenneté en Grèce.

    4. Travail sur les objets d’étude en grec en seconde Une partie du programme de la classe de seconde est en rapport étroit avec le programme de 3ème, " Vie démocratique et lieux d’Athènes". Deux viviers d’extraits sont occasion de groupements de textes : la narration de Sur le meurtre d’Eratosthène, Sur l’Olivier de Lysias ; prologue du Phèdre, de Protagoras, début du Criton de Platon et la lecture de courts extraits en grec, accompagnés de larges extraits en français des Acharniens d’Aristophane. L’angle d’attaque permet ici de partir de la logique et de l'organisation spatiales, au lieu de s'en tenir à un arpentage historique du politique. Pour les lieux de la démocratie, outre Pausanias, Périégèse I, Attique - qui fait le choix des spectacles (θεωρήµατα theoremata) les plus mémorables et des récits (λόγοι logoi) les plus vénérables, on peut, autour des noms de lieux et d’édifices, reconstruire l’espace public civico-philosophique (Agora, Acropole, Ekklésia, Odéon, Panthéon [Musée], Céramique, Gymnase, Académie, Lycée, Théâtre, etc.).

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    Tous ces toponymes sont en effet politiques et culturels. Les lieux sont des stations de la démocratie et de la pensée athénienne On pourra ici recommander la lecture d’auteurs comme M. I. Finley, P. Vidal-Naquet, J.-P. Vernant. Pour un approfondissement de cette dimension anthropologique et culturelle du lexique, voir Benveniste, Le Vocabulaire des institutions indo-européennes (éd. de Minuit, 1969), Dodds, Les Grecs et l'irrationnel (1959, trad. fr. Aubier-Montaigne, 1965) et Gernet, Anthropologie de la Grèce antique (Maspero, 1968, Flammarion, 1982).

    IV. La pédagogie de projet en langues anciennes: quelques exemples

    1. Problématiser La séquence en langues anciennes doit faire l'objet d'une problématisation, entendue comme formulation d’enjeux et mise en perspective synchronique et diachronique. L'objectif de la séquence est, comme en français, l'élément qui la détermine rétroactivement : une vision claire des acquis que les élèves auront à en retirer permet d'éviter la pure et simple succession additive de séances. Dès lors, s’imposeront naturellement les auteurs et les textes à retenir, les prolongements grammaticaux, linguistiques, stylistiques, culturels à privilégier. Le choix, la présentation, l’approche et l’exploitation des textes se verront ainsi justifiés. On évitera également la répétition mécanique de grilles d’activités, de méthodes d’approche mécaniquement reprises.

    2. Séquences et groupements de textes Tout en respectant les ouvrages proposés par les programmes, on ne s’interdira pas d’élargir, le cas échéant, le champ de la latinité et de l’hellénisme : ne pas faire de “ latin authentique ” un synonyme exclusif de “ latin classique ”; ne pas considérer les textes des auteurs chrétiens comme des curiosités (saint Augustin), ni rejeter le latin du Moyen âge ou de la Renaissance, ni reléguer les textes tardifs dans une séquence marginale, mais montrer qu’ils s’inscrivent dans le droit fil d’une tradition culturelle, qu’il s’agisse de sciences ou de littérature. Dans le même esprit, on fera apprendre aux élèves les rudiments d’une chronologie simple et saisir l’hellénisme ou la romanité dans leur diachronie. On évitera de se limiter à une seule période, fût-elle érigée en modèle par la tradition scolaire ou classique. Par exemple pour les jeux olympiques, il est essentiel, si l’on veut aborder tous les points de vue, de passer de Pindare à Pausanias, ou du Manuel d’Epictète à des inscriptions ou des épigrammes tardives. Pour étudier l’espace symbolique dans une cité, il est intéressant de pouvoir enrichir l'approche de l'espace athénien par celui d'Alexandrie ou d'Antioche, celui de Rome par celui de Lyon ou de Palmyre. Il n’est pas incongru de convoquer Vésale après Celse ou Galien après Hippocrate en médecine, Aldrovandi ou Gesner après Pline (dans un travail interdisciplinaire avec les Sciences de la vie et de la terre par exemple).

    3. Pour travailler la notion d’identité européenne La qualité et l’importance des œuvres latines produites à la période moderne, par les humanistes de la Renaissance et jusqu’au XIXème siècle, est remarquable. La langue en particulier retrouve son elegantia. On en montrera aux élèves la triple dimension : culturelle, linguistique et politique. On rejettera d'autant moins cette littérature qu'elle est, pour une part essentielle, le socle de notre identité européenne. Erasme, en particulier, se justifie dans les programmes de latin, notamment avec Les Adages, faciles à lire et qui offrent des entrées d’une extrême richesse pour montrer ce que fut le

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    maniement de l’héritage gréco-latin. Son Traité sur l’éducation des enfants peut fournir aussi des passages. On peut penser aussi à Comenius, La Grande Didactique. À côté des passages concrets de correspondances d’humanistes qui témoignent directement de cette Europe lettrée, on pourra prendre par exemple des extraits dans les descriptions de Rome en latin par les visiteurs du XVIème siècle. Au lycée, tous les liens possibles seront établis avec la perspective d'étude et l'objet d'étude des programmes de français au lycée : histoire littéraire, mouvements littéraires et culturels. Le professeur de langues anciennes pourra également retrouver ces textes sur le site “ The Latin Library ” (voir VII, TICE et langues anciennes).

    4. La traduction de textes scientifiques Ne pas hésiter à la pratiquer, au collège (en particulier dans le cadre des Itinéraires de découverte) et au lycée (dans le cadre des Travaux personnels encadrés), dans une perspective transversale et européenne. En effet le professeur est, bien souvent encore, habité par cette vieille idée héritée de Descartes d’un progrès constant des sciences et du savoir. Ainsi c’est fréquemment d’un point de vue moderne que l’on traduit les termes techniques de manière à faire apparaître l’auteur traduit comme un précurseur, malgré la mise en garde de Canguilhem : “ La complaisance à rechercher, à trouver et à célébrer des précurseurs est le symptôme le plus net d'inaptitude à la critique épistémologique. Avant de mettre bout à bout deux parcours sur un chemin, il convient d'abord de s'assurer qu'il s'agit bien du même chemin. ” G. Canguilhem, "L'objet de l’histoire des sciences", p. 21. Études d'histoire et de philosophie des sciences, Paris, Vrin, 1989. Une initiation peut être faite en 4ème ou 3ème à la traduction des termes techniques, pour montrer la singularité de l’approche des Anciens qui ne disposaient d’aucun lexique spécialisé et systématique. L’Antiquité, en effet, à la différence de ce qui caractérise notre littérature technique européenne d'aujourd'hui, ne connaît pas de lexique technique ou scientifique normalisé avec une systématisation des rapports entre les termes - et ceci non seulement dans le champ des diverses oeuvres d'un même auteur mais aussi à l'intérieur d'un même ouvrage. Les Anciens n’avaient pas un souci de cohérence et de communauté terminologiques au niveau d’une discipline, mais plutôt une préoccupation linguistique du sens littéral du mot. Exemples en grec - Le terme d’ ὀστρακόδερµα (ostrakoderma, à la peau comme une enveloppe dure) désigne les coquillages chez Aristote mais les crustacés chez le médecin Diphilos de Siphnos ou chez Élien. Et l’on ne peut pas dire qu’il y ait une acception scientifique et une acception courante, car le terme, dans les deux cas, est pris dans son sens littéral. - De même, une analyse poussée du terme κῆτος (kêtos) dans la littérature grecque montre que ce mot n’a guère plus de pertinence biologique chez Aristote que chez des auteurs non zoologues et que la traduction par “ cétacé ” choisie par le traducteur des Belles Lettres pour le corpus aristotélicien sur-définit ce terme dans le sens d'une nomenclature scientifique et en fausse ainsi la lecture. - Le terme d’ὑµενόπτερα (hyménoptèra, aux ailes membraneuses) caractérise, sous la plume de Lucien, les chauves-souris, les sauterelles et les cigales tandis que pour Aristote, les chauves-souris sont des δερµόπτερα (dermoptèra, aux ailes de peau) ; cependant le savant byzantin Philopon, pourtant commentateur d’Aristote, reprend le mot ὑµενόπτερα pour désigner les chauves-souris, recourant à κολεόπτερα (coléoptèra aux ailes en étui, en fourreau) pour qualifier tous les insectes volants. Ces hésitations tiennent en fait à la persistance, (y compris dans des termes en apparence spécialisés) du sens littéral des mots employés pour décrire les êtres ou les choses. On pourra ainsi faire relever dans des corpus de textes de savoir, touchant à des champs aussi divers que la zoologie, la médecine, l’astronomie, les mathématiques, ce recours au littéral

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    pour décrire choses, objets, ou matériaux. À partir d’exemples simples et en faisant encore jouer ici pleinement la valeur étymologique des termes, on pourra faire toucher aux élèves la différence entre un lexique normalisé européen (avec éventuellement les variantes dans les principales langues européennes) et un lexique antique qui devait, pour sa part, souvent réinventer la description à chaque objet décrit.

    5. Les prolongements

    Les langues anciennes et la mise en perspective des savoirs scientifiques, un exemple d’interdisciplinarité

    Un auteur comme Pline l’Ancien a tenu dans l’histoire des sciences naturelles une place essentielle, référence encore vive au temps des Lumières. comme, plus tard pour le médecin, et tenant du positivisme, Emile Littré, le lexicographe, qui en a donné une traduction remarquable. On trouvera des extraits de l’Histoire naturelle (édition d’Hubert Zehnacker, Gallimard, Folio Classique, 1999) concernant aussi bien la géographie (et en particulier la notion d’Europe et la Méditerranée), que la zoologie, l’anatomie comparée, la botanique, les métaux, les pierres précieuses, et l’activité humaine qui les travaille. Pline est un savant, mais il ne laisse pas d’être un moraliste qui situe l’homme par rapport aux autres espèces et règnes dans la nature, un historien de la petite et de la grande histoire de Rome et de la Grèce. L’Histoire naturelle de Pline permet donc d’initier à une réflexion sur le savoir encyclopédique ou sur la notion même de nature.

    Primat de l'étymologie pour l'étude du lexique Le travail étymologique bien conduit permet d’affiner le français et de créer des liens avec les langues vivantes. Il ne faut donc jamais négliger l'étymologie, elle doit être première et conduire à la confrontation entre les autres langues européennes et la nôtre. En relation avec l'étude des textes classiques en français, un travail est possible par exemple sur l'étymon de mots-clés pour le théâtre du XVIIème siècle comme, entre autres, “ inquiet ”, “ triste ”, “ perfide ”, “ ennui ”. On valorisera les termes au riche contenu anthropologique et culturel, par exemple dans le champ notionnel de la convivialité : les concepts de banquet symposium, colloque, entretien, otium, amicitia. On mentionnera à bon escient les racines indo-européennes communes au grec et au latin, dès lors que l’on se sert de cette mention comme d’un principe d’éclaircissement.

    Prolongements grammaticaux Ne pas hésiter à faire une leçon de grammaire quand cela est nécessaire. La grammaire, comme en français, s'inscrit dans la maîtrise du discours ; En lien avec les objectifs visés, elle insistera sur les phénomènes les plus fréquents qui seront, bien sûr, programmés en évitant le cloisonnement.

    Prolongements rhétoriques et stylistiques Outil non négligeable pour la compréhension de la syntaxe, le rythme n'est pas un épiphénomène, mais une entrée majeure dans la langue oratoire en particulier. On pourra, là encore, pour faire percevoir un rythme binaire ou ternaire, prendre des exemples, aussi bien chez un Tite-Live que chez un écrivain de la Renaissance comme un Melanchton : “ Nec putemus melius mereri de genere humano uel causidicos aliquos, qui in foro controuersias, aut exponunt, aut dirimunt, uel aediles qui pontes aliquos faciunt, uel mercatores qui iusto pretio res utiles important. ” (De laude uitae scholasticae oratio).

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    Prolongements culturels Ce vaste domaine va des arts et de leur histoire à la préparation de visites de musées et de voyages par vidéo projection d’images tirées de grandes bases documentaires iconographiques (Louvre.edu, Texteimage, Joconde, Perseus, Beazley Archive : utilisations suggérées dans Musagora). En fonction de la pertinence des documents, l'étude de l'image n’écartera pas non plus la bande dessinée, la publicité, ni le cinéma. On veillera à pas laisser les élèves dans l’éparpillement, mais à réassurer et réaffirmer régulièrement les notions acquises, en explicitant la cohérence de la progression suivie : il faut que les élèves perçoivent à chaque séance quel objectif et quelles activités sont à l'œuvre.

    V. Langue et civilisation 1. Places respectives et complémentarité de la langue et de la civilisation La langue est civilisation. La langue sert la civilisation, la civilisation la langue. Concernant l'étude de la civilisation, on prendra garde que lorsque la motivation est purement extrinsèque et que l'apprentissage de la civilisation oublie de s'enraciner dans l’étude des textes ou de la langue, les élèves ne perçoivent plus la spécificité de l'enseignement du latin ou du grec ; la motivation intrinsèque, bien comprise, amène, elle, à travailler sur l’acte d’apprendre : apprendre du latin en cours de latin en donnant, par exemple, le goût de la difficulté vaincue (reconnaissance des groupes de mots, compréhension, traduction) et en reliant à chaque fois les textes à leur contexte culturel. On se souviendra aussi qu'une motivation intrinsèque uniquement tournée vers la maîtrise d'un système linguistique décontextualisé aboutit à provoquer les mêmes désaffections. Aujourd'hui, “ alors que les humanités classiques considéraient les résultats de la culture comme des biens toujours disponibles, présents et clairs en eux-mêmes ” (Heinz Wismann et Pierre Judet de la Combe, L’Avenir des langues, repenser les humanités, Le Cerf, 2004) c’est à nous de rendre manifestes la pérennité et la modernité de la langue et de la civilisation. Si réappropriation il doit y avoir, “ le propre dans réappropriation n’est pas donné, il est à découvrir ”. 2. Pour un corpus de notions cardinales En fin de collège, le jeune latiniste devrait avoir été initié à quelques notions cardinales : ce n’est pas un hasard, en effet, si elles traversent les différentes entrées du programme qu’elles permettent de relier entre elles. Ces notions peuvent dessiner un parcours que l’on affinera au lycée. Mais elles traversent non moins fortement l’histoire et les traditions de divers pays en Europe : on pourra méditer les pages que l’essai cité plus haut consacre dans la troisième partie (“ Les humanités modernes ”) à la notion d’“ identité européenne ”, où l’adjectif “ renvoie à une idée définie de la tradition qui semble bien avoir été le moteur du développement des cultures modernes en Europe. Le nouveau, comme arrachement à ce qui est là, s’est conquis par la reprise d’éléments plus anciens auxquels était donnée une actualité imprévue ”. Voici succinctement ce que pourraient être les bases d'un corpus de notions fondatrices.

    Exemples en latin en 5ème A partir de la " Représentation de l’espace et du temps ” On centrera sur : “ Rome trace, arpente, borne ”. - Enjeux : découper un espace et tracer des limites, fonder une cité : “ Jamais une culture politique n’a, à ce point, assimilé son être et son espace, pour les faire coïncider ” (Jacques Gaillard, Rome, le temps, les choses, Actes Sud, Babel, 1995, p. 53) ;

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    définir des espaces distincts (sacré, profane, propre, étranger etc. : voir le pomerium et la localisation, rejetée à l’extérieur, des temples de certaines divinités) ; solenniser les limites : on peut partir des arcs dits “ de triomphe ”, qui, à l’origine, comme l'a montré Pierre Grimal, “ semblent avoir été des portes sacrées, élevées à un point de franchissement limite ”. - Mots cardinaux : Vocabulaire de la frontière, spatiale et “ symbolique ” : fines, limes (voir R.Chevallier et R. Poignault, L’Empereur Hadrien, PUF, coll. Que sais-je ?, 1998), templum, hostis, mais aussi l’expression mare nostrum (“ La réalité romaine est continentale au sens étymologique ”, J. Gaillard cité plus haut, p. 55) ; La notion de seuil (limes) et ses connotations jusqu’à nous, le dieu Janus. Le mot cens et ses composés offrent aussi un système très riche : économie, société et pensée s’y rejoignent. Si donc “ le spatial et le juridique à Rome, c’est tout un ” (op.cit.. p.53), initier à la notion de jus, à partir de la présentation de G. Dumézil dans Idées romaines, Gallimard, 1969, en termes d’espace : “ Jus désigne, au sens strict, l’aire d’action et de prétention maxima résultant de la définition naturelle ou du statut conventionnel d’un individu ou d’un groupe. Le judex dit les limites de chacun ” (p. 41) ; voir aussi jurare. Enjeu : faire toucher la source de l’intense et minutieuse activité de Rome en matière de droit : envisager et prévenir toute sorte de conflits des limites.

    Exemples en latin en 4ème À partir de “ Rome et son empire pendant la République ” - On centrera sur le découpage et la délimitation de l’espace, en continuité avec le programme de 5ème. Dans quelle mesure les voies romaines peuvent-elle être une des origines de la notion de continent européen ? Quels étaient les rapports de Rome et des autres peuples ? - Mots cardinaux : colonus, majestas, telle que l’analyse G. Dumézil (op.cit.) dans le chapitre “ majestas et gravitas ” ; imperium ; humanitas (voir sur cette notion Paul Veyne, la conclusion de L’homme romain, dir. André Giardina, Le Seuil, 1991). En montrant l’évolution de sens jusqu’à nous de ces mots importants, ce chapitre peut illustrer une des réflexions du livre de H. Wismann et P. Judet de la Combe (op. cit.) sur les langues de culture. À partir de “ La vie de la cité ” - On centrera sur des mots clés tels que le livre de Michel Meslin les remet en situation culturelle (L’Homme romain des origines au premier siècle de notre ère, Hachette, 1978, Complexe Eds, 2000). Pour le premier chapitre sur l’héritage : rex, fas, jus, fides, mots qui ouvrent chacun une section. - "La balance et la pesée ” G. Dumézil a montré ce que Rome doit à l’observation de la balance et des poids, leur importance réelle et symbolique : notion de propriété, gestes de prise de possession, richesse sémantique, matérielle et morale de la notion de pesée. Place de la gravitas dans la vie politique et morale, dans l’image que Rome donne d’elle-même (éloge du poids et du pesant : “ Rome croit à l’efficacité et à la beauté du massif ”, op.cit., p. 147-148 note 1), occasion de faire réfléchir à l’origine de notre image de la romanité, en couple antithétique avec la levitas Graecorum ; - Notions de majestas et d'auctoritas dans la vie politique : initiation aux notions d’ordre, rang, hiérarchie dans une société. - Mots cardinaux : augur, inaugurare, augustus, auctoritas (voir là encore Idées romaines de Benveniste ; en outre, c’est l’occasion d’une initiation à l’utilisation exigeante de l’étymologie sur des mots qui permettent de suivre l’évolution de sens jusqu’à nous). En élargissant à partir de majestas, auctoritas, gravitas, on posera la question de savoir ce qui assure l’efficacité d’un acte, d’une entreprise à Rome. - Par là apparaît la nécessité de réorienter les nombreux chapitres de “ la vie de la cité ” vers la

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    religion, absente des autres secteurs de la vie privée et publique dans les manuels, et cantonnée, déjà en 5ème, à une sous-rubrique “ cultes et divinités ” : la civilisation romaine est nourrie et pénétrée, comme le Moyen Orient, par la religion et les rites. Par là même, on contribuera à l’étude du phénomène religieux. On prendra la religion dans tous ses aspects, rituels et civiques, sans exclure la confrontation du paganisme au judaïsme et au christianisme. On ne s'interdira pas davantage d'étudier les cultes orientaux. Mots cardinaux : nu-men, qui désigne plutôt “ l’assentiment divin ” que “ la divinité ” : “ L’accord des dieux est nécessaire avant tout acte humain de portée collective ” (Danielle Porte, Le Prêtre à Rome, Petite Bibiothèque Payot, 1989) ; imperium ; augur ; religio. - Rome, une culture de et une éducation par l’exemplarité : montrer sa continuité au cours des siècles de notre propre histoire. Le De Viris illustribus permettra d'apprécier l'exemplarité de l'éducation et de l'héroïsme romain. La constellation sémantique qu'on peut constituer autour de ce centre d'intérêt, comprend les mots cardinaux : sur l'obsession de la durée qui caractérise encore Rome outre imagines (voir J. Gaillard, Rome, le temps, les choses, p. 185-186), fama, dignitas, honos, monumentum, disciplina, pietas, mos majorum. On pourra en profiter pour explorer avec Ovide dans les Fastes les origines perdues des mots qui rythment la vie romaine.

    Exemples en grec en 3ème et en seconde : une progression des sens à la psychologie

    - Le vocabulaire de la vue : voir “ L’homme grec spectateur et auditeur ” in L’Homme grec, Seuil, 1993, qui fonde le vocabulaire de la pensée. - Le vocabulaire des humeurs : sur la mélancolie voir Hippocrate, Aristote, Le Problème XXX et sur la psychologie, voir J. de Romilly, Patience mon cœur, Les Belles-Lettres, 1984. - L’apparition de la notion de caractère chez Théophraste, modèle de La Bruyère. L’étude lexicale peut être mise en rapport avec la syntaxe de l’attribution, chaque portrait commençant par un système sujet+verbe+ prédicat, qu'on rapprochera de la progression à thème constant chez La Bruyère. - Plus généralement, en latin comme en grec, il est important de consacrer au moins une séance au vocabulaire de la rhétorique, notamment en classe de seconde, au moment où en français on aborde l’étude des moyens de persuasion.

    VI. Ouvertures sur l’Europe A partir du programme existant, il est possible d'ouvrir les perspectives suivantes.

    1. Mythe et histoire Dans le programme de 5ème, figurent déjà “ Rome et la Gaule ”, “ mythe et histoire ”, “ cultes et divinités ” et le lexique du “ pouvoir royal et républicain ”. Dans une perspective européenne, on pourra, même en 5ème, ouvrir “ mythe et histoire ” sur une initiation aux thèses de G. Dumézil, qui ont l’immense avantage de couvrir une aire géographique étendue. Si l’on doit parler d’Europe autrement que sur le mode de l’incantation, on dispose là d’une entrée européenne privilégiée. L’aspect de système permet, de plus, une assimilation aisée, et les ouvertures vers des sagas a de quoi satisfaire l’imagination. On peut même croiser le lexique de “ l’espace et des déplacements ” figurant au programme avec les déplacements dans l’aire indo-européenne.

    2. Urbs et urbanisme Dans le programme de 4ème, “ Rome, la vie de la cité ” se prête aussi à une perspective européenne, à condition que la notion d’Urbs soit prise en compte, au lieu du simple traitement anecdotique par les manuels (les embarras de Rome, le bruit de la ville). Cela

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    suppose de faire place à l’action des Etrusques, à leur mainmise au VIème siècle qui est à l’origine de la naissance de Rome comme cité organisée et Urbs, “ le grand tournant historique du VIème siècle ” (Marcel Le Glay). Il faut montrer que le forum suppose une organisation politique. On peut faire réfléchir au fait qu’au mot “ Cité ” correspondent en latin deux mots de sens différents, Urbs et civitas, et qu’à “ Rome ” correspondent Urbs et populus Romanus. Vitruve peut être utilisé pour l’emplacement d’une ville (I, 4 et sq.), ce qui élargirait la palette des auteurs, en faisant place aux traités techniques, montrant comment les Romains ont fait face à des problèmes concrets, faciles à appréhender pour des élèves de collège. On peut très bien initier à l’urbanisme romain à travers des exemples pris dans divers pays d’Europe et d’Afrique du Nord. On croisera ainsi les thèmes de 4ème “ le brassage des peuples ” et “ l’espace méditerranéen ”.

    Exemple : quelques entrées dans Rome Parcours archéologiques : dans les pas des Césars. La Rome des Jardins, et la naissance et destinée d’un grand service public à Rome : les aqueducs et les fontaines. Dans les fontaines comme dans les jardins se manifeste une visée totalisante encore d'ordre mythique. Pour les Romains, les fontaines témoignent du passage entre le monde des vivants et celui des morts. L’eau qui coule dans les fontaines n’est pas quelconque, elle retient l’essence même du pays où elle sort du sol : elle en est, pourrait-on dire, l’âme secrète. C’est là une croyance profondément enracinée dans l’esprit des Romains qui, lorsqu’ils avaient conquis une contrée, promenaient, pendant le triomphe qui suivait la victoire, les images des fleuves qui l’arrosaient, et qui devenaient ainsi les vaincus du peuple romain. Le même symbolisme cosmique se retrouve dans les fontaines postérieures encore aujourd'hui : la Fontaine des fleuves, piazza Navona, présente les quatre parties du monde : l’Asie, figurée par le Gange, l’Europe avec le Danube, l’Afrique avec le Nil, enfin l’Amérique, figurée par le Rio de la Plata. Des auteurs comme P. Grimal (La Civilisation romaine, Arthaud, 1981, Flammarion, coll. Champs, 1998), Georges Dumézil, (Jupiter-Mars-Quirinus, II, Naissance de Rome, 1944, et Idées romaines, 1969, Gallimard) devraient avoir une place de choix. Parmi les auteurs antiques, Tite-Live, mais aussi Plutarque avec les Vies, qui, par la comparaison avec les Grecs, permet de dégager la “ romanité ” : Vie de Romulus, Vie de Thésée par exemple.

    VII. Utilisation des TICE et langues anciennes

    1. Pourquoi les langues anciennes doivent s’intéresser aux nouvelles technologies éducatives

    Il est intéressant de noter que les études antiques ont été les plus vivaces aux époques où se sont produites les plus profondes mutations économiques, sociales, culturelles. À la Renaissance par exemple, les grandes découvertes, celle notamment de l’imprimerie, loin de reléguer le latin et le grec aux oubliettes, ont été à l’origine au contraire d’une forte progression de leur diffusion et surtout d’un renouvellement fondamental de leur approche. De nos jours, et dans le même esprit, l’outil informatique peut et doit contribuer au dynamisme de l’enseignement des langues anciennes, comme il contribue au progrès général de l’élève, en français et dans les autres disciplines (voir à ce sujet le référentiel du B2i).

    Renouvellement du corpus En mettant à la disposition du lecteur une banque impressionnante de textes, l’outil informatique permet à l’enseignement des langues anciennes (comme l’avait fait l’imprimerie en son temps) de sortir du corpus traditionnel, quelque peu sclérosé, pour explorer librement des oeuvres auxquelles n’avaient accès que de rares chercheurs. Il opère, non une massification, mais une vraie démocratisation du savoir.

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    Dialogue entre documents Il donne la possibilité à l’enseignant de mettre en rapport les textes avec les lieux dont ils parlent. On est loin du cabinet de ces érudits, quelque peu inquiétants, qui se vantaient d’avoir toujours, pour l’amour du grec, refusé d’aller en Grèce (Pierre Vidal-Naquet, au cours de son séminaire, a souvent souligné le caractère idéologiquement très inquiétant d’une telle attitude…) À présent, si l’on étudie un texte consacré à Delphes, par exemple, on peut trouver des plans du site, des photos, des comptes-rendus de fouilles, etc.

    Approche scientifique de la langue Grâce aux relevés fréquentiels, il conduit à une approche de la langue beaucoup plus rigoureuse que ne la pratiquent les grammaires traditionnelles. Un exemple parmi bien d’autres : les grammaires donnent pour la 2ème personne du singulier passif la désinence -ris et indiquent entre parenthèses : parfois -re. Or le balayage informatique révèle que les Latins employaient beaucoup plus souvent la forme en -re que celle en -ris. La même remarque est valable pour la 3ème personne du pluriel du parfait actif : la forme en -ere est bien plus courante que celle en -erunt. En facilitant l’approche fréquentielle des textes, l’outil informatique enrichit (et peut même modifier) notre regard sur la morphologie, le vocabulaire (voir à cet égard l'ouvrage de G. Cauquil et J-Y Guillaumin, Vocabulaire de base du latin, alphabétique, fréquentiel, étymologique, Besançon, ARELAB, 1984), et surtout le plus important, les systèmes propres au latin et au grec.

    2. Pour une entrée en matière En tant que professeur de Lettres, le professeur de langues anciennes est donc invité à se saisir des ressources offertes par les nouvelles technologies, d’une part pour son enrichissement personnel et sa pratique pédagogique, d’autre part dans l’intérêt de ses élèves, qui pourront ainsi développer et acquérir des compétences validables dans le cadre du B2i (Brevet Informatique et Internet), second et troisième niveaux. Tout enseignant titulaire de l'enseignement public dispose ainsi d'une Boite aux lettres électronique (B.A.L.) sur le site de son académie. Ce progrès nécessaire, déjà bien engagé par bon nombre d’enseignants, est la portée de tous. À un utilisateur débutant, on recommandera d'imprimer la page A4 spécialement conçue pour lui “ Débutant TICE en lettres ” sur le site officiel : www.educnet.education.fr/lettres/anim/Utilisateur_d%E9butant_en_TICE.pdf En une page synoptique, le professeur trouvera regroupés : - la procédure à suivre pour activer sa B.A.L.sur le site de son académie, - les lettres de diffusion et d'échange auxquelles il peut s'abonner en Lettres, Langues anciennes, Arts, - les sites professionnels qui sont à sa disposition. Parmi ceux-ci se distingue par sa dynamique et sa richesse le site Musagora, véritable portail pédagogique des langues anciennes. Outre les sites académiques les plus actifs, Musagora recense les banques de ressources documentaires, où le professeur peut prélever la matière de son cours : www.educnet.education.fr/musagora/default.htm

    3. Le traitement de texte L’heure est donc venue de la banalisation du recours à l’outil informatique, au moins en ce qui concerne les fonctionnalités informatiques de base permises par les traitements de texte tels que Word, ou les tableurs de type Excel (dont la maîtrise fait partie des compétences requises pour le B2i). L'usage pédagogique du traitement de texte, tout d’abord, n'est donc pas seulement une possibilité instrumentale parmi d'autres pour décrypter/manier la phrase périodique ou le mètre, mais il s'avère un mode susceptible de libérer l'élève dans ses

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    démarches d'approche, de lui donner droit à l'erreur et au tâtonnement, puis de le ramener sans lourdeur à une version juste et clairvoyante de la syntaxe. Le traitement de la phrase latine périodique, en particulier, se prête remarquablement à la manipulation par traitement de texte. Celui-ci permet à l’élève : - de surligner ou de souligner les mots distants par leur placement dans la phrase mais unis syntaxiquement, - d’aligner et de mettre en évidence les parallélismes de construction, - d’une manière générale, de faire émerger les structures latentes de la phrase et du texte qui n’apparaissent pas à la lecture linéaire. (Voir à cet égard les sites exemplaires de Perseus ou de Louvain).

    4. Tableurs, traitement de l’image, sitographie culturelle Les acquisitions lexicales, dont on connaît l’importance décisive pour la progression de l’élève, gagnent à être mises en place, dès les débuts de l’élève, sur un tableur qui en permettra le tri alphabétique régulier, la classification sémantique ou morphologique, et toute opération de rattachement paradigmatique du mot latin ou grec à la famille où il prend sens. La recherche sur Internet, la maîtrise de PowerPoint ou de tout logiciel équivalent, permettent aussi à l’élève la recherche et la composition ordonnée de documents de civilisation en rapport avec le cours. En quatrième, le lien avec les Itinéraires de Découverte s’impose ; il est directement préparatoire aux Travaux Personnels Encadrés du lycée. Les élèves peuvent ainsi effectuer les opérations suivantes : - saisie des textes choisis par le professeur et saisie de traductions en français, - établissement par les élèves eux-mêmes de juxtalinéaires (avec recherche du vocabulaire à l'aide par exemple du logiciel Collatinus; mise au clair des points de grammaire, guidée par le professeur, etc.). Les élèves ne reprennent pas servilement la traduction saisie : ils donnent, seuls ou en groupes, des traductions littérales, dans un français intelligible. Le latin et le grec pourront ainsi s’inscrire dans les