PORTFOLIOweb GRAINES D’ -STAR - restopolitan.com · déléguer,àtedégager de l’opérationnel...

4
PORTFOLIOweb 180| madameFIGARO CONNECTÉS COMMENT ? P. K.-M. – À HEC en 2006, où j’enseignais. Tu étais un élève smart, carré, franc, direct, à la fois humble et sûr de toi. À ta troisième levée de fonds, j’ai investi dans ta start-up. Je voulais me sentir utile et parier sur toi. J. B. – J’étais flatté qu’une star du Net me remarque ! Au lancement de Novapost, je t’appelais tous les jours. Tu es devenu mon Jiminy Cricket qui me chuchote de bons conseils à l’oreille. LE JEU DES RESSEMBLANCES… J. B. – On a tous les deux un côté joueur et une faible aversion pour le risque. P. K.-M. – Il y a aussi un peu de projection. À travers toi, je me revois plus jeune. … ET DES DIFFÉRENCES. P. K.-M. – Les jeunes start-uppers sont plus mûrs qu’il y a dix ans. Tu as réussi plus vite que moi à déléguer, à te dégager de l’opérationnel pour avoir une vision stratégique. J. B. – Le désir d’entreprendre est plus fort que dans les années 2000. C’est redevenu le plus beau métier du monde. 5 WIKIBIOS PIERRE KOSCIUSKO-MORIZET est cofondateur et pdg de PriceMinister.com, site de vente en ligne. JONATHAN BENHAMOU, 29 ans, a créé Novapost.fr, un site de dématérialisation de documents RH, qui emploie 40 salariés. En 2011, il a reçu le prix du Jeune Dirigeant de la technologie. GRAINES D’e-STAR JONATHAN, STÉPHANIE, ARBIA, CÉLINE ET ALEXANDRE SONT PEUT-ÊTRE LES FUTURS ZUCKERBERG FRANÇAIS. POUR “MADAME FIGARO”, ILS POSENT AVEC LEURS BUSINESS- ANGELS, CINQ GÉANTS DU WEB QUI ONT MISÉ SUR CES JEUNES ENTREPRENEURS. TRANSMISSION À HAUT DÉBIT. PAR DALILA KERCHOUCHE PHOTOS SAMUEL KIRSZENBAUM RÉALISATION KARINE RÉVILLON JONATHAN BENHAMOU & PIERRE KOSCIUSKO-MORIZET “ON A TOUS LES DEUX UN CÔTÉ JOUEUR ET UNE FAIBLE AVERSION POUR LE RISQUE” PHOTO SAMUEL KIRSSZENBAUM. madameFIGARO | 181

Transcript of PORTFOLIOweb GRAINES D’ -STAR - restopolitan.com · déléguer,àtedégager de l’opérationnel...

PORTFOLIOweb

180|madameFIGARO

CONNECTÉS COMMENT ?P. K.-M. – À HEC en 2006, où j’enseignais.Tu étais un élève smart, carré, franc, direct,à la fois humble et sûr de toi. À ta troisième levéede fonds, j’ai investi dans ta start-up. Je voulais mesentir utile et parier sur toi.J. B. – J’étais flatté qu’une star du Net me remarque !Au lancement de Novapost, je t’appelais tous lesjours. Tu es devenu mon Jiminy Cricket qui mechuchote de bons conseils à l’oreille.LE JEU DES RESSEMBLANCES…J. B. – On a tous les deux un côté joueur et une faibleaversion pour le risque.P. K.-M. – Il y a aussi un peu de projection. À traverstoi, je me revois plus jeune.

… ET DES DIFFÉRENCES.P. K.-M. – Les jeunes start-uppers sont plus mûrsqu’il y a dix ans. Tu as réussi plus vite que moi àdéléguer, à te dégager de l’opérationnel pour avoirune vision stratégique.J. B. – Le désir d’entreprendre est plus fort quedans les années 2000. C’est redevenu le plus beaumétier du monde. စ5 WIKIBIOS

PIERRE KOSCIUSKO-MORIZET est cofondateur etpdg de PriceMinister.com, site de vente en ligne.JONATHAN BENHAMOU, 29 ans, a créé Novapost.fr,un site de dématérialisation de documents RH, quiemploie 40 salariés. En 2011, il a reçu le prix du JeuneDirigeant de la technologie.

GRAINESD’e-STAR

JONATHAN, STÉPHANIE, ARBIA, CÉLINE ET ALEXANDRESONT PEUT-ÊTRE LES FUTURS ZUCKERBERG FRANÇAIS.

POUR “MADAME FIGARO”, ILS POSENT AVEC LEURS BUSINESS-ANGELS, CINQ GÉANTS DU WEB QUI ONT MISÉ SUR CES

JEUNES ENTREPRENEURS. TRANSMISSION À HAUT DÉBIT.

PAR DALILA KERCHOUCHE PHOTOS SAMUEL KIRSZENBAUM RÉALISATION KARINE RÉVILLON

JONATHAN BENHAMOU & PIERRE KOSCIUSKO-MORIZET“ON A TOUS LES DEUX UN CÔTÉ JOUEURET UNE FAIBLE AVERSION POUR LE RISQUE”

PHO

TOSA

MU

ELK

IRSS

ZEN

BAU

M.

madameFIGARO |181

182|madameFIGARO

CONNECTÉS COMMENT ?S. P. – Tu l’ignores, mais je t’aicroisé il y a six ans à la créationde Restopolitan. Je n’ai pas osét’aborder.J.-A. G. – Tu aurais dû ! Investir dansune start-up comme la tienne estpour moi une forme d’impôtparticipatif sociétal, pour transmettrede l’énergie à d’autres entrepreneurs.Quand je t’ai rencontrée, à tadeuxième levée de fonds, tontempérament de fonceuse et tacréativité m’ont épaté. Je me suisdit : quoi qu’elle fasse, cette fille

réussira. Plus que de conseils,tu avais besoin qu’on te fasseconfiance.LE JEU DES RESSEMBLANCES…S. P. – Le côté hypertechno etcommerçant à la fois. On a tous lesdeux la fibre de l’e-commerce.J.-A. G. – Et la précocité en affaires.J’ai monté ma société à 22 ans,par goût du risque et désir de liberté.… ET DES DIFFÉRENCES.J.-A. G. – L’accès aux outils high-tech. J’ai commencé à l’époque dutélex, bien avant le fax ! Pour toi,c’est la préhistoire. Et l’exigence du

client : il attend du Net unesatisfaction immédiate de ses désirs.S. P. – Le consommateur est plusmûr. Cela nous impose d’être pros,rigoureux et premium. စ5 WIKIBIOS

JACQUES-ANTOINE GRANJONest le pdg et le fondateur de Vente-privee.com, le site pionnier et leaderde la vente événementielle en ligne,qui compte 18 millions de membres.STÉPHANIE PÉLAPRAT, 29 ans,a créé Restopolitan.com, un site deréservation en ligne de restaurants,qui compte 200 000 utilisateurs.

STÉPHANIE PÉLAPRAT & JACQUES-ANTOINE GRANJON“ON A LA FIBRE DE L’E-COMMERCE”

PHO

TOS

SAM

UEL

KIR

SSZE

NBA

UM

.ÀG

AU

CH

E,O

RDIN

ATE

UR

ZEN

BOO

K,A

SUS.

PORTFOLIOweb

madameFIGARO |183

ISABELLE BORDRY & ARBIA SMITI“LA PERSONNALITÉ COMPTE PLUS QUE LE BUSINESS-MODEL”CONNECTÉES COMMENT ?I. B. – Par un incubateur de start-up.J’ai investi avec ma société et enfonds propres, car ton dynamismem’a tout de suite plu. Plus que lebusiness-model, c’est la personnalitédu fondateur qui compte. C’esténergisant d’aider quelqu’unde passionné.A. S. – J’ai sollicité plusieursbusiness-angels. Plus que del’argent, j’attendais du coaching.Ton expérience m’aide à gagnerdu temps, à sortir de l’opérationnelpour penser stratégie.

LE JEU DES RESSEMBLANCES…A. S. – On partage une mêmecuriosité pour les nouvellestendances du Net.I. B. – Pour entreprendre dans leWeb, il faut à la fois une extrêmeconfiance en soi et une grandehumilité pour surmonter ses échecs.… ET DES DIFFÉRENCES.I. B. – Lever des fonds est plus arduqu’en 1997. En pleine euphorieInternet, tout ce qu’on touchait setransformait en or…A. S. – C’est aussi plus facile de selancer sans un sou : on peut vite percer

grâce aux réseaux sociaux. Pourdémarrer, j’ai vendu ma voiture. Et jevais bientôt lever un million d’euros.Sur le Net, tout est possible. စ5 WIKIBIOS

ISABELLE BORDRY, ancienne DG deYahoo France, est la fondatrice deWebmediagroup.fr, qui fédère dessites dédiés aux Digital Mums.ARBIA SMITI, 27 ans, a crééCarnetdemode.com, une « marketplace » en ligne qui met en contactclients et jeunes créateurs(50 000 membres, 3 000 référencesproduits et 200 créateurs).

PORTFOLIOweb

184|madameFIGARO

CONNECTÉES COMMENT ?C. B. – Par des amis communs.Je suis entrée à ton conseild’administration en 2010. Soutenirune jeune femme volontaire commetoi, qui monte une start-up et crée desemplois, c’est une cure de jouvence.C. L. – Tu investis du temps, tum’ouvres ton carnet d’adresses, tu merassures… Ton aide est inestimable.LE JEU DES RESSEMBLANCES…C. B. – Le goût du défi. J’ai créé mapremière boîte en 2003, aprèsl’éclatement de la bulle Internet.

Personne ne voulait plus entendreparler des pionniers du Web, nousétions des pestiférés. Les banquiersrefusaient de nous recevoir.C. L. – Diplômée de HEC, j’ai lancéma société Leetchi.com en pleinmilieu de la crise. Tout le monde metraitait de folle ! Entreprendre n’étaitpas une option, mais une nécessité.… ET DES DIFFÉRENCES.C. B. – Quand j’ai commencé en1995, le Net était très exotique.Aujourd’hui, les jeunes diplômésrêvent de travailler chez Google !

C. L. – C’est aussi plus concurrentiel.Le Web va tellement vite que si l’onn’est pas vigilant et hyperinformé desnouveautés, on est dépassé. စ5 WIKIBIOS

CATHERINE BARBA est la DG deCatherine Barba Group, une sociétéde conseil qui accompagneles marques vers l’e-commerce.CÉLINE LAZORTHES, 29 ans, a crééLeetchi.com, une plateforme quipermet de créer des cagnottes enligne. Le site affiche 25 % decroissance par mois.

CÉLINE LAZORTHES & CATHERINE BARBA“UN POINT COMMUN? LE GOÛT DU DÉFI”

PHO

TOS

SAM

UEL

KIR

SSZE

NBA

UM

.ÀG

AU

CH

E,TÉ

LÉPH

ON

EPO

PPH

ON

E,N

ATI

VE

UN

ION

.ÀD

ROIT

E,O

RDIN

ATE

UR

VAIO

,SO

NY

madameFIGARO |185

ALEXANDRE MALSCH & MARC SIMONCINI“ON PEUT CONSTRUIRE UN EMPIREEN UN AN ET TOUT PERDRE EN TROIS MINUTES”CONNECTÉS COMMENT ?M. S. – J’ai investi mon argentpersonnel à ta deuxième levée defonds. Parce que ta technologie m’abluffé. Et pour revivre l’excitation desdébuts d’une start-up. Plus qued’argent, tu avais besoin de conseils.A. M. – Tu as tout de suite captél’ADN de Melty. Une fois par mois, onparle stratégie. Tu m’as évité des tasd’erreurs.LE JEU DES RESSEMBLANCES...M. S. – L’impatience nous caractérisetous les deux. Quand j’ai lancé

Meetic, dès que j’avais trentesecondes calmes, mille idées mevenaient…A. M. – Idem. Mes équipes n’enpeuvent plus. Le Web n’autorise pasla patience. C’est aussi un universfluctuant : on peut construire unempire en un an et tout perdre entrois minutes.... ET DES DIFFÉRENCES.M. S. – Pour moi, étendre mongroupe en Europe était déjàformidable. Ton aire de jeux, c’est laplanète.

A. M. – C’est vrai. J’ai déjà deux sitesen Italie et en Espagne, et je vaisbientôt ouvrir des bureaux en Chineet au Brésil. စ5 WIKIBIOS

MARC SIMONCINI, fondateurdu site de rencontres Meetic.fr,du fonds d’investissement JaïnaCapital, est le pdg de Sensee.com,site marchand d’optique.ALEXANDRE MALSCH, 27 ans, a crééMelty.com, 1er groupe médias Webpour les jeunes, avec 11 millionsde visiteurs uniques par mois.

PORTFOLIOweb

186|madameFIGARO

SCYBER-PARTENAIRES PARTICULIERSENTRE LES JEUNES CRÉATEURS DE START-UP ET LEUR COACH,LA CONNEXION S’ÉTABLIT AUTOUR D’UN DÉCLIC COMMUN :UNE CERTAINE VISION DU FUTUR. TRAJECTOIRES DIGITALES.

SURTOUT, NE LES QUALIFIEZ PAS DE « MEN-TORS » – ILS DÉTESTENT CE MOT. « Archaïque »,balaie Jacques-Antoine Granjon. « Obséquieux »,juge Pierre Kosciusko-Morizet. « Poussiéreux »,estime Marc Simoncini. Ces figures charismatiquesdu Web se voient plus volontiers en « amis » ou en« coachs » des jeunes pousses qu’ils couvent pré-cieusement. Si tous rêvent de dénicher le futur MarkZuckerberg dans ces parfaits prototypes de la géné-ration Y – multitâches, multifonctions, multimé-dias –, ils caressent aussi d’autres désirs. Resterconnecté à l’esprit start-up permet de résister autemps qui (dé)file sur Internet plus rapidementqu’ailleurs et vous ringardise en un clic. « Internetrend les hommes et les machines très vite obsolètes,analyse Jean-Pierre Winter, auteur de “Transmettreou pas” (éd. Albin Michel). Au contraire, la transmis-sion nous sort de l’urgence de l’instant et nous recon-necte avec la profondeur du temps, qui prend encompte le passé, le présent et le futur. » Voilà pour-quoi ces maîtres de la Toile, plutôt quinquas et qua-dras, qui alignent des chiffres d’affaires stratosphé-riques (1,3 milliard pour Jacques-Antoine Granjonavec Vente-privée, 2,2 milliards pour Xavier Niel,patron de Free), investissent tant d’argent et d’éner-gie dans de jeunes entrepreneurs d’à peine 30 ans. Àla tête de son fonds Kima Aventures, présent dansplusde800start-up,XavierNielbat lerecorddecettefrénésie investisseuse.

PLUS DE DIX ANS APRÈS L’ÉCLATEMENT DE LABULLE INTERNET, deux générations d’e-entrepre-neurssecôtoient : lespionniers,quiontconnuruineetfortune, et les fameux digital natives. Diplômés tech-nophiles ou geeks autodidactes, ces derniers débou-lent en force dans ce nouvel eldorado du Net qui neconnaît pas la crise (25 % de croissance). Pas unesemaine ne passe sans l’annonce d’une levée de fonds

par une jeune société high-tech. Les incubateurs etautrespépinièresdestart-upsemultiplient.Est-celiéà l’esprit du Web ? Les pionniers « up-datent » lescodes de la transmission autour des notions de par-tage, d’entraide, de réseau, avec un maillage plushorizontal que vertical et moins de formalisme. Jac-ques-AntoineGranjon,MarcSimoncinietXavierNielont même fondé ensemble l’École européenne desmétiers de l’Internet. « La solidarité entre les généra-tionsyestplusfortequ’ailleurs,carc’estuneindustriejeune », confirme Catherine Barba. « Les relations,plus fluides, plus décontractées et moins formelles,facilitent les connexions », affirme pour sa part Jac-ques-Antoine Granjon. « Quand j’ai lancé Leet-chi.com en 2008, raconte Céline Lazorthes, j’aienvoyé des e-mails à plusieurs stars du Web. À magrande surprise, tous m’ont répondu ! »

POUR SA DEUXIÈME LEVÉE DE FONDS EN 2010,STÉPHANIE PÉLAPRAT, âgée de 24 ans, a réuni huitpointures du Net. « C’est comme si j’avais huit pèresprofessionnels ! » Échecs et succès, erreurs et intui-tions géniales, doutes et certitudes…, les échanges seveulent sans tabou ni jugement, mais avec transpa-rence et réciprocité. « Je n’investis pas pour gagnerde l’argent, ce qui m’intéresse, ce sont les projets etnon le “toujours plus”, explique Jacques-AntoineGranjon. Stéphanie m’apporte de l’énergie et del’espoir. Tant que des jeunes entreprennent enFrance, je me dis : c’est gagné. » Marc Simoncini ytrouve aussi son intérêt : « J’ai beaucoup à apprendred ’ A l e x a n d r e ( N D L R : M a l s c h , f o n d a t e u r d eMelty.com), car il connaît parfaitement les codes desa génération. » Sur Internet, où la concurrence sejoue à échelle planétaire, le plus difficile est de tou-jours anticiper. Céline Lazorthes l’a bien compris : à29 ans, elle investit déjà dans de jeunes start-uppersde troisième génération, âgés de 20 ans. စ