Polychondrite atrophiante : ce que doit savoir le ...

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MISE AU POINT 20 | La Lettre du Rhumatologue • N° 440 - mars 2018 Polychondrite atrophiante : ce que doit savoir le rhumatologue en 2018 Relapsing polychondritis: a 2018 update for the rheumatologist L. Widawski*, P. Mertz*, R. Felten*, L. Arnaud* * Service de rhumatologie, Centre de référence des maladies auto- immunes systémiques rares Est Sud- Ouest (RESO), hôpital de Hautepierre, Strasbourg (laurent.arnaud@chru- strasbourg.fr) L a polychondrite chronique atrophiante (PCA) est une maladie rare décrite pour la première fois en 1923 par Rudolf Jaksch von Warten- horst, et qui se caractérise par une inflammation des cartilages, en particulier du nez, des oreilles et de l’arbre laryngo-trachéobronchique évoluant par poussées. Au total, plus de 600 cas ont été recensés dans les études publiées à ce jour. Ces chondrites ne sont révélatrices de la maladie que dans un tiers des cas. L’atteinte de certains tissus non cartilagineux tels que l’œil, le cœur, l’aorte, l’oreille interne, le système nerveux et la peau est possible, ce qui fait de la PCA une authentique maladie systémique. De plus, la découverte d’une PCA doit faire rechercher une autre maladie auto-immune (associée dans près de 30 % des cas), ainsi qu’une myélodysplasie (1), notamment chez les hommes de plus de 60 ans. Épidémiologie On estime que l’incidence de la PCA est de l’ordre de 3 à 5 nouveaux cas par million d’habitants par an, mais ce chiffre est probablement sous-estimé. Le sex-ratio est proche de 1. La maladie débute habi- tuellement entre 30 et 60 ans, mais les formes à début pédiatrique ou gériatrique sont possibles. Physiopathologie La pathogénie de la PCA est encore mal connue. La destruction du cartilage est liée à son infiltration par des cellules inflammatoires. Des autoanticorps dirigés contre le collagène (principalement de type II, mais aussi IX, X et XI) et la matrilline 1 ont été mis en évidence chez les patients atteints de PCA (2, 3), tout comme des anticorps anti labyrinthine (5). Cependant, ces anticorps sont trop peu sensibles pour pouvoir être utilisés en pratique clinique. Des lymphocytes T autoréactifs dirigés contre certains collagènes ont par ailleurs pu être détectés (6). Les concentrations sériques de certaines cytokines sont augmentées pendant la phase active de la maladie ; c’est notamment le cas de la Monocyte Chemoattractant Protein 1 (MCP-1), de la Macro- phage Inflammatory Protein 1 beta (MIP-1β) et de Tableau I. Principales manifestations cliniques de la polychondrite atrophiante. Signes généraux Fatigue, fièvre Manifestations chondroarticulaires Chondrites auriculaires, nasales, costales Polyarthralgies d’horaire inflammatoire Oligoarthrite, tendinites, ténosynovites ou, plus rarement, autres atteintes périarticulaires Atteinte axiale spécifique Manifestations ORL et respiratoires Chondrite des cartilages trachéobronchiques ou laryngés Dysphonie Hypoacousie sur surdité de transmission par effondrement du cartilage du conduit auditif externe ou de perception Syndrome vestibulaire Manifestations ophtalmologiques Épisclérite et sclérite Scléromalacie Manifestations cardiovasculaires Insuffisance aortique par dilatation de l’anneau aortique ; anévrisme de l’aorte thoracique ascendante Péricardite Troubles de la conduction ou du rythme Manifestations cutanées Multiples et non spécifiques Manifestations neurologiques Rares et essentiellement centrales : déficit focal, épilepsie, méningite, rhombencéphalite, etc. Manifestations rénales Exceptionnelles, doivent avant tout faire remettre le diagnostic en question

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20 | La Lettre du Rhumatologue • N° 440 - mars 2018

Polychondrite atrophiante : ce que doit savoir le rhumatologue en 2018Relapsing polychondrit is : a 2018 update for the rheumatologist

L. Widawski*, P. Mertz*, R. Felten*, L. Arnaud*

* Service de rhumatologie, Centre de référence des maladies auto- immunes systémiques rares Est Sud-Ouest (RESO), hôpital de Hautepierre, Strasbourg (laurent.arnaud@chru- strasbourg.fr)

La polychondrite chronique atrophiante (PCA) est une maladie rare décrite pour la première fois en 1923 par Rudolf Jaksch von Warten-

horst, et qui se caractérise par une inflammation des cartilages, en particulier du nez, des oreilles et de l’arbre laryngo-trachéobronchique évoluant par poussées. Au total, plus de 600 cas ont été recensés dans les études publiées à ce jour. Ces chondrites ne sont révélatrices de la maladie que dans un tiers des

cas. L’atteinte de certains tissus non cartilagineux tels que l’œil, le cœur, l’aorte, l’oreille interne, le système nerveux et la peau est possible, ce qui fait de la PCA une authentique maladie systémique. De plus, la découverte d’une PCA doit faire rechercher une autre maladie auto-immune (associée dans près de 30 % des cas), ainsi qu’une myélodysplasie (1), notamment chez les hommes de plus de 60 ans.

Épidémiologie

On estime que l’incidence de la PCA est de l’ordre de 3 à 5 nouveaux cas par million d’habitants par an, mais ce chiffre est probablement sous-estimé. Le sex-ratio est proche de 1. La maladie débute habi-tuellement entre 30 et 60 ans, mais les formes à début pédiatrique ou gériatrique sont possibles.

Physiopathologie

La pathogénie de la PCA est encore mal connue. La destruction du cartilage est liée à son infiltration par des cellules inflammatoires. Des auto anticorps dirigés contre le collagène (principalement de type II, mais aussi IX, X et XI) et la matrilline 1 ont été mis en évidence chez les patients atteints de PCA (2, 3), tout comme des anticorps anti labyrinthine (5). Cependant, ces anticorps sont trop peu sensibles pour pouvoir être utilisés en pratique clinique. Des lymphocytes T autoréactifs dirigés contre certains collagènes ont par ailleurs pu être détectés (6). Les concentrations sériques de certaines cytokines sont augmentées pendant la phase active de la maladie ; c’est notamment le cas de la Monocyte Chemo attractant Protein 1 (MCP-1), de la Macro-phage Inflammatory Protein 1 beta (MIP-1β) et de

Tableau I. Principales manifestations cliniques de la polychondrite atrophiante.

Signes généraux Fatigue, fièvre

Manifestations chondroarticulaires

Chondrites auriculaires, nasales, costales

Polyarthralgies d’horaire inflammatoire

Oligoarthrite, tendinites, ténosynovites ou, plus rarement, autres atteintes périarticulaires

Atteinte axiale spécifique

Manifestations ORL et respiratoires

Chondrite des cartilages trachéobronchiques ou laryngés

Dysphonie

Hypoacousie sur surdité de transmission par effondrement du cartilage du conduit auditif externe ou de perception 

Syndrome vestibulaire

Manifestations ophtalmologiques

Épisclérite et sclérite

Scléromalacie

Manifestations cardiovasculaires

Insuffisance aortique par dilatation de l’anneau aortique ; anévrisme de l’aorte thoracique ascendante

Péricardite

Troubles de la conduction ou du rythme

Manifestations cutanées Multiples et non spécifiques

Manifestations neurologiques

Rares et essentiellement centrales : déficit focal, épilepsie, méningite, rhombencéphalite, etc.

Manifestations rénales Exceptionnelles, doivent avant tout faire remettre le diagnostic en question

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RésuméLa survenue de polyarthralgies inflammatoires ou d’une polyarthrite séronégative non érosive doit faire envisager le diagnostic de polychondrite atrophiante (PCA) et rechercher des chondrites (révélatrices de la maladie uniquement dans un tiers des cas) ou des déformations cartilagineuses. Le diagnostic de PCA est essentiellement clinique ; aucun examen biologique ou d’autoanticorps ne permet de poser le diagnostic. La PCA est associée 1 fois sur 3 à une autre maladie auto-immune (qu’il convient de rechercher), mais également à des hémopathies (surtout des myélodysplasies), notamment chez les hommes de plus de 60 ans. La stratégie thérapeutique repose sur les anti-inflammatoires non stéroïdiens, la corticothérapie à faible dose, la dapsone ou la colchicine en cas de chondrite mineure. Devant une forme récidivante ou une manifestation viscérale grave, on utilise classiquement une association de corticoïdes et d’immunosupresseurs, voire une biothérapie.

Mots-clésPolychondrite atrophiante

Chondrites

Rhumatisme inflammatoire

SummaryA diagnosis of relapsing polychondritis (RP) should be considered in patients with seronegative, nonero-sive, polyarthralgia or poly-arthritis. Chondritides are the presenting manifestation of RP only in one third of cases. The diagnosis of RP is mostly clinical; no laboratory test or auto-antibody enables the diagnosis of relapsing poly-chondritis. In one third of cases, RP is associated with other autoimmune diseases. The association between RP and myelodysplastic syndrome is commonly seen in men over 60 years of age. Treat-ment of RP is mostly based on NSAIDs, low-dose glucocorti-coids, colchicine or dapsone in case of minor chondritis. Glucocorticoids and immuno-suppressive agents (including biologics) may be used in case of relapsing disease or severe internal organ involvement.

KeywordsRelapsing polychondritis

Chondritis

Inflammatory disease

l’interleukine 8 (IL-8), ce qui souligne le rôle des macrophages au cours de cette pathologie (7). L’injection à des rats de matrilline 1, une protéine spécifique du cartilage trachéal, reproduit l’atteinte respiratoire de la PCA (8). Enfin, la PCA est associée génétiquement aux allèles HLA-DRB1*0, DRB1*13, DRB1*14 et HLA-DQA1et B1 (9) ; mais le typage HLA n’a pas non plus d’intérêt pratique.

Présentation clinique évocatriceEnviron un tiers des PCA sont révélées par des chondrites, dont la présence est indispensable au diagnostic. Les points clés des principales manifes-tations cliniques sont regroupés dans le tableau I. Les signes cliniques habituels associent donc des chondrites à d’autres atteintes de tissus ou d’or-ganes, de fréquences diverses, ainsi qu’une atteinte de l’état général variable. L’évolution de la maladie est marquée par des poussées plus ou moins fré-quentes, et sa sévérité diffère d’un patient à l’autre.

Cependant, la plupart des patients présentent une forme marquée de la maladie, avec des poussées parfois répétées et invalidantes, mettant en jeu le pronostic fonctionnel, voire vital. Les formes mineures sont quant à elles relativement rares. Les principales caractéristiques des patients des grandes séries de PCA sont regroupées dans le tableau II.

Signes généraux

Fatigue et asthénie sont des manifestations fré-quentes au cours de la PCA, pouvant persister en dehors de tout signe d’activité clinique. Une fièvre peut être observée, qui doit faire évoquer en premier lieu un processus infectieux ou (para)néoplasique.

Chondrites auriculaires

L’atteinte la plus fréquente et la plus évocatrice de la maladie est la chondrite du pavillon de l’oreille, qui touche environ 85 % des patients au cours de

Tableau II. Principales caractéristiques des grandes séries de polychondrite atrophiante.

Série et années d’inclusion

Lin et al. 

(1985-2013)

Dion et al. 

(2000-2012)

Mathew et al. 

(2004-2009)

Trentham et al. 

(1980-1997)

Zeuner et al. 

(1990-1995)

Nombre de patients 158 142 43 66 62

Ratio femme/homme 0,69 1,53 1,15 2,88 0,72

Âge moyen au diagnostic (ans) 45 46 44 46 47

Arthralgies (%) 56 69 60 85 53

Chondrite auriculaire (%) 68 89 88 95 93

Chondrite nasale (%) 54 63 35 48 56

Déformation nasale (%) NR 15 NR 20 22

Atteinte laryngotrachéale (%) 69 50 37 67 30

Signes cutanés (%) 46 29 NR 38 24

Surdité (%) 25 27 37 42 19

Symptômes vestibulaires (%) NR 20 NR 53 23

Atteinte oculaire (%) 44 56 57 57 50

Insuffisance aortique ou mitrale (%) 0 22 27 8 0

Atteinte rénale (%) 3 0 2,3 NR 6,5

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Polychondrite atrophiante : ce que doit savoir le rhumatologue en 2018

l’évolution de la maladie. Elle peut être uni- ou bilatérale, et se traduit par une douleur importante accompagnée d’une rougeur et d’une tuméfaction du pavillon de l’oreille. Un point essentiel est que cette infl ammation épargne le lobule de l’oreille, de nature non cartilagineuse (fi gure 1). Elle évolue pendant quelques jours à quelques semaines et peut régresser spontanément. Elle peut être responsable de la destruction du cartilage auriculaire (“oreilles de cocker” [fi gure 1]) ou, à l’opposé, d’un épais-sissement et d’une déformation avec quelquefois des calcifi cations du cartilage aboutissant à une déformation typique appelée “oreille en chou-fl eur” (fi gure 2).Il est indispensable d’examiner également le conduit auditif externe, qui peut être obstrué par un œdème inflammatoire ou par un collapsus du cartilage consécutif à une chondrite de la trompe d’Eus-tache ou à une otite séreuse moyenne entraînant une surdité de transmission.L’oreille interne peut également être touchée, atteinte engendrant une surdité de perception ou des vertiges avec syndrome vestibulaire (environ un tiers des patients sont concernés).

Chondrites nasales

La chondrite nasale est moins fréquente que la chondrite auriculaire (elle touche 50 à 65 % des patients selon les séries). Dans la forme la plus typique, le patient ressent une douleur au niveau de la racine du nez, zone de jonction entre l’os et le cartilage nasal, sans qu’il y ait aucun signe d’infl ammation locale. La répétition des poussées

infl ammatoires nasales peut aboutir à la destruc-tion du cartilage et à l’apparition d’une déforma-tion typique, mais non spécifi que, appelée “nez en pied de marmite”, observée chez environ 20 % des patients pendant l’évolution de la maladie (figure 3). Une déformation sans chondrite sympto-matique n’est pas rare.

Chondrites des voies aériennes

La chondrite de l’arbre respiratoire est une cause importante de morbimortalité au cours de la PCA. Elle touche environ 50 % des patients au cours de l’évolution de la maladie (10). Elle signe un phéno-type grave de cette maladie, et indique un traite-ment précoce et intensif pour limiter l’apparition de séquelles importantes. L’hospitalisation en réanimation devant un tableau de détresse respi-ratoire aiguë n’est pas rare.L’atteinte laryngée se manifeste par une toux sèche, accompagnée d’une dysphonie, voire d’une aphonie due à l’œdème, avec ou sans paralysie des cordes vocales. Peuvent s’y associer une dyspnée laryngée, des cervicalgies antérieures aggravées par la palpa-tion des structures cartilagineuses superfi cielles ou, plus rarement, un stridor en cas de sténose sous-glottique. Ces atteintes peuvent évoluer vers des tableaux de détresse respiratoire. L’atteinte trachéobronchique est la plus grave. Sa recherche doit être systématique devant toute sus-picion de PCA. Elle doit être évoquée devant une toux sèche, une dyspnée, un asthme inhabituel ou atypique et quelquefois un wheezing. Cette atteinte peut aboutir au collapsus trachéobronchique ou au

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Figure 1. Aspect typique d’une chondrite de l’oreille. Le pavillon de l’oreille est rouge, chaud et tuméfi é. L’infl am-mation respecte le lobule, qui n’est pas cartilagineux.

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Figure 2. Déformation de l’oreille au cours de la poly-chondrite atrophiante. La répétition des épisodes de chondrite entraîne une déformation irréversible de l’oreille : les reliefs normaux disparaissent et l’oreille appa-raît épaissie. On retrouve un effondrement du conduit auditif externe, dont l’orifi ce n’est plus visible.

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rétrécissement de la lumière par épaississement œdémateux des parois bronchiques, aboutissant à des tableaux d’insuffi sance respiratoire nécessitant parfois le recours à la chirurgie reconstructrice. La portion membraneuse postérieure est en général épargnée, sauf dans les formes évoluées, où l’épais-sissement peut s’étendre sur toute la circonférence .L’atteinte des grosses voies aériennes se complique fréquemment d’une atélectasie ou d’infections bactériennes. L’indication d’une endoscopie, d’une biopsie ou d’une intubation doit être mûrement réfl échie, dans la mesure où le risque de perfora-tion ou de déclenchement d’une poussée en cas de geste invasif est accru.Une fi brose pulmonaire peut exceptionnellement être observée, et l’on ne sait pas s’il s’agit d’une manifestation de la maladie ou d’une association.

Chondrite costosternale

Les chondrites costales se manifestent par des dou-leurs de la paroi thoracique antérieure ou des côtes fl ottantes, reproductibles à la palpation et parfois accompagnées de signes infl ammatoires locaux. Ces atteintes sont très évocatrices de la maladie, et doivent être envisagées devant des manifestations évoquant un syndrome de Tietze à symptomatologie récidivante.

La chondrite costale, ou la douleur qu’elle entraîne, est fréquemment responsable d’un trouble ventila-toire restrictif.

Atteinte articulaire et musculaire

Les manifestations articulaires sont parmi les plus fré-quentes de la PCA (présentes chez environ 65 % des malades) ; elles sont fréquemment révélatrices. Il s’agit plus souvent d’arthralgies infl ammatoires que d’oligo-arthrite ou de vraie polyarthrite. Elles concernent essentiellement les petites et les grosses articula-tions, de façon asymétrique, intermittente et parfois migratrice. Par défi nition, elles sont séro négatives, non érosives ni déformantes (sauf lorsqu’une vraie poly-arthrite rhumatoïde sous-jacente est associée). Parallèlement, une atteinte axiale spécifi que (en particulier du rachis cervical ou lombaire) est pos-sible au cours de la PCA, et doit faire évoquer une véritable spondyloarthrite associée, surtout en cas de lésions radiologiques compatibles. D’autres mani-festations rhumatologiques, telles que les tendinites, ténosynovites ou autres atteintes périarticulaires, sont possibles.

Manifestations oculaires

L’atteinte oculaire est fréquente (environ 1 patient sur 2), et peut précéder l’apparition des chondrites de plusieurs années (9). Les manifestations les plus fré-quentes sont l’épisclérite et la sclérite (11, 12). Cette dernière est probablement l’atteinte oculaire la plus grave ; elle peut évoluer vers une scléro malacie rési-duelle, à l’origine d’une perforation du globe oculaire ; elle semble associée aux chondrites nasales et auricu-laires. Les autres atteintes rencontrées sont, par ordre de fréquence, la kératoconjonctivite sèche simple ou ulcérée (parfois en rapport avec un syndrome de Gougerot -Sjögren associé), l’uvéite, l’atteinte réti-nienne et l’atteinte du nerf optique ; cette dernière peut évoluer vers une véritable atrophie du nerf optique. Devant une uvéite non granulomateuse, le diagnostic différentiel doit envisager une spondylo-arthrite, voire une spondyloarthrite associée.

Manifestations cardiovasculaires

L’atteinte cardiaque est observée chez environ 15 % des malades. Elle survient tard dans le cours de la maladie, et représente l’une des principales causes de décès.

Figure 3. Déformation nasale dite “en selle” ou en “pied de marmite”. C’est la répétition des épisodes de chon-drite du nez qui entraîne un effondrement de la cloison nasale. Ces épisodes peuvent être asymptomatiques. Ainsi, la déformation peut se constituer à bas bruit.

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Il s’agit fréquemment d’une valvulopathie (qui concerne 10 % des patients au cours de l’évolu-tion) de type insuffisance aortique par dilatation de l’anneau le plus souvent, plus rarement d’insuf-fisance mitrale. L’insuffisance aortique évolue pro-gressivement et doit faire dépister un anévrisme de l’aorte thoracique ascendante associé. L’extension anévrismale aux gros troncs artériels et à l’aorte abdominale est plus rare. L’innervation intrinsèque du cœur peut également être lésée, ce qui entraîne des troubles de la conduc-tion ou du rythme qui peuvent être plus ou moins réversibles après traitement. Des péricardites et des vascularites des moyens (artères coronaires incluses) et des petits vaisseaux ont été décrites. Selon Michet (13), 5 à 14 % des patients pré-senteraient une vascularite leucocytoclasique cutanée, et 10 %, une atteinte microvasculaire systémique responsable de complications neurologiques péri-phériques et centrales. Plus rarement, on peut observer une artérite des gros vaisseaux voisine de l’artérite de Takayasu ou de l’artérite à cellules géantes. L’histo-logie montre alors un infiltrat lymphocytaire de la paroi des vasa vasorum avec fragmentation et destruction du tissu élastique de la limitante élastique externe, évoluant vers une hyalinisation de la paroi aortique.

Atteinte cutanée

L’atteinte cutanée est multiple et non spécifique (14). Elle survient chez 25 à 30 % des patients au cours de l’évolution de la maladie. Les manifestations suivantes été décrites : aphtose buccale, nodules des membres supérieurs ou inférieurs, purpura, papules, pustules aseptiques,

phlébites superficielles, livedo reticularis, ulcérations des membres, nécroses des extrémités, dermatoses neutrophiliques, dont le syndrome de Sweet, ou des lésions d’erythema elevatum diutinum, urticaire et angiœdème (14). En cas d’aphtose importante, il est important de rechercher d’autres signes pouvant évoquer le syndrome MAGIC (Mouth And Genital ulcers with Inflamed Cartilages), décrit par certains auteurs comme une forme de chevauchement entre maladie de Behçet et PCA.Plus de 90 % des patients présentant une PCA asso-ciée à une myélodysplasie présentent des signes cutanés, si bien que, chez le sujet âgé, l’atteinte cutanée de la PCA doit faire systématiquement rechercher une myélodysplasie sous-jacente.

Autres atteintes

Les formes neurologiques sont rares et concernent essentiellement le système nerveux central, sous la forme d’une atteinte des nerfs crâniens. D’autres atteintes ont été décrites et sont proches de celles rencontrées dans les vascularites cérébrales (déficit focal, épilepsie, méningite, rhombencéphalite, etc.). Cependant, une neuropathie périphérique est pos-sible lorsqu’une vascularite est associée.L’atteinte rénale spécifique de la PCA reste véri-tablement exceptionnelle (< 2 % des patients au cours de l’évolution de la maladie) et doit avant tout conduire à remettre en question le diagnostic de PCA. Le diagnostic différentiel doit écarter prin-cipalement une granulomatose avec polyangéite (GPA, ex-maladie de Wegener) et une polyangéite microscopique.

Tableau III. Critères diagnostiques de la polychondrite atrophiante.

McAdam et al. (1976) Damiani et Levine (1979) Michet et al. (1986)

Chondrite récurrente des 2 oreilles

Chondrite du cartilage nasal

Chondrite des voies aériennes supérieures (larynx ou trachée)

Polyarthrite non érosive

Inflammation oculaire : épisclérite, kératite, conjonctivite, uvéite

Surdité, vertiges, acouphènes en rapport avec une atteinte cochléaire ou vestibulaire

Biopsie du cartilage montrant une lésion histologique évocatrice

Au moins 3 critères de McAdam, mais sans histologie

Un seul des critères de McAdam, mais histologie nécessaire

Chondrite dans 2 sites différents, répondant aux corticoïdes ou à la dapsone

Épisodes d’inflammation touchant au moins 2 des 3 sites suivants :• cartilages auriculaires• cartilage nasal• cartilage laryngotrachéal

L’un des 2 sites ci-dessus et 2 autres manifestations comprenant :• une atteinte oculaire :

conjonctivite, kératite, épisclérite, uvéite• surdité ou atteinte vestibulaire• polyarthrite non érosive

3 des 6 critères sont nécessaires au diagnostic. La biopsie n’est pas indispensable au diagnostic

Un seul des critères suffit au diagnostic Un seul des critères suffit au diagnostic

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Manifestations biologiques

Il n’existe aucune anomalie biologique spécifique de la PCA permettant de poser le diagnostic de façon certaine :

➤ un syndrome inflammatoire biologique est habi-tuel, avec environ 10 % des patients gardant un taux de protéine C réactive (CRP) normale pendant les poussées inflammatoires (15) ;

➤ les anticorps anti-collagène de type II, anti-matril-line 1 et antilabyrinthine ne doivent pas être recher-chés en pratique courante en raison de leurs faibles sensibilité et spécificité, tout comme le typage HLA ;

➤ des anticorps antinucléaires sont détectés, après exclusion des cas associés à un lupus ou une connec-tivite mixte, chez environ 10 % des patients (16) ;

➤ des anticorps dirigés contre le cytoplasme des polynucléaires neutrophiles peuvent être retrouvés (17). Leur mise en évidence doit faire évoquer le diagnostic de GPA, surtout en cas de spécificité anti-PR3 ;

➤ un syndrome myélodysplasique est systémati-quement recherché chez les sujets âgés, notamment chez les hommes de plus de 60 ans. Il est dépisté par une simple numération-formule sanguine. La moindre anomalie dans ce contexte justifie la réa-lisation d’un médullogramme avec caryotype, dans la mesure où le pronostic vital dépend en général de l’hémopathie et non de la PCA.

Examens paracliniques

En cas de suspicion de PCA, le bilan d’extension de la maladie doit comprendre :

➤ une radiographie du thorax à la recherche de complications respiratoires ou d’un anévrisme aortique ;

➤ un holter ECG et une échographie cardiaque transthoracique à la recherche d’un trouble de la conduction ou du rythme paroxystique, et d’une valvulopathie associée ;

➤ une tomodensitométrie cervicothoracique avec clichés en inspiration et expiration forcée, qui peut mettre en évidence :

• un épaississement de la paroi trachéobronchique épargnant la paroi postérieure de la trachée, non cartilagineuse,

• un collapsus inspiratoire plus ou moins complet de l’arbre respiratoire,

• des calcifications pariétales de l’arbre trachéo-bronchique ;

➤ des explorations fonctionnelles respiratoires avec mesures de la DLCO, susceptibles de mettre en évi-

dence des troubles de la ventilation de type obstructif (trachéomalacie, sténoses des voies aériennes) ou restrictif (atteinte articulaire chondrosternale) ;

➤ un médullogramme, lorsqu’une hémo pathie (notamment une myélodysplasie) est suspectée ;

➤ la place du TEP-TDM est prometteuse, montrant un hypermétabolisme précoce des lésions cartila-gineuses actives, et la normalisation de l’hyperfixa-tion après traitement.

Diagnostic et critères diagnostiques de la PCALe diagnostic de PCA repose sur un ensemble d’argu-ments cliniques évocateurs. La biopsie du cartilage n’est pas à réaliser en pratique courante, car elle est invasive et n’apporte pas d’arguments diagnostiques pertinents. Plusieurs séries de critères diagnostiques cliniques ont été élaborées depuis plusieurs années. Les critères de Michet peuvent aider au diagnostic (tableau III) [13] ; ils ne prennent pas en compte l’anatomopathologie du cartilage et permettent donc de surseoir à la biopsie.

Maladies associées à la PCA

Les principales maladies associées sont regroupées dans le tableau IV. Il est important de relever que la PCA est liée 1 fois sur 3 à une autre maladie auto- immune :

Tableau IV. Principales maladies associées à la polychondrite atrophiante.

Maladies auto-immunes systémiques Maladies inflammatoires

Tumeurs solides et hémopathies

Polyarthrite rhumatoïde

Lupus érythémateux systémique

Syndrome de Goujerot-Sjögren

Granulomatose avec polyangéite (ex-maladie de Wegener)

Granulomatose éosinophilique avec polyangéite (ex-syndrome de Churg-Strauss)

Polyangéite microscopique

Périartérite noueuse

Maladie de Behçet

Maladie de Crohn

Rectocolite hémorragique

Spondyloarthrite ankylosante

Myélodysplasies

Lymphomes

Maladies inflammatoires et auto-immunes spécifiques d’organes

Autres maladies du spectre

dysimmunitaire

Maladies infectieuses

Cirrhose biliaire primitive

Myasthénie

Thyroïdites auto-immunes

RS3PE

Fièvre méditerranéenne familiale

Déficit immunitaire commun variable (DICV)

VHC

VIH

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Polychondrite atrophiante : ce que doit savoir le rhumatologue en 2018

polyarthrite rhumatoïde, spondyloarthrite, lupus sys-témique, syndrome des antiphospholipides, maladie de Behçet, maladie inflammatoire chronique de l’in-testin, etc. Elle s’associe également à des hémopathies.

Diagnostic différentiel

Les principaux diagnostics différentiels sont résumés dans le tableau V. Encore une fois, il est important de préciser que l’atteinte rénale de la PCA reste exceptionnelle et doit faire évoquer en premier lieu une GPA, notamment devant la présence d’ulcérations de la muqueuse nasale, d’épistaxis, de croûtes ou d’une perforation de la cloison nasale ; d’une otite moyenne, d’une sinusite ou d’une mastoïdite. La GPA se complique volontiers d’atteintes pulmonaires, qui se traduisent par une hémorragie intra-alvéolaire ou des nodules pulmonaires, qui ne sont normalement pas présents dans la PCA.

Évolution, pronostic, morbidité et mortalité La PCA est une maladie évoluant par poussées dont la fréquence et la gravité sont imprévisibles. On sait cependant que rares sont les cas dont l’évolution est spontanément et durablement favorable. Les séries histo riques rapportaient une survie à 5 et 10 ans de 74 et 55 %, respectivement, mais les séries plus récentes mettent en évidence une franche amélio ration du pronostic, avec des chiffres de survie à 5 et 10 ans de 95 et 91 % dans la série française de Cochin (18), et de 88 et 81 % dans la série hongroise (19). Les séquelles fonc-tionnelles ne sont pas négligeables : esthétique, douleurs chroniques, surdité, troubles de l’équi-libre, altération de la vision, asthme persistant, etc. Les principales causes de décès sont l’atteinte trachéobronchique (qui se complique d’infections respiratoires à répétition), les atteintes de l’aorte et des valves cardiaques, les vascularites systémiques et les cancers, notamment chez les patients âgés. De plus, l’anémie liée à la myélodysplasie est asso-ciée à un moins bon pronostic de manière statisti-quement significative (13).

Traitements de la PCA

La prise en charge thérapeutique de la PCA n’est à l’heure actuelle pas encore codifiée. Le principal

objectif est de prévenir la constitution irréversible des lésions laryngées, trachéales et bronchiques en diminuant la fréquence et l’intensité des poussées.

Les anti-inflammatoires

Les anti-inflammatoires non stéroïdiens (AINS) peuvent être utilisés dans les formes limitées de PCA, comme, par exemple, les sclérites et les épi-sclérites, et peuvent alors même être utilisés sous forme de collyre. Ils peuvent se révéler également efficaces dans les formes peu sévères de chondrite auriculaire et nasale, et d’arthrite.La colchicine peut être efficace dans les formes arti-culaires périphériques peu sévères (19).Enfin, on peut proposer de la dapsone comme trai-tement de fond des formes non sévères de chondrite auriculaire et nasale et d’arthrite (20). Son efficacité semble cependant limitée.

Les glucocorticoïdes

Ils sont souvent très efficaces, et on les utilise dans la très grande majorité des cas (15) afin de traiter les atteintes résistantes aux AINS, ou d’emblée dans les formes sévères (atteinte ophtalmologique sévère, atteinte laryngée, trachéale ou bronchique, atteinte cardiaque, atteinte de l’oreille interne d’installation récente et vascularite systémique). Selon le type d’atteinte à prendre en charge, la posologie adéquate en équivalent prednisone varie entre 0,25 et 1 mg / kg/j. On commence quelque-fois ce traitement, si l’on souhaite une efficacité rapide, par des bolus i.v. de 500 à 1 000 mg de méthyl prednisolone sur 3 jours. Il n’y a pas de règle concernant la durée du traitement d’attaque et sa réduction progressive. Quelquefois, un sevrage complet et définitif est possible, mais il est plutôt d’usage, afin d’éviter les rechutes, de maintenir une dose faible (5-10 mg/j) sur le long terme.

Les immunosuppresseurs

Le choix de la molécule est encore empirique. On utilise les immunosuppresseurs chez les patients cortico-intolérants ou corticodépendants, ou encore d’emblée dans les formes viscérales graves. On utilise classiquement le méthotrexate, l’azathio-prine, le cyclophosphamide et la ciclosporine. De façon plus récente, le mycophénolate mofétil est

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lui aussi utilisé, tout comme l’azacitidine dans les formes associées à un syndrome myélodysplasique, qui a été utilisé avec succès chez 4 patients d’une série récente (21).

Les biothérapies

C’est surtout l’avènement des biothérapies qui a récemment agrandi le spectre des possibilités de traitement des PCA graves ou corticorésistantes. L’infliximab a longtemps été utilisé en raison de son efficacité chez environ la moitié des patients, mais il est fréquent que cette efficacité ne dure pas, et les effets indésirables infectieux ne sont pas négli-geables (22, 23). L’étanercept semble également efficace (24).Plus récemment, l’efficacité du tocilizumab (anti- interleukine 6) a été rapportée chez quelques patients ayant des atteintes sévères et réfractaires à de nombreuses lignes thérapeutiques (22, 25).L’anakinra (IL-1RA) semble être efficace, selon quelques cas rapportés dans la littérature (26, 27). Ce traitement paraît intéressant dans la mesure où le risque infectieux est plus faible qu’avec les anti-TNFα.L’abatacept (analogue du CTLA-4) a également semblé efficace en cas de résistance à 3 anti-TNF et à 1 anti-IL-1 (28).L’utilisation du rituximab est quant à elle décevante : une seule étude, de faible puissance, a montré une amélioration partielle chez 2 patients sous ce trai-tement (29).

Autres traitements systémiques

N’ayant pas d’effet immunosuppresseur, ou peu, le léflunomide (30) ou les immunoglobulines à forte dose par voie i.v. (31) sont susceptibles d’une cer-taine efficacité dans la PCA.

Traitements locaux

Les atteintes laryngée, trachéale et bronchique peuvent parfois nécessiter des gestes locaux tels que des infiltrations par glucocorticoïdes, la pose d’une endoprothèse ou une trachéostomie, une dilatation mécanique, une résection chirurgicale, voire, si pos-sible, une reconstruction de la trachée (32, 33). Les atteintes valvulaires et aortiques sont par ailleurs traitées chirurgicalement, d’où l’importance d’une surveillance régulière.

Surveillance

En l’absence de recommandation existante, nous pouvons suggérer une surveillance clinique et para-clinique simple tous les 6 mois à 1 an, et plus fré-quente en cas d’atteinte évolutive.Les valvulopathies seront dépistées et surveillées par échographie cardiaque, de façon systématique lors du bilan diagnostique initial, puis, par exemple, tous les 5 ans. Bien que parfois visibles sur une simple

Tableau V. Diagnostic différentiel de la polychondrite atrophiante (PCA).

Atteinte ORL

Granulomatose avec polyangéite (ex-maladie de Wegener) : épistaxis, rhinite croûteuse, ulcérations de la muqueuse nasale, otite moyenne, sinusite, mastoïdite

Peut être retrouvée dans la PCA : perforation de la cloison nasale

Atteinte articulaire

Polyarthrite rhumatoïde séropositive et érosive

L’atteinte articulaire de la PCA est par définition séronégative, non déformante ni destructrice (en dehors de tout chevauchement avec une vraie polyarthrite rhumatoïde)Spondyloarthrites

Chondrite auriculaire

Périchondrite infectieuse

Périchondrite réactionnelle postinfectieuse ou post-traumatique

Otohématome traumatique : rugbyman, boxeur

Dyskératose nodulaire isolée de l’oreille ou dans le cadre d’une maladie récidivante (chondrodermatitis nodularis chronica helicis)Dermatoses : eczéma, psoriasis, etc.

Red Ear Syndrome (RES)

Lymphocytome cutané bénin de la phase secondaire d’une borréliose

Dans la PCA, l’atteinte est généralement bilatérale et épargne, par définition, le lobule de l’oreille (non cartilagineux)

Chondrite nasale

Granulomatose avec polyangéite (ex-maladie de Wegener)

Syphilis congénitale ou tertiaire

Lèpre

Lymphome extraganglionnaire de type N/K (anciennement granulome malin centrofacial)

Granulomatoses systémiques, dont sarcoïdose

Sténose des voies aériennes

Causes iatrogènes : postintubation

Granulomatose avec polyangéite (ex-maladie de Wegener)

Granulomatoses systémiques, dont sarcoïdose, maladies inflammatoires chroniques de l’intestin (MICI), tuberculose, rhinosclérome, etc.

Amylose

Histoplasmose

Aspergillose

Déformation de la trachée en lame de sabre dans le cadre d’une bronchopneumopathie chronique obstructive

Lymphomes pulmonaires primitifs

Granulomatose lymphomatoïde, lymphomes angiocentriques

Manifestations cutanées

Syndrome MAGIC (Mouth And Genital ulcers with Inflamed Cartilages)

Manifestations rénales

Exceptionnelles, doivent avant tout faire remettre le diagnostic en question et évoquer en priorité une granulomatose avec polyangéite

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Polychondrite atrophiante : ce que doit savoir le rhumatologue en 2018

radiographie du thorax, les anévrismes de l’aorte thoracique seront dépistés et surveillés par une tomodensitométrie thoracique.L’atteinte respiratoire sera également évaluée par radiographie du thorax, mais surtout par tomo-densitométrie des voies aériennes et du thorax (34) sur laquelle un épaississement, voire des calci-fications des cartilages laryngés et trachéaux, aspécifiques, sont souvent observés. Ces clichés doivent être acquis en inspiration et en expiration, avec reconstruction ou endoscopie virtuelle : cela permettra une analyse plus précise des voies respira-toires et de leur perméabilité. Des explorations fonc-tionnelles respiratoires avec une étude des volumes expirés et inspirés devront également être faites, afin d’évaluer un éventuel retentissement obstructif.En raison de l’association de la PCA aux syndromes myélodysplasiques, une numération-formule san-guine devra être prescrite de façon régulière, surtout chez les hommes de plus de 60 ans.Pour permettre un suivi plus précis de l’activité de la maladie, nous avons développé un score d’activité (Relapsing Polychondritis Disease Activity Index) spé-cifique à la PCA (35), et nous venons de terminer le développement d’un score de dommage.

Conclusion

La PCA est une pathologie dont le diagnostic, essentiel-lement clinique, repose sur la présence de chondrites, qui ne sont révélatrices que dans environ un tiers des cas. Les sclérites et épisclérites, atteintes ophtalmo-logiques de la PCA et mode de découverte fréquent de la maladie, ne sont pas rares. L’atteinte articulaire est fréquente (50 % des patients) et normalement non destructrice. La PCA peut être associée à différentes maladies et doit faire rechercher, chez un homme de plus de 60 ans, un syndrome myélodysplasique, et, chez tout patient, une autre affection, telle que la GPA. Le TEP semble prometteur pour le diagnostic précoce de la PCA. La prise en charge thérapeutique de cette dernière demeure mal codifiée : de façon générale, les formes mineures pourront être traitées par AINS, les formes plus sévères par corticothérapie systémique. Il n’est pas rare d’être confronté à une complication de la PCA pouvant engager le pronostic vital (atteinte res-piratoire ou cardiaque) : ces formes, comme les formes dépendantes ou résistantes aux corticoïdes, sont une indication pour un traitement immunosuppresseur ou immunomodulateur, dont les modalités d’utilisation restent empiriques à l’heure actuelle. ■

Les auteurs déclarent ne pas avoir de liens d’intérêts.

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