Pollution particulaire

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7S103 © 2004 SPLF, tous droits réservés Kapp et coll. ont étudié la distribution de dioxide de tita- nium, particules ultrafines, inhalées par des rats pendant une heure. Des sections de tissu pulmonaire de 50 nm ont été exa- minées en microscopie électronique (fig. 1), montrant une translocation rapide de ces particules des espaces aériens vers le tissu pulmonaire et le compartiment vasculaire [1]. Mollahem et coll. ont étudié la fertilité de souris âgées de 10 jours et 10 semaines, après 3 mois d’exposition à la pollu- tion atmosphérique dans une cage posée à proximité d’une route à grande circulation. Les souris témoins étaient dans une cage protégée d’un filtre à air. L’accouplement des souris avait lieu après les 3 mois d’exposition. Une césarienne était réalisée à 19 jours de gestation. Pour les souris de 10 jours, il a été observé une diminution du nombre de nouveau-nés vivants et un taux plus important d’échec d’implantation [2]. Ces résultats suggèrent une influence néfaste de la pollution atmo- sphérique sur la fertilité, particulièrement lors des expositions précoces. Les particules de diesel (DEP) sont connues pour inhiber les fonctions macrophagiques, en diminuant leur capacité de phagocytose et diminuer leur production de cytokines pro ou anti-inflammatoires [3]. L’exposition aux DEP suivie d’une sti- mulation par LPS entraînait une diminution de la production de radicaux libres de l’oxygène (ROS), et une inhibition de la production de NO et de cytokines pro-inflammatoires [4, 5]. Hiramatsu et coll. ont étudié l’impact de l’exposition à des DEP sur l’infection à Mycobacterium tuberculosis chez des sou- ris Balb/c. L’exposition à des particules de diesel 7 heures/jour, 5 jours/semaine, de 1 à 6 mois suivie d’une infection à Myco- bacterium tuberculosis montrait à 6 mois une charge bacté- rienne 4 fois plus élevée au niveau pulmonaire, mais pas au niveau de la rate, chez les souris exposées. Les lésions tuber- culeuses étaient diffuses, alors qu’elles étaient focalisées chez les souris témoins. À 6 mois, l’expression d’IFN-gamma et de l’ARN messager de iNOS était également diminuée [6]. Ces résultats suggèrent une dépression de l’immunité anti-infec- tieuse induite par les DEP. Épidémiologie - Environnement Pollution particulaire L.-T. Nguyen Rev Mal Respir 2004 ; 21 : 7S103-7S106 CHU Gabriel-Montpied, 63003 Clermont-Ferrand, France.

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7S103© 2004 SPLF, tous droits réservés

Kapp et coll. ont étudié la distribution de dioxide de tita-nium, particules ultrafines, inhalées par des rats pendant uneheure. Des sections de tissu pulmonaire de 50 nm ont été exa-minées en microscopie électronique (fig. 1), montrant unetranslocation rapide de ces particules des espaces aériens versle tissu pulmonaire et le compartiment vasculaire [1].

Mollahem et coll. ont étudié la fertilité de souris âgées de10 jours et 10 semaines, après 3 mois d’exposition à la pollu-tion atmosphérique dans une cage posée à proximité d’uneroute à grande circulation. Les souris témoins étaient dans unecage protégée d’un filtre à air. L’accouplement des souris avaitlieu après les 3 mois d’exposition. Une césarienne était réaliséeà 19 jours de gestation. Pour les souris de 10 jours, il a étéobservé une diminution du nombre de nouveau-nés vivantset un taux plus important d’échec d’implantation [2]. Cesrésultats suggèrent une influence néfaste de la pollution atmo-sphérique sur la fertilité, particulièrement lors des expositionsprécoces.

Les particules de diesel (DEP) sont connues pour inhiberles fonctions macrophagiques, en diminuant leur capacité dephagocytose et diminuer leur production de cytokines pro ouanti-inflammatoires [3]. L’exposition aux DEP suivie d’une sti-mulation par LPS entraînait une diminution de la productionde radicaux libres de l’oxygène (ROS), et une inhibition de laproduction de NO et de cytokines pro-inflammatoires [4, 5].

Hiramatsu et coll. ont étudié l’impact de l’exposition à desDEP sur l’infection à Mycobacterium tuberculosis chez des sou-ris Balb/c. L’exposition à des particules de diesel 7 heures/jour,5 jours/semaine, de 1 à 6 mois suivie d’une infection à Myco-bacterium tuberculosis montrait à 6 mois une charge bacté-rienne 4 fois plus élevée au niveau pulmonaire, mais pas auniveau de la rate, chez les souris exposées. Les lésions tuber-culeuses étaient diffuses, alors qu’elles étaient focalisées chez lessouris témoins. À 6 mois, l’expression d’IFN-gamma et del’ARN messager de iNOS était également diminuée [6]. Cesrésultats suggèrent une dépression de l’immunité anti-infec-tieuse induite par les DEP.

Épidémiologie - Environnement

Pollution particulaire

L.-T. Nguyen

Rev Mal Respir 2004 ; 21 : 7S103-7S106

CHU Gabriel-Montpied, 63003 Clermont-Ferrand, France.

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Mundandhara et coll. ont montré que l’exposition pen-dant 24 heures à des DEP, mais pas à la fumée noire, induisaitune augmentation de production de TNF-alpha, IL-8 et PGE2par les cultures cellulaires de macrophages alvéolaires (MA)d’origine humaine. Lorsque les MA étaient incubées 24 h enprésence de LPS après exposition préalable à des DEP, il était

observé une diminution de la capacité du LPS à induire lasécrétion de TNF-alpha, IL-8 et PGE2. Ces effets n’étaient pasobservés avec la fumée noire. Ces résultas suggèrent une inhi-bition par les DEP, mais pas par la fumée noire, de la produc-tion de cytokines par les MA sous stimulation par LPS [7].

Les DEP ont la capacité d’induire l’expression pulmo-naire de cytochromes CYP1A1 et réprimer celle de CYP2B1 quiparticipent à la production de ROS [8, 9]. Des DEP ou dusérum salé ont été instillés en intratrachéal à des rats. Dans legroupe « DEP », il a été observé une augmentation du taux demacrophages, de neutrophiles, de nitrite, de peroxinitrite, deROS, de l’expression de CYP1A1 responsable de la productiond’IL-10, antioxydant, par les macrophages. Chez les rats ayantreçu conjointement de l’aminoguanidine (inhibiteur de iNOS)par voie intratrachéale, ces effets étaient inhibés. Les auteurssuggèrent que l’inflammation induite par les DEP seraitmédiée par iNOS [10].

Adamkiewicz et coll. ont rapporté une corrélation entrel’augmentation de concentration de PM2,5 dans l’air ambiantet une augmentation du taux de NO dans l’air expiré chez ungroupe de 44 personnes âgées en moyenne de 80 ans, nonfumeurs. Ces résultats suggèrent une inflammation des voiesaériennes par la pollution ambiante, mesurable par le NOexpiré [11].

Crapo (Denver, USA) a rappelé, d’une part, que la bron-chiole, notamment au niveau de sa jonction avec les sacs alvéo-laires, représentait la principale zone cible des attaques des petitesparticules et des gaz modérément solubles, d’autre part, lesconséquences des attaques des radicaux libres de l’oxygène surles sécrétions cytokiniques, chémokiniques, les cellules inflam-matoires, l’apoptose, le remodelage tissulaire et la carcinogenèse.Ces conséquences sont contrebalancées par des antioxydants nonenzymatiques (tocophérol, ascorbate, GSH, urate) et enzyma-tiques (superoxide dismutase, jouant un rôle central au niveaupulmonaire, catalase, thioredoxine et glutaredoxine).

Les résultats de l’étude européenne tirée de la cohorte del’European Community Respiratory Health Survey (ECRHS I)ont été présentés : il s’agissait d’une cohorte de 14000 adultescollectée entre 1992 et 2002. Le groupe d’étude « pollution del’air » travaillait sur 20 centres répartis dans 10 pays. L’objectifétait d’évaluer la pollution moyenne annuelle à PM2,5, à l’aidede capteurs. Le recueil s’effectuait 7 jours par mois pendant1 an. Shi et coll. ont comparé la capacité des 720 échantillonsde PM2,5 recueillis, à générer le radical OH, mesurée par réso-nance magnétique à électrons. Cette capacité variait de 1 à 10en fonction de la masse des particules ; et à masse égale, ellevariait avec la composition en métaux des particules [12]. Dela même étude, Kelly et coll. ont étudié l’influence de laconcentration en antioxydants (acide ascorbique, AA) sur l’ac-tivité oxydative de 790 échantillons de PM2,5 à travers les 20centres en Europe. L’activité oxydative était testée in vitro à 0 het 4 h en présence de concentrations variables d’antioxydants.L’activité la plus élevée était retrouvée pour Turin (– 92,6 %

Fig. 1.

Les particules sont montrées par les flèches.A : dans l’interstitium, entourée par des fibres collagènes (CA).B : avec les érythrocytes (EC) dans un capillaire (CA), lumière alvéo-laire (AL), épithélium (EP).C : à l’intérieur d’un fibrocyte (F), près du noyau.D : à l’intérieur du cytoplasme d’une cellule endothéliale (EN).E : à l’intérieur d’un capillaire près de l’endothélium alvéolaire.F : à l’intérieur du noyau d’une cellule endothéliale.

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de perte en AA) et la plus faible pour Norwich (– 13,5 % deperte en AA). Cette activité oxydative était indépendante de lamasse particulaire des échantillons de PM2,5. Les auteurs sug-gèrent d’évaluer la toxicité particulaire non seulement par leurmasse, mais également par leur capacité oxydative [13].

Garcia Cuellar et coll. ont étudié in vitro la capacité desparticules PM10 prélevées à Mexico, à produire des radicauxOH, et à oxyder des lipides et l’ADN. Les plus fortes capacitésà produire OH ont été observés avec des échantillons conte-nant le plus de métaux de transitions (provenant des zonesindustrielles). Tous les échantillons induisaient la lipidoperoxi-dation et des lésions de l’ADN, avec une relation concentra-tion-dépendante et dépendante de leur teneur en métaux. Ceseffets étaient prévenus par la présence de desferoxamine, ché-lateur du fer, ajoutée à l’échantillon [14].

Kelly et coll. ont observé des résultats comparables à par-tir d’échantillons de particules prélevés à 6 endroits différentsen Grande-Bretagne. La capacité oxydative des échantillons invitro par leur capacité à dépléter l’acide ascorbique, était cor-rélée au pool de Fe2+ et Fe3+ mobilisable à la surface des par-

ticules et non à leur masse (PM2,5-PM10) vs (PM0,1-PM2,5)[13]. Ces résultats suggèrent un rôle des métaux dans la toxicitédes particules et notamment via leur capacité oxydative, indé-pendamment de leur masse.

Bayran et coll. ont étudié la viabilité de cellules épithélialespulmonaires d’origine humaine, incubées dans des concentra-tions variables de particules de diesel (DEP), en l’absence ouen présence d’antioxydant (NAC ou AEOL10113), un inhi-biteur de JNK (SP600125), et un inhibiteur de NF-kappa-B(SN50). La viabilité cellulaire était maximale avec une concen-tration de DEP à 10mg/L après 48 à 72 h d’incubation. Ceteffet était inhibé par la présence de NAC, AEOL10113,SP600125 et SN50. À 10mg/ml de DEP, le nombre de cellulesen phase S était significativement augmenté à 48 h, comparéaux cellules contrôles. La présence de NAC ou AEOL10113diminuait le nombre de cellules en phase S SP00125 augmen-tait le taux de cellules en phase G2/M, mais diminuait le tauxde cellules en phase G0/1. Les auteurs proposent un schéma(fig. 2) pour en expliquer le mécanisme et suggèrent leur rôledans la cancérogenèse induite par la pollution particulaire [15].

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Section I : pathologie respiratoire

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Fig. 2.

Rôle des particules de diesel et/ou du stress oxydant sur la viabilité cellulaire.

↑↑ ↑

Cellules en privationCellules exposées à des particules

de diesel

Stress oxydant NACAEOL19113

JNK SN50

SP600125 SN50 Viabilité cellulaire

Apoptose

Raccourcissement du cyclecellulaire

Expression p21

Références

1 Kapp N, Kreyling W, Im Hof V, Schulz H, Gehr P, Geiser P : Ultra-structural localization and distribution of inhaled ultrafine titaniumdioxide particles in rat lungs. Am J Respir Crit Care Med 2004 ; 169 :A279.

2 Mohallem S, Lobo D, Pesquero C, Saldiva P, Dolhnikoff M : Effects ofambient levels of air pollution on female fertility of mice. Am J RespirCrit Care Med 2004 ; 169 : A280.

3 Amakawa K, Terashima T, Matsuzaki T, Matsumaru A, Sagai M, Yama-guchi K : Suppressive effects of diesel exhaust particles on cytokine

release from human and murine alveolar macrophages. Exp Lung Res2003 ; 29 : 149-64.

4 Yang H, Barger M, Castranova V, Ma J, Yang J, Ma J : Effects of dieselexhaust particles (DEP), carbon black, and silica on macrophage res-ponses to lipopolysaccharide: evidence of DEP suppression of macro-phage activity. J Toxicol Environ Health 1999 ; 58 : 261-78.

5 Siegel P, Saxena R, Saxena Q, Ma J, Ma J, Yin X, Castranova V, Al-Humadi N, Lewis DM : Effect of diesel exhaust particulate (DEP)on immune responses: contributions of particulate versus organicsoluble components. J Toxicol Environ Health A 2004 ; 67 : 221-31.

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6 Hiramatsu K, Sugawara I, Sakakibara K, Sato Y, Azuma A, Kudoh S. :The effects of diesel exhaust inhalation on murine tubersulosis. Am JRespir Crit Care Med 2004 ; 169 : A282.

7 Mundandhara S, Becker S, Madden M : Effects of diesel exhaust par-ticles on human alveolar macrophage responsiveness to lipopolysaccha-rid. Am J Respir Crit Care Med 2004 ; 169 : A278.

8 Ma J : The dual effect of the particulate and organic components of die-sel exhaust particles on the alteration of pulmonary immune/inflam-matory responses and metabolic enzymes. J Environ Sci Health Part CEnviron Carcinog Ecotoxicol Rev 2002 ; 20 : 117-47.

9 Takano H, Yanagisawa R, Ichinose T, Sadakane K, Inoue K, Yoshida S,Takeda K, Yoshino S, Yoshikawa T, Morita M : Lung expression of cyto-chrome P450 1A1 as a possible biomarker of exposure to diesel exhaustparticles. Arch Toxicol 2002 ; 76 : 146-51.

10 Ma J, Zhao H, Barger M, Ma J, Castranova V : Role of nitric oxide inthe induction of lung inflammation by the organic extract of dieselexhaust particles. Am J Respir Crit Care Med 2004 ; 169 : A279.

11 Adamkiewicz G, Dubowsky S, Schwartz J, Suh H, Gold D : Associationbetween ambient PM2.5 concentration and exhaled nitric oxide inelderly panel. Am J Respir Crit Care Med 2004 ; 169 : A282.

12 Shi T, Kunzli N, Forsberg B, Gotschi T, Gislason T, Toren K, de MarcoK, Mudway I, Kelly F, Ackermann U, Soon A, Lilienberg L, LuczinskaC, Borm P : Hydroxyl radical formation by particulate matter from 20sites across Europe. Am J Respir Crit Care Med 2004 ; 169 : A507.

13 Kelly F, Cook S, IS. M, Gotschi T, Shi T, Borm P, Heinrich J, Jarvis D,Burney P, Kunzli N : Antioxidant depletion by PM2.5 from 20 sites acrossEurope (ECRHS II). Am J Respir Crit Care Med 2004 ; 169 : A507.

14 Garcia-Cuellar C, Martinez F, Flores G, Sanchez Y, Torres V, Alfaro-Moreno E : Lipid and DNA oxidative damage induced in vitro by PM10

samples with different hydroxyl radical generation petential. Am J Res-pir Crit Care Med 2004 ; 169 : A508.

15 Bayram H, Ito K, Issa R, Ito M, Sukkar M, Chung K : Diesel exhaustparticles induce human lung epithelial cell proliferation: mechanisms.Am J Respir Crit Care Med 2004 ; 169 : A508.