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A plus de 80 ans, Edna O'Brien O Brien signe 'autobiographie 'autobiographie autobiographie d'une d une fille de la cannpagne devenue une brillante romancière irlandaise Les confidences del'auteur l auteur de «Crépuscule irlandais» sont unmerveilleux éloge delavie intérieure. On y trouve aussi la grâce virevoltante d'une d une paysagiste etlesrévoltes d'une d unefemme dont les livres furent durement reçus dans son pays natal Par André Clavel AUTOBIO AUTOBIOGRAPHIE Edna O'Brien O Brien O'Brien__________ O Brien__________ Fille de la campagne Trad.de l'anglais l anglais par Pierre-Emmanuel Dauzat Sabine Wespieser, 480 p. A quoi peut rêver une jeune fille, au fond de la campagne irlandaise? A larguer les amarres. Née en 1930 dans un village catholique qu'elle qu elle décrit comme un étouffoir, Edna O'Brien O Brien avait 22 ans lorsqu'elle lorsqu elle décida de quitter le bercail et de s'installer s installer à Londres, avec le sentiment d'être d être à la fois une exilée et une rescapée. Elle avait des comptes à régler, et elle choisit l'écriture l écriture pour s'en s en acquitter. En signant des romans qui ne tardèrent pas à être interdits en Irlande et parfois -, parce qu'il qu il y est question du désir féminin et de la sexualité dans une société bâillonnée par la religion. Mais si elle a été contrainte de fiiir l'Irlande l Irlande pour pouvoir écrire, l'auteur l auteur des Fillesde la campagne ne cesse d'y d y revenir dans ses livres: cette terre la hante, avec ses fantômes flagellés par les vents et ses «âmes mutilées», comme disait Yeats. C'est C est dans ces décors tourmentés que se débattent les héroïnes d'Edna d Edna O'Brien, O Brien, des femmes accablées par leur éducation bigote, par la servitude conjugale ou domestique, par la solitude affective, par des tabous de toutes sortes. Le réconfort? Elles le cherchent loin des humains, en se réfugiant dans des paysages sauvages qui sont autant d'images d images d'une d une liberté reconquise. Toutes ces hantises se conjuguent dans Fillede la campagne au singulier, cette fois -, passionnante autobiographie qu'Edna qu Edna O'Brien O Brien s'est s est enfin décidée à rédiger, à 80 ans passés, après avoir longtemps rechigné à livrer ce qu'elle qu elle appelle ici «une obscure petite gorgée de secrets». Ces secrets, elle se contentera de les murmurer mais, auparavant, il y a ces deux rêves contrastés qu'elle qu elle désire nous raconter parce qu'ils qu ils résument toute son existence, toute sa quête littéraire. Le premier, radieux, la ramèneà Drewsboro la demeure de son enfance -, un lieu oii scintillent «destorches de flammes». Le second, beaucoup plus angoissant, se situe également dans sa maison natale, mais derrière la porte verrouillée d'une d une chambre oîi elle se sent prisonnière. D'un D un côté, la lumière salvatrice; de l'autre, l autre, l'enfermement l enfermement et la peur, face à des murs qu'il qu il faut briser. Entre les deux, le destin d'une d une romancière dont les confidences sont un merveilleux éloge de la vie intérieure. Mais il y a aussi, tout au long de ces Mémoires, la grâce virevoltante d'une d une paysagiste qui ne cesse de ressusciter les parfums et les couleurs de l'Irlande l Irlande rurale des années 1930-1940, le bétail dans les prés, les chardons et les primevères, «lesbouses de vache fraîches», «la neige fondue et les averses de soleil», l'odeur l odeur du pain qui lève dans le four. «Au mois de mai, les haies deviennent un carnaval de pétales d'aubépine d aubépine que le vent souffle comme des confettis», écrit Edna O'Brien, O Brien, qui remonte le sentier de sa jeunesse en évoquant sa maison de Drewsboro sorte de tabernacle rempU de livres de messe -, son père couvert de dettes et cette mère emmurée dans ses obsessions, une femme dont elle décalquera la silhouette sur ses propres personnages, dans beaucoup de ses romans. Tout s'est s est joué dans ces décors avec,constamment, la peur de l'enfer, l enfer, la hantise du péché, la haine de la chair. Puis viendront les années de couvent autre prison et le temps de la libération, lorsque Edna O'Brien O Brien fera ses études de pharmacie à Dublin avant d'épouser d épouser en 1954 l'éciivain l éciivain Ernest Gé- bler, bientôt jaloux de son pour l'indépendance. l indépendance. Quatre ans plus tard, ils s'installeront s installeront à Londres, auront deux enfants mais ne tarderont pas à divorcer, alors que LesFillesde la campagne font scandale en Irlande. Edna O'Brien O Brien a 30 ans, elle a lu T.S.Eliot et Joyce, Synge et Beckett. Et elle n'a n a pas oublié comment, à Drewsboro, la littérature avait toqué à sa porte. «J'allais «J allais écrire dans les champs, ra- conte-t-elle. Les mots se sauvaient avec moi. J'écrivais J écrivais des histoires imaginaires, des histoires situées dans notre tourbière et notre potager, mais ça ne suffisait pas, parce que je voulais être dedans, comme j'aspirais j aspirais à retourner dans le jabot de ma mère. Tout en elle m'intriguait: m intriguait: son corps, son être, son corset rose, ses marottes et les obsessions auxquelles elle était encline.» A Londres, Edna O'Brien O Brien écrira avec la même fièvre. «Les mots tombaient en vrac, comme l'avoine l avoine le jour du battage dans le puits de la machine», se souvient-elle, en rappelant combien eUea pleuré en composant ses Filles de la campagne. Des larmes miraculeuses, ajoute-t-elle, parce qu'elles qu elles lui ouvraient des portes inconnues. Tous ses autres romans la conduisirent vers les mêmes terres inexplorées, terres qui restèrent ses jardins secrets même lorsqu'elle lorsqu elle devint la plus illustre des romancières irlandaises, avecune réputation de libertine impénitente. Elle raconte comment sa célébrité lui permit alors de rencontrer Richard Burton et Marilyn Monroe, de questionner Beckett sur son travail réponse: «A quoi bon, de toute manière?» ou de recevoir Paul McCartney, qui improvisa une ballade pour un de ses fils. Mais ces ombres souvent encombrantes passent vite dans ce livre tout entier tourné vers le dedans, au de l'intime. l intime. Ce qu'on qu on y découvre, c'est c est la fabuleuse liberté d'une d une romancière indomptable. Mais jamais endurcie par les croisades qu'elle qu elle a menées, à l'époque l époque oîï sa mère cachait ses premiers romans dans un traversin, la honte au Edna O'Brien? O Brien? Une «viesur la braise». Et une seule urgence, celle d'écrire d écrire encore et encore en restant profondément enracinée dans le pays natal, même s'il s il ne lui a pas fait de cadeaux. Tous droits de reproduction réservés Date : 18/05/2013 Pays : SUISSE Suppl. : Culturel Page(s) : 18 Diffusion : (45103) Périodicité : Quotidien Surface : 55 %

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A

plus

de 80ans,

Edna O'BrienOBrien

signe

'autobiographie'autobiographieautobiographie

d'unedune fille de la

cannpagne

devenue une brillante romancière irlandaise

Lesconfidencesdel'auteurlauteurde«Crépusculeirlandais»sontunmerveilleuxélogedelavieintérieure.Onytrouveaussilagrâcevirevoltanted'unedunepaysagisteetlesrévoltesd'unedunefemmedontleslivresfurentdurementreçusdanssonpaysnatal

ParAndré Clavel

AUTOBIOAUTOBIOGRAPHIEEdna O'BrienOBrienO'Brien__________OBrien__________Fille de la campagneTrad.de l'anglaislanglaisparPierre-EmmanuelDauzatSabineWespieser,4480 p.

A

quoi peut rêver unejeune fille,au fond de lacampagne irlandaise?A larguer les amarres.Née en 1930 dans un

village catholique qu'ellequelle décritcomme un étouffoir, Edna O'BrienOBrienavait 22 ans lorsqu'ellelorsquelle décida dequitter le bercail et de s'installersinstaller àLondres, avec le sentiment d'êtredêtre àla fois une exilée et une rescapée.Elle avait des comptes à régler, etelle choisit l'écriturelécriture pour s'ensenacquitter.En signant des romans quine tardèrent pas à être interdits enIrlande et parfois -, parcequ'ilquil y est question du désir fémininet de la sexualité dans une sociétébâillonnée par la religion.

Mais si elle a été contrainte defiiir l'IrlandelIrlande pour pouvoir écrire,l'auteurlauteur desFillesde lacampagne necesse d'ydy revenir dans ses livres:cette terre la hante, avec sesfantômesflagellés par les vents et ses«âmes mutilées», comme disaitYeats.C'estCest dans ces décorstourmentésque se débattent leshéroïnesd'EdnadEdna O'Brien,OBrien, des femmesaccablées par leur éducationbigote,par la servitude conjugale oudomestique, par la solitudeaffective,par des tabous de toutessortes.Le réconfort? Elles lecherchentloin des humains, en seréfugiant dans des paysagessauvagesqui sont autant d'imagesdimagesd'unedune liberté reconquise.Toutes ces hantises se

conjuguentdans Fillede la campagne ausingulier, cette fois -, passionnanteautobiographie qu'EdnaquEdna O'BrienOBriens'estsest enfin décidée à rédiger, à80 ans passés, après avoirlongtempsrechigné à livrer ce qu'ellequelleappelle ici«une obscure petitegorgéede secrets». Ces secrets, elle secontentera de les murmurer mais,auparavant, il y a ces deux rêvescontrastés qu'ellequelle désire nousraconterparce qu'ilsquils résument touteson existence, toute sa quêtelittéraire.Le premier, radieux, laramèneà Drewsboro la demeurede son enfance -, un lieu oiiscintillent«destorches de flammes».Lesecond, beaucoup plus angoissant,se situe également dans samaisonnatale, mais derrière la porteverrouilléed'unedune chambre oîi elle sesent prisonnière. D'unDun côté, lalumièresalvatrice; de l'autre,lautre,l'enfermementlenfermementet la peur, face à des mursqu'ilquil faut briser. Entre les deux, ledestin d'unedune romancière dont lesconfidences sont un merveilleuxéloge de la vie intérieure.Mais ily a aussi, tout au long de

ces Mémoires, la grâcevirevoltanted'unedune paysagiste qui ne cessede ressusciter les parfums et lescouleurs de l'IrlandelIrlande rurale desannées1930-1940, le bétail dans les

prés, les chardons et lesprimevères,«lesbouses de vache fraîches»,«la neige fondue et les averses desoleil», l'odeurlodeur du pain qui lèvedans le four. «Aumois de mai, leshaies deviennent un carnaval depétales d'aubépinedaubépine que le ventsouffle comme des confettis», écritEdna O'Brien,OBrien, qui remonte lesentierde sa jeunesse en évoquant samaison de Drewsboro sorte detabernacle rempU de livres demesse -, son père couvert de detteset cette mère emmurée dans sesobsessions, une femme dont elledécalquera la silhouette sur sespropres personnages, dansbeaucoupde sesromans.Tout s'estsest joué dans ces décors

avec,constamment, la peur del'enfer,lenfer,la hantise du péché, la haine dela chair. Puis viendront les annéesde couvent autre prison et letemps de la libération, lorsqueEdna O'BrienOBrien fera ses études depharmacie à Dublin avantd'épouserdépouseren 1954 l'éciivainléciivain Ernest Gé-bler, bientôt jaloux de sonpour l'indépendance.lindépendance. Quatre ansplus tard, ils s'installerontsinstalleront àLondres,auront deux enfants mais ne

tarderont pas à divorcer, alors queLesFillesde la campagnefontscandaleen Irlande. Edna O'BrienOBrien a30 ans, elle a lu T.S.Eliot et Joyce,Synge et Beckett. Et elle n'ana pasoublié comment, à Drewsboro, lalittérature avait toqué à sa porte.«J'allais«Jallais écrire dans les champs, ra-conte-t-elle. Les mots se sauvaientavec moi. J'écrivaisJécrivais des histoiresimaginaires, des histoires situéesdans notre tourbière et notrepotager,mais ça ne suffisait pas, parceque je voulais être dedans, commej'aspiraisjaspirais à retourner dans le jabotde ma mère. Tout en ellem'intriguait:mintriguait:son corps, son être, son

corsetrose, ses marottes et lesobsessionsauxquelles elleétait encline.»A Londres, Edna O'BrienOBrien écrira

avec la même fièvre. «Les motstombaient en vrac, comme l'avoinelavoinele jour du battage dans le puits dela machine», se souvient-elle, enrappelant combien eUeapleuré encomposant ses Filles de lacampagne.Des larmes miraculeuses,ajoute-t-elle, parce qu'ellesquelles luiouvraient des portes inconnues.Tous ses autres romans laconduisirentvers les mêmes terresinexplorées, terres qui restèrent sesjardins secrets même lorsqu'ellelorsquelledevint la plus illustre desromancièresirlandaises, avecuneréputationde libertine impénitente. Elleraconte comment sa célébrité luipermit alors de rencontrer RichardBurton et Marilyn Monroe, dequestionner Beckett sur son travailréponse: «A quoi bon, de toute

manière?» ou de recevoir PaulMcCartney, qui improvisa uneballadepour un de sesfils.Mais ces ombres souvent

encombrantespassent vite dans celivre tout entier tourné vers lededans,au de l'intime.lintime. Cequ'onquon y découvre, c'estcest lafabuleuseliberté d'unedune romancièreindomptable.Mais jamais endurciepar les croisades qu'ellequelle a menées,à l'époquelépoque oîï sa mère cachait sespremiers romans dans untraversin,la honte au EdnaO'Brien?OBrien? Une «viesur la braise». Etune seule urgence, celle d'écriredécrireencore et encore en restantprofondémentenracinée dans le paysnatal, même s'ilsil ne lui a pas fait decadeaux.

Tous droits de reproduction réservés

Date : 18/05/2013Pays : SUISSESuppl. : CulturelPage(s) : 18Diffusion : (45103)Périodicité : QuotidienSurface : 55 %

Edna O'BrienOBrienAu «Monde» à proposde «Fillede lacampagne»

mars 2013

«Ce

queje

voulais,

c'étaitcétait montrer

comment la vie du

dehors

façonne

notre

êtreintérieur...»

BlblloEdna O'BrienOBrien

1960 Premiervolet desFillesde lacampagne.Le roman reparaît entrilogie chezFayarden1988. EdnaO'BrienOBrien est l'auteurelauteure de 19 romans,dont 15ont ététraduits en français.Outre Fillede la campagne,sonautobiographie, deux romans sontparus cesdernières annéeschezSabineWespieser:Crépusculeirlandais,paru en2010et Saintset Péctieurs,paru en2012Essais:1999 JamesJoyce(FIdes,2002),une biographie de commande quifut «à la fols ungrand honneur et undéfi terrifiant», se souvient-elle.2009 Byronin Love,essaibiographiquesur LordByron.

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