PLATEFORME · et réalisé par les architectes Barozzi/Veiga. Pendant deux jours, le bâtiment...

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PLATEFORME N°4 — AVRIL 2019 UN NOUVEAU QUARTIER DES ARTS — LAUSANNE PARUTION SEMESTRIELLE L’ARCHITECTURE DE L’ART P. 3 ENTRETIEN AVEC FABRIZIO BAROZZI P. 4-5 LA CULTURE EN CONSTRUCTION P. 8-9 UN MOBILIER UNIQUE ET ORGANIQUE P. 1O

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Page 1: PLATEFORME · et réalisé par les architectes Barozzi/Veiga. Pendant deux jours, le bâtiment s’offre à lui dans sa nudité, celle qui célèbre les espaces et la pureté de ses

PLATEFORMEN°4 — AVRIL 2019 UN NOUVEAU QUARTIER DES ARTS — LAUSANNE PARUTION SEMESTRIELLE

L’ARCHITECTURE DE L’ART P. 3 ENTRETIEN AVEC FABRIZIO BAROZZI P. 4-5

LA CULTURE EN CONSTRUCTION P. 8-9UN MOBILIER UNIQUE ET ORGANIQUE P. 1O

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L’ARCHITECTURE DE L’ARTDans les annales culturelles lausannoises, vaudoises,

suisses et au-delà nous l’espérons, l’année 2019 sera pour toujours marquée d’une pierre blanche grâce à l’ouverture au public du premier bâtiment de PLATEFORME 10, celui consacré au Musée cantonal des Beaux-Arts, le MCBA.

Le début des festivités sera lancé avec la remise des clés de l’édifice aux utilisateurs, le 5 avril 2019. Moment de transmission, de passage de témoin entre les architectes, le maître d’ouvrage, les ouvriers et arti-sans ayant œuvré depuis des années à la construction de l’édifice et le directeur de l’institution et de toutes ses équipes.

Moment en suspension, unique, où le public pourra, pour la première et la dernière fois, découvrir le bâti-ment terminé et vide. Hommage à l’architecture, aux espaces, aux matériaux et à la lumière, le week-end portes ouvertes des 6 et 7 avril sera l’occasion de tester en grandeur réelle la fluidité de la déambulation dans les salles, les couloirs, les escaliers et les espaces dédiés à l’accueil et aux rencontres.

Les portes vont ensuite, dès le 8 avril, se refermer pour permettre aux équipes du musée de mettre en œuvre le déménagement des collections, de la biblio-thèque, des bureaux, des ateliers et, aussi et surtout, de préparer les expositions inaugurales d’octobre. Ces quelque six mois représentent un momentum exception-nel dans l’histoire d’une institution : investir son nouveau lieu, le parcourir, l’habiter, le tester, l’admirer et peut-être aussi l’améliorer sur certains aspects sont autant d’expériences uniques et constructives qui offriront à toutes les équipes du musée l’occasion concrète de s’approprier leur nouvel outil de travail, au sens noble du terme.

Nous allons tous inaugurer un magnifique édifice que nous pouvons d’ores et déjà considérer comme un instrument permettant d’agir, d’étudier, de conserver, de montrer. Ces jours, marqués du signe des beaux-arts, nous offriront ainsi la possibilité d’écrire une nouvelle page de l’histoire culturelle de notre canton, ouverte sur tous les publics et le monde.

Ne manquez pas ce moment unique, celui d’un bâtiment qui s’offre au public dans la beauté de ses espaces vides. Avant de devenir ce musée tant attendu. ÉDITO

SOUS LE SIGNE DES BEAUX-ARTS

Texte Daniel Abimi Photo Matthieu Gafsou

ésormais il est là, le nouveau Musée cantonal des Beaux-Arts (MCBA). Des

dizaines d’ouvriers et de techniciens se sont affairés pour régler les derniers détails de ce chantier peu banal. Ils ont eu à cœur de relever un dernier défi, celui de respecter le calendrier. Grâce à eux et tous ceux qui, depuis 2008, ont participé à cette aventure, la remise des clés s’est tenue le 5 avril 2019. Cette cérémonie officielle a marqué le passage de témoin de la Direction générale des immeubles et du patrimoine (DGIP) à la Fondation du Musée cantonal des Beaux-Arts.

Afin de célébrer le nouveau MCBA, le public est invité, les 6 et 7 avril 2019, à venir à la découverte de ce musée imaginé

et réalisé par les architectes Barozzi/Veiga. Pendant deux jours, le bâtiment s’offre à lui dans sa nudité, celle qui célèbre les espaces et la pureté de ses lignes archi-tecturales. Pour mettre en valeur ce moment unique et privilégié dans la vie d’un musée, ce court instant qui précède l’installation des premières expositions, L’Esprit des lieux, offre au public un pro-gramme de performances et d’œuvres, qui permet de déambuler dans les vastes espaces, parcourir les salles d’exposition, découvrir la lumière baignant chaque pièce, considérer les détails et les maté-riaux. Une véritable ode à l’architecture, l’éveil du bâtiment, juste avant l’installa-tion des collections.

Ensuite, les portes du musée vont se refermer et un nouveau compte à rebours va commencer pour toute l’équipe du musée. A compter de cette date, elle aura exactement 183 jours pour déména-ger les quelque 10 000 œuvres de sa collection et monter en même temps la toute première exposition du musée pour l’ouverture au public prévue le 5 octobre prochain.

ATLAS. Cartographie du don sera un accrochage inaugural exceptionnel qui permettra de découvrir dans l’entier du bâtiment les chefs-d’oeuvre de la collection du MCBA. Puis, en février 2020, A fleur de peau. Vienne 1900, de Klimt à Schiele et Kokoschka sera le premier événement

d’un ambitieux programme d’expositions temporaires. Au bénéfice de leur nouvel écrin architectural, les chefs-d’œuvre des collections cantonales seront donnés à voir en permanence, et accessibles gratuitement.Chantal Prod’Hom, directrice du mudac

Tatyana Franck, directrice du Musée de l’Elysée Bernard Fibicher, directeur du MCBA

IMPRESSUMEdition : Etat de Vaud Direction de la publication : Conseil de direction PLATEFORME 10Responsable de la publication : Daniel Abimi Responsable éditoriale : Constance ChaixRédaction : Elisabeth Chardon, Emmanuelle Fournier-Lorentz et Jean-Pierre Pastori

Photographie : Matthieu Gafsou et Jean-Bernard Sieber Couverture par Matthieu Gafsou Graphisme : Régis Tosetti & Simon Palmieri Impression : PCL Presses Centrales SA, Renens

plateforme10.chmcba.ch / elysee.ch / mudac.ch

Anish Kapoor (Bombay, 1954), Untitled, 2002. Acier inoxydable poli,

Musée cantonal des Beaux-Arts de Lausanne. Donation d’Alice Pauli, 2018

Abraham-Louis-Rodolphe Ducros, Etude d’arbres, sans date. Aquarelle et plume sur papier, 71 × 56,5 cm. Musée cantonal des Beaux-Arts de Lausanne.

Collection Ducros. Acquisition, 1816

En réponse au principal argument en faveur de la construction d’un nouveau musée – la possibilité de présenter, enfin et en permanence, les riches collections cantonales –, l’accrochage inaugural ATLAS. Cartographie du don occupera la totalité des presque 3200 m2 de sur-face d’exposition du MCBA. Le musée ouvrira ses portes aux publics en présen-tant un choix représentatif des dons et dépôts entrés dans les collections en soutien à ce projet, sans négliger l’im-portance de donations plus anciennes. Une place de choix sera réservée aux récentes donations d’Alice Pauli (Soulages, Kiefer, Penone, Kapoor), aux peintures de Zao Wou-Ki, ainsi qu’à nombre d’œuvres de grande valeur patrimoniale (Rodin, Klee, Balthus, G. Giacometti, Vallotton, Soutter, etc.).

ACCROCHAGE INAUGURAL DU MUSÉE CANTONAL DES BEAUX-ARTS DU 5 OCTOBRE 2019 AU 16 FÉVRIER 2020

ATLAS CARTOGRAPHIE DU DON

D

JOURNÉES PORTES OUVERTES

SAMEDI 6 ET DIMANCHE 7 AVRIL 2019

PORTES OUVERTES DU MCBA Samedi 6 : 10h-22hDimanche 7 : 10h-20hEntrée libre

Informations pratiques : www.plateforme10.ch et www.mcba.ch

L’ARCHITECTURE DE L’ART

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ENTRETIEN AVEC

FABRIZIOquelque temps de là, Fabrizio Barozzi, du bureau espagnol Barozzi / Veiga,

auteur du projet « Bleu », lauréat en 2011 du concours d’architecture pour ce bâti-ment, nous raconte l’histoire de ce projet.

Quelles ont été vos motivationspour participer au concours en 2010 ?C’est assez simple, le concours était

magnifique puisqu’il offrait la possibilité de faire un musée et qu’il était aussi ouvert à trois jeunes bureaux. Nous avons ainsi eu la chance d’être retenus par le jury pour pouvoir participer au titre de la relève. C’était notre premier concours en Suisse et nous avons fait le meilleur projet dont nous étions capables.

Vous voulez dire que c’était avant le concours pour le Musée de Coire,qui a déjà été inauguré en 2016 ?Oui, le concours pour Coire a eu lieu

l’année suivante, en 2011. Et en 2014 nous avons aussi été lauréats du concours pour le Tanzhaus à Zurich.

Jamais deux sans trois. Ces projets suisses si proches dans le temps, conçus dans un même élan, ont-ilsun esprit commun ?Bien sûr, chaque projet est spécifique

pour le programme, et nous ne voulons pas répéter un vocabulaire, un langage, mais il y a bien sûr des choses communes et la première c’est notre volonté de construire de l’espace public et de modeler l’architecture sur cet espace. A Lausanne, c’est l’esplanade des musées ; à Zurich il s’agit de permettre des promenades le long de la Limmat ; à Coire, c’est moins flagrant mais l’idée de réaliser un bâti-ment très compact est aussi une manière de chercher l’intégration à la ville histo-rique. Tous les trois sont des projets synthétiques, très purs.

Le projet lausannois a en effet une forme très simple, un parallélépipède (145.5 × 21.5 × 22 m), qui secomplique à peine par le témoignage gardé de l’ancienne halle CFF sur un côté et par les fines colonnes qui scandent la façade de l’autre. Comment cette forme s’est-elleimposée ?Le projet vient d’une réflexion assez

simple. On a compris que le concours ne consistait pas seulement à créer un objet d’architecture mais aussi à proposer une stratégie urbaine susceptible d’organiser sur ce site trois projets majeurs pour Lausanne. L’endroit était complètement oublié, ignoré des Lausannois. Il fallait l’ouvrir, et créer la ville ici. Notre bâtiment s’apparente à un très long mur habité. Une face est perméable, le rez-de-chaus-sée est presque entièrement ouvert sur l’esplanade. De l’autre côté, tout est fermé, essentiellement pour la sécurité des œuvres d’art. Les seules ouvertures donnent sur l’espace de circulation et pas sur un espace d’exposition, comme le stipulait le programme. En même temps, cette ouverture met en relief un petit élément de la préexistence, une trace de

l’ancienne halle. L’arche sauvegardée devient aussi l’élément principal du nou-veau foyer. C’est à partir de ce fragment qu’on a conçu l’organisation interne de tout le bâtiment.

De l’extérieur, on pourrait pourtant avoir une réaction déçue : ils n’ont gardé que cet élément.C’est un élément qui souligne la situa-

tion géographique du projet. La condition duale entre voies de chemin de fer et site urbain est essentielle.

Comment avez-vous rendu la forme brute de votre bâtiment plus aimable ? Quels matériaux avez-vous choisis ?Il nous a semblé important de pré-

server l’esprit industriel du site, le souvenir de ce lieu qui était consacré à l’entretien des trains, et de souligner une topogra-phie horizontale dans une ville en pente. Pour cela, le bâtiment évoque une fabrique, un container. On a décidé de travailler

avec la brique, également liée à une image industrielle. Elle recouvre toutes les façades du musée et leur donne une certaine texture. Quand on voit le bâtiment avec un peu de distance, la brique crée une vibration. A l’intérieur du bâtiment, nous avons utilisé deux types de maté-riaux. Tous les espaces publics sont réali-sés avec le même matériau pour les murs et les plafonds. Nous avons choisi un mortier spécial, un peu similaire au stuc, qui donne une texture lisse et peu de reflets. Les sols en ces zones sont en terrazzo, un matériau qui agglomère des fragments de pierre et de marbre dans un ciment poli. La finition élégante et brillante fonctionne très bien avec celle des murs et des plafonds. Les visiteurs reconnaissent ainsi les espaces publics en se baladant. Dans les salles d’exposition, le sol est en bois – du roble – et les couleurs sur les parois pourront évoluer selon les expositions.

Comment avez-vous agencé les espaces et les circulations dansle bâtiment ? Nous avons souhaité organiser un

programme assez complexe de manière très claire, pour que les visiteurs puissent se repérer de manière intuitive. Au rez-de-chaussée, les éléments comme le res-taurant, la librairie-boutique, l’auditoire, c’est-à-dire une salle multifonctionnelle, et l’espace projet, pour des programma-tions d’expositions un peu différentes. Ensuite, le foyer d’entrée divise le per-manent et le temporaire sur les deux niveaux d’exposition. A l’est, du côté de la gare, le temporaire (1450 m2) et à l’ouest les expositions permanentes (1760 m2),

à chaque fois sur les deux niveaux. C’est notre proposition. Les directions du musée pourront ensuite choisir d’autres organi-sations. Il est aussi important de men-tionner qu’on a cherché à créer une pro-menade qui amène le visiteur à travers toutes les collections permanentes sans passer deux fois par le même chemin, sans devoir retourner en arrière. Entre les deux niveaux, il utilise l’escalier qui crée une ouverture transversale dans le musée, entre la ville et le lac. Cet escalier est un espace de transition où l’on peut aussi faire une halte. On peut également l’utiliser comme un petit auditoire, pour des ani-mations avec le jeune public par exemple.

D’où vient la lumière ?Dans un musée, c’est fondamental.

Dans les espaces du premier étage, les fenêtres prennent toute la hauteur des salles. Elles ponctuent l’espace et ouvrent au nord sur la place. Au deuxième étage, la lumière zénithale, homogène et déli-cate, entre par la verrière. Celle-ci a été

réalisée à partir de 175 sheds, ces toi-tures en dents de scie typiques des sil-houettes d’usines. Dans la principale salle d’exposition temporaire, presque 700 m2, je pense que ce sera une spé-cificité remarquable.

Nous avons préféré garder l’image pure du bâtiment et la façade arrive donc à la même hauteur que le sommet de la verrière qui reste invisible depuis l’espla-nade. Mais on voit celle-ci de plus haut dans la ville, du parc Montbenon par exemple. Avec la distance, elle devient aussi un élément du bâtiment intéressant. Les éléments techniques sont dissimulés.

Depuis que vous avez fait le concours, vous avez dû faire évoluer votre projet. Est-ce que tout cela correspond à votre idée de départ ?Notre projet s’est amélioré au fur

et à mesure du processus, notamment pour organiser tous les éléments urbanis-tiques. C’était long mais assez linéaire. L’esprit du projet a été maintenu. Les idées majeures sont toujours présentes et c’est important.

Quelles ont été les plus grandes évolutions ?La verrière a nécessité beaucoup de

travail. Elle donne des qualités incroyables au musée mais il fallait trouver les bonnes solutions techniques et économiques. Nous avons aussi effectué pas mal de recherches avant de trouver la bonne solution pour le choix des briques. Et nous avons aussi eu des discussions sur la manière d’organiser l’espace au rez- de-chaussée.

Et les choix faits pour les deux autresmusées ? En êtes-vous satisfaits ?Nous souhaitions des éléments archi-

tecturaux capables de finaliser l’esplanade et qui permettent un équilibre avec le Musée cantonal des Beaux-Arts. Dans notre masterplan, il devait y avoir deux autres volumes, un grand volume au bout de l’esplanade et un autre plus modeste en face du MCBA, dans la suite des arcades. L’évolution a donné la possibilité de concentrer les deux autres musées en un seul volume un peu plus compact. C’est une réponse intéressante, parce que cela dessine bien l’esplanade et donne un meilleur équilibre avec la masse que repré-sente le MCBA. Il faut également souli-gner le projet d’utilisation des arcades. Celles-ci représentent un élément essen-tiel qui donne son existence à l’esplanade. Elles permettent de mieux saisir l’horizon-talité des lieux. Le traitement de l’espace extérieur est aussi important. Avec des arbres, une végétation, il permettra de se relaxer. Le traitement des sols gardera aussi des témoignages de la préexistence industrielle. Mais pour terminer cet espace il faudra encore attendre l’ouverture des autres musées.

Quelles sont les méthodes de travail de Barozzi / Veiga ?Nous sommes deux associés et une

vingtaine de personnes travaillent pour le studio. Pour chaque projet il y a une équipe dédiée, mais Alberto Veiga et moi travaillons toujours ensemble sur chaque projet. Même si le suivi avec les clients, pour des raisons pratiques, se fera essen-tiellement avec l’un de nous, au bureau tout est partagé.

Pouvez-vous citer, hormis les projets suisses, un projet frère du projet lausannois ? Oui, comme je l’ai dit, chaque projet

est unique mais, pour nous, celui de la phil-harmonie de Szczecin, en Pologne, près de la frontière allemande, est important. Formellement, il est assez différent de Lausanne mais nous avons aussi souhaité transformer un quartier, lui donner de la vitalité. Dès son ouverture, l’espace social a été aimé par la population qui s’est appro-prié les lieux. Le projet a permis quelque chose pour la ville et pas seulement pour les spectateurs de la philharmonie. J’espère que nous réussirons aussi cela à Lausanne.

Texte Elisabeth Chardon Photos et dessins Barozzi / Veiga

A

« L’endroit était complètement oublié, ignoré des Lausannois.

Il fallait l’ouvrir, et créer la ville ici. »

BAROZZI

Alors que toute l’équipe du MCBA s’apprête à investir les lieux pour préparer son ouverture, l’architecte Fabrizio Barozzi, du bureau espagnol Barozzi / Veiga, nous raconte l’histoire de ce projet.

Fabrizio Barozzi et Alberto Veiga dans leurs bureaux à Barcelone.

ENTRETIEN AVEC

FABRIZIO

N°4 — AVRIL 2019 PLATEFORME 10 PAGE 4 N°4 — AVRIL 2019 UN NOUVEAU QUARTIER DES ARTS — LAUSANNE PAGE 5

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Photographies : Matthieu GafsouAxonométries : M+B Zurbuchen-Henz architectes, sur la base des plans tels que mis à l’enquête en mars 2017

12 Collection

13 Exposition temporaire

14 Espace Focus

Niveau 2

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7

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Les photos du MCBA qui illustrent cette page ont été prises exactement un mois avant la fin du chantier. Elles permettent donc de se représenter les espaces au moment des dernières finitions du bâtiment.

12

13

14

 1

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10 Collection

11 Exposition temporaire

Niveau 1

10

11

 1 Entrée

 2 Hall

 3 Librairie / Boutique

 4 Café / Restaurant

 5 Auditorium

 6 Bibliothèque Bureaux des Fondations Toms Pauli et Félix Vallotton

 7 Atelier des publics

  8 Espace Projet

 9 Administration

Rez-de-chaussée

DERNIÈRE LIGNE DROITE POUR LE MUSÉE CANTONAL DES BEAUX-ARTS

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LA CULTURE

EN CONSTRUCTION

PASCAL BROULIS

L’inauguration du nouveau Musée cantonal des Beaux-Arts(MCBA) pourra donc se faire à la date voulue. Les travauxont respecté le planning ?Entre la première pierre et l’inaugu-

ration du bâtiment, ce sont exactement 31 mois qui se sont écoulés pour construire ce nouveau musée. Nous sommes très fiers de toutes nos équipes, de toutes les entreprises mandatées qui ont travaillé d’arrache-pied pour respecter non seule-ment le calendrier mais aussi le budget, qui est de 83 millions de francs.

Le chantier a-t-il été confronté à des obstacles imprévus ?Aucun. Mais il est vrai que la construc-

tion d’un musée n’a rien d’anodin. Du début à la fin, nos architectes et nos ingé-nieurs ont su maîtriser une savante alchi-mie. Le bâtiment est beau, pour ne pas dire magnifique, élégant, pratique et dispose de conditions de conservation optimales pour répondre aux exigences du public, de la sécurité, des conserva-teurs et des œuvres. On imagine volon-tiers toutes les prouesses nécessaires pour y parvenir.

D’aucuns, lors de la mise à l’enquête,objectaient qu’un musée érigé à deux pas des voies ferrées étaitune hérésie. Les vibrations causéespar le passage des trains seraient préjudiciables aux œuvres exposées.Cette crainte a-t-elle été prise en compte ?Cette question a fait l’objet de sérieuses

mesures pour respecter scrupuleusement les normes de l’OPAM (Ordonnance sur la protection contre les accidents majeurs). Le MCBA est déjà conçu à la base pour intégrer architecturalement des mesures de protection passives. Notamment grâce à sa façade sud, qui est solide, incom-bustible et peu vitrée. Sans compter les innombrables autres mesures, telles que l’agencement des chemins de fuite, les installations de ventilation, les ouver-tures dans les façades, par exemple. Ceux qui parlent d’hérésie ignorent pro-bablement qu’il se situe au milieu d’une zone d’habitations et que d’autres musées, et non des moindres, sont confrontés à des situations semblables, par exemple le Art Institute de Chicago, la Kunsthalle de Hambourg ou encore la Museumsinsel à Berlin.

N’aurait-il pas fallu confier la conception des deux bâtiments –le Musée cantonal des Beaux-Arts, d’une part, le Musée de l’Elysée et le mudac, d’autre part – aux mêmes architectes pour assurerune unité stylistique ?Au contraire, la richesse de ce nouveau

quartier des arts au cœur de la ville repose précisément sur sa capacité à faire vivre des identités fortes qui se répondent les unes aux autres, ce qui est valable pour les musées l’est aussi pour les bâtiments. Cela dit, le premier concours d’architecture, celui du MCBA, était doublé d’un concours d’idées dont l’objectif était d’imaginer la deuxième étape, tout en le reliant avec le reste de la ville. Les contours dessi-nés par les architectes Barozzi / Veiga ont ainsi permis de créer un véritable espace ouvert au public, qui en plus offre

une liaison de mobilité douce entre l’ouest de la ville et son centre.

La recherche de mécènes à laquellevous vous êtes attaché répond-elleà vos attentes ? Pouvez-vous faire le point sur les montantsprivés récoltés ?Dès le départ, ce projet a été mené

dans un esprit de partenariat public-privé. Et il est vrai qu’il a immédiatement suscité des enthousiasmes et de la générosité. J’en veux pour preuve que nous avions presque réuni la totalité de notre objectif, soit 34 millions de francs, avant même que le permis de construire ne soit délivré. Pour le deuxième musée, nous sommes à bout touchant. Mais il n’y a pas que des promesses financières, il y a aussi les donations d’œuvres, qui traduisent un geste fort entre un musée et un collec-tionneur. Confier aux soins de l’institution une œuvre, souvent une part de son âme, cela constitue une extraordinaire marque de confiance. Pour marquer l’histoire du MCBA, sa première exposition s’organise autour d’un dénominateur commun : ATLAS. Cartographie du don. Elle pré-sentera ainsi un choix représentatif des dons et dépôts entrés dans les collec-tions, notamment celui du Dr Widmer ou celui d’Alice Pauli. Rodin, Klee, Balthus, Giacometti, Vallotton, Soutter, Soulages, Kiefer, Penone, Kapoor, Zao Wou-Ki et plein d’autres… Cette exposition s’an-nonce exceptionnelle !

Pensez-vous que PLATEFORME 10va susciter un regain d’intérêt pourles dations que permet la loivaudoise ?Depuis 2006, une loi vaudoise per-

met la dation d’œuvres d’art en paiement d’impôts sur les successions et les dona-tions. Activé pour la première fois en juin 2014, cet instrument avait permis d’enri-chir la collection du MCBA d’une œuvre de la peintre Alice Bailly, puis celle de sept cahiers à dessin d’Aloïse, et enfin la dation de six œuvres de la collection Givel. Cas rare, le MCBA a pu faire son choix parmi les 300 pièces de la collection. S’il a eu de la peine à se faire connaître les premières années, on constate que cet instrument fiscal commence à faire son chemin dans l’esprit des nombreux collec-tionneurs qui vivent dans notre région. Aujourd’hui, ils sont heureux et fiers de savoir que « leurs » œuvres  – c’est toujours une histoire intime entre un collectionneur et « son » tableau – seront accrochées aux cimaises de ce nouveau et magni-fique musée.

N’éprouvez-vous pas de regret de n’avoir pu réaliser le projet« Bellerive » qui a été stoppé parréférendum ?Il faut toujours accepter les décisions

des citoyens. Cet échec nous a permis de

revoir notre copie et de développer un projet qui sera au cœur de la ville, proche de tout le canton et de toute la Suisse, parce que situé dans le prolongement des quais de la gare de Lausanne, qui verra transiter d’ici quelques années un flux de quelque 200 000 voyageurs par jour. Et surtout, ce site permet le déploie-ment de trois musées sur une surface de 25 000 m2, offrant ainsi au public une expérience muséale singulière et un lieu de vie tout à fait unique.

CESLA AMARELLE

L’histoire récente, s’agissantnotamment de la construction de nouveaux théâtres, a montré, si vousme passez l’expression, qu’il n’y asouvent « pas d’essence pour laRolls ». A savoir que les budgets de fonctionnement ne sont pas à la hauteur de l’ambition du chantier.Les musées installés à l’enseignede PLATEFORME 10 verront-ils leur dotation augmentée ?Oui, il y a une montée en puissance

conséquente des budgets de fonction-nement et du personnel, et non pas d’un, mais des trois musées ! PLATEFORME 10 est l’un des projets d’envergure du Canton et le plus important projet culturel vau-dois depuis des décennies. Je souligne que le Grand Conseil a saisi le caractère unique de ce projet, puisqu’il soutient le Conseil d’Etat dans cette ambitieuse entreprise, avec les financements de fonc-tionnement futurs qu’elle implique. Les musées bénéficieront ainsi non seule-ment d’une nouvelle infrastructure per-formante, de la mutualisation de certaines ressources mais également de moyens supplémentaires. Les collections canto-nales seront ainsi mieux conservées et davantage mises en valeur. Plus important encore, la qualité de l’accueil pour les visiteurs sera considérablement améliorée, et ce quel que soit le public : du touriste à la classe d’école, de la passionnée d’art au curieux d’un jour.

Le MCBA va être inauguré avec uneexposition mettant en valeur ses collections. N’aurait-il pas fallu montrerplus d’ambition en optant pour une rétrospective d’un artisted’envergure internationale, susceptible d’attirer à Lausanne un large public et la pressespécialisée ?La décision a été prise en toute

connaissance de cause. Vous le savez, un musée conserve des collections souvent bien plus grandes que les seules œuvres qu’il peut exposer. Ce que le public voit lors des visites, ce n’est que la pointe de l’iceberg des collections ! Pour la première exposition du MCBA, il était donc au contraire important de montrer enfin toute

la richesse des collections du musée. C’est justement ce que le musée n’était plus en mesure de faire, trop à l’étroit dans les salles du Palais de Rumine. Et c’est d’ailleurs l’une des raisons principales de la création de ces nouveaux espaces muséaux : donner plus d’espace pour rendre accessibles les collections des musées : les Vallotton, Balthus, et toutes les œuvres magnifiques et prestigieuses conservées par le musée. Il est égale-ment important de remercier les dona-teurs qui ont soutenu le projet en offrant des œuvres majeures à cette collection, comme notamment Alice Pauli. Exposer ces œuvres est aussi un témoignage de reconnaissance.

Après cette exposition inaugurale centrée sur les collections propres au MCBA, une partie du musée restera consa-crée aux collections, fidèle à ce principe. La première des grandes expositions temporaires ouvrira au printemps 2020, A fleur de peau. Vienne 1900, de Klimt à Schiele et Kokoschka, avec des prêts de pièces exceptionnelles encore jamais montrées en Suisse romande.

PLATEFORME 10 va-t-elledévelopper la médiation culturelle, notamment en direction des écoles ?Ce lien avec les écoles est capital à

mes yeux, car il faut permettre à tous les enfants d’accéder à la culture et de découvrir notre patrimoine. Lors de l’inau-guration du MCBA en octobre, une jour-née sera d’ailleurs consacrée aux élèves du canton.

Les trois musées sont déjà très impli-qués dans des projets de médiation culturelle, mais jusqu’alors chacun de leur côté. Les réunir sur un même site, PLATEFORME 10, est évidemment très réjouissant pour les perspectives en termes de médiation culturelle et de synergies. PLATEFORME 10 sera un site culturel dans lequel on passe, on vient se restaurer, on vient se rencontrer, on vient passer du temps en famille. L’accueil des classes d’élèves vaudois sera une priorité et le but est que les offres des trois musées soient complémentaires auprès des différents publics. A cela s’ajoutera le programme culturel des espaces com-muns de PLATEFORME 10, au-delà de la programmation des musées. Une occa-sion supplémentaire de faire venir de nouveaux visiteurs.

Plus généralement, attendez-vousdes nouveaux musées qu’ilsfassent leur part en matière dedémocratisation de la culture ?De manière générale, on voit que les

nouvelles approches en matière d’expo-sition et de médiation culturelle per-mettent d’élargir le public. Par exemple au Palais de Rumine, les récentes exposi-tions temporaires, très interdisciplinaires, Ai Weiwei et Cosmos, ont fait venir des personnes qui n’étaient encore jamais venues dans les musées de Rumine. C’est donc que ces approches touchent les gens. Et vous le savez, la transmission du savoir passe aussi par la participation culturelle. Le public est curieux, toujours désireux de s’instruire et de découvrir, mais il cherche désormais à vivre des expé-riences et des émotions. Le musée doit donc s’adapter et repenser sa manière de présenter les œuvres, le patrimoine, le savoir. Nos musées cantonaux ont déjà amorcé ce processus. Un espace comme PLATEFORME 10, au cœur de la ville, ouvert au passage des riverains et des usagers de la gare, et dont les musées innoveront en matière de transmission au public, est un réel outil de démocrati-sation de la culture.

Les surfaces disponibles permettront-elles de faire de PLATEFORME 10 plus qu’un espace muséal, une sorted’agora susceptible d’accueillir des conférences, des colloques, différentes manifestations ?C’est bien son but ! A la programma-

tion culturelle actuelle des trois musées, déjà riche d’activités diverses et nom-breuses, viendront s’ajouter un programme culturel propre à PLATEFORME 10 ainsi que des idées de synergies qui naîtront de la proximité des trois institutions. Ce lieu permettra une offre sans équivalent actuel ! Et à terme, j’ai la conviction et je partage l’ambition de tous les partenaires du projet : PLATEFORME 10 sera beau-coup plus que trois musées sur une même place. Lorsque son déploiement sera complet, ce sera un véritable espace culturel, un quartier des arts.

On constate d’ailleurs déjà un engoue-ment puisque des événements de por-tée internationale, comme la conférence CTA (Communicating the Arts) sont pré-vus en 2020, faisant venir des profes-sionnels de musées du monde entier dans la capitale vaudoise.

« Ce projet a immédiatement suscité des enthousiasmes et de

la générosité. »

Texte Jean-Pierre Pastori Photo Jean-Bernard Sieber

« Un espace comme PLATEFORME 10 est un réel

outil de démocratisation de la culture. »

L’inauguration du nouveau MCBA puis celle de PLATEFORME 10 auront un impact sur le rayonnement de notre région. Pascal Broulis et Cesla Amarelle nous racontent la dimension politique de cet ambitieux projet culturel.

LA CULTURE

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UNIQUE ET ORGANIQUE

UNMOBILIER

PORTRAITTexte Jean-Pierre Pastori Photo Jean-Bernard Sieber

Anita figure parmi les tout premiers soutiens du nouveau Musée cantonal des Beaux-Arts (MCBA) qui va ouvrir ses portes sur le site de PLATEFORME 10. Passionnée et discrète, elle a toujours espéré que le musée trouve un cadre à la hauteur de ses collections et de ses ambitions.

Le bureau bâlois INCH Furniture a remporté le concours pour le design et la réalisation du mobilier urbain sur le site de PLATEFORME 10 avec le projet Circulateur. Leur proposition comprend notamment des éléments de siège circulaires en béton coulés à même le site et revêtus de bois suisse, les rendant uniques et en adéquation avec la topographie du lieu.

« autant le sol, que les bâtiments et les arbres ». Ces réverbères sobres, immenses (6 m de hauteur maximum), ne sont pas alignés de manière symétrique, mais dis-séminés dans l’espace en fonction des sièges et des bâtiments. Discrets, les supports à vélo peuvent être disposés de diverses manières, « car ils ont une forme neutre, ne nécessitant aucune orientation particulière dans l’espace ».

L’ensemble de ce mobilier imaginé et choisi par l’équipe bâloise, des meubles d’assises aux poubelles, en passant par

le parc à vélos et les luminaires, a fait l’objet d’une exposition à l’ECAL / Ecole cantonale d’art de Lausanne, du 12 au 22 février 2019. Pour s’inspirer, INCH Furniture est allé visiter le site de PLATEFORME 10 de nombreuses fois, avant et pendant la construction. Et Thomas Wüthrich de conclure : « Nous nous sommes imprégnés de l’environnement et de l’atmosphère : le mobilier imaginé est à mi-chemin entre le design et le paysagisme. A l’image des bâtiments, il crée un lieu nouveau, mobile et ancré, un lieu important. »

ans le monde du design, les regards se tournent souvent vers Bâle. La ville

du bord du Rhin compte de nombreux bureaux, prestigieux, dédiés à cet art. L’un d’entre eux, INCH Furniture, a d’ail-leurs remporté le concours pour le design et la réalisation du mobilier sur le site de PLATEFORME 10. Les concurrents devaient proposer des meubles (bancs publics, luminaires, poubelles, cendriers, parc à vélos) destinés à habiller cet espace extérieur, encore à apprivoiser. « C’est un espace social encore inconnu, appelé à devenir le nouveau quartier des musées de Lausanne. Il fallait le nourrir », explique Thomas Wüthrich, l’un des responsables du bureau bâlois lauréat. « Nous avons donc imaginé un mobilier qui permet une relation entre les anciens bâtiments et les nouveaux, comme des médiateurs. On a voulu créer un lieu, une topogra-phie. » Le jury, présidé par Emmanuel Ventura, Architecte cantonal, et Chantal Prod’Hom, Présidente du Conseil de direction de PLATEFORME 10, a été séduit par la cohérence du projet, sa manière d’organiser et d’habiter l’espace public, ainsi que par le choix des matériaux du bureau bâlois.

En effet, le mobilier se module sui-vant le paysage, snobant une régularité qui n’épouserait pas le lieu. Les dix-neuf bancs en béton, notamment, sont uniques et varient en hauteur et en diamètre. « Il y a des petits sièges, d’un diamètre de 2.5 m, des moyens, des grands, qui peuvent aller jusqu’à 5.5 m de diamètre. Ils ont plusieurs hauteurs. C’est un mélange hétérogène, quasi organique dans le paysage. » En forme de demi-lentilles renversées, ces sièges sont coulés dans la terre du site, creusée assez profondé-ment pour y insérer des cercles de métal, dessinés spécialement pour chaque banc. Ils sont ensuite recouverts de bois suisse. « Chaque siège est donc unique », sou-ligne le designer bâlois. Détail surpre-nant, mais en adéquation avec l’unicité et la topographie du lieu : les bancs sont ensuite déplacés à l’aide d’une grue, grâce à des douilles filetées intégrées dans le béton. « Avec ce nouveau genre de bancs publics, le lieu devient viable, porteur de socialisation, carrefour de passage et de rencontres, mais aussi de contemplation. »

D’ailleurs, les luminaires choisis par INCH Furniture ont été conçus pour éclairer

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Texte Emmanuelle Fournier-Lorentz Photo INCH Furniture

endre ce que l’on a reçu. Telle est la ligne de conduite de cette fidèle

mécène de PLATEFORME 10 qui, loin de se mettre en avant, préfère la discrétion. Anita réside dans le canton depuis 60 ans. Pour autant, les années n’ont en rien entamé l’intérêt qu’elle porte aux êtres et aux choses. Ni l’enthousiasme qu’elle témoigne au projet muséographique qu’elle suit depuis ses prémices à Bellerive. Anita est convaincue que le Musée canto-nal des Beaux-Arts (MCBA) a besoin d’un cadre à la hauteur de ses collections et de ses ambitions. Ainsi a-t-elle spontané-ment proposé le soutien financier de sa fondation au Conseiller d’Etat Pascal Broulis. Nul besoin de volumineux dossiers pour se déterminer. Son intuition qui repose sur une longue expérience de la vie lui suffit. Sa belle maison, elle l’a achetée avec son mari sans même la visiter, sur la seule fois d’un coup d’œil à la façade ! Elle s’en félicite encore.

Anita n’a pas de mots assez élogieux pour évoquer son mari Werner, disparu il y a 18 ans déjà. « D’origine allemande, il était devenu très suisse et souhaitait témoigner sa reconnaissance au pays qui l’avait accueilli en 1933. Un homme intelli-gent, cultivé, ami de nombreux artistes. Mais d’une grande simplicité, d’un abord aisé, adoré de tout le monde. Je remercie le ciel d’avoir connu un être tel que lui. » Le couple vivait en symbiose, que ce soit dans le calme de leur propriété léma-nique ou dans les remous des régates auxquelles tous deux participaient avec passion. L’épreuve a insufflé une nouvelle force à Anita. Et elle a acquis la certitude que Werner reste auprès d’elle, présence rassurante. Ce qui ne l’empêche pas d’avoir une vie sociale bien remplie.

Elle va au concert, visite des expo-sitions… à commencer par celles du MCBA qu’elle suit depuis des décennies. Elle conserve d’ailleurs une vive admiration pour feu René Berger, directeur dans les années soixante et septante. Et puis, il y a eu l’échec de Bellerive, la déception, et l’enthousiasme à nouveau quand elle découvre le projet des architectes Barozzi et Veiga. Toujours passionnée, toujours discrète, elle suit toutes les étapes de cette odyssée. Pas seulement à travers les articles de presse, qu’elle découpe et met de côté, elle chausse aussi les bottes de chantier pour descendre dans la fosse et prêter main-forte à la pose de la première pierre du MCBA. Le Conseil d’Etat avait souhaité associer sa passion et son enthousiasme à ce geste haute-ment symbolique.

Forcément, Anita a un tempéra-ment enthousiaste. Jamais indifférente, elle vibre devant les beautés de la vie. Foncièrement optimiste, elle s’efforce tou-jours de tirer le meilleur des situations, pas toujours riantes, auxquelles elle se trouve confrontée. « Je fais ce que mon mari a souhaité que je fasse. » Werner était un authentique philanthrope. Anita n’est pas en reste. Elle a créé une fonda-tion active dans le soutien à la recherche médicale et aux arts. Elle rayonne à l’idée que les moyens qui sont à sa disposition aident chercheurs et créateurs. Et qu’ils continueront à le faire lorsqu’elle ne sera plus là. Mais pour l’heure elle veille à tout, l’œil vif, le geste énergique, le rire com-municatif. Il n’y a pas si longtemps, alors

que des travaux de peinture étaient entrepris, elle s’enquit auprès du maître d’état s’il n’y avait pas quelque chose d’utile à faire. « Vous pourriez décaper la barrière. » Ni une ni deux, elle se mit aussitôt à l’œuvre ! Une personnalité radieuse doublée d’une force de la nature.

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Les mécènes et partenaires qui soutiennent la construction de PLATEFORME 10 : → Loterie Romande

→ Fondation Les Mûrons

→ Fondation Anita et Werner Damm-Etienne

→ Fondation Leenaards

→ Audemars Piguet

→ Banque Cantonale Vaudoise (BCV)

→ Fondation Gandur pour l’Art

→ Madame Alice Pauli

→ Fondation Ernst Göhner

→ Fondation Art et Vie

→ Nestlé

→ Philip Morris International Management SA

→ Etablissement cantonal contre l’incendie et les éléments naturels (ECA)

→ Fondation Payot

→ L’Association Rétrospective Pierrette Gonseth-Favre

MÉCÈNESL’une des clés de ce projet est celle du partenariat public-privé. Sur le coût total (83 millions) du MCBA, ce ne sont pas moins de 34 millions qui proviennent de mécènes ou de partenaires privés. Cette somme importante a été en grande partie réunie grâce à la Fondation de soutien à PLATEFORME 10 présidée par Catherine Labouchère.

AUTHENTIQUEPHILANTHROPE

« D’origine allemande, il était devenu très suisse et souhaitait

témoigner sa reconnaissance au pays qui l’avait accueilli en 1933. »

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UNIQUE ET ORGANIQUE

UNIQUE ET ORGANIQUE ↓ Anita (au centre) lors de la pose de la

première pierre du MCBA, le 6 octobre 2016.

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CANTONFAÇONNER LE DESS(E)IN DU

EN COULISSESTexte Emmanuelle Fournier-LorentzPhoto Jean-Bernard Sieber

Travailleur acharné, le directeur général des immeubles et du patrimoine de l’Etat de Vaud détaille son parcours, son rôle au sein de l’Etat et le projet de construction du Musée cantonal des Beaux-Arts, qui touche à sa fin. Un projet qu’il maîtrise depuis le début et ce jusqu’à la cérémonie de remise des clés du bâtiment.

on travail ? « Bien plus qu’une passion ». Philippe Pont, directeur général des

immeubles et du patrimoine de l’Etat de Vaud (DGIP), nous reçoit aux aurores, dans son bureau surplombant la place de la Riponne, avec une vue impressionnante sur tout Lausanne. « J’ai toujours été pas-sionné d’architecture. » Après une formation d’architecte à Fribourg, dont il sort diplômé en 1980, il travaille dans le privé et s’im-plique dans des concours d’architecture pendant plusieurs années. Il conduira les constructions PTT en Suisse romande durant 15 ans puis devient, en 2000, Chef de service des immeubles et du patri-moine. Il en est aujourd’hui le directeur général. C’est-à-dire, pour le commun des mortels, qu’il assure avec l’aide de son équipe la bonne réalisation des projets commandés par le Conseil d’Etat dans les délais et budgets impartis. Une profession qui le fait travailler « de 7h à 19h, au minimum », et qu’il adore. Dans le cahier des charges de l’équipe qu’il dirige (environ 500 personnes, dont une cinquan-taine pour la Direction architecture et ingénierie, sous la responsabilité de l’archi-tecte cantonal), on recense actuellement

90 projets. Dont PLATEFORME 10, « le plus attendu, avec un budget conséquent, puisque celui du Musée cantonal des Beaux-Arts (MCBA) s’élève à près de 90 millions, et le total à 200 millions ».

A partir du moment où le Conseil d’Etat évoque un projet dont il aurait besoin, Philippe Pont est présent dans le processus de développement de celui-ci, « du choix du site à la mise en place d’une

structure humaine, en passant par l’établis-sement du cahier des charges pour pou-voir lancer un concours d’architecture inter-national, comme pour PLATEFORME 10 ». Son équipe travaille à l’estimation d’un budget, qu’il soumet à la décision du Conseil d’Etat, puis l’impose dans le cahier des charges du concours d’architecture. Les lauréats devront s’y tenir. Durant tout le processus, la finance est en filigrane

des opérations. Tous les quinze jours, pour la construction du MCBA, des séances de conduite ont lieu : « Si des souhaits ou des besoins s’ajoutent d’un côté, on doit trouver des économies dans une autre partie du projet, comme le gros œuvre, par exemple. »

A la suite d’un concours internatio-nal, le bureau d’architecture Barozzi / Veiga, de Barcelone, a été lauréat pour réaliser

le MCBA, associé à un bureau lausannois, FHV. Philippe Pont n’est pas inquiet de l’inauguration prochaine : « Les délais et les budgets ont été tenus, ce dont je suis très fier. J’ai la chance de pouvoir m’appuyer sur des équipes soudées, chez les mandataires comme chez mes collaborateurs ».

Mais, pour un projet si attendu, existe-t-il des tensions ? L’architecte

cantonal Emmanuel Ventura assure qu’il y en a naturellement, « parfois ». Pilote du projet, il fait le lien entre les souhaits des mandataires et des utilisateurs : « Il faut savoir associer les idées des archi-tectes mandataires et les besoins des utilisateurs et, si nécessaire, trancher. »

Quant à la dimension architectu-rale du projet, elle émerveille Philippe Pont, qui a même fait partie du jury du concours d’architecture du MCBA, rem-porté à l’unanimité par le bureau catalan. « C’est un bâtiment exceptionnel, tant au niveau architectural qu’en termes de simplicité. Il est limpide, le cheminement interne est clair. » Une fois que le bâti-ment sera remis à l’équipe du MCBA, Philippe Pont n’aura pas forcément le temps de souffler. « Dans ma tête, je suis déjà dans le futur. Mes yeux sont rivés sur le deuxième projet, le bâtiment du Musée de l’Elysée et du mudac. » Il s’agit du projet « Un musée, deux musées » du bureau portugais Aires Mateus, asso-cié au bureau genevois Charles Pictet Architectes. Son inauguration est pré-vue à l’automne 2021. Philippe Pont est confiant.

L’équipe de la DGIP pour le projet PLATEFORME 10 (de gauche à droite) : Frédéric Abbet, Responsable domaine réalisation — David Milione, Chef de projet pour le Musée de l’Elysée et le mudac | Claude Peguiron, Responsable unité foncière — Laurent Amez-Droz, Directeur immobilier et foncier | Emmanuel Ventura, Architecte cantonal — Philippe Pont, Directeur général | Nicolas Fröhlich, Chef de projet pour le MCBA — Olivier Michel, Responsable unité exploitation.

« C’est un bâtiment exceptionnel, tant au niveau architectural qu’en termes de simplicité.

Il est limpide, le cheminement interne est clair. »

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