PLANS SéQUENCES - Atmosphères 53

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PLANS SÉQUENCES ----------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------- D epuis 25 ans, Pierre de Vallom- breuse exprime son amour de l’homme et de la nature et ainsi, son attachement pour la liberté. A travers son travail il témoigne de la diversité des environnements et des façons de vivre des peuples autochtones. A l’oc- casion du festival Reflets du cinéma : Peuples sans frontières, Atmosphères 53 et ses partenaires ont invité Pierre de Vallombreuse à présenter son pro- jet Hommes Racines en Mayenne. Il a rencontré le public à l’occasion de différents temps de vernissage et de conférences et a bien voulu répondre à nos questions. Parlez-nous de vous. Je suis Pierre de Vallombreuse et je suis photographe depuis 25 ans. J’ai dédié ma vie aux peuples autochtones. A travers mon travail, je défends des valeurs telles que la liberté, la richesse de la vie sur terre et la diversité. Je suis un photographe militant, engagé et politique. Cet engagement vous vient de votre famille ? Oui, dans ma famille cet engagement est présent. Mon grand-père a fait la guerre de 14-18, il était aviateur. Il s’est engagé dans l’Escadrille Espana mon- tée par André Malraux, c’était une es- cadrille qui s’est battue pour les répu- blicains espagnols. Ils ont dû affronter les troupes nazies ainsi que celles de Mussolini qui étaient équipées d’avions neufs alors qu’eux avaient des vieux coucous. Il fut aussi résistant. Mon père fut le plus jeune engagé volon- taire dans les Forces françaises libres du Général de Gaulle. Ils se battaient pour la liberté. C’est génétique ! On est des gens libres, on aime la liberté donc on la défend pour les autres. Quel est votre parcours ? Moi, je voulais faire de la bande des- sinée ou du dessin de presse ! J’avais envie de donner ma vision du monde, de dénoncer par le biais du dessin ; cela me permettait de raconter des histoires aux gens, ce qui pour moi est fondamental. Puis d’un coup, j’étais en révolte, en pleine dépression, j’en avais marre. Je me suis dit que comme j’avais toujours été fasciné par les grands éléments, la nature, la forêt, la montagne, j’allais faire un voyage avec les nomades. Leur façon de vivre est la plus simple sur terre, ils ne font que prélever et ils ne construisent rien, ils disparaissent. Donc j’ai choisi d’aller à Bornéo pour vivre avec des nomades de la jungle. Ça a été un tel choc, une telle émotion , en sentant la vie, les émotions, les odeurs, j’ai su ce que je voulais faire. J’avais 22 ou 23 ans. Je ne voulais plus être avec une table à dessin, je vou- lais ressentir et transmettre. La pho- tographie s’est imposée, c’était l’outil parfait. Depuis je vis une vie de nomade, je vais dans plein d’endroits pour témoi- gner. Parlez-nous de vos rencontres avec les peuples autochtones J’ai appris tellement. Je n’ai jamais été chassé d’un endroit car j’arrive avec l’idée qu’on a tout à apprendre. Il faut se considérer comme un nouveau-né. Je ne juge pas, je déteste d’ailleurs les jugements qui sont basés sur des pré- somptions ou des préjugés. C’est ce qui, pour moi, fait que des sociétés sont en rupture à cause de la peur et de la méconnaissance parce qu’avant de comprendre on juge, on rejette et on agresse ! Je pense qu’il faudrait faire plus d’efforts pour comprendre les autres. - 1 - Entretien avec Pierre de Vallombreuse PIERRE DE VALLOMBREUSE #4 Lundi 18 Mars 2013 La Gazette des Reflets du Cinéma

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PLANSSéQUENCES

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Depuis 25 ans, Pierre de Vallom-breuse exprime son amour de

l’homme et de la nature et ainsi, son attachement pour la liberté. A travers son travail il témoigne de la diversité des environnements et des façons de vivre des peuples autochtones. A l’oc-casion du festival Reflets du cinéma : Peuples sans frontières, Atmosphères 53 et ses partenaires ont invité Pierre de Vallombreuse à présenter son pro-jet Hommes Racines en Mayenne. Il a rencontré le public à l’occasion de différents temps de vernissage et de conférences et a bien voulu répondre à nos questions.

Parlez-nous de vous.

Je suis Pierre de Vallombreuse et je suis photographe depuis 25 ans. J’ai dédié ma vie aux peuples autochtones. A travers mon travail, je défends des valeurs telles que la liberté, la richesse de la vie sur terre et la diversité. Je suis un photographe militant, engagé et politique.

Cet engagement vous vient de votre famille ?

Oui, dans ma famille cet engagement est présent. Mon grand-père a fait la guerre de 14-18, il était aviateur. Il s’est engagé dans l’Escadrille Espana mon-tée par André Malraux, c’était une es-cadrille qui s’est battue pour les répu-blicains espagnols. Ils ont dû affronter les troupes nazies ainsi que celles de Mussolini qui étaient équipées d’avions neufs alors qu’eux avaient des vieux coucous. Il fut aussi résistant. Mon père fut le plus jeune engagé volon-

taire dans les Forces françaises libres du Général de Gaulle. Ils se battaient pour la liberté. C’est génétique ! On est des gens libres, on aime la liberté donc on la défend pour les autres.

Quel est votre parcours ?

Moi, je voulais faire de la bande des-sinée ou du dessin de presse ! J’avais envie de donner ma vision du monde, de dénoncer par le biais du dessin ; cela me permettait de raconter des histoires aux gens, ce qui pour moi est fondamental.

Puis d’un coup, j’étais en révolte, en pleine dépression, j’en avais marre. Je me suis dit que comme j’avais toujours été fasciné par les grands éléments, la nature, la forêt, la montagne, j’allais faire un voyage avec les nomades. Leur façon de vivre est la plus simple sur terre, ils ne font que prélever et ils ne construisent rien, ils disparaissent. Donc j’ai choisi d’aller à Bornéo pour vivre avec des nomades de la jungle.

Ça a été un tel choc, une telle émotion

, en sentant la vie, les émotions, les odeurs, j’ai su ce que je voulais faire. J’avais 22 ou 23 ans. Je ne voulais plus être avec une table à dessin, je vou-lais ressentir et transmettre. La pho-tographie s’est imposée, c’était l’outil parfait.

Depuis je vis une vie de nomade, je vais dans plein d’endroits pour témoi-gner.

Parlez-nous de vos rencontres avec les peuples autochtones

J’ai appris tellement. Je n’ai jamais été chassé d’un endroit car j’arrive avec l’idée qu’on a tout à apprendre. Il faut se considérer comme un nouveau-né. Je ne juge pas, je déteste d’ailleurs les jugements qui sont basés sur des pré-somptions ou des préjugés. C’est ce qui, pour moi, fait que des sociétés sont en rupture à cause de la peur et de la méconnaissance parce qu’avant de comprendre on juge, on rejette et on agresse ! Je pense qu’il faudrait faire plus d’efforts pour comprendre les autres.

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Entretien avec Pierre de Vallombreuse

Pierre de Vallombreuse

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Lundi 18 Mars 2013 La Gazette des Reflets du Cinéma

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Un festival de cinéma, a fortiori lorsqu’il est parcouru par une

thématique, est l’occasion pour le spectateur de faire surgir des signes qui s’apostrophent en écho d’une œuvre à l’autre. Le film d’ouverture, 11 images de l’homme, s’envisageait comme un poème visuel réinventant une mystique originelle et un rapport au monde à travers les symboliques de l’art rupestre aux quatre coins du globe. Dans La Dernière piste, c’est un Indien qui taille dans la roche l’une de ces « images de l’homme », marqueur intemporel d’une présence sur un ter-ritoire.

Le territoire en question c’est ici le Grand ouest désertique américain, celui des pionniers et des chercheurs d’or au milieu du XIXème siècle. Un convoi de trois familles s’y aventure, guidé par un trappeur et des rêves de bâtir un avenir, un nouveau départ. Dès lors se pose un enjeu esthétique : comment, en 2011, filmer avec un œil vierge, ces grands espaces bien trop chargés de références pour qu’y éclose un nouvel imaginaire ? Kelly Reichardt élude vite la question en imposant dès les premiers plans sa sidérante maîtrise formelle dans un format carré qui, s’il surprend de prime abord, enterre rapi-dement nos souvenirs de grand canyon en Cinémascope.

On y filme d’abord l’homme et le geste saisi dans sa pure matérialité : traver-ser un fleuve, manger, boire, marcher, essorer son linge, réparer une roue. Les plans coulent de source, on pense à Gerry de Gus Van Sant et on s’aban-donne sans peine à la langueur du convoi, et l’on sent même la poussière dans sa bouche et le soleil qui brûle l’iris. Aucun zèle de scénarisation, qui confine à l’épure, et ce qui apparaît comme l’un des rares enjeux narra-tifs (trouver de l’or, faire fortune), est balayé d’un revers de main telle une fausse piste à la moitié du parcours.

C’est que le film et ses personnages doivent aller à la rencontre d’une plus essentielle altérité, représentée par la figure de l’Indien. Un dilemme s’érige alors avec évidence : le suppri-

mer, quitte à errer sans fin et crever sans eau, ou confier leur destinée entre ses mains, tout en laissant une femme donner corps à ses intuitions. Suspense entier jusqu’à ce plan final, unique clé de sortie mais véritable trousseau d’interprétations. Plan qui renverse les codes d’une image-poncif du western, celui du poor lonesome cowboy, traçant sa route à l’horizon d’un ailleurs. L’Indien a remplacé le cow-boy, et c’est toute l’imagerie clas-sique du genre qui chancelle sur ses bases. Voilà sans doute, pour demain, une dernière piste à suivre.

""" La dernière piste

Yoan Le Blévec

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J’aime avant tout les gens, ils le res-sentent et cela me permet d’apprendre énormément à leur contact.

Ce qu’on apprend c’est d’autres façons de voir la vie, la mort, l’amour, les relations avec son environnement et tellement d’autres choses et c’est fan-tastique !

Que souhaitez-vous transmettre comme message au travers de votre exposition et même au travers de vos travaux ?

Le message est propre à chacun. Mais c’est un message d’amour, j’aime les gens et je les photographie avec amour. Je vois la beauté des gens même dans les situations les plus dures.

J’espère que j’ouvrirai l’esprit des gens et qu’ils ouvriront l’œil sur leurs voi-sins, sur leurs proches, sur les gens qu’ils croiseront et qu’ils iront au-delà des apparences.

Expositions :

Inuit, Gwitchin et Navajo à la mé-diathèque Jean-Loup Trassard de Mayenne jusqu’au 30 mars.Rabari et Badjao à la Bibliothèque Albert Legendre de Laval jusqu’au 23 avril.Maori, Hadzabe et Aymara à Châ-teau-Gontier jusqu’au 26 mars.

Propos recueillis par Clémence Gilardot

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Entretien (SUITE) avec Anastasia Lapsui et Markku Lehmuskallio

Les Tibétains

Vos films se composent très sou-vent d’une multitude d’éléments,

des images d’archives mais aussi de l’animation ?

Markku : « On raconte à la fin de Fata Morgana que, dans l’univers du peuple Tchouktche, quand un homme devient âgé et qu’il s’apprête à quitter le monde, il le déclare aux autres. Sa plus proche descendance ou s’il n’en a pas son ami le plus proche a alors dans l’obligation de le pendre pour qu’il meure. Voilà quelque chose que l’on ne peut pas filmer. D’où dans une telle situation le recours au cinéma d’animation. Dans 11 images de l’homme, nous voulions rendre plus vivantes les pein-tures rupestres. Si le narrateur dit tout, ses paroles passent et n’accrochent pas. L’animation aide à mieux voir, c’est un plus pour se représenter les choses. Dans Le Voyage perpétuel, Anastasia raconte que chaque per-sonne a une étoile qui la dirige, c’est une des croyances des Nenets. L’ani-mation était le seul moyen de rendre cela visible. Pour nous il est important de mélanger les genres pour enrichir nos films. Concernant les archives nous profitons du stock énorme

d’archives qui existe en Russie. Dans mon film intitulé Je suis, sans doute le film le plus important pour moi, il y a énormément d’archives du monde entier. Il s’agit en fait, avec tous ces éléments, de donner du relief à la vie, à ce qui s’est passé. Grâce aux archives on peut encore voir des gens qui sont morts. Certains pensent que l’homme a 3 âmes : la première se trouve dans la tête de l’homme. S’il tombe malade elle quitte sa tête et il faut la retrouver pour qu’il puisse guérir. La deuxième se trouve dans le cœur et donne la vie. Et la troi-sième, c’est l’ombre de l’homme. C’est ainsi que l’on peut aussi penser que le cinéma est la troisième âme de l’homme. »

Anastasia : « Pour moi le cinéma d’animation est très important. Dans notre dernier film, il fallait faire appa-raître le dieu, qui pour moi est par-tout, quand il danse et l’animation nous a permis de le faire apparaître et danser. De même comment montrer l’âme du chamane qui s’envole, grâce à l’oiseau, à la rencontre de dieu ? Personne n’a jamais vu le voyage de cette énergie. L’animation nous sert à rendre visible l’invisible pour que spectateur puisse comprendre. L’ani-mation commence là où les mots s’arrêtent, lorsqu’ils deviennent im-puissants. Cela nous permet de trans-mettre une idée à tout le monde. Le propos, avec le recours à l’animation, devient plus universel.

Peuple d’Asie et habitants du “toit du monde”, les Tibétains furent

assez tôt (depuis le XIVème siècle) considérés par les Chinois comme une partie de leur peuple. En 1949, la République Populaire de Chine (RPC), alors gouvernée par Mao, envahit la région du Tibet, perpétrant des violences physiques (massacres) et morales (thamzing jusqu’en 1978) à l’encontre des Tibétains.

Aujourd’hui la RPC justifie cette « invasion » avec différents arguments politiques, économiques et sociaux (libération du Tibet des impéria-listes et amélioration des conditions d’alphabétisation). Une répression, intense, semble pourtant constante.

Les Tibétains, profondément boudd-histes et même si leur indépendance n’est pas reconnue, ont leur propre

chef politique et spirituel. Le 14ème Dalaï Lama, extrêmement populaire auprès du peuple, qui remplissait ces deux fonctions avant 2011, a dévolu ses fonctions politiques à Lobsang Sangay pour se consacrer entière-ment à son rôle spirituel.

Actuellement, près de 6 millions de Tibétains vivent au Tibet dans la région chinoise, mais, à la suite des

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fata morgana

Propos recueillis par Willy Durand

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Réponse à la question du Plans Séquences n°3 :

Environ 3000 ( la moitié du nombre de langues parlées aujourd’hui dans le monde).

l'équipe

Maquette

Félix BocquetFlorent Le Maguet

RédacteuRs

Alissa AlifanovaAmandine BatailleLucas BergougnouxHéloïse ChaisnotStéphanie DitengouWilly DurandAdrien FalceClémence GilardotMélanie GuittonYoan Le BlevecFlorent Le MaguetMarc-André PérezLéna RobartCamille Sancinito

Billet à l’unité : Tarifs habituels des salles partenaires du festival

Abonnement de 3 entréesTarif normal : 15€Tarif réduit : 12€

Pass Reflets (nominatif, avec photo)

Tarif unique : 60€ Entrée libre et gratuite : confé-rences, expositions, café-lecture, vernissages, ciné-concert Plume, concert à Mayenne, contes.

les tarifs

MARDI 19 MARS – 20h30 – cinéma Yves Robert – Evron : Jon face aux vents en présence de Corto Fajal

MARDI 19 MARS – 21h – Cinéville – Laval : Kurdish lover en présence de Cla-risse Hahn

MERCREDI 20 MARS – 15h – P’tits Reflets - cinéma Le Palace – Château-Gontier : La Balade de babouchka (4 courts métrages d’animation) suivi d’un atelier de maquillage

massacres chinois, près de 200 000 Tibé-tains ont fui. La majorité d’entre eux a suivi le gouvernement tibétain (et le Dalaï Lama exilé) et est réfugiée en Inde, prin-cipalement dans la ville de Dharamsala, d’autres ont fui au Népal.

Face à l’autorité chinoise, la lutte « non violente » pour l’autonomie revendi-quée par le Dalaï Lama, lutte pacifique qui perdure depuis une cinquantaine d’années force le respect. Les Tibétains réclament leur indépendance depuis des années (révolte en 1959) mais celle-ci est contestée par le gouvernement chinois et renforcée ces dernières années par l’inaction et la passivité des autres pays

MERCREDI 20 MARS – 15h – P’tits Reflets - cinéma Yves Robert – Evron : L’Ogre de la taïga (4 courts métrages d’animation)

MERCREDI 20 MARS – 17h – P’tits Reflets – Le Grand Nord – Mayenne - ciné-concert : Nanouk l’esquimau par le groupe bocage

MERCREDI 20 MARS – 20h30 – ciné-ma Palace Le – Château-Gontier : Jon face aux vents en présence de Corto Fajal

du monde (qui est bien sûr due à la forte influence politique et économique de la Chine).

Mais aujourd’hui, un nombre important et croissant d’immolations de moines et de civils révèlent l’état d’esprit de ce peuple opprimé par la puissance chinoise. Les puissances mondiales lais-seront-elles les Chinois libres maintenir leur joug sur les Tibétains ? Laisseront-ils une culture dépérir, une nouvelle langue mourir ?

Léna Robart

Les rendez-vous à venir...

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à la recherche de drimé kunden de pema tseden