Plan de rép et de réhabilitation de la ville de Jérémie · partenariat avec ACTED et la Task...

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Plan de réponse humanitaire et de réhabilitation de la ville de Jérémie Groupe de Travail Urbain (GTU) - Jérémie Mairie de Jérémie, DPC, DINEPA, Organisation de Femmes Combattantes pour le Développement de la Grand’Anse (OFCDGA), ACTED, CARE, JP/HRO, IMPACT, IDETTE, PNUD, OCHA, CARE, MDM, WG Shelter Grand’Anse Haiti, WFP, UNICEF, FAO, UNHABITAT, Handicap International, Samaritan’s Purse, Action Aid, UNFPA, PUI, Plan International, CRS.

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Plan de rép onse humanitaire et de réhabilitation de la ville de Jérémie

Groupe de Travail Urbain (GTU) - Jérémie

Mairie de Jérémie, DPC, DINEPA, Organisation de Femmes Combattantes pour le Développement de la Grand’Anse

(OFCDGA), ACTED, CARE, JP/HRO, IMPACT, IDETTE, PNUD, OCHA, CARE, MDM, WG Shelter Grand’Anse Haiti,

WFP, UNICEF, FAO, UNHABITAT, Handicap International, Samaritan’s Purse, Action Aid, UNFPA, PUI, Plan

International, CRS.

Table des Matières

Introduction et objectif du projet ..................................................................................................................... 3

Méthodologie ................................................................................................................................................. 3

A) Consultation des parties prenantes et définition des quartiers prioritaires d’intervention ................... 4

B) Enquête rapide multisectorielle dans la ville de Jérémie. ................................................................... 4

C) Consultations bilatérales et planification ............................................................................................ 4

Diagnostic humanitaire sectoriel .................................................................................................................... 5

A) Des vulnérabilités et inégalités territoriales pré-crise ......................................................................... 5

B) L’impact de l’ouragan sur l’habitat et les services de base................................................................. 6

b.1 Dégâts sur l’habitat .......................................................................................................................... 6

b.2 Dégâts sur les bâtiments publics et sur les infrastructures des services de base ............................ 7

C) L’impact économique de l’ouragan ..................................................................................................... 8

c.1 Commerce ........................................................................................................................................ 8

c.2 Pêche ............................................................................................................................................... 9

c.3 Agriculture urbaine ........................................................................................................................... 9

Identification des thématiques humanitaires ................................................................................................ 10

A) Réhabilitation de l’habitat et aménagement du territoire .................................................................. 10

B) Réactivation du système de collecte et gestion des déchets solides ............................................... 11

C) Aide à la relance économique de la ville de Jérémie ....................................................................... 12

Annexes ....................................................................................................................................................... 13

Introduction et objectif du projet

En phase avec l’accélération de l’urbanisation ces dernières années, l’attention des acteurs humanitaires se porte

désormais vers les villes, de plus en plus sujettes aux catastrophes naturelles et aux conflits. IMPACT Initiatives, en

partenariat avec ACTED et la Task Force de Cités et Gouvernements Locaux Unis (CGLU) supporté par Cites Unies

France, a démarré en Septembre 2016 le projet global « Ville en Crise » d’une durée de deux ans et financé par DG

ECHO, dont l’objectif principal est de proposer des outils et des processus permettant une meilleure planification

humanitaire aux crises urbaines. Souhaitant promouvoir une réponse holistique par zone de voisinage, ce projet prend

appui sur les capacités locales tout en facilitant les synergies entre les acteurs externes et les acteurs locaux.

Le soir du 3 octobre 2016, la ville de Jérémie a été frappée par l’ouragan Matthew, qui a principalement touché la partie

sud-ouest d’Haïti. Jérémie est la capitale du département méridional de la Grand’Anse et comptait, avant le désastre

naturel, une population totale de 7 500 ménages. Elle est le principal pôle urbain et économique du département et

héberge les principaux marchés et les principales entreprises économiques de la région. Suite à l’ouragan, la ville a

souffert d’importants dégâts avec la plupart des habitations et des infrastructures endommagées et mises hors d’état

de fonctionnement. La majorité des ménages de la ville de Jérémie ayant perdu leur logement s’est réfugiée auprès de

centres collectifs, principalement des bâtiments scolaires.

IMPACT Initiatives a déployé une équipe pour soutenir une meilleure compréhension multisectorielle des besoins de

l’aire urbaine de la commune de Jérémie, par quartier, et de la planification territoriale des interventions, afin de

proposer, dans le cadre du Groupe de Travail Urbain (GTU), une feuille de route pour les acteurs humanitaires et de

développement. Son objectif principal est de faciliter la transition entre aide d’urgence et relèvement précoce. Pour

cela, et pour assurer sa viabilité sur le long terme, le plan de réponse proposé met en relation intervenants humanitaires,

intervenant de développement et acteurs locaux. Il est également important de noter qu’en présentant une analyse de

la situation et des priorités urbaines à un instant précis (« baseline »), ce document permettra un suivi des interventions

et de réaliser une éventuelle évaluation des progrès et des résultats obtenus par les parties prenantes du projet.

Des discussions sur la conception du GTU ont démarré en novembre 2016, visant l’établissement d’un groupe de travail

dynamique au niveau des activités et projets urbains à Jérémie suite au passage de l'ouragan Matthieu. Deux

rencontres officielles ont eu lieu jusqu'à présent (mars et mai 2017), où la Mairie a manifesté l’intention de prendre la

conduite du groupe de travail.

Ce document présente en premier lieu une vue d’ensemble des besoins de la ville de Jérémie, basée sur une évaluation

urbaine multisectorielle réalisée entre le 1er novembre et le 15 décembre 2016 par IMPACT, et des consultations avec

les membres du GTU dans le cadre du Projet « Ville en Crise ». Il se concentre ensuite sur les priorités, regroupées

sous forme de plan de réponse, qui sera suivi par le GTU dans les mois à venir.

Méthodologie

Le plan de réponse humanitaire de Jérémie est le résultat d’une approche participative incluant les principales parties

prenantes de la ville de Jérémie et du secteur humanitaire impliquées dans la réponse à l’ouragan Matthew. Afin de

pouvoir réunir tous les éléments nécessaires à la formulation de ce document, les membres d’AGORA ont procédé à :

a) Une consultation des parties prenantes afin de définir les quartiers prioritaires d’intervention

b) Une enquête rapide multisectorielle auprès des communautés de huit quartiers prioritaires de la ville de

Jérémie, et

c) A une série de consultations dans le cadre du GTU avec la mairie de Jérémie et les organisations/agences

humanitaires et de développement intervenant sur le territoire urbain de la commune afin de convenir d’un

plan d’action.

A) Consultation des parties prenantes et définition des quartiers prioritaires d’intervention

Dans un premier temps, l’équipe AGORA a cartographié les différents quartiers de la ville de Jérémie afin d’informer

les décisions successives liées à l’enquête multisectorielle ainsi que

la phase successive d’identification des priorités territoriales. Cette

délimitation a été réalisée grâce à la fois à des observations directes

et de parcours dans les quartiers accompagnés par des

représentants des communautés locales, et à l’aide de GPS. De plus,

cette première cartographie a été revue et confirmée dans les

groupes de discussion réalisés successivement.

En deuxième lieu, l’équipe AGORA a procédé à la sélection des

quartiers prioritaires pris pour cible par l’enquête multisectorielle. La

priorisation de ces quartiers a été effectuée d’après trois critères

principaux :

a) Les principales zones d’origine des personnes déplacées

et habitant à Jérémie avant l’ouragan,

b) Les zones les plus endommagées d’après UNOSAT et

COPERNICUS,

c) Les données de risques de catastrophe obtenues par le

PNUD.

Suite à cet exercice, et sur la base des consultations menées avec les membres du GTU, les quartiers retenus pour

l’enquête ont été : Beckier, Caracolie, Carmagnole, La Pointe, Mackandal, Nan Cité, Platon et Sainte-Hélène.

B) Enquête rapide multisectorielle dans la ville de Jérémie.

Afin d’évaluer la situation humanitaire des huit quartiers sélectionnés, une collecte de données a été effectuée du 14

au 25 novembre 2016 à travers la mise en place de groupes de discussion (focus group discussion) en utilisant un

questionnaire lié à un exercice de cartographie participative. Dans chacun des huit quartiers, deux groupes de

discussion, un constitué d’hommes et l’autre de femmes, incluant chacun de six à dix individus âgés entre 18 et 65 ans,

ont été réalisés.

Afin de compléter et de trianguler les informations récoltées lors des groupes de discussion, l’équipe AGORA, en charge

de l’évaluation, a sélectionné ensuite quatre informateurs clés (key informant) pour chaque quartier ciblé : un(e)

informateur clé provenant du secteur éducatif, un(e) provenant du secteur sanitaire, un(e) faisant partie d’une

organisation communautaire locale de base ou non gouvernementale, et un(e) représentant(e) des autorités locales.

Les résultats de l’enquête multisectorielle ont été consolidés en huit fiches d’évaluation, une par quartier, jointes en

annexe à ce document.

C) Consultations bilatérales et planification

Une fois les résultats des enquêtes de quartiers consolidés, ceux-ci ont été restitués de manière bilatérale aux membres

du GTU, c’est-à-dire la mairie et les acteurs humanitaires et de développement. En plus des autorités locales, huit

acteurs humanitaires et de développements ont été identifiés comme intervenant sur le territoire de la ville de Jérémie

et ont été consultés. Ces restitutions ont permis de vérifier et de trianguler l’analyse des résultats du diagnostic avec

les informations et observations des parties prenantes. Il a été également possible de recueillir de façon précise, c’est-

à-dire au niveau des quartiers de Jérémie, le type et la quantité d’aide apportée dans la ville, ainsi que les modalités

de ciblage ou de distribution. Les acteurs consultés ont pu également partager des informations concernant l’aide déjà

Figure 1 : Quartiers cibles par l’enquête AGORA

planifiée au moment des consultations ainsi que les stratégies de financement pour des interventions dans le moyen

et long terme.

Enfin, à travers ces consultations il a été possible d’identifier de possibles axes prioritaires d‘intervention, que le plan

de réponse humanitaire devrait inclure, ainsi que de vérifier l’engagement des acteurs locaux et internationaux dans le

groupe de travail urbain et multisectoriel de Jérémie.

Diagnostic humanitaire sectoriel

A) Des vulnérabilités et inégalités territoriales pré-crise

La ville de Jérémie présente des vulnérabilités et faiblesse structurelles pré-ouragan Matthew. Ces vulnérabilités de

fait limitent sa capacité d’auto-prise en charge suite au désastre naturel et représentent des défis auxquels les parties

prenantes doivent faire face.

La ville de Jérémie a connu une accélération de son urbanisation

au cours des vingt dernières années. Cela s’est traduit par une

expansion géographique du territoire urbain sur les zones

périphériques au vieux centre-ville. Depuis 2003, la ville a connu

une forte urbanisation sans aménagement adéquat des quartiers

de Sainte-Hélène, Caracolie et Versailles sur le versant sud de la

Ville ainsi que des quartiers de Nan-cité, Gragamora, La Genève

et Nan-lundy sur le versant nord. Comme démontré par la

cartographie des risques du PNUD, on peut remarquer que cette

expansion de l’aire urbaine de Jérémie ville s’est souvent réalisée

sur des zones à risque de désastre naturel (proximité avec des

failles sismiques ou zones sujettes à inondations) ainsi que des

zones considérées comme « précaires », c’est-à-dire qui

nécessitent un aménagement du territoire et des techniques de

construction adaptés. Cet aménagement inégal du territoire se

traduit donc non seulement par une vulnérabilité accrue des

habitations face à de possibles désastres naturels mais aussi par

une offre de services de base insuffisante. Par exemple la plupart

des quartiers périphériques de Jérémie n’étaient pas connectés, ou

l’étaient peu et de façon irrégulière, aux réseaux électriques ou

d’approvisionnement en eau potable. De même, la distribution sur le

territoire d’infrastructures scolaires, sanitaires ou commerciales ne reflète

pas forcement la densité démographique des différents quartiers de

Jérémie et, par conséquence, la potentielle demande.

De plus, la ville de Jérémie est au centre d’un recoupage administratif

particulier. La commune de Jérémie en effet couvre une portion de

territoire bien plus ample que la simple zone urbaine au bord de la côte ;

elle inclut des zones rurales et péri-urbaines avec d’importantes

superficies et une faible densité démographique. La commune est

successivement divisée en plusieurs sections communales ; toutefois,

aucune ne correspond exactement à l’aire urbaine de la ville de Jérémie,

qui au contraire est divisée en trois sections communales, et donc

administratives, distinctes. Cela entraine des difficultés en termes de

gouvernance locale.

Figure 2 : Carte de l’urbanisation de Jérémie au cours du temps (UNDP)

Figure 3 : Carte de Jérémie avec les quartiers et les sections communales

B) L’impact de l’ouragan sur l’habitat et les services de base

b.1 Dégâts sur l’habitat

Selon le « plan préliminaire de redressement post-Cyclone » du PNUD de Novembre 2016, la commune de Jérémie

compte une population totale de 24 365 familles recensées comme sinistrées. Plus précisément, 8 122 logements ont

été classifiés comme fortement endommagés, 2 707 comme faiblement endommagés et 16 233 logements totalement

détruits. Toutefois ces données prennent en compte l’ensemble du territoire de la commune, y compris les zones péri-

urbaines et rurales.

A l’échelle de la ville de Jérémie, selon l’analyse satellitaire effectuée par Copernicus et par UNOSAT, 4 592 bâtiments

ont été identifiés comme endommagés ou détruits dont la plupart sont des bâtiments et maisons privés (cf.figure 4 ci-

dessous). Les quartiers de Sainte-Hélène et de Caracolie ont été les plus affectés avec respectivement 1 013 et 961

bâtiments endommagés ou détruits.

Figure 4: Carte des dégâts (Copernicus, UNOSAT)

Les dégâts à l’habitat découlant de l’ouragan Matthew sont liés à deux facteurs principaux : la localisation géographique

de l’habitat et les matériaux ainsi que les techniques de constructions utilisées pour la construction de celui-ci.

Par rapport à la localisation géographique de l’habitat, la ville de Jérémie présente plusieurs facteurs de risque

distribués de façon inégale sur son territoire. Les dégâts ont été donc plus ou moins importants selon l’emplacement

du bâtiment sur le territoire de la ville ainsi que dans le quartier même. Ces facteurs de risques liés à l’emplacement

géographique de l’habitat et du quartier, identifiés à la fois par le PNUD ainsi que par l’enquête AGORA, sont :

La proximité avec la côte, plus précisément les rives du littoral. Ce facteur de risque est lié non seulement aux

vents forts de l’ouragan mais aussi à la submersion marine (storm surge) mais aussi au reflux des eaux. Ceci

est le cas par exemple pour les quartiers de Nan Cité, Mackandal, Carmagnole, La Pointe, Beckier.

L’exposition au vent souvent liée aux lieux en hauteur ou sur les pentes des collines le long de la côte. Ceci

est par exemple le cas des quartiers de Caracolie II, Caracolie III, Platon et Sainte-Hélène

La proximité aux berges des rivières sujettes à inondations comme par exemple le quartier de Carrefour Bac.

Enfin, le cas de certains quartiers qui réunissent plusieurs ou tous ces facteurs, comme le quartier de

Versailles.

La deuxième corrélation qui a été identifiée entre étendue des dégâts et impact de l’ouragan est liée à la typologie et

qualité des matériaux ainsi que des techniques de construction utilisés. La plupart des maisons ont eu la toiture

arrachée et/ou endommagée. Ceci étant dit, l’étendue des dégâts sur la charpente ou sur le reste du bâtiment dépend

majoritairement des matériaux utilisés pour la construction des murs, des matériaux et des techniques de fixation de la

charpente, de la présence de fondation ou pas, etc. Ces caractéristiques infrastructurelles de l’habitat sont distribuées

de façon inégale dans la ville de Jérémie ; certains quartiers de la ville présentent une typologie de bâtiments de

meilleure qualité alors que d’autres sont majoritairement constitués de maisons construites avec des matériaux de

fortune ou de récupération. En outre, l’utilisation de certains

matériaux ou techniques de construction se révèle être un

indicateur suffisamment précis du profil socio-économique du

ménage y habitant ainsi que de son éventuelle capacité de

résilience. On peut donc cartographier ces informations (cf

figure 5) ainsi que résumer cette corrélation dégâts – type de

construction de la façon suivante :

Les maisons en dur (blocs ou ciment) ont

principalement subi des dégâts aux toitures lorsque

réalisées en tôles

Les maisons construites avec un mélange de

matériaux (ciment, roches, tôles, bois) ou en tôles/bois

ont subi des dégâts majeurs si ce n’est une destruction

totale

Profil socio-économique des ménages → choix des

techniques de construction et choix de matériaux

inadaptés d’où une résilience face aux désastres

diminuée sur le long terme

b.2 Dégâts sur les bâtiments publics et sur les infrastructures des services de base

Les dégâts sur les infrastructures publiques ainsi que sur les services de base ont été importants suite au passage de

l’ouragan Matthew sur la ville de Jérémie.

Le réseau électrique n’a pas pu résister à l’impact de la tempête et tous les quartiers de Jérémie n’ont plus eu accès à

l’électricité dans les semaines suivant le désastre. L’utilisation de générateurs privés s’est révélé être la seule

alternative à ces coupures de courant. Ceci dit, même avant le passage de l’ouragan, le réseau était sous-dimensionné

par rapport à la demande d’électricité de la ville. Celle-ci n’était présente que quelques heures pendant la journée et

certains quartiers périphériques n’étaient pas connectés du tout au réseau.

Figure 5 : Typologie des constructions par quartier

Le réseau d’approvisionnement en eau est dans des conditions semblables à celui électrique. Sous-dimensionné avant

la crise, la plupart des quartiers en dehors de centre et basse ville n’y avaient pas accès. Suite à l’ouragan, la vaste

majorité des habitants de Jérémie ont accès à l’eau à travers des points d’eau (citernes ou « bladder ») fournis par la

DINEPA ou par les acteurs humanitaires. Ceci dit, la plupart de la population ciblée par l’enquête n’était pas informée

sur l’effective qualité de l’eau fournie et si celle-ci était traitée ou pas. Pour les ménages plus vulnérables qui ne peuvent

avoir accès aux sources d’eau payantes, ou plus éloignés des points d’eau, l’accès à des sources d’eau non protégées

représente un risque sanitaire non négligeable.

Du point de vue de l’assainissement, l’enjeu majeur est la collecte des déchets sur l’ensemble de l’agglomération

urbaine. Le système de collecte préexistent n’était pas en mesure de desservir l’ensemble des quartiers ; la situation

après l’ouragan s’est aggravée avec l’arrêt complet du système de collecte des déchets. De plus, les principaux sites

de stockage des déchets, formels ou informels, sont insuffisants et localisés dans des zones à risque d’inondations ou

à proximité de zones densément peuplées. La plupart des déchets ménagers sont donc brulés au bord des parcelles,

ou des routes, ou simplement déposés dans des espaces libres dans les quartiers mêmes, proche des habitations, ou

parfois en obstruant les caniveaux.

Une partie importante des bâtiments scolaires ont subi des dégâts (principalement toitures, portes et fenêtres). De plus,

une grande partie des bâtiments scolaires a été utilisée comme centres collectifs d’accueil pour les ménages déplacés.

L’évacuation des écoles occupées n’a pas pu se faire avant plusieurs semaines après le passage de l’ouragan ; il a été

nécessaire d’organiser pour chaque bâtiment scolaire un plan d’accompagnement au retour au travers de distributions

de bien non-alimentaires et matériaux pour la réhabilitation des maisons (principalement des bâches). La reprise des

cours ne s’est donc pas faite de façon simultanée sur l’ensemble de la ville de Jérémie.

Tableau 1: Estimation des dégâts des bâtiments publics selon l’analyse AGORA

C) L’impact économique de l’ouragan

Les principales activités économiques de la ville de Jérémie avant le passage de l’ouragan Matthew étaient a) le

commerce, à la fois formel et informel, b) la pêche et c) agriculture maraîchère et/ou de subsistance.

c.1 Commerce

Jérémie ville est le marché principal du département, auquel sont connectés la plupart des marchés secondaires et

tertiaires des sections communales de Jérémie ainsi que des communes voisines. Selon le PNUD1, des faiblesses

structurelles étaient déjà présentes avant l’arrivée de l’ouragan. Plus précisément, la mauvaise qualité des

infrastructures de transport (réseau routier, infrastructures portuaires, etc…) a pour conséquence l’enclavement de la

commune et limite donc les opportunités commerciales avec le reste de la région et du pays.

La ville de Jérémie héberge une zone commerciale importante située dans la partie centrale, et plus ancienne, de la

ville ainsi que 6 marchées principaux dans les quartiers de Nan Cité,Nan Côté Fer, Centre-Ville, Rochasse, Caracolie

I et Sainte Helène. La plupart des activités commerciales sont liées au commerce de biens alimentaires et de produits

1 PNUD, plan préliminaire de relèvement post-cyclone de la commune de Jérémie, Novembre 2016.

quotidiens nécessaires à la population urbaine de la ville ainsi qu’à, la commercialisation des produits liés à la

transformation des produits agricoles et de la pêche locale. Peu d’activités commerciales ont un rayon d’action plus

ample, à la fois en termes de lien géographique et économiques entre le territoire de la Grand’Anse et le reste de la

région ou la capitale, et a à la fois en termes de biens à valeur ajoutée majeure comme par exemple certains matériaux

de construction.

L’impact de l’ouragan sur les activités commerciales de

la ville a été important en raison principalement des

dommages aux bâtiments commerciaux, sur les

infrastructures des marchés ainsi que par rapport aux

coupures d’électricité et d’eau. Une partie importante

des stocks a été déclarée comme endommagée ou

perdue. Très peu de commerçants ou d’entreprise sont

en mesure de financer de façon autonome le

redémarrage de leurs activités. De même, à cause de

l’impact du désastre sur les autres secteurs

économiques, la demande a également baissé et

l’accès à des ressources financières ou des crédits est

également réduit.

c.2 Pêche

La filière de la pêche représente un secteur

économique important pour la commune et la ville de

Jérémie. Elle garantit à la fois de l’emploi dans le

secteur formel et informel de l’économie, de la

production à la transformation et le commerce des

produits de la pêche. L’ouragan Matthew a détruit la

vaste majorité des bateaux utilisés pour la pêche ainsi

que la majorité des intrants (filets, etc.) utilisés par les

communautés de pêcheurs. Malgré une bonne capacité de mobilisation, la plupart des pêcheurs et de leurs

associations ne disposent que de ressources limitées afin de pouvoir remplacer le matériel et les équipements perdus

dans le court terme. Cela a un impact sur les autres activités économiques de la filière comme la transformation et le

commerce qui ne disposent plus ou peu de matières premières.

c.3 Agriculture urbaine

La production agricole dans la zone urbaine de Jérémie se limite principalement à quelques champs agricoles dédiés

aux cultures maraîchères et à une production agricole de subsistance limitée. La plupart de la production agricole locale

provient des zones et sections communales rurales de la commune de Jérémie. A travers ses marchés et ses zones

commerciales, la ville de Jérémie joue donc un rôle principalement d’échange, de transformation (souvent lié à

l’économie informelle) et de commerce des produits agricoles locaux.

L’ouragan Matthew a sévèrement endommagé la production agricole de la région de la Grand’Anse et de la commune

de Jérémie. Les dégâts sur le territoire-même (glissement de terrain et/ou inondations) de la commune ainsi que le

manque d’intrants agricoles (semences et arbres fruitiers en premier lieu) pour la relance de l’agriculture dans les zones

rurales de la commune ont pour conséquence également d’affecter la ville de Jérémie. Selon le PNUD2, sur l’ensemble

2 PNUD, plan préliminaire de relèvement post-cyclone de la commune de Jérémie, Novembre 2016.

Figure 6 : Carte avec le marché et la zone commerciale de Jérémie

de la commune, 85% des cultures ont été détruites ainsi que les cheptels et les arbres dits « de couverture3 ». En

particulier, les activités de commerce liées aux produits agricoles ainsi que celles liées à leurs transformations ne

peuvent plus obtenir suffisamment de matières premières pour perdurer. A cela s’ajoute dans la plupart des cas la

perte des stocks de produits et de biens à cause de l’ouragan.

Identification des thématiques humanitaires

Trois axes prioritaires d’interventions humanitaires ont pu être identifiés par les membres du GTU en se basant sur

l’analyse des résultats de l’enquête, ainsi qu’à la consultation des sources d’informations secondaires et aux

consultations bilatérales réalisées avec les parties prenantes du projet pilote : a) la réhabilitation de l’habitat et

l’aménagement du territoire, b) la réactivation du système de collecte et gestion des déchets solides et c) l’aide à la

relance économique de la ville de Jérémie

A) Réhabilitation de l’habitat et aménagement du territoire

La première phase d’aide humanitaire dite d’urgence s’est concentrée principalement sur des distributions générales

de bâches afin de permettre aux ménages affectés de se doter d’une première toiture rudimentaire. Celles-ci ont

concerné plus de 10 000 ménages sur la seule ville de Jérémie.4 En ciblant une grande partie de la population de la

ville, ces distributions de bâches ont favorisé le retour des ménages déplacés dans des centres collectifs comme les

écoles et les lycées de Jérémie.

Cela dit, la modalité d’intervention (distribution simple) ainsi que la qualité du matériel ne sont pas suffisants pour

accompagner une véritable réhabilitation de l’habitat en général et plus spécifiquement dans les quartiers

périphériques de la ville comme Caracolie II et III, Sainte-Hélène et Versailles par exemple. La reconstruction et la

réhabilitation de l’habitat dans la ville de Jérémie présentent une opportunité non seulement de venir en aide aux

ménages affectés par l’ouragan mais aussi d’intervenir sur le territoire et sur la communauté dans son ensemble, afin

de réduire les vulnérabilités structurelles face aux futurs désastres naturels.

Afin de parvenir à cet objectif, il est possible de procéder en premier lieu à des plans d’aménagement du territoire et

de réduction des risques pour chaque quartier ciblé. Ces plans de quartier doivent inclure :

a. Fournir un support matériel et/ou financier pour la réhabilitation/reconstruction des habitations des

ménages les plus vulnérables dans la ville de Jérémie. L’identification des ménages plus vulnérables doit

se réaliser à la fois selon des critères socio-économiques adaptés au contexte local, selon la localisation de

l’habitat même à l’intérieur du quartier et, aussi en tenant compte de la caractéristique du terrain sur lequel

repose l’habitation.

b. Réduire la vulnérabilité de l’habitat urbain vis-à-vis de futures catastrophes naturelles, ce qui peut être

fait notamment à travers :

b.1) Un travail de formation sur les techniques et les matériaux à utiliser pour la reconstruction

de la ville de Jérémie. Dans une optique de « build back safer », il est nécessaire d’intervenir

sur le contrôle de qualité des matériaux, le renforcement des capacités locales en termes de

3 Les plantes rampantes, telles que les patates douces, les melons, les citrouilles, les haricots ou les pois, peuvent servir de plantes de couverture afin de recouvrir le sol en poussant. Les cultures de couverture aident à empêcher que le sol ne soit emporté par les eaux de pluie. 4 Estimation basée sur une agrégation des matrices 3W d’OCHA et sur plusieurs consultations bilatérales avec les acteurs humanitaires intervenant sur la ville.

reconstruction, la mobilisation de ressources et

l’accompagnement des ménages plus vulnérables.

b.2) Un aménagement du territoire adéquat visant à réduire

l’impact de potentielles catastrophes naturelles, telles que la

sécurisation des canaux de drainage, la sécurisation des

flancs des collines ou des quartiers classés « rouge » selon le

cartographie des risques du PNUD afin de réduire la

probabilité de glissements de terrain ou le renforcement des

berges des torrents et des fleuves ou sur le littoral.

b.3) Une création ou mise à jour des plans de réponse

d’urgence de la ville de Jérémie. Ces plans de réponse

d’urgence pouvant inclure également des sites pré-identifiés

d’évacuation de la population civile par quartiers ainsi que

leurs aménagements. Campagnes de sensibilisation et

exercices d’évacuation pourront également être conduit afin

d’améliorer le processus en cas de catastrophes futures.

Figure 7 : Carte des quartiers prioritaires

B) Réactivation du système de collecte et gestion des déchets solides

Le système de collecte des déchets solides était sous-

dimensionné par rapport à l’expansion urbaine et

démographique de la ville de ces vingt dernières années. Par

exemple, plusieurs zones périphériques de l’agglomération

urbaine n’étaient pas desservies de façon régulière par la

collecte des déchets solides. La plupart des équipements sont

aujourd’hui inutilisables. Les lieux prévus pour le

rassemblement et le traitement des déchets ne sont plus, ou

ne l’ont jamais été, adéquats. A ce stade, la réactivation et la

mise à niveau du système de collecte et de gestion des déchets

solides ont été identifiées comme une priorité par la

municipalité ainsi que par les acteurs humanitaires.

Il est donc possible aujourd’hui de procéder en premier lieu à

une redéfinition du système de collecte des déchets. Il s’agit

d’identifier les ressources nécessaires, ainsi que leurs

modalités d’emploi et le rôle des parties prenantes, pour

pouvoir desservir l’ensemble de la zone urbaine de Jérémie.

Cette première approche au niveau de l’agglomérat urbain doit

être successivement déclinée au niveau des quartiers afin de

pouvoir l’intégrer dans les plans d’aménagement du territoire. Il

faut également noter la manière dont cette activité pourrait avoir un impact intra-communal si un nouveau site de

stockage des déchets est identifié et partagé avec les communes voisines (par exemple avec la commune de Roseau).

Afin d’y parvenir il est possible, dans l’immédiat :

Figure 8 : Carte des décharges de Jérémie

a. Identifier des sites temporaires pouvant servir de décharges et vider/nettoyer les sites utilisés

informellement. Il est nécessaire de mettre à jour, sous la supervision de la municipalité e des communautés

locales, la cartographie des sites informels et/ou ainsi que d’identifier quels sites temporaires peuvent être

aménagés afin de stocker les déchets solides de la ville de Jérémie. Cette première activité permettra en suite

de planifier une campagne communautaire de nettoyage de déchets ainsi que la fermeture de tout site de

déchets classifié comme informel et/ou illégal.

b. De nettoyer les déchets et les décombres restants de l’ouragan. Pour cela, les activités humanitaires

de Cash for Work peuvent être utilisées, en ciblant comme bénéficiaire la population des quartiers plus

vulnérables, et de l’équipement lourd pourra également être fournie en appuis à la collecte des déchets. Lors

de ces campagnes de « nettoyage » urbain, il sera possible également de sensibiliser la population locale aux

bonnes pratiques en termes de stockage et élimination des déchets urbains solides.

c. Mettre à disposition des experts techniques pour accompagner et assister la mairie de Jérémie dans la

planification d’un système municipale de la collecte des déchets, y compris a) l’identification d’un nouveau site

communale, ou intra-communale, pour le stockage et élimination et déchets et b) la mise en place d’éventuels

mécanisme de financement public-privé du système de collecte.

C) Aide à la relance économique de la ville de Jérémie

La relance économique de la ville de Jérémie est un enjeu majeur afin de pouvoir relier de façon efficace les

interventions humanitaires et celle de relèvement précoce et/ou développement. Cet enjeu a été également identifié

comme prioritaire par les parties prenantes du projet pilote. De plus, la relance économique de la ville de Jérémie est

capitale pour l’ensemble de la commune de Jérémie ainsi que pour les autres communes avoisinantes qui dépendent

du marché de Jérémie pour accéder et/ou écouler leurs biens alimentaires/non-alimentaires ainsi que les productions

locales.

Cette aide à la relance économique peut se réaliser par deux types d’activité :

a) Soutien à la subsistance des ménages plus vulnérables. A travers des programmes de « cash for work »

ou « cash transfer », il est possible venir de cibler les ménages les plus vulnérables. Le secteur du commerce

serait naturellement le secteur économique qui en bénéficierait immédiatement au-delà des ménages ciblés,

puisqu’une grande partie de ces sommes seraient dépensées par les ménages bénéficiaires sous forme

d’achats de biens alimentaires et non alimentaires essentiels. Ceci est le cas par exemple pour le

programme Food For Peace (80% de la population de la ville ciblée par du « Cash Transfer » dit léger,

c’est-à-dire de petits montants et sans ciblage particulier, et 15% par du « Cash Transfer » inconditionnel

effectués avec des montants plus importants et sur un ciblage précis des ménages les plus vulnérables) de

même que pour toute autre initiative d’aide sous forme de transfert d’argent.

b) Investissements dans les infrastructures et actifs économiques des filières clés ainsi que faciliter

l’accès aux crédits et/ou subventions pour les marchés.

b.1) Il est nécessaire d’identifier les besoins infrastructurels ainsi que financier pour pouvoir relancer

économiquement les filières agricoles et de la pêche. Cela signifie, par exemple, identifier les

infrastructures communautaires spécifique à chaque filière pour la production et/ou la transformation de

leurs produits, ainsi que le type de partenariat public-privé pour leurs construction gestion et manutention.

La mise en place de partenariats public-privé est également une opportunité pour venir en soutien à la

municipalité pour une rationalisation de ses propres outils fiscaux et budgétaires nécessaires au

financement des services municipaux.

b.2) Chaque filière économique occupe un emplacement précis sur le territoire-même de la ville et sont

à l’origine également de relations socio-économiques entre filières formelles et informelles, opportunités

d’emploi régulières et irrégulières (ex : travailleurs journaliers), acteurs étatiques et associations locales.

Ces réseaux socio-économiques peuvent être ciblés pour mettre en place des plateformes de

crédits et financements locaux pérennes sur le moyen et long terme ; incluant à la fois les instances

municipales ainsi que les associations indigènes comme les associations de métiers locales et leur

pertinence territoriale.

Annexes

Carte de référence de la ville de Jérémie (suivre ce lien)

Fiches des Quartiers ciblés par l’enquête AGORA (suive ce lien)

Matrice du plan de réponse humanitaire de Jérémie