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7 – ALBI 1965-2001 PIERRE ET LES M.J.C. En 1965, Pierre devient secrétaire départemental des M.J.C., dont le président est Georges Séverac et le trésorier Guy Mauriès, jusqu’en 1987. Cette même année, Monsieur Dardé décède. Pierre reste dans l’équipe dirigée par Henri Gui- baud au Centre de vacances de Soulac, appelé désormais “Camp Paul Dardé”. Il s’implique for- tement dans la vie de ce camp, organisant avec ses collègues les activités culturelles et sportives. Pierre est apprécié et respecté aussi bien par les jeunes que par les familles. Plusieurs étés, histoire de prendre enfin de véritables vacances, avec leurs amis Guibaud, Prat, et Madame Dardé, Pierre, sa femme et leur petite dernière partent à l’étranger (Maroc, Tunisie, Baléares…). Pierre quitte son poste de secrétaire départemental des M.J.C ainsi que l’encadrement de Soulac en 1987. Pour son départ, il prépare son laïus ; il ne veut pas oublier de citer untel, il veut remercier tel autre, il ne veut pas faire d’impair, et ça dure des heures de préparation… Il agit ainsi pour tous ses rapports, pour tous ses discours. Et quand on le voit arriver près du micro avec toutes ses feuilles remplies de sa petite écriture, on sait que là aussi on va en avoir pour des heures ! Françoise et ses filles ont beau essayer de le corriger, de lui demander de faire plus court, de lui répéter qu’il va encore “raser” tout le monde, il ne veut rien entendre. Même après avoir quitté les M.J.C., Pierre, toujours serviable, continue d’aller à Soulac avec Françoise et Isabelle pour aider aussi bien à la mise en place du centre, début juillet, qu’à son rangement en fin de saison. Ils iront également à Soulac en juillet en tant que vacanciers sous la direction de Georges Séverac. Les 50 ans de La MJC de Sémalens Le 20 juin 1998, sont organisés les 50 ans de la Maison des Jeunes et de la Culture de Sémalens que Pierre a créée en 1948. Pierre et Françoise y retrouvent tous leurs amis et beaucoup d’anciens élèves. Les présidents successifs de la M.J.C. de Sémalens, de gauche à droite : Gérard Rivals, Claude Célariès, Maurice Ricardou, Raymond Magne, Pierre Cormary, Georges Mériot, Albert Becker, Jean-Louis Priou, Denise Gleizes-Andrieu (13) Un DVD a été réalisé pour immortaliser cette journée. 221

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7 – ALBI 1965-2001

PIERRE ET LES M.J.C.

En 1965, Pierre devient secrétaire départemental des M.J.C., dont le président est Georges Séverac et le trésorier Guy Mauriès, jusqu’en 1987.

Cette même année, Monsieur Dardé décède. Pierre reste dans l’équipe dirigée par Henri Gui-baud au Centre de vacances de Soulac, appelé désormais “Camp Paul Dardé”. Il s’implique for-tement dans la vie de ce camp, organisant avec ses collègues les activités culturelles et sportives.

Pierre est apprécié et respecté aussi bien par les jeunes que par les familles. Plusieurs étés, histoire de prendre enfin de véritables vacances, avec leurs amis Guibaud, Prat,

et Madame Dardé, Pierre, sa femme et leur petite dernière partent à l’étranger (Maroc, Tunisie, Baléares…).

Pierre quitte son poste de secrétaire départemental des M.J.C ainsi que l’encadrement de Soulac en 1987. Pour son départ, il prépare son laïus ; il ne veut pas oublier de citer untel, il veut remercier tel autre, il ne veut pas faire d’impair, et ça dure des heures de préparation… Il agit ainsi pour tous ses rapports, pour tous ses discours. Et quand on le voit arriver près du micro avec toutes ses feuilles remplies de sa petite écriture, on sait que là aussi on va en avoir pour des heures ! Françoise et ses filles ont beau essayer de le corriger, de lui demander de faire plus court, de lui répéter qu’il va encore “raser” tout le monde, il ne veut rien entendre.

Même après avoir quitté les M.J.C., Pierre, toujours serviable, continue d’aller à Soulac avec Françoise et Isabelle pour aider aussi bien à la mise en place du centre, début juillet, qu’à son rangement en fin de saison.

Ils iront également à Soulac en juillet en tant que vacanciers sous la direction de Georges Séverac.

Les 50 ans de La MJC de Sémalens

Le 20 juin 1998, sont organisés les 50 ans de la Maison des Jeunes et de la Culture de Sémalens que Pierre a créée en 1948.

Pierre et Françoise y retrouvent tous leurs amis et beaucoup d’anciens élèves.

Les présidents successifs de la M.J.C. de Sémalens, de gauche à droite :Gérard Rivals, Claude Célariès, Maurice Ricardou, Raymond Magne,

Pierre Cormary, Georges Mériot, Albert Becker, Jean-Louis Priou, Denise Gleizes-Andrieu (13)

Un DVD a été réalisé pour immortaliser cette journée.

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PLACE à Pierre CORMARY

PIERRE EN FAMILLE

PIERRE, FRANÇOISE ET LEURS FILLES

Arrivées à Albi, Josette entre en seconde et Nicole en 4e au collège Saint-Antoine (aujour-d’hui Honoré-de-Balzac) tandis qu’Hélène va au CM2 à l’école de Mazicou, comme son père, mais côté filles.

Josette, qui a eu son BEPC juste avant le déménagement, a droit à un Solex. Nicole, deux ans plus tard, a un mini Cady.

En 1966, en plus de Soulac, c’est à Luchon que les Cormary vont camper.Pierre laisse ses filles vaquer à leurs occupations, que ce soit à la maison ou à l’extérieur.Josette a sa chambre, Nicole et Hélène occupent la plus grande. Toutes les trois et Françoise

partagent la salle de bain où c’est parfois la bousculade le matin avant le départ aux cours, tandis que Pierre a un petit cabinet de toilette dans sa chambre.

Adolescentes, si elles veulent sortir le week-end, ou en semaine pendant les vacances, c’est avec l’accord de leurs deux parents et en précisant toujours où elles vont et quand elles rentrent. Elles respectent les horaires annoncés car elles savent que leur mère ne s’endort pas tant qu’elles ne sont pas de retour, et que ça évite “une remontée de bretelles” de la part de leur père.

Tant que les filles sont sous leur toit, ils ne leur donnent pas d’argent de poche. Si elles en ont besoin pour faire des achats scolaires, vestimentaires…, elles le demandent à leur mère à qui elles ramènent les tickets de caisse et la monnaie. Si c’est pour une sortie, ce sont leurs parents qui décident du montant.

S’il est arrivé que Pierre donne des fessées à ses petites filles, peut-être quelques gifles quand elles ont été plus grandes, c’est parce qu’elles avaient dû le pousser à bout, l’énerver, le mériter.

À Albi, il n’a jamais levé la main sur l’une d’entre elles. Dès qu’il y avait un problème, il était plutôt résolu soit par une leçon de morale, soit par une discussion.

Si un élément extérieur, une tierce personne étaient impliqués, Pierre voulait toujours entendre tous les sons de cloche avant de donner son verdict, son avis. Il voulait être le plus équitable possible.

L’aide aux devoirs

Pierre n’aide qu’à la demande.Josette est une bûcheuse. Elle est en littéraire et suit les cours de latin jusqu’en Terminale.Si Françoise a fait des années de latin, pour Pierre c’est une matière inconnue. Pourtant, il s’y

met et, comme pour les autres matières, il sera toujours là pour aider son aînée.Josette passe son baccalauréat, uniquement à l’oral vu les circonstances, en 1968.À Nicole, c’est surtout en maths et en anglais qu’il donne un coup de main. Mais maintenant

qu’elle est sur place pour aller faire du sport, elle se désintéresse un peu de ses devoirs.Hélène est une matheuse et veut en faire son métier. Pierre et elle passent des heures à

résoudre des problèmes, cahiers et livres étalés sur la table de la salle à manger.Ça a “payé” puisqu’elle est devenue professeure de mathématiques.

L’arrivée d’Isabelle

Au printemps 1967, Pierre et Françoise réunissent leurs trois filles pour leur apprendre qu’elles vont avoir un petit frère ou une petite sœur. Heureux événement ? Pour les filles oui, mais pour les parents, façon de parler ! Ce n’était pas prévu… Françoise a quarante et un ans et à cette époque-là les grossesses ne sont pas sécurisées comme aujourd’hui. Et Pierre dira à sa mère : « Je crois que j’ai fait une grosse bêtise ! ».

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Bien qu’habitant à Albi, Françoise se fait suivre, comme d’habitude, par le Docteur Baillaud à Castres.

Pierre et Françoise disent à leurs filles que si c’est un garçon il s’appellera Jean-Louis, mais si c’est une fille, ils les laissent choisir entre Isabelle et Anne-Laure – l’échographie n’existe pas encore. D’un commun accord, c’est le premier prénom qui est choisi.

Pendant l’été, Nicole et Josette partent en centre de vacances pour adolescents avec la F.O.L. du Tarn, tandis qu’Hélène va à Villemur chez Mimi et Pierre Davy.

Pierre et Françoise restent à la maison de Sémalens avec Juliette. Comme le confort y est rudimentaire, Françoise va se doucher régulièrement chez les Blavy.

Le 14 septembre, jour de la rentrée scolaire, l’accouchement est annoncé. Pierre amène Josette, Nicole et Hélène chez les Blavy qui ont l’avantage d’avoir un des rares téléphones à Sémalens, puis repart à la clinique Vaujour à Castres.

C’est tard dans la soirée que Pierre appelle et annonce à Josette qui a l’écouteur collé à l’oreille : « C’est une Isabelle ». Encore une fille ! « Elle a de grands pieds, elle sera grande ». Il s’avère que c’est la plus petite aujourd’hui.

En conséquence, pendant quelques années, à part à Soulac où les grandes dorment dans les tentes des adolescentes, la famille ne va plus camper.

Le mariage de Josette

À la fin de l’année suivante, Pierre est très mécon-tent d’apprendre que Josette se marie alors qu’elle vient juste d’avoir son bac et ses dix-huit ans.

Heureusement, le départ de l’aînée et de son mari à Toulouse pour leurs études est compensé par la présence du bébé d’à peine un an et, avec le temps, par les bons résultats universitaires de Jean et Jo qui deviendront chirurgien et sage-femme.

Du coup, Hélène récupère la chambre de Josette. Nicole dispose de plus d’espace et Isabelle dort dans la chambre de ses parents. Jean et Pierre dans le jardin des Cormary

Jean est le fils de Raymond et Éliette Marty, instituteurs.

Autres faits

En 1969, Pierre est le correspondant albigeois de Denis Ricardou, Sémalensois venu faire des études supérieures au Lycée Rascol. Ce qui permet aux Cormary, lors des visites qu’il leur fait, d’avoir des nouvelles du village.

Vers 1969-1970, la famille part à Pâques avec la famille Rey, dont le père est un collègue de Pierre, en appartement à Salou, en Espagne.

Elle y retourne, seule, l’année suivante.

La caravane

En 1971, Pierre se sépare de la 404 pour acheter une ID avec laquelle il tire une caravane l’année suivante. Indépendamment de sa volonté – ce qui le fait tout de même sourire –, les lettres d’immatriculation de la voiture sont “LE” et celles de la caravane, avec le toit rouge vermillon, “KK”.

Ainsi équipés, en plus de Soulac, Pierre et Françoise partent à plusieurs reprises à Saillagouse

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PLACE à Pierre CORMARY

(Pyrénées-Orientales) avec Hélène et Isabelle.Isabelle : « Un jour, toute petite, je me perds dans le camping. Un monsieur me trouve en

larmes. Il me demande mon nom et comment est ma tente. “C’est une caravane avec un toit rouge”. Il n’y en avait que deux ainsi, ce qui nous a permis de retrouver rapidement Papa et Maman. »

B.A.

« Un peu plus grande, je me souviens que Papa, avec l’ID, s’était arrêté pour prendre un auto-stoppeur. Il était assis à côté de moi à l’arrière et je n’étais pas très rassurée. Il avait l’air d’un pauvre bougre et je pense que c’est ce qui l’avait fait s’arrêter. Mais qu’il prenne un auto-stoppeur m’avait surprise. »

Le deuxième accident de Nicole

Toujours en 1971, un des premiers jours de ses études à Toulouse, Nicole (dix-huit ans, et donc mineure pour encore trois ans) a un accident de voiture. Une fois sa fille sortie de l’hôpital, Pierre lui achète une autre voiture identique, comme il l’avait fait pour la bicyclette.

Des années plus tard, il reparlera de ces deux accidents avec elle et reconnaîtra qu’il a mal géré les deux dossiers d’assurance. Sous la pression de ses collègues travaillant à l’assurance des enseignants, pour le premier il avait signé le rapport disant que sa fille avait tous les torts alors que la rue très étroite faisait que le camion roulait à gauche, et, pour le second il avait signé la clôture du dossier contre une somme lui permettant de racheter une 4L, alors que les blessures de Nicole nécessitent des soins à vie.

Pierre avait horreur de tout ce qui pouvait créer des problèmes, administratifs, judiciaires ou autres. Il les résolvait en choisissant la solution la plus rapide mais pas forcément la plus efficace ou la plus juste.

PIERRE ET FRANÇOISE

Pierre laisse Françoise gérer entièrement les finances. Elle s’occupe des achats pour la maison et pour les filles. Dès que cela sort du quotidien, c’est à deux qu’ils décident, et avec leurs filles si elles sont concernées.

Il est toujours aussi méticuleux dans son travail et Françoise continue de vérifier les cahiers et les moyennes des élèves.

Quand il écrit des rapports pour les M.J.C., les Anciens Combattants ou autres, il demande toujours à sa femme de les relire.

Par contre, s’il ne cuisine pas du tout, il aide toujours Françoise pour la découpe des rôtis, des poulets tout en râlant après son bras gauche.

Quand il disposera de plus de temps, à la retraite, il mettra et retirera les couverts, les rangera, pliera les serviettes, protégera le pain… Il s’impliquera davantage.

Françoise peut aussi compter sur lui et ses conseils quand elle doit coudre quelque chose sortant de l’ordinaire. Il l’aide à faire des patrons, à prendre des mesures pour des vêtements, pour couvrir des banquettes, des coussins…

Mais, avec l’âge, il devient un peu sourd. Quand il regarde la télévision, le son est tellement fort que, pour ne pas déranger Françoise

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qui ne la regarde pas souvent, il met des écouteurs, surtout le soir, car c’est une couche-tôt. Quand il est en train de préparer des cours de maths et d’anglais pour ses petits-enfants, quand

il est plongé dans la lecture ou toute autre activité, il s’y implique tant, qu’avec la surdité en plus, il n’entend plus Françoise lui parler. Elle se heurte à un mur de mutisme qui lui fait dire : « Tu me prépares au veuvage ou quoi ? »

Les filles ont rarement vu leurs parents se disputer ou élever la voix. Parfois Pierre râle, est impatient ou a des mouvements d’humeur vis-à-vis de sa femme, mais elle ne répond jamais et attend que ça passe. Elle sait très bien qu’il vaut mieux ne pas lui répondre afin qu’il se calme rapidement et que de toute façon ça va s’arranger “sur l’oreiller”.

LE PAPI

Son premier petit-fils, Pierre, fils de Josette et Jean Marty, naît en mars 1976. Enfin un garçon et avec son prénom ! Le papi est ravi !

En avril 1979, Josette et Jean ont un second fils François-Laurent, couramment appelé François. Tiens donc, là ça rappelle le prénom de Mamie et le deuxième prénom de Josette !

François-Laurent : « J’ai du mal à savoir quel est mon premier souvenir de lui tant et tôt il a été présent pour m’emmener en vacances : Soulac, La Redoute, Portiragnes-Plage, le Pas de la Case, Piau Engaly… et Albi bien sûr. Natation, vélo, volley, pétanque, croquet, ski, pêche, morpions, dames, échecs, belote, rami, rummy, Trivial Pursuit, bricolage, dessin, lecture, calcul mental, jeux de mots, mots croisés, devinettes, casse-tête et autres Mastermind… Papi était multitâche et multisports… C’était “Super Papi”.

Je pense tout de même que ses délires façon Louis de Funès, avec sa serviette de table, pour m’inciter à terminer mon assiette, correspondent à mes premiers souvenirs de lui. »

Pierre : « François et moi avons passé beaucoup de bons moments avec Papy et Mamie, mais c’est à table que je garde les meilleurs souvenirs de mon grand-père. Je me souviens de sa façon si particulière de tenir ses couverts. En effet, ses blessures de guerre l’obligeaient à tenir sa fourchette à pleine main. Et puis, c’est durant les repas qu’il aimait faire le pitre ! Qui d’entre nous ne se souvient pas de Papy, en train de se tirer le nez comme Louis de Funès ou d’imiter Henri Krasucki. Comme tout bon comédien, il n’avait besoin que de peu d’accessoires et la serviette de table lui suffisait amplement. Elle pouvait devenir couvre-chef finissant sur sa tête les coins noués. Parfois elle se transformait en marionnette et prenait vie nouée au bout de son doigt. Elle pouvait aussi reposer sur ses bras comme un bébé ou un petit chien. Il nous demandait de la caresser et dès qu’on approchait la main elle s’échappait en sautant ! Demandez à François ou à l’une de ses filles s’ils ne se souviennent pas de “l’exécution de la serviette” ? Il la froissait dans sa main, puis il en attrapait un des coins et le tirait de manière à ce qu’il tienne dressé. De son autre main, il simulait un pistolet et mettait en joue le bout de tissu. Au “POOUUUM”, la serviette s’écroulait. Combien de fois lui ai-je demandé de refaire ce “tour de magie”. Je restais fasciné devant ces gestes occultant complètement la voix qui derrière moi disait : « Pierrot, laisse-les manger !!! ». Il m’a fallu du temps pour comprendre le truc qui rendait cette exécution possible, presque autant que pour me rendre compte que l’un de mes plats préférés, que mon grand-père appelait les “pattes de mouches” n’était en fait que des “carottes vichy”, légume que je n’aimais soi-disant pas ! »

Papy Pierre savait faire beaucoup de choses avec une serviette pour divertir ses petits enfants. Entre autres, il en faisait une “souris” qu’il posait sur son bras comme si c’était un bébé et la faisait caresser et, discrètement, d’une pichenette il la faisait sauter à quelques mètres. Ce qui provoquait toujours des éclats de rire.

Quand un papier entourait encore l’orange achetée, il transformait ses quatre coins en forme de pattes, le posait sur l’orange qu’il faisait rouler, ce qui ressemblait à une rapide tortue.

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PLACE à Pierre CORMARY

Pour les enfants plus grands, il faisait faire aussi des jeux de coordination. Par exemple, avec ce qui est appelé aujourd’hui la “danse du poulpe”, qui consiste à poser les mains sur les genoux, ensuite à croiser les mains en ramenant les genoux vers l’intérieur (main gauche sur le genou droit qui vient se coller au genou gauche), puis à écarter les genoux en décroisant les mains.

Il décomposait bien les mouvements et quand l’enfant maîtrisait les gestes il le faisait accélérer.

Autre exemple, se taper sur le haut du crâne tout en se caressant le ventre d’un geste circulaire avec l’autre main.

Pierre avait maints petits trucs de ce genre pour amuser les petits. Quand Pierre prend sa retraite en 1981, il est encore plus disponible pour ses deux petits-fils. Il les occupe toujours. À la maison, il ressort les jouets d’Isabelle, la voiture à pédales, les

quilles, le croquet, le vélo, la trottinette…En 1985, Isabelle et Joël, qui se fréquentent depuis quelques semaines, se préparent à passer

le baccalauréat.Deux semaines avant l’examen, Isa demande à ses parents l’autorisation de prendre la pilule.

Elle n’y est pas obligée mais elle préfère leur en parler franchement. Pierre et Françoise ne peuvent empêcher leur fille, même mineure, d’utiliser ce moyen de contraception et donnent leur accord. Ils préfèrent cette solution que de la laisser prendre des risques. Mais pour Pierre… cette pilule est dure à avaler !

Nicole : « Quand je suis passée voir mes parents, j’ai trouvé mon père bougon. Quand je lui ai demandé ce qui se passait, il m’a répondu : “Ta sœur passe le bac dans quinze jours et elle a demandé à prendre la pilule ! Ils ne pouvaient pas attendre quelques jours ?”. »

Les bons résultats des amoureux l’ont vite calmé.Et Pierre est satisfait de trouver un futur gendre bricoleur comme lui.Hélène et Louis Marmin, qui enseignent à Villeneuve d’Ascq (Nord), descendent à Albi pour

la naissance de Mélanie en août 1985, la première petite-fille de Pierre, mise au monde par “Tonton Jean”.

Deux ans plus tard, en avril 1987, Julien naît à Lille. Pierre et Françoise montent dans le Nord plusieurs fois pour voir leurs petits-enfants. Ils en

profitent pour découvrir la région.

En février 1992, Jeanne, petite dernière d’Hélène et Louis, naît à Lille.

Ce qui a fait dire à Jeanne Cormary-Bousquet : « Eh bé ! moi qui n’ai jamais aimé mon prénom ! » Ce à quoi Hélène a répondu : « Mais il est très beau ton prénom tatie, la preuve ! »

L’année suivante, les parents nommés dans le Tarn, toute la famille vient habiter à Albi, à quelques dizaines de mètres de chez Papi et Mamie.

Françoise, Julien, Mélanie et Pierreà Villeneuve d’Ascq

En décembre 1995, c’est au tour d’Isabelle et Joël Bonneviale d’avoir un petit Olivier, né à Albi avec aussi l’aide de “Tonton Jean”, bien qu’habitant dans la région toulousaine pour des raisons professionnelles. Il est le dernier petit-fils de Pierre.

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Souvenirs

Hélène : « J’avais confié Mélanie à Papa, le temps de vaquer à diverses occupations avec mes deux derniers. Quand je suis venue la chercher, elle était dans la salle de bain à tenter de mettre du rouge sur ses ongles. Il y en avait partout ! Sur les meubles, sur les murs, et sur elle n’en parlons pas ! Et lui, absorbé par ce qu’il faisait, l’avait oubliée. »

Mélanie : « Une petite anecdote qui autrefois m’avait “traumatisée” et qui aujourd’hui fait partie de mes plus beaux souvenirs d’enfance…

Cela ne faisait pas longtemps que nous avions déménagé de Lille pour Albi et que nous habitions près de chez Papi et Mamie. Papa, Maman, Jeanne, Julien et moi étions chez eux. Je crois même qu’il y avait Joël, Isa et Nicole.

Pendant que tout le monde discutait, Papi nous a dit, à Julien et à moi :“Allez voir dans le garage, il y a le grand méchant loup !― Pfff, n’importe quoi, Papi. Il ne peut pas être dans ton garage !― Si, si, je vous assure ! Descendez et vous verrez !”Julien et moi sommes donc descendus pour vérifier que Papi nous mentait bien. Nous

n’étions, toutefois, pas vraiment rassurés… et lorsque mon frère a ouvert la porte du garage, nous avons aperçu deux yeux jaunes dans le noir ! Nous sommes remontés comme des lapins (l’expression “partir comme des lapins”, je la tiens de Papi), chacun pour soi et terrifiés !

Papi a bien ri, ainsi que Joël et Isa. En revanche, Maman l’a grondé et nous a expliqué qu’il s’agissait de deux ampoules que Papi avait allumées pour simuler le loup dans le noir.

Par la suite, nous avons fait des cauchemars et avons eu peur du noir. Mais aujourd’hui, c’est le souvenir du Papi farceur et attentionné qui me reste.

Julien : « Une qualité de Papi, c’était bien sûr le bricolage. Et pour mon anniversaire, (je ne sais plus pour quel âge), j’avais eu un assez gros bateau en pièces détachées à monter. Chaque mercredi, j’allais chez Papi et Mamie pour travailler dessus. Mais en fait, Papi me montrait ce qu’il avait fait pendant mon absence et ensuite, je le regardais continuer devant moi ! Tout ce que je faisais, c’était lui passer la colle et l’écouter parler. J’avais envie de le faire moi-même mais, d’une part, j’étais trop jeune pour la précision et la patience que ça demandait et, d’autre part, je pense que c’était Papi le plus content de monter ce bateau ! » Le bateau de Julien monté par son Papi

« Le mercredi après-midi, j’allais en ville avec Papi. Nous nous rendions au local des “An-ciens Combattants” (en face de la médiathèque). J’écoutais parler Papi et Monsieur Cabrol [qui a pris la présidence des A.C. après Pierre]. Je me souviens juste que c’étaient des discussions de grands et que c’était impressionnant. Ensuite, Papi m’accompagnait à mon cours de musique. »

Nicole : « Papa râlait parce que Mélanie faisait du piano et Julien de la flûte traversière alors que lui était prêt à leur donner des leçons de clarinette. C’est au moment où Jeanne choisit de jouer de cet instrument qu’il nous a quittés. »

Julien : « Au retour, on avait nos petites habitudes avec Papi. On faisait souvent de l’anglais (plus pour passer du temps ensemble que pour travailler cette langue !). Là aussi, il s’inves-tissait beaucoup. Il préparait des exercices supplémentaires, surveillait ce que je faisais, ... Quand j’en avais assez, on finissait par faire des réussites. C’était bien mieux ! »

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PLACE à Pierre CORMARY

François-Laurent : « Le Canard enchaîné, la énième enquête du commissaire Maigret, les romans en anglais, le rugby à la télé et son établi sous les escaliers, voilà autant de madeleines façon Papi, qui me ramènent à lui. Cela dit, je pense ne jamais l’avoir vu cuisiner. »

Le décès de Juliette

Juliette est à la maison de retraite de l’hôpital d’Albi depuis quelques années. Pierre ou Françoise, ou les deux, vont la voir régulièrement.

Un après-midi du mois de mai 1986, Françoise prend le bus pour aller lui rendre visite. Arrivée à la maison de retraite, elle comprend qu’il vient de se passer quelque chose quand elle voit le personnel venir vers elle. « Bonjour Madame, nous essayions justement de vous joindre, Madame Cormary vient de mourir ».

Le téléphone portable n’existait pas encore et Juliette s’est éteinte pendant que Françoise était dans le bus. Elle avait quatre-vingt-douze ans.

Finis les repas de Juliette où elle retrouvait ses enfants, Jeanne, Pierre et Étienne, et tous ses petits-enfants, rue de Labastide à Sémalens.

Pierre n’apprend la nouvelle que le soir, en rentrant de Rodez où Isabelle finit son année d’études supérieures. Il est complètement attristé.

Portiragnes-Plage

La même année, Pierre et Françoise achètent une maison à Portiragnes-Plage (Hérault), tout près de la plage.

Après toutes les années passées à Soulac, ils reviennent vers davantage de soleil et surtout une mer plus calme où Pierre peut se baigner plus souvent et où Françoise, qui ne sait toujours pas nager, passe des heures à faire la “planche”. Et bien sûr, ils sont ravis d’y accueillir leurs petits-enfants avec ou sans leurs parents.

François-Laurent, Françoise, Pierre, Hélène,Louis, Jean, Pierre, Mélanie.

Julien : « À Portiragnes, on avait nos habitudes. Au petit déjeuner, Papi nous faisait les meilleures tartines du monde : des grands morceaux

de baguette avec du beurre et de la confiture...

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7 – ALBI 1965-2001

L’après-midi, on regardait le Tour de France. Plus l’étape avançait, plus les coureurs pédalaient vite et plus Papi ronflait fort !

On faisait aussi les jeux du journal.C’est Papi qui m’a appris à nager et à parler correctement quand, petit, j’avais des

problèmes d’orthophonie. » « Un défaut, c’était son côté têtu. Il tuait des guêpes avec sa fourchette. Avec Mélanie, on

n’aimait pas ça et on lui disait de ne pas le faire. Mais il le faisait quand même ! Un autre défaut (qui n’en est pas forcément un), c’est quand il faisait la sieste avec Mamie en

début d’après-midi alors que je voulais vite repartir à la plage ! »Nicole : « Papa redoutait surtout que les guêpes piquent quelqu’un. Elles venaient aux heures

des repas, attirées par la confiture, le melon ou autres aliments sucrés. Je l’ai vu en couper en deux avec un couteau alors qu’elles étaient en vol. J’admirais son habileté, moi qui suis incapable d’attraper une mouche ! »

François-Laurent : « Avec Papi, il fallait respecter les règles, et surtout à la pétanque : ne pas mordre la ligne de lancer !

“Et si tu vises là, tu fais le point… Il est là, le point”, désignait-il, du talon de sa patte folle, le point de chute espéré pour que la boule aille finir sa course à proximité du cochonnet.

Entre nous, je crois que la seule fois où il s’est fait prendre par la gendarmerie pour excès de vitesse, c’est dans la Montagne Noire un jour où nous allions à Portiragnes. Pfff, ça c’était du vrai Papi… »

Nicole : « Il s’est fait aussi arrêter pour excès de vitesse sur le pont de Saint-Sulpice qui est entre deux virages. Il me semble que la vitesse était limitée à 30km/h et qu’il l’a dépassée de peu, mais il a dû payer une amende. Et, bien sûr, chaque fois qu’il y repassait (l’autoroute n’existait pas encore), il roulait doucement, ce qui provoquait immanquablement des gestes d’énervement, des coups de klaxon, et parfois des paroles peu sympathiques pour un papi au volant, des conducteurs qui le suivaient. Ça avait le don de le “foutre” en rogne ! »

Portiragnes, été 1988 : Papi, Mélanie, Pierre, et François qui porte Julien.

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PLACE à Pierre CORMARY

Noël 2002 – les petits-enfants de Pierre : Olivier, Jeanne, Pierre, Mélanie, François-Laurent, Julien

À la retraite, en plus des séjours à Portiragnes, de leur aide à Soulac, malgré leurs occupa-tions auprès de leurs petits-enfants, des activités de Pierre aux Anciens Combattants, Pierre et Françoise prennent le temps de voyager : Hollande, Italie, Grèce, les châteaux de la Loire…

Les noces d’or

Le 5 octobre 1997, Pierre et Françoise réu-nissent la proche famille pour fêter leurs cinquante ans de mariage. Afin d’éviter à Pierre et Mimi Davy – sœur aînée de Françoise –, de Villemur, d’avoir trop de route à faire, car ils sont très âgés, le repas se fait à Monclar-de-Quercy. Jeanne Bousquet-Cormary, Hélène, Pierre,

Nicole, Françoise, Josette, Isabelle, Pierre Davy.

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7 – ALBI 1965-2001

Le menu des Noces d’or de Pierre et Françoise, avec leurs filles bien plus jeunes que sur la photographie précédente.

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PLACE à Pierre CORMARY

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Rang du haut : Albert Bousquet, Jeanne Bousquet-Cormary, Bernard Bonneviale,Étienne Cormary, Madeleine Bonneviale, Jeannine Cormary, Monique Bosc-Bousquet,

Josette, Olivier et Joël Bonneviale, Louis Marmin, Jean-Pierre Bosc, Hélène Marmin-Cormary,Michèle et Jean-Claude Davy, Isabelle Bonneviale-Cormary

Rang du bas : Julien Marmin, Nicole et Jeanne Marmin, Mélanie Marmin, Pierre et FrançoisePierre Davy, Marie-Jeanne Davy, Lucienne Marmin.

LE DÉCÈS DE PIERRE

En ce début de mois de mai 2001, Pierre n’est pas en forme, il se sent très fatigué. Son médecin généraliste lui conseille de voir rapidement un cardiologue à la Clinique Claude-Bernard, à Albi.

Juste avant de se rendre à son rendez-vous, Pierre fait de l’anglais avec sa petite-fille. Au moment où elle est sur le pas de la porte, il lui répète la dernière phrase qu’ils viennent de lire ensemble : « I have a heart of lion » (j’ai un cœur de lion). Cela reste à jamais gravé dans la mémoire de Mélanie vu les événements qui vont suivre.

Il part donc à la clinique avec Françoise dans sa R19 automatique.Le cardiologue, le trouvant en piteux état :« Monsieur, combien de paquets de cigarettes fumez-vous par jour ? ― Je n’ai jamais fumé. ― Je vous garde. »Après quelques jours passés en clinique pour faire tous les examens nécessaires, Pierre doit

aller à l’hôpital de Rangueil, à Toulouse, pour subir un triple pontage.Avant qu’il parte, ses filles vont, bien sûr, le voir, mais séparément.Quand Hélène le quitte, elle lui souhaite :« Bon courage Papa. »À quoi il répond :« C’est à vous qu’il va en falloir. »

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7 – ALBI 1965-2001

Avait-il un pressentiment ?Pierre et Françoise partent en taxi-ambulance pour Toulouse. Elle remarque qu’il est stressé

par la vitesse à laquelle il roule (jusqu’à 180km/h). Pendant ce temps, Joël Bonneviale, le mari d’Isabelle, récupère la voiture sur le parking de la clinique.

Une fois celui-ci installé, Françoise est obligée de quitter son mari qui doit être opéré le lendemain matin, et va dormir chez Isabelle qui habite à Gauré, près de Toulouse.

Après son départ, Pierre et François-Laurent vont voir leur grand-père. François-Laurent : « Mon dernier souvenir de Papi me fait toujours venir les larmes aux

yeux : mon tout petit Papi était au fond de son lit d’hôpital, comme perdu dans ce grand centre hospitalier de Toulouse que je ne connais que trop bien. [François-Laurent y a fait ses études de médecine]. Affaibli, le regard hagard et le teint pâle, il avait peur. Peur de ce qui pouvait se passer. Peur de nous quitter.

Or, il avait vécu tellement de choses et, selon moi, déjà très bien rempli son rôle, envers autrui et toute sa famille. Il se devait d’être serein.

Les mots de Pierre, mon frère, son homonyme familial, digne héritier de l’enseignement du burlesque et de la “déconne”, qui m’accompagnait à cet instant-là, ont su, en un éclair, raviver la joie et la bonne humeur pour lui redonner des couleurs et des yeux rieurs.

C’est donc l’image d’un Papi tout sourire que je garde enfin en moi. »Le lendemain matin, 9 mai 2001, quand Françoise et Isabelle prennent des nouvelles de

l’opéré par téléphone, le chirurgien répond : « Tout s’est bien passé, mais il a fait un petit AVC pendant l’intervention. »

Nicole passe prendre sa mère à Gauré et elles vont voir Pierre dès qu’il sort de la salle de réveil. Sa fille lui fait la bise, et quand sa femme l’embrasse, il lui répond par un bref sourire.

Quelque chose cloche : il ne parle pas et sa jambe amputée n’arrête pas de bouger dans le lit.Françoise interpelle une infirmière.« Qu’est-ce qu’il lui arrive ?― Oh ! Madame, votre mari ne vous répondra pas.― Mais il vient de me sourire.― Ce n’est pas possible, Madame.― Nicole, tu l’as vu toi aussi ? »― Oui, Maman, je l’ai vu. J’en suis certaine.L’infirmière repart sans rien ajouter.Ce soir du 14 mai 2001, après sa journée passée auprès de Pierre, Françoise retourne chez

Isabelle, comme elle l’a fait les jours précédents. Avant de se coucher, elle prend un somnifère car elle est très éprouvée. Quelques instants plus tard, Isa reçoit un coup de fil lui signifiant que Pierre s’est éteint. Elle téléphone à ses trois sœurs pour leur annoncer la mauvaise nouvelle mais ne réveille pas sa mère. « Je laisse Maman dormir, il vaut mieux qu’elle récupère. De toute façon, elle ne pourra rien faire de plus. »

Quelques instants plus tard, Jean-Claude Davy, le neveu de Pierre et Françoise appelle Nicole pour lui dire :

« Je suis passé voir Pierre tout à l’heure, il n’a pas l’air bien. ― Il vient de mourir, tu es le dernier à l’avoir vu en vie », lui répond-elle.Il en reste bouche bée. Jean-Claude, enseignant et ancien combattant d’Algérie était très

proche de son oncle.Le lendemain matin, Françoise, ses filles et Joël arrivent ensemble à l’hôpital. À peine sorties

de l’ascenseur, une infirmière leur demande s’ils sont d’accord pour que des prélèvements d’organes soient effectués. Isabelle, ahurie par cette question, sursaute et répond aussitôt : « Ah ! non ! Il lui en manque déjà bien assez ! ». La personne n’insiste pas et repart dans un profond silence.

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PLACE à Pierre CORMARY

Le corps de Pierre est amené au crématorium d’Albi. Il y repose plus longtemps que prévu car le crématorium de l’Aveyron étant en panne, celui d’Albi assume les deux départements.

Cela laisse le temps à ses nombreux amis et connaissances de venir signer le registre des condoléances.

Françoise, ses filles, ses gendres et les enfants d’Hélène viennent rendre un dernier hommage à Pierre. Seul son buste est visible et Pierre, toujours égal à lui-même, sourit.

Avant de refermer totalement le cercueil, Julien joue La Moldau de Smetana à la flute traversière.

Pierre est incinéré le lendemain, le 18 mai.

Les drapeaux en berne. Le cercueil surmonté du coussinet des médailles.

Les amis sont nombreux à venir rendre un dernier hommage à Pierre, ce qui fera dire au personnel du Crématorium d’Albi : « Nous n’avons jamais vu autant de monde jusqu’à présent. »

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7 – ALBI 1965-2001

Quelques articles de journaux et quelques lettres de condoléances parmi les nombreuses reçues par Françoise et ses filles :

La Dépêche du Midi – Tarn – 26 mai 2001.

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PLACE à Pierre CORMARY

La Dépêche du Midi – Tarn – , 28 mai 2001, et Le Tarn Libre, 25 mai 2001.

La Dépêche du Midi.

Journal de l’Union

Fédérale n°95.

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PLACE à Pierre CORMARY

Sous le regard songeur du jeune soldat…le déroulement de la vie d’une personnalité aux nombreuses facettes.

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7 – ALBI 1965-2001

La rue “Pierre Cormary”

Suite au courrier du Président Jean Cabrol – ci-dessous –, une rue porte le nom “Pierre Cormary”. Elle est située dans le nouveau quartier des Fontanelles composé de rues portant les noms de grands Résistants. Pierre en aurait certainement été honoré, mais pour respecter sa modestie, Françoise et ses filles n’ont pas souhaité de cérémonie d’inauguration.

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PLACE à Pierre CORMARY

QUELQUES MOTS…

Son frère Étienne : « Pierre avait un caractère volontaire et résolu, parfois autoritaire, ce qui le poussait à mener jusqu’au bout les idées qu’il avait en tête. Cette obstination, plus particulièrement au cours de son enfance et de son adolescence, se traduisait, parfois, par des réactions conflictuelles au sein de la famille.

Malgré cela, c’était un bosseur, doté d’une grande intelligence, dont les résultats se sont traduits par des succès scolaires et universitaires.

Pierre, en meneur d’hommes, a prouvé, lors des hostilités, ses qualités de vaillance, de cou-rage, qui ont parfois mis les supérieurs devant leurs responsabilités. C’est en accomplissant un acte de bravoure qu’il a sauté sur une mine. Il était estimé de tous les camarades et respecté de tous.

Son courage lui a valu les plus hautes distinctions militaires, amplement méritées.Vous pouvez éprouver une grande fierté à l’égard de votre Père. »

Pierre : « C’est la gorge nouée que j’écris ces quelques phrases à propos de mon grand-père maternel. En plus de sa calvitie, de la forme de son crâne, de quelques traits de caractère, j’ai aussi hérité de son prénom et j’en suis fier car il a été quelqu’un d’important pour moi. Je ne pourrai pas beaucoup m’étendre car l’émotion m’envahit très rapidement dès que je pense à lui, à celui qui m’a appris à nager ou qui m’a fait découvrir ma passion, la pêche.

Étant le plus vieux de ses petits-fils, il est fort probable que je sois celui qui s’en souvient le mieux (avec mon frère François). Il faut aussi dire que nous avons passé beaucoup de temps avec nos grands-parents puisqu’ils nous ont pris en vacances plusieurs étés (jusqu’à ce que je sois, selon certains dires, trop insupportable…)

Les moments de joie, je m’en souviens très bien, tout comme de son rire. Il était discret, tout en retenue, comme s’il essayait de le dissimuler mais la lueur de son œil disait tout le reste.

Ce rire, je le vois encore, même la veille de son “grand départ”.Il était couché sur son lit d’hôpital, le dossier redressé. Plusieurs membres de la famille

étaient présents à son chevet. Il régnait dans l’air une tension indescriptible, comme si tout le monde se doutait que les choses allaient mal tourner. À mon arrivée, les regards qui m’étaient jetés étaient chargés d’anxiété. J’ai tout de suite ressenti que cette ambiance ne faisait qu’accentuer le stress lié à l’opération. Je le revois sur son lit blanc, le torse nu et rebondi, rasé de près pour l’opération. Quand je le vis, ce ventre glabre qui brillait comme son crâne, lui qui avait une pilosité abondante, je n’ai pu m’empêcher de lui dire : « Mais tu ressembles à Bouddha avec ta petite bedaine luisante ! ». À ce moment-là j’ai vu son visage s’ouvrir et il se mit à rire, le libérant d’une partie de cette pression qui l’étouffait, juste avant que l’infirmière vienne le chercher. C’est la dernière fois que j’ai vu mon grand-père. C’est cette image que je garde de lui. »

François-Laurent : « Si on me dit “Papi”, je pense bien sûr à mon grand-père maternel. Celui qui avait la tête dégarnie. Celui qui était rire et sourire. C’est celui, aux oreilles usées, qui gardait les yeux pleins de vie.

Peu le savent, mais son vrai nom était “Papipierre”. Mais, trop timide, il souhaitait qu’on l’appelle “Papi”.

Je lui ai découvert tardivement un autre nom : “Monsieur CORMARY”. Celui-là ne devait pas lui plaire, car il ne m’a jamais demandé de l’appeler ainsi. »

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7 – ALBI 1965-2001

« Ce qui me frappe à présent c’est combien, l’air de rien, il a transmis à ses filles et encore plus à ses petits-enfants le plaisir de jouer, de faire du sport, l’amour de la famille, le respect d’autrui, le respect des règles et le sens des priorités et des valeurs. »

« Si j’ai la chance, à mon tour, de devenir grand-père, alors j’aimerais être Papi. »

Mélanie : « Il m’est difficile de figer les moments partagés avec Papi sur du papier. Il m’est également encore impossible de penser à lui sans avoir les larmes aux yeux. Quand il est parti, je n’y croyais pas et encore aujourd’hui, je refuse d’admettre qu’il ne reviendra jamais.

Je suis fière d’être la petite-fille de MONSIEUR CORMARY, la petite-fille de Pierrot, tout simplement la petite-fille de Papi. Je n’arrive toujours pas à parler de lui sans éprouver ce sentiment de douleur, voire de colère, vis-à-vis de la vie qui m’a pris mon Papi :

- Papi : mon prof particulier d’anglais.- Papi : mon taxi pour les cours de musique et de natation.- Papi : mon Louis de Funès à moi.- Papi : mon héros de l’Histoire.- Papi : mon bricoleur admiré.- Papi : ma tête de mule adorée.- Papi : mon joueur le plus malin.- Papi : mon “instit” préféré. [Mélanie est aujourd’hui professeure des écoles].Aujourd’hui, il me reste le souvenir d’un Papi que j’ai aimé, que j’aime, et que j’aimerai

toujours aussi fort.

Julien : « J’ai hérité de plusieurs choses de Papi (et à travers Maman aussi) : mon goût pro-noncé pour les sciences (surtout les maths), je le tiens de Maman qui le tient de Papi ; mon côté joueur, je le tiens de Maman qui le tient de Papi ; mon côté cruciverbiste, je le tiens aussi de Maman qui le tient de Papi ; mon côté “têtu”, je le tiens directement de Papi, ma morphologie aussi ! »

Jeanne : « J’ai le souvenir d’un Papi très souriant, gentil, drôle et bricoleur. Peut-être étais-je trop jeune pour tout voir, mais je n’ai aucun souvenir de Papi en colère ou triste. »

Françoise : « C’était la vie de château. »

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PLACE à Pierre CORMARY

DÉCORATIONS – CITATIONS

18/11/1945 - Médaille Militaire.04/12/1945 - Citation au Journal Officiel.

Croix du Combattant.1983 - Croix du Combattant volontaire 39/45.

Croix de Guerre.19/10/1950 - Chevalier de la Légion d’Honneur.

DÉCORATIONS – DISTINCTIONS CIVILES

1979 - Chevalier des Palmes Académiques.1958 - Médaille d’Honneur de la Jeunesse et des Sports.1971 - Médaille de Bronze de la Jeunesse et des Sports.1978 - Médaille d’Argent de la Jeunesse et des Sports.

1989 - Médaille d’Or de la Jeunesse et des Sports.1975 - Médaille de Bronze de l’Éducation Nationale.

1980 - Médaille d’Argent de l’Enseignement Primaire Public.1998 - Médaille de Bronze de l’Office National des Anciens Combattants.

DÉCORATIONS ASSOCIATIVES

Fédération des Amputés de Guerre de France1983 - Médaille d’Honneur

Union Fédérale des Associations d’Anciens Combattants1973 - Médaille de Bronze

1985 - Médaille d’Argent1993 - Médaille de Vermeil

1998 - Médaille d’Or

Étoile civique1998 - Médaille d’Or

Union Mutualiste Tarnaise1998 - Médaille d’Honneur

France Mutualiste1998 - Médaille d’Honneur de la Mutualité Combattante

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