![Philosophie du droit et théorie du droit, ou l’illusion … · 202 ÉTUDES [p. 17-32] J.-P. Chazal Arch. phil. droit . 45 (2001) Aujourd’hui, la réflexion sur le droit ne peut](https://static.fdocuments.fr/doc/165x107/5b98867009d3f2dc628c986a/philosophie-du-droit-et-theorie-du-droit-ou-lillusion-202-etudes-p-17-32.jpg)
Philosophie Du Droit Par E. Lerminier
355
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PHILOSOPHIE
DU
DROIT.
-
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OUVRAGES DU
MEME
AUTEUR
:
DE
POSSESSIONS
ANALYTICA
SAVIGNIANE
DOCTRIN
EXPOSITIO.
In-8.
INTRODUCTION
GENERALE
A
LHISTOIRE
DU
DROIT Un
fort
vol.
io-8. Seconde
dition,
LETTRES PHILOSOPHIQUES
adresses
un
Berlinois.
I v. in-8.
DE
LINFLUENCE DE
LA
PHILOSOPHIE du
XVIII
e
sicle
sur
la
lgislation et
la
sociabilit
du
XIX
e
. t
fort.
vol. in-8.
AU-DELA DU
RHIN.
2
vol.
in-8.
Sous presse,
pour paratre
le
15
janvier
1836
:
TUDES
D'HISTOIRE
ET
DE PHILOSOPHIE. 2
vol. in-8.
Pari*,
imprimerie de
Deourchaat,
rue
dErfurih, n*
I.
-
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PHILOSOPHIE
DU
DROIT
PAR
E. LERMINIER,
PROFESSEUR
DE
LHISTOIRE
GNRALE
DES
LGISLATIONS
COMPAREES
AU COLLGE
DE FRANCE.
Le
droit, cest
la
vie.
Lit.
t,
cbp.
i*
r
.
Seconde
dition.
I.
PARIS
,
CHARPENTIER,
LIRRAIRE-D1TEUR
,
RUE
DE
SEINE,
31.
JOUBERT,
RUE
DES GRS,
14,
Au
coin de
celle
de Clunj,
pria
de
l'cole
de
droit.
1835
-
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PRFACE
DE
LA
SECONDE
DITION.
Dans
louvrage
que
nous rimprimons
au-
jourdhui,
il
y
a
deux
choses
fort
distinctes :
la
politique
et
la science, la
direction
sociale
et
la direction
doctrinale.
On
trouvera
dans ce
livre
toutes
les
sym-
pathies
et
les
esprances
qui
animaient
les
jeunes
gnrations
il
y
a
quatre
ans.
Nous
navons
point modifi une
seule
ligne,
un
seul
mot.
Ceux
qui
nous
liront
avec
une
intelligente
-
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VI
PHEFCE
bonne
foi
reconnatront
dans nos
pages le
dsir de
dvelopper la
rvolution
accomplie,
et non
pas
dentasser
brusquement
sur
elle
une
autre rvolution.
Politiquement
nos
vues
sont
restes les
mmes
:
nous
voyons
toujours la
socit
par-
tage
entre
les
traditions
monarchiques
et
les
ides dmocratiques,
entre
les
traditions
chrtiennes
et
catholiques et
les ides
phi-
losophiques.
Nous
pensons
toujours que
le
devoir
du
pouvoir
tait
non
pas
de
fonder
sur les
ruines
fumantes du pass
une
socit
inconnue,
mais
de
dvelopper
la
socit
vi-
vante, et
de tirer
delle-mme
tous les pro-
grs
dont
elle recle
lnergique
possibilit.
Qui
a chang?
ce
nest
pas
nous.
Scientifiquement
nous
avons march;
sur
plusieurs
points nos
thories
ont
pris
plus
de
dcision
et de
fermet.
Mais
nous
navons
point
jug
opportun
et utile
daltrer
le
con-
tenu
primitif du
livre. Cette
philosophie
du
droit
est
partage
entre
le
pass
et
lavenir,
non-seulement
dans
les
applications
imm-
-
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DE
LA SECONDE
DITION.
VU
(lites,
mais
mme
clans
les
vues
et
les
tho-
ries
philosophiques. Laissons-lui
ce
carac-
tre.
Plus
tard nous
prsenterons,
non plus
limage du
pass,
mais
les
reflets de
la vrit
philosophique,
tels
que nous aurons pu,
selon
la
mesure de
nos
forces,
les
percevoir
et les
rflchir.
Poser les questions, dfiuir
le
point o en
sont
venues
les thories
sociales, raconter
les
philosophes et les
juger,
tablir
les
problmes
et
commencer
dbrouiller
les difficults
principales,
voil
quelle
est
cette
philosophie
du
droit.
Le mrite
de ce
livre
est
den de-
mander
un
autre et
de ne pas
lempcher.
Paris, le
31 octobre 1835.
-
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PRFACE
DE
LA
PREMIRE
DITION.
Quest-ce
que
la pense, si
ce nest
la
libert
mme?
Quest-ce
que
la
spculation,
si ce
nest
la raison de nos actes
?
Quand
mme les
actions
de
lhomme paraissent les
plus soudaines
et
les
plus
promptes,
la
pense
ne
les
prcde-t-elle
pas
comme
lclair avant
la foudre?
Ce
nest
donc
pas
une strile
manie que
de
sattacher
la
poursuite de
quelque
chose
qui
nest
ni
du pain,
ni
de
lor.
Ceux
qui
seraient
enclins
ddaigner
les thories
et
les
ides
-
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2
PKFACE.
pourront tre ramens au
respect,
si on leur
montre
le
signe irrcusable
de
la
puissance
de
ces ides et de
ces
thories,
je veux
dire
les
rvo*
lutions.
La
philosophie
nest donc
pas
destine
mou-
-
rir sous les petits
traits
dun
petit
scepticisme
;
elle
ne
sera
pas
non
plus
touffe
sous
les
sou-
cis
du bien-tre matriel : elle
me parat,
au
contraire, devoir
bientt
accrotre
ses
forces
et
son
influence.
Je
ne
veux
parler ici
de
notre dernire rvo-
lution
que pour
considrer
le
champ
nouveau
quelle
a ouvert
la
philosophie.
Et
dabord,
comment une
catastrophe
dcrte
par Dieu,
opre
par le
peuple et
la
jeunesse,
cest--dire
o
se
runissent
comme
causes
efficientes
la
raison
des
choses,
la
force
et
lavenir
des
soci-
ts,
ne
serait-elle
pas
la
fois un
effet
dides
antrieures
et une cause
dides
nouvelles?
L
rside
un
esprit
invincible. Les
rvolutions
,
vraiment
dignes de ce
nom, sont
les
inspirations
des
peuples,
tandis que les
conspirations
ne
sont
que
Ips
fantaisies
audacieuses
de
quelques
hom-
mes.
-
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PRFACE.
3
Quand
le
sol
a
trembl
sous un
de
ces
coups
terribles, cest
un
devoir
pour
la
philosophie
de
se remettre
au
travail;
mme au
bruit
des
der-
niers
retentisse
mens qui meurent
en grondant.
Cest
moins que
jamais
pour elle
le
temps
de
se
laisser
dconcerter
et
conduire.
Quelle est
aujourdhui
notre situation
philo-
sophique? Il
y
a plus
dun an, quen
examinant
Y
Essai
sur les
institutions
sociales
de M. Ballan-
che,
livre
profond,
jessayais de caractriser
l-
tat de
Thistoire
et de la philosophie
dans des
lignes
que
je
demanderai
la
permission
au
lec-
teur
de
reproduire
:
Un
sicle continue toujours
lautre
en
fai-
*
#
i
sant
linverse
de
ce
quil
a fait.
Lhistoire
sous
>
la
plume
de
Voltaire avait
t
un
instrument
de
rvolution.
Cet
homme
gigantesque,
dont
le
nom
sidentifiera
de plus
en plus avec
son
sicle,
et
finira
par
absorber
dans la
mmoire
des hommes
toutes
les gloires
qui furent
ses
contemporaines, traa
toujours le tableau
du
pass
en
haine
du christianisme dont il
pressait
la
ruine.
Sans
le
savoir,
il
accomplis-
sait
une
mission terrible
et ncessaire,
et je
-
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4
PRFACE.
le
comparerais
volontiers
un
de
ces
dieux
en
colre
qui travaillaient
de leurs
mains
la
ruine
de
Troie
et
en arrachaient les
fon-
demens.
Lhistoire
prit, aprs
la
restauration,
une
tout
autre
physionomie :
lrudition
et
limagination
en
firent une scne dramatique
devant
laquelle
les
esprits
vinrent
samuser
en
sinstruisant,
curieux
des
moindres dtails,
du costume, des lieux, recherchant
avec
dli
ces
ce
qui
tait
original
et
inconnu,
peu soi-
gneux de
conclure
et dinduire
lavenir de
la
vue
du
pass
;
non,
on
regardait
pour
regar-
der,
et lon
passait
devant
lhistoire
comme
devant
une
statue dont
on
louait la
beaut.
Oui,
lhistoire
est
belle,
mais
dune beaut vi-
vante et fconde
qui doit
enfanter lavenir
;
mais elle ne
servirait
rien si
elle
ne nous
menait pas
sur
la
route
des
sicles
futurs;
au-
jourdhui
que
nous venons
de
nous
mettre en
marche
pour
des
destines
nouvelles,
nous
>
navons
plus
le
temps
ni
le got
de
nous
arr-
ter, ni de nous asseoir
au
spectacle
du
pass,
comme
un
diame
de
Shakspeare,
car nous
courons vers
lavenir,
Magnus
ab
integro
sseclorum
nascitur
ordo.
-
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PREFACE.
5
Que
demanderons-nous
donc
lhistoire?
Des
leons
plus que
des
tableaux,
des
inductions
pressantes
pour
ce
que nous devons
faire, la
justification claire
des destines
de
lhuma-
nit.
Aussi
sommes-nous
persuads
que
lhis-
toire dpouillera beaucoup
de
son
costume
pittoresque pour devenir de
plus
en
plus
phi-
losophique;
non de cette philosophie
rvolu-
tionnaire
qui
rgna
si
tragiquement
dans
le
dernier sicle, mais dune
philosophie
posi-
tive, sociale,
indigne, et
ayant
assez
de
puis-
sance
pour
devenir
cosmopolite.
Cela
nous
conduit
lclectisme.
Lclectisme
dans son dveloppement
fut
moins
original
que
lcole his^rique.
Deux
fois il prit son point de
dpart dans
une
phi-
losophie
trangre;
son
dbut
il
sappuya
sur
lcole
cossaise;
devenu
plus
fort, il
sat-
tacha
lcole allemande.
Dans
ces
derniers
temps,
il
a ml
quelquefois,
avec plus d-
loqunce
que
de rigueul*
et
dexactitude, les
doctrines
de
Kant
et
quelques
principes
de
Hegel
;
il
a
imprim
aux
esprits
quelque
im-
pulsion, mais sans
rien
tablir
de
dfinitif
et
-
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,
6
PRFACE.
ij
de
nouveau
;
ce
qui n
?
tonnera
pas
si
lon
ob-
> serve
la marche
que lle
clectique a
con-
stamment
suivie.
Toujours
elle
a
procd par
voie
drudition
et
de
documens
historiques;
elle
a
publi ou
traduit
Platon,
Proclus,
Ten-
nemann, et
songe
peut-tre
traduire
Kant
;
voil
qui
est
excellent
pour
faire connatre
lhistoire
de
la
philosophie,
mais qui nous
parat
tout--fait
contraire
au
dveloppement
dune
philosophie
indigne et
originale.
Le
mrite
de
lclectisme
est
davoir
ranim
en
philosophie
le got
des tudes
historiques,
davoir
fait
connatre
autre
chose
que
le
dix-
huitime
sicle;
mais
en
mme
temps,
en
professant
que
tous
les
systmes
taient
la
fois
vrais
faux,
et
que
le
seul
systme
pos-
sible de
nos
jours
ne
pouvait
tre
quun
r-
sum
de
tous les
systmes
vrais
et
faux
la
fois,
il
a
sem
le
scepticisme
dans
les
esprits,
et
a
t,
il
faut le
dire,
un
vritable
dissolvant.
Sans
doute
la
dernire
philosophie
comme
la
dernire
religion
doit
toujours
renfermer
tou-
tes
les
autres,
mais
la
condition,
dapporter
elle-mme
un
lment
nouveau,
un
nouveau
dogme
: cest
ce
que
na
pas
fait
l'clectisme,
-
7/25/2019 Philosophie Du Droit Par E. Lerminier
15/355
PREFACE.
7
qui
sest
montr
exclusivement critique
et
historique. Voil
la position,
philosophique
dont
il
nous faut
sortir;
vienne
maintenant
une philosophie
nouvelle et
nationale qui
parte du
sein
de la
socit
franaise, de ses
besoins, et qui,
la
fois
mtaphysique,
sociale
et
pratique,
nous
conduise
vers
lavenir.
Car
il
est
bien
remarquable que
toutes les
philo-
sophies de
lhistoire
que
nous
connaissons
sont
muettes
sur la nature du but vers lequel
gravite
lhumanit.
Ce
silence ne
sera-t-il
pas
rompu?
Lattente
est universelle.
Depuis
le jour o
jcrivais
ces mots
*
,
une
nouvelle anne
dtudes
et
dp
rflexions
a
raf-
fermi
pour
moi
cette
conviction
:
que
les
scien-
ces
historiques
et
philosophiques
de
notre
si-
cle
tendaient
revtir
un
caractre
qui
leur
ft
vritablement
propre, aprs
avoir parcouru
cer-
taines
phases
quon
pourrait
considrer
comme
des
prliminaires
utiles,
mais puiss. Lhistoire
ouvons
lattendre
des
consquences politiques.
Alors,
quand les
temps
seront
arrivs,
elle
comprendra
les rvolutions,
elle
les
jugera
avec
plus
dindulgence, elle
apprciera
la
France mieux peut-tre
quelle
ne
le
fait au-
jourdhui.
Cest sans
le
moindre
embarras que
je
me
suis
toujours exprim
sur
le mrite de
ses juriscon-
sultes,
de ses philosophes
et
de ses
historiens
:
jai
dit
sans
dtour
ce
que
jai
cru
vrai
:
ma
haute
estime
pour
les
travaux
de
la
jurispru-
dence historique,
ou pour
des
spculations
m-
taphysiques,
na
pas
touff
(je
lespre,
du
moins) lindpendance
de lesprit
national.'
LAllemagne,
dans un court espace
de
temps,
vient
de
perdre
Niebuhr
et Hegel.
Le
premier
reprsentait
ce que
lrudition
historique a
de
plus
individuel,
de
plus
vif
et de
plus
dli;
le
second,
ce
que
la
pense a de
plus
systmatique
et de
plus
abstrait.
Jai
essay lapprciation
du
gnie
de
ces
deux
hommes
au
moment
mme
o chacun
deux
disparaissait. Jai
parl
avec
-
7/25/2019 Philosophie Du Droit Par E. Lerminier
40/355
3 a
prface.
une
admiration
presque
sans
rserve
de
lhisto-
rien,
de
cet
homme
dune
science
si
profonde
et
si
nave,
et
qui
a
sembl
prendre soin lui-
mme
de
caractriser
la
candeur
de son
rudi-
tion
dans
une
lettre
quil
mcrivait
quelques
mois
avant
sa
mort
:
Une
chose
quil mim-
porte
surtout
de
voir
reconnue,
cest
que
mon
but
est
de
communiquer
aux
lecteurs la
mme
certitude
dont
je
suis pntr.
Le
livre
doit
convaincre
par
lui-mme
celui
qui
sen
occupe
de
bonne
foi.
Il
ny
a
pas
un
mot
qui
ne
soit
mis
aussi
exactement
que
possible,
parce
quil
exprime
une
vue
et
une
convic-
tion
dont
je suis pntr
:
rien
nest
plus
in-
juste
que
de
mattribuer
le
dsir
des
para-
doxes.
Le
chapitre
que
jai
consacr
Hegel
tait
entirement
imprim
quand
le
bruit de sa
mort
est
parvenu
Paris. Cette
triste
nouvelle
naurait
pas
chang
ma
conviction
philoso-
phique,
mais
elle
met
suggr
dautres
pa-
roles.
Comment
ne
pas
voir svanouir
une
in-
telligence
aussi
puissante
que celle
du
professeur
de
Berlin,
sans
une
douleur mle
de
respect
?
Si
quelques-unes
des personnes
qui
rvrent
sa
,
mmoire
et sa
doctrine
se
sentaient
blesses
de
-
7/25/2019 Philosophie Du Droit Par E. Lerminier
41/355
*
PRFACE.
33
la
vivacit
de
la
rfutation,
je
dsavoue
tout
ce
que
ma
discussion
peut avoir
de
trop
imp-
tueux.
Je
ne
saurais
vouloir
passer
sans
min-
cliner
devant
la
tombe
dun
homme
illustre
dont le
premier
en
France
jai
prononc
le
nom
et
fait
connatre
quelques
ides,
mais
en
lui
en
renvoyant
la
gloii^
Dailleurs
rien
de
ce
qui
tient
lAllemagne
ne
peut
tre
par
moi
trait
avec
une
indiffrence
lgre;
je
ne
puis
oublier
la
bienveillance
cordiale
avec
laquelle
ses
plus
clbres
jurisconsultes,
les
Gans,
les
Mitter-
maier,
les
Savigny,
ont
accueilli
mes
premiers
travaux;
il
ny
a
pas
de
dissentiment
qui
puisse
effacer
ces
souvenirs.
Lesprit
cosmopolite
nest
pas
une
philan-
thropie
fade,
qui
vous
laisse
lme
sans
amour
et
sans
partialit
pour
la patrie.
On
comprend
mieux
la
destine
et
la
mission
de
son
pays
,
quand
les
yeux
et
lintelligence
sont
fixs
sur
la
carte
du
monde,
quand
le
cur
est assez
vaste
et
assez
ardent
pour
se
passionner
pour
lhis-
toire
universelle.
On
raconte
que
Charlemagne,
voulant
frapper
et
consterner
des
ambassadeurs
de
1
clat
de
sa
gloire,
ordonna
de
les
faire
*
.
3
-
7/25/2019 Philosophie Du Droit Par E. Lerminier
42/355
34
PRFACE.
passer
par
dinnombrables
salles
de
son
palais
remplies
de
personnages
dont ils
prenaient
chaque
instant
la
magnificence
pour la
gran-
deur
impriale
elle-mme, et
les
reut,
aprs
des
stations
infinies, dans
im
sanctuaire
blouis-
sant.
Dans le
ddale de
lhistoire
le
sanctuaire
est la
patrie.
France,
en
v^|p,
aprs
que
tu
as
q
en
te
levant
jet un
cri
sublime, tu
as t con-
trainte de
te
rasseoir sur toi-mme
et de
voiler
tes couleurs;
tu
es
encore quelque peu
grande
parmi
les
nations, tu
te
retrouveras
toi-mme
lheure
fatale,
et tu mrites
encore
lidoltrie de
tes
enfans.
Jai
dit les intentions
et
lesprit
qui
mont
anim en
parlant
et en
crivant
ce livre.
Je nau-
rai pas
inutilement
rassembl des
mots si
je puis
rveiller
dans
quelques jeunes
esprits
lnergie
u
de
la
raison
et
de
la
volont,
si
le
jeune
homme
qui
se
cherche lui-mme,
que
tourmente
un
gnie
quil
ignore,
que
dchire
un scepticisme,
enfant
du
sophisme,
peut
ma
voix
revenir
la
foi
en
lui-mme,
et
demander
lavenir ses
propres
efforts.
Je
devrai
du
moins
cette
seconde
publica-
-
7/25/2019 Philosophie Du Droit Par E. Lerminier
43/355
PRFACE. 35
tion,
qui
senchane
la
premire,
la
possibilit
de
pouvoir mengager srieusement,
tant dans
lhistoire des
lgislations que dans
la lgisla-
tion
philosophique
:
les
antcdens sont connus,
les
questions
sont poses
;
il est
temps de travail-
ler
une
philosophie nationale.
Paris,
I
er
dcembre
1
831
-
-
7/25/2019 Philosophie Du Droit Par E. Lerminier
44/355
-
7/25/2019 Philosophie Du Droit Par E. Lerminier
45/355
INAUGURATION
DE
LA
CHAIRE.
'
f
Les
rvolutions
ne
changent
pas
seulement
le
sort
et
la
condition
des
peuples,
elles
dplacent
aussi
les
bornes
de
la
science
et
de
la
pense
pour
les
porter
plus
loin.
A
chaque
catastrophe
historique,
1
esprit
de
lhomme,
mme
son
insu,
fait
un
pas,
comprend
mieux
les
lois
modratrices
du
monde,
et
devient
meilleur
philosophe,
juge
mieux
les
faits
accomplis,
et
devient
plus
grand
historien.
Aussi
est-il
vritablement
digne
dun
gouvernement
sorti
de
la
lutte
du
droit
et
de
la
libert
contre
une
tyrannie
sans
intelligence
et
sans
gloire,
davoir
song
a
nous
convier,
nous
jeunes gens,
au
spec-
/
-
7/25/2019 Philosophie Du Droit Par E. Lerminier
46/355
INAUGURATION
8
tacle
gnral
du
droit et
de
la
libert
chez tous les
peuples,
la
vue
scientifique
de
leurs
lgislations,
la comparaison
rflchie des
institutions
sociales,
et davoir
fond dans cet
tablissement illustre
*
une chaire histoire
gnrale
et
philosophique
des
lgislations
compares
.
Cest
alors quon
a
vivement
senti
la
perte dun
homme
clbre
parmi
les
jurisconsultes,
sans
avoir
laiss
de
monument,
et
qui
a
termin, il
y
a
quel-
ques annes,
sur
une terr
trangre,
une
vie
si
jeune, si
ardente,
et
qui
promettait dtre
si
f-
conde.
Je remplis
un
devoir sacr
en
prononant
dans
linauguration
de
cette
chaire le nom
du
docte
infortun
Jourdan,
que
je
regrette
amrement
et
sans
lavoir
connu,
et
dont la
mort
a
glac, avec
une
prcipitation
cruelle,
lesprit tendu
et
la
science leve.
Cette enceinte
rclamait
aussi
une
autre personne qui
depuis seize ans sest
montre
censeur
infatigable des aberrations dun
pouvoir
qui a
disparu
pour
jamais, publiciste
minent
et
patriote,
qui
a donn,
il
y
a
trois ans
et
presque
de
concert
avec celui
qui
vous
parle,
le
premier
et
salutaire
exemple
de
lenseignement
libre,
et
qui
aujourdhui
est
honorablement
distrait
des
travaux
de
la
science
par une
vie politique,
qui
ne
parat
*
Le
Collge
de
France.
-
7/25/2019 Philosophie Du Droit Par E. Lerminier
47/355
DE LA
CHAIRE.
j()
pas
devoir
tre moins riche
que
le
pass en
sacri-
fices
et
en
dvoment
la
libert
*.
Maintenant,
sil mest
permis
dinterprter
ma
prsence
dans cette
chaire,
je
ne dirai quun mot.
Dans
cette
absence
dhommes
vritablement
com-
ptens
et achevs,
on
a
pens
que ce
ntait pas le
temps
dexclure
la
jeunesse,
mais
de
lencourager
:
on
a
cru
que
comme claireur
dans
une
science
nouvelle
quil sagit de fonder,
l'lite de
la
jeunesse
franaise
verrait sans
dplaisir un
jeune
homme, et
que, dans
des
tudes
mises en
commun,
elle accep-
terait volontiers
pour
moniteur un de
ses
condis-
ciples.
Il
ny a pas,
Messieurs, de
lieu
commun
de
ma part
rclamer
ici
votre inpuisable
indulgence
et votre
appui. Eu
ralit,
je
ne
puis rien
sans
vous :
jeune, libre
de tout
lien et de
toute entrave,
cest
en
vous seuls,
en
votre fraternelle assistance que
je
puis
trouver la
force
de
ne pas succomber
du
pre-
mier
coup
la
tcjie
immense
qui
mest impose.
*
On a
reconnu
M-
Charles
Comte.
Dans
lanne
1828
1829,
nous
avons
ouvert
des
cours
indpendans
de ceux de la facult de
droit :
M. Comte professait le droit
naturel
et
la lgislation crimi-
nelle
;
l'objet de
mon
cours
fut
lbistoirc philosophique et littraire
du
droit.
Lanne
suivante,
jai trait
l'histoire
du droit
romain.
-
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48/355
1
-
7/25/2019 Philosophie Du Droit Par E. Lerminier
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W'
PHILOSOPHIE
DU
DROIT.
.
**
,
M
*
,
:
*
S
Y
-
*
r
.
I:
^
*
-
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50/355
-
7/25/2019 Philosophie Du Droit Par E. Lerminier
51/355
PHILOSOPHIE
DE
DROIT.
LIVRE
PREMIER.
DE
LIIOMME.
CHAPITRE
PREMIER.
Plan
de
louvrage.
Quand
Grotius,
en
1620,
publia
le
livre
qui
changea
la
science
politique,
quelle
cause
agi-
tait
lEurope
sur
ses
fondemens?
la
cause
de
la
libert
religieuse.
Aujourd
bui
que
nous
sommes
runis
dans
cette
enceinte
pour
inaugurer
la
science
des
lgislations
compares,
et
pour
re-
nouer
avec
Montesquieu,
quelle
cause
occupe
et
travaille
profondment
lEurope?
la
cause
de
la
libert
civile.
Au
xvn
c
sicle
une
lutte
de
trente
ans
fut
ncessaire
pour
assurer
aux
croyances
-
7/25/2019 Philosophie Du Droit Par E. Lerminier
52/355
PLAN
44
et
aux
ides du
xvi
e
leur
juste empire,
et
deux
peuples
restrent
la fin
matres
du
champ
de
bataille
et les arbitres
de
l'Europe,
un
peuple
du
Nord et
nous,
les
Sudois
et les
Franais,
Gustave
Adolphe vainqueur
aprs
sa mort,
et
Richelieu.
Au xix
e
sicle les
droits
les
plus
sacrs
et
les plus
positifs de
lhumanit veulent
tre
satisfaits,
et
les
destins
saccompliront.
Serait-il
vrai
que
de
pareilles
poques
fussent
contraires et fatales
la
science, et
quau
mo-
ment
o
lhomme
agit
le plus,
sa
pense
doive
sarrter et
tarir
dans sa
course ?
Non
:
les
rvo-
lutions
ntouffent
pas
lintelligence;
elles
la-
grandissent
et
lexaltent;
et pour
ne
pas
sortir
des
sciences
historiques
et
morales,
je
ne
sache
pas
que
Thucydide,
Salluste,
Machiavel,
Jean
Bodin, Thomas
Hobbes,
Hugo
Grotius,
aient
vcu
dans des
temps
de
calme et de
quitude.
Quand
les
peuples
sont
remus par des
mouve-
mens
intrieurs
ou
des
agressions
trangres,
leur histoire
nen
devient
que
plus
vive
et
plus
saisissahle.
Pourquoi
lOrient
commence-t-il
tre
accessible
de toutes
parts
lrudition, et
se rend-il
pour nous
peu
peu
familier?
Parce
quil
chancelle
sur
ses hases
primiti ves
fausscmen t
rputes
immobiles, parce
quil
se
dtriore
de
plus
en
plus
dans
son
originalit
native,
parce
quil
converge
sans
relche
au
gnie
europen,
-
7/25/2019 Philosophie Du Droit Par E. Lerminier
53/355
^
DE LODVRAGE.
^5
parce
quil fut
visit
par
Napolon
comme
il
le
fut
par
Alexandre.
Si la
Grce
dpouille
pour
nous
les fausses
couleurs
dune
rhtorique
tra-
ditionnelle,
son insurrection
ny
a-t-elle
pas aid
?
Et Rome qui
finira
par
tre libre,
ne
ft-ce
que
pour
absoudre le
Dieu quelle
adore
-,
Rome
gou-
verne
tour tour par
Marius
et
Csar,
Gr-
goire
VII
et
Jules
II,
thtre
des
Gracques
et
de
Rienzi,
du droit
romain
et
du
catholicisme,
ne
nous
revient-elle
pas
mieux
connue,
grce
une
rudition
contemporaine
de
ses
efforts
depuis
quarante ans
pour
ressaisir
sa libert,
efforts
toujours
malheureux
et
toujours
renaissans?
LAllemagne,
du
milieu
de
sa
rforme
et
de
sa
mtaphysique,
commence
sagiter
et
se
tour-
ner
vers la vie
politique.
LAngleterre
travaille
noblement
prvenir
et
supprimer
une
rvo-
lution
en
innovant
elle-mme
dans
son
antique
lgalit.
-
Temps
excellent
pour
tudier
lhistoire
Ce
que
disait
un
pote en
chantant
une
catastrophe
tragique
peut
sappliquer
aujourdhui
aux
an-
nales
du'
monde
:
Adparet
dormis
intus, et
atria
longa
patcscunt;
Adparent
priami
et vetcrum penctralia
rcgum
*.
*
V
r
f
*
neid.
lib.
u.
-
7/25/2019 Philosophie Du Droit Par E. Lerminier
54/355
PLAN
6
Oui,
au
milieu
des
rvolutions,
l'oeil
plonge
plus
avant dans lintrieur,
et,
pour
ainsi
dire,
dans
la domesticit
de
lhistoire
;
et loin
de
voir
dans les
faits qui
nous pressent
rien
qui
doive
dcourager
pour
les
destines
de
la
science,
jy
dcouvre au
contraire
un
indice
de
renaissance
et de
rnovation.
Une
histoire particulire peut
intresser
vive-
ment,
surtout
celle de son
pays.
Toutefois
il
nest
plus donn
aux
annales
daucun peuple
de
cap-
tiver
exclusivement
lacuriosit
de lesprit;
il lui
faut
aujourdhui
les
rapports
et
les
comparaisons
dune
histoire
gnrale;
au
milieu
des
nations
qui
la
fois
tendent
se
rapprocher
dans
une
commune
alliance,
et
retiennent
encore
leur
propre
originalit,
lesprit
veut
saisir
en
mme
temps
ce
que
chaque
peuple
a
dintime,
et
ce
quil
y
a
de
gnral
dans
le
systme
historique
du monde.
Or,
pour comparer
il
faut
tout
voir,
tout
com-
prendre et
tout
sentir,
et
sil
tait
une
nation
as-
sise
vritablement au
centre
de
lEurope;
qui
par
la
Provence
et
la
Mditerrane
toucht
aux
peuples
du
midi,
lItalie,
la
Grce,
et ft
cinq journes
de lAfrique;
qui,
sur
les
bords
du
Rhin,
pt
entrer
en
confrence
avec
le
gnie
germanique;
qui,
Calais,
ne
ft
spare
que
par
sept lieues de
mer
de son illustre
rivale,
de
-
7/25/2019 Philosophie Du Droit Par E. Lerminier
55/355
DE louvrage.
47
lAngleterre;
qui,
terre
hospitalire de
tout
ce
qui
est
illustre
et malheureux,
st
jouir
avec
dlices
des
diversits
les
plus
clatantes
dans
les
arts
comme dans la
pense,
distribuant la
gloire
pleines
mains,
car
elle
na
rien
craindre
de
cette
prodigalit
magnanime
: ne
pourrait-on
pas
dire,
sans
apporter
ici
lexagration
dun
patrio-
tisme
vulgaire,
que
cette
nation
si
bienveillante,
si
impartiale
et si
grande, peut
singrer
dap-
prcier
et
de comparer les
institutions di.s
peuples?
La science de
la
lgislation
nest
pas
une
es-
pce
de
terrain
neutre
o
lon
puisse
paratre
sans
se
compromettre;
elle
nest
pas
non
plus
une
chronique
du moyen
ge,
une
dcoupure
de
faits
pittoresques
que
lon
puisse
drouler,
sans
mettre
en
jeu, soi,
ses
principes
et
sa
per-
sonnalit.
En effet,
la
lgislation
nest
autre
chose
que
la philosophie
en action
;
cest
le
code
des thories,
des opinions
et
des
ides
adoptes
comme
rgle
de
conduite
par
la
majorit
de les-
pce
humaine.
Il
suit
naturellement
que
toute
histoire
des
lgislations
doit
tre
prcde
dune
philosophie
du
droit
;
ainsi
ont
fait
Vico,
Domat
et Montesquieu
;
ainsi
lexige
la
mthode:
mar-
chons
donc
dans
cette
route
avec
fermet
:
ce
.
qui,
peut
seul
aujourdhui
donner
quelque
sens
-
7/25/2019 Philosophie Du Droit Par E. Lerminier
56/355
PLAN
48
A
des
lignes
crites,
cest
de sy
expliquer
en
homme,
sans
ambages
mticuleuses.
Cette
philosophie
du
droit
sera
divise
en
cinq
parties.
La
premire
traitera
de
lhomme,
la
seconde
de
la
socit,
la
troisime
de
lhistoire,
la
qua-
trime
des
philosophes;
la
cinquime
dfinira
la
science
de
la
lgislation
proprement
dite.
Quand
on sadresse
lhomme,
un
fait com-
plexe
frappe
dabord,
cest
son
individualit,
dont
la
face
la
plus
saillante est
la
libert.
Des
passions
qui
nous
sollicitent
de
sortir
de
nous-
mmes,
qui
nous
envoient
la
guerre, la
chasse,
au
thtre,
nous
attirent
aux
plaisirs
des
sens,
nous
ravissent
la
contemplation
de
Dieu,
aux saintes
jouissances
de
la
religion, aux
m-
ditations plus
svres
de la
science,
voil
qui
tire
lhomme
hors
de
lui-mme
;
et
cependant il
prouve
en
mme
temps
linvincible
besoin
de
revenir
lui-mme,
de se
retrouver
lui,
toujours
lui,
mcontent
de
sa
personnalit,
incapable
de
la
dpouiller,
et,
pour se
satisfaire
dans cette
contradiction
qui
le
constitue,
sattaquant
la
fois
la
science,
aux plaisirs,
ses
semblables et
Dieu.
Lhomme
est un
animal
politique,
scientifique
et
religieux.
Tl
vit
par
ces
trois
instincts.
Jnvi-
-
7/25/2019 Philosophie Du Droit Par E. Lerminier
57/355
DR
LoVftAGE.
49
tablement
social,
toujours
en
contact
avec
ceux
qui
lui
ressemblent,
il
constitue et
applique
le
droit
dont
lide
est^ toujours
une
et toujours
progressive.
Possd
du
besoin
et dou
de
la
puissance
de
connatre
et de
savoir,
il
observe
ce
qui
est
hors
de
lui et
lui-mme,
il
y
applique
les lois de sa
pense,
cherche
lunit
et
produit
la
science.
Enfin naturellement
religieux,
non-
seulement
il
conoit Dieu,
mais il laime
et
veut
le retrouver la
fois
dans
son cur,
dans
les
deux
et
dans
la
socit
:
voil l'homme.
On
a
donn il
y
a
long-temps
aux
potes
pi-
ques
le
conseil
de
se
jeter
brusquement
dans
leur
sujet,
in mdias
res,
par
un
rcjjt
qui
pt
semparer
du lecteur
ou
de lauditoire
dans
le
temps
o
les vers
se
chantaient,
et
de
les
plonger
sur-le-champ
au plus
vif
de laction.
Lavis
est
aussi
bon
suivre
pour lhistorien
des
socits.
Il
ne
sengagera
pius
dans
ces
striles
discus-
sions sur
ltat
sauvage,
dont
le
dernier
sicle
na
rien
su
tirer.
Dailleurs
lhistoire
civile
ne
peut
soccuper
que
de
ce
qui
a vritablement
paru,
de
ce qui
a
dur dans
la
mmoire
des hommes.
Il
lui
faut
des monumens, des titres, des
inscrip-
tions,
testamens
irrcusables
des hommes,
des
peuples et des
choses
historiques.
Elle ne visi-
tera
pas,
ou
rarement
du
moins,
la
hutte
des sau-
vages, les
hordes
chtives
et
brutales
que la ci-
i*
4
-
7/25/2019 Philosophie Du Droit Par E. Lerminier
58/355
PLAN
0
vilisation
na
pas encore touches
de
son
sceptre
dor, et
qui
ne
nous
offrent
gure
que
de
tristes
anomalies,
des exceptions
hideuses,
et
des exp-
riences
tronques
de
la
nature
humaine.
Dans le
champ
mme de la
socit,
jcarterai
dabord la
famille
pour
aller droit
lEtat,
qui
est la
plus
grande
image
de
la sociabilit
hu-
maine.
Or
lEtat
repose
sur
trois
ides
fonda-
mentales :
la
loi, le pouvoir
et
la
libert.
Quest-ce
que
la
loi?
Cest lexpression
du
bien
moral. Si le
monde
physique
a
des
lois,
le
monde
moral
a
les
siennes,
et
lide de
la loi
est
lide
la
plus
haute
que lhomme
puisse concevoir
dans
lordre
rationnel.
Cette
harmonie
progressive
qui
vivifie
la
nature,
lhomme
la
cherche
dans
la socit,
de
sicle
en
sicle,
il
la
constitue,
la
change et
toujours
il
lappelle
loi.
Si la
loi est
la
rgle,
elle
appelle
elle
les
moyens
et
la force de
lexcuter,
cest--dire le
pouvoir,
dont
le
bras
doit tre
long
et
vigoureux
si la socit
ne
veut pas prir.
Vient
la
libert.
Quest-ce
donc
que
la
libert
politique? quon
veuille
bien
peser
ceci : Si
la
loi
est lexpression
du
bien moral,
si
le
pouvoir
estla
force
ncessaire pour
pratiquer
ce
bien,
voil
ce
semble
deux ides
tout--fait
positives,
qui con-
vergent
un
but
positif.
Quel
sera
donc
le
rle
de
la
libert?
Dans
son
essence,
elle est
aussi
-
7/25/2019 Philosophie Du Droit Par E. Lerminier
59/355
DE
i/oUVRAGE.
5l
positive
que
quoi
que
ce
soit,
elle
est,
nous
le
verrons,
un
des
lmens
de la nature
humaine.
Mais
dans
le jeu et
dans le
mcanisme des
dif-
frentes
constitu
tion^i^oli
tiques
,
la libert
ne
parat-elle
pas souvent
sous
la forme
de protes-
tation
pour
rsister, ou
de novatrice
pour en-
fanter le
progrs
?
En
effet,
en
face
de la
loi
qui
nest
pas
toujours le
bien, et du pouvoir qui
se
pervertit dans
sa
marche,
la
libert rsiste,
elle
devient une
opposition. La
loi,
lors
mme
quelle
se dveloppe
avec
quelque sagesse,
appelle
tou-
jours
des
rformes;
la libert prche
alors
les in-
novations,
et
demande le
progrs.
A ces
deux
titres,
soit
comme
opposant,
soit
comme
nova-
trice,
la
libert
est
indestructible
et
ncessaire
dans
le
mcanisme des socits.
Dans
tout
pays o la
loi,
le
pouvoir
et la
li-
bert
seront
suffisamment constitus,
il
y
aura
prosprit
sociale
:
voil
ce
qui
importe.
Les
ternelles
dissertations
sur
la
monarchie,
laris-
tocratie,
la
dmocratie et
la
rpublique, peuvent
avoir
leiy importance,
mais elles
nattaquent
pas
le
fond
mme
des
choses, et cest
avoir
peu
de
philosophie
dans lesprit, que
de
sattacher avec
une
impatience
passionne et
inexorable
la
poursuite
dune
forme
politique.
Le
temps
seul
dispose
,
pour
les
institutions comme
pour
les
tres
anims,
de la
caducit
et
de
la
jeunesse;
-
7/25/2019 Philosophie Du Droit Par E. Lerminier
60/355
PLAN2
il
les
ensevelit
ou
les
produit au
jour
avec
un
irrsistible
-propos.
Avant
de passer
la
famille,
nous
trouverons
lEtat
soutenant
un
doubl
rapport
avec les
au-
tres
socits, la
paix
ou
la
guerre;
question
fondamentale
du
droit
des
gens. Les
peuples
se
visitent
ou
se
touchent
par le commerce
ou
par
les
armes
;
mais de
quelque manire
que cette
confrence
se
passe, elle
est
salutaire
lhuma-
nit.
Je
nai pas voulu
reproduire cette
ternelle
filiation
de
la
famille
et
de
lEtat tant
rpte
depuis
Bodin jusqu
M.
de
Bonald.
Plus
la
ci-
vilisation
se
dveloppe,
plus
lEtat
perd
toute
analogie
avec
la
famille dont
il
est
sorti
sans
doute,
mais
dont
il
se
spare chaque jour
da-
vantage.
Le mariage
est le
fondement
de
la famille;
nous
chercherons
comment et en quoi il
e6t
in-
dissoluble,
et
nous
agiterons
le
problme
du
di-
vorce.
Viendra
la
proprit
qui
change plus fa-
cilement
de
matre
que
de
nature,
variable
et
perfectible
dans
ses
formes, mais une
et
indes-
tructible
dans
son
principe, qui est
lindividua-
lit humaine.
De la
proprit
nous
passerons
la
succes-
sion,
condition
ncessaire
de
la
famille,
et
nous
en
chercherons
les
lois
philosophiques, tant
-
7/25/2019 Philosophie Du Droit Par E. Lerminier
61/355
de
lodvrage.
53
comme
naturelle que comme
testamentaire.
Alors
ce
sera
la
place
de
la
thorie
des
contrats
que
le droit
romain
a
si
profondment
comprise
et crite.
Nous
ne
saurions
quitter
la
socit
sans
con-
sidrer
un triste phnomne,
le
crime.
Quest-ce
que le bien
?
quest-ce
que
le
mal
?
Quel
est
le
principe
constitutif
de
la
pnalit?
La
lgislation
doit-elle tre rmunratoire
en
mme
temps
que
pnale?
nous
toucherons
tous ces
points.
Je
passe
lhistoire.
Si la
lgislation
est
la phi-
losophie
en action,
si elle
est
le
dveloppement
des
ides
sociales toujours en progrs, il
faut
que lhistoire nous
fournisse
la
preuve
des
prin-
cipes
que
nous
aurons poss.
Non que
nous
vou-
lions
ici lexplorer
dans
sa
varit
infinie,
mais
au
moins un tableau rapide
et
resserr
doit
nous
donner
la justification
claire
des
prin-
cipes
et des
destines
de
la
nature
humaine.
Je
ne
veux
pas
ici jeter
quelques
phrases
superfi-
cielles
sur
lOrient, et je
ne
gaspillerai
pas
en
quelques traits
mal bauchs
le
magnifique
tr-
sor de
la
lgislation
orientale.
Pas
davantage,
je
ne
dsire
prendre
une prlibation,
si
je
puis
parler ainsi,
sur
cette Grce, si vive,
si
gracieuse
et si
varie,
o
nous
nous engagerons
plus
tard.
Rome,
qui
participe
la
fois
de
lOrient et
de
la
Grce,
nous
suffira
pour
entrer
dans
lhistoire.
-
7/25/2019 Philosophie Du Droit Par E. Lerminier
62/355
PLAN
4
Cest
entre
le
mont Palatin et le
mont
Capitole
que
sest
dessine
en
caractres
ineffaables
lop-
position
jusqu
prsent
ternelle
du
pouvoir
et
de
la libert,
de
laristocratie
et
de
la
dmocra-
tie
;
tellement
que tous les
historiens
lont saisie
des
degrs
diffrens, suivant
la
porte de
leur
intelligence.
Nous traverserons
la
rpublique,
lempire,
ce
clbre
droit
civil
qui
spare
si
pro-
fondment
la
vie
prive
de
la
vie
publique,
le
christianisme
qui
donne au
monde
une
libert
morale
inconnue
jusqualors. Cependant
les
bar-
bares, apportant
du
sang
nouveau
la
vieille
Europe,
la reconfortent
en
lenvahissant.
Et
quel
est
le
caractre
de
leur
loi ?
Le
redressement
de
la
personnalit humaine. En
voulez
-vous
la,
preuve?
La
loi
suivait partout
lhomme
sur
le
territoire
tranger; elle
ne
le quittait pas, tant
elle
tait personnelle.
Voil donc
les
barbares
dchans
sur
le
monde.
Le
christianisme
lui-mme serait
im-
puissant
pour
calmer
une
domination
si
pre.
Lordre
se
rtablira
par
une
institution
originale
entre
toutes, la
fodalit.
Opposition
tranche
avec la
loi
barbare,
loin
dtre
personnelle,
la
loi fodale
nest autre
chose
que
la
terre
leve
la
souverainet.
Le
spiritualisme
chrtien et
t
sans
force;
il
fallait
un
ordre
matriel,
et
en
cela
la
fodalit fut
utile
au
monde; nous
pou-^
-
7/25/2019 Philosophie Du Droit Par E. Lerminier
63/355
de louvrage.
55
vons
sans
danger
lui
rendre
aujourdhui
cette
justice.
Mais
la
socit
fodalement
constitue,
le
christianisme
reprend
lempire
des
ides
et la
supriorit
morale;
il domine
lEurope
par
la
papaut
italienne,
dveloppe
sa
propre lgisla-
tion,
le
droit canonique, se
rforme
et
se rajeu-
nit
par
Luther.
Ainsi
voici les lmens de
la
socit
moderne :
la
lgislation barbare,
la
lgis-
lation
fodale, la
lgislation
canonique.
Sur cette
triple base, la socit
europenne
se
dveloppe
sans
relche :
la
France, par
sa
constitution
monarchique,
travaille
la
premire
sa
propre
unit,
par
contre-coup
celle
de
lEurope; sous
le
sceptre
de
Louis
XI,
de Riche-
lieu
et de
Louis
XIY,
la
monarchie
royale,
comme parle
Bodin, rprime la fodalit
et
l-
glise,
abat
laristocratie
,
lve le peuple,
sert
puissamment
la
libert et
rend une
rvolution
ncessaire.
A
la
monarchie
royale senchane
un
nouveau
progrs,
la
monarchie reprsentative
dont
lAn-
gleterrre
est
lclatant
modle, et
quelle
tablit
irrvocablement
par sa
rvolution de 1G88
: alors
cette le
clbre
donne
lEurope lenseigne-
ment
de la
libert
politique;
elle
en
fut
lcole
au
xvm
sicle
pour
tout
ce
que
lEurope
eut
de
penseurs;
Voltaire,
Montesquieu et
Rous-
seau
lexplorrent
avidement
et
prparrent
pour
-
7/25/2019 Philosophie Du Droit Par E. Lerminier
64/355
PLAN6
la France un progrs
nouveau
sur cette
transac-
tion
si
belle
en
Angleterre
entre
l'aristocratie,
le
peuple
et
le
trne,
dont
aujourdhui
une
des
parties
contractantes
demande
changer
un
peu
les conditions.
Mais avant de
commencer
elle-mme une r-
volution, la
France
jette la
libert
dans
un
monde
nouveau,
dont
les
destines
ne
sont
pas
encore
accomplies. Elle
envoie
Washington des
sol-
dats
et un mule;
et
quand
la
rpublique
am-
ricaine
aura plus
tard
port elle-mme les
fruits
dune
civilisation
originale,
elle
noubliera
pas
que,
si
lAngleterre
fut
son
berceau,*Ta
France
fut
son
allie
;
que,
si
lune
la
fonde,
lautre lui
a
tendu la
main [pour
smanciper,
et
que
la
premire
action
de
la
France,
quand elle
a
com-
menc de
tressaillir
au nom
de
la libert,
a
t
denvoyer en
Amrique
des
Franais pour
y
fa-
ciliter
une rpublique.
Lan
1789
ouvre
pour
la
socit
moderne une
poque nouvelle
dont
la
seconde
phase
a
com-
menc
lan
dernier
:
rvolution
sociale,
mise
en
jeu
de
tous
les problmes
qui
puissent
troubler
la
tte
humaine,
elle
est
aujourdhui
le
dernier
progrs
de la socit
europenne.
Si
lhistoire
na pu nous refuser
cette
inpui-
sable
srie
de
progrs
et
de
conqutes, la
philo-
sophie sera-t-elle
plus
avare? Cest,
Athnes
-
7/25/2019 Philosophie Du Droit Par E. Lerminier
65/355
DE
LOUVRAGE.
57
que
souvre
lhistoire
raisonne
des problmes
sociaux
: cest
au sein
de
la
philosophie grecque,
qui
est,
avec
la
lgislation
romaine
et
le
chris-
tianisme,
une des faces les
plus
saillantes
du
monde intellectuel,
quclate,
sous
les
auspices
de
Socrate,
lexamen
des
lois de
la sociabilit
humaine;
deux esprits
bien
diffrens linau-
gurent,
Platon
et
Aristote.
Platon
fut en continuelle
opposition
avec
lEtat et la
constitution
dAthnes.
LEtat
tait
dmocratique:
Platon avait une intelligence aris-
tocratique
et orientale
;
les
lois
taient populaires,
parfois bavardes,
et
sentaient
le rhteur
:
la
po-
litique
de
Platon
tait
immuable,
car
elle
d-
coulait
dune
unit
primitive.
Le fils
dAriston
nous offre
la
fois, dans
sa
Rpublique
et
dans
ses Rois,
la
rminiscence des doctrines
orienta-
les,
un choix
de faits
prcieux pour
ltude
de
la
Grce, et
un vague pressentiment
du
christia-
nisme;
vis--vis
la lgalit
athnienne, Platon est
un
penseur
factieux
entre lEgypte
et
le
Christ.
Aristote a
un
autre
esprit;
il est tout
grec
et
na rien
doriental
: cest
la
fois le
matre
et le
disciple
dAlexandre; dou
du
gnie
positif
des
modernes,
tandis
que
Platon
est dans les
cieux
la
condition de
sy
garer
et de disparatre
tra-
vers
les
nuages,
Aristote
observe
ce
qui
se
fait
sur
la
terre
J|fest
comme
un
contemporain de Ma-
-
7/25/2019 Philosophie Du Droit Par E. Lerminier
66/355
PLAN
8
chiavel et
de
Montesquieu;
il cherche les lois
des
faits,
il veut
en
voir lesprit et la raison, et nous
a
laiss
dans
sa
Politique
ce que
nous
pouvons
savoir
de
plus net
sur la
lgislation
de
la Grce.
De
lexamen
de
ces
deux
philosophes nous
passerons
au stocisme
qui
termine
lantiquit
et
prcde
le
christianisme.
Le
stocisme
na
rien
de
progressif
:
le
stocien
se
drape
sur
les
ruines
du
monde,
mais
il
ne
marche
pas;
il lve
la
statue de
fer
du devoir,
mais
il
ne
sait
pas
lanimer.
Lhistoire
du
stocisme
est
comme
une
curieuse
galerie de
tableaux
et de
bustes
anti-
ques : mais
demandez-lui
ce
quil
a
fait
dans la
civilisation
historique
du
monde,
il
est
muet.
Je
le sais,
il
a
des disciples sur
le trne,
les
Anto-
nins;
parmi les
esclaves,
pictte;
parmi
les
beaux-esprits,
Snque
: tout
cela est
fort
beau,
fort
noble,
mais
entirement
strile;
cest
un
appendice plein de
grandeur
aux
derniers rao-
mens
du
paganisme.
Tels
ntaient
pas
le
sort et la mission du
chris-
tianisme, dont la pense
sociale
nous
semble s-
tre
dveloppe en trois
poques bien
distinctes.
Le
christianisme,
en
face
des
Csars, a
commenc
par
la
rsignation
et une
abdication
complte
de
lempire terrestre. Mon royaume
nest
pas
de
ce
monde;
lisez saint
Augustin,
vous
trouverez
dans
la
Cit de Dieu
ce
sentimentArofond-
-
7/25/2019 Philosophie Du Droit Par E. Lerminier
67/355
DE louvrage.
5q
ment
empreint.
Les
penseurs chrtiens
se
livrent
surtout
la
spiritualit
mystique
de
la
plus
haute
thologie :
mais
une
fois
accepte
comme
croyance
et doctrine
spiritualiste
par
la
socit,
le christianisme
songea naturellement
la
gou-
verner',
en
vertu
de
sa
supriorit
mme
;
les
peuples
adorrent
avec
joie,
et
lautorit
du ca-
tholicisme
se
mesura
sur
sa
vertu.
Seconde
po-
que
: la
rforme
clate,
Luther,
Mlanchton
en
Allemagne,
Hubert
Languet
en France, Sydney
en
Angleterre,
sarment du
christianisme,
de
la
Bible,
et
dveloppent
une
philosophie politique
qui
revendique les
droits et
la
libert
des peu-
ples.
Jarrive
aux
philosophes
modernes.
LItalie
stait mise
ragir
contre le
moyen-ge,
aprs
avoir t
le
thtre de
sa gloire;
et
Machiavel
nous
donne
la
fin du
xv
6
sicle
le
spectacle
dun
Italien
maudissant
la
papaut,
la
religion
catholique
et le
moyen-ge
:
il
a
dans
la
tte
toutes
les
combinaisons
de
la
politique
mo-
derne, il
et
t
parfaitement
apte
devenir
le
ministre de
Louis
XI *, si
cela
et
t possible
;
il reprsente
tout--fait cette
Italie
du
xv
6
sicle
,
si
brillante
et si
dchire
,
si perfide, si factieuse
et
si lettre.
*
Louis
XI
mourut
en
1483;
Machiavel
naquit
en
146J.
-
7/25/2019 Philosophie Du Droit Par E. Lerminier
68/355
PLAN
o
Aprs
ritalie,
lAngleterre,
qui
a
linitiative
dans
la
libert
politique,
nous
offre
ses
pen-
seurs,
Hobbes
et
Locke.
Le
philosophe
de
Mal-
mesbury
prend
en
ironie
la
rvolution
qui
doit
affranchir
son
pays;
les
excs
et
lusurpation
de
la
dmocratie
le
passionnent
pour
le
despotisme,
et
lentranent
logiquement
la
thorie
sardoni-
que
du
pouvoir
absolu.
Ce
misanthrope
est
suivi
dun
esprit
plus serein
et
plus
gal,
dune
humeur
tolrante
,
dun
cur noble
;
linfluence
philoso-
phique
de
Locke
fut
immense
en
Europe
,
bien
quil
y
ait eu
de
plus
grands
mtaphysiciens
que
lui, et
nous
saisirons
dans son
Gouvernement
civil,
qui
parut
deux
ans
aprs
Tavnement
de
la
maison
de
Hanovre,
le
germe
du
Contrat so-
cial de
Rousseau.
_
Dans
la
haute
spculation
,
la
Hollande
ne
nous
livre
quun
homme,
mais
si
grand
quil
suffit
:
cest
Benoist
Spinosa.
Quelques
annes
auparavant
elle
avait
produit
Grotius,
homme
de
la
science
politique
au
xvn
sicle,
gnie
positif
et
historique,
rsumant
philosophique-
ment
la
guerre
de
trente
ans
et
sachant
tirer
de
cet
enseignement
vivant
son
frait
de
la
Paix
et de
la
Guerre.
Vient
se
placer
ctegde
sa
gloire
le
juif
le
plus
hardi
et le
plus
audacieux;
qui
ait
paru dans
la
philosophie.
Spinosa
rompt
ouvertement
non-seulement
avec
la
synagogue
,
-
7/25/2019 Philosophie Du Droit Par E. Lerminier
69/355
de
louvrage.
6i
mais
avec
toutes
les
autorits
historiques
et re-
ligieuses
qui le prcdent; il
senferme
dans
sa
pense
avec
une
indpendance inouie,
refuse
une
chaire
Heidelberg,
doutant
un
peu
de
Yamplissima
philosophandi
libertate
quon
lui
promettait, construisant
un
systme
complet
du
monde,
de
Dieu et
de
lhomme; faisant,
comme
Platon,
dcouler
sa
politique
et
son
droit
natu-
rel
de sa mtaphysique.
LAllemagne ne peut se
faire
attendre dans
Cette
arne
de
la
pense.
Kant
et
Fichte
parais-
sent
et
donnent
une
base vraiment
philosophi-
que
au
droit
naturel
si faiblement
tabli
par
Thomasius
et
par
Wolf.
La
philosophie
politi-
que
de
Kant, dont
nous
avons
tli
ailleurs
trac
lesquisse
*,
nous
conduira
lidalisme
de
Fichte
qui cre
tout, Dieu
et
le
monde.
Schelling
et
Hegel
viennent
ensuite
arracher
la
philosophie
ce monologue
solitaire du
professeur
dIna,
tentent
de
rsumer dans une mme
unit
la
nature,
lhistoire et la pense.
Le
droit
natu-
rel,
de Hegel
nous offrira
surtout
une
vue
cri-
tique
admirable
sur
lhistoire
du
pass,
mais
pas
de
tendance
'vers lavenir,
mais
dans
lapplica-
ti8h
pratique
quelque
chose de
stagnant
et
dil-
libral.
*
Introduction
gnrale
A
lhistoire
du droit,
chap.
xvi.
Kant
considr
sous
les rapports
moraux
et juridiques-
-
7/25/2019 Philosophie Du Droit Par E. Lerminier
70/355
62
PLAN
Enfin,
arrivant
la
France,
nous
nous
arrte-
rons
devant
Rousseau. Tandis
que
Montesquieu,
majestueux
patricien,
promne
ses
regards
sur
lhistoire du monde, et les
y
maintient
avec
une
inaltrable srnit *,
Rousseau,
fils
dun
horlo-
ger, arrivant
quarante
ans
la
pense
et
la
littrature
travers
une
vie
pleine
damertume
et
de
dtresse,
bat
en
ruine
lordre
tabli
et
trace
le
Contrat
social.
Ne lui
demandez
pas
limpar-
tialit
savante
de
Montesquieu;
sa
mission
est
autre.
Ainsi Montesquieu,
dans
une
uvre
pleine de
calme et
de
proportion,
droule
une
inpuisable
suite
de
tableaux
pittoresques et
dramatiques;
il
considre
curieusement
la
foda-
lit
et
lui consacft
la
fin
de son Esprit des
lois.
Jean-Jacques,
aTi
contraire,
la fltrit
de
quelques
phrases
fougueuses;
sans
impartialit,
car il
doit
accuser
et
dtruire;
sans
rudition
sur
le
pass,
car
il doit sagiter
dans
les
pressentimens
dun
avenir
vague.
Il
sinspirera,
pour lhistoire
des
passions,
de
Richardson;
pour la
morale
et
pour
la
politique
,
de Plutarque
,
de
Montaigne
et de
Locke;
il
ptrira de
tous ces
emprunts
une u-
vre
brlante, et, la
jetant
dans
son
sicle, il
entranera ses
contemporains
par
sa
divine
lo-
quence
des
commotions inouies.
**
Voyez
Introduction
gnrale
lHistoire
du
Droit-
Montjes-
QiiKi,
chap-
xiv-
-
7/25/2019 Philosophie Du Droit Par E. Lerminier
71/355
de
louvrage.
63
La
rvolution
franaise,
voil
le philosophe
qui
succde
Rousseau.
Nous
examinerons
les
hom-
mes
quelle
a suscits.
Et
dabord
voici
venir
un adversaire
passionn
de
cette
rvolution;
il
a de
trs-bonne
foi
contre elle
linjure
la
bouche
et lindignation
dans
le cur;
il
sarme
dune ironie
qui
brle, dune
invective qui ne
tarit
pas,
et
dun
bonheur
dexpressions
de
colre
qui
fait
frmir
le
lecteur.
Qui
na
pas
nomm
M.
de Maistre?
cest
le
vengeur
du
pass,
cest le
Michel-Ange
de
la
philosophie catholique
:
ar-
tiste
de gnie, il
mrite
de
comparatre
dans
cette vocation
de
penseurs
depuis
Platon
jus-
qu
la
rvolution
franaise.
Nous
pouvons
lad-
mirer
tout en
le
blmant;
notre
cause,
nous
amis
de
la libert,
est
assez
bonne
pour
nous
laisser
tre
justes;
cest
nous
confesser
la
v-
rit sur
toute
chose
et
sur
tout
homme,
saluer
la
gloire partout o
elle se
trouve,
mme
dans
les rangs ennemis.
Mais il
est
trois hommes
sur lesquels
avec
plus
de
plaisir,
je
lavoue,
je reporte
ma pense,
Condorcet,
Saint-Simon, Benjamin
Constant.
Le
premier
a
disparu
dans
les
orages
de
notre
pre-
mire
rvolution
;
le
second est
mort
avec calme
et
foi dans
lavenir
sous la
restauration;
le
troi-
sime
a
expir
aprs
avoir
vu
le
rveil
de
la
li-
bert;
esprons
fermement
quil
na
pas
dout
de
-
7/25/2019 Philosophie Du Droit Par E. Lerminier
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PLAN
4
ses
destines futures. Ils
sont
tous trois
reprsn-
tans
lgitimes de
la
rvolution
franaise
:
Con-
dorcet a
dadmirables
instincts
sur
la
philoso-
phie
de
lhistoire;
Saint-Simon
pose
et
travaille
puissamment
rsoudre
le
problme
de lasso-
ciation
;
Benjamin
Constant
voue
son
esprit
tendu,
si
vif,
si
vari,
si
gracieux
et
si
juste,
la
dfense
de
la
libert
et
des
garanties
politi-
ques.
Aprs avoir parcouru
lhomme,
la
socit,
lhistoire
et la
philosophie,
nous
pourrons con-
venablement'
dfinir
et
asseoir la
science
de la
lgislation
dans
la
cinquime
partie
de
ce
livre
:
nous
la
distinguerons
de
la
science
du
droit
proprement
dite,
nous dfinirons
ses
rapports
avec
lconomie
politique,
avec
la
philosophie
y
avec
la
religion.
La
lgislation
pose,
nous exa-
minerons
comment
aujourdhui
elle doit
tre
faite
et
rdige
:
cest
le
problme
de
la
codifica-
tion; comment
applique:
cest
celui des
insti-
tutions
judiciaires.
Nous finirons
en interrogeant
dun
regard
les
destines futures
de
la
science et
de lhumanit.
Le
xvm*
sicle
nous
a
conquis
la
libert,
et
nous
a
ncessairement
encombrs
de
ruines;
sous
lempire
la
pense se
reposa
un peu :
on
tait dans
les
camps;
pendant
la
restauration
on
vcut
peu
dans
les
camps,
beaucoup
avec
-
7/25/2019 Philosophie Du Droit Par E. Lerminier
73/355
DE
louvrage.
65
les
livres; on
sinstruisit avec sincrit;
mais
par
une
invitable
raction
on
fut
enclin
croire
que
le
pass pouvait souvent
devenir
lgitime
par
la connaissance
que
lon
acqurait
et
les
raisons que
lon
en
donnait.
Il
faut
sortir
de
cette
disposition,
qui conduit
les
esprits
et
les
peuples lapathie, et
dont au surplus
le
temps
est
pass.
Ainsi
lcole
historique
allemande,
si
,
fertile en riches
matriaux,
semble
tre
close
dans
ses
vritables
rsultats
:
le grand
Niebuhr
est mort,
et
apparemment
la disparition
des
individus signifie
quelque
chose.
Que
lhistoire soit
donc dsormais
pour
nous
la
conscience
du pass
et de
lavenir,
un
appui
des
inductions
philosophiques.
-
7/25/2019 Philosophie Du Droit Par E. Lerminier
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CHAPITRE
II.
De
lindividualit-
Le
lyrique
grec, dans
une
de
ses
Pythiques,
proposant
quelque
chose
Arcsilas
de
Cyrne
sous
des
paroles
nigmatiques et
obscures,
lui
dit
de
prendre la
sagesse
dOEdipe
*.
Que tout
homme
qui essaie
douvrir
la
bouche
sur
lui-
mme
et
sur
la
nature des
choses profite
de
lavis du pote,
et
quil
sarme,
sil
petit,
de
la
sagesse
'dOEdipe.
Pourquoi fut-
il donn
au
fils de
Laus
de
percer
lnigme
et la
poitrine
du
sphinx
sur
le
mont
Phicus?
cest
quil
avait
souffert
et
com-
battu;
et
il acheta,
au
prix
dune
vie tragique,
dexpliquer et de
reprsenter au
monde
le
des-
*
rv6i
vv
tov OliimSa.
aofia.
1 .
PytHIA,
carm.
IV,
V. 467.
-
7/25/2019 Philosophie Du Droit Par E. Lerminier
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DE
LINDIVIDUALIT.
67
tin,
comme
plus
tard
le
Christ
versa
son
sang
pour
expliquer
et
reprsenter la
Providence.
Douloureuse et
profonde leon
Il
faut
donc
souffrir
pour apprendre et agir;
et tant
que
lme na pas pass par le
feu, que
voulez-vous
attendre de cette
salamandre
qui na
pas
subi
son
preuve
Oui,
lisez
ce
quont crit les
hommes,
compulsez
les
penseurs,
extnuez-vous sur les
philosophes,
usez-vous
dans des
veilles ardentes,
errez dans les cits
et
parmi
les
hommes sans
les
regarder
ni les voir,
mais
la tte
pleine
de
spculations
infinies
:
eh
bien
quavez-vous
re-
cueilli?
quels
fruits?
quelle
moisson?
Jentends
la
rponse
mle^dun
clat
de
rire
dans
la
bou-
che
dHamlet
: des
mots
,
des
mots,
des
mots.
Mais
quun
jour
la
foi
en quelque
chose
se soit
empare
de vous,
vous
anime
et vous
possde,
puis
languisse
et
vous
dlaisse,
vous
ressaisisse
encore
pour vous
quitter; que vous vous
soyez
trouv
le
courage
dagir
une
fois
la
face
de
tous
selon
votre pense ;et votre
dsir
:
alors, quels
que
soient
lissue
et
le dnoment
de
cette
lutte
avec
vous-mme
et
la
vrit,
dussiez
-vous
en
sortir en
lambeaux,
au
moins
vous
aure
![[Moutsopoulos, E.] La Philosophie de La Musique Da(BookFi.org)](https://static.fdocuments.fr/doc/165x107/55cf99db550346d0339f84eb/moutsopoulos-e-la-philosophie-de-la-musique-dabookfiorg.jpg)
