Phenomena - Guillaume Beauvais

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«Un jour, on s'étonnera de notre timidité, de notre besoin de rechercher un alibi artistique.» -André Breton Hommage à Louise Michel Louise Michel, institutrice et révolutionnaire française, est une figure marquante de la Commune. Accusée des pires crimes (et de celui d'avoir porté le pantalon) pour sa participation à la Commune, elle réclama la peine de mort devant le tribunal, qui la condamnera à la déportation en Nouvelle- Calédonie. À son retour en France quelques années plus tard, elle prit maintes fois la parole, avec une verve pamphlétaire, lors de conférences populeuses et de réunions politiques. Je suis Guillaume Beauvais, étudiant en science politique à la maîtrise, ancien membre du groupe révolutionnaire critique Hors-d'Øeuvre. Mon mémoire consiste en un essai de philosophie et d'économie politiques à propos de la culture disséquée d'un point de vue révolutionnaire. Y sont entre autres analysées la philosophie esthétique adornienne et l'histoire des avant-gardes culturelles au vingtième siècle. Je vous soumets la proposition de réaliser une intervention d'environ dix minutes à un Laboratoire Phénomena, si possible le dimanche 13 avril. Il s'agirait d'une modeste exploration en vue de briser la paix qui s'est établie dans le domaine de la culture entre utopie et économie. Je veux m'adresser à cette nouvelle couche sociale, formée de créateurs, d'esthètes, d'artisans et autres intellectuels, que certains sociologues appellent la creative class et qui constituent l'essentiel du public de Phénomena. Cette couche sociale, s'inspirant des avant-gardes passées, exprimant un certain raz-le-bol des œuvres préfabriquées, a participé à l'importante entreprise de diversification de la production culturelle dont le festival Phénomena peut être considéré comme l'une des belles réussites à Montréal. Cependant, la conscience politique de cette classe n'est pas aussi pointue qu'elle a bien voulu le croire en 2012. Elle manque d'ambition, est pleine de contradictions et explique presque à elle seule l'alarmant taux de pauvreté qui existe dans le milieu. Mon intervention ne serait pas d'ordre artistique. Il s'agit d'une adresse à mes semblables pour que renaissent de ses cendres une réelle volonté politique, capable de transformer la vie quotidienne, afin qu'elle soit véritablement basée sur les possibilités infinies de la création plutôt que sur la puissance aveugle des échanges économiques. La forme pamphlétaire, si chère tant à Louise Michel, qu'aux

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«Un jour, on s'étonnera de notre timidité,de notre besoin de rechercher un alibi artistique.»

-André Breton

Hommage à Louise Michel

Louise Michel, institutrice et révolutionnaire française, est une figure marquante de la Commune.

Accusée des pires crimes (et de celui d'avoir porté le pantalon) pour sa participation à la Commune,

elle réclama la peine de mort devant le tribunal, qui la condamnera à la déportation en Nouvelle-

Calédonie. À son retour en France quelques années plus tard, elle prit maintes fois la parole, avec une

verve pamphlétaire, lors de conférences populeuses et de réunions politiques.

Je suis Guillaume Beauvais, étudiant en science politique à la maîtrise, ancien membre du groupe

révolutionnaire critique Hors-d'Øeuvre. Mon mémoire consiste en un essai de philosophie et

d'économie politiques à propos de la culture disséquée d'un point de vue révolutionnaire. Y sont entre

autres analysées la philosophie esthétique adornienne et l'histoire des avant-gardes culturelles au

vingtième siècle.

Je vous soumets la proposition de réaliser une intervention d'environ dix minutes à un Laboratoire

Phénomena, si possible le dimanche 13 avril. Il s'agirait d'une modeste exploration en vue de briser la

paix qui s'est établie dans le domaine de la culture entre utopie et économie. Je veux m'adresser à cette

nouvelle couche sociale, formée de créateurs, d'esthètes, d'artisans et autres intellectuels, que certains

sociologues appellent la creative class et qui constituent l'essentiel du public de Phénomena. Cette

couche sociale, s'inspirant des avant-gardes passées, exprimant un certain raz-le-bol des œuvres

préfabriquées, a participé à l'importante entreprise de diversification de la production culturelle dont le

festival Phénomena peut être considéré comme l'une des belles réussites à Montréal. Cependant, la

conscience politique de cette classe n'est pas aussi pointue qu'elle a bien voulu le croire en 2012. Elle

manque d'ambition, est pleine de contradictions et explique presque à elle seule l'alarmant taux de

pauvreté qui existe dans le milieu.

Mon intervention ne serait pas d'ordre artistique. Il s'agit d'une adresse à mes semblables pour que

renaissent de ses cendres une réelle volonté politique, capable de transformer la vie quotidienne, afin

qu'elle soit véritablement basée sur les possibilités infinies de la création plutôt que sur la puissance

aveugle des échanges économiques. La forme pamphlétaire, si chère tant à Louise Michel, qu'aux

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avant-gardes artistico-politiques du vingtième siècle – je pense ici aux dadaïstes allemands, aux

surréalistes et aux situationnistes –, souffre du relativisme culturel inhérent au postmodernisme. Y

aurait-t-il encore façon d'y rendre hommage aujourd'hui, de provoquer les secousses tant souhaitées?

Par un monologue, prétendant à une certaine valeur lyrique et appartenant à l'art oratoire, je voudrai

jeter les bases d'un nouveau dialogue politique, capable de combattre le spectacle et le symbolisme qui

se sont maintes fois substitués à l'engagement révolutionnaire. Par moments, mon intervention

s'apparentera à une acte de désolidarisation, cherchant à critiquer radicalement les effets dévastateurs

de l'idéologie dominante sur ce nouveau prolétariat que sont les travailleurs et les travailleuses

(autonomes) de la classe dite créative.

Au fond, cent ans après les ready-made, peut-être que ma démarche artistique réside dans mon refus de

me réclamer de la création artistique. Mais cela m'importe peu. La qualité de mon intervention est

tributaire de la même volonté d'épanouissement que celle des artistes – ou des sportifs et des

scientifiques – soit celle de pratiquer une activité inventive qui saurait dépasser la simple

autoconservation de soi.

Je n'ai jamais réalisé une telle expérimentation, à laquelle je songe depuis des siècles, inspiré que je

suis par la forme happening. Il s'agira en outre, en accord sur ce point avec l'esthétique brechtienne, de

revaloriser le caractère didactique derrière tout type de création culturelle. Je serais heureux de pouvoir

profiter de la tribune et du lieu d’expérimentation qu'offre le Laboratoire Phénomena aux créateurs

inclassables dont j'aimerais faire partie.

Je n'ai pas à proprement parler de c.v. artistique, mais je vous laisse ci-joint les liens vers deux

productions auxquelles j'ai participé, soit un article dans une revue autoproduite et vendue à plus de

quatre cents exemplaires, et un film pour lequel j'ai œuvré dans l'équipe de production.

http://www.hors-doeuvre.org/objet/revue/le-suicide-est-il-une-solution

http://vimeo.com/47406886