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PEUT-ON PEINDRE LA MER EN SON ENTIER ?

Un navigateur solitaire sur la mer des mots

Julos BEAUCARNE, d’après un conte chinois

C'était dans un pays lointain, il y a longtemps, il y a mille ans, peut-être davantage. Comment se fait-il que je

m'en souvienne ? Mon grand-père me l'a raconté qui le tenait lui-même de son grand-père, qui le tenait lui-

même de son grand-père, qui le tenait lui-même de son grand-père. Il y a très longtemps donc, un roi dut

qui*er à la hâte son pays, il eut juste le temps d'emporter sous son bras une peinture qui représentait son

palais jouxtant la mer, les arbres et la végéta/on mais il était par/ si vite que le peintre n'avait pas eu le

temps de finir la peinture et la mer n'était pas peinte en son en/er mais peut-on peindre la mer en son en-

/er ?

En son exil, le roi eut un fils. Lorsque l'enfant mangea dans ses trois ans et que ses yeux furent assez

aiguisés pour dis/nguer le vert du bleu et l'orange du rouge, le roi son père prit l'habitude de lui montrer

chaque jour la peinture afin que, loin de son pays, l'enfant garde en mémoire le palais jouxtant la mer et les

arbres et la végéta/on. Il lui expliquait "La mer n'est pas finie. Si je rentre chez nous un jour, j'appellerai le

peintre pour qu'il la termine, pour qu'il peigne la mer en son en/er". Il pensait à part soi " Peut-on peindre

la mer en son en/er ?

" Le prince son fils était émerveillé des merveilleuses couleurs du magnifique palais jouxtant la mer et des

arbres et de la végéta/on. Il se passa bien des années ; le roi mourut comme cela arrive aux meilleurs,

comme ça m'arrivera inévitablement et comme cela vous arrivera sans doute. Et quelque temps plus tard,

son fils vint dans le pays de son père et il vit enfin en vraie vue le palais jouxtant la mer, et les arbres et la

végéta/on.

Mais lorsqu'il vit en vraie vue ce qu'il n'avait jamais vu qu'en peinture, il fut profondément déçu. Il fit

chercher partout le peintre qui était très vieux et lui dit : "Tu m'as, par ta peinture, totalement jeté dans

l'erreur, ce que tu as peint jadis pour mon père est bien plus beau que la réalité, et pour ce mensonge, pour

ce*e illusion dans laquelle je suis resté pendant tant d'années à cause de toi, je veux te tuer. Mais avant

cela, je veux que tu finisses la peinture, je veux que tu peignes la mer en son en/er". Il pensait à part soi

"Peut-on peindre la mer en son en/er ?"

Le vieux peintre, tremblant, se fit apporter ses pinceaux et ses couleurs, il peignit le restant de la mer si

bien, de façon si vraie que la mer qu'il avait peinte se mit à déborder de la peinture et à envahir la pièce du

palais où se trouvaient le jeune prince et sa cour. Ensuite, le vieux peintre, dans l'eau jusqu'à la taille peignit

une barque, un mat et une voile et, devant le prince et la cour médusés, il embarqua, peignit un vent qui

soufflait à tout rompre, hissa la voile et disparut à l'horizon de sa propre peinture.

Les Trocs

ANTOINE ET JULIE Conte adapté d’après la nouvelle « Les Trocs » dans « Les amours » de Henri Pourrat chez

Gallimard

Il y avait une fois, bou/que de bou/que, un homme, Trempelune, sa femme, la Margoton. Lui, fin comme

un cent de navets. Il aurait pris un âne pour un cabri. Si bien que la maison ne se faisait pas maison et que la

femme aurait eu de quoi crier.

- Jean que fait ta femme ?

- Quelquefois mange, autrement crie ou clame.

Comme elle n’avait pas tellement à manger, la Margoton était en droit de crier sans cesse. Mais elle ! Douce

d’humeur comme duvet d’oison sous la plume.

Cependant un beau soir, elle dit à son homme :

« Dites, mon homme, que ferons-nous ? Plus de pain dans la huche, plus de sous dans la bourse. Vous

devriez faire comme mon pauvre oncle de Saint-Éloi-la-Glacière, qui s’était mis à troquer, à troquer… Quand il est

mort, il avait dix mille francs de de*es, c’est vous dire qu’il était devenu un personnage.

- Mais, pauvre femme, moi, vois-tu bien, je n’ai pas appris à troquer.

- Ce n’est pas sorcier, mon homme, vous changez ce que vous avez contre ce que vous n’avez pas. Nous

n’avons plus qu’une vache : partez avec, à val le vent. Oui, partez avec elle, demain, puisque c’est la foire à la ville,

et commencez ce commerce de trocs. »

Le lendemain, Trempelune se lève, a*ache la bête par la corne et, tenant le bout de ce*e corde, part pour

la foire avec sa vache.

Enlevant le pas, il chantait :

Alleluia ! Les choux sont gras !

Si Monsieur le curé ne les aime pas

La Margoton les mangera.

Au premier carrefour, il tombe sur un homme de par là qui, lui, menait une bique.

« Où vas-tu, Trempelune ?

- Troquer ma vache.

- C’est-à-dire?

- La changer contre quelque autre chose.

- Eh bien, faisons affaire. Change-la contre ma chèvre.

-Fait est ! Ce sera bien un troc. »

Il troque donc la vache contre la bique et con/nue d’aller.

Un peu plus loin, tombe sur un autre homme qui, lui, portait une oie.

« Où vas-tu, Trempelune ?

- Troquer ma chèvre.

- C’est-à-dire ?

- La changer contre quelque autre chose.

- Eh bien, faisons affaire. Change-la contre mon oie.

- Fait est ! Ce sera bien un troc. »

Et puis, il a troqué, troqué encore : l’oie contre un coq, le coq contre un panier de croIn.

Le soir, retournant de la foire, avec ce panier, il rejoint son voisin du ma/n, l’homme de la bique*e.

« Alors, mon Trempelune ?

- Alors, tu vois, j’ai troqué, j’ai troqué. Ma vache contre ta bique, puis ta bique contre une oie.

- Ta femme ne sera pas trop contente de te voir ramener une oie, toi qui avait emmené une vache !

- La femme ? Ha, tu ne la connais pas ! Toujours contente, toujours trouvant tout bon sans sauce… Du reste,

j’ai aussi troqué l’oie , l’ai troquée contre un coq.

- Eh bien, j’entends la femme d’ici ! Tu peux te sen/r dans de mauvaises chaussures.

- La Margoton ? Moi je te dis qu’elle sera contente… Du reste aussi, j’ai troqué le coq, je l’ai troqué contre ce

panier de croIn.

- Elle va te dévorer à gueule ouverte, pauvre ami.

- Ha, que non pas ! M’embrasser plutôt comme pain chaud.

- Parions que non, Trempelune.

- Je parie que si, voisin.

- Ta vache valait trois pistoles. Eh bien, j’en parie douze que tu vas te faire dévorer quand ta Margoton verra

où t’ont mené tes trocs.

- Voisin, pari tenu. Je connais ma Margoton.

- Et moi, je connais les femmes, peut-être. »

Ils arrivent au village, entrent chez la Margot.

« Eh bien, mon homme, avez-vous bien troqué ?

- Eh bien, ma femme, d’abord la vache contre une chèvre.

- Ha, tant mieux. Je ferai des chèvretons. Tant comme je les aime !

- Mais j’ai troqué la chèvre contre une oie…

- Ah, tant mieux. Je manquais de duvet pour la coue*e.

- Mais j’ai troqué l’oie contre un coq.

- Ah, tant mieux. Votre chante-ma/n nous éveillera tôt et longue ma/née fait, dit-on, la bonne journée.

- Mais j’ai troqué le coq contre ce panier de croIn.

- Ha, mon homme, tant mieux ! Nous ferons pousser quelque bouquet qui égayera tout le jardin !

- Tiens, Trempelune, dit le voisin, voilà tes douze pistoles. Je te les donne de bon cœur, car je ne pensais de

tout mon âge voir une femme comme la /enne. Ne va pas la troquer surtout ! Tu n’en trouverais pas la pareille. »

La rate noyée dans la marmite

Le rat avait pris un défrichement par écobuage. Il était allé (à son travail) de bon ma/n, et, de temps en temps, il

regardait si la rate ne venait pas lui crier pour manger la soupe. A la fin, il se lassa d’a*endre et vint à la maison.

Il n’y trouva pas la rate ; mais les tranches de pain pour la soupe étaient taillées (li*éralement la soupe était

taillée) ; et, comme il avait faim, il prit la casse pour la tremper. A la première cassée, il (puisa) porta la rate dans la

casse. La pauvre rate, en voulant goûter la soupe, était tombée dans la marmite.

Le rat s’assied sur le banc et se met à pleurer :

- Qu’as tu rat ? lui dit le banc

- la rate s’est noyée et moi je pleure.

- Et bien ! moi, je vais faire du bruit avec mes pieds !

Le banc fait du bruit avec ses pieds.

- Qu’as tu banc ? lui demande la table.

- La rate s’est noyée, le rat pleure et moi je fais du bruit avec mes pieds.

- Et bien ! moi je vais me secouer !

La table se secoue.

- Qu’as tu la table ? lui dit le balai

- La rate s’est noyée, le rat pleure, le banc fait balin-balan et moi je fais taulin-taulan.

- Et bien ! moi je vais faire baladin-baladan !

- Qu’as tu balai ? lui dit la porte

- La rate s’est noyée, le rat pleure, le banc fait balin-balan, la table fait taulin-taulan et moi je fais baladin-baladan.

- Et bien ! moi je vais faire barre-tanque !

La porte fait barre tanque.

- Qu’as tu la porte ? lui dit l’escalier

- La rate s’est noyée, le rat pleure, le banc fait balin-balan, la table fait taulin-taulin, le balai fait baladin-baladan et

moi je fais barre-tanque ;

- Et bien ! je vais faire monte-descend !

L’escalier fait monte-descend.

- Qu’as tu escalier ? lui dit le tas de fumier

- La rate s’est noyée, le rat pleure, la banc fait balin-balan, la table fait taulin-taulan, la balai fait baladin-baladan, la

porte fait barre-tanque et moi je fais monte-descend.

- Et bien ! moi, je vais fumer !

Le tas de fumier fume.

- Qu’as tu tas de fumier ? lui dit la poire du poirier

- La rate s’est noyée, le rat pleure, le banc fait balin-balan, la table fait taulin- taulan, le balai fait baladin-baladan, la

porte fait barre-tanque, l’escalier fait monte-descend et moi je fume .

- Et bien ! moi je vais pourrir !

La poire du poirier pourri .

- Qu’as tu la poire ? lui dit la pie.

- La rate s’est noyée, le rat pleure, le banc fait balin-balan, la table fait taulin-taulan, le balai fait baladin-baladan, la

porte fait barre-traque, l’escalier fait monte-descend, le tas de fumier fume et moi je pourris.

-Et bien ! moi je vais m’épouiller sur la fontaine !

La pie s’épouille sur la fontaine.

- Que fais-tu pie ? lui dit la fontaine.

- la rate s’est noyée, le rat pleure, le banc fait balin-balan, la table fait taulin-taulan, le balai fait baladin-baladan, la

porte fait barre-traque, l’escalier fait monte-descend, le tas de fumier fume, t et moi je m’épouille sur la fontaine.

- Et bien ! moi, je vais écumer !

La fontaine écume.

- Que fais-tu fontaine ? lui dit la servante qui venait

- La rate s’est noyée, le rat pleure, le banc fait balin-balan, la table fait taulin-taulan, le balai fait baladin-baladan, la

porte fait barre-tranque, l’escalier fait monte-descend, le tas de fumier fume, la poire du poirier pourrit, la pie

s’épouille sur la fontaine et moi je m’écume.

- Et bien ! moi, je vais casser la cruche.

La rate s’est noyée

Le rat pleure

Le banc du bruit avec ses pieds,

La table se secoue,

La balai fait baladin-baladan

La porte fait barre-tranque

L’escalier fait monte-descend

Le tas de fumier fume

La poire du poirier pourrit

La pie s’épouille sur la fontaine

La fontaine s’écume

La servante a cassé la cruche.

Lo gal cantet (le coq a chanté)

E la sorneta finiguet. (et le conte est terminé)

FLUTI, FLUTA, QUI M’ENTENDRA ?

MIROIR DES CONTES (Lily BOULAY)

Dame araignée qui*e sa toile pour se promener dans son grenier.

Tout à coup, elle découvre une flûte. Enchantée par sa trouvaille, elle grimpe sur sa toile en flu/flutant :

Flu/, fluta, qui m’entendra ? Flu/, fluta qui passe par là ?

C’est moi le mous/que ; j’aime bien ta musique …

Viens danser sur ma toile !

Les voilà deux à présent, le mous/que dansant et l’araignée flu/flutant :

Flu/, fluta qui m’entendra ? Flu/, fluta qui passe par là ?

C’est moi la mouchele*e, qui m’en viens faire la fête …

Viens danser sur ma toile !

Les voilà trois à présent, mous/que, mouchele*e dansant et l’araignée flu/flutant :

Flu/, fluta qui m’entendra ? Flu/, fluta qui passe par là ?

C’est moi le papillon qui sais danser, voler tourner en rond …

Viens danser sur ma toile !

Les voilà quatre à présent, mous/que, mouchele*e, papillon dansant et l’araignée fu/flutant :

Flu/, fluta qui m’entendra ? Flu/, fluta qui passe par là ?

C’est moi le souriceau qui connais le tango …

Viens danser sur ma toile !

Les voilà cinq à présent, mous/que, mouchele*e, papillon , souriceau dansant et l’araignée flu/flutant :

Flu/, fluta qui m’entendra ? Flu/, fluta qui passe par là ?

C’est moi l’hirondelle qui vole à /re-d’aile…

Viens danser sur ma toile !

Les voilà six à présent, mous/que, mouchele*e, papillon, souriceau, hirondelle dansant et l’araignée flu/flutant…

Ils jouent, jouent, jouent et sont si excités que la toile est prête à craquer ….

Réveillé par tout ce bruit, Maître balai sort de son lit :

- FroI, fro*a, je passe par là

- FroI, fro*a et je chasse tout ça ! Crac ! Boum !... PRt !...

Sauve qui peut !

La fête est bien finie

Chacun file au logis …

Mmes Cornu, Barbier, Dubois, Caujolles, Lesage

(Journées d’étude sur le Conte)

Tante Cerise

« Bonjour tante Cerise ! Viendrais-tu avec moi au marché ? » « Je veux bien, mais qui gardera ma maison ? »

« La pe/te poule blanche ! »

« Où est la pe/te poule blanche ? »

« Sous le banc ! »

« Où est le banc ? »

« Le feu l’a brûlé ! »

« Où est le feu ? »

« L’eau l’a éteint ! »

« Où est l’eau ? »

« Les vaches l’ont bue ! »

« Où sont les vaches ? »

« Dans le pré ! »

« Où est le pré ? »

« Les oiseaux l’ont tout picoré ! »

« Où sont les oiseaux ? »

« Envolés dans la forêt ! »

« Où est la forêt ? »

« La chèvre l’a mangée »

« Où est la chèvre ? »

« Le loup l’a dévorée ! »

« Où est le loup ? »

« Il est partout ! »

Si rencontres un loup, n’aies pas peur de lui !

Regarde-le droit dans les yeux,

A*rape-le par la queue,

Et tourne, tourne, tourne,

De plus en plus vite, de plus en plus vite, de plus en plus vite,

Au-dessus de ta tête !

Puis tu le lâches et vrmmmmmmmmmmmm !

Il file comme une fusée jusque dans la lune !

Regarde toutes les taches qui salissent la lune quand elle est toute ronde :

Ce sont les loups que ta mère, ton père, ta grand-mère, ton grand-père ont lancés dans la lune quand ils étaient

pe/ts.

Le tailleur

A quelques rues d’ici, vivait autrefois, un tailleur qui pensait que la vie, c’était comme un beau morceau

d’étoffe.

Et qu’il suffisait de tracer, de tailler, de piquer et de coudre pour se faire une belle vie comme on se fait un

bel habit.

Et comme il était ambi/eux, et avait envie de réussir, il choisit le plus beau /ssu de sa bou/que, prit ses

ciseaux, ses aiguilles et son fil, et il traça, puis, il tailla, piqua et cousu le /ssu pour se faire un beau costume, qu’il

portait chaque jour, et dont il prenait grand soin.

Le costume était si beau que tous ceux qui le croisaient s’arrêtaient et le

saluaient. Il était persuadé qu’il allait ainsi pouvoir conquérir le monde.

Et le temps passé … Et le temps, ça use ! Le costume s’est usé.

Notre tailleur a du reprendre ses ciseaux, ses aiguilles et son fil. Il se remit à l’ouvrage : il traça, puis, il tailla,

et piqua et cousu … et avec ce qui restait du costume, il se fit un gilet, revoyant ainsi ses ambi/ons à la baisse. Mais

les gens qui le croisaient, le trouvaient très beau dans son gilet.

Et le temps passé … Et le temps, ça use ! Le gilet s’est usé.

Alors, notre tailleur reprenant ses ciseaux, ses aiguilles et son fil, traça, tailla, piqua et cousu, et il transforma

ainsi ce qui restait du gilet, en cravate. Une si belle cravate, que les gens quand ils le croisaient, croyaient croiser un

prince. Et il croyait encore que le monde lui appartenait, … au moins en par/e !

Et le temps a passé … Et le temps, ça use ! La cravate s’est usée.

Et notre tailleur dut encore reprendre ses ciseaux, ses aiguilles et son fil, et se reme*re à l’ouvrage. Mais il

restait si peu d’étoffe qu’il ne put faire plus grand qu’un mouchoir. Mais pas n’importe quel mouchoir : celui, de si

belle étoffe qu’on le met dans la poche des vestes des habits du Dimanche. Si bien que lorsqu’on le croisait le

Dimanche avec sa poche*e de si belle étoffe, on avait l’impression de croiser un grand homme.

Et le temps a passé … Et le temps, ça use ! Le mouchoir s’est usé.

Et quand le mouchoir fut usé, il ne put reprendre ces ciseaux pour tailler, tellement il restait peu de fils !

Mais, en regardant au milieu des fils, son œil fut aIré par l’un d’eux, plus brillant que les autres, et qu’il reconnut,

pour l’avoir façonné, et taillé, et cousu, d’abord dans le costume, puis sur le gilet, dans la cravate, et maintenant il

le retrouvait dans le mouchoir.

C’était en quelque sorte le fil qui l’avait accompagné dans sa vie, l’avait guidé dans son histoire.

D’ailleurs, ne dit-on pas qu’il ne faut jamais perdre le fil de son histoire ?

Car les histoires, ce sont elles qui perme*ent de faire passer le temps. Elles sont en quelque sorte le fil qui

nous raccroche à la vie.

Allez, gardez le fil de votre histoire, tenez le fil de votre vie, et … longue vie à vos rêves.

La pe'te Hammama

Tak-tar-tallak ! tak-tar-tallak !

Le méchoui est sur les feuilles :

Je mange, toi aussi et toi, et toi encore !

Seul le pe#t dernier a été oublié par Allah le très grand !

La pe/te Hammama balaye sa maison. Le balai passe et repasse dans les coins et les recoins. La pe/te Hammama chante tout en balayant. Mais qu’est-ce qui brille dans les balayures ? Une pièce de dix sous !

« Qu’est-ce que je pourrais m’acheter avec cet argent ? se demande la pe/te Hammama.

Un bon morceau de graisse pour ma harira ?

Non, car j’aurais trop de déchets !

De la viande à griller sur le canoun ?

Non, car je m’étranglerais avec un os !

Du blé à rouler en couscous ?

Non, car j’y perdrais le son !

De l’orge alors, que j’écraserais en farine pour faire une gale*e ?

Non, car j’aurais autant de balle que de farine !

J’ai une bonne idée : du foie bien tendre ! Là, il n’y a rien à jeter ! »

Et la pe/te Hammama va chez le boucher avec sa pièce trouvée dans les balayures :

«Boucher, donne-moi pour dix sous de foie, s’il te plaît ! ».

Elle rapporte une tranche de foie qu’elle pose dans une assie*e sur la table. Puis, elle sort avec un seau chercher de l’eau.

A pe*e de velours, le chat entre dans la maison de la pe/te Hammama, saute sur la table et mange le foie.

Pauvre pe/te Hammama !

Je suis allée chez ma tante et mon bol s’est cassé !

La ville de Paris

Dans Paris, la grande ville est une rue.

Dans ce*e rue, il y a une maison.

Dans ce*e maison, il y a un escalier.

Dans cet escalier, il y a une chambre.

Dans ce*e chambre il y a une table.

Sur ce*e table, il y a un tapis.

Sur ce tapis, il y a une cage.

Dans ce*e cage, il y a un nid.

Dans ce nid il y a un œuf.

Dans cet œuf il y a un oiseau.

L’oiseau renversa l’œuf.

L’œuf renversa le nid.

Le nid renversa la cage.

La cage renversa le tapis.

Le tapis renversa la table.

La table renversa la chambre.

La chambre renversa l’escalier.

L’escalier renversa la maison.

La maison renversa la rue.

La rue renversa Paris la grande ville.

La soupe au caillou

Dondé

Dondéri déro,

Da doun darédou.

Ouvrez,

Ouvrez la porte !

Non, ce n’est pas le vent.

Ouvrez, ouvrez la porte :

C’est un homme passant....

Il était une fois un homme qui marchait sur une route. Un soldat. Il avait fait une guerre, au loin, mais il s’en fichait

bien : ce qui comptait surtout, c’était qu’elle était finie !

Et lui, il pouvait rentrer chez lui...

Seulement c’était loin, il avait marché longtemps, il était fa/gué, il avait froid, il avait faim....

Le soir était déjà tombé. Puis il a vu une pe/te lumière au loin. Alors il s’est approché de la maison. Il s’est mis

devant la porte.

Et il a chanté sa pe/te chanson :

« Ouvrez,

Ouvrez la porte !

Non, ce n’est pas le vent.

Ouvrez, ouvrez la porte :

C’est un homme passant.... »

La porte s’est ouverte....

C’était une pe/te vieille qui habitait là. Mais quand il a vu la grimace qu’elle a faite, il a compris qu’il était mal

tombé...

Elle a dit :

_Encore un ? Mais qu’est-ce que vous croyez ? On n’est pas riche, ici, dans le pays ! Il y a déjà pas assez à manger

pour les habitants, alors vous pensez ! S’il faut qu’on s’occupe de tous ceux qui passent ! Quand on a rien comme

toi, on se débrouille ! T’as qu’à manger de la soupe au caillou !

Et CLAC !

Elle a fermé la porte.

Lui, il s’est retrouvé dehors.

Dans la cour... Il a baissé la tête. Et alors, par terre, juste devant ses chaussures, il a vu....

un caillou !

Il l’a ramassé.

Il l’a fait tourner dans ses mains. Puis ça lui a donné une idée !

Il est retourné à la porte, il a frappé, et à travers la porte, il a dit :

_Perme*ez à un pauvre soldat qui revient de guerre d’avoir au moins une marmite avec un peu d’eau, et une place

sur le feu, pour faire cuire son caillou !

La vieille, elle a ouvert la porte... Elle n’en croyait pas ses yeux :

il était là, debout, avec son caillou.

C’est qu’il avait l’air sérieux ! Alors elle est rentrée chez elle. Elle a pris un chaudron, elle l’a rempli d’eau, elle a

posé ça sur le feu, puis elle a dit :

_Voilà !

Et lui, il est rentré.

Il a soulevé son caillou,

Et PLOUF !

Il l’a laissé tomber dans l’eau.

Elle s’est assise à côté, à le regarder.

Elle n’était pas très rassurée. Elle se disait :

« C’est un fou, celui-là ! »

Lui, il regardait son caillou... L’eau commençait à chanter. Et puis il a vu bientôt des milliers, des milliers de pe/tes

bulles d’argent qui sortaient de sous le ventre de son caillou, et qui montaient en se dandinant.

Et lui, HMM ! il respirait ça...

_Ha ! ha ! Ça t’étonne, hein, la vieille ? il a dit. Tu ne croyais pas si bien dire tout à l’heure ! Et bien justement ! La

soupe au caillou : c’est une rece*e de chez nous !

Il a pris une cuillère sur la table, et il a commencé à tourner.

Il a tourné, il a goûté, puis il a dit :

_Tiens, c’est vrai ça, je me rappelle ! Chez moi, on disait : il faut d’abord que l’eau accueille le caillou ! C’est que

c’est pas facile ça, chez nous, on a trouvé comment faire avec presque rien : chez nous, on met juste un peu de

sel... Mais bon. S’il n’y a déjà pas assez de sel pour les habitants, tant pis. On fera sans sel...

_Oh ! elle a dit, la vieille, bon ! bon ! Un peu de sel ? C’est pas le diable, quand même !

Elle s’est levée.

Elle est allée vers le mur.

Elle a pris un peu de sel.

Elle lui a donné. Et lui : FFFFF ! il a jeté ça dans la marmite.

Et il a tourné, il a goûté. Et alors il y a eu tout à coup un parfum étrange qui s’est répandu dans la cuisine. Puis il a

dit :

_Ça y est ! Je me rappelle ! On disait aussi : le meilleur, c’est ce qu’il y a à l’intérieur du caillou ! Seulement, il faut

aller le chercher ! Et ça, pour l’eau, c’est pas facile.....Oh, pour tourner autour d’un caillou, ça : elle sait faire ! Mais

pour entrer à l’intérieur...il faut l’aider. Chez nous, au pays, pour aider l’eau, eh bien... on ajoute un oignon. Mais

bon, oublions !

_Ooh ! elle a dit, la vieille, il faut pas exagérer ! Un oignon, je vais voir. J’ai peut-être bien encore un oignon, moi...

Elle va derrière. Elle fouille. Puis elle revient avec un oignon. Il l’épluche. Il le pique au bout de son couteau. Puis il

le fait tourner sur le feu. Et une fois bien chaud, bien doré, il le prend dans sa main,

Et CRAP,

CRAP,

CRAP,

Il le coupe,

Et il le je*e en pluie...

Il a tourné,

Il a goûté,

Il a tourné,

Il a goûté,

Puis il s’est arrêté, et il a dit :

_C’est vrai ! je me rappelle maintenant ! On disait aussi...que l’important, finalement, c’était la différence entre la

Pierre et l’Eau. C’est pas facile ça, hein ? C’est que ça ne se ressemble pas, ces deux choses-là, hein ? Eh bien chez

nous, on a trouvé un tout pe/t rien pour aider l’eau ! Nous, pour ça, on ajoute un peu de farine... Oui, mais enfin,

bon. S’il n’y a pas de farine pour les habitants...

Elle est revenue.

Elle a posé un morceau de papier tout froissé sur la table. Et lui, délicatement, il a écarté le papier : au milieu, il y

avait un tout pe/t morceau de beurre, tout perdu, tout pauvre.

Il tremblait.

Il avait peur.

Il les regardait tous les deux.

Il se demandait ce qu’on allait lui faire...

Alors le soldat a ouvert son couteau. TAC !

Il a coupé le beurre en deux. TAC !

Il a tapé son couteau sur le bord de la marmite,

et le beurre :PLOC ! il s’est retrouvé assis dans la soupe... Puis il a commencé à se sen/r bien... à laisser couler son

gros ventre tout doré...

Le soldat a tourné tout doucement, il a goûté, et il a dit :

-Perme*ez à un pauvre soldat qui revient de guerre de partager sa soupe au caillou avec celle qui lui a permis de la

faire !

Vous êtes mon invitée !

_Invitée ? Mais il ne faudrait pas se moquer du monde ! Je suis quand même chez moi ici !... Et puis c’est moi

l’invitée...

Ça lui a fait tout drôle. Et ça lui a ramené un vieux sourire. Elle a cru qu’elle en aurait pleuré !

Alors, toute ragaillardie, elle s’est levée. Elle a couru jusqu’à l’armoire. Et à chaque pas qu’elle faisait, elle gagnait

des années :

Soixante ans !

Cinquante ans !

Quarante ans !

Trente ans !

Vingt ans !

Une jeune fille !

_Ooooh ! il ne faut pas exagérer ! elle a dit la vieille.

Elle s’est levée.

Elle est passée derrière.

Elle a cherché.

Elle a fouillé.

Elle est revenue avec un pe/t sac de farine, qu’elle a posé sur la table.

Et lui, il a enfoncé la main dans le sac, et il a sor/...

Un château !

Et tout doucement, il a fait la neige sur son caillou...

Il a tourné, il a goûté, et ça a commencé à cuire, à épaissir.

Maintenant, ce n’étaient plus les pe/tes bulles d’argent qui montaient. Non ! C’étaient des bulles énormes ! Et

quand elles arrivaient, elles éclataient à la surface : POP ! PLAP ! PLOP !

Il a goûté, et il a dit :

_Je crois bien que c’est la meilleure des soupes au caillou que j’aie jamais réussi à faire ! Ah non ! C’est vrai, je me

rappelle maintenant ! La meilleure, c’était chez nous...Ah ! On avait eu de la chance : on avait de quoi me*re un

morceau de beurre dans la soupe au caillou... Hmm ! C’était quelque chose ! Mais bon. C’est vrai : on est dans un

pays où on ne sait peut-être pas ce que c’est que du beurre, alors...

_Ooooooh ! Ca suffit comme ça, dites donc ! Qu’est-ce que vous croyez ? Qu’on ne sait pas ce que c’est que du

beurre, peut-être ? On n’est pas des arriérés, tout de même !

Elle s’est levée.

Elle est repassée derrière.

Elle a sor/ les bols, les cuillères. Elle a tout posé sur la table. Et lui, il a posé la marmite au milieu, toute fumante...

Ils se sont assis ensemble.

Les yeux dans les yeux.

Eh bien, même si on vous dit un jour que les conteurs sont des menteurs, je ne vous mens pas : ce soir-là, le soldat

et la vieille ont mangé la meilleure des soupes au caillou de toute leur vie !

Et depuis ce jour-là, dans ce pays-là, quand on frappe à une autre porte que la sienne, on a pris l’habitude de dire,

à travers le bois de la porte :

« Ouvre !

Et vous serez bien reçu ! »

Dondé

Dondéri déro,

Da doun darédou.

Ouvrez,

Ouvrez la porte !

Non, ce n’est pas le vent.

Ouvrez, ouvrez la porte :

C’est un homme passant.

Non ce n’est pas du vent...

Michel HINDENOCH

Le partage

Sagesses et Malices de Nasreddine, le fou qui était sage.

Jihad Darwiche, Albin Michel

Un jour, la femme de Nasreddine dit à son mari :

- La vie dans le village est devenue intolérable : la moi/é des gens est très riche pendant que l’autre moi/é n’a pas

de quoi manger. Si toi, qui es respecté de tous, tu arrivais à les convaincre de partager leurs richesses alors,

tout le monde pourrait vivre heureux.

- Tu as absolument raison, femme, j’y vais de ce pas.

Le Hodja qui*a sa maison et ne revint que le soir, complètement épuisé.

- Alors ? l’interrogea sa femme

- Alors, j’ai réussi à convaincre les pauvres !

L’ordre des pages

Le cercle des menteurs, Jean-Claude Carrier, PLON Poche

Ce*e histoire africaine, d’origine bambara, pourrait presque s’appeler « la deuxième leçon ».

Un Peul et un Bambara, qui partageaient la même prison ; apprirent par leur gardien que l’un des deux serait châtré par ordre

du roi, et que l’autre aurait la tête coupée.

Le Peul, plus rusé que le Bambara, se mit aussitôt à se plaindre criant qu’il avait mal aux tes/cules, très mal et qu’il demandait

un soulagement. Il cria si fort que le gardien accourut, armé d’un sabre effilé et le débarrassa des deux objets de sa peine. Le

Peul souffrit cruellement tout le reste de la nuit, mais au fond de lui-même, il se réjouissait d’avoir sauvé sa tête.

Auprès de lui, le Bambara dormait pesamment.

Au ma/n, le roi les fit convoquer et leur annonça qu’ils étaient libres. Leur châ/ment était levé. Le Peul se lança dans une série

d’impréca/ons et de gémissements : le Bambara a la vie sauve s’écriait-il et moi j’ai perdu mes tes/cules !

- Il ne faut jamais lire la page 5 avant la page 4 lui dit le roi.

Le choix du silence

Un maître zen rencontra un de ses disciples, qui travaillait dans le jardin, et lui dit :

- C’est une bonne chose de choisir le silence dès le lever du jour.

- Comment sais-tu que j’ai choisi le silence ? demanda le disciple

- Je t’ai entendu, répondit le maître.

LA LOUCHE

Dans ce pe/t village provençal, dont je tairai le nom, il ne restait que le château et sept à huit vieilles maisons

encore occupées surplombées par les ruines d'un vieux fort féodal symbole de la gloire passée des anciens

seigneurs du lieu.

La pauvreté du lieu faisait la richesse des âmes!

Malgré une église et une cure presque neuve le prieur curé dans la force de l'âge s'ennuyait ferme.

Que faire de tout ce temps en ce village où la nature était elle-même une prière! où il n'y avait jamais de malade à

visiter, où mariages et extrême-onc/on étaient aussi rares qu'une pièce d'argent à la collecte des fêtes

carillonnées !

Il se murmurait parfois à la veillée que ce curé avait été muté en une sorte de pénitence, exilé par l'évêché. Il ne

/rait du lieu aucun bénéfice et s'en plaignait souvent à son évêque.

Le beau curé passait son temps à composer des récits de Noël en langue provençale et quelques chansonne*es un

peu lestes mais qui paraîtraient bien anodines aujourd'hui.

Il passait des heures à la fenêtre de la cure à contempler le coucher de soleil lorsqu'un jour on frappa à la porte:

tout émous/llé à la pensée d'une agréable visite le fringant curé se précipita pour ouvrir; Stupeur.

Devant la porte, revêtu de sa soutane viole*e portant la croix constellée se tenait l’évêque.

Le temps de dénouer sa gorge le curé s'exclama:

-" Vous ici, mon seigneur….Quel honneur…..Quelle immense joie. Mais que me vaut la visite de votre Grandeur ?

- Celle d'aller visiter nos humbles desservants de pe/tes paroisses; venir les voir vivre chez eux…..

- Monseigneur a-t-il un désir précis?

- Entre autres celui de visiter votre maison, ce presbytère qui ne peut manquer d'être le lieu de tous vos

recueillements, de toutes vos réflexions.

La visite commença par l'étage.

Là, la porte s'ouvrit sur une belle chambre encore ensoleillée aux derniers moments du couchant. Fleurs en vases,

rideaux de guipure, armoire de cœur de noyer et vaste lit à cour/nes recouvert d'un beau piqué d'ARLES…..

- Quelle est ce*e belle chambre s'étonna l'évêque?

-Ah ça ? Dit le prieur quelque peu embarrassé, mais….c'est…la chambre de Marie!

- Marie ?

- Oui, Marie, ma servante, mon humble servante…..

- Elle a une bien belle chambre dit seulement le prélat.

Tout à côté, une porte donnait sur une pièce mal éclairée, murs à la chaux, prie dieu de paille et crucifix au mur.

- Et voici ma chambre Monseigneur dit l'abbé tout sucré.

- Je reconnais là votre piété mon fils. C'est entre ces deux lieux que je reconnais la charité des purs.

Après la visite le Curé pria son évêque au repas du soir, lequel accepta.

Après une oraison à l'église on revint à la maison curiale.

Le couvert avait été mis avec soin : services de faïence d'Apt, verres de Valsaintes. Au centre de la table nappée de

lin avait été placée une louche d'argent ornée de pierreries portant les armes des Pontèves.

Ce*e pièce d'orfèvrerie unique avait été un présent de la marquise du château à la cure. Grand amateur d'art,

Monseigneur, apprécia ce*e œuvre et en fit compliment au curé.

C'est dans ce même instant que la porte de la cuisine s'ouvrit pour laisser le passage à une jeune fille, très belle,

émue mais souriante, porteuse d'une soupière fumante.

- Mais, quelle est ce*e jeune personne ?

- Ah, ça, mais c'est Marie… vous savez.

Votre Grandeur, dit le prieur, montrant ins/nc/vement du doigt le plafond; là, où à l'étage, se trouvait justement

la chambre de la domes/que.

- Mais elle n'a pas l'âge canonique !

- Oh, vous savez Monseigneur, dans nos campagnes perdues, il est difficile de se faire servir ! Nous n’avons pas le

choix !

L'évêque acheva son repas dans un religieux silence.

puis alla récupérer ses affaires à l'étage avant de se re/rer au château où il était invité pour la nuit.

Mais, voici qu'après son départ on s'aperçut que la louche d'argent, pièce unique avait disparu.

On la chercha partout toute la nuit et les trois jours qui suivirent. Rien.

Il fallut bien se rendre à l'évidence ; Monseigneur par inadvertance avait du l'emporter.

Alors n'y tenant plus au quatrième jour le beau curé de la plus belle plume de l'oie mangée avec l'évêque lui écrivit:

- Monseigneur,

Je ne dis pas que vous avez pris la louche d'argent…….

Je ne dis pas non plus, que vous n'avez pas pris la louche….

Ce que je voulais dire respectueusement, c'est que lorsque votre Grandeur nous eût qui*és nous n'avions plus la

louche…..

Veuillez…….

Quelques jours plus tard le curé du village recevait la réponse a*endue:

- Prieur Curé, mon ami,

Je ne dis pas que tu dors avec Marie…..

Je ne dis pas non plus que tu ne dors pas avec Marie… Ce que je voulais dire, c'est que si tu avais couché dans ton

lit, tu aurais trouvé la louche !!

Texte de René BRUNI. (Les contes de Mestre ARNAUD)

LEON ET SON ANE

Il était une fois, …

Léon était un paysan très pauvre, qui vivait dans une région chaude du sud de la France.

Il était pauvre, parce que depuis longtemps, le puit qui se trouvait au milieu de ses terres avait tari. Et un puit sec, ce

n’est pas bon pour la culture !

Ses champs produisaient peu, parce qu’ils n’étaient arrosés que par la pluie (puisque son puit était sec !) Et dans le

sud de la France, il ne pleut pas assez souvent pour que la récolte soit bonne ! Aussi un jour, il décide d’aller au

marché pour, avec ses maigres économies, s’acheter un animal qui l’aiderait à cul/ver sa terre.

Sur la place du marché, il y avait toute sorte d’animaux, qui aurait pu cul/ver la terre pour Léon : des bœufs, des

chevaux, des ânes … Mais les plus forts (les bœufs et les chevaux) étaient trop chers pour lui ! Alors, il s’est mis à

regarder du coté des ânes…

Au milieu de tous les ânes, il y en avait un, un peu moins beau que les autres …Mais beaucoup moins cher ! Et

comme Léon n’était pas riche, c’est vers celui-ci qu’il se dirigea d’abord. C’était une brave bête. Il était haut sur

pa*es, et regardait Léon avec l’air de lui dire : « Achète moi, tu verras comme je te serai fidèle et comme je

travaillerai bien pour toi. » Il s’appelait Alpha.

Quand Léon s’approcha d’Alpha, il sen/t tout de suite que c’était l’animal qu’il lui fallait. Et quand il dit au marchand

d’ânes qu’il lui achetait, Alpha se sen/t heureux. Et quand Alpha est heureux, il se met à braire.

Alors quand Léon le pris par la corde pour l’emmener chez lui, Alpha se mit à braire. Et il a brait tout le temps qu’ils

ont traversé ensemble le village. A la sor/e du village, Léon lui a dit de se taire !

Alpha, pour remercier son maître, de l’avoir choisi, s’est promis de faire tout ce qu’il pourrait pour éviter que son

maître ait de la peine : il lui ferait les plus beau sillons, et les plus droits, quand il /rerait la charrue, il porterait sans

rien dire, les plus lourdes charges pour qu’on son maître soit heureux … il a tenu sa promesse, et il a été fidèle à son

maître pendant au moins trente années.

Mais au bout de trente ans, le maître avait vieilli, et lui aussi. Son maître, maintenant ronchonnait souvent, et était

devenu exigeant. Et lui, avait maintenant très mal aux genoux, de plus en plus de difficultés à /rer de lourdes

charges, et il y voyait de moins en moins. Ce qu’il appréciait, maintenant, c’était sommeiller à l’ombre du vieil

olivier, tout au fond du champ, et ne rentrer que le soir, quand son maître l’appelait pour lui servir un peu d’avoine.

Mais, ce soir là, quand il a entendu appeler, alpha s’est précipité lentement vers la maison de son maître, en

pensant à l’écuelle d’avoine qu’il aurait en arrivant. Tout absorbé qu’il était dans ses pensées, il n’a pas vu le puit qui

se trouvait au beau milieu du champ, et qu’il connaissait pourtant bien ! si bien, que lorsqu’il s’est sen/ tombé au

fond du puits, il était tellement désemparé, qu’il s’est mis à braire pour appeler son maître au secours.

Mais quand Léon est arrivé au bord du puits, et qu’il a vu Alpha au fond, il s’est demandé comment il allait bien

pouvoir faire pour le sor/r de là ? S’il le /rait avec une corde, ce qui lui vint en premier à l’esprit et qui lui paraissait

le plus évident, il allait certainement lui casser une pa*e ! Il faudrait faire venir le vétérinaire. Cela allait lui coûter

de l’argent, et de l’argent il n’en avait déjà pas beaucoup ! … Et un âne, avec une pa*e cassée, il ne pourrait plus

rien en faire, et il serait obligé de demander au vétérinaire de l’aba*re !

Alors, il lui vint une idée horrible ! Qu’il chassa de son esprit, une première fois, mais qui revint bien vite et l’obséda

bientôt : Perdu pour perdu, il n’avait qu’à laisser son âne au fond du trou, puisque de toute façon, le puit était sec,

et qu’il ne lui servait plus à rien depuis longtemps ! Il n’aurait ainsi pas à payer le vétérinaire, … et puisque de toute

façon, son âne allait mourir !

Seulement, pour ne pas l’entendre braire, il décida de l’enterrer au fond du puit.

Il y avait à coté du puit, un tas de terre, qui était là depuis qu’il avait essayé de creuser le puit davantage, voilà au

moins dix ans.

Il prit la pelle qui était à proximité et jeta une première pelletée, puis une deuxième, puis …

Au fond du puit, Alpha en recevant la première pelletée de terre se dit : que mon maître est bon : une pelletée, une

marche, deux pelletée, deux marches … et il commença ainsi tranquillement à monter sur la terre tout au fond du

puit, en remerciant intérieurement son maître, qu’il trouvait si bon d’avoir ainsi trouvé ce*e façon de le sauver ! et

à chaque fois qu’il montait sur une nouvelle pelletée de terre, il se me*ait à braire.

Léon, pendant ce temps, con/nuait à jeter de la terre dans le puit, se disant qu’il ne s’arrêterait que lorsqu’il

n’entendrait plus Alpha braire.

Quelle ne fut pas sa surprise au milieu de la nuit quand il sen/t le souffle chaud d’Alpha arriver sur son visage. Les

deux se trouvèrent bientôt face à face, et la lueur que crut voir Alpha, reconnaissant, dans les yeux de son maître

n’avait sans doute pas la significa/on qu’il lui donnait.

Depuis, les deux vivent paisiblement ensemble, au beau milieu des terres arides qu’ils ont cul/vés ensemble

pendant tant et tant d’années.

Ce conte, je le dédie à tous les naïfs, à tous ceux qui croient que le monde est beau, que tout va pour le mieux dans

le meilleur des mondes, et que les hommes sont naturellement bons depuis toujours et incondi/onnellement.

Con/nuez à penser cela ! C’est sans doute grâce à vous qu’ils le deviendront peut-être un jour !

Le Plus Gros Gros Mot du Monde

Umbabahié est un pe/t garçon qui vit dans une pe/te maison, construite au bord d’une grande forêt.

Comme tous les pe/ts garçons de son pays, il a une peau noire et brillante, des cheveux très frisés. Il a aussi une

bouche fine qui laisse entrevoir des dents bien blanches, un pe/t nez tout rond, et de grands yeux noirs qui

illuminent tout son visage. Et puis, il a surtout, depuis qu’il est né, un large sourire qui ne le qui*e pas, du ma/n au

soir.

Ce jour là, Umbabahié se promenait seul dans la forêt, quand il voit arriver en face de lui, un homme qui

marchait avec peine, comme courbé sous le poids d’un immense fardeau invisible.

Lorsqu’il arrive tout près de lui, Umbabahié lui demande :

« Alors, ça va ? »

« Oh, pour la santé, ça va, mais pour le reste … C’est bien moi, qui l’ai le plus gros, gros mot du monde ! »

« Ah, bon, dit Oumbabahié, et quel est-il ? »

Alors, l’homme se penche vers Oumbabahié et lui murmure à l’oreille, le plus gros

gros mot du monde. Et avant qu’Umbabahié n’ait pu rien dire, ni rien faire, il part en courant dans la forêt.

C’est à ce moment là, qu’Umbabahié a ressen/ sur ses épaules, comme un lourd fardeau. Son sourire l’a

qui*é, son dos s’est courbé, et Umbabahié a con/nué à marcher seul dans la forêt, à grand - peine.

Pauvre Umbabahié, c’est bien lui qui l’a maintenant, le plus gros gros mot du monde ! Et il se promenait

ainsi dans la forêt, quand il voit arriver en face de lui, un dromadaire.

Je vous parle d’un temps, il y a bien longtemps, où les dromadaires avaient le dos plat (comme le dos de ma

main).

Il voit Umbabahié qui marchait avec peine, courbé sous le poids de son immense fardeau. Il s’approche de

lui, et lui demande :

« Alors, Umbabahié, ça va ? »

« Oh, pour la santé, ça va, mais pour le reste … C’est bien moi, qui l’ai le plus gros, gros mot du monde ! »

« Ah, bon, dit le dromadaire, mais quel est-il, ce plus gros gros mot du monde ? »

Alors, Oumbabahié se penche vers le dromadaire, et lui murmure à l’oreille, le plus gros gros mot du

monde. En entendant cela, ça lui a fait un drôle d’effet au dromadaire. Car, il avait certes, le dos plat, mais il

l’avait fragile aussi ! Alors, son dos s’est déformé, et une grosse bosse est apparue en plein milieu du dos du

dromadaire.

Aussitôt, il a dit aussitôt à Oumbabahié :

- « T’as vu ce que ça me fait, ton plus gros gros mot du monde … tu ne peux pas me laisser comme ça.

Reprends le vite ! »

Et avant qu’Umbabahié n’ait rien pu dire, ni faire, le dromadaire lui a rendu son plus gros gros mot du

monde, et il est par/ en courant dans la forêt.

Mais, sa bosse, il l’a gardée … et c’est depuis ce jour, que les dromadaires ont une bosse sur le dos.

Pauvre Umbabahié, c’est bien lui qui l’a, le plus gros gros mot du monde ! Et il se promenait ainsi dans la

forêt, quand il voit arriver en face de lui, une girafe.

Je vous parle d’un temps, il y a bien longtemps, où les girafes avaient le coup tout pe/t, pas plus gros ni plus

long que celui d’un chien ou d’un chat.

Elle voit Umbabahié, qui marchait avec peine, courbé sous le poids de son immense fardeau. Et lorsqu’elle

arrive tout près de lui, elle lui demande :

« Alors, Umbabahié, ça va ? »

« Oh, pour la santé, ça va, mais pour le reste … C’est bien moi, qui l’ai le plus gros, gros mot du monde ! »

« Ah, bon, dit la girafe, et quel est-il ? »

Alors, Oumbabahié se penche vers la girafe, et lui murmure à l’oreille, le plus gros gros mot du monde. La

girafe, elle était un peu collet monté, si bien que ça lui a fait un drôle d’effet d’entendre ce plus gros gros

mot du monde. Ça la serre, ça l’étrangle, et elle se fro*e et se gra*e le cou, si bien que son cou se met à

grandir, à grandir …

Elle dit aussitôt à Oumbabahié :

- « T’as vu ce que ça me fait ton plus gros gros mot du monde … tu ne peux pas me laisser comme ça.

Reprends le vite ! »

Et avant qu’Umbabahié n’aie pu rien dire, ni faire, la girafe lui a rendu son plus gros gros mot du monde, et

elle est par/e en courant dans la forêt.

Mais, son grand cou, elle l’a gardé. Et c’est depuis ce jour que les girafes ont un grand cou.

Pauvre Umbabahié, c’est bien lui qui l’a toujours, le plus gros gros mot du monde ! Il se promenait ainsi dans

la forêt, quand il voit arriver en face de lui, un crocodile.

Je vous parle d’un temps, il y a bien longtemps, où les crocodiles étaient joyeux, et couraient et chantaient

tout le temps.

Quand il voir Umbabahié, qui marchait avec peine, courbé sous le poids de son immense fardeau, il

s’approche de lui, et lui demande :

« Alors, Umbabahié, ça va ? »

« Oh, pour la santé, ça va, mais pour le reste … C’est bien moi, qui l’ai le plus gros, gros mot du monde ! »

« Ah, bon, dit le crocodile, et quel est-il ? »

Alors, Oumbabahié se penche vers le crocodile, et lui murmure à l’oreille, le plus gros gros mot du monde.

Mais le crocodile, en entendant cela, ça lui a fait un drôle d’effet : Il s’est mis à pleurer, de grosses larmes, et

il a dit aussitôt à Oumbabahié :

- « T’as vu ce que ça me fait ton plus gros gros mot du monde … tu ne peux pas me laisser comme ça.

Reprends le vite ! »

Et avant qu’Umbabahié n’ait pu rien dire, ni rien faire, le crocodile lui a rendu son plus gros gros mot du

monde, et il est repar/ dans la forêt, en chantant.

Mais, c’est depuis ce jour, qu’on sait que ce sont les crocodiles, qui ont les plus grosses larmes du monde !

Pauvre Umbabahié, c’est bien lui qui l’a, le plus gros gros mot du monde ! Il con/nuait à se promener ainsi

dans la forêt, quand il voit arriver en face de lui, une hyène.

Je vous parle d’un temps, il y a bien longtemps, où les hyènes se promenaient et couraient dans la forêt sans

se faire remarquer, et sans faire de bruit, à la recherche de leur nourriture.

Quand elle vit Oumbabahié, qui marchait avec peine, courbé sous le poids de son immense fardeau, elle

s’approcha de lui, et lui dit :

- « Alors, ça va ? »

« Oh, pour la santé, ça va, mais pour le reste … C’est bien moi, qui l’ai le plus gros, gros mot du monde ! »

« Ah, bon, dit la hyène, et quel est-il ? »

Alors, Oumbabahié se penche vers la hyène, et lui murmure à l’oreille, le plus gros gros mot du monde. Ça

lui a fait un drôle d’effet à la hyène : en entendant ce plus gros gros mot du monde, elle se met à rire

nerveusement sans pouvoir s’arrêter.

Elle dit aussitôt à Oumbabahié, entre deux fou- rires :

- « T’as vu ce que ça me fait ton plus gros gros mot du monde … tu ne peux pas me laisser comme ça.

Reprends le vite !

Et avant qu’Umbabahié n’ait pu rien dire, ni rien faire, la hyène lui a rendu son plus gros gros mot du

monde, et elle est par/e en riant dans la forêt.

Et c’est depuis ce jour que les hyènes ont ce rire qu’on leur connaît.

Pauvre Umbabahié, c’est toujours lui qui l’a, le plus gros gros mot du monde ! Et il con/nuait à se promener

ainsi dans la forêt, espérant pouvoir le donner à quelqu’un et s’en débarrasser … Quand il voit arriver en face de lui,

un sss… serpent, qui arrive en sss …sifflant.

Je vous parle d’un temps, il y a bien longtemps, où les serpents avaient une rangée de pa*es, de chaque

coté tout le long de leur corps. Si bien que les serpents, en ce temps là, bougeaient toutes les pa*es du même coté

en même temps, comme cela, ils marchaient très vite.

Quand il voit Umbabahié, qui marchait avec peine, courbé sous le poids de son fardeau, il s’approche de lui,

et lui demande :

« Alors, ça va ? »

« Oh, pour la santé, ça va, mais pour le reste … C’est bien moi, qui l’ai le plus gros, gros mot du monde ! »

« Ah, bon, dit le serpent, et quel est-il ? »

Alors, Oumbabahié se penche vers le serpent, et lui murmure à l’oreille, le plus gros gros mot du monde. Ça

lui a fait un drôle d’effet au serpent : ça lui coupe les pa*es, et ça le fait se tor/ller dans tous les sens, pour

avancer. Si bien qu’il dit aussitôt à Oumbabahié :

- « T’as vu ce que ça me fait ton plus gros gros mot du monde … Reprends le vite ! »

Il rend le plus gros gros mot du monde à Umbabahié, et il repart dans la forêt, en sifflant et en rampant.

C’est depuis ce jour, que les serpents n’ont plus de pa*es, et qu’ils rampent sur le sol.

Pauvre Umbabahié, c’est toujours lui qui l’a, le plus gros gros mot du monde ! Et il n’arrive pas à s’en

débarrasser ! Quand, soudain, il voit arriver en face de lui, une tortue.

Je vous parle d’un temps, il y a bien longtemps, où les tortues étaient très bavardes, et elles couraient de

partout en disant du mal de tous les autres animaux qu’elles connaissaient, aussi bien de leurs amis, que de leurs

ennemis.

Quand elle voit Umbabahié, qui marchait à grand peine, elle s’approche et lui demande :

« Alors, Umbabahié, ça n’a pas l’air d’aller ? »

« Oh, pour la santé, ça va, mais pour le reste … C’est bien moi, qui l’ai le plus gros, gros mot du monde ! »

« Ah, bon, dit la tortue, est-ce que je peux faire quelque chose pour toi ? »

« Oui, répond Oumbabahié, tu pourrais le prendre, toi, le plus gros gros mot du monde ! »

« Ben, si tu veux, dit la tortue, je le répèterai aux autres tortues ! »

Alors, Oumbabahié se penche vers la tortue, lui murmure à l’oreille, le plus gros gros mot du monde. Et sans

a*endre qu’elle réagisse, Oumbabahié part en courant dans la forêt, sans se retourner …

Mais quand la tortue a eu le plus gros gros mot du monde, ça lui a fait un drôle d’effet, à la tortue … ça lui a

coupé le souffle, si bien qu’elle ne pouvait plus dire un seul mot, et qu’elle n’a plus pu courir

Et c’est depuis ce jour, que les tortues marchent très lentement, et qu’elles sont mue*es.

… Vous voudriez bien le connaître, le plus gros gros mot du monde ?

Et bien, je ne peux pas vous le dire (je ne le connais pas !)

Allez le demander à la tortue, c’est elle qui l’a … le plus gros gros mot du monde.

Le miroir

Grégoire habitait avec ses parents dans la ferme familiale. Il vivait là paisiblement, et appréciait ce*e vie au

grand air, et le contact avec les animaux. Mais depuis quelques années, tous les jeunes partaient à la ville, pour

trouver, disaient-ils une vie plus facile. C'était "l'exode rural" !

Grégoire ne les comprenait pas. Son désir était de rester vivre au village, comme l'avaient fait ses parents et ses

grands parents. Et tans pis si la vie est un peu plus dure.

Et puis, il y a eu ce*e maladie, qui a touché les bêtes : les moutons mourraient les uns après les autres, sans

qu'aucun traitement, ni aucun soin n'y puisse quelque chose ... La ferme était pe/te, les revenus ne perme*aient

pas d'envisager sereinement l'inves/ssement dans un nouveau troupeau. Alors, sur les conseils de ses parents,

Grégoire a dû se résigner à faire comme tous ses copains avaient fait avant lui.

Un beau ma/n, il est par/. A regret, il a fermé la porte derrière lui, laissant ses parents qui le regardaient derrière la

fenêtre, et sans se retourner, il s'est dirigé vers la sor/e du village. Mais là, plutôt que de suivre la route comme

l'avaient fait tous les jeunes avant lui, il a pris le sen/er de la montagne. C'était sa façon à lui de dire "au revoir" à

ce*e région qui l'avait vu naître et qu'il aimait temps ! Pour combien de temps allait-il en être séparé ?

Il a marché lentement dans les pâturages, puis, il a traversé les bois, et quand il en est sor/, et qu' il a posé son

premier pas sur le pierrier, il a vu que le ciel s'obscurcissait et que l'orage approchait. Des orages, il en avait connu

tant et tant qu'il n'y pris garde, mais quand il est arrivé au col, la pluie lui giflait le visage au point de lui faire mal, et

le tonnerre grondait de tous les cotés autour le lui. Les nuages et le brouillard l'entouraient lui laissant à peine assez

de visibilité pour trouver son chemin, si bien qu'au bout de quelques pas encore, il eut l'impression qu'il ne marchait

plus dans la bonne direc/on.

C'est à ce moment là, qu'il a sen/ une main lui saisir le bras droit, et l'aIrer à l'abri dans une toute pe/te maison,

bâ/e là à flan de montagne. Un vieux le regardait et une vieille lui tendait un grand bol de soupe fumante. "Merci !"

dit-il, "vous m'avez sauvé la vie". "N'exagère pas !", répondit simplement le vieux, "mais il est plus prudent que tu

dormes là ce soir. Demain, l'orage sera passé, tu pourras repar/r tranquillement".

On lui prépara un coin pour dormir. La nuit fut calme, et le lendemain ma/n, quand il se réveilla et pointa le nez

dehors, le ciel était dégagé et le soleil brillait à nouveau. Il reprit son chemin. Le soir même, il arriva à la ville et se

mit en quête d'un toit et d'un travail. Le lendemain, il commençait à l'usine, où il retrouva de nombreux jeunes de

son village.

Il y travailla quelques mois. Il était aimé de ses collègues, et apprécié par ses patrons. Mais sa montagne lui

manquait ... Il savait que sa vie n'était pas ici !

Un jour, il décida de repar/r. Il demanda son compte, fit son baluchon, mais avant de repar/r, il repensa aux pe/ts

vieux de la montagne qui lui avaient sauvé la vie. Il se demandait s'il allait les revoir en passant le col. Il décida de

leur rapporter un cadeau pour les remercier. Il se rendit au marché. Il cherchait quelque chose qui leur fasse plaisir,

quand il se trouva devant un miroir. Un miroir ! Il n'en avait pas vu dans la pe/te maison. Il l'acheta donc, fit faire un

beau paquet et l'enveloppa soigneusement pour ne pas le briser pendant sa longue marche. Puis il se mit en

chemin ...

Quand il arriva au col, il chercha la pe/te maison, et vit le vieux assis devant sa porte, à prendre le soleil. La vieille

n'était pas là, elle courait dans la montagne pour ramasser des herbes sauvages. Il donna le paquet bien enveloppé

au pe/t vieux sans lui dire ce qu'il renfermait, et s'en remit en chemin, pour arriver chez lui avant la nuit.

Le vieux avait posé le paquet bien enveloppé sur la table. La vieille n'arrivait pas, et comme il était curieux, il décida

de regarder ce qui se trouvait à l'intérieur. Il déplia le papier, et au milieu : ... "Comme c'est gen/l, dit-il, il a trouvé

un portrait de mon père !" Il refit le paquet. Mais il réfléchit ... Ma vieille, elle ne l'aimait pas vraiment mon père ! ça

ne va pas lui faire plaisir, peut-être même que ça va la contrarier ! Alors, il monta au grenier, et cacha le paquet sur

la vieille armoire. Et quand la vieille arriva, il ne dit rien.

Chaque jour, il montait au grenier, contempler ... le portrait de son père. La vieille ne disait rien, mais elle avait

remarqué ses allées et venues. Alors, un jour, elle prétexta qu'elle avait besoin de quelque chose, et l'envoya faire

des commissions. Elle savait qu'ainsi, il serait absent pendant plusieurs heures. Elle monta au grenier à son tour, et

chercha ce qui pouvait bien aIrer ainsi son mari chaque jour. Elle ne tarda pas à découvrir le paquet sur le dessus

de la vieille armoire. Elle s'en saisit, ouvrit le papier et prit le miroir à deux mains devant elle ... Ce qui la mit très en

colère : "Je me doutais bien, dit-elle, qu'il y avait une histoire de femme là dessous !" Puis, elle se ravisa, regarda la

femme droit dans les yeux et dit : "Oh, celle-là, elle est trop vieille, je le connais mon homme ! Avec elle, je n'ai rien

à craindre !" Et quand le pe/t vieux revint, le miroir était à sa place sur l'armoire, et elle ne lui parla de rien.

Et ils ont con/nué à vivre paisiblement, sans jamais parler du miroir. D'ailleurs, ils ne savent sans doute pas, que

c'était un miroir ! C'est ainsi que naissent les secrets de familles.

Le Pe't Prince malade

Il était une fois, un roi et une reine qui habitaient un très beau château. Comme ils

avaient beaucoup d'amis, ils organisaient souvent de grandes fêtes, dans lesquelles ils

invitaient leurs amis, leurs voisins, ... Et tous les soirs, il y avait des troubadours, des

musiciens, des jongleurs, des magiciens, des montreurs d'ours, et parfois même des conteurs. Après la fête, tous se

retrouvaient autour de la table sur laquelle des mets délicieux étaient dressés.

Et puis un jour, ce roi et ce*e reine que tout le monde aimait ont eu un fils. Les invités avaient très envie de

connaitre ce pe/t prince, mais la reine le gardait dans la chambre. Il n'est apparu que lorsque ses oreilles ont pu

entendre les contes jusqu'au bout sans avoir peur, et ses yeux voir les ours se dresser sans s'effrayer. Le pe/t

prince, ensuite venait chaque jour un moment à la fête. Il était l'a*en/on de tous les invités.

Mais un jour, le roi et la reine sont venus seuls. Personne n'a osé poser de ques/on ... Et le lendemain

encore ! Le troisième jour, la reine a dit : "le pe/t prince est malade !" et le roi a ajouté : "pendant quelques jours,

nous allons cesser de nous retrouver. La reine et moi voulons consacrer tout notre temps pour soigner le pe/t

prince."

Alors, les conteurs, les montreurs d'ours et les musiciens ont qui*é le château, et sont repar/s sur les

chemins.

Alors, le roi a convoqué le plus grand médecin du royaume, et lui a demandé de guérir le pe/t prince. Il est

entré, avec son grand chapeau, son grand manteau et sa grosse valise, il a ausculté le pe/t prince, lui a donné un

médicament, en disant "Demain, je reviendrai, et le pe/t prince sera guéri." Mais le lendemain, le pe/t prince

n'était pas guéri !

Le roi a chassé le grand médecin, et il a fait venir le deuxième médecin du royaume. Il avait un chapeau un

peu moins grand, un manteau un peu plus court. Il a regardé, lui a donné deux médicaments et il a dit : "Il faut que

le pe/t prince prenne ces deux médicaments. Dans deux jours, je reviendrai : le pe/t prince sera guéri. Mais quand

il est revenu deux jours après, le pe/t prince n'était pas guéri !

Le roi a chassé ce deuxième médecin, et il a fait venir le troisième médecin du royaume. Il avait un tout pe/t

chapeau, un pe/t manteau, et une toute pe/te valise. Il a regardé le pe/t prince, lui a donné trois médicaments, et

il a dit : "Dans trois jours, je reviendrai, le pe/t prince sera guéri." Mais quand le médecin est revenu trois jours

après le pe/t prince n'était pas guéri !

Quand le roi a eu chassé le troisième médecin, c'est la reine qui a proposé au

roi, de faire venir le guérisseur. Le roi n'y croyait pas, mais il a fait ce que la reine lui

demandait. Le guérisseur est arrivé : il n'avait qu'une veste, pas de chapeau, et un

tout pe/t sac. Il a longuement regardé le pe/t prince, lui a posé plusieurs ques/ons,

puis il a dit au roi et à la reine : " Votre enfant n'est pas malade. Mais si vous voulez

qu'il aille mieux, il faut lui donner tout ce qu'il veut, et surtout accomplir son désir le

plus cher."

Quand il a été par/, le roi a haussé les épaules, mais il est allé avec la reine demander au pe/t prince quel

était son désir le plus cher. Le pe/t prince n'avait pas de désir, mais quand il a vu la lune passer devant la fenêtre, il

a dit : "Je voudrais bien qu'on m'a*rape la lune."

Alors, le roi a réuni tous ses soldats dans la grande pièce du château, et leur

a ordonné d'a*raper la lune. Aussitôt, les soldats sont montés sur les toits et sur

les tours, et ils ont essayé d'a*raper la lune. Mais elle est passée, et ils ne sont pas

arrivés à l'a*raper.

Le lendemain ma/n, quand ils ont été réunis dans la grande pièce, le roi s'est mis en colère et les a chassés.

Puis il a ordonné qu'on lui amène tous les chats du royaume. Et quand ils ont tous été dans une grande cage, il leur

a fait la même demande qu'aux soldats, la veille. Et les chats sont par/s sur les toits et sur les tours du château ...

Mais ils ne sont pas arrivés à a*raper la lune. Et le lendemain ma/n, quand le roi est entré dans la grande pièce, il

n'y avait aucun chat : le roi a compris qu'ils n'avaient pas réussi à a*raper la lune.

C'est la reine, qui a dit alors : "Ce soir, c'est moi qui m'occuperait de la lune." Et quand le roi a été couché, la

reine est descendue seule dans la cuisine. Elle a pris de la farine, du beurre, ... et elle a fabriqué une belle gale*e

bien ronde, qu'elle a mise au four. Elle a surveillé la cuisson, puis elle est allée se coucher.

Et le lendemain ma/n, le roi et elle, ont porté la gale*e bien dorée dans la chambre du pe/t prince, et l'ont

posée sur son lit. Quand le pe/t prince s'est réveillé, il a sen/ la bonne odeur ... Il a gouté, gouté encore, ... si bien

qu'au bout d'un moment, il ne restait plus qu'un croissant. Puis, il en a mangé encore, jusqu'à ce qu'il n'y ait plus

que quelques mie*es.

Alors, il a posé un pied par terre, puis, l'autre, ... et il s'est levé, ... est allé se promener dans le château,

demandant où étaient les invités. "Demain, ils reviendront." S’est engagé le roi.

Le pe/t prince a parcouru tous les couloirs du château, jusqu'au soir. Comme il était bien fa/gué, il est

retourné dans sa chambre. Et quand il s'est assis sur le bord de son lit, il s'est mis à réfléchir, et deux larmes ont

glissé sur ses joues ... "A quoi penses-tu ?" a demandé la reine.

"Maintenant que j'ai mangé la lune, elle ne viendra pas pour éclairer la nuit ! Et si un autre prince est malade,

il n'y aura plus de lune pour le soigner !" La reine a réfléchi, puis elle a dit : "Peut-être que les lunes repoussent !"

Alors, le pe/t prince est resté assis sur son lit, à scruter le ciel par la fenêtre. Et bientôt, il a vu une lumière

qui apparaissait, puis la lune qui passait devant la fenêtre. Alors, il s'est couché, rassuré.

... Il parait qu'aujourd'hui, les pe/ts princes ne vivent plus dans des châteaux, et qu'on peut parfois même les

rencontrer dans la rue. Si vous en croisez un, un jour, et s'il vous parle de la lune, ne lui racontez pas ce*e

histoire ... C'est un secret !

Quand un conte est fa/gué

D’aller d’une bouche à une oreille

Et de ce*e oreille à une autre bouche…

Il saute sur une rafale de vent

Et se laisse porter …

(…) … jusqu’à ce que la nostalgie

Des hommes le prenne

Et qu’il désire retourner

Vivre dans les mémoires,

Vibrer de nouveau dans les voix.

La cage aux contes

Ce dossier a été réalisé à par/r de documents fournis par Jany Neveux, membre du Conseil

d’administra/on. C’est lui qui a mené les ateliers pédagogiques OCCE sur « l’expression orale ».

La mise en page a été élaborée par Mélanie Chizelle, assistance de ges/on adjointe, à l’OCCE 38.

Avec la par/cipa/on de : Cyril, Virginie, Françoise, Pascale, Céline, Aline, Marie-Agnès, Catherine, Audrey,

Patrick, Annie, Laurence, Barbara et Perrine.